CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 9 juillet 2013, n° 13-05560
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Relais Colis (SAS)
Défendeur :
Theetten (ès qual.), Dupuich
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Taillandier-Thomas
Conseillers :
Mmes Maunand, Bouvier
Avocats :
Mes Cohen Van Herpen, Montpellier
M. Dupuich exerçant sous l'enseigne Transports Dupuich et la SAS Sogep ont signé un contrat de prestations de services de transport le 22 octobre 2004.
M. Dupuich a, le 30 mars 2011, saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner la société Sogep à lui payer la somme de 37 920 euros à titre d'abus de position dominante, une somme de 2 738 euros au titre de la perte d'exploitation pour 5 jours non travaillés et celle de 120 619,08 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre d'une rupture des relations pour le secteur LV2.
Le Tribunal de commerce d'Arras a ouvert le 20 juin 2012, une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. Dupuich et a désigné M. Theetten en qualité de liquidateur.
La société Sogep a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit de celui de Créteil.
Par jugement du 14 février 2013, le Tribunal de commerce de Paris a déclaré recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence et renvoyé les parties à conclure au fond.
La société Sogep a formé contredit le 27 février 2013. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement, d'appliquer les dispositions du contrat du 22 octobre 2004 et en tant que de besoin l'article 42 du Code de procédure civile et les dispositions du contrat-type sous-traitance institué par décret du 26 décembre 2003, de renvoyer les parties devant le Tribunal de commerce de Créteil et de condamner M. Theetten à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Maître Theetten, aux termes d'écritures déposées le 27 mai 2013 et soutenues à l'audience, souhaite voir déclarer mal fondé le contredit et confirmer le jugement. Il sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et ajoute à l'audience celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur ce, LA COUR
Considérant que la société Sogep estime que le tribunal a fait application des dispositions de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce sans rechercher si celles de l'article L. 442-6-4° s'appliquaient au litige ; qu'elle soutient qu'une confusion a été faite entre pratique de prix imposés non démontrée et une prétendue menace de rupture destinée à justifier un refus d'augmentation ; qu'au surplus, elle ajoute que, sur le fondement de l'article L. 442-6-5°, le tribunal n'a pas fait la différence entre deux types de prestations distinctes à savoir LV1 et LV2, les premières étant régies par le contrat et non les secondes qui sont soumises au contrat de sous-traitance type ; que, dans ce dernier cas, elle indique que le préavis est de trois mois et que la notion de rupture brutale n'est pas applicable ; que, dès lors, elle en déduit qu'il convient de soumettre le litige à la juridiction désignée par la clause d'attribution de compétence du contrat du 22 octobre 2004 ;
Considérant que Maître Theetten fait observer que le Tribunal de commerce de Créteil ne fait pas partie des juridictions compétentes pour connaître des litiges relevant de l'application de L. 442-6 du Code de commerce ; qu'il souligne que les demandes de M. Dupuich sont fondées sur ce texte ; que, dès lors, il considère l'action de la société adverse abusive ;
Considérant que la compétence s'apprécie au jour où l'instance est introduite et donc au regard de l'assignation qui a été délivrée par M. Dupuich à la société Sogep ;
Considérant qu'aux termes du dispositif de l'assignation, M. Dupuich a demandé la condamnation de la Sogep au paiement de la somme de 37 920 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'abus de position dominante de celle-ci, une somme de 2 738 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la perte d'exploitation des 18,19,20 et 21 janvier 2011 pour arrêt brutal d'activité, une somme de 120 619,08 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales sur le secteur LV2 outre une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que ces demandes ont été formées au visa de l'article L. 442-6 4° du Code de commerce ;
Considérant que l'article D. 442-3 du Code de commerce énonce que "Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris." ;
Considérant que le contrat de prestation de services signé entre les parties contient certes une clause attributive de compétence exclusive au Tribunal de commerce de Créteil ;
Considérant toutefois que le demandeur à l'instance fonde ses demandes sur l'article L. 442-6-4° du Code de commerce ; qu'en vertu du texte précité, la juridiction commerciale de Créteil ne figure pas parmi les juridictions désignées par l'annexe 4-2-1 du Code de commerce comme compétente pour connaître de ce type de litige ; que seul le Tribunal de commerce de Paris y figure ;
Considérant que dès lors, il appartient au seul Tribunal de commerce de Paris d'examiner si les conditions de l'article L. 442-6 du Code de commerce sont applicables au litige ; que le moyen selon lequel le Tribunal de commerce de Paris aurait examiné la compétence au regard de l'article L. 442-6-5° et non de l'article L. 442-6-4° du Code de commerce est indifférent dès lors que le texte précité lui donne compétence en l'espèce pour tout litige relevant de l'article L. 442-6 sans distinction d'alinéa ;
Considérant dès lors que le contredit formé par la société Sogep est mal fondé ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part de la société Sogep n'est pas suffisamment caractérisé ; que la demande de maître Theetten est rejetée ;
Considérant qu'il ne saurait réclamer l'application de l'article 32-1 du Code de procédure civile, ce texte ne pouvant être mis en œuvre que par la juridiction saisie ;
Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de Maître Theetten présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de lui allouer la somme visée au dispositif de la présente décision au paiement de laquelle est condamnée la société Sogep ;
Considérant que, succombant, la société Sogep ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les frais du contredit ;
Par ces motifs : Déclare non fondé le contredit ; Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par Maître Theetten ès qualités de liquidateur de M. Dupuich ; Condamne la société Sogep à payer à Maître Theetten ès qualités de liquidateur de M. Dupuich la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Sogep aux frais du contredit.