CA Angers, ch. com. A, 2 juillet 2013, n° 11-01519
ANGERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Josse (ès qual.), Guiot, GC 5 Paris (Sté)
Défendeur :
Intervalles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rauline
Conseillers :
Mmes Van Gampelaere, Monge
Avocats :
SCP Chatteleyn, George, Mes Langlois, Cavard, Goguet
Exposé du litige
Depuis 2003, la société Intervalles développe et anime un réseau de franchise de magasins de jeux vidéo et de films DVD, neufs et d'occasion, sous l'enseigne Mega Cash.
En 2008, Monsieur Cédric Guiot a constitué la société GC 5 Paris, laquelle a signé un contrat de franchise avec la société Intervalles pour une durée de cinq ans en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce à Paris, 21 rue Monge dans le 5e arrondissement. Le magasin a ouvert le 10 septembre 2008. La liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 9 juillet 2009.
Par acte d'huissier en date du 19 février 2010, la société GC 5 Paris représentée par son mandataire-liquidateur, Maître Marie-José Josse, et Monsieur Guiot ont fait assigner la société Intervalles devant le Tribunal de commerce d'Angers sur le fondement des articles 1108 et suivants, 1184 et 1382 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce pour voir prononcer la nullité du contrat de franchise et entendre condamner le franchiseur à payer au mandataire-liquidateur diverses sommes au titre des restitutions et de dommages-intérêts, à Monsieur Guiot, des dommages-intérêts.
La société Intervalles a conclu au débouté et sollicité à titre reconventionnel des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par un jugement en date du 27 avril 2011, le tribunal a débouté Maître Josse ès qualités et Monsieur Guiot de toutes leurs demandes et les a condamnés solidairement à payer 2 500 euro à titre de dommages-intérêts à la défenderesse et la même somme au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Maître Josse ès qualités et Monsieur Guiot ont interjeté appel de cette décision le 10 juin 2011. La société Intervalles a relevé appel incident.
Par un jugement définitif en date du 23 février 2012, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné Monsieur Guiot pris en qualité de caution des engagements souscrits par la société GC 5 Paris à payer une somme totale de 74 230,31 euro à la Société Générale, dit que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, Monsieur Guiot étant une caution non avertie malgré sa qualité de gérant et l'a condamnée à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la même somme, en ordonnant la compensation entre les créances réciproques.
Par un arrêt avant-dire droit en date du 11 septembre 2012, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à conclure sur l'incidence du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du du 23 février 2012 sur les demandes de dommages-intérêts des appelants. Elle a renvoyé l'affaire à la mise en état et réservé l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Les parties ont conclu à nouveau. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2013.
A l'audience, la cour a invité les parties à lui adresser une note en délibéré sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité des demandes nouvelles des appelants. Ces derniers ont adressé une note d'observations le 4 juin 2013 et l'intimée, indiqué qu'elle s'en rapportait à la sagesse de la cour.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs dernières conclusions en date du 26 avril 2013, la société GC 5 Paris représentée par Maître Josse prise en qualité de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire et Monsieur Cédric Guiot demandent à la cour, au visa des articles 1108, 1116 et 1117, 1184 et 1382 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce, d'infirmer le jugement et de :
- prononcer la nullité du contrat de franchise,
- condamner la société Intervalles à restituer à Maître Josse ès qualités 12 900 euro HT et à lui payer, à titre de dommages-intérêts, 22 812,90 euro au titre des emprunts souscrits auprès de la Société générale, 44 268,22 euro au titre du leasing du matériel souscrit auprès de la société Sogelease, 70 000 euro au titre du droit de bail acquitté en pure perte,
- condamner la société Intervalles à payer à Monsieur Guiot, à titre de dommages-intérêts, 46 000 euro au titre de son apport en capital,
- si la cour ne faisait pas droit à la demande indemnitaire de Maître Josse ès qualités, condamner la société Intervalles à lui payer 43 279,09 euro au titre de son engagement de caution Sogelease,
- condamner la société Intervalles à payer à Monsieur Guiot 20 000 euro à titre de dommages-intérêts au titre de son engagement de caution sur le bail et 19 200 euro au titre de sa perte de revenus,
- si la cour ne faisait pas droit à la demande indemnitaire de Maître Josse, condamner la société Intervalles à payer à Monsieur Guiot la somme de 54 600 euro à titre de dommages-intérêts,
- débouter la société Intervalles de toutes ses demandes,
- la condamner à payer à chacun 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Ils exposent que Monsieur Guiot était responsable d'un magasin d'accessoires de moto lorsque, début 2008, il a souhaité réorienter son activité professionnelle vers le système de la franchise, dans le domaine des jeux vidéo dont il est un passionné. Ils soutiennent que son consentement a été vicié par la remise de documents précontractuels ne répondant pas aux prescriptions de la loi Doubin relatives à une information de qualité, complète et sincère, destinée à permettre au candidat de s'engager en connaissance de cause. En effet, les informations communiquées, notamment le prévisionnel d'exploitation, étaient erronées quant à la rentabilité de l'entreprise, et ne tenaient aucun compte d'une implantation à Paris dans un contexte plus concurrentiel qu'en province. Contrairement à ce qui a été jugé, le prévisionnel, qui prévoyait un chiffre d'affaires de 450 000 euro la première année, a été dressé par le franchiseur, son expert-comptable n'ayant fait que mettre en forme les chiffres fournis par ce dernier, et c'est lui également qui a présenté le dossier aux banques. Or, le chiffre d'affaires réalisé au bout de quatre mois était de 42 018 euro, 120 000 euro au bout de neuf mois. Selon eux, une différence de 70 % entre le prévisionnel et la réalité démontre nécessairement l'absence de sérieux du premier. Ils précisent qu'après un refus de la BNP, Monsieur Guiot avait interrogé le franchiseur sur le sérieux du prévisionnel mais que ce dernier avait qualifié de "ridiculement bas" le chiffre de 450 000 euro alors qu'il n'avait fait procéder à aucune analyse du marché parisien. Ils indiquent que ce chiffre n'est atteint que par 16 % des franchisés après plusieurs années d'exploitation selon les documents que le franchiseur a fini par communiquer et que les résultats de la première année sont inférieurs à 350 000 euro alors que les franchisés sont implantés dans des communes de moins de 50 000 habitants avec une concurrence moins forte, parfois en ayant simplement apposé l'enseigne. Ils réfutent la responsabilité de Monsieur Guiot, rappelant qu'il y a lieu de se placer à l'époque de la signature du contrat, en juillet 2008, s'agissant d'une violation d'une obligation précontractuelle, et non à la date de son exécution. Ils demandent à être remis dans la situation où ils se trouvaient avant la conclusion du contrat ainsi que la réparation de l'ensemble des préjudices. Ils sollicitent en tout état de cause l'infirmation du jugement sur les dommages-intérêts, aucun abus de procédure ne pouvant leur être reproché et aucun préjudice d'image du franchiseur n'étant démontré.
Dans ses dernières conclusions en date du 19 novembre 2012, la société Intervalles demande à la cour de débouter Maître Josse et Monsieur Guiot de leur appel et de toutes leurs demandes, de confirmer le jugement sauf sur les dommages-intérêts, de déclarer recevable et bien fondé son appel incident, de condamner les appelants solidairement, à défaut in solidum, à lui payer 10 000 euro pour procédure abusive et 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Elle expose qu'elle a lancé le concept en 2003, a reçu la qualification d'entreprise innovante Oseo et compte aujourd'hui 49 points de vente (18 en 2008) alors que ses concurrents ferment des magasins. Elle indique avoir reçu la candidature de Monsieur Guiot début 2008 et lui avoir remis le DIP et, à titre d'exemple, le compte d'exploitation relatif à la création du point de vente de Bayonne car le lieu d'implantation du magasin n'était pas encore décidé. Après la signature du contrat d'étude préalable, Monsieur Guiot ayant présenté un local dans le 5e arrondissement, une analyse géo-marketing de zone de chalandise a été effectuée et remise à l'intéressé de même qu'une analyse du marché local. Le choix de l'expert-comptable du réseau, qui est indépendant, a ensuite été proposé à ce dernier et non imposé et c'est Monsieur Guiot qui a défini son besoin de financement et rencontré les banquiers, sa propre contribution s'étant limitée à la présentation du marché et à la pertinence du projet et à appuyer le dossier auprès des représentants locaux des banques sollicitées, comme le font tous les franchiseurs. Elle a découvert ensuite qu'il avait modifié le montage financier sans lui en parler. Elle lui reproche de minimiser sa responsabilité, de faire une présentation mensongère des faits et d'essayer de lui faire supporter les conséquences de ses propres carences dans la réalisation d'un projet dont il a été l'initiateur et le principal acteur. Elle déclare lui avoir apporté une assistance sans faille lors de l'ouverture du magasin et après, que ce sont les modifications du montage financier qui ont retardé la commande des travaux d'aménagement et l'ouverture du magasin, que Monsieur Guiot a apposé l'enseigne tardivement et s'est réfugié dans une position attentiste devant la faiblesse du chiffre d'affaires au lieu de réagir comme l'ont fait d'autres franchisés confrontés à un démarrage difficile. Elle ajoute qu'elle-même a multiplié les efforts pour l'aider (tracts, catalogues, visites au magasin, audit début 2009) mais qu'il n'a tenu aucun compte des conseils prodigués, ayant envisagé très rapidement de vendre l'affaire alors que les chiffres de décembre confirmaient l'existence d'un potentiel. Monsieur Guiot est donc seul responsable de l'état de cessation des paiements. Elle conteste l'analyse faite par les appelants des chiffres d'affaires de ses franchisés. Sur les préjudices, elle fait valoir que les appelants réclament deux fois la réparation du même préjudice, que le jugement du 23 février 2012 rend sans objet les demandes au titre des prêts de la Société Générale et que Monsieur Guiot ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il allègue. Elle considère également que son sérieux et sa réputation ont été mis en cause à tort et que c'est elle qui a été trompée, la somme qui lui a été allouée par le premier juge étant insuffisante pour réparer son préjudice dans la mesure où la liquidation du magasin de Paris a entraîné pendant quelques temps un ralentissement du réseau. Elle considère que les appelants sont de mauvaise foi à n'avoir communiqué le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre qu'à la veille de l'ordonnance de clôture alors que leurs prétentions se trouvaient partiellement remises en cause.
Motifs
1°) Sur la demande d'annulation du contrat de franchise
Pour prononcer la nullité du contrat conclu en violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce, le juge doit rechercher si le défaut d'information a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.
Le tribunal a débouté la société représentée par son liquidateur et Monsieur Guiot de leur demande à ce titre après avoir relevé que la société Intervalles avait satisfait à l'ensemble de ses obligations légales en remettant au franchisé les documents d'information pré-contractuelle, que le compte prévisionnel d'exploitation avait été élaboré par ce dernier avec un cabinet d'expertise comptable indépendant, que c'était à lui d'apprécier les potentialités de son fonds et qu'il avait commis des erreurs au cours des premiers mois de fonctionnement de nature à expliquer le dépôt de bilan.
Les appelants reprochent au tribunal de ne pas avoir tenu compte du rôle joué par la société Intervalles dans l'établissement du chiffre d'affaires prévisionnel qui s'est avéré supérieur de 70 % au réel, ce qui, selon eux, ne correspondait ni à ce qui se pratiquait dans le réseau ni à la réalité du marché parisien. L'intimée réfute toute responsabilité dans l'établissement des comptes prévisionnels en soulignant l'indépendance du cabinet comptable.
Il n'est pas contesté que le compte prévisionnel d'exploitation et tous les documents comptables et financiers de la société GC5 Paris émanent du cabinet Adec Atlantique, qui est l'expert-comptable du réseau, et que les franchisés ont la possibilité de le choisir ou de ne pas le choisir, tant au stade de la préparation de leur entrée dans le réseau que pour la tenue de la comptabilité du magasin.
L'information essentielle qu'il contient, et qui est au cœur du présent litige, est le montant du chiffre d'affaires prévisionnel pour les années n, n + 1 et n + 2.
D'après les pièces versées aux débats, ceux qui avaient été prévus pour la société GC 5 Paris étaient de 450 000 euro la première année, 517 500 euro la deuxième année et 571 750 euro la troisième. La société a à peine atteint 120 000 euro en neuf mois d'exploitation.
Il ressort du dossier que le chiffre de 450 000 euro apparaît dans un document intitulé "éléments synthétiques - plan de financement Game Cash" qui figure en pièce 2 du dossier de la société Intervalles, qui se présente en trois parties :
- un descriptif du projet : la situation du pas de porte (rue Monge dans le 5e), la superficie et le montant du loyer, les modalités de financement ;
- le détail des principaux postes de dépenses pour un montant total de 180 000 euro HT ;
- des "éléments pour le prévisionnel sur 3 ans" se décomposant ainsi : le montant du loyer annuel et des charges, celui des charges de l'enseigne Game Cash, les charges courantes (avec l'indication : "se reporter aux charges courantes d'un Tarbes ou d'un Angers"), le coût de la communication annuelle, les salaires et charges sociales (le gérant et un demi SMIC) et, enfin, "CA prévisionnel première année : 450 KF (55 % occasion et 45 % neuf) marge globale brute 30 %, CA année n + 1 : + 15 % (soit 520 KF), n + 2 + 10 % (soit 570 KF)".
Suit une signature qui, d'après la comparaison avec le DIP, est celle de Monsieur Guiot et, à côté, la mention manuscrite : "Eléments fournis par Cédric Guiot", l'écriture étant tout à fait différente de celle des mots "lu et approuvé" écrits par ce dernier avant d'apposer sa signature du DIP.
Il ne comporte aucune date. L'intimée ayant classé ses pièces de manière chronologique et le document figurant entre la réponse de Monsieur Guiot à son questionnaire et le document d'information pré-contractuelle dit "DIP loi Doubin" daté du 7 février 2008, il y a tout lieu de penser qu'il a été rapidement élaboré.
Il ne fait pas de doute qu'il l'a été conjointement par les parties, Monsieur Guiot fournissant les informations relatives à la description du projet et la société Intervalles, celles relatives aux charges de la franchise qu'elle seule pouvait connaître. Il en est de même de celles contenues dans la dernière partie, seul le franchiseur pouvant connaître la répartition du chiffre d'affaires entre l'occasion et le neuf, et Monsieur Guiot, de par son cursus, n'ayant aucune expérience de la gestion d'entreprise ni du secteur des jeux vidéo. D'ailleurs, les informations contenues dans les deux dernières parties sont identiques à celles figurant dans le document du franchisé de Bayonne-Anglet ou très proches (le chiffre d'affaires était de 350 000 euro), sur un papier à en-tête "Game Cash".
Il sera donc retenu que la mention "Eléments fournis par Cédric Guiot" a été apposée ultérieurement par l'intimée pour les besoins de la cause.
Ce document tend à accréditer la thèse de Monsieur Guiot selon laquelle c'est la société Intervalles qui a arrêté le montant du chiffre d'affaires prévisionnel, et non le franchisé avec l'aide de l'expert-comptable comme elle prétend. Au demeurant, la mise en relation de ces derniers est concomitante à l'élaboration du dossier bancaire si l'on se réfère aux écritures de l'intimée, soit fin mars ou en avril.
Deux courriels viennent la corroborer. Le 19 mars 2008, Monsieur Guiot écrivait à l'un des deux dirigeants : "j'attends le prévisionnel pour la fin de la semaine, par mail si possible, comme proposé par Patrick" (Patrick Gomez, l'un des deux dirigeants) et, le 21 mars : "est-il possible d'avoir le compte de résultat détaillé et la trésorerie de l'étude". le stock de départ doit-il être entré dans le financement "pas d'immobilisation financière pour les cautions de loyer et facilité de caisse''. Il n'est pas crédible de la part de l'intimée de soutenir que Patrick Gomez se serait borné à servir d'intermédiaire avec l'expert-comptable et n'aurait fait qu'accélérer l'établissement des comptes prévisionnels. Cette allégation est également contredite par ses propres déclarations quant à la date de saisine de l'expert-comptable, ainsi qu'il a été vu au paragraphe précédent.
Néanmoins, il est de principe que, dans un tel cas, le franchiseur est tenu à une obligation de moyens et qu'il n'engage sa responsabilité que si une faute est prouvée, étant rappelé que, lorsqu'il fournit un prévisionnel, il doit le faire de manière sérieuse.
Il résulte de ce qui précède que le chiffre de 450 000 euro a été déterminé avant que le lieu d'implantation du magasin soit définitivement arrêté, sur la seule information qu'il s'agirait du 5e arrondissement, près de la Sorbonne où le candidat avait un local en vue (cf. les réponses de Cédric Guiot au questionnaire), avant même la signature du contrat d'étude préalable du 6 mars 2008, et la réalisation d'une analyse géo-marketing de zone de chalandise, une fois l'emplacement arrêté. Il l'a donc été sans aucune étude préalable de sorte que la question de savoir si elle était ou non sérieuse n'a même pas lieu d'être posée.
Les appelants sont fondés à évoquer l'excès de confiance des dirigeants du fait de l'implantation à Paris si l'on se réfère à deux courriels de Philippe Cougé, le second dirigeant, l'un daté du 21 mai 2008, répondant à Cédric Guiot qui, la veille, avait informé les deux dirigeants du refus de la BNP, notamment à raison d'un chiffre d'affaires trop optimiste : "pour en revenir aux raisons de la BNP, c'est pipeau, 450 KF à Paris, c'est ridicule)", l'autre du 26 juin suivant, écrivant, après avoir énoncé les différents moyens de communication qui seraient mis en œuvre pour l'ouverture du magasin : "ensuite, laissons faire le buzz, la présence d'un magasin parisien Game Cash fera le reste".
Par ailleurs, sur les 9 magasins ouverts par le réseau entre 2006 et 2008, seuls 2 ont réalisé la première année un chiffre d'affaires approchant 450 000 euro, ceux d'Angers et de Saint Brieuc. Il sera observé que le nombre de concurrents y était le plus élevé (respectivement 10 et 4) de sorte que l'argument de la concurrence, soutenu par les appelants, n'apparaît pas pertinent. L'intimée ajoute qu'en 2008-2009, 8 des 18 franchisés réalisaient un tel chiffre d'affaires, sans préciser la date d'ouverture des magasins.
Le chiffre de 450 000 euro n'était donc pas raisonnable au regard de l'activité des autres franchisés la première année.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il convient d'examiner si la non-réalisation de ce chiffre est imputable à la société, comme le prétend l'intimée qui rejette sur elle la responsabilité de l'échec en reprochant à son gérant de nombreuses erreurs et une attitude "défaitiste" et de ne pas avoir tout mis en œuvre pour redresser la situation, elle-même ayant tout fait pour l'aider dans le cadre de sa mission d'assistance.
Sur ce dernier point, les appelants ne formulent aucun reproche envers le franchiseur et la réalité de son assistance est établie par les échanges entre les parties.
Parmi les griefs adressés au gérant, certains ne lui sont pas imputables (l'ouverture avec du retard, conséquence des refus successifs de la BRED puis de la BNP) ou sans lien avec le montant du chiffre d'affaires (la pose du panneau Game Cash mi-novembre qui n'a pu dissuader les clients, de passage ou venus à la suite du mailing ou de la distribution des tracts, d'entrer dans la boutique, l'absence de mise à jour de l'argus des produits d'occasion qui avait pour conséquence de générer une marge de 38 % alors qu'elle est d'au moins 50 % pour les autres franchisés ou la reprise de produits d'occasion à des prix trop élevés qui étaient plutôt de nature à attirer des clients).
L'absence de blisters sur les produits d'occasion, l'existence de 3 prix différents sur le même produit, le positionnement de jeux à l'envers, les prix mal pensés et le mélange des produits neufs et d'occasion dans les rayons, évoqués dans le courriel de Monsieur Gomez du 20 janvier 2009 et le rapport de visite de Monsieur Do après 5 jours passés dans le magasin, fin janvier 2009, étaient, en revanche, de nature à avoir une influence sur les ventes et donc le chiffre d'affaires.
Cependant, Monsieur Do écrit également : "Il y a très peu de clients, ce qui entraîne un nombre de ventes et de reprises peu élevé (moins de 25 transactions pour la semaine) ; les personnes passent à côté du magasin et ne s'arrêtent pas, il faudrait remettre en question les offres d'appels et l'ambiance actuelle du magasin. Les premières ventes de la journée se faisaient aux alentours de midi. La clientèle découvre une fois sur dix le magasin et l'enseigne a malheureusement une image extrêmement confuse aux yeux des clients".
Dans ces conditions, les fautes du franchisé dans l'organisation et la gestion de son magasin ne pouvaient qu'avoir des conséquences très limitées dès lors que le problème majeur était l'insuffisance de clientèle. Cette observation évoque en réalité une erreur d'implantation, laquelle avait non seulement été validée par le franchiseur mais qualifiée par lui d'idéale parce que située dans un arrondissement jeune, avec beaucoup d'étudiants et de lycéens.
Sur "le tempérament plutôt négatif de Cédric, n'ayant pas de grande conviction sur l'enseigne et l'avenir du magasin", noté par l'auteur du rapport, argument repris par l'intimée, la lecture des nombreux échanges entre les parties fait apparaître l'évolution de l'état d'esprit de Monsieur Guiot, très motivé au début, commençant à s'interroger en juillet ("avons-nous sous-estimé les dépenses''), s'inquiétant en octobre de ne pas pouvoir faire face à ses échéances en fin d'année en raison d'un manque de trésorerie ("toujours aucun mouvement"). En janvier, il envisageait de demander des reports de paiement et questionnait les dirigeants : "comment a été faite l'étude de marché pour être aussi loin des réalités ''. Il apparaît plutôt que Monsieur Guiot était conscient des difficultés et du risque de dépôt de bilan qui se profilait.
L'intimée prétend encore que Monsieur Guiot aurait renoncé trop tôt alors que le chiffre d'affaires du mois de décembre 2008 (23 659,49 euro) était prometteur. Cependant, cette somme représentait un chiffre d'affaires annuel de 283 913,88 euro, très éloigné des 450 000 euro. Quant à la chute régulière du chiffre d'affaires entre janvier et mai 2009, elle doit être mise en relation avec l'insuffisance de trésorerie, Monsieur Guiot écrivant dès janvier qu'il ne pouvait plus acheter de produits neufs ou de consoles. Ce dernier n'avait donc pas la capacité financière d'affronter un démarrage d'activité aussi difficile, contrairement au franchisé de Bayonne-Anglet cité en exemple par l'intimée, étant observé qu'au bout de trois ans, celui-ci n'avait même pas atteint son chiffre d'affaires prévisionnel.
Enfin, l'allégation selon laquelle Monsieur Guiot aurait envisagé de revendre son affaire dès le mois de décembre 2008 est démentie par un courriel du 12 janvier 2009 : "les seules solutions que vous me proposez sont en rapport avec la revente et non l'assistance, ou bien trouver quelqu'un pour remettre 20 000 euro au pot".
Aucun élément ne permet donc d'imputer au franchisé la responsabilité de l'échec.
Le décalage considérable entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le réel (70 %) et le délai très court entre l'ouverture du magasin et le dépôt de bilan (9 mois) conduisent à retenir que c'est la fourniture par la société Intervalles d'un chiffre qui n'avait été précédé d'aucune étude préalable, à partir de la seule perspective d'une ouverture à Paris alors qu'aucun magasin à l'enseigne Game Cash n'avait encore été ouvert dans cette ville ni même en région parisienne, qui a faussé l'ensemble du compte d'exploitation prévisionnel.
La société représentée par son liquidateur est fondée à soutenir que le consentement de son gérant a été vicié par la présentation erronée des potentialités de l'activité et de sa rentabilité. En conséquence, sa demande sera accueillie et la nullité du contrat de franchise prononcée, le jugement déféré étant infirmé en toutes ses dispositions.
2°) Sur les conséquences de la nullité
Il est de jurisprudence constante que le renvoi de l'affaire à la mise en état entraîne la révocation de plein droit de l'ordonnance de clôture. Les appelants sont donc recevables à présenter des demandes nouvelles à l'occasion de la réouverture des débats.
2.1. Sur les demandes de la société représentée par son liquidateur
La somme de 12 900 euro HT au titre des restitutions du droit d'entrée et des redevances n'est pas discutée.
Il résulte des pièces 89 et 90 des appelants que la Société Générale et la société Sogelease ont déclaré des créances de, respectivement, 97 043,21 euro et 48 030,76 euro, au passif de la société au titre des prêts et du solde débiteur du compte courant pour la première, du contrat de crédit-bail pour la seconde, investissements qui ont été effectivement réalisés en pure perte.
S'agissant de la créance de la Société Générale, c'est à tort que l'intimée oppose le jugement du 23 février 2012 pour prétendre qu'aucune somme ne saurait être réclamée par le liquidateur à ce titre puisque le jugement a été rendu dans le litige opposant cette banque et Monsieur Guiot pris en sa qualité de caution et que ce dernier bénéficie d'une créance indemnitaire qui lui est propre.
Il y a lieu néanmoins de constater que le mandataire-liquidateur réclame uniquement la différence, soit 22 812,90 euro.
Ce dernier sollicite également une somme de 70 000 euro au titre du prix d'acquisition du pas de porte, ce à quoi l'intimée objecte qu'il réclame deux fois la réparation du même préjudice dès lors que celui-ci a été payé grâce au prêt bancaire. Cependant, cet argument aurait été fondé si le liquidateur avait obtenu le montant des créances de la Société Générale admises au passif. Ayant limité sa demande à 22 812,90 euro, il est en droit à prétendre à la différence avec le montant du pas de porte, soit 47 187,10 euro, pour obtenir l'indemnisation de son entier préjudice.
La demande du liquidateur est également fondée s'agissant de la somme déclarée par le crédit bailleur diminuée du prix de cession des matériels (3 762,54 euro), soit 44 268,22 euro. A supposer que l'intimée ait été tenue dans l'ignorance du crédit-bail, comme elle l'allègue, cette circonstance est indifférente s'agissant seulement d'une évolution des modalités du financement dont le montant initial était de 150 000 euro.
En conséquence, l'intimée sera condamnée à lui restituer 12 900 euro HT et à lui payer 114 268,22 euro à titre de dommages-intérêts.
2.2. Sur les demandes de Monsieur Guiot
Monsieur Guiot réclame la somme de 128 479,09 euro à titre de dommages-intérêts se décomposant comme suit : 46 000 euro représentant le montant de son apport en capital, 20 000 euro, son engagement de caution solidaire au titre du paiement des loyers et 19 200 euro, la perte de revenus déterminée à partir du prévisionnel d'exploitation qui prévoyait une rémunération de ce montant.
La réalité du premier poste, contestée par l'intimée, est établie par la balance au 31 mai 2009 (pièce 70 des appelants) qui contient un compte "capital appelé versé" pour 46 000 euro. Cependant, comme le fait observer cette dernière, il ressort du dossier que deux associés devaient faire un apport de 16 000 euro pour compléter celui de Monsieur Guiot de 30 000 euro, la banque considérant cette dernière somme insuffisante. Il ne justifie pas avoir déboursé l'intégralité de l'apport de sorte que seule la somme de 30 000 euro sera retenue.
Sur le deuxième poste, il justifie de son engagement par la production du contrat de bail mais ne communique aucune pièce afférente à une mise en demeure du bailleur de payer une quelconque somme au titre des loyers impayés, ni d'ailleurs d'une déclaration de créance au passif. Il sera donc rejeté.
Enfin, la demande au titre de la perte de revenus s'analyse comme une perte de chance de percevoir la somme figurant dans le prévisionnel. Il lui sera alloué à ce titre 10 000 euro.
C'est donc une somme de 40 000 euro que l'intimée sera condamnée à payer à Cédric Guiot.
3°) Sur les autres demandes
L'intimée qui succombe en toutes ses prétentions, sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de ses frais irrépétibles et condamnée à payer aux appelants une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement : Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat de franchise du 5 juillet 2008, Condamne la société Intervalles à payer : - à la société GC 5 Paris représentée par Maître Marie-José Josse prise en qualité de mandataire-liquidateur, les sommes de 12 900 euro au titre des restitutions et de 114 268,22 euro à titre de dommages-intérêts, - à Monsieur Cédric Guiot, la somme de 40 000 euro à titre de dommages-intérêts, - à la société GC 5 Paris représentée par Maître Josse prise en qualité de mandataire-liquidateur et à Monsieur Cédric Guiot, la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société GC 5 Paris représentée par Maître Josse prise en qualité de mandataire-liquidateur et Monsieur Cédric Guiot du surplus de leurs demandes, Condamne la société Intervalles aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.