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Décisions

CE, 9e et 10e sous-sect. réunies, 17 juillet 2013, n° 360100

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Comité des constructeurs français d'automobiles, Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle, Conseil national des professions de l'automobile

Défendeur :

UFC - Que Choisir, Alliance nationale des experts en automobile, Fédération française de la carrosserie, Fédération des syndicats de la distribution automobile , Fédération nationale de l'artisanat automobile

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

Mme Lange

Rapporteur public :

M. Aladjidi

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton

Paris, pôle 5, ch. 1, du 30 juin 2010

30 juin 2010

LE CONSEIL : - Vu 1°), sous le n° 360100, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 27 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Comité des constructeurs français d'automobiles, dont le siège est 2 rue de Presbourg à Paris (75008), la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle, dont le siège est 5 square de l'avenue du Bois BP 2116 à Paris cedex 16 (75771), et le Conseil national des professions de l'automobile, dont le siège est 50 rue Rouget de Lisle à Suresnes cedex (92158) ; les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le document de consultation publique de l'Autorité de la concurrence en date du 11 avril 2012 sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs de l'entretien et la réparation automobile et de la fabrication de pièces détachées pour véhicules ; Vu 2°), sous le n° 364354, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2012 et 7 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Comité des constructeurs français d'automobiles, la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et le Conseil national des professions de l'automobile ; les requérants demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis n° 12-A-21 du 8 octobre 2012 de l'Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement concurrentiel des secteurs de la réparation et de l'entretien des véhicules et de la fabrication et de la distribution de pièces de rechange ; 2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le Code de commerce ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Comité des constructeurs français d'automobiles, de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et du Conseil national des professions de l'automobile et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, de l'Alliance nationale des experts en automobile, de la Fédération française de la carrosserie, de la Fédération des syndicats de la distribution automobile et de la Fédération nationale de l'artisanat automobile ;

1. Considérant que les requêtes du Comité des constructeurs français d'automobiles, de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et du Conseil national des professions de l'automobile dirigées, d'une part, contre le document de consultation publique du 11 avril 2012 et, d'autre part, contre l'avis du 8 octobre 2012 de l'Autorité de la concurrence, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l'intervention de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, de l'Alliance nationale des experts en automobile, de la Fédération française de la carrosserie, de la Fédération des syndicats de la distribution automobile et de la Fédération nationale de l'artisanat automobile :

2. Considérant que l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, l'Alliance nationale des experts en automobile, la Fédération française de la carrosserie, la Fédération des syndicats de la distribution automobile et la Fédération nationale de l'artisanat automobile ont intérêt au rejet des requêtes ; qu'ainsi leur intervention en défense sous le numéro 360100 est recevable ;

Sur la recevabilité des requêtes :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 462-4 du Code de commerce : " L'Autorité de la concurrence peut prendre l'initiative de donner un avis sur toute question concernant la concurrence. Cet avis est rendu public (...) " ;

4. Considérant qu'il est loisible à l'Autorité de la concurrence, lorsqu'elle exerce la faculté d'émettre un avis que lui reconnaît l'article L. 462-4 du Code de commerce, de faire toute préconisation relative à la question de concurrence qui est l'objet de son analyse, qu'elle s'adresse au législateur, aux ministres intéressés ou aux opérateurs économiques ; que les prises de position et recommandations qu'elle formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief ; qu'il en irait toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l'Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance ;

5. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, l'Autorité de la concurrence a, le 30 juin 2011, décidé de se saisir d'office pour avis de l'examen du fonctionnement concurrentiel du secteur de l'après-vente automobile ; qu'elle a publié, le 11 avril 2012, un document de consultation publique dans le but d'exposer son analyse à un stade intermédiaire de l'instruction de sa saisine d'office et de recueillir les observations des acteurs intéressés ; qu'elle a adopté son avis définitif le 8 octobre 2012 ;

6. Considérant que l'avis attaqué procède d'abord à l'analyse du fonctionnement et de la situation concurrentielle des secteurs de la réparation et de l'entretien de véhicules et de la fabrication et de la distribution de pièces de rechange ; qu'il s'attache ensuite à l'examen des obstacles potentiels à une plus forte concurrence dans ces secteurs, avant d'émettre des recommandations, dont certaines sont susceptibles d'être mises en œuvre par les opérateurs économiques concernés et d'autres nécessitent une intervention préalable du législateur et du pouvoir réglementaire ; que si l'avis souligne l'importance de la position occupée par les réseaux de constructeurs automobiles sur le marché de l'après-vente automobile et identifie en termes généraux des pratiques susceptibles, le cas échéant, d'être appréhendées, au terme d'un examen approfondi et individualisé, au regard des règles de concurrence, cette analyse ne comporte pas, en elle-même, d'appréciations susceptibles d'emporter des effets de droit ; que si elle était ultérieurement reprise par l'Autorité de la concurrence ou par une autre autorité dans le cadre d'une procédure aboutissant à une décision faisant grief, elle pourrait, à cette occasion, faire l'objet d'un débat contentieux ; que, dès lors, quelle que soit la publicité dont il a fait l'objet, l'avis du 8 octobre 2012 n'a pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, sans que les requérants puissent invoquer une méconnaissance de leur droit à un recours effectif, leur requête est irrecevable ; qu'il en va de même de leur demande d'annulation du document de consultation publique du 11 avril 2012, lequel ne constitue au demeurant qu'un document préparatoire à l'avis du 8 octobre 2012 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir d'une question la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les requêtes du Comité des constructeurs français d'automobiles, de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et du Conseil national des professions de l'automobile doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Comité des constructeurs français d'automobiles, de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et du Conseil national des professions de l'automobile le versement, par chacun, d'une somme de 1 000 euros à l'Etat au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention, sous le numéro 360100, de l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, de l'Alliance nationale des experts en automobile, de la Fédération française de la carrosserie, de la Fédération des syndicats de la distribution automobile et de la Fédération nationale de l'artisanat automobile, est admise.

Article 2 : Les requêtes du Comité des constructeurs français d'automobiles, de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et du Conseil national des professions de l'automobile sont rejetées.

Article 3 : Le Comité des constructeurs français d'automobiles, la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle et le Conseil national des professions de l'automobile verseront la somme de 1 000 euros chacun à l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Comité des constructeurs français d'automobiles, à la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle, au Conseil national des professions de l'automobile, à l'Autorité de la concurrence, à l'Union fédérale des consommateurs - Que Choisir, à l'Alliance nationale des experts en automobile, à la Fédération française de la carrosserie, à la Fédération des syndicats de la distribution automobile et à la Fédération nationale de l'artisanat automobile.