Commission, 27 février 2013, n° M.6663
COMMISSION EUROPÉENNE
Résumé de la décision
Ryanair/Aer Lingus III
I. LES PARTIES
(1) Ryanair est une compagnie aérienne à bas coût exploitant des services aériens réguliers de point à point principalement en Europe. Elle dispose d'une flotte de 294 appareils et de 51 bases en Europe, les plus importantes étant Londres Stansted, Bruxelles Sud-Charleroi, Milan-Bergame et Dublin. Pendant la saison d'été IATA 2012, elle exploitait 62 liaisons court-courriers à partir de Dublin.
(2) Aer Lingus est un transporteur irlandais qui propose essentiellement des services aériens réguliers de point à point. La compagnie est principalement basée à l'aéroport de Dublin d'où elle exploite une part importante de ses vols réguliers. Pendant la saison d'été 2012, Aer Lingus (y compris Aer Arann) exploitait 66 liaisons court-courriers à partir de Dublin. Aer Lingus n'est membre d'aucune alliance entre compagnies aériennes et développe un concept d'"architecture de réseau ouvert". Grâce à sa neutralité, elle peut nouer des partenariats au sein des alliances et proposer des connexions via des plateformes importantes vers des destinations mondiales en plus du transport de point à point.
(3) La participation minoritaire de Ryanair dans Aer Lingus s'élève à 29,82 % de la totalité du capital émis d'Aer Lingus, ce qui fait de Ryanair le principal actionnaire d'Aer Lingus. Le gouvernement irlandais (ministère des finances) est le deuxième actionnaire en importance avec une participation d'environ 25,1 %.
II. L'OPÉRATION
(4) Le 24 juillet 2012, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement sur les concentrations, d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Ryanair Holdings Plc ("Ryanair", Irlande), acquérait, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), dudit règlement, le contrôle de l'ensemble de l'entreprise Aer Lingus Group Plc ("Aer Lingus", Irlande), par offre publique d'achat annoncée le 19 juin 2012 (l'"opération").
III. RÉSUMÉ
(5) À l'issue de la première phase d'enquête, la Commission est parvenue à la conclusion que l'opération relevait du champ d'application du règlement sur les concentrations et a émis de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et l'accord EEE. En conséquence, le 29 août 2012, la Commission a ouvert une procédure en application de l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.
(6) La seconde phase d'enquête sur le marché a confirmé l'existence de problèmes de concurrence sur un certain nombre de marchés et a conduit à l'adoption d'une communication des griefs le 13 novembre 2012. Les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur avis en répondant par écrit à la communication des griefs. Le 14 décembre 2012, la Commission a envoyé une lettre d'exposé des faits, à laquelle Ryanair a répondu le 20 décembre 2012.
(7) Conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, Ryanair a présenté une première série formelle d'engagements le 17 octobre 2012. La Commission a décidé qu'aucune consultation des acteurs du marché n'était justifiée étant donné que les engagements du 17 octobre 2012 ne couvraient pas toutes les liaisons sur lesquelles la communication des griefs a conclu, à titre préliminaire, que la transaction entraverait de manière significative une concurrence effective.
(8) Le 7 décembre 2012, Ryanair a présenté une version révisée des engagements. À la suite de la présentation de ces engagements, la Commission a lancé une consultation des acteurs du marché. Sur la base des résultats de cette consultation, Ryanair a présenté une version modifiée des engagements le 15 janvier 2013. Au vu des résultats de la deuxième consultation des acteurs du marché, Ryanair a présenté une version révisée des engagements le 1 er février 2013 (ci-après les "engagements finaux"). Une troisième consultation a été lancée.
(9) L'enquête sur le marché a révélé que les engagements finaux proposés par Ryanair n'étaient pas en mesure de corriger l'entrave significative à une concurrence effective qui avait été constatée.
(10) Le 27 février 2013, la Commission a donc adopté, en application de l'article 8, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, une décision déclarant l'opération incompatible avec le marché intérieur et l'accord EEE (la "décision").
IV. EXPOSÉ DES MOTIFS
A. Les marchés de produits en cause
(11) Ryanair et Aer Lingus fournissent toutes deux des services réguliers de transport aérien de passagers au sein de l'EEE et leurs activités se chevauchent sur 46 liaisons à destination/en provenance d'Irlande. Les seuls marchés affectés par l'opération étaient ceux liés aux services de transport aérien de passagers.
1. Approche conventionnelle "point d'origine - point de destination" ("O&D")
(12) Conformément à sa pratique décisionnelle, la Commission a examiné l'opération sur la base de l'approche par paire de villes "point d'origine - point de destination" (O&D), qui reflétait la substituabilité du côté de la demande. Par conséquent, toute combinaison d'un point d'origine et d'un point de destination était considérée comme un marché distinct.
(13) De plus, en l'espèce, la Commission a estimé que les passagers en transit ne faisaient pas partie du même marché que les passagers O&D et qu'il n'y avait lieu de définir ni un marché global des vols court-courriers en provenance/à destination de l'Irlande, compte tenu du degré limité de substituabilité du côté de l'offre entre les différents O&D, ni un marché pour les "clients pour lesquels la destination importe peu", étant donné que pour la grande majorité des passagers un vol depuis l'Irlande vers une destination ne pouvait être simplement remplacé par un vol vers une autre destination.
2. Substituabilité des aéroports
(14) Conformément à sa pratique décisionnelle antérieure, lorsqu'elle a défini les marchés O&D en cause pour les services de transport aérien de passagers, la Commission a examiné si les vols en provenance et à destination d'aéroports qui présentent des aires d'attraction se chevauchant suffisamment pouvaient faire office de substituts pour les passagers.
(15) Dans son appréciation de la substituabilité des aéroports, la Commission s'est basée sur les sources probantes qualitatives et quantitatives suivantes : i) les précédents de la Commission et notamment la décision de 2007 qui a analysé en profondeur la substituabilité des aéroports à destination/en provenance d'Irlande, ii) une aire d'attraction à 100 km/1 h de route du centre-ville concerné en tant que "première variable représentative" pour déterminer si les aéroports sont, de prime abord, substituables, iii) les résultats de l'enquête sur le marché, iv) le comportement d'Aer Lingus et de Ryanair en matière de surveillance des prix, v) la manière dont Ryanair commercialisait ses services, vi) une analyse de la corrélation entre les prix, qui soutenait quantitativement les conclusions obtenues par la Commission sur la définition du marché. La Commission est arrivée à ses conclusions en regroupant les éléments de preuve.
(16) En l'espèce, la substituabilité des services réguliers aériens depuis différents aéroports était pertinente pour trois raisons : i) pour déterminer dans quelle mesure les activités des parties se chevauchent, ii) pour apprécier la pression concurrentielle exercée par les compagnies aériennes présentes sur d'autres aéroports, et iii) pour apprécier les perspectives d'implantation dans les aéroports supplémentaires entrant en ligne de compte.
(17) Les activités de Ryanair et d'Aer Lingus se chevauchaient sur 16 liaisons (2) sur lesquelles les deux compagnies effectuent des vols entre les deux mêmes aéroports et sur lesquelles il n'est pas question de substituabilité, étant donné qu'aucun autre aéroport pertinent n'a été relevé.
(18) Sur 10 autres liaisons (3), bien que la ville de départ ou d'arrivée compte plus d'un aéroport, Ryanair et Aer Lingus effectuent des vols vers le même aéroport (approche par "paire d'aéroports"). Pour certaines liaisons, l'autre aéroport était aussi desservi par l'une des parties ou par une autre compagnie aérienne. Pour ces liaisons, la substituabilité des aéroports était pertinente, notamment pour apprécier les projets d'entrée sur le marché des concurrents potentiels des parties. Toutefois, étant donné que la Commission n'a relevé aucun plan d'entrée/expansion qui déboucherait sur une entrée/expansion opportune, probable et suffisante capable de dissiper les craintes en matière de concurrence constatées pour les liaisons en question, il n'a pas été utile de tirer une conclusion définitive quant au caractère pertinent de la substituabilité de ces aéroports pour les liaisons au départ de Dublin, Cork et Shannon.
(19) Sur 19 liaisons ("paires de villes") (4), Ryanair et Aer Lingus assurent des vols depuis l'Irlande vers différents aéroports de destination. Pour ces liaisons, la substituabilité des aéroports était pertinente pour établir s'il existait un chevauchement entre les parties. La décision examine la substituabilité pour une part importante des passagers d'Aer Lingus et de Ryanair qui voyagent entre 17 aéroports (5) et Dublin, Cork, Shannon ou Knock.
(20) Pour la liaison supplémentaire restante, Dublin-Bristol/Cardiff/Exeter, la question de la substituabilité des aéroports n'était pertinente que pour établir si les parties seraient confrontées à une pression concurrentielle sur les vols depuis Exeter vers Dublin [étant donné que les parties assurent des vols vers le même aéroport (Bristol), la question n'était pas pertinente pour établir l'existence d'un chevauchement].
(21) La décision conclut que les aéroports suivants sont substituables sur les liaisons à destination/en provenance de Dublin, Cork, Shannon ou Knock tandis que les questions de la pertinence des services réguliers de transport aérien de passagers de point à point entre Dublin ou Cork et de l'appartenance de certaines (6) paires d'aéroports au même marché sont restées en suspens, étant donné qu'elles n'avaient aucune incidence sur l'appréciation sous l'angle de la concurrence en l'espèce :
Barcelone El Prat, Girona et Reus / les aéroports de Londres (Heathrow, Gatwick, Stansted, Luton et City) / Stockholm Arlanda et Skavsta
Bilbao et Santander / Manchester et Liverpool (pour Cork et Shannon) / Toulouse et Carcassonne
Birmingham et East Midlands (pour Knock) / Milan Linate, Malpensa et Bergame / Venise et Trévise
Bruxelles et Charleroi / Munich et Memmingen / Vienne et Bratislava
Glasgow et Prestwick / Paris CDG, Beauvais et Orly / Varsovie et Modlin
Francfort et Hahn / Rome Fiumicino et Ciampino
3. Marché des vols directs et des vols indirects
(22) Selon la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, le degré de substituabilité des vols indirects aux vols directs dépend en grande partie de la durée du vol. En règle générale, plus le vol sera long, plus il est probable que les vols indirects exerceront une pression concurrentielle sur les vols directs.
(23) La Commission a considéré qu'étant donné que les liaisons qui se chevauchent en l'espèce sont des vols court-courriers (vols de moins de six heures) ou moyen-courriers (liaisons de plus de trois heures lorsque les vols directs ne permettent normalement pas d'effectuer le voyage aller-retour dans la journée), il est peu probable que les vols indirects exercent une pression concurrentielle sur les vols directs. Toutefois, la décision conclut que la question de l'appartenance des vols indirects au même marché peut rester en suspens, car en l'espèce cela ne modifierait pas en dernier ressort l'issue de l'appréciation sous l'angle de la concurrence.
4. Distinction entre groupes de passagers
(24) Dans sa décision de 2007, la Commission concluait qu'il n'était pas pertinent de définir des marchés séparés pour les différentes catégories de passagers, en particulier considérant que les deux compagnies ne discriminaient pas entre les différents types de passagers en offrant seulement des billets restreints aller simple sur des routes court-courriers. Ryanair, Aer Lingus et une large majorité de répondants à l'enquête de marché ont soutenu la même conclusion dans le cas présent.
(25) La Commission a conclu qu'il ne convenait pas de définir des marchés distincts pour différentes catégories de passagers, que ce soit sur la base de la distinction "sensibles au facteur temps/non sensibles au facteur temps", de la distinction "passagers d'affaires/de loisirs" ou de l'approche "délai entre la réservation et le départ".
5. Substituabilité entre les vols charters et les vols réguliers
(26) Ryanair a affirmé que sur les destinations de loisirs en particulier, les compagnies charters exerçaient une pression concurrentielle importante sur les services des parties. Ryanair a en outre souligné que le déclin des compagnies charters au départ de l'Irlande était une conséquence directe de son expansion sur plusieurs liaisons charters.
(27) Conformément à la pratique décisionnelle précédente, la Commission a distingué trois types d'activités pour les charters :
i) la vente de vacances à forfait. La vente de places incluses dans les "vacances à forfait" ne saurait être considérée comme substituable à celle de places sur les vols réguliers proposés par Ryanair et Aer Lingus sur les liaisons concernées. Cette constatation a été confirmée par la majorité des répondants à l'enquête sur le marché. La plupart des passagers achètent uniquement des places et non des vacances à forfait ;
ii) la vente de places aux voyagistes. Sous l'angle de la demande, ce marché se situe en amont du marché de la vente de places aux particuliers et il se caractérise donc par des conditions concurrentielles différentes. La Commission a ainsi confirmé la conclusion formulée dans ses précédentes décisions, à savoir que la "vente en gros" de lots de places aux voyagistes n'est pas sur le même marché que les services réguliers aériens destinés aux clients finaux ;
iii) la vente de vols secs aux clients finaux. La Commission estime que sur la même liaison O&D, la vente de "vols secs" par les compagnies charters est similaire à la vente de services réguliers de transport aérien pour passagers. Toutefois, certains répondants à l'enquête sur le marché ont fait remarquer que les vols charters sont d'une qualité inférieure aux vols réguliers, en particulier en raison de la capacité limitée des vols secs et de la visibilité limitée pour les consommateurs (en plus des fréquences et du tarif). Toutefois, la décision conclut que la question peut rester en suspens, car en l'espèce cela ne modifierait pas en dernier ressort l'issue de l'appréciation sous l'angle de la concurrence.
B. Analyse concurrentielle
1. Cadre général
(28) L'évolution du marché enregistrée depuis 2007 a été analysée par la Commission. De manière générale, les principaux changements constatés sont les suivants : i) la crise financière et économique qui frappe de nombreux États membres, dont l'Irlande, depuis 2008 ; ii) la poursuite de la consolidation du secteur du transport aérien ; iii) la chute du nombre de compagnies régulières présentes à l'aéroport de Dublin ; iv) l'augmentation, par rapport à la décision de 2007, du nombre de liaisons sur lesquelles Ryanair et Aer Lingus se font concurrence et les niveaux de concentration ; v) le recul des activités des compagnies charters au départ de Dublin ; vi) le développement de nouvelles infrastructures à l'aéroport de Dublin.
2. Traitement d'Aer Arann
(29) La Commission a estimé qu'Aer Arann était un concurrent de Ryanair mais pas d'Aer Lingus. En effet, l'accord de franchise établit une relation et une dépendance étroites entre Aer Arann et Aer Lingus. Par conséquent, lors de l'appréciation sous l'angle de la concurrence, les parts de marché d'Aer Arann (dont les activités sont menées sous la marque Aer Lingus Regional) ont dû être attribuées à Aer Lingus.
3. Parts de marché et niveaux de concentration
(30) Les parties détiendraient des parts de marché très élevées sur chacune des 46 liaisons sur lesquelles leurs services se chevauchent.
(31) L'opération instaurerait un monopole sur 28 liaisons : Dublin-Alicante/Murcie ; Dublin-Berlin ; Dublin-Bilbao/ Santander ; Dublin-Birmingham/East Midlands ; Dublin- Bruxelles/Charleroi ; Dublin-Budapest ; Dublin-Édimbourg/ Glasgow ; Dublin-Fuerteventura ; Dublin-Glasgow/Prestwick ; Dublin-Manchester/Liverpool/Leeds ; Dublin-Marseille ; Dublin-Milan/Bergame ; Dublin-Nice ; Dublin-Rome ; Dublin-Tenerife ; Dublin-Toulouse/Carcassonne ; Dublin- Venise/Trévise ; Dublin-Vienne/Bratislava ; Dublin-Varsovie/ Modlin ; Cork-Alicante ; Cork-Faro ; Cork-Londres ; Cork- Manchester/Liverpool ; Cork-Tenerife ; Knock-Birmingham/ East Midlands ; Knock-Londres ; Shannon-Manchester/Liverpool ; et Shannon-Londres.
(32) Sur 18 liaisons qui se chevauchent, l'entité issue de la concentration serait présente avec d'autres transporteurs.
(33) Sur 11 de ces 18 liaisons, les autres transporteurs sont des compagnies charters. Les parts de marché combinées des parties sur chacune de ces liaisons dépasseraient les 80 %.
(34) Sur 6 autres de ces 18 liaisons, les concurrents des parties sont des transporteurs réguliers dont le modèle économique diffère de celui des parties. Les parts de marché combinées de Ryanair et d'Aer Lingus y seraient supérieures à 50 %.
(35) Sur la dernière liaison restante, Dublin-Bristol/Cardiff/Exeter, si les vols entre Dublin et Exeter sont inclus dans le marché en cause, le concurrent des parties est Flybe, un transport régional régulier qui dispose d'une part de marché marginale comprise entre (5-10 %) (7).
4. Proximité de la concurrence entre Ryanair et Aer Lingus
(36) L'enquête de la Commission a révélé que Ryanair et Aer Lingus se livraient activement concurrence sur toutes les liaisons qui se chevauchent.
(37) Sur la majorité d'entre elles (28 sur 46), Ryanair et Aer Lingus sont les seuls transporteurs présents et sont donc, par nature, les concurrents les plus proches l'un de l'autre.
(38) Même sur les liaisons sur lesquelles Ryanair et Aer Lingus sont face à un ou plusieurs concurrents, les parties sont le plus souvent, et de loin, les principaux concurrents, comme l'indique notamment l'écart important en parts de marché entre le(s) concurrent(s) et chaque partie. Les parties sont aussi les concurrents les plus proches l'un de l'autre sur les liaisons où est présente une compagnie charter ; elles sont alors, et de loin, les principaux concurrents.
(39) En outre, Ryanair et Aer Lingus présentent des modèles économiques similaires qui diffèrent de ceux de la plupart de leurs concurrents. Plus particulièrement, Ryanair et Aer Lingus offrent (principalement) des services de point à point, qui diffèrent des services "d'apport" des transporteurs organisés en réseau. Les compagnies appliquent toutes les deux de vrais modèles tarifaires pour les billets aller simple, elles proposent une classe unique sur leurs vols court-courriers et la plupart de leurs réservations se font sur leur site internet plutôt que dans les agences de voyage, contrairement aux transporteurs organisés en réseau. En outre, contrairement aux autres concurrents, elles jouissent d'une reconnaissance de la marque très élevée en Irlande et elles exploitent toutes deux des bases importantes dans ce pays, en particulier à l'aéroport de Dublin.
(40) L'analyse de régression de la Commission a confirmé l'existence d'une interaction concurrentielle importante entre Ryanair et Aer Lingus.
(41) La décision conclut qu'Aer Lingus et Ryanair sont des concurrents très proches, voire les concurrents les plus proches l'un de l'autre sur toutes les liaisons qui se chevauchent. L'opération entraînerait donc la suppression de cette relation concurrentielle très étroite et de la pression concurrentielle importante que les deux transporteurs exercent l'un sur l'autre avant l'opération. Les clients auraient le choix entre un nombre sensiblement réduit de formules de voyage et il est peu probable que les concurrents puissent influencer suffisamment le comportement sur le marché de l'entité issue de la concentration, notamment en matière de fixation des tarifs.
5. Entrée/Barrières à l'entrée
(42) L'enquête de la Commission a confirmé l'existence d'importantes barrières à l'entrée qui rendraient difficile toute nouvelle entrée sur les liaisons où les activités des parties se chevauchent.
(43) Ces barrières à l'entrée étaient dues à la solide implantation de Ryanair et Aer Lingus sur le marché irlandais et notamment aux facteurs suivants :
i) la solide implantation des parties sur le marché à Dublin, Cork et Shannon grâce aux bases qu'elles y ont établies ;
ii) l'entité issue de la concentration disposerait des deux marques les plus puissantes en Irlande et un nouvel arrivant aurait besoin de beaucoup de temps et d'investissements pour mettre sa marque à niveau. En effet, du fait de la stratégie annoncée de marque double, l'entité issue de la concentration disposerait d'une forte implantation sur deux segments différents du marché (à savoir celui des prestations minimales avec les tarifs les plus bas et celui du niveau de service supérieur). Cette barrière à l'entrée s'appliquait également aux liaisons à destination/en provenance de Dublin, Shannon, Cork et Knock ;
iii) la crainte de représailles agressives par l'entité issue de la concentration en cas d'entrée sur le marché. Cette barrière à l'entrée s'appliquait également aux liaisons à destination/en provenance de Dublin, Shannon, Cork et Knock ;
iv) le fait que les nouveaux arrivants auraient du mal à obtenir des créneaux aux heures de pointe du début de matinée et des aires de stationnement à l'aéroport de Dublin. En outre, les contraintes de capacité dans certains aéroports de destination renforceraient les barrières à l'entrée déjà élevées ;
v) le niveau des taxes et redevances aéroportuaires à l'aéroport de Dublin était susceptible de dissuader les nouveaux entrants d'ouvrir des liaisons à partir ou à destination de Dublin ;
vi) peu de concurrents considèrent le marché irlandais comme un marché attractif et le ralentissement économique du pays (mais aussi celui d'autres États membres comme l'Espagne) a encore nui à l'attractivité du marché irlandais par rapport à 2007 ;
vii) enfin, la capacité des parties à influer sur le processus décisionnel dans les aéroports irlandais, par exemple, en ce qui concerne la coordination des créneaux (à Dublin), les questions d'exploitation, l'utilisation et le développement des infrastructures aéroportuaires à Dublin, Cork et Shannon.
(44) La conclusion selon laquelle les barrières à l'entrée sont importantes en l'espèce était corroborée par le fait que, ces dernières années, les liaisons qui se chevauchent n'ont enregistré qu'un nombre limité d'entrées de nouveaux arrivants (par des compagnies autres que Ryanair et Aer Lingus).
6. Formes d'entrée/expansion
(45) Les résultats de l'enquête sur le marché ont révélé que pour concurrencer efficacement l'entité issue de la concentration sur les aéroports de Dublin, Cork et Shannon, un nouvel arrivant devrait implanter une base dans chacun de ces aéroports. S'il ne dispose pas d'un grand nombre de liaisons lui permettant de répartir ces coûts fixes, il lui serait difficile d'arriver au même niveau de rentabilité que Ryanair et Aer Lingus. De plus, une base permet de disposer d'une grille horaire intéressante grâce aux départs en début de matinée et aux arrivées en fin de soirée, d'assurer un volume d'activité suffisant et, partant, d'asseoir une présence sur le marché ainsi que la notoriété de la marque.
(46) La décision conclut qu'une base en Irlande (à Dublin, en particulier) serait donc capitale pour que les transporteurs puissent garantir une couverture appropriée du marché irlandais et exercer une pression concurrentielle adéquate sur l'entité issue de la concentration.
7. Projets d'entrée de concurrents effectifs et potentiels
(47) La Commission a analysé si les concurrents potentiels disposeraient de projets d'entrée et d'expansion à titre individuel ou à un niveau agrégé suffisants pour compenser les effets anticoncurrentiels de l'opération sur les liaisons concernées.
(48) De plus, en l'espèce, l'entrée d'un concurrent devrait survenir sur 32 liaisons qui se chevauchent pour lesquelles Ryanair dispose de bases à chaque extrémité des liaisons. Dans ces conditions, l'entrée sur le marché était encore plus difficile. En outre, la majorité des concurrents affirment que la simple éventualité d'une entrée sur le marché ne mettrait pas au pas l'entité issue de la concentration après l'opération.
(49) La décision conclut qu'une entrée sur une liaison isolée ou une entrée élargie de transporteurs effectuant certaines liaisons à destination et en provenance de leurs bases d'origine ne suffiraient pas à compenser les effets anticoncurrentiels de l'opération.
8. Concurrence effective (8)
(50) La décision conclut que l'opération est susceptible d'entraver significativement une concurrence effective, notamment en raison de l'instauration d'une position dominante sur les 28 liaisons suivantes, sur lesquelles l'entité issue de la concentration jouirait d'un monopole après l'opération : Dublin-Alicante/Murcie ; Dublin-Berlin ; Dublin-Bilbao/ Santander ; Dublin-Birmingham/East Midlands ; Dublin- Bruxelles, Dublin-Budapest ; Dublin-Édimbourg/Glasgow ; Dublin-Fuerteventura ; Dublin-Glasgow International/Prestwick ; Dublin-Manchester/Liverpool/Leeds ; Dublin-Marseille ; Dublin-Milan ; Dublin-Nice ; Dublin-Rome ; Dublin- Tenerife ; Dublin-Toulouse/Carcassonne ; Dublin-Venise/ Trévise ; Dublin-Vienne/Bratislava ; Dublin-Varsovie/Modlin ; Cork-Alicante ; Cork-Faro ; Cork-Londres ; Cork-Manchester/Liverpool ; Cork-Tenerife ; Knock-Birmingham/East Midlands ; Knock-Londres ; Shannon-Manchester/Liverpool et Shannon-Londres.
(51) La décision conclut que l'opération est susceptible d'entraver significativement une concurrence effective en raison de l'instauration d'une position dominante sur les 7 liaisons suivantes effectuées également par d'autres transporteurs réguliers : Dublin-Bristol/Cardiff/Exeter (quelle que soit la définition précise du marché) ; Dublin-Francfort ; Dublin-Londres ; Dublin-Madrid ; Dublin-Munich ; Dublin- Paris et Dublin-Stockholm. De plus, l'opération est aussi susceptible de provoquer la disparition du lien concurrentiel très étroit qui unit Ryanair et Aer Lingus et de supprimer ainsi la pression concurrentielle importante que les deux transporteurs exercent l'un sur l'autre sur chacune de ces liaisons avant l'opération. Les clients auraient le choix entre un nombre sensiblement réduit de formules de voyage et il est peu probable que les autres concurrents présents sur chacune de ces liaisons puissent influencer suffisamment le comportement sur le marché de l'entité issue de la concentration, notamment en matière de fixation des tarifs sur chacune de ces liaisons.
(52) La décision conclut que l'opération est susceptible d'entraver significativement une concurrence effective, notamment en raison de l'instauration d'une position dominante sur les 11 liaisons suivantes également effectuées par des compagnies charters : Dublin-Barcelone, Dublin-Faro, Dublin-Grande Canarie, Dublin-Ibiza, Dublin-Lanzarote, Dublin-Malaga, Dublin-Palma, Cork-Barcelone, Cork-Lanzarote ; Cork-Malaga et Cork-Palma. De plus, l'opération est aussi susceptible de provoquer la suppression du lien concurrentiel très étroit qui unit Ryanair et Aer Lingus et de supprimer ainsi la pression concurrentielle importante que les deux transporteurs exercent l'un sur l'autre sur ces liaisons avant l'opération. Les clients auraient le choix entre un nombre sensiblement réduit de formules de voyage et il est peu probable que les compagnies charters puissent influencer suffisamment le comportement sur le marché de l'entité issue de la concentration, notamment en matière de fixation des tarifs.
9. Concurrence potentielle
(53) La concurrence sur les liaisons actuellement exploitées par Ryanair et Aer Lingus au départ de Dublin, Shannon et Cork, où les deux transporteurs disposent de bases, ne peut être considérée isolément. Une telle analyse isolée impliquerait que les marchés de produits respectifs sont entièrement indépendants les uns des autres. Les deux transporteurs possèdent la souplesse nécessaire pour modifier et ajouter des liaisons à partir de leurs bases existantes sur ces aéroports en cas de modification de la structure concurrentielle des différentes liaisons exploitées depuis leurs bases. L'analyse doit donc être aussi dynamique et examiner dans quelle mesure la disparition du principal et plus proche concurrent d'un transporteur peut supprimer la pression potentielle qu'auraient subie Ryanair et Aer Lingus sans l'opération.
(54) L'analyse de la Commission a relevé qu'en raison du modèle dynamique de mise en concurrence mutuelle et de l'effet très limité sur les parties de l'entrée de nouveaux transporteurs, Ryanair et Aer Lingus exercent une pression concurrentielle limitée l'un sur l'autre.
(55) Selon une approche prudente, la décision conclut que l'opération conduirait probablement à une entrave significative d'une concurrence effective, notamment en raison de l'instauration ou du renforcement d'une position dominante, en éliminant le nouvel arrivant potentiel le plus crédible sur les 6 liaisons suivantes : i) liaisons Ryanair avec une concurrence potentielle : Dublin-Bologne, Dublin- Bordeaux, Cork-Paris/Beauvais, Cork-Munich/Memmingen, Cork-Birmingham ; ii) liaison Aer Lingus avec une concurrence potentielle : Dublin-Newcastle.
C. Gains d'efficacité
(56) Ryanair prétendait que l'opération apporterait des gains d'efficience substantiels dont bénéficieraient tous les clients. Ryanair utiliserait son savoir-faire en matière de réduction des coûts pour améliorer l'efficience d'Aer Lingus, diminuer ses coûts et ses tarifs aériens et améliorer sa compétitivité par rapport aux autres compagnies dans les aéroports principaux.
(57) Ryanair n'a fourni aucune information pertinente visant à prouver que les gains d'efficience étaient vérifiables, propres à la concentration et susceptibles d'être répercutés sur les clients et la Commission n'a pas non plus trouvé de preuves vérifiables attestant que Ryanair pouvait réduire les coûts d'Aer Lingus sans procéder en contrepartie à des réductions dans d'autres secteurs dont profitent les consommateurs, comme la qualité du service ou la situation de l'aéroport. En outre, plusieurs gains d'efficience avancés par Ryanair étaient susceptibles de ne pas être propres à la concentration (comme les coûts liés à la réduction du personnel, les coûts de carburant et les coûts de distribution).
(58) Les gains d'efficience avancés ne satisfaisaient donc pas aux trois conditions cumulées énoncées dans les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales. De plus, compte tenu des parts de marché combinées extrêmement élevées et de l'absence de nouvelle entrée opportune, suffisante et probable, il apparaissait que les prétendus gains d'efficience ne seraient pas suffisamment répercutés sur les consommateurs.
D. Engagements
1. Description des engagements finaux
1.1. Cession à Flybe des activités d'Aer Lingus sur 43 liaisons qui se chevauchent
(59) Ryanair a proposé de transférer à Flybe une nouvelle compagnie autonome (ci-après l'"activité cédée", qui pourrait s'appeler "Flybe Ireland"), dans laquelle elle transférerait divers actifs, dont 100 millions d'euros en trésorerie, un contrat de location portant sur au moins neuf Airbus A320, des créneaux aéroportuaires (à l'origine et à destination), du personnel et une licence de trois ans sur la marque "Aer Lingus" exempte de redevance, non exclusive, ne pouvant faire l'objet d'une sous-licence et non transférable. Cette marque commerciale serait utilisée conjointement avec la marque "Flybe".
(60) En consultation avec Flybe, Ryanair s'est engagée à développer, pour l'activité cédée, un plan économique qui porte sur la première année et qui tient compte d'une projection de volume concerté de bénéfices annuels avant impôts.
(61) Flybe exploiterait une grille concertée de 43 liaisons durant une période minimale de 6 saisons IATA. Étant donné que les fréquences hebdomadaires agrégées par saison programmées dans le cadre de l'activité cédée sur toutes les liaisons à destination/en provenance d'Irlande n'ont pas été modifiées, Flybe a uniquement été invitée à programmer des vols sur : i) 90 % des liaisons Flybe lors des 3e et 4e des 6 premières saisons IATA, et ii) 85 % des liaisons Flybe lors des 5e et 6e des 6 premières saisons IATA.
(62) En cas d'usage abusif des créneaux, un mécanisme de pénalités a été fixé sur une échelle mobile qui reflète l'importance de la liaison et propose des pénalités dégressives sur les 6 premières saisons IATA.
(63) Au cours des 6 premières saisons IATA, Flybe établirait sa base à l'aéroport de Dublin et aurait un appareil dont la base opérationnelle serait située à Cork.
(64) Au cours des 3 premières saisons IATA, la page d'accueil du site d'Aer Lingus serait divisée en deux moitiés affichant les noms commerciaux et les logos d'Aer Lingus et de l'activité cédée respectivement avec, dans les deux cas, des hyperliens vers leurs sites respectifs de réservation. Au terme des 3 premières saisons IATA, une bannière serait incluse en haut du site d'Aer Lingus, contenant un lien vers le site de l'activité cédée.
(65) En ce qui concerne 6 liaisons exploitées par Aer Arann, Flybe était censée satisfaire à son obligation d'exploiter ces liaisons en reprenant l'accord de franchise d'Aer Arann ou en concluant un nouvel accord de franchise avec Aer Arann.
1.2. Cession à IAG (British Airways) de créneaux sur 3 liaisons qui se chevauchent vers Londres
(66) Durant 6 saisons IATA, Ryanair s'est engagée à ce qu'IAG exploite les liaisons Dublin-Londres, Cork-Londres et Shannon-Londres au moyen d'Airbus A319 ou d'appareils équivalents, en utilisant ses propres créneaux en combinaison avec ceux cédés par Ryanair :
i) IAG et Ryanair auraient conclu un accord de location pour Gatwick (Gatwick Lease Agreement) ou un accord de transfert Heathrow-Gatwick (Heathrow - Gatwick Transfer Agreement), selon que la condition de transfert pour Heathrow (Heathrow Transfer Condition) était remplie ou non et à quel moment. En vertu de cette condition, Ryanair et IAG établiraient que l'entrée en vigueur de l'accord de transfert Heathrow-Gatwick n'aurait pas enfreint l'article 10 des statuts d'Aer Lingus (ou une autre disposition le remplaçant) ou toute autre législation ou réglementation applicable ;
ii) en cas de mise en œuvre de l'accord de location pour Gatwick, IAG aurait exploité : a) 68 fréquences hebdomadaires entre Dublin et Gatwick, 13 fréquences hebdomadaires entre Cork et Gatwick et 7 fréquences hebdomadaires entre Shannon et Gatwick en utilisant les paires de créneaux appartenant à Ryanair, et b) 2 fréquences hebdomadaires supplémentaires entre Dublin et Gatwick, 1 fréquence hebdomadaire entre Cork et Gatwick et 7 fréquences hebdomadaires entre Shannon et Gatwick en utilisant les créneaux appartenant à IAG ou qui seront rachetés par celle-ci ;
iii) en plus des créneaux à Gatwick, IAG aurait exploité 7 fréquences hebdomadaires entre Dublin et Heathrow en utilisant des créneaux qu'IAB aurait loués à Ryanair. Selon un accord revu d'IAG, cette dernière aurait aussi conclu un accord supplémentaire de location pour Heathrow ;
iv) si la condition de transfert pour Heathrow était remplie, IAG aurait pu exercer son droit de résiliation de l'accord de location pour Gatwick (et de l'accord de location pour Heathrow, s'il entrait en vigueur) et mettre en œuvre l'accord de transfert Heathrow-Gatwick (option d'achat d'IAG). IAG aurait notamment transféré ses créneaux à Gatwick (énumérés ci-dessus) permettant d'exploiter la liaison Dublin-Gatwick et 7 créneaux supplémentaires à Gatwick en échange des créneaux détenus par Aer Lingus à Londres Heathrow afin de pouvoir exploiter : a) 70 fréquences hebdomadaires entre Dublin et Heathrow, b) 14 fréquences hebdomadaires entre Cork et Heathrow, et c) 14 fréquences hebdomadaires entre Shannon et Heathrow. Un accord revu d'IAG a ajouté un nouvel accord de location pour Heathrow et modifié le nombre de créneaux que Ryanair aurait obtenus à Gatwick en échange des créneaux à Heathrow.
1.3. Cessions de créneaux supplémentaires entre Londres et l'Irlande
(67) En vertu d'une procédure de transfert de créneaux, et durant 6 saisons IATA, Ryanair s'est engagée à transférer, ou à faire en sorte qu'Aer Lingus transfère, à tout transporteur intéressé suffisamment de créneaux pour assurer des fréquences avec ses propres appareils sur les liaisons Dublin-Londres, Cork-Londres et/ou Shannon-Londres, à condition que le nombre de créneaux transférés ne soit pas supérieur à l'écart entre le nombre de vols assurés par les compagnies en cause sur les liaisons concernées.
1.4. Concurrence potentielle
(68) Durant les 6 premières saisons IATA et à tout moment par la suite, Ryanair s'est engagée à transférer, ou à faire en sorte qu'Aer Lingus transfère, à tout transporteur intéressé des créneaux sur les liaisons présentant une concurrence potentielle.
2. Appréciation des engagements finaux
2.1. Flybe n'était pas un acheteur approprié
(69) La Commission a considéré que Flybe n'était pas un acheteur approprié qui ferait de l'activité cédée une force concurrentielle active sur le marché.
(70) Premièrement, la Commission a considéré qu'en l'absence d'actifs à céder spécifiquement définis dans le cadre de l'entreprise Flybe Ireland, elle manquait d'éléments de preuve pour conclure que l'activité cédée disposerait des actifs nécessaires pour constituer une entreprise viable et compétitive.
(71) Deuxièmement, en ce qui concerne le modèle économique de Flybe, la Commission a considéré que si l'exploitation de liaisons entre l'Irlande et le Royaume-Uni correspondrait bien au modèle économique actuel de Flybe, selon l'appareil utilisé, ce ne serait pas le cas pour d'autres liaisons, notamment les destinations de loisirs présentant des longueurs de secteurs plus importantes. De plus, la Commission a constaté que Flybe n'avait aucune expérience en matière d'exploitation d'un Airbus A320, ce qui lui poserait des problèmes à l'heure de comprendre le marché sur lequel elle opérerait.
(72) Troisièmement, la Commission a considéré que l'accord selon lequel Ryanair préparerait un plan économique d'un an pour Flybe Ireland et l'accord selon lequel Ryanair procéderait à la (re)structuration de la base des coûts de l'activité cédée, sans que cela aboutisse toutefois à une relation durable entre l'entité issue de la concentration et l'activité cédée, ne semblaient pas conciliables avec le concept de concurrents indépendants.
(73) Quatrièmement, étant donné que les expériences passées de Flybe sur les nouveaux marchés étaient sensiblement différentes de la proposition d'acquisition de Flybe Ireland, étant donné que Flybe n'avait qu'une expérience limitée sur le marché irlandais et étant donné que, contrairement à Aer Lingus, son expérience et ses résultats en matière de concurrence avec Ryanair étaient assez mitigés, la Commission a considéré que ces éléments n'étaient pas suffisants pour établir que Flybe disposait de l'expérience pertinente avérée pour maintenir et développer Flybe Ireland en tant que force concurrentielle viable et active faisant face à l'entité issue de la concentration.
(74) Cinquièmement, la Commission a conclu que Flybe ne possédait pas les ressources financières lui permettant de maintenir et de développer Flybe Ireland en tant que force concurrentielle viable et active faisant face à l'entité issue de la concentration à moyen terme.
(75) Sixièmement, pour ce qui est de sa capacité à livrer concurrence à l'entité issue de la concentration après l'opération, la Commission a considéré qu'en dépit des propositions de licence de marque, de mesures de publicité sur le site internet et d'injection de capitaux dans Flybe Ireland, il n'était pas certain que Flybe puisse mettre sur pied une marque suffisamment forte, notamment en ce qui concerne les passagers venant d'Irlande, lui permettant d'exercer une pression efficace sur l'entité issue de la concentration et dissiper ainsi les craintes en matière de concurrence relevées par la Commission. Qui plus est, la capacité de Flybe Ireland à exercer une pression efficace sur l'entité issue de la concentration et dissiper ainsi les craintes en matière de concurrence relevées par la Commission risquait d'être affectée par les opérations limitées proposées à partir de bases et par le nombre de fréquences cédées proposé et les capacités qui en découlent. La Commission a également considéré qu'il était peu probable que les recettes et la base de coûts de Flybe Ireland lui permettent d'être rentable sur les 43 liaisons.
(76) Septièmement, la Commission a conclu que Flybe ne serait pas assez incitée à poursuivre durablement ses activités, du moins sur une partie substantielle de ses 43 liaisons.
(77) De plus, la Commission a aussi conclu que les engagements relatifs à Flybe ne seraient vraisemblablement pas mis en œuvre en temps voulu pour ce qui concerne l'accord de franchise. La Commission n'a pu non plus déterminer clairement si les engagements proposés, une fois mis en œuvre, apporteraient des réponses complètes et univoques aux problèmes de concurrence recensés dans la présente décision en ce qui concerne les liaisons d'Aer Arann.
(78) Enfin, les engagements n'étaient pas clairs et soulevaient des doutes quant à leur mise en œuvre dans les délais.
2.2. Incertitudes concernant les trois liaisons londoniennes - I A G
(79) La Commission n'a pu conclure avec le degré voulu de certitude que les nouvelles structures commerciales résultant des engagements finaux portant sur les trois liaisons londoniennes étaient suffisamment exploitables et durables pour garantir que l'entrave significative à une concurrence effective sur ces trois liaisons ne se concrétiserait pas durant et après la période minimale.
(80) Indépendamment de l'entrée en vigueur de l'accord de location pour Gatwick ou de l'accord de transfert Heathrow-Gatwick, la capacité globale sur les liaisons diminuerait probablement et l'entité issue de la concentration conserverait sa position dominante en termes de fréquences et de capacité sur les trois liaisons londoniennes (Dublin, Cork et Shannon). En outre, IAG dispose d'un modèle économique différent qui est davantage axé sur les passagers d'affaires et en transit (ce qui présente un intérêt si l'accord de transfert Heathrow-Gatwick entre en vigueur). Par conséquent, la Commission a considéré qu'IAG n'exercerait pas une pression suffisante sur l'entité issue de la concentration après l'opération durant la période minimale.
(81) La Commission a considéré qu'IAG abandonnerait vraisemblablement les trois liaisons au départ de Gatwick et réduirait de manière significative ses activités sur les trois liaisons au départ d'Heathrow au terme de la période minimale. La Commission n'a pas non plus relevé d'entrées suffisantes, probables et opportunes sur ces liaisons durant son enquête sur le marché.
(82) Enfin, la complexité des engagements, les incohérences entre les engagements, le formulaire RM et l'accord d'IAG et le mécanisme de règlement des différends ont suscité des doutes quant à l'application en temps voulu des engagements.
2.3. Conclusion
(83) Sur la base de tous les éléments de preuve dont elle dispose, y compris les résultats de la consultation du marché, la Commission a considéré que les engagements finaux ne conduiraient vraisemblablement pas à l'entrée de nouveaux concurrents capables d'exercer une pression concurrentielle suffisante sur l'entité issue de la concentration.
(84) Les engagements finaux n'ont pas permis à la Commission de conclure, avec le degré voulu de certitude, qu'il serait possible de les appliquer en temps voulu et qu'ils seraient suffisamment exploitables et durables pour garantir que l'entrave à une concurrence effective qu'ils visaient à corriger ne risquait pas de se concrétiser dans un futur relativement proche.
(85) La Commission n'a pu établir clairement que les engagements finaux, une fois mis en œuvre, apporteraient des réponses complètes et univoques aux problèmes de concurrence recensés dans la décision.
(86) Il a donc été conclu que les engagements proposés par Ryanair n'étaient pas en mesure de corriger l'entrave significative à une concurrence effective qui a été constatée et, partant, qu'ils ne pouvaient rendre l'opération compatible avec le marché intérieur.
V. CONCLUSION
(87) Compte tenu de ce qui précède, la décision conclut que l'opération proposée aurait entravé de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.
(88) Par conséquent, la concentration a été déclarée incompatible avec le marché intérieur et l'accord EEE.
Notes :
(1) JO L 24 du 29.1.2004, p. 1 (le "règlement sur les concentrations"). À compter du 1 er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ("TFUE") a introduit un certain nombre de changements, tels que le remplacement de "Communauté" par "Union" et de "marché commun" par "marché intérieur". La terminologie du TFUE sera utilisée tout au long de la présente décision.
(2) Dublin-Berlin, Dublin-Budapest, Dublin-Faro, Dublin-Fuerteventura, Dublin-Grande Canarie, Dublin-Ibiza, Dublin-Lanzarote, Dublin- Madrid, Dublin-Malaga, Dublin-Marseille, Dublin-Nice, Dublin- Palma, Cork-Malaga, Cork-Faro, Cork-Lanzarote, Cork-Palma.
(3) Dublin-Barcelone El Prat/Girona/Reus, Dublin-Alicante/Murcie, Dublin-Tenerife Sud/Tenerife Nord, Dublin-Manchester/Liverpool/ Leeds Bradford, Dublin-Londres Heathrow/Gatwick/Luton/Stansted/ City/Southend, Cork-Londres Heathrow/Gatwick/Stansted, Dublin- Birmingham/East Midlands, Dublin-Édimbourg/Glasgow, Cork-Alicante/Murcie, Cork-Tenerife Sud/Tenerife Nord.
(4) Dublin-Bilbao/Santander, Dublin-Bruxelles/Charleroi, Dublin-Milan Malpensa/Milan Linate/Bergame, Dublin-Francfort/Francfort Hahn, Dublin-Rome Ciampino/Rome Fiumicino, Dublin-Vienne/Bratislava, Dublin-Paris CDG/Paris Beauvais/Orly, Dublin-Toulouse/Carcassonne, Dublin-Glasgow/Prestwik, Dublin-Venise/Trévise, Dublin- Munich/Memmingen, Dublin-Varsovie/Varsovie-Modlin, Dublin- Stockholm Arlanda/ Skavsta, Cork-Barcelone El Prat/Girona/Reus, Cork-Manchester/Liverpool/Leeds Bradford, Knock-Birmingham/East Midlands, Knock-Londres Heathrow/Gatwick/Luton/Stansted/City/ Southend, Shannon-Manchester/Liverpool/Leeds Bradford, Shannon- Londres Heathrow/Gatwick/Luton/Stansted/City/Southend.
(5) On notera que si la question de la substituabilité des aéroports était pertinente pour 19 liaisons, il n'y a que 17 paires d'aéroports. Il s'agit de Barcelone El Prat, Girona et Reus ; Bilbao et Santander ; les aéroports de Londres (Heathrow, Gatwick, Stansted, Luton et City) ; Stockholm Arlanda et Skavsta ; Manchester, Liverpool et Leeds Bradford (pour Cork et Shannon) ; Toulouse et Carcassonne ; Birmingham et East Midlands (pour Knock) ; Milan Linate, Malpensa et Bergame ; Venise et Trévise ; Bruxelles et Charleroi ; Munich et Memmingen ; Vienne et Bratislava ; Glasgow et Prestwick ; Paris CDG, Beauvais et Orly ; Varsovie et Modlin ; Francfort et Hahn ; Rome Fiumicino et Ciampino.
(6) Londres Southend et les aéroports londoniens, Édimbourg et Glasgow, Manchester, Liverpool, Leeds Bradford (pour Dublin), Birmingham et East Midlands (pour Dublin), Bristol/Cardiff/Exeter, Alicante et Murcie, Tenerife Nord/Sud.
(7) Cette liaison serait toutefois un monopole si le marché ne comprenait que les services de transport aérien entre Dublin et l'aéroport de Bristol.
(8) La Commission a conclu que toutes les liaisons auxquelles les parties ont renoncé après l'annonce de l'opération n'étaient pas propres à celle-ci et n'étaient pas traitées comme des chevauchements entre les parties aux fins de l'appréciation sous l'angle de la concurrence. Ces liaisons sont les suivantes : Dublin-Cracovie, Dublin-Vérone et Dublin-Vilnius.