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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 juillet 2013, n° 11-06567

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pellegrini (ès qual.), A2airs (Sté)

Défendeur :

Assistance Distribution Climatisation Chauffage (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Michel-Amsellem, Pomonti

Avocats :

Mes Pinto, Bettinger, Poudevigne

T. com. Bobigny, 1re ch., du 15 févr. 20…

15 février 2011

Faits constants et procédure

La société A2airs qui a pour activité la commercialisation et l'installation d'équipements thermiques et de climatisation, est, en juin 2005, entrée en relation d'affaires avec la société Assistance Distribution Climatisation Chauffage (la société ADCC) qui exerce le commerce en gros de fournitures pour la plomberie et le chauffage.

Par jugement du 1er juillet 2009, le Tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société A2airs. Cette procédure a été ultérieurement convertie en liquidation judiciaire. M. Baronnie et M. Pellegrini ont été désignés respectivement administrateur judiciaire et mandataire liquidateur.

Soutenant que lors des vérifications de la situation de la société A2airs, il était apparu des écarts de remises portant sur la facturation des produits et que la société ADCC aurait effectué des ventes en direct à des partenaires exclusifs de la société A2airs. MM. Pellegrini et Baronnie, ès-qualités, ont alors revendiqué le paiement des diverses sommes suivantes à la société ADCC :

. 668 063,78 euro au titre de la " surfacturation " à la suite à du défaut d'application des remises convenues ;

. 420 000 euro de dommages et intérêts au préjudice financier au titre de l'année de 2008,

. 730 573,77 euro de dommages et intérêts au titre de détournement de clientèle sur le chiffre d'affaires 2009.

Une mise en demeure adressée le 4 novembre 2009 étant demeurée infructueuse, la société A2airs, ainsi que MM. Baronnie et Pellegrini, ès qualités, ont par acte du 7 décembre 2009, fait assigner la société ADCC devant le Tribunal de commerce de Bobigny en paiement des sommes précitées.

Par jugement du 15 février 2011, le Tribunal de commerce de Bobigny a :

- dit que la société ADCC ne s'est pas livrée à des manœuvres de concurrence déloyale.

- débouté la société A2airs et Maître Gilles Pellegrini, ès qualités de mandataire liquidateur de l'ensemble de leurs demandes.

Vu l'appel interjeté le 6 avril 2011 par Maître Pellegrini, ès qualités, contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 avril 2013 par Maître Pellegrini, ès qualités, par lesquelles il demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant à nouveau de :

- dire et juger que la société ADCC a procédé à des surfacturations injustifiées.

- dire et juger que la société ADCC a commis des actes de concurrence déloyale.

En conséquence,

sur les surfacturations

A titre principal,

- condamner la société ADCC à rembourser à la société A2airs la somme de 668 063,78 euros TTC au titre de la surfacturation opérée de l'année 2007 à 2009, augmentée des intérêts légaux au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter du 4 novembre 2009 ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger qu'il existe un faisceau d'indices concordant permettant de présumer qu'ADCC a bien pratiqué des surfacturations sur une partie des commandes d'A2airs, et ce malgré sa tentative de dissimuler les actes en ne concluant pas de convention écrite avec sa partenaire commerciale.

En conséquence,

- ordonner une expertise aux frais avancés par ADCC afin de vérifier l'ensemble des factures d'ADCC, de répertorier les modifications de prix injustifiées, pratiquées, et de chiffrer le montant des sommes trop perçues par cette dernière à ce titre.

En tout état de cause,

sur la concurrence déloyale,

- condamner la société ADCC à payer à la société A2airs la somme de 420 000 euros au titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice financier subi courant de l'année 2008 ;

- condamner la société ADCC à payer à la société A2airs la somme de 730 573,77 euros au titre de dommages et intérêts correspondant à la marge sur le chiffre d'affaires détourné courant de l'année 2009 ;

- débouter la société ADCC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société ADCC à la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Maître Pellegrini, ès qualités, soutient que la société ADCC a mis en œuvre des pratiques tarifaires illicites à l'égard de sa partenaire commerciale avec laquelle elle entretenait des rapports soutenus depuis quatre ans.

Il prétend à ce titre que la société ADCC, en ne concluant pas de contrat-cadre avec la société A2airs, a violé son obligation légale de transparence prévue à l'article L. 441-7, I du Code de commerce et en a profité pour opérer des surfacturations sur de nombreuses commandes de la société A2airs. Il reproche à la société ADCC, d'une part, de ne pas avoir averti la société A2airs des modifications tarifaires pratiquées sur les produits régulièrement commandés par cette dernière dans le cadre de leurs relations commerciales, d'autre part, d'avoir, pour les articles les plus vendus, pratiqué des prix non conformes aux accords verbaux conclus entre elles.

Maître Pellegrini, ès qualités, fait valoir, ensuite, que la société ADCC s'est livrée à des manœuvres de concurrence déloyale en détournant une partie de la clientèle de la société A2airs, alors même qu'elle avait connaissance des relations commerciales exclusives de la société A2airs avec les sociétés SLT et Avatherm.

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 août 2011 par la société Assistance Distribution climatisation chauffage par lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté la société ADCC de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC.

Le réformant de ce seul chef,

- condamner Me Pellegrini en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société A2airs à payer à la société ADCC la somme de 3000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant,

- condamner Me Pellegrini ès qualités à payer à la société ADCC la somme de 10 000 euro de dommages intérêts pour procédure abusive compte tenu du préjudice moral et financier subi par la société ADCC du fait de cette procédure et de sa prolongation en appel malgré la production de multiples pièces, fourniture d'explications en 1re instance et un jugement parfaitement motivé.

- le condamner à payer à la société ADCC une indemnité complémentaire de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

La société ADCC oppose qu'aucun accord écrit sur les prix n'a été conclu entre les parties. Elle précise que les prix étaient négociés verbalement périodiquement et que les factures étaient émises en conséquence. Elle ajoute que les ventes successives ont été réalisées pendant quatre ans sans aucune contestation.

Elle fait valoir qu'elle a respecté son obligation légale de transparence puisqu'elle a fixé son prix de vente en fonction du prix d'achat et qu'il n'y a pas eu de variations aléatoires au cours d'une période. Selon elle, la société A2airs pouvait contester le prix à la première facturation de la période.

La société ADCC soutient qu'elle n'a pas pu violer un accord d'exclusivité entre la société A2airs et les sociétés SLT et Avatherm, dans la mesure où un tel accord n'existait pas. L'accord produit à ce titre porte exclusivement sur certains produits et marques qui n'entraient pas dans les relations commerciales entre elle et la société A2airs.

Elle expose que les relations entretenues entre les sociétés SLT et A2airs relèvent du mandat par lequel le mandataire, la société SLT, s'engage à vendre les produits désignés en exclusivité pour le compte du mandant, la société A2airs, ainsi qu'à ne pas solliciter les partenaires commerciaux du mandant. Pour cette raison, elle estime qu'elle n'a pas détourné les commandes car dans leur activité hors mandat les sociétés SLT et Avatherm n'ont aucune obligation envers la société A2airs

Par conséquent, elle prétend qu'aucun fait de concurrence déloyale pour détournement de la clientèle ne peut lui être reproché.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

Sur la demande de rejet des conclusions de Maître Pellegrini, ès qualités, déposées le 24 avril 2013

Par des conclusions de procédure, déposées le 13 mai 2013, la société ADCC a demandé le rejet des conclusions déposées par Me Pellegrini, ès qualités, le 24 avril 2013, soit la veille de l'ordonnance de clôture.

Cependant, ces conclusions n'apportent pas d'éléments décisifs nouveaux par rapport à celles déposées antérieurement par Me Pellegrini, ès qualités, à l'exception d'une demande d'expertise, leur dépôt tardif n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de la société ADCC et il convient de rejeter sa demande.

Sur les surfacturations

La société A2airs reproche à la société ADCC de ne pas avoir établi, chaque année de leur relation, une convention écrite l'informant en toute transparence des prix et remises pratiqués. Elle indique qu'aux termes de leurs accords verbaux, il était convenu que la société ADCC accorderait à sa partenaire les remises suivantes : - 70 % sur la gamme des produits Toshiba par rapport aux prix catalogues, - 59 % sur la gamme des produits Daikin, - 47% sur la gamme des produits CIAT, - 55 % sur la gamme des produits Airwell.

Elle fait valoir que la société ADCC a appliqué sur certaines factures unilatéralement, et à son insu, des taux de remise légèrement inférieurs aux taux qui avaient été convenus et a trompé sa confiance.

Si depuis le 5 janvier 2008, l'article L. 441-7 du Code de commerce fait obligation à tous fournisseurs et distributeurs de conclure un contrat écrit annuel fixant les conditions générales de vente des produits ou services énoncée dans l'article L. 441-6 du Code de commerce, l'absence d'une telle convention, à partir de cette date, ne saurait conduire à constater sur la foi des seules déclarations d'un des partenaires d'une relation commerciale, l'existence d'un accord sur des taux de remises. Or, les pièces produites aux débats par la société A2airs ne permettent pas d'apporter la preuve de ce qu'un tel accord aurait été conclu entre les sociétés A2airs et ADCC. Par ailleurs, les différences de prix pour un même produit qui ressortent des très nombreuses données figurant dans le tableau établi par la société ADCC, demeurent rares et sont justifiées, soit par un changement de tarif compte tenu des quantités commandées d'une année sur l'autre, soit, lorsqu'elles se trouvent à des dates proches, par des erreurs de facturation ou des confusions de références ou encore, s'agissant de la référence de la marque Auerman, en août 2007, par la quantité commandée. Il ne saurait en résulter la démonstration d'une violation par la société ADCC d'engagements pris envers la société A2airs. En outre, il convient de relever que cette dernière n'a, à aucun moment, signalé des erreurs ou des changements de prix qu'elle ne s'expliquait pas et qu'elle a, sans aucune contestation, payé les factures que lui adressait la société ADCC, qu'il lui appartenait de contrôler pour faire valoir ses désaccords. Il s'ensuit que la société A2airs ne démontre pas les surfacturations qu'elle prétend et que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur les manœuvres constitutives de concurrence déloyale

La société A2airs soutient que la société ADCC était tenue d'une obligation de loyauté envers elle au titre de leur partenariat commercial et qu'elle devait, dès lors, ne pas détourner la clientèle qui lui était liée par un engagement d'exclusivité. Elle précise qu'elle achetait des matériels auprès de la société ADCC, pour son compte, mais aussi pour celui de ses partenaires, les sociétés SLT et Avatherm et que la société ADCC a profité des livraisons auprès de ces dernières pour leur commercialiser directement ces matériels.

Cependant la société A2airs ne justifie pas des accords d'exclusivité qu'elle invoque. En effet, elle ne présente aucun accord d'exclusivité conclu entre elle et la société Avatherm et le seul accord commercial qu'elle fournit à l'appui de ses allégations, conclu en 2005, entre elle et la société SLT, constitue un mandat donné par elle à la société SLT qui s'engage à vendre au nom de la société A2airs à des clients que celle-ci lui adresse. Cet accord précise que la société SLT s'engage à ne vendre aux prospects adressés par la société A2airs, " que les produits et services définis au contrat et pour le compte du mandant auquel il accorde l'exclusivité pour les produits et services objet du contrat ", lesquels sont des produits de la marque Mitsui. Par ailleurs, si la société SLT s'est engagée " à ne pas solliciter les partenaires commerciaux du mandant ", cet engagement ne serait opposable à la société ADCC que pour autant qu'il serait établi que bien que connaissant cet accord, elle aurait proposé à la société SLT de ne pas le respecter, ce qui n'est ni soutenu, ni démontré.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le jugement a rejeté la demande indemnitaire de la société A2airs au titre d'actes de concurrence déloyale.

Sur les frais irrépétibles

Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 15 février octobre 2011 par le Tribunal de commerce de Bobigny ; Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraire des parties ; Condamne Maître Pellegrini, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société A2airs, aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.