CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 juillet 2013, n° 11-18696
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Euro Power Technology (SAS), Didier (ès qual.), Leloup-Thomas (ès qual.)
Défendeur :
Bio Evolution (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Sicakyuz, Fisselier
Faits et procédure
La société Euro Power Technology, qui est spécialisée dans la mise en place de centrales de production d'énergie dont elle assure l'exploitation et la maintenance, a cédé, en juin et juillet 2008, à la société Bio Evolution, filiale de la société Blue Finances, deux sites de production d'électricité situés dans les communes de Montmirail et de Montauty. La convention de cession était accompagnée d'une seconde convention, par laquelle la société Euro Power Technology demeurait chargée de la maintenance et de l'exploitation des sites. Quelques temps plus tard, la société Soffimat a cédé, selon le même schéma, une troisième centrale située dans la commune de Malleville-sur-le-Bec.
En 2009, la société Bio Evolution a signalé des problèmes d'insuffisances d'exploitation et plusieurs litiges se sont élevés entre les parties. Celui dont est saisie la cour dans le cadre du présent appel est relatif, d'une part, à la résiliation des contrats d'exploitation intervenue le 6 novembre 2009, par lettre de la société Bio Evolution à la société Euro Power Technology, d'autre part, au paiement de diverses sommes que les parties se réclament mutuellement.
La société Euro Power Technology a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 2 mai 2012, qui a désigné Maître Didier en qualité d'administrateur judiciaire et la société MJA, en la personne de Maître Leloup-Thomas en qualité de mandataire judiciaire. Ceux-ci sont régulièrement intervenus à la procédure.
Vu le jugement du 6 octobre 2011, assorti de l'exécution provisoire par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :
- constaté l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible de la société Bio Evolution à l'encontre de la société Euro Power Technology,
- constaté que la société Euro Power Technology n'établit pas l'existence des créances qu'elle invoque au titre des factures de maintenance et d'amélioration et constate le caractère mal fondé des factures correspondantes,
- constaté le refus de la société Euro Power Technology de construire la cheminée de la centrale de Malleville, en violation des accords conclus, et autorisé la société Bio Evolution à faire procéder à cette construction, aux frais de la société Euro Power Technology,
- jugé que la résiliation du contrat de maintenance et d'exploitation, le 6 novembre 2009, est valablement intervenue,
- débouté la société Euro Power Technology de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Euro Power Technology à payer à la société Bio Evolution la somme de 17 297,53 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2010,
- condamné la société Euro Power Technology à payer à la société Bio Evolution la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de son jugement sans constitution de garantie.
Vu l'appel interjeté le 19 octobre 2011 par la société Euro Power Technology contre cette décision ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2012 par la société Euro Power Technology qui demande à la cour de :
- prononcer la nullité du jugement rendu le 6 octobre 2011,
Sur le paiement de factures
- condamner la société Bio Evolution à payer à la société Euro Power Technology la somme de 153 334 HT soit 18 338,46 euros TTC, avec intérêt de droit majoré d'1,5 point à compter du 29 octobre 2009, date de la mise en demeure au titre des factures impayées au titre de la provision annuelle pour maintenance lourde et curative prévue au contrat avant la résiliation abusive,
- condamner la société Bio Evolution à payer à la société Euro Power Technology les sommes suivantes :
. 161 713, 58 euros HT soit 193 409, 44 TTC pour Malleville,
. 134 139,28 euros HT soit 160 430,58 euros TTC pour Montauty,
. 128 961,28 HT soit 154 237,69 euros TTC pour Montmirail,
Avec intérêt de droit majoré d'1,5 point à compter du 29 octobre 2009, date de la mise en demeure au titre des factures impayées au titre des travaux d'amélioration tels que prévues au contrat,
Sur la rupture des trois contrats de maintenance
- dire et juger que la rupture unilatérale des 3 contrats sans préavis par Bio Evolution suivant courrier du 6 novembre 2009 est abusive et mal fondée,
- prononcer la rupture des 3 contrats de maintenance aux torts exclusifs de Bio Evolution pour défaut de paiement, en application des articles 9,4 et 12,6 des contrats,
En conséquence,
A titre principal,
- condamner la société Bio Evolution à payer à la société Euro Power Technology au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive unilatérale et sans préavis de relations commerciales suivies la somme de 1 221 000,06 euros, au titre du manque à gagner représentant le montant des redevances contractuelles dues sur la période restant à courir jusqu'au terme des contrats d'exploitation des sites de Montauty, de Montmirail et de Malleville, avec intérêts de droit à compter du 29 octobre 2009, date de la mise en demeure,
A titre subsidiaire,
- condamner donc la société Bio Evolution à payer à la société Euro Power Technology à titre de dommages et intérêts la somme de 568 925,42 euros correspondant à la marge brute perdue sur les 3 contrats, avec intérêts de droit à compter du 6 novembre 2009,
A titre infiniment subsidiaire,
- d'ordonner une expertise technique, avec mission habituelle en pareille matière, aux frais avancés de Bio Evolution, comme le prévoit d'ailleurs le contrat en pareil cas (article 12.4),
- dire que l'expert aura notamment pour mission de convoquer les parties, se rendre sur place, d'examiner la réalité et l'éventuelle imputabilité des griefs techniques invoqués par Bio Evolution à l'appui de sa position et de sa résiliation, en rechercher l'origine, la cause et l'étendue, au regard des obligations contractuelles de chacune des parties
En tout état de cause,
- ordonner la compensation avec les sommes dont la cour pourrait considérer que la société Euro Power Technology serait redevable envers la société Bio Evolution,
- condamner la société Bio Evolution à payer à la société Euro Power Technology la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- débouter la société Bio Evolution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
La société Euro Power Technology soutient que le jugement doit être annulé au motif que le juge-rapporteur a commis une violation des principes du droit à un procès équitable, des droits de la défense et du contradictoire en refusant d'entendre sa défense, dans des conditions normales. Elle fait valoir qu'elle a déposé une requête en récusation à l'encontre du juge-rapporteur, qui a été déclarée irrecevable en raison d'une irrégularité de forme.
Sur ses demandes de paiement de factures, elle précise que les contrats relatifs aux trois sites prévoyaient le paiement de provisions sur maintenance lourde et curative qui lui sont dues, à tout le moins, pour la période antérieure à la résiliation. Elle ajoute que la société Bio Evolution lui est aussi redevable du paiement de factures d'améliorations pour chacune des trois centrales.
Elle fait observer que la société Bio Evolution ne conteste pas la réalité des travaux effectués et qu'elle aurait dû spontanément verser les sommes prévues contractuellement dans le cadre de leur partenariat industriel et commercial. Elle ajoute qu'en sa qualité de vendeur, elle n'est pas tenue à une garantie de parfait achèvement qui ne peut exister dans le cadre d'un contrat de maintenance.
Par ailleurs, la société Euro Power Technology soutient que la rupture des trois contrats d'exploitation par la société Bio Evolution est abusive, puisque celle-ci n'a pas respecté les modalités de résiliation prévues par le contrat. Elle fait valoir sur ce point que la société Bio Evolution n'a respecté aucun préavis et n'a invoqué aucun motif sérieux dans sa lettre de résiliation du 6 novembre 2009. Elle précise à ce sujet que la société Bio Evolution ne prouve pas l'arrêt prolongé de plus de 10 jours ou l'insuffisance de fourniture d'électricité, qu'elle allègue et qui serait imputable à une faute ou à un manquement manifeste dans l'exécution du contrat. Elle ajoute que la société Bio Evolution n'a pas sollicité d'expertise devant les tribunaux compétents en raison d'une carence manifeste de l'entretien des équipements qui pourrait remettre en cause leur pérennité.
La société Euro Power Technology estime que son préjudice consiste dans la privation du montant des redevances convenues pour les trois contrats, le manque à gagner sur la période restant à courir correspondant au chiffre d'affaires et à la marge qui auraient dû être réalisés sur cette période.
Dans le cas où la cour estimerait ses demandes fondées, la société Euro Power Technology requiert que soit ordonnée la compensation des sommes dues par la société Bio Evolution avec les sommes dont elle est redevable envers celle-ci au titre des facturations de l'énergie fournie à EDF et qu'elle ne conteste pas.
Vu les conclusions signifiées le 8 février 2013 par la société Bio Evolution qui demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris
En conséquence,
- constater que la société Euro Power Technology a reconnu être redevable envers la société Bio Evolution d'un montant de 17 297,53 euro TTC, au titre des factures n° 08-09-002 du 1er septembre 2008 et n° 08-002 bis du 1er octobre 2008,
- constater que la société Euro Power Technology n'établit pas l'existence des créances qu'elle invoque au titre des factures de provision et d' " améliorations " ;
- subsidiairement, constater le caractère manifestement mal fondé des factures de provision et d' " améliorations " établies par la société Euro Power Technology et dont elle réclame la condamnation au paiement,
- relever l'existence d'une obligation contractuelle de la société Euro Power Technology de construire la cheminée sur le site de Malleville-sur-le-Bec, constater son refus d'y procéder et, en conséquence, autoriser la société Bio Evolution à faire procéder, aux frais de la société Euro Power Technology, aux travaux de construction de cette cheminée,
- dire et juger que la résiliation des contrats de maintenance et d'exploitation notifiée par la société Bio Evolution le 6 novembre 2009 du fait de la défaillance de la société Euro Power Technology est valablement intervenue,
- subsidiairement, constater que la société Euro Power Technology ne justifie pas du quantum du préjudice qu'elle réclame,
Et en conséquence :
- débouter la société Euro Power Technology de l'ensemble de ses demandes,
- admettre au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Euro Power Technology une créance de la société Bio Evolution à hauteur de 17 297,53 euro TTC au principal, au titre des factures Bio Evolution n° 08-09-002 du 1er septembre 2008 et n°08-002 bis du 1er octobre 2008, augmentés des intérêts au taux légal, à compter de sa mise en demeure du 5 février 2010,
- admettre au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Euro Power Technology une créance de la société Bio Evolution à hauteur de 211 040,18 euro TTC, au titre des frais de construction de la cheminée du site de Malleville,
- condamner la société Euro Power Technology à une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et dire que cette somme sera comptée en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ouverte à son encontre.
La société Bio Evolution soutient que la demande de nullité du jugement entrepris est dépourvue de fondement et injustifiée. Elle oppose que c'est le conseil de la société Euro Power Technology qui, de son propre chef, a quitté la salle avant la fin de l'audience en emportant avec lui son dossier de plaidoirie.
Sur le fond, elle fait valoir qu'elle est titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de l'appelante au titre de sommes que la société Euro Power Technology a perçu en ses lieu et place au titre de la vente d'électricité sur les sites de Montmirail et Montauty, dans l'attente du transfert du contrat d'obligation d'achat d'électricité d'EDF, créances dont la société Euro Power Technology s'est d'ailleurs reconnue débitrice.
Elle demande l'autorisation judiciaire de faire procéder, aux frais de la société Euro Power Technology, aux travaux contractuellement prévus pour la construction de la cheminée sur le site de Malleville.
Par ailleurs, la société Bio Evolution conteste le bien-fondé des différentes factures dont le paiement est revendiqué par la société Euro Power Technology.
Elle fait valoir à ce sujet que le paiement des provisions pour " maintenance lourde et curative " supposait l'établissement préalable par la société Euro Power Technology d'un plan prévisionnel et de son accord. Elle ajoute, concernant les " travaux d'amélioration ", que la société Euro Power Technology prétend que les factures détaillées correspondantes auraient été dressées le 30 octobre 2009, alors que seule l'une d'entre elles aurait été établie à cette date, les autres ne l'ayant été que le jour de la résiliation des contrats de maintenance, puis postérieurement à cette résiliation. Elle précise encore que les factures concernent des travaux prévus dès l'origine et qui sont essentiels au bon fonctionnement des turbines, mais qui correspondent à la garantie contractuelle de parfait achèvement.
Sur la rupture brutale, la société Bio Evolution rappelle que l'article L. 442-6 du Code de commerce précise que ses dispositions ne s'appliquent pas dans le cas de l'inexécution des obligations contractuelles du cocontractant. Elle invoque à ce sujet des rapports d'expertise et des procès-verbaux de constats d'huissiers, qu'elle a fait effectuer, et qui démontrent, selon elle, les carences de la société Euro Power Technology en raison de " l'arrêt prolongé des équipements ou d'insuffisance persistante de la fourniture d'électricité pendant une période supérieure à dix jours, imputable à une faute ou à un manquement manifeste dans l'exécution ". Elle soutient qu'alors même qu'elle n'en était pas obligée, elle a néanmoins notifié la résiliation des contrats le 6 novembre 2009, après deux mises en demeure successivement notifiées les 3 juin et 1er octobre 2009.
En outre, elle estime que le préjudice qu'aurait subi la société Euro Power Technology ne saurait correspondre, comme elle le prétend, au chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé pour les années restantes du contrat, augmentées d'intérêts puisque le gain escompté par la victime d'une rupture brutale ne peut correspondre au chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé à l'issue du contrat.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur la violation des droits de la défense
La société Euro Power Technology ne rapporte pas la preuve des faits qu'elle allègue à ce sujet et qui sont contestés par son adversaire. Selon elle, le juge-rapporteur aurait refusé d'entendre son défenseur dans des conditions normales, au point que celui-ci aurait dû quitter la salle pour en rendre compte au président du Tribunal de commerce de Paris, avant la fin des débats et le prononcé de la clôture, sans déposer son dossier de plaidoirie. On relèvera à ce sujet que sa requête en récusation a été rejetée et qu'il lui appartenait de la formuler dans le respect des règles régissant cette procédure.
Par ailleurs, le jugement mentionne que des incidents ont émaillé l'audience, mais qu'elle a pu se tenir pendant 40 minutes qui ont permis d'échanger sur les principaux points du dossier. Enfin, le fait, non établi, que le juge-rapporteur aurait refusé le dossier de plaidoiries du conseil de la société Euro Power Technology, n'implique pas que celui-ci aurait statué sans disposer des pièces de la société, ce qui ne ressort pas non plus de la lecture de l'arrêt et n'est d'ailleurs pas soutenu par elle.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'annulation du jugement.
Sur les factures de provision et d'amélioration
Les provisions sur maintenance lourde et curative
Les trois contrats prévoyaient, sous le titre " Maintenance lourde et curative ", qu'" afin d'être en mesure d'assurer les travaux relevant du gros entretien Renouvellement, Bio évolution a identifié en accord avec Europower une provision annuelle lissée sur la durée du contrat qui permettra de faire face aux dépenses correspondantes.
Cette provision sera gérée par Europower en transparence suivant un plan prévisionnel de travaux et la démarche exposée ci-après :
La première année, Europower remettra un plan prévisionnel d'utilisation de ces provisions.
Sur une base annuelle et pour la durée du contrat, ce plan détaillera les lots concernés, la périodicité des interventions et des remplacements et le coût provisionnel correspondant. ".
Par une lettre du 29 octobre 2009, la société Euro Power Technology a réclamé à la société Bio Evolution le paiement d'une somme de 153 334 euros hors taxe, représentant le total des provisions maintenance lourde et curative pour les trois centrales (Montmirail de juin 2008 à décembre 2009 ; Montauty de juillet 2008 à décembre 2009 ; Malleville d'avril à décembre 2009). Cette lettre fait suite à une première mise en demeure du 14 octobre 2009.
Cependant, la société Euro Power Technology ne produit pas, ainsi qu'il a été relevé par le tribunal, le plan prévisionnel d'utilisation des provisions, tel que cela était prévu dans le contrat. Elle ne démontre non plus que les parties se seraient mises d'accord sur le montant de ces provisions. Sa demande en paiement des provisions ne peut donc qu'être rejetée.
Par ailleurs, les pièces qu'elle produit ne rapportent pas la preuve de l'effectivité de ses interventions relatives à la maintenance lourde et curative. En effet, ces pièces consistent en des tableaux, établis par elle-même, qui mentionnent, notamment, les dates, les initiales des techniciens, la nature des interventions, mais ne permettent pas de distinguer ce qui relève des prestations de maintenance préventive ou curative, ou encore ce qui constitue une prestation lourde ou non. Par ailleurs, les " rapports de déplacements " qui accompagnent ces tableaux n'apportent pas plus de précision à cet égard. Il en est de même des copies de pages de cahiers jointes aux tableaux et dont, au surplus, aucun élément n'atteste qu'ils seraient bien issus du journal de bord, que la société Euro Power Technology s'était engagée contractuellement à tenir. Enfin, il convient de relever que les prestations ainsi mentionnées ont fait l'objet d'une facturation globale effectuée par la société Euro Power Technology qui empêche d'exercer le moindre contrôle sur son exactitude et son bien-fondé. En conséquence, la demande en paiement faite au titre des provisions pour maintenance lourde et curative ne peut qu'être rejetée.
Les factures dites " d'amélioration "
L'article 4 de chacun des contrats prévoyait en détail les missions d'exploitation de la société Euro Power Technology et prévoyait, notamment, qu'elle assurait la conduite et la surveillance des équipements, en recherchant de façon constante l'optimisation des conditions de fonctionnement et l'élimination des défaillances partielles ou totales susceptibles d'affecter les résultats de l'exploitation. Elle indique avoir effectué à ce titre un certain nombre de prestations qui ont fait l'objet de trois factures. La première d'un montant de 193 409,44 euros, pour le site de Malleville, est datée du 30 octobre 2009, la deuxième d'un montant de 160 430,58 euros, pour le site de Montauty, est datée du 6 novembre 2011, et la troisième d'un montant de 154 237,69 euros, pour le site de Montmirail, est datée du 13 novembre 2011.
La société Bio Evolution conteste devoir le paiement de ces factures et fait valoir, notamment, que les contrats de maintenance prévoyaient l'établissement préalable d'une proposition technique et financière qui devait lui être adressée et qu'elle devait commander. Cette précision figure effectivement à l'article 4.3.1 des contrats qui précise qu' " Europower aura toute prérogatives pour (...) effectuer de façon exclusive les modifications utiles ou nécessaires en vue d'améliorer les performances de la centrale. Ces modifications feront l'objet d'une proposition technique et financière de la part de Europower à Bio Evolution, et d'une commande de ce dernier préalablement à tout lancement de travaux ". Or, la société Euro Power Technology qui ne produit aucune proposition technique et financière qu'elle aurait adressée à la société Bio Evolution, ni aucune acceptation de celle-ci, ni enfin aucun élément permettant d'établir le caractère utile ou nécessaire de l'accomplissement de ces travaux, ne peut en réclamer le paiement à la société Bio Evolution.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes en paiement de la société Euro Power Technology et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la rupture abusive
Les contrats d'exploitation conclus pour chacun des trois sites précisaient à l'article 12.4 sous l'intitulé " Défaillance de Europower ", notamment, que " en cas de défaillance de Europower ne résultant pas d'un cas de force majeure, le contrat sera résilié dans les conditions ci-après " En cas d'arrêt prolongé des équipements ou d'insuffisance persistante de la fourniture d'électricité, pendant une durée supérieure à dix jours, imputable à une faute ou à un manquement manifeste dans l'exécution du présent contrat. (...) ".
La lettre du 6 novembre 2009, par laquelle la société Bio Evolution a résilié les trois contrats indiquait en particulier que " sur le site de Montauty, une turbine reste toujours hors service, sur le site de Montmirail, dix turbines sur treize sont en état de fonctionnement, les autres restent encore hors service. De plus les installations de Montmirail et de Montauty fonctionnent toujours de façon intermittente avec de nombreux arrêts prolongés qui montrent que le fonctionnement de l'astreinte contractuelle n'est toujours pas effective (...). Quant au site de Malleville sur le Bec il est toujours en arrêt total depuis juillet 2009 ". Cette lettre comportait, en outre, une liste des arrêts des centrales de Montauty et de Montmirail, durant le mois de septembre, ainsi que des constats de manquements spécifiques et généraux de la société Euro Power Technology dans l'exécution des contrats.
Les arrêts ou insuffisances de production invoqués par la société Bio Evolution sont étayés par la production de trois constats d'huissiers, par lesquels il a été constaté que :
. le 26 octobre 2009, à la centrale de Malleville, les 13 turbines étaient à l'arrêt, le personnel présent n'étant que celui travaillant au changement d'un " échangeur " et les installations comportant de multiples signes de corrosion et de défaut d'entretien. Sur ce site, à défaut de journal de bord, était tenu un cahier de maintenance, dont la dernière intervention mentionnée datait du 2 juillet 2009.
. le 26 octobre 2009, à la centrale de Montmirail, seulement 10 turbines sur 13 fonctionnaient, le site comportant divers signes de défaut d'entretien (appareils de contrôle déficients, carter supérieur de la cheminée de refroidissement du compresseur déposé et posé à même le sol, celui de rechange étant entreposé à l'extérieur du grillage entourant l'installation depuis le 14 avril 2009).
. le 27 octobre 2009 à la centrale de Montauty, seules 12 turbines sur 13 fonctionnent et que depuis le 23 septembre 2009, le site était complètement à l'arrêt dans sa totalité car il manquait une pièce défaillante.
Les constats corroborent ceux effectués, les 10 et 11 septembre 2009, par un expert mandaté par la société Bio Evolution qui a, notamment, indiqué que :
. À Montauty, seules 11 turbines sur 13 fonctionnent, les pièces de rechange manquent, le site est mal entretenu, les arrêts intempestifs sont dus à des microcoupures sur le réseau EDF ;
. À Montmirail, l'arrêt est complet à la suite du déclenchement de la mise en sécurité de l'installation du fait d'une température trop élevée du compresseur, plusieurs points de défaut d'entretien ou d'absence de travaux permettant le fonctionnement de la centrale ;
. À Malleville l'unité est complètement à l'arrêt et inapte au fonctionnement du fait de nombreuses malfaçons ou insuffisances ;
La société Bio Evolution a invoqué ces constatations par une lettre recommandée adressée à la société Euro Power Technology le 1er octobre 2009, reçue le 12 suivant, et lui enjoignant de remédier à ces difficultés. Par un nouveau rapport d'expert du 4 novembre 2009, il était constaté que les deux centrales de Montauty et de Montmirail fonctionnaient toujours " bien au-dessous des capacités annoncées " et que le site de Malleville, qui avait très brièvement fonctionné, n'était toujours pas remis en route. Le même rapport signalait que devant la carence de la société Euro Power Technology, la société Bio Evolution était intervenue directement auprès d'ERDF pour résoudre le problème des microcoupures.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que chacune des trois centrales connaissait, au jour de la résiliation, soit un arrêt total (Malleville), soit une insuffisance persistante de la fourniture d'électricité (Montauty et Montmirail), pendant une durée supérieure à dix jours, imputable à une faute ou à un manquement manifeste dans l'exécution des contrats. Dans ces conditions, la société Bio Evolution n'avait pas à procéder à une expertise judiciaire, laquelle n'était prescrite que dans le second cas de résiliation et il est, par ailleurs, inopérant quelle ait répondu par lettre du 14 octobre que " en fonction de la disponibilité du biogaz ; la totalité des turbines de Montmirail et de Malleville pouvaient produire de l'électricité ".
Dès lors, c'est par une exacte application des termes du contrat que la société Bio Evolution l'a résilié et la société Euro Power Technology ne saurait se prévaloir d'un abus à cet égard, ni au regard des dispositions régissant la responsabilité contractuelle, ni au regard de l'application de l'article L. 442-6, I. 5°) du Code de commerce qui précise que ses dispositions " (...) ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ". Ainsi, le jugement qui a rejeté à juste titre la demande de dommages-intérêts de la société Euro Power Technology fondée sur le caractère abusif de la rupture, doit être confirmé.
Par ailleurs, il a été retenu ci-dessus que les factures dont la société Euro Power Technology réclamait le paiement n'étaient pas dues. Elle n'est dès lors pas fondée à réclamer la résiliation des contrats aux torts de la société Bio Evolution pour défaut de paiement.
Sur les frais irrépétibles
Il serait, au vu de ce qui précède, inéquitable de laisser à la charge de la société Bio Evolution l'ensemble des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits et il sera la société Euro Power Technology sera condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros. Cette somme sera comptée en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 6 octobre 2011 par le Tribunal de commerce de Paris ; Condamne la société Euro Power Technology à payer à la société Bio Evolution la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que cette somme sera comptée en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard. Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Euro Power Technology aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.