CE, 5e et 4e sous-sect. réunies, 9 mars 2007, n° 267635
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martin
Commissaire du gouvernement :
M. Olson
Rapporteur :
Mme Soulay
Avocats :
SCP Defrenois, Levis
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nadine A, demeurant (...) ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2004 par lequel le vice-président délégué du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines du 27 juin 2002 rejetant sa demande tendant à voir reconnaître l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont elle est atteinte ; 2°) statuant comme juge du fond, d'annuler ladite décision et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines d'examiner de nouveau sa demande dans le délai déterminé par la présente décision ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier général de Sarreguemines la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ; Vu le Code de la santé publique ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Carine Soulay, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de Mme A et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat du centre hospitalier général de Sarreguemines, - les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme A se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 mars 2004 par lequel le vice-président délégué du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2002 par laquelle le directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines a rejeté sa demande tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité de la sclérose en plaques dont elle est atteinte à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B dont elle a fait l'objet en qualité d'infirmière dans cet établissement hospitalier ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du Code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;
Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour statuer sur la demande présentée par Mme A, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Strasbourg a fait application des textes législatifs et réglementaires relatifs au régime des congés de maladie dans la fonction publique hospitalière ; que ces textes ne sont mentionnés ni dans les visas du jugement ni dans ses motifs ; qu'ainsi le jugement attaqué ne satisfait pas aux dispositions de l'article R. 741-2 du Code de justice administrative ; que, dès lors, Mme A est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, l'agent hospitalier bénéficiant d'un congé de maladie conserve l'intégralité de son traitement, lorsque la maladie est imputable au service et a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du professeur Warter, que Mme A, qui n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement aux injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre de son activité professionnelle, a fait l'objet de deux injections de rappel de vaccination en mars 1991 et en mars 1996, et qu'elle a été victime en mai 1991 d'une névrite optique et en mai 1996 d'une paralysie régressive du membre supérieur droit, relevant toutes deux de la symptomatologie de la sclérose en plaques ; que, par lettre du 29 octobre 2001, le directeur général de la santé a proposé à Mme A une indemnisation au titre de la responsabilité de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique, après avoir relevé que la commission nationale de règlement amiable des accidents vaccinaux avait " (...) considéré au vu des éléments du dossier que la vaccination contre l'hépatite B pouvait être regardée comme un facteur déclenchant de (son) état de santé " et qu'elle avait "(...) ainsi retenu une imputabilité directe de (ses) troubles à (sa) vaccination " ; qu'ainsi, dès lors que les rapports d'expertise, s'ils ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont souffre Mme A doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de mars 1991 de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination ; que, par suite, c'est à tort que le directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de sa maladie ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 27 juin 2002 du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du Code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier général de Sarreguemines la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande le centre hospitalier général de Sarreguemines au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 16 mars 2004 et la décision du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines du 27 juin 2002 refusant d'admettre l'imputabilité au service de l'affection dont est atteinte Mme A sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A.
Article 3 : Le centre hospitalier général de Sarreguemines versera à Mme A une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier général de Sarreguemines tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Nadine A, au centre hospitalier général de Sarreguemines et au ministre de la Santé et des Solidarités.