CA Douai, 2e ch. sect. 2, 4 juillet 2013, n° 12-05563
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Daddato
Défendeur :
Holdelec (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Valay-Briere, Barbot
Avocats :
Mes Bussy, Levasseur
Monsieur Nicolas Daddato, exerçant sous l'enseigne "Easy Robotics", conçoit et fabrique des pièces et kits pour la fabrication de robots destinés au monde de l'éducation et du loisir.
La SAS Holdelec est spécialisée dans le négoce en composants et matériels électroniques.
Le 15 juillet 2008, Monsieur Daddato et la SAS Holdelec ont signé un contrat aux termes duquel la seconde s'est engagée à distribuer les produits du premier.
Par lettre du 13 juillet 2011, Monsieur Daddato a proposé une modification du contrat en supprimant la référence à l'achat minimum et à l'exclusivité dont bénéficiait la société Holdelec.
En réponse, celle-ci a, par courrier en date du 15 juillet suivant, signifié à son cocontractant sa volonté de rompre le contrat.
Considérant que la société Holdelec restait lui devoir diverses sommes d'argent, Monsieur Daddato a saisi le Tribunal de commerce de Lille qui, par jugement contradictoire en date du 21 juin 2012, a :
- condamné la société Holdelec à payer à l'entreprise Easy Robotics la somme de 217,10 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné l'entreprise Easy Robotics à payer à la SAS Holdelec la somme de 1 820,46 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'entreprise Easy Robotics aux dépens.
Par déclaration au greffe en date du 27 juillet 2012, Monsieur Nicolas Daddato, exerçant sous l'enseigne Easy Robotics, a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 mars 2013, il demande à la cour de déclarer son appel bien fondé, au visa de l'article 1147 du Code civil, de condamner la SAS Holdelec à lui payer la somme de 36 502 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par celle-ci de ses obligations contractuelles ainsi que celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, enfin de la débouter de l'ensemble de ses demandes.
Il fait valoir que le tribunal a dénaturé les clauses du contrat pour en tirer des conséquences qui ne correspondent pas à la réalité des engagements. Il rappelle qu'il se trouvait en situation de dépendance économique vis-à-vis de la SAS Holdelec et soutient que celle-ci n'a pas respecté son obligation contractuelle d'achat minimum, laquelle s'analyse en une promesse d'achat ferme et définitive en contrepartie de l'exclusivité consentie. Il conteste également le non-respect invoqué de ses propres obligations, aucune exception d'inexécution ne pouvant être alléguée selon lui.
Dans ses conclusions en date du 14 mai 2013, la SAS Holdelec demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en conséquence, de débouter Monsieur Daddato de ses demandes, de le condamner au paiement de la somme de 1 820,46 euro TTC au titre de la fraiseuse numérique, de lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir la somme de 217,10 euro TTC, d'ordonner la compensation entre les sommes dues, de condamner Monsieur Daddato à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle argue que le non-respect de la clause d'objectif n'est pas sanctionné aux termes du contrat de concession ou de fourniture exclusive les liant et que le seul fait de ne pas atteindre les objectifs contractuellement fixés ne peut entraîner, à lui seul, la rupture du contrat aux torts du débiteur ou l'octroi de dommages et intérêts. Elle ajoute que Monsieur Daddato ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute ouvrant droit à indemnisation. Elle rappelle que, dans le contrat, les parties n'ont envisagé la résiliation qu'en cas de manquement contractuel et qu'aucune indemnisation n'a été prévue. Elle prétend que c'est en raison des manquements de Monsieur Daddato à ses obligations contractuelles qu'elle n'a pas été en mesure d'acheter ses produits à hauteur de 25 000 euro par an. Elle réclame, enfin, le solde du prix de la fraiseuse numérique achetée par Monsieur Daddato, non contesté.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2013.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens selon ce qu'autorise l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce
Les dispositions du jugement déféré autres que celles relatives à la demande en paiement de dommages et intérêts de Monsieur Daddato n'étant pas contestées, il convient de les confirmer purement et simplement.
Aux termes du contrat de distribution exclusive signé entre les parties, Monsieur Daddato s'est obligé à assurer l'approvisionnement de son distributeur dans un délai de 60 jours, à animer son site Internet, à ne pas vendre ses produits directement à la clientèle sauf pour les produits que son distributeur refuserait de commercialiser et à acheter une fraiseuse numérique ainsi que divers outillages pour un montant de 9 292,74 euro TTC. En contre-partie, la SAS Holdelec bénéficiait de l'exclusivité sur la vente des produits en France et au Benelux et s'est engagée à acheter des produits pour un montant minimum de 25 000 euro par an.
Le contrat stipule, par ailleurs, qu'en raison de sa durée indéterminée, "chacune des parties pourra y mettre fin, à tout moment, sans avoir à justifier sa décision, mais à condition de respecter un préavis de rupture de un mois avant la cessation effective des relations contractuelles, courant à compter de la réception de la notification adressée en lettre recommandée avec demande d'avis de réception".
Il prévoit également un cas de résiliation pour faute en cas de non-respect par l'une des parties de l'une de ses obligations un mois après une mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec avis de réception à la partie défaillante indiquant l'intention de faire application de ladite clause.
Par lettre non datée, reçue le 13 juillet 2011, Monsieur Daddato a proposé à la SAS Holdelec une modification du contrat en lui précisant "qu'un refus de votre part sur la suppression de la clause d'exclusivité entraînera la rupture complète du contrat".
La SAS Holdelec a répondu, par lettre recommandée avec avis de réception du 15 juillet 2011, qu'elle ne souhaitait pas un nouveau partenariat précisant "il nous semble plus raisonnable de cesser notre collaboration et n'envisageons donc pas d'aller plus loin dans la distribution des produits Easy Robotics".
Il se déduit de ces courriers que la SAS Holdelec, qui n'a pas voulu faire droit à la demande de modification évoquée, a fait usage de la faculté de résiliation lui appartenant.
Il ne s'agit donc pas d'un cas de résiliation pour faute.
En l'absence de disposition contractuelle particulière, cette résiliation n'ouvre pas droit à indemnisation.
Toutefois, la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par Monsieur Daddato n'est pas relative au préjudice qui serait né de cette résiliation mais de celui né du non-respect par la SAS Holdelec de son engagement d'achat minimum.
L'obligation ainsi contractée par la SAS Holdelec n'est pas, comme elle le soutient, une clause d'objectif mais une promesse d'achat, laquelle constitue une obligation de résultat.
Il est établi par les pièces produites, et au demeurant non contesté, que la SAS Holdelec n'a pas acheté pour 25 000 euro de produits chaque année.
Elle prétend n'avoir pas été en capacité d'honorer cet engagement du fait des manquements de Monsieur Daddato à ses propres obligations.
Cependant, outre qu'elle ne justifie pas avoir mis ce dernier en demeure de les respecter, le tableau produit (pièce 14) montre au contraire le respect par Monsieur Daddato du délai de livraison à 60 jours.
Au surplus, les pièces versées aux débats ne font état que de trois difficultés dans les commandes dont une en 2009 puis deux en janvier et avril 2011 (pièces 13).
Enfin, et contrairement aux allégations de la SAS Holdelec, Monsieur Daddato ne s'est pas engagé contractuellement à faire évoluer sa gamme de produits.
Par suite, l'exception d'inexécution alléguée est sans fondement.
La SAS Holdelec est tenue, par application de l'article 1147 du Code civil, de réparer le préjudice subi par Monsieur Daddato du fait du non-respect de la clause d'achat minimum nonobstant l'absence de sanction spécifique prévue au contrat.
Celui-ci ne peut toutefois pas être égal à la différence entre l'engagement pris et la somme des produits réellement achetés.
Au vu des éléments dont elle dispose, ce préjudice sera arrêté par la cour à la somme de 9 000 euro.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Holdelec au paiement de la somme de 217,20 euro ainsi qu'en ce qu'il a condamné l'entreprise Easy Robotics à payer à la SAS Holdelec la somme de 1 820,46 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sauf à l'émonder en ce que la paiement est dû à ou par Monsieur Daddato exerçant sous l'enseigne "Easy Robotics" et non à l'entreprise Easy Robotics mais infirmé pour le surplus.
La compensation entre les sommes réciproquement dues sera ordonnée.
La société Holdelec qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance comme d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Daddato les frais exposés par lui en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en en ce qu'il a condamné la SAS Holdelec au paiement de la somme de 217,20 euro ainsi qu'en ce qu'il a condamné l'entreprise Easy Robotics à payer à la SAS Holdelec la somme de 1 820,46 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sauf à l'émonder en ce que la paiement est dû à ou par Monsieur Daddato exerçant sous l'enseigne "Easy Robotics" ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la SAS Holdelec à payer à Monsieur Daddato exerçant sous l'enseigne "Easy Robotics" la somme de 9 000 euro à titre de dommages et intérêts ; Y ajoutant, Ordonne la compensation entre les sommes réciproquement dues ; Condamne la SAS Holdelec à payer à Monsieur Daddato exerçant sous l'enseigne "Easy Robotics" la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Holdelec aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Loïc Bussy, avocat, conformément à l'article 699 Code de procédure civile.