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Décisions

CJUE, 1re ch., 18 juillet 2013, n° C-265/12

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Citroën Belux NV

Défendeur :

Federatie voor Verzekerings- en Financiële Tussenpersonen (FvF)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tizzano

Avocat général :

M. Bot

Juges :

Mme Berger, MM. Borg Barthet (rapporteur), Levits, Kasel

Avocats :

Mes Willemart, Smits, Balthazar, De Keyzer, Destrycker, Dhaenens, Vermeulen

CJUE n° C-265/12

18 juillet 2013

LA COUR (première chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29-CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84-450-CEE du Conseil et les directives 97-7-CE, 98-27-CE et 2002-65-CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006-2004 du Parlement européen et du Conseil ("directive sur les pratiques commerciales déloyales") (JO L 149, p. 22), et de l'article 56 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Citroën Belux NV (ci-après "Citroën") à la Federatie voor Verzekerings- en Financiële Tussenpersonen (FvF) (Fédération des intermédiaires d'assurance et financiers), au sujet d'une pratique commerciale de Citroën consistant en une offre gratuite d'une assurance omnium pendant une durée de six mois à l'achat d'un véhicule Citroën, pratique considérée comme déloyale par la FvF.

Le cadre juridique

La réglementation de l'Union

3 Le considérant 9 de la directive 2005-29 se lit comme suit :

"[...] Eu égard à leur complexité et aux graves risques qui leur sont propres, les services financiers et les biens immobiliers doivent faire l'objet de prescriptions détaillées, y compris l'instauration d'obligations positives à respecter par les professionnels. C'est la raison pour laquelle, s'agissant des services financiers et des biens immobiliers, la présente directive s'applique sans préjudice de la faculté pour les États membres d'adopter des mesures qui aillent au-delà des dispositions de la présente directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs. [...]"

4 L'article 3 de la directive 2005-29, intitulé "Champ d'application", dispose à ses paragraphes 1 et 9 :

"1. La présente directive s'applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l'article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.

[...]

9. Pour ce qui est des 'services financiers', au sens de la directive 2002-65-CE [du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90-619-CEE du Conseil, 97-7-CE et 98-27-CE (JO L 271, p. 16)], et des biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur."

5 L'article 2, sous b), de la directive 2002-65 définit la notion de "service financier" comme étant "tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements".

La réglementation belge

6 L'article 72 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (Belgisch Staatsblad, 12 avril 2010, p. 20803, ci-après la "loi du 6 avril 2010") prévoit :

"§ 1er. Toute offre conjointe au consommateur, dont au moins un des éléments constitue un service financier, et qui est effectuée par une entreprise ou par différentes entreprises agissant avec un but commun, est interdite.

§ 2. Par dérogation au § 1er, il est cependant permis d'offrir conjointement :

1° des services financiers qui constituent un ensemble ;

Le Roi peut, sur proposition des ministres compétents et du ministre des Finances, désigner les services proposés dans le secteur financier qui constituent un ensemble ;

2° des services financiers et des menus biens et menus services admis par les usages commerciaux ;

3° des services financiers et des titres de participation à des loteries légalement autorisées ;

4° des services financiers et des objets revêtus d'inscriptions publicitaires indélébiles et nettement apparentes, qui ne se trouvent pas comme tels dans le commerce, à condition que leur prix d'acquisition par l'entreprise ne dépasse pas 10 euros, hors TVA [taxe sur la valeur ajoutée], ou 5 % du prix de vente, hors TVA, du service financier avec lequel ils sont attribués. Le pourcentage de 5 % s'applique si le montant correspondant à ce pourcentage est supérieur à 10 euros ;

5° des services financiers et des chromos, vignettes et autres images d'une valeur commerciale minime ;

6° des services financiers et des titres consistant en des documents donnant droit, après acquisition d'un certain nombre de services, à une offre gratuite ou à une réduction de prix lors de l'acquisition d'un service similaire, pour autant que cet avantage soit procuré par la même entreprise et n'excède pas le tiers du prix des services précédemment acquis.

Les titres doivent mentionner la limite éventuelle de leur durée de validité, ainsi que les modalités de l'offre.

Lorsque l'entreprise interrompt son offre, le consommateur doit bénéficier de l'avantage offert au prorata des achats précédemment effectués."

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Citroën est l'importateur de véhicules de la marque Citroën en Belgique. Elle vend des marchandises par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés.

8 Le 10 décembre 2010, Citroën a lancé une campagne publicitaire sur le thème "Je veux tout". Cette campagne s'est déroulée au moins jusqu'à la fin du mois de février 2011.

9 L'offre publicitaire était rédigée de la façon suivante :

"'6 mois gratuits d'Omnium' est valable pour toute nouvelle souscription Omnium complète la première année. Elle concerne aussi bien les voitures particulières que les véhicules utilitaires vendus par les distributeurs Citroën officiels, à l'exception des véhicules de démonstration et de location. Les conditions d'acceptation Citroën Assurance sont d'application. Citroën Assurance est un produit de Servis, NV d'assurances agréée sous le n° 1396. PSA Finance Belux NV (n° CBFA 019.653A) agit en tant qu'agent d'assurances de Servis NV. Les distributeurs Citroën agréés par la CBFA agissent en tant que sous-agent de PSA Finance Belux NV [...]. Cette offre d'assurance n'est conditionnée à la souscription d'aucun produit ou service autre que le véhicule à assurer."

10 La FvF estimait que cette offre spéciale "salon de l'automobile", pour ce qui est de l'offre d'une assurance omnium gratuite pendant six mois à l'achat d'un véhicule Citroën, constituait une offre conjointe interdite. Elle a mis Citroën en demeure par lettre du 22 décembre 2010.

11 Par lettre du 23 décembre 2010, Citroën a répondu que l'offre était valable pour toute nouvelle souscription d'une assurance omnium d'une durée d'un an, et pas seulement à l'achat d'un nouveau véhicule Citroën. Selon Citroën, l'offre d'assurance omnium gratuite pendant six mois et l'achat d'une nouvelle voiture de cette marque n'étaient pas couplés.

12 Le 18 janvier 2011, la FvF a demandé devant le rechtbank van koophandel te Brussel la cessation de cette pratique commerciale, au motif qu'elle était contraire à l'article 72, paragraphe 1, de la loi du 6 avril 2010.

13 Par jugement du 13 avril 2011, le rechtbank van koophandel te Brussel a considéré en première instance que l'offre litigieuse constituait bien une offre conjointe au sens de l'article 2, point 27, de la loi du 6 avril 2010 et s'adressait aux acheteurs potentiels de nouveaux véhicules. Il a jugé que cette offre constituait une offre conjointe interdite en vertu de l'article 72, paragraphe 1, de cette loi et qu'une telle offre était un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché, prohibé par conséquent au titre de l'article 95 de la même loi.

14 Citroën a interjeté appel de ce jugement devant le hof van beroep te Brussel. La juridiction de renvoi considère que l'offre litigieuse constitue une offre conjointe et que l'obtention d'une assurance omnium gratuite pendant six mois était effectivement soumise, aux yeux du consommateur moyen, à l'achat d'un nouveau véhicule Citroën.

15 La juridiction de renvoi rappelle que, en vertu de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29, les États membres peuvent, en ce qui concerne les services financiers et les biens immobiliers, imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par cette directive. Elle estime que cette disposition peut faire l'objet de trois interprétations différentes. Selon une première interprétation, l'interdiction d'une offre conjointe comprenant un service financier est conforme à la directive 2005-29, que le service financier soit l'élément principal ou non de l'offre. Selon une deuxième interprétation, l'interdiction d'une telle offre n'est conforme à cette directive que si le service financier est un élément déterminant de l'offre conjointe. Une troisième interprétation conduirait à constater qu'une telle interdiction n'est pas conforme à ladite directive dans la mesure où l'article 3, paragraphe 9, de celle-ci, en tant qu'exception au principe de l'harmonisation complète, doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Enfin, la juridiction de renvoi s'interroge sur la conformité de la loi du 6 avril 2010 avec l'article 56 TFUE.

16 Dans ces conditions, le hof van beroep te Brussel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1) Convient-il d'interpréter l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29 en ce sens qu'il s'oppose à une disposition, telle que l'article 72 de la loi [...] du 6 avril 2010, qui - sous réserve des cas limitativement énumérés par la loi - interdit de manière générale toute offre conjointe au consommateur si un des éléments au moins constitue un service financier ?

2) Convient-il d'interpréter l'article 56 TFUE, concernant la libre prestation des services, en ce sens qu'il s'oppose à une disposition, telle que l'article 72 de la loi [...] du 6 avril 2010, qui - sous réserve des cas limitativement énumérés par la loi - interdit de manière générale toute offre conjointe au consommateur si un des éléments au moins constitue un service financier ?"

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit une interdiction générale, sous réserve de cas limitativement énumérés par la législation nationale, des offres conjointes proposées au consommateur dont au moins un des éléments est un service financier.

18 Ainsi qu'il ressort du point 50 de l'arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea (C-261-07 et C-299-07, Rec. p. I-2949), la Cour a jugé que les offres conjointes constituent des actes commerciaux s'inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d'un opérateur et visant directement à la promotion et à l'écoulement des ventes de celui-ci, de sorte qu'elles constituent des pratiques commerciales au sens de l'article 2, sous d), de la directive 2005-29 et, partant, relèvent du champ d'application de celle-ci.

19 Il s'ensuit que les offres conjointes dont au moins un des éléments est un service financier, objet de l'interdiction en cause dans l'affaire au principal, constituent également des pratiques commerciales au sens de l'article 2, sous d), de la directive 2005-29 et sont, dès lors, soumises aux prescriptions édictées par cette dernière.

20 Il convient, ensuite, de rappeler que la directive 2005-29 procède, en principe, à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs sur le plan communautaire, de sorte que les États membres ne peuvent pas adopter, comme le prévoit expressément l'article 4 de celle-ci, des mesures plus restrictives que celles définies par ladite directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs (voir arrêt du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft, C-304-08, Rec. p. I-217, point 41 et jurisprudence citée).

21 Cependant, l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29, intitulé "Champ d'application", instaure une exception à l'objectif d'harmonisation complète pour ce qui concerne notamment les services financiers au sens de la directive 2002-65.

22 Or, il ressort du considérant 9 de la directive 2005-29 que, eu égard à leur complexité et aux graves risques qui leur sont propres, les services financiers doivent faire l'objet de prescriptions détaillées, y compris l'instauration d'obligations positives à respecter par les professionnels. Il y est également indiqué que, en ce qui concerne ces services, cette directive s'applique sans préjudice de la faculté pour les États membres d'adopter des mesures qui vont au-delà des dispositions de celle-ci, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs.

23 Il y a lieu d'entendre par "service financier" au sens de la directive 2002-65, "tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements". La loi du 6 avril 2010 reprend la même définition à son article 2, sous le point 24, pour désigner les services financiers. Il s'ensuit que les offres conjointes dont un élément au moins est un service financier, telles que celle faisant l'objet d'une interdiction dans l'affaire au principal, relèvent du champ d'application de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29.

24 Ainsi, conformément à cette disposition, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par ladite directive en ce qui concerne les services financiers.

25 Par ailleurs, force est de relever que le libellé de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29 se limite à permettre aux États membres d'adopter des règles nationales plus strictes en ce qui concerne les services financiers sans autre précision. Il n'impose ainsi aucune limite quant au degré de restriction des règles nationales à cet égard, et ne prévoit pas de critères relatifs au degré de complexité ou de risques que doivent présenter lesdits services pour faire l'objet de règles plus strictes. Il ne ressort pas non plus du libellé de cette disposition que les règles nationales plus restrictives ne peuvent concerner que les offres conjointes constituées de plusieurs services financiers ou encore ne viser que les offres conjointes dont le service financier constitue l'élément principal.

26 Il n'y a, dès lors, pas lieu de limiter l'application de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29 aux offres conjointes composées de plusieurs services financiers ou aux offres conjointes comportant un service financier complexe, contrairement à ce qu'allègue Citroën.

27 Une telle interprétation est conforme à l'objectif poursuivi par ladite disposition. En effet, le considérant 9 de la directive 2005-29 confère expressément aux États membres la faculté d'adopter des mesures plus rigoureuses en ce qui concerne les services financiers afin de garantir un niveau élevé de protection du consommateur. L'intention du législateur de l'Union est donc de laisser aux États membres le pouvoir d'apprécier eux-mêmes le caractère restrictif qu'ils souhaitent donner à ces mesures et de leur laisser à cet égard une marge de manœuvre, cette dernière pouvant aller jusqu'à l'édiction d'une interdiction.

28 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit une interdiction générale, sous réserve de cas limitativement énumérés par la législation nationale, des offres conjointes proposées au consommateur dont au moins un des éléments est un service financier.

Sur la seconde question

29 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit une interdiction générale, sous réserve de cas limitativement énumérés par la législation nationale, des offres conjointes proposées au consommateur dont au moins un des éléments est un service financier.

30 S'agissant de la recevabilité de la seconde question, la FvF considère que celle-ci est irrecevable dans la mesure où, lorsqu'un domaine déterminé a été harmonisé à l'échelle de l'Union européenne, les mesures nationales dans ce domaine doivent être appréciées non pas au regard des dispositions du traité FUE, mais de celles de cette mesure d'harmonisation.

31 Il convient de rappeler, à cet égard, que, certes, toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l'objet d'une harmonisation exhaustive à l'échelle de l'Union doit être appréciée non pas au regard des dispositions du droit primaire, mais de celles de cette mesure d'harmonisation (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322-01, Rec. p. I-14887, point 64 et jurisprudence citée). Toutefois, ainsi qu'il découle du considérant 9 et de l'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29, cette dernière disposition prévoit précisément que, en ce qui concerne les services financiers, la directive 2005-29 ne procède pas à une harmonisation exhaustive et laisse aux États membres une marge de manœuvre, laquelle doit être exercée dans le respect du traité.

32 Certes, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui est, selon son libellé, indistinctement applicable aux opérateurs belges et aux opérateurs d'autres États membres, n'est, en règle générale, susceptible de relever des dispositions relatives aux libertés fondamentales garanties par le traité que dans la mesure où elle s'applique à des situations présentant un lien avec les échanges entre les États membres (voir arrêts du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570-07 et C-571-07, Rec. p. I-4629, point 40, ainsi que du 10 mai 2012, Duomo Gpa e.a., C-357-10 à C-359-10, non encore publié au Recueil, point 26 et jurisprudence citée).

33 Toutefois, il ne saurait être exclu, en l'occurrence, que des entreprises établies dans des États membres autres que le Royaume de Belgique soient intéressées à proposer, dans ce dernier État membre, des offres conjointes comportant au moins un élément financier, telles que celle faisant l'objet du litige au principal.

34 Il est, par conséquent, nécessaire d'examiner si l'interdiction générale d'offres conjointes, dont un élément au moins est un service financier, respecte l'article 56 TFUE.

35 S'agissant du fond, il ressort d'une jurisprudence constante que la libre circulation des services prévue à l'article 56 TFUE exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, en ce sens, arrêts du 20 février 2001, Analir e.a., C-205-99, Rec. p. I-1271, point 21, ainsi que du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439-99, Rec. p. I-305, point 22).

36 Or, une interdiction telle que celle en cause dans l'affaire au principal et prévue à l'article 72, paragraphe 1, de la loi du 6 avril 2010, est de nature à rendre moins attrayante la prestation de services financiers sur le territoire belge pour des entreprises établies dans d'autres États membres, qui souhaitent présenter des offres conjointes dont un élément au moins est un service financier. Ces entreprises ne pourraient pas en effet proposer ces offres sur le marché belge et seraient en outre contraintes de vérifier si celles-ci sont conformes au droit belge alors qu'une telle démarche ne serait pas nécessaire pour d'autres États membres.

37 Selon une jurisprudence constante, une restriction à la libre prestation des services ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, pour autant, en pareil cas, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C-341-05, Rec. p. I-11767, point 101 et jurisprudence citée).

38 En l'occurrence, l'objectif poursuivi par l'article 72 de la loi du 6 avril 2010 est de protéger les intérêts du consommateur, ainsi que cela ressort au demeurant de l'intitulé même de cette loi. La protection des consommateurs est reconnue par la jurisprudence comme une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier une restriction à la libre prestation des services (voir arrêts du 15 décembre 1982, Oosthoek's Uitgeversmaatschappij, 286-81, Rec. p. 4575, point 16, ainsi que du 4 décembre 1986, Commission/France, 220-83, Rec. p. 3663, point 20).

39 En ce qui concerne le caractère approprié de l'article 72 de la loi du 6 avril 2010, il y a lieu de constater, d'une part, que les services financiers sont, par nature, complexes et présentent des risques spécifiques à propos desquels le consommateur n'est pas toujours suffisamment informé. D'autre part, une offre conjointe est en soi de nature à susciter chez le consommateur l'idée d'un avantage de prix. Il s'ensuit qu'une offre conjointe dont un des éléments est un service financier présente un risque accru de manquer de transparence en ce qui concerne les conditions, le prix et le contenu exact dudit service. Une telle offre est, dès lors, susceptible d'induire le consommateur en erreur quant au contenu effectif et aux caractéristiques réelles de la combinaison offerte et de le priver simultanément de la possibilité de comparer le prix et la qualité de cette offre avec d'autres prestations correspondantes émanant d'autres opérateurs économiques.

40 Dans ces conditions, une législation qui interdit les offres conjointes comportant au moins un service financier est de nature à contribuer à la protection des consommateurs.

41 En ce qui concerne le caractère proportionné de la restriction, il y a lieu de relever que l'article 72, paragraphe 2, de la loi du 6 avril 2010 admet des exceptions à l'interdiction générale d'une offre conjointe dont au moins un élément constitue un service financier. L'existence de ces exceptions indique que le législateur belge a estimé que, dans certains cas, il n'était pas nécessaire de protéger davantage le consommateur.

42 Il s'ensuit que l'interdiction générale des offres conjointes dont un élément au moins est un service financier, telle que prévue à l'article 72 de la loi du 6 avril 2010, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le niveau élevé de protection du consommateur visé par la directive 2005-29, et plus particulièrement pour protéger les intérêts économiques du consommateur dans le domaine des services financiers.

43 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit une interdiction générale, sous réserve de cas limitativement énumérés par la législation nationale, des offres conjointes proposées au consommateur dont au moins un des éléments est un service financier.

Sur les dépens

44 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L'article 3, paragraphe 9, de la directive 2005-29-CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84-450-CEE du Conseil et les directives 97-7-CE, 98-27-CE et 2002-65-CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006-2004 du Parlement européen et du Conseil ("directive sur les pratiques commerciales déloyales"), ainsi que l'article 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une disposition d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit une interdiction générale, sous réserve de cas limitativement énumérés par la législation nationale, des offres conjointes proposées au consommateur dont au moins un des éléments est un service financier.