CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 17 juin 2013, n° 11-05281
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gan Assurances (SA), Association des Parents d'Enfants et Adultes Handicapés de Marignane
Défendeur :
Pitin (Epoux), Rey (ès qual.), Comasud (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Milhet
Conseillers :
MM. Beauclair, Crabol
Avocats :
SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri, SCP Larrat, SCP Rives Podesta, Mes de Lamy, Imbert, Moretto, Dessart, Cabiran-Marty
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté le 7 novembre 2011 par la compagnie Gan Assurances à l'encontre d'un jugement du Tribunal de grande instance de Toulouse en date du 12 août 2011.
Vu les conclusions de la SA Gan Assurances en date du 5 juillet 2012.
Vu les conclusions des époux Michel Pitin et Chantal Salandini en date du 21 mars 2012.
Vu les conclusions de Maître Rey ès-qualité de mandataire liquidateur de la SA Lagon en date du 30 mars 2012.
Vu les conclusions de l'association APEAHM CAT La Garrigue (l'APEAHM) en date du 24 mai 2012.
Vu les conclusions de la SA Comasud venant aux droits de la SA Dubois Matériaux en date du 26 mars 2012.
Vu l'ordonnance de clôture du 23 octobre 2012 pour l'audience de plaidoiries fixée au 19 novembre 2012 reportée au 15 avril 2013.
Suivant factures en date du 12 avril 2005, les époux Pitin Salandini ont fait l'acquisition d'une piscine ossature bois auprès de la SA Lagon.
Selon devis en date du 20 février 2003 la SA Lagon avait passé commande auprès de l'APEAHM CAT La Garrigue d'une ossature et de margelles en bois. L'APEAHM a conçu fabriqué l'ossature bois.
Selon bon de commande en date du 10 janvier 2005 l'APEAHM a commandé à la société Dubois Matériaux du bois séraya.
Début 2009, les époux Pitin ont constaté que le bois de la piscine était en train de se dégrader. Ils ont saisi le juge des référés, lequel a désigné Monsieur Paludetto en qualité d'expert par ordonnance en date du 20 août 2009. Le rapport d'expertise a été déposé le 3 mai 2010.
En lecture du rapport, les époux Pitin demandent réparation de leur préjudice.
Par jugement en date du 12 août 2011, le Tribunal de grande instance de Toulouse a :
- reçu l'intervention volontaire de la SA Comasud venant aux droits de la SA Dubois Matériaux ;
- l'a mise hors de cause ;
- condamné l'APEAHM à payer à la SA Comasud la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- déclaré la SA Lagon et l'APEAHM, responsables des désordres affectant la piscine ;
- fixé la créance des époux Pitin à la liquidation de la SA Lagon à la somme de 36 253,60 euros ;
- condamné l'APEAHM à payer aux époux Pitin les sommes de :
* 33 253,60 euros au titre des travaux de reprise
* 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance
* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamné le Gan Assurances à garantir l'APEAHM de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
- condamné solidairement la SA Lagon, l'APEAHM et le Gan aux dépens qui comprendront les frais d'expertise ;
- dit que dans les rapports entre la SA Lagon et l'APEAHM, cette dernière supportera la charge définitive des condamnations ;
- débouté la SA Lagon de sa demande contre l'APEAHM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire.
La compagnie Gan Assurances demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le Gan Assurances à relever et garantir l'APEAHM de toutes les condamnations prononcées à son encontre et condamné solidairement la SA Lagon, l'APEAHM et le Gan Assurances aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
- dire que les conditions de la garantie du Gan ne sont pas réunies.
- débouter l'APEAHM de son appel en cause et en garantie.
- la condamner à payer au Gan la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Cantaloube Cerri.
- à titre subsidiaire, dire que les condamnations éventuellement prononcées contre le Gan Assurances seront nécessairement limitées au titre du plafond de garantie contractuel de 152 449,02 euros par année d'assurance, tous dommages confondus, quel que soit le nombre de sinistres, avec une franchise de 152,45 euro minimum de 762,25 euro maximum.
La compagnie Gan Assurances fait valoir que :
- la responsabilité de l'APEAHM n'est pas la seule qui puisse être retenue, la SA Lagon est le concepteur de la piscine et vante le bois de méranti, et la société Comasud vendeur professionnel du bois aurait dû alerter l'APEAHM sur l'inadéquation de la nuance Seraya White avec l'usage auquel ce bois était destiné.
- les conditions particulières de la police souscrite par l'APEAHM comporte une exclusion de garantie pour les dommages éventuels résultant d'une non-conformité d'un matériel, et le bois de white méranti séraya white de classe 2 n'est pas conforme à la construction d'une ossature de piscine en bois. Il y a donc manquement de l'assuré à la réglementation en vigueur normes NF EN 335-1 et 335-2 applicables en matière de sécurité des piscines en kit hors sol applicables depuis 1992.
- l'article B de l'extension de garantie exclut le coût de remplacement du produit et les frais de dépose et de repose.
- les dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels non garantis, ne sauraient être garantis.
- l'intervention de la compagnie lors des opérations d'expertise ne vaut pas reconnaissance implicite de sa garantie. Il ne peut être reproché un manquement de la compagnie à son obligation d'information et de conseil alors que le sinistre résulte d'un fait volontaire de l'assuré.
- il convient de faire application des plafonds de garantie.
Les époux Pitin demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris.
- en conséquence, déclarer la SA Lagon et l'APEAHM, responsables in solidum des désordres affectant la piscine.
- condamner l'APEAHM à payer à payer aux époux Pitin :
* la somme de 33 253,60 euros au titre des travaux de réfection.
* la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice personnel de jouissance ;
* la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- fixer la créance des époux Pitin à la liquidation judiciaire de la SA Lagon à la somme de 36 253,60 euros.
- condamner l'APEAHM aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.
- dire que dans les rapports entre la SA Lagon et l'APEAHM et Gan Assurances cette dernière supportera la charge définitive des condamnations.
- y ajoutant, condamner l'APEAHM à payer aux époux Pitin la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner l'APEAHM aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Rives Podesta.
Les époux Pitin font valoir que :
- la SA Lagon a vendu et installé la piscine laquelle est inutilisable, sa responsabilité est engagée. Le bois est pourri non seulement dans la partie enterrée mais dans les parties ne nécessitant un conditionnement particulier.
- l'APEAHM, professionnel du bois, a manqué à son obligation d'information et de conseil, sur la livraison du bois de méranti de classe 2 à la SA Lagon constructeur de piscines en aluminium et maçon.
- les mentions du site de la SA Lagon ou celles de sa plaquette ne permettent pas de considérer que ladite SA avait une connaissance des caractéristiques des bois livrés, en l'espèce du méranti seraya white dont la densité interdit qu'il soit utilisé en extérieur et en milieu humide.
- le tiers au contrat peut invoquer sur le fondement délictuel le manquement contractuel qui lui a causé préjudice.
- le premier juge a justement évalué le préjudice subi.
- à titre subsidiaire, les époux Pitin ont une action directe contre l'APEAHM en leur qualité de sous-acquéreur de la SA Lagon, et peuvent donc se prévaloir du défaut de conformité de la chose livrée, subsidiairement le bien vendu est affecté d'un vice caché que n'ignorait pas l'APEAHM, et l'action a été engagée dans le délai de deux ans de l'article 1648.
Maître Rey ès-qualités de liquidateur de la SA Lagon demande à la cour de :
- réformant le jugement dire l'APEAHM seule responsable des désordres.
- en conséquence prononcer la mise hors de cause de la SA Lagon.
- subsidiairement si par impossible la responsabilité de la SA Lagon était retenue, condamner l'APEAHM à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre et fixées au passif de sa liquidation judiciaire.
- condamner les parties succombantes à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître Dessart.
Maître Rey ès qualités de liquidateur de la SA Lagon fait valoir que :
- la cause du désordre est imputable à la seule APEAHM qui a utilisé un bois impropre à l'usage auquel il était destiné.
- l'APEAHM est un professionnel du bois contrairement à la SA Lagon, elle a seule choisi l'essence incriminée.
L'association APEAHM CAT La Garrigue demande à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :
- vu le rapport d'expertise et les pièces versées aux débats (pièces n° 1 à 17),
- recevoir l'Association des Parents d'Enfants et Adultes Handicapés de Marignane, dit APEAHM, en son appel à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Toulouse le 12 août 2011.
- y faisant droit, constater que l'expert judiciaire n'a pas vérifié la classification du bois utilisé et n'a donc pu valablement conclure à sa non-conformité.
- en conséquence, réformer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux Pitin diverses sommes au titre de travaux de reprise, préjudice de jouissance, article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'une indemnité du dernier chef à la SA Comasud.
- dire irrecevable l'action intentée sur le fondement des dispositions des articles 1604 et 1615 du Code civil, en l'état de l'acceptation sans réserve de la marchandise livrée par l'acquéreur et de l'absence de manquement dans le cadre de l'obligation de délivrance.
- dans le cas où il serait jugé que l'origine des désordres provient du bois Méranti, constater qu'il ne peut s'agir d'un vice caché dans la mesure où c'est l'acquéreur lui-même soit la société Piscines Lagon qui a choisi et passé commande du bois Méranti en toute connaissance de sa qualité de professionnel de la piscine et que les époux Pitin, sous acquéreur, ne sauraient avoir plus de droits que leur auteur.
- débouter les époux Pitin des demandes formulées à l'encontre de l'APEAHM, simple fabricant et fournisseur de l'ossature bois de la piscine commandée à la Société Piscines Lagon, maître d'œuvre, et donc seule responsable vis à vis du maître d'ouvrage, de la conception, de la réalisation et du choix des matériaux concernant la piscine.
- à titre subsidiaire, déclarer la Société Piscines Lagon entièrement responsable du choix du bois et par conséquent des désordres constatés.
- à titre infiniment subsidiaire, en cas de partage de responsabilité entre la Société Piscines Lagon, maître d'œuvre, et l'APEAHM, dire que l''APEAHM ne pourra, dans ce cas, qu'être condamnée à prendre à sa charge les conséquences financières équivalentes à la fourniture et la pose d'une structure en bois de classe 4 à hauteur de 5 700 euros, étant précisé qu'aucune condamnation in solidum n'aurait vocation à intervenir.
- en tout état de cause, ramener le préjudice de jouissance à de plus justes proportions en tenant compte de la vétusté et de la récupération des éléments de la piscine.
- débouter les époux Pitin, ainsi que la Société Piscines Lagon, et les mandataires judiciaires, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
- venir la société Dubois Matériaux concourir au débouté à titre principal des époux Pitin, ainsi, en tant que de besoin, des demandes formulées par la Société Piscines Lagon, représentée par ses mandataires judiciaires.
- en cas de condamnation de l'APEAHM, dire que la société Dubois Matériaux aux droits de laquelle vient la SA Comasud devra la relever et garantir desdites condamnations sur le fondement de l'article 1147 du Code civil en sa qualité de spécialiste et fournisseur du bois qualifié par l'expert judiciaire comme étant la cause des désordres constatés sur la piscine des époux Pitin.
- venir la Compagnie Gan Assurances concourir au débouté à titre principal des époux Pitin, ainsi, en tant que de besoin, des demandes formulées par la Société Piscines Lagon, représentée par ses mandataires judiciaires.
- confirmer le jugement entrepris en cas de condamnation de l'APEAHM en ce qu'il a jugé que la compagnie Gan Assurances devrait supporter l'intégralité des demandes formulées dans le cadre de la présente procédure, au titre des contrats d'assurance souscrits notamment les 14 juin 1999 et 23 mai 2008.
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer que les dommages constatés sont hors du champ de la garantie, dire et juger que la compagnie Gan Assurances a commis des manquements dans le cadre de son obligation d'information et de conseil ayant causé à l'APEAHM un préjudice à hauteur des sommes que celle-ci serait amenée à payer du fait de l'exclusion de la garantie.
- en conséquence, condamner la Compagnie Gan Assurances à payer à l'association concluante l'intégralité des sommes sollicitées par les époux Pitin à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
- entendre tout succombant condamner à payer la somme de 3 000 euros qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'APEAHM, à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la fixer en tant que de besoin au passif de la Société Piscines Lagon.
- dire que les dépens seront supportés par la Société Piscines Lagon et entendre fixer leur montant au passif de cette société et qu'ils seront distraits au profit de Maître Bernard de Lamy.
La SA Comasud venant aux droits de la SA Dubois Matériaux demande à la cour de :
- débouter l'ensemble des parties adverses de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à son égard.
- constater qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a mise hors de cause et lui a alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner tous succombant aux dépens de première instance dont distraction au profit de Maître Cabiran-Marty et d'appel au profit de la SCP Dessart.
La SA Comasud fait valoir que :
- elle a vendu, en sa qualité de vendeur de tous types de matériaux, à l'APEAHM le bois de séraya que cette dernière lui avait commandé et l'a livré au siège du CAT.
- l'APEAHM est une entreprise de menuiserie qui lui commande tous ses bois, sans qu'elle puisse connaître la destination de sa fourniture. Elle n'a donc pas choisi le type de bois litigieux qui lui a été expressément commandé par un professionnel. Elle n'a donc pas manqué à son obligation de conseil.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur le rapport d'expertise
L'expert a accompli sa mission de manière régulière complète et précise, il a répondu aux dires des parties, les conclusions de son rapport seront donc retenues.
Il ressort de la lecture des conclusions de l'expertise que :
- les époux Pitin sont propriétaires de la piscine et clients de la SA Piscines Lagon, ont fait réaliser le terrassement par une entreprise Frausseilles, ont acheté une piscine en bois méranti prêt à plonger à la SA Lagon.
- la SA Piscines Lagon est le maître d'œuvre de la piscine, a fourni et posé le liner et l'appareillage (filtre à sable, skimmer, bouche de refoulement, etc.), a commandé l'ossature bois à l'APEAHM, a posé l'ossature.
- l'APEAHM est un professionnel qui a un atelier de menuiserie dans lequel elle conçoit et fabrique des fenêtres, des portes, des chaises, des escaliers, des cuisines, etc., a conçu l'ossature de la piscine, a fabriqué l'ossature bois, a proposé à la société Espace Aquatique le 10 janvier 2002 du bois Pin Français traité de classe 4 et à la SA Lagon le 27 mai 2002 du bois "Exotique Méranti", a commandé du bois séraya à son fournisseur la SA Dubois Matériaux, et en a reçu du séraya clair.
- la SA Dubois Matériaux est un marchand de matériaux pour le bâtiment et les travaux publics, elle vend à des professionnels aussi bien des briques, du ciment du bois de charpente ou de menuiserie que du carrelage etc. Elle a reçu un bon de commande de l'APEAHM en date du 10 janvier 2005 pour Seraya et de l'IPE. Elle a livré à l'APEAHM du Seraya de l'IPE du Frake Bariole etc.
Les désordres sont les suivants : l'ossature hors sol de la piscine est pourrie, des champignons sont visibles à l'extérieur, et l'ossature enterrée est pourrie.
La cause des désordres réside dans l'emploi de bois Méranti Seraya impropre à une ossature de piscine enterrée ou hors sol. Ce bois a été teinté avec un produit qui teinte et uniformise les couleurs, sans découpe du bois, il n'est pas possible de différencier l'essence du bois.
La conséquence de ces désordres est le changement total de la structure en bois méranti par un bois de classe 4. L'expert estime le coût des travaux de réfection à la somme de 33 253,60 euros pour une durée d'exécution de 9 semaines.
L'expert explique le montant différent du coût des travaux de réfection de chacune des piscines de la série par les frais de transport manuel ou pas, les travaux de reprise des terrasses de bois ou de pierre, le coût d'une ossature en bois de classe 4 étant de 16 000 euros.
2 - sur la demande à l'encontre de la SA Lagon
Le premier juge a justement relevé par des motifs que la cour adopte que :
- la SA Lagon seul cocontractant des époux Pitin a manqué à son obligation de résultat fondée sur les dispositions de l'article 1147 en ne leur livrant pas une piscine exempte de vices et conforme aux stipulations contractuelles. Il convient d'ajouter que le bon de commande ne vise qu'une piscine en bois, sans préciser le bois qui serait employé, la facture ne précise pas le bois employé ni sa classe. L'expert a relevé qu'a été livrée une ossature de piscine en méranti seraya white de classe 2, qui est impropre à l'édification d'une ossature de piscine soumise à une humidification permanente imposant un bois de classe 4.
- la SA Lagon est responsable des désordres, ne peut invoquer à l'encontre des époux Pitin les manquements de l'APEAHM, et doit être condamnée à réparer les conséquences dommageables de ces désordres justement évaluées par l'expert à la somme de 33 253,60 euros.
- la privation de jouissance a été justement réparée par l'octroi d'une somme de 3 000 euros.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la créance des époux Pitin est fixée aux sommes de 33 253,60 euros et 3 000 euros.
3- sur la demande à l'encontre de l'APEAHM et de la SA Comasud
Le premier juge a justement retenu que :
- le contrat liant la SA Lagon et l'APEAHM est un contrat d'entreprise aux termes duquel l'APEAHM a conçu et construit l'ossature dans ses ateliers et l'a posée chez les époux Pitin. (Figure en annexe au rapport la facture de l'APEAHM comportant la pose).
- l'APEAHM est tenue d'une obligation de résultat à l'égard de la SA Lagon lui imposant de livrer une ossature de piscine exempte de vices.
- l'APEAHM a manqué à son obligation en construisant livrant et posant une ossature de piscine dans laquelle elle avait utilisé un bois impropre à sa destination.
- les époux Pitin, tiers au contrat liant la SA Lagon à l'APEAHM peuvent invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement leur a causé un dommage.
L'APEAHM ne peut soutenir que :
- le choix du méranti seraya white lui aurait été imposé par la SA Lagon alors qu'aucune pièce n'établit que la SA Lagon aurait commandé des ossatures en méranti. Le document publicitaire de la SA Lagon n'est pas daté cependant il porte mention du partenariat avec l'APEAHM. Ce partenariat s'est concrétisé par les devis de 2002 auxquels est joint le descriptif des travaux exécutés par les ateliers de l'APEAHM qui précise pour la réalisation de ces planches nous utiliserons du bois exotique (Méranti) afin de proposer un matériau de qualité. Le bois méranti est un bois originaire de Malaisie ou d'Indonésie de couleur brun rose à rougeâtre foncé, mi-dur, mi-lourd, ce bois est utilisé en France par les fabricants de menuiseries industrielles (fenêtres et portes). Le devis bois n° 48 offre une réalisation de piscines en sapin traité classe 4, il précise "les modèles de piscines seront les mêmes que celles fabriquées en méranti". Le choix du méranti est donc imputable à la seule APEAHM.
- elle n'est pas un professionnel du bois alors qu'elle joint à son devis un descriptif détaillé du bois méranti qui précise les propriétés mécaniques technologiques et de durabilité. Il apparaît en outre que sur un devis du 10 janvier 2002 elle avait proposé l'utilisation de pin français de classe 4 dont elle vantait la qualité en précisant qu'elle avait demandé à son fournisseur un étuvage important de ces bois pour garantir le maintien des sections usinées. Il apparaît donc bien que les techniciens encadrant les travailleurs handicapés employés par le CAT ont une parfaite maîtrise des bois de sorte que l'APEAHM peut être considérée comme un professionnel du bois. Il convient en outre d'ajouter que l'expert a relevé que le bois avait été teinté de sorte qu'il avait acquis la teinte du méranti dont la densité est plus importante que celle du séraya white, ce qui manifeste la connaissance qu'avaient les professionnels du bois encadrant les travailleurs handicapés des caractéristiques inadaptées du bois mis en œuvre.
- le fournisseur du bois aurait manqué à son obligation d'information alors que les mentions sur le bon de commande de : activité : menuiserie/bois piscines/lagon, désignation Seraya 54x155 en sachant que la livraison s'est effectuée dans l'établissement de l'APEAHM sont insuffisantes pour informer le vendeur de matériaux de la destination des bois commandés, étant précisé que l'APEAHM a pour activité la fabrication de menuiseries de divers types, portes-fenêtres escaliers, etc.
Le premier juge a justement relevé que le fournisseur n'a pas été appelé à choisir le matériau qui lui a été commandé, et qu'il n'avait aucune obligation de s'informer dès lors qu'il avait affaire à un professionnel de la même branche.
- seules les parties enterrées sont affectées, alors que l'expert a mis en évidence que le liner s'était détaché en raison de la dégradation des planches juste sous les margelles de méranti, que les parties non enterrées étaient atteintes ainsi que l'escalier, sans que l'on puisse soutenir que l'atteinte des bois supérieurs provienne d'une diffusion de l'humidité à partir des parties enterrées, lesquelles étaient régulièrement protégées par le goudronnage préconisé par l'APEAHM.
- la classification du bois n'est pas établie, alors que la description des désordres affectant les parties non enterrées met en évidence que ce bois ne résiste pas alors qu'il n'est pas sous abri, qu'il est en contact avec le sol et qu'il est exposé aux intempéries qu'il n'est donc pas de classe 3 les bois de ladite classe résistent lorsqu'ils ne sont pas sous abri, en contact avec le sol et exposé continuellement aux intempéries. Seuls les bois de classe 4 sont adaptés à la construction de piscine du type de celle proposées par l'APEAHM : en effet le bois est exposé en permanence à l'humidification, la face coté liner n'est pas ventilée et subit les infiltrations, la partie enterrée, même protégée par le bitume est en permanence humide la présence de gravier étant indifférente, et le produit bitumineux préconisé par l'APEAHM n'est pas étanche mais imperméabilisant, en complément d'une membrane plastique type "somdrain". En outre le bois de méranti séraya figure en classification biologique 2, il est inadapté aux situations où il est en contact avec le sol et exposé aux intempéries. Enfin les normes NF 335-1 et 335-2 applicables en matière de sécurité de piscines en kit hors sol depuis 1992 excluent l'utilisation de bois de classe 2 ou 3 lorsque le bois est soumis à humidification comme en l'espèce.
- la SA Lagon serait pour partie responsable pour avoir installé la piscine alors qu'il est produit une facture de pose de l'ossature bois par l'APEAHM et que l'expertise ne démontre pas que quand bien même le liner ou les accessoires installés par la SA Lagon auraient causé des fuites d'eau, le bois qu'il convient d'utiliser pour les ossatures de piscines semi-enterrées doit être de la classe 4 qui résiste à une humidification permanente de sorte que les désordres affectant le liner et les accessoires seraient sans conséquences sur l'ossature.
Il en résulte que l'APEAHM dont être condamnée à payer les travaux de réparation de la piscine des époux Pitin pour un montant de 33 253,60 euros, à réparer son préjudice de jouissance à concurrence de la somme de 3 000 euros et que la SA Comasud doit être mise hors de cause.
4 - sur le recours entre co-responsables
La SA Lagon a procédé à la commercialisation de piscine à ossature bois, alors que, soutient-elle, elle était spécialisée dans les piscines à ossature aluminium. Il lui revenait en sa qualité de vendeur professionnel d'acquérir les compétences nécessaires sur les nouveaux matériaux qu'elle commercialisait et en particulier sur les bois exotiques et leurs caractéristiques et leurs classements de manière, ainsi que l'a justement relevé le premier juge à s'assurer que le bois proposé par l'APEAHM était conforme à sa destination.
Il convient de retenir un partage de responsabilité en fixant la part de responsabilité devant demeurer à la charge de la SA Lagon à 20 %. Le jugement sera réformé de ce chef.
5 - sur la garantie de la compagnie Gan Assurances
Les parties s'accordent sur le contrat susceptible de s'appliquer en l'espèce sous le n° 961 280 837 et sur les extensions de garantie suivantes stipulées dans l'annexe à cette police :
A - Dommages imputables aux matériels ou produits après leur livraison (activités de fabrication et/ou vente) : La garantie s'applique par dérogation partielle à l'article 3, paragraphe n) des conditions générales, aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir dans l'exercice des activités mentionnées aux conditions particulières, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, y compris ceux provenant d'incendie, d'explosion ou de l'action des eaux, causés aux tiers par les matériels ou produits fabriqués, fournis et/ou vendus par l'assuré ou son personnel, ou sont dus à un vice de conception ou de fabrication, ou à une erreur dans la préparation, le conditionnement, le stockage ou les instructions d'emploi.
Ne sont jamais garantis les dommages résultant de la non-conformité d'un matériel, lors de sa livraison, à la réglementation de sécurité en vigueur concernant éventuellement sa catégorie, lorsque cette non-conformité est le fait de l'assuré ou s'il s'agit d'une personne morale, de la direction de l'entreprise.
B - Dommages imputables aux travaux après leur achèvement (activités accessoires de pose, d'installation, de réparation ou d'entretien). La garantie s'applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir dans l'exercice des activités décrites aux conditions particulières, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers lorsque ces dommages sont survenus après l'achèvement desdits travaux et ont pour origine, de la part de l'assuré une faute professionnelle ou une malfaçon technique, ou résultent d'un vice de conception ou de fabrication des matériels ou produits qu'il a fournis pour l'exécution de ses travaux.
Sont exclus des risques A et B
a) Les dommages subis par les matériels livrés, fournis et/ou mis en œuvre par l'assuré et par les travaux exécutés par lui, ainsi que les frais nécessités par la dépose et la repose, la remise en état, la rectification, la reconstruction, le remplacement ou le remboursement desdits matériels, produits ou travaux.
b) Les dommages résultant de défectuosités dont il est démontré que l'assuré avait connaissance lors de la livraison des matériels ou produits.
c) Les conséquences des réclamations, frais, indemnités, pénalités (...)) supportés par l'assuré lorsque les matériels ou produits livrés et/ou mis en œuvre ou les travaux exécutés se révèlent inefficaces ou impropres à l'usage auquel ils sont destinés.
Si toutefois, les matériels, produits ou travaux sont par eux-mêmes, à la suite d'un vice ou d'une défectuosité, la cause directe de dommages corporels, matériels ou immatériels aux tiers (y compris les utilisateurs), la garantie demeure applicable dans la limite des risques couverts, à la responsabilité civile encourue par l'assuré du fait de ces dommages.
Il résulte clairement de ces clauses, au demeurant classiques en la matière, que l'objet de l'assurance est de garantir les dommages causés par les matériels, produits ou travaux réalisés par l'APEAHM et non ceux subis par eux.
Ces clauses n'ont pas pour effet de vider les garanties de leur contenu et sont valables.
Il ne peut être soutenu que la compagnie d'assurance aurait manqué à son obligation de conseil, le premier juge a justement relevé que l'annexe énonce clairement et de manière apparente ce qui est garanti, les dommages imputables aux matériels et produits après leur livraison ainsi que les dommages imputables aux travaux après leur achèvement, et ce qui est exclu de la garantie, les dommages subis par les matériels livrés par l'assuré et par les travaux exécutés par lui. Il ne peut donc être reproché à l'assureur aucun manquement à son obligation de conseil et d'information.
Il en résulte que le seul dommage pour lequel l'APEAHM est fondée à solliciter la garantie de la compagnie Gan Assurances est le préjudice immatériel, en application du dernier paragraphe de l'exclusion de garantie ci-dessus. L'ouvrage réalisé est en effet, à la suite d'un vice (utilisation d'un bois impropre à sa destination), la cause directe du préjudice de jouissance subi par les époux Pitin par suite de l'impossibilité d'utiliser la piscine.
La Compagnie Gan Assurances ne peut soutenir que sa garantie ne serait pas due dans la mesure où les dommages immatériels susceptibles de garantie sont ceux qui sont la conséquence d'un dommage matériel garanti, en se fondant sur les seules définitions générales figurant au contrat alors que la stipulation contractuelle sus rappelée permet de mobiliser la garantie de ce chef et qu'ainsi que l'a justement relevé le premier juge, aucune autre clause contractuelle ne fait obstacle à l'application de la garantie.
Le jugement sera donc réformé de ce chef en ce sens.
6 - sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé sur les dépens de première instance et indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile allouées par le premier juge.
L'APEAHM et Maître Rey ès-qualité succombent devant la cour, ils supporteront la charge des dépens d'appel outre une somme de 2 000 euros au bénéfice des époux Pitin sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de ces dispositions au bénéfice de la compagnie Gan Assurances et de la SA Comasud.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en ses dispositions, sauf en ce qu'il a : - dit que dans les rapports entre la SA Lagon et l'APEAHM cette dernière supportera la charge définitive des condamnations. - condamné la compagnie Gan Assurances à relever indemne l'APEAHM de toutes condamnations prononcées à son encontre. Le réforme sur ces seuls points et statuant à nouveau : Dit que dans les rapports entre la SA Lagon et l'APEAHM la charge définitive des dommages sera supportée à hauteur de 20 % par la SA Lagon et de 80 % par l'APEAHM. Condamne la Cie Gan Assurances à garantir l'APEAHM de la condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance. Et y ajoutant, Condamne l'APEAHM et Maître Rey ès-qualité à payer aux époux Pitin la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la compagnie Gan Assurances, et de la SA Comasud en cause d'appel. Condamne l'APEAHM et Maître Rey ès-qualité aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Rives Podesta, de la SCP Larrat.