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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 10 juillet 2013, n° 12-03072

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cirade

Défendeur :

Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Velly

Conseillers :

MM. Lebrun, Bersch

Avocats :

Mes Bellet, Content

Cons. prud'h. Orléans, sect. encadr., du…

2 octobre 2012

Résumé des faits et de la procédure

Madame Caroline Cirade a exploité un institut Yves Rocher à Pithiviers (Loiret) à compter de l'année 1985, puis à compter de 1998, à Orléans, sous la forme de la SARL Caroline Cirade. Elle a pu tenir les deux établissements en parallèle jusqu'en 2001 puis à partir de cette date, elle s'est consacrée totalement à celui d'Orléans.

La société Yves Rocher et sa SARL ont conclu, le 13 septembre 2004, un contrat de gérance libre. Cependant, par courrier du 23 juillet 2007, la première a dénoncé le contrat de location-gérance, qui a cependant continué à la demande expresse de Madame Cirade.

L'institut d'Orléans a éprouvé quelques difficultés économiques qui devenaient persistantes, en sorte que sa gérante a adressé à la société Yves Rocher un courrier, le 20 septembre 2009, pour mettre fin à leurs relations contractuelles.

Le 26 octobre 2009, elle a formé une action devant le Conseil des prud'hommes d'Orléans, section encadrement, contre la société anonyme des Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher pour qu'il soit jugé :

- qu'au-delà de l'existence d'une SARL, l'activité était exercée personnellement par elle-même

- que la SARL était une société fictive et qu'elle-même avait réuni toutes les conditions posées par les articles L. 7321-2, 3 et L. 1221-1 du Code du travail, en conséquence de quoi les contrats de location-gérance devaient être requalifiés en contrat de travail

- que la rupture du contrat était imputable à la société Yves Rocher et que celle-ci devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 56 883 € de rappel d'heures supplémentaires

- 16 122 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 8 061 € d'indemnité de préavis et 806 € de congés payés afférents

- 6 720 € d'indemnité de congés payés

- 64 488 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 8 000 € pour les frais de l'article 700 du Code de procédure civile.

De son côté, la société a conclu au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de son adversaire à lui régler une somme de 10 000 € pour les frais de l'article 700 précité.

Par jugement de départage du 2 octobre 2012, ce conseil des prud'hommes a :

- dit que Madame Cirade devait bénéficier du statut de gérante de succursale

- condamné, en conséquence, la société Yves Rocher à lui verser une somme de 26 367, 04 euros à titre de rappel des heures supplémentaires, avec intérêts au taux légal et éventuellement capitalisées si elles étaient dues pour une année entière, et une autre de 2 000 € pour les frais de l'article 700, le tout avec exécution provisoire

- l'a déboutée de toutes ses autres demandes

- condamné la société aux dépens d'instance.

Madame Cirade a interjeté appel le 26 octobre 2012.

Demandes et moyens des parties.

1°° ceux de l'appelante.

Elle a gratifié la cour de 65 pages de conclusions, remises le jour de l'audience, qui seront tenues pour reproduites ici, dans la mesure où il est quasiment impossible d'en retracer la quintessence, sauf à allonger de manière indue cet arrêt.

Au vu des articles L. 7321-1, 2, 3, L. 1221-1 du Code du travail, de la convention collective de la parfumerie esthétique et du contrat de gérance libre, elle sollicite :

- le constat qu'au-delà de l'existence de la SARL Caroline Cirade, l'activité était en fait exercée personnellement par elle-même

- à titre surabondant, que la société était une société fictive et qu'elle-même réunit toutes les conditions posées par les articles L. 7321-2, 3 et L. 1221-1 du Code du travail

- en conséquence, la compétence des juridictions du droit du travail

- la requalification du contrat de location-gérance en contrat de travail

- à titre subsidiaire, qu'elle-même bénéficie des dispositions du Code du travail

- que la rupture du contrat est imputable à la société Yves Rocher

- et que la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- en conséquence, la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes :

- 56 883 € de rappel d'heures supplémentaires

- 16 122 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 6 720 € d'indemnité compensatrice de congés payés ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts

- 67 488 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, toutes ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation

- 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile avec remise des documents de rupture habituels.

2°) ceux de la société anonyme Laboratoire de biologie végétale Yves Rocher.

À titre liminaire, elle conclut, au vu de l'article 5 du Code civil et de l'article 455 du Code de procédure civile au rejet des pièces communiquées par son adversaire concernant les relations contractuelles entre la société Yves Rocher et les tiers au présent litige et

- à titre principal, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé qu'elle bénéficie du statut de gérante de succursale et lui a alloué la somme de 26 367 € 04 à titre de rappel d'heures supplémentaires et 2 000 € au titre de l'article 700

- à la condamnation de Madame Cirade à lui rembourser la somme nette de 27 840,21 € versée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement

- à la confirmation du jugement pour le surplus et à la condamnation de son adversaire à lui verser une somme de 8 000 € pour les frais de l'article 700.

Les conclusions de cette société, remises à l'audience, ne comportent pas moins de 78 pages. Pour les mêmes raisons que celles explicitées plus haut, il n'est pas possible de les condenser : aussi la cour considèrera-t-elle qu'elles sont tenues pour reproduites ici, le lecteur attentif étant renvoyé à cette somme imposante.

Motifs de la décision

La notification du jugement est intervenue le 5 octobre 2012, en sorte que l'appel principal, régularisé au greffe de cette cour, le 26 octobre suivant, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme, comme l'appel incident, sur le fondement des dispositions de l'article 550 du Code de procédure civile.

1°) sur la demande de rejet du débat des pièces concernant les tiers et la société Yves Rocher.

Au visa des articles 5 du Code civil et 455 du Code de procédure civile, textes de portée générale, la société Yves Rocher ne craint pas de solliciter l'exclusion des débats des pièces communiquées par Madame Cirade concernant la société et des tiers.

Celle-ci ne fonde pas sa démarche sur l'illégitimité des pièces produites mais sur le débat qui doit se recentrer strictement sur les parties elles-mêmes. Cependant, il convient de souligner que la preuve est libre dans un débat large et ouvert, alors que Madame Cirade peut avoir tout intérêt à établir des comparaisons avec certaines de ses collègues qui sont dans un cas identique vis-à-vis de la société Yves Rocher.

Il est piquant de constater que, face à cette demande surprenante, cette société n'a pas hésité à produire en sa pièce 27, 277 attestations de gérantes et de franchisés exploitant un centre de beauté, c'est-à-dire qu'elle fournit au débat des pièces qui sont étrangères aux stricts rapports entre elle-même et Madame Cirade, dont celle-ci n'a pas demandé le retrait.

Dans ces conditions, il convient de rejeter cette demande exorbitante qui n'est fondée sur aucun moyen de droit sérieux et qui heurte, en outre, le principe cardinal du débat contradictoire.

2°) sur la demande de requalification du statut de Madame Cirade.

L'article L. 7321-1 du Code du travail dispose que les dispositions de ce Code sont applicables aux gérants de succursales, dans la mesure de ce qui est prévu au présent titre.

L'article L. 7321-2 édicte, quant à lui, qu'est gérant de succursale toute personne :

- chargée par le chef d'entreprise ou avec son accord de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets et de leur rendre des services de toutes natures

- dont la profession consiste essentiellement

- soit à vendre des marchandises de toutes natures qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposées par celle-ci

- soit à recueillir les commandes ou à recevoir les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposées par celle-ci.

Un principe est constamment rappelé que l'existence d'une société commerciale d'exploitation et la signature d'un contrat commercial ne peuvent priver une personne physique des droits qu'elle tient à titre individuel des dispositions des articles précités.

Il convient d'analyser divers faits pour en tirer, par la suite, des conclusions :

- la SARL Caroline Cirade a été constituée concomitamment à la signature du contrat de location-gérance le 13 septembre 2004 et elle avait pour siège social l'adresse de l'institut confié à celle-ci. L'objet social concernait l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté de soins esthétiques sous l'enseigne d'Yves Rocher.

- Ce contrat de gérance libre est expressément conclu en considération de la personne de Madame Cirade, seule signataire du contrat et qui, aux termes de son article 4, devait maintenir et exploiter personnellement les modules et cabines de soins esthétiques, tandis qu'à l'article 5.3, la gérante libre reconnaissait devoir diriger personnellement son institut de beauté.

L'article 13. 2 stipulait que le contrat pourrait être résilié si bon semblait à la société et si la gérante libre abandonnait ou transmettait sans autorisation le contrôle de l'exploitation de l'institut ainsi que dans l'hypothèse où il y aurait modification importante dans la structure, soit par le remplacement de la gérante, soit par modification du capital social qui n'aurait pas été approuvée par la société.

L'article 15 ajoutait que la présente gérance libre était consentie personnellement à la gérante libre et que tout changement de dirigeants sociaux et toute cession de parts devraient être soumis à l'agrément préalable écrit de la société sous peine de résiliation.

- 38 autres sociétés à responsabilité limitée ont été créées pour exploiter des instituts Yves Rocher qui avaient toutes un objet social lié exclusivement à l'exploitation d'un institut. Les pertes éventuelles n'étaient pas supportées par la seule locataire-gérante, puisque par exemple en 2005 et en 2007, la société a alloué deux aides exceptionnelles de 5 000 et 3 500 € à Madame Cirade.

- L'article 6.7 du contrat de gérance libre prescrivait à la gérante de tenir informée la société de son chiffre d'affaires (vente de produits, accessoires et soins) de ses frais de promotion et de publicité et fournir une copie de ses états financiers annuels (bilan et comptes de résultats) tels qu'ils ressortiraient des déclarations fiscales des sociétés.

- Il était précisé également dans le contrat que le fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques exploité au 35 rue de la République à Orléans s'intégrait dans le réseau des instituts de beauté Yves Rocher et qu'à ce titre la gérante devrait respecter l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité de ce réseau en bénéficiant du savoir-faire développé par la société.

- Les articles 7.1 et 7.2 stipulaient une clause d'approvisionnement exclusif aux termes de laquelle la gérante s'engageait à s'approvisionner exclusivement auprès de la société Yves Rocher et s'obligeait à ne pas approvisionner son institut et ne pas vendre les produits qui n'auraient pas été approuvés expressément par la société.

La société a fourni 277 attestations de locataires gérantes et de franchisés de son réseau mais il leur a été prescrit par un groupement étroitement à la société que les attestations devraient mettre en évidence quatre points: l'autonomie, la liberté de prendre les congés, le libre choix des prix, la rémunération en sorte qu'il n'apparaît pas ainsi que ces attestations soient libres et honnêtes intellectuellement mais qu'elles puissent plutôt se rattacher à des attestations de complaisance en sorte que la cour ne pourra les tenir pour acquises.

Ceci posé, aucune de celles-ci ne contredit l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail puisque aucune des signataires ne conteste que la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, que le local a été imposé par la société, que les conditions d'application sont imposées par elle, car elle doit appliquer à la lettre le catalogue scénario qui lui est adressé chaque mois, les catalogues d'actions promotionnelles et les mails d'instruction adressés quotidiennement, alors que, par ailleurs, il n'existe pas de liberté dans la politique des prix.

Il devra être reconnu que certaines libertés : recruter librement les salariées, organiser des plannings des congés de celles-ci et décider de leurs propres jours de congé étaient admises mais que ces marges de manœuvre correspondent à celles de toute directrice salariée.

En outre, le chiffre d'affaires généré par la vente de produits est supérieur à celui généré par les soins puisque par exemple en 2008, le chiffre d'affaires a atteint 1 060 342 € de produits contre 230 655 € en soins, ce qui représente un montant de marge brute de 360 488 € en produits et de 212 246 € en soins, ce qui signifie de manière claire que l'activité principale concernait la vente des produits de la société, alors que l'article L. 7321-2 du Code de travail évoque la vente et non la marge, ce qui était expressément prévu au contrat de location-gérance.

De nombreuses pièces du dossier démontrent également que Madame Cirade, conformément au contrat de location-gérance, réservait la majorité de son temps aux tâches suivantes :

- accueil et conseil auprès des clientes, vente de produits auprès des clientes,

- passation des commandes

- installation des produits sur la surface de vente

- gestion et présentation des linéaires

- gestion des stocks

- planning des rendez-vous clients

- planning des vendeuses et des esthéticiennes

- gestion de la caisse et des remises en banque

- gestion administrative et fonctionnelle de l'institut au quotidien, ce qui prouve que la majorité de ses activités était directement étroitement liée à la vente de produits.

La société a fourni le local d'exploitation comme l'expose l'art.5.2, ce qui emporte nécessairement fourniture du matériel publicitaire ainsi que l'enseigne et le droit de regard sur l'aménagement et la présentation des produits.

Les conditions d'exploitation énonçaient des conseils en vue d'une gestion optimale, ce qui doit s'analyser comme de réelles directives imposées à la gérante.

- Le contrat imposait de prendre le fonds en son état, de ne pas disposer du fichier de la clientèle sans l'accord de la société

- d'utiliser les procédures mises au point par l'institut pour les soins, ainsi que pour les techniques de soins et les méthodes de soins

- les campagnes publicitaires, la comptabilité et les assurances, les catalogues publicitaires ainsi que les techniques de vente et de conseil.

- La société devait être tenue informée du chiffre d'affaires, des frais de promotion et de publicité

- il convenait de faciliter les contrôles de la société, de communiquer les jours et horaires d'ouverture et de solliciter l'accord de la société pour apporter une amélioration à l'institut, l'approvisionnement devant être exclusivement auprès de la société.

- Les catalogues adressés chaque mois à la gérante confirmaient les règles de ventes, l'aménagement des vitrines principales et secondaires, des éléments de signalétiques télévisuelles et les affiches, les tenues vestimentaires des esthéticiennes, les badges portés par le personnel, et les périodes de promotion des mailings.

- De nombreux guides de deux procédures étaient imposés pour l'organisation des cabines de soins, la pratique des soins, les comportements à adopter en fonction du trafic de clients, la planification d'emploi du temps, le recrutement des salariés, les méthodes de développement des compétences, des méthodes d'accueil, la procédure d'ouverture et de fermeture du centre, etc.

Les courriels adressés quotidiennement démontraient la pratique de ces directives qui pouvaient concerner également des détails. Par exemple, le 20 juin 2006 : " vous trouverez ci-joint votre ligne de démarrage de vitrine et d'offres pour la campagne de juillet "; le 16 octobre 2006 : " vous pouvez commencer à distribuer le chéquier hiver aux clientes "; 10 avril 2003 : " aujourd'hui 10 avril, vous changez de vitrine ".

Sur son site Internet, la société annonce les heures d'ouverture et de fermeture de ses 540 instituts ce qui prouve incontestablement que la société tient la main à ces horaires.

Aucune liberté ou autonomie ne peut être reconnue à Madame Cirade alors que la société accomplissait de nombreux contrôles de conformité de qualité, d'atteinte des objectifs du chiffre d'affaires quotidiens, du bilan, de compétence des esthéticiennes et vendeuses, des installations électriques par le bureau Veritas, des relevés de caisse et des écarts de prix.

La société a imposé également les prix des produits comme en font foi les catalogues de prix qui lui étaient adressés, le catalogue mensuel intitulé scénario, le catalogue mensuel des promotions et les catalogues annuels intitulés livres verts de la beauté. Les messages électroniques qui étaient envoyés le démontrent, par exemple, le 8 août 2003 : " nous avons décidé de déclencher l'offre de pilotage prévue au scénario et tous les prix d'1 euro 95 sont descendus ce matin à 1,50 € " et le 13 novembre 2006 : déclenchement de l'offre - 40 % sur tout le magasin.

Au total, les conditions prévues par les articles L. 7321-1 et 2 du Code du travail sont réunies en conséquence de quoi Madame Cirade est bien fondée à solliciter le bénéfice des dispositions du Code du travail, l'existence d'un lien de subordination réelle entre la société et la gérante étant établi.

3°) sur les demandes de sommes présentées par Madame Cirade.

Elle estime que la cour doit prendre comme salaire de référence minimum celui de 2 687 € par mois et que la somme de 56 883 € correspond aux heures supplémentaires accomplies entre le 26 octobre 2004 et la saisine du Conseil des prud'hommes d'Orléans le 26 octobre 2009, puisqu'elle accomplissait une cinquantaine d'heures par semaine.

Eu égard aux termes de la convention collective applicable et à l'importance des salariés présentes dans l'établissement, de 14 à 17 en permanence, il est tout à fait raisonnable de calculer le salaire mensuel sur la base de 2 687 € bruts, soit 32 244 € annuels bruts.

Madame Cirade ne revendique pas aujourd'hui les salaires sur cette base mais seulement les heures supplémentaires. Dans sa démarche, elle estime donc que les bénéfices qu'elle a retirés de sa société à responsabilité limitée compensent ses salaires. Il y a lieu de se pencher sur les salaires perçus pendant toutes ces années-là pour vérifier si ses heures supplémentaires n'auraient pas, elles aussi, été compensées.

Diverses attestations d'esthéticiennes de l'institut établissent la réalité des heures supplémentaires accomplies et à cet égard la cour tient à reproduire les motifs pertinents des premiers juges qui ont arrêté le montant des salaires dus pour les heures supplémentaires à hauteur de 26 367,04 €. Pour les cinq années non atteintes par la prescription, et pour que Madame Cirade soit remplie de ses droits en matière de salaires et d'heures supplémentaires elle aurait dû encaisser 32 244 € annuels et 5 273 euros d'heures supplémentaires en moyenne, soit un total annuel de 37 517 € bruts.

Or, la société a reconnu qu'elle avait perçu au titre des rémunérations nettes :

- en 2004, 46 097,96 €

- en 2005, 45 300 €

- en 2006, 38 200 €

- en 2007, 38 400 €

- en 2008, 20 000 €, soit un total de 188 997 € nets alors qu'elle aurait dû percevoir 177 585 € sur ces cinq années, en brut.

Il en ressort que son activité qu'elle assure avoir déployée dans le cadre d'un contrat de travail, reconnu par la cour, lui a accordé une somme supérieure aux salaires auxquels elle pouvait prétendre pendant toute la période, y compris avec les heures supplémentaires. Ainsi ne peut-elle solliciter aucune somme pour ces années-là.

Quant aux neuf premiers mois de l'année 2009 puisqu'elle a mis fin aux relations contractuelles 20 septembre 2009, aucun élément comptable n'est produit au débat attestant un déficit pour elle, en sorte qu'en l'absence de préjudice prouvé, la cour sera conduite à rejeter toute indemnisation pour cette année-là.

4°) sur la rupture.

Il convient de rappeler que, par courrier du 23 juillet 2007, la société Yves Rocher avait dénoncé le contrat de location-gérance avec Madame Cirade, mais que sur les instances expresses de celle-ci, elle y avait renoncé en sorte que le contrat avait continué à prospérer.

Si celle-ci a mis fin aux relations contractuelles le 20 septembre 2009, c'est parce que sa société à compter du 4 novembre 2009, a continué d'exister avec un autre objet social puisqu'il s'agissait, cette fois-ci de ventes de thé, café et chocolat dans le centre d'Orléans, ce qui s'analyse comme la motivation essentielle de la rupture. Par ailleurs, aucune pièce n'atteste d'un litige contemporain ou antérieur à la lettre de rupture en sorte que celle-ci doit s'analyser comme une démission pure et simple.

En conséquence, la démission étant exclusive de toute indemnité, ses demandes concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement pour 16 122 €, les dommages-intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 64 488 € devront être repoussés comme mal fondées.

Plusieurs attestations de ses collaboratrices démontrent qu'elle ne pouvait prendre que trois semaines de congés par an, eu égard aux charges imposées par la société. Dans ces conditions, il est tout à fait justifié de condamner cette société à lui verser le complément, soit deux semaines de congés payés par an, pendant cinq ans, soit une somme de 6 720 €.

Dans la mesure où la société, en vertu de l'exécution provisoire, a versé une somme de 24 840,21 € à son adversaire, il est logique que celle-ci soit condamnée aujourd'hui à les restituer diminués de la somme des congés payés arrêtée à 6 720 € soit 18 120,21 €.

Tout bien considéré, il n'y a pas lieu de prévoir des sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, chaque partie devant assurer ses frais exposés devant les juridictions prud'homales.

Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe, Reçoit, en la forme, l'appel principal de Madame Caroline Cirade et l'appel incident de la société anonyme des laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, Au fond, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré (Conseil des prud'hommes d'Orléans, section encadrement en départage, 2 octobre 2012) et, statuant à nouveau, Requalifie le contrat de location-gérance unissant les parties en contrat de travail, Condamne la société à verser à Madame Cirade une somme de 6 720 € de congés payés pour les années non prescrites, Condamne celle-ci à rembourser à la société une somme de 18 120,21 € qui lui avait été allouée, au titre de l'exécution provisoire, déduction faite de la somme de 6 720 € précitée, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Dit que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties.