Cass. 1re civ., 6 octobre 2011, n° 10-21.709
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Watremez
Défendeur :
SAS Roche
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Odent, Poulet
LA COUR : - Attendu que le 18 mars 1987, Mme X, alors âgée de 20 ans, a consulté M. Y, médecin otorhino-laryngologiste, qui lui a prescrit du Bactrim(r) Forte pendant 8 jours et des pulvérisations nasales ; qu'elle a présenté, à l'arrêt du traitement, des lésions cutanées caractéristiques d'un syndrome de Lyell, nécessitant une hospitalisation et entraînant une incapacité temporaire et d'importantes séquelles ; que le rapport d'expertise ayant confirmé que la pathologie trouvait son origine dans l'administration du médicament litigieux, Mme X, épouse Z (Mme Z), a recherché la responsabilité d'une part du laboratoire Roche, fabricant et, d'autre part, de M. Y, tant en raison d'un défaut du produit que d'un manquement à leur devoir d'information ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour retenir qu'il n'apparaissait pas que l'information donnée par le laboratoire Roche ait été insuffisante, que le médicament répondait donc à l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu et débouter, en conséquence, Mme Z de sa demande envers le laboratoire Roche, la cour d'appel a considéré que la circonstance que le laboratoire n'ait pas produit matériellement la notice d'information 1987 du Bactrim(r) Forte, insérée dans le conditionnement du médicament et non conservée dans ses archives n'était pas constitutive d'une faute dès lors que cette notice était nécessairement conforme administrativement à l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) de l'époque faisant état au titre des effets indésirables, de la survenue du sydrome de Lyell, dans la rubrique des manifestations cutanées, d'après les pièces n° 2 et 3 produites par le laboratoire ;
Qu'en statuant ainsi, quand il résultait desdites pièces que l'annexe II de l'AMM, destinée au public, ne mentionnait, au titre des effets indésirables, que de simples "manifestations cutanées", tandis que seule l'annexe I, réservée aux professionnels, faisait état de "quelques cas de nécrolyse épidermique imprévisibles et parfois mortels (syndrome de Lyell)", la cour d'appel les a dénaturées ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel, ayant considéré que M. Y n'avait pas avisé sa patiente des risques de survenance d'effets indésirables et de leur gravité, fussent-ils exceptionnels, liés à la prise de Bactrim(r) Forte, tels que le syndrome de Lyell et des précautions immédiates à prendre au cas où ils se réaliseraient, a décidé que ce manquement à l'obligation d'information était constitutif pour Mme Z d'une perte de chance d'échapper à la survenue du dommage, qui fonde un droit partiel à réparation, puis a ordonné la réouverture des débats sur l'indemnisation du préjudice né de cette perte de chance ;
Qu'en statuant ainsi sur le principe de l'existence d'une perte de chance, sur laquelle elle avait constaté que les parties n'avaient pas conclu, sans les avoir invitées à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et Annule, sauf en ce qu'il a déclaré Mme Z recevable en son action contre le laboratoire Roche, l'arrêt rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.