ADLC, 11 juillet 2013, n° 13-DCC-90
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mmes Laure Durand-Viel, Anne Rossion, de MM. Antoine Babinet, Simon Genevaz, l'intervention de Mme Nadine Mouy, rapporteure générale adjointe, par M. Emmanuel Combe vice-président, présidant la séance, Mme Claire Favre, vice-présidente, , Mmes Reine-Claude Mader-Saussaye, Pierrette Pinot, MM. Yves Brissy, Noël Diricq, membres.
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 7 janvier 2013 et déclaré complet le 6 février 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix SA par la société Casino Guichard-Perrachon, formalisée par un protocole transactionnel en date du 26 juillet 2012 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DEX-01 du 12 mars 2013 ouvrant un examen approfondi de l'opération en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu les engagements présentés les 26 avril et 30 mai 2013 par la partie notifiante ; Vu les observations présentées par la société Casino Guichard-Perrachon en date du 6 juin 2013 en réponse au rapport des services d'instruction du 15 mai 2013 ; Vu la lettre en date du 19 juin 2013 adressée par le vice-président de l'Autorité de la concurrence à la société Casino Guichard-Perrachon ; Vu les engagements présentés les 26 et 28 juin et les 2 et 8 juillet 2013 par la partie notifiante ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, et les représentants de la société Casino Guichard-Perrachon entendus au cours de la séance du 13 juin 2013 ; Les représentants de la Ville de Paris et des sociétés et groupes Système U, Carrefour, Atac et Auchan, Diapar, G20 et Dia France entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :
I. Présentation des entreprises concernées et de l'opération
1. Casino Guichard-Perrachon (ci-après "Casino") est la société à la tête du groupe Casino, quatrième opérateur français de distribution de détail à dominante alimentaire. Casino gère en 2013 un parc de plus de 11 000 magasins au niveau mondial dont environ 87 000 en France (hypermarchés, supermarchés, petits commerces de proximité, magasins discompteurs) sous enseignes Géant Casino, Casino Supermarchés, Franprix, Petit Casino, Spar, Vival, Casitalia, et Leader Price. Casino gère également l'approvisionnement de ses enseignes au travers d'EMC Distribution, sa centrale de référencement, en charge de la négociation des conditions d'achat avec les fournisseurs, Comacas, qui approvisionne les magasins, et Easydis, en charge de l'entreposage et l'acheminement des marchandises. Casino est par ailleurs présent sur quatre autres pôles d'activités : l'e-commerce non-alimentaire (par le biais de l'enseigne Cdiscount), l'immobilier, l'activité bancaire, et l'activité de restauration.
2. Monoprix SA (ci-après "Monoprix") est la société à la tête du groupe Monoprix, actif dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire. Monoprix est détenue conjointement par Casino et Galeries Lafayette, chacune de ces deux sociétés détenant 50 % du capital de Monoprix. Monoprix exploite en 2013 plus de 400 points de vente en France, sous les enseignes Monoprix, Inno, Monop', Dailymonop, Monop'station, beautymonop et Naturalia.
3. Par une décision en date du 2 octobre 2000, le ministre de l'économie a autorisé la prise de contrôle conjoint de Monoprix par Casino aux côté de Galeries Lafayette (ci-après, la "décision du ministre") (1). Cette opération a été réalisée par l'augmentation de la participation de Casino au capital de Monoprix, à parité avec le groupe Galeries Lafayette, prévu dans un protocole d'accord en date du 2 mai 2000. Dans sa décision, le ministre a relevé qu'"aux termes de l'accord signé le 2 mai 2000, les groupes Galeries Lafayette et Casino détiennent ainsi conjointement (...) 98,7 % du capital de Monoprix, chacun à hauteur de 49,35 %. Pendant une période de trois ans, les deux partenaires agiront de concert et fonctionneront de manière paritaire ; Casino pourra exercer une option d'achat de la participation des Galeries Lafayette et devenir ainsi l'unique actionnaire de Monoprix. Au-delà du 7 juillet 2003, si la promesse d'achat n'est pas exercée, le contrôle conjoint de Monoprix par Casino et Galeries Lafayette sera pérennisé". L'option d'achat n'a pas été exercée dans le délai de trois ans prévu dans le protocole d'accord du 2 mai 2000.
4. [Confidentiel].
5. [Confidentiel].
6. [Confidentiel].
7. A l'issue d'une conciliation, Casino et Galeries Lafayette ont mis fin à leur différend et ont conclu, le 26 juillet 2012, un protocole transactionnel prévoyant que Casino s'engage à acquérir et Galeries Lafayette à céder la totalité des actions détenues par ce dernier dans Monoprix (l'"opération"). A l'issue de l'opération, Casino détiendra donc 100 % du capital et des droits de vote de Monoprix (2).
8. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Monoprix par Casino, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Casino : 32 388 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; Monoprix : 3 859 millions d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Casino : 16 775 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; Monoprix : 3 852 millions d'euros pour le même exercice). Les seuils de notification de l'article 1, paragraphe 2, du règlement (CE) 139/2004 sont franchis mais chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l'Union européenne en France, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Définition des marchés pertinents
10. Les marchés concernés par l'opération relèvent du secteur de la distribution à dominante alimentaire. L'opération n'entraîne en revanche aucun chevauchement pour les activités de distribution spécialisée de produits de beauté (sous enseigne Beautymonop) et de distribution spécialisée de produits biologiques (sous enseigne Naturalia) dans lesquelles Monoprix est seule présente. De plus, l'opération n'entraîne qu'un chevauchement marginal d'activité, quelle que soit la délimitation des marchés retenue, dans des secteurs comme la restauration commerciale ou la distribution au détail de carburant, lesquels ne feront donc pas l'objet de développements particuliers.
11. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire : les marchés amont de l'approvisionnement en produits de grande consommation et les marchés aval de la distribution de détail à dominante alimentaire (3).
A. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
12. Selon une pratique décisionnelle constante, les entreprises du secteur de la distribution alimentaire sont présentes sur le marché amont de l'approvisionnement, qui comprend la vente de biens de consommation courante par les producteurs à des clients tels que les grossistes, les détaillants ou d'autres entreprises (par exemple les cafés/hôtels/restaurants) (4). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence ne distingue en effet pas selon le circuit de distribution.
13. L'analyse du marché amont s'opère par catégorie de produits. Ainsi, dans l'affaire Carrefour/Promodès (5), la Commission a analysé 23 groupes de produits distincts, à savoir : (1) liquides, (2) droguerie, (3) parfumerie et hygiène, (4) épicerie sèche, (5) parapharmacie, (6) produits périssables en libre-service, (7) charcuterie, (8) poissonnerie, (9) fruits et légumes, (10) pain et pâtisseries fraîches, (11) boucherie, (12) bricolage, (13) maison, (14) culture, (15) jouets, loisirs et détente, (16) jardin, (17) automobile, (18) gros électroménager, (19) petit électroménager, (20) photo/ciné, (21) Hi-fi/son, (22) TV/vidéo, (23) textile/chaussures.
14. La Commission européenne a confirmé ultérieurement cette analyse selon laquelle le marché "peut se répartir en familles ou groupes de produits : produits de grande consommation (PGC : liquides, droguerie, parfumerie, épicerie sèche, parapharmacie, produits périssables en Libre-Service), frais traditionnel (charcuterie, poissonnerie, fruits et légumes, etc.), bazar (bricolage, maison, culture, jouets/loisir/détente, etc.), électroménager et textile" (6) et ne l'a jamais remise en cause.
15. En France, cette approche du marché amont de l'approvisionnement par groupes de produits a été retenue à de très nombreuses reprises, et encore très récemment, par l'Autorité (7). Les réponses des fournisseurs au test de marché confirment très largement la pertinence de cette définition.
16. Enfin, du point de vue géographique, la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence considère que les marchés de l'approvisionnement sont de dimension géographique nationale (8). La dimension nationale du marché amont a été, en l'espèce, confirmée par la plupart des fournisseurs ayant répondu au test de marché.
17. Il sera donc considéré qu'il existe un marché de dimension nationale de l'approvisionnement pour chaque catégorie de produits de grande consommation.
B. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION
1. MARCHÉS DE SERVICES
18. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence distingue au sein du marché aval de la vente au détail deux principales catégories de points de vente :
- les commerces à dominante alimentaire, dont plus d'un tiers du chiffre d'affaires provient de la vente de produits alimentaires et
- les commerces non alimentaires, dont le chiffre d'affaires réalisé avec les produits alimentaires est inférieur à ce seuil (9).
19. L'offre alimentaire généraliste proposée par les commerces à dominante alimentaire permet aux consommateurs de se procurer un ensemble complet de produits principalement alimentaires en un temps limité et dans un espace unique.
20. La nature et l'intensité des interactions concurrentielles entre différents formats de magasins de distribution de produits alimentaires est variable selon leur localisation. La pratique décisionnelle relative à la définition des marchés aval de distribution alimentaire distingue ainsi la situation des commerces à dominante alimentaire situés en province (a), de celle de tels commerces situés à Paris (b). La pression concurrentielle exercée sur la distribution physique à dominante alimentaire par le commerce en ligne doit aussi être évaluée (c).
a) Définition des marchés de la distribution à dominante alimentaire en dehors de Paris
21. S'agissant de la vente au détail des biens de consommation courante, la pratique décisionnelle (10) distingue six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (magasins à dominante alimentaire d'une surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail ou supérettes (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.
22. Il convient de rappeler que les seuils de surfaces doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, car des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les magasins d'une autre catégorie.
23. Les autorités de concurrence considèrent que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. Elles distinguent ainsi (11) :
- un marché comprenant uniquement les hypermarchés ; et
- un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²).
24. S'agissant des supérettes de détail, la pratique décisionnelle a également souligné l'existence d'une relation concurrentielle asymétrique avec les autres formes de commerce (12). Dans un certain nombre de configurations géographiques, un hypermarché, un supermarché ou un magasin de hard discount peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d'une supérette, tandis que la réciproque n'est pas vraie. Autrement dit, si les hypermarchés et les supermarchés exercent une vive concurrence sur le petit commerce de détail (moins de 400 m²), la réciproque n'est presque jamais vérifiée.
25. Les supérettes subissent donc la concurrence des autres supérettes ainsi que des supermarchés, des magasins discompteurs et des hypermarchés.
26. La grande majorité des concurrents et associations de consommateurs interrogés durant le test de marché confirme cette approche, en particulier en ce qu'elle distingue entre les hypermarchés, supermarchés, le commerce spécialisé et le commerce de détail en fonction de seuils de surfaces de vente.
b) Définition des marchés de la distribution à dominante alimentaire à Paris
27. La pratique décisionnelle a adopté une définition spécifique des marchés aval de la distribution à dominante alimentaire à Paris compte tenu des spécificités du territoire et des comportements d'achat des consommateurs parisiens. Le Conseil de la concurrence a ainsi considéré, dans son avis relatif à l'acquisition par Casino de Franprix-Leader Price, que, sur le marché parisien, les magasins généralistes présents dans une zone de 500 mètres de rayon constituent tous des alternatives pour le consommateur, quelle que soit leur taille (13).
28. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette approche à l'occasion de la présente opération. Le marché pertinent comprend ainsi tous les formats de commerces généralistes : supérettes, supermarchés, magasins populaires, magasins de hard discount et hypermarchés. La pratique décisionnelle exclut en revanche du marché toutes les autres formes de commerces alimentaires, tels que les commerces dits "de bouche", les magasins spécialistes du surgelé et les marchés alimentaires.
i. Les supérettes et supermarchés
29. Compte tenu de la surface réduite des magasins alimentaires parisiens, il existe à Paris une substituabilité plus grande qu'en province entre les supérettes (définies comme les commerces dont la surface totale est inférieure à 400 m²) et les supermarchés et hypermarchés implantés à proximité. Au regard de cet élément, la pratique décisionnelle a adopté une approche spécifique s'agissant des supérettes sur le marché parisien.
30. Dans son avis du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par Casino de Franprix-Leader Price, le Conseil de la concurrence a relevé (14) "qu'une partie substantielle de la clientèle des commerces de proximité est constituée par des personnes se rendant à pied dans le lieu de vente, faisant des achats courants et de faibles montants ; qu'ainsi ces commerces répondent à un besoin de proximité et que leur aire de chalandise est principalement constituée par les achats susceptibles d'être effectués par les ménages situés dans un rayon d'environ 500 m autour du magasin".
31. Par ailleurs, les supérettes proposent une offre à même de concurrencer les supermarchés. Dans sa décision n° 10-D-08 du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par Carrefour dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, l'Autorité de la concurrence s'est fondée sur la similarité des services proposés (horaires d'ouverture, livraison), des rayons et de la structure de vente par rayon (assortiment incluant aussi bien des premiers prix et marques de distributeurs que des marques nationales et des produits à forte valeur ajoutée) pour considérer qu'il existait une substituabilité entre les supérettes et les petits supermarchés implantés en centre-ville.
32. Il apparait en effet qu'à Paris, une même enseigne peut être apposée à la fois sur des supérettes et sur des supermarchés. Le seuil de 400 m² utilisé tant par l'INSEE que par l'IFLS pour distinguer les supérettes des supermarchés correspond approximativement à la surface moyenne des enseignes de proximité les plus présentes à Paris, comme Franprix (384 m²), Carrefour City (430 m²), G20 (398 m²) ou encore Dia et Ed (318 m²). Les magasins de ces enseignes proposent donc des formats similaires, alors même que leur surface de vente se situe en-dessous ou au-dessus de ce seuil.
33. Les réponses obtenues au test de marché confirment que la délimitation classique entre supermarchés et petits commerces de proximité n'est pas justifiée sur le marché parisien.
34. Il convient donc de tenir compte de l'interaction concurrentielle existant entre les supérettes, d'une part, et les supermarchés et hypermarchés d'autre part.
ii. Les magasins populaires
35. Les magasins dits "populaires" se caractérisent par un assortiment non-alimentaire (notamment textile et produits de beauté) plus riche que les supermarchés. Les magasins à l'enseigne Monoprix représentent aujourd'hui l'essentiel de cette catégorie. La partie notifiante relève que la concurrence existant entre les supérettes/supermarchés et les magasins populaires s'exerce principalement entre les rayons alimentaires de ces magasins. Elle précise qu'il s'agit cependant d'une concurrence imparfaite, compte tenu à la fois de la différence de format, d'offre et de services rendus.
36. Il apparaît cependant que les magasins populaires présentent, en termes d'offre alimentaire, des caractéristiques similaires aux supermarchés, tant en positionnement prix qu'en nombre de références, de l'ordre de 8 000 à 10 000, variable en fonction de la surface de vente. Les supérettes présentent, en général, entre 5 000 et 7 000 références.
37. De plus, la quasi-totalité des répondants au test de marché considère que leurs magasins sont en concurrence directe avec les magasins à l'enseigne Monoprix. Les réponses au test de marché tendent donc à conforter la substituabilité des magasins populaires aux supermarchés.
38. Enfin, la partie notifiante soutient qu'il convient de ne retenir que la surface de vente alimentaire des magasins populaires Monoprix pour les calculs de parts de marché. Certains répondants au test de marché contestent toutefois cette position, considérant qu'il conviendrait de prendre en compte la surface totale des magasins cibles. Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question au cas d'espèce, celle-ci étant sans incidence sur les résultats de l'analyse concurrentielle. L'analyse retiendra donc la surface alimentaire des magasins cibles, hypothèse la plus favorable à la partie notifiante (15).
iii. Les magasins de maxi-discompte
39. Selon l'analyse retenue par le Conseil de la concurrence dans l'avis n° 00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès, les magasins de maxi-discompte sont également à même de concurrencer les supermarchés : "si le positionnement en termes de prix spécifique, et si le service rendu et l'absence de nombreux articles pourraient plaider pour une substituabilité limitée de ces deux formats, les surfaces exploitées sont en général les mêmes que celles des supermarchés et surtout, les enseignes de maxi-discompte se positionnent, en France, de plus en plus comme des concurrents directs des supermarchés traditionnels en ajoutant, aux produits de leur marque, une offre de produits de marque plus réputée." (16)
40. L'examen du marché parisien confirme cette analyse, les maxi-discompteurs (notamment Dia, Lidl et Leader Price, présents à Paris) incluant dans leur assortiment des marques nationales, tout comme les supérettes et supermarchés proposent réciproquement un large assortiment de produits de marques de distributeur ("MDD"). Ainsi, à Paris, le groupe Casino, présent sur le segment du maxi-discompte au travers de son enseigne Leader Price, propose dans ses magasins Franprix un assortiment composé pour moitié de produits de marques Leader Price ou Le Prix Gagnant (marque de distributeur premier prix), qui représentaient en 2011 [40-50 %] de son chiffre d'affaires. De la même manière, l'assortiment de magasins de maxi-discompte implantés à Paris sous les enseignes Lidl et Dia comporte une proportion significative, de l'ordre de [10 à 40 %], de marques nationales dans leurs approvisionnements en produits alimentaires. Les représentants de Dia observent d'ailleurs que "les consommateurs parisiens, ainsi que ceux habitant d'autres grandes villes, vont indifféremment dans les magasins dits "traditionnels" et dans les magasins hard discount" (17).
41. Il n'y a donc pas lieu d'exclure les magasins de maxi-discompte du marché pertinent.
iv. Les autres formes de commerces alimentaires
Arguments des parties
42. La partie notifiante soutient que d'autres formes de commerces alimentaires devraient être intégrées au marché pertinent dans le cas particulier de Paris, et notamment les petits commerces de bouche, les commerces spécialistes du surgelé, et les marchés alimentaires de plein air, dans la mesure où ils seraient substituables aux commerces de détail à dominante alimentaire généraliste.
43. A l'appui de sa démonstration, la partie notifiante présente plusieurs études et données économiques qui visent à démontrer l'importance des achats des Parisiens dans ce type de commerces. Selon une étude du cabinet Kantar relative aux "Achats des Parisiens en produits de grande consommation", datée d'avril 2013 (ci-après, "Kantar 2") soumise par la partie notifiante, les commerces traditionnels spécialisés (petits commerces de bouche et commerces spécialistes du surgelé), les marchés et les autres circuits spécialisés représenteraient 23 % des dépenses alimentaires des Parisiens. Plus précisément, selon cette étude, la catégorie "autres circuits spécialisés", qui regroupe des formes de commerce particulières telles que les "freezer centers" (Picard), magasins bio, cavistes, et autres, représenterait 12 % des dépenses alimentaires des Parisiens, les commerces traditionnels spécialisés (boucheries, charcuteries, traiteurs, poissonneries, fromageries et magasins de primeurs) 6 % de ces dépenses et les marchés alimentaires 4 % (18).
44. Pour démontrer que les commerces de bouche (e.g., boucheries, boulangeries, charcuteries, traiteurs, magasins de primeurs, etc.) exercent une pression concurrentielle sur les enseignes de la grande distribution, la partie notifiante fait valoir que la densité de ces commerces est plus élevée à Paris que dans le reste du territoire (30 commerces pour 10 000 habitants à Paris contre 18,9 en France, hors Paris (19)). Elle étaye également sa position par un sondage Ipsos intitulé "Analyse des comportements d'achat des Parisiens" (20) dont il ressort que les commerces de bouche seraient le premier canal d'approvisionnement des Parisiens en termes d'intensité de fréquentation (94 % des Parisiens réalisent une partie de leurs courses alimentaires dans le commerce traditionnel) et leur premier canal d'approvisionnement "secondaire" (21) (32 %).
45. La partie notifiante considère également que les magasins spécialistes du surgelé, et plus particulièrement l'enseigne Picard, exercent une concurrence significative sur les autres commerces à dominante alimentaire. Elle fait valoir que 83 % des magasins de Casino et Monoprix sont situés à moins de 500 mètres d'un magasin Picard, et que cette enseigne a été jugée la plus attractive en France par les consommateurs tous secteurs confondus (22). Elle se réfère également au sondage Ipsos qui indique que 61 % des Parisiens déclarent préférer faire leurs courses dans les magasins spécialistes du surgelé plutôt que dans les hypermarchés, les supermarchés, les magasins populaires et les magasins de hard discount pour l'achat de produits surgelés.
46. Enfin, la partie notifiante estime que les marchés alimentaires de plein air, au nombre de 82 à Paris, regroupent une offre complète de produits alimentaires frais et une large variété de positionnements qualitatifs (offres de qualité ou rapport qualité-prix attractif), et exercent donc une pression concurrentielle sur les enseignes de la grande distribution. Elle produit à l'appui de cette affirmation une étude économique (23) qui relève une diminution du chiffre d'affaires alimentaire des rayons des produits frais trouvés dans les marchés de plein air dans les magasins situés à proximité d'un marché alimentaire ouvert (24). Le chiffre d'affaires alimentaire "marché" (rayons fruits et légumes, fromage, poisson et charcuterie-traiteur) représente, selon cette étude, environ 15 % du chiffre d'affaires des magasins. La partie notifiante soutient donc que la pression concurrentielle exercée par les marchés "ne peut pas être considérée comme insignifiante".
Pratique décisionnelle
47. La pratique décisionnelle a jusqu'à présent exclu l'ensemble des formes de commerces spécialisés du marché du commerce de détail à dominante alimentaire regroupant les magasins alimentaires généralistes. La Commission européenne a ainsi constaté que "les achats effectués dans des commerces spécialisés, comme les boucheries ou les boulangeries, ne sont pas substituables aux achats plus généraux effectués dans un supermarché ou dans d'autres formes de vente de commerce de détail de l'alimentation, au cours desquels il trouve dans un seul point de vente tous les articles dont il a besoin (magasin unique)" (25).
48. La Commission européenne a donc considéré que ces commerces alternatifs ne permettent pas au consommateur de constituer un panier de biens de consommation courante. Elle précise qu'il existe "un marché distinct qui correspond à la distribution en détail de produits alimentaires et d'articles ménagers non alimentaires de consommation courante, visant à la satisfaction des besoins récurrents des ménages. Les produits alimentaires faisant partie du panier de biens de consommation courante représentent une part importante des produits offerts et achetés. En conséquence, ce marché s'oppose au commerce de détail dont la vente de produits alimentaires n'est pas la dominante (comme les stations-services). Il ne comprend pas non plus le commerce spécialisé d'articles alimentaires et non alimentaires, qui ne fournit pas le panier de biens de consommation courante" (26).
49. Dans l'affaire Promodès/Casino, la Commission explique en outre que l'exclusion du commerce spécialisé du marché de la distribution au détail à dominante alimentaire se justifie par le fait que "cette catégorie ne fournit pas un assortiment de biens de consommation courante et [que] les magasins en cause, généralement de dimension réduite, présentent un assortiment limité à une famille de produits, à un niveau de prix généralement plus élevé que dans les autres formes de commerce, au moins dans l'alimentaire, le consommateur, par ailleurs, étant servi par un ou des vendeurs" (27).
50. De la même manière, la décision du ministre du 2 octobre 2000 sur la prise de contrôle conjointe de Monoprix précise que, si les commerces de détail et les marchés sur la voie publique constituent dans une certaine mesure une alternative aux supermarchés, "les petits commerces de détail, compte tenu de leur niveau de prix, ne sont pas, à eux seuls, en mesure de limiter une éventuelle hausse de prix des magasins du nouveau groupe, et les marchés n'offrent qu'une partie des produits alimentaires, à certaines heures seulement".
51. Dans une décision récente, ne portant cependant pas sur le marché parisien, l'Autorité de la concurrence a également relevé que les commerces spécialisés (boulangeries, boucheries-charcuteries, poissonneries, fromageries-crémeries, primeurs, cavistes, magasins de surgelés, etc.), les marchés ou la vente alimentaire en ligne n'exerçaient pas une pression concurrentielle significative sur les supérettes (28).
52. En ce qui concerne le segment spécifique des magasins spécialisés dans la vente de produits surgelés, la pratique décisionnelle a exclu ce type de magasins du marché du commerce généraliste à dominante alimentaire, en le distinguant des GMS ("grandes et moyennes surfaces"). Le Conseil de la concurrence a ainsi constaté, dans son avis n° 94-A-30, que les magasins à l'enseigne Picard Surgelés ne sont pas substituables aux surfaces de supermarchés et d'hypermarchés (29). Ces magasins se différencient en effet des supermarchés notamment par les gammes de produits vendus, les services proposés, le niveau des prix pratiqués et les marques commercialisées. La pratique décisionnelle n'a pas dévié de cette approche depuis lors (30).
Appréciation
53. Il convient de relever, en premier lieu, que la concurrence des commerces spécialisés ne s'exerce que sur une petite partie de l'assortiment des supérettes et supermarchés : même en s'approvisionnant dans l'ensemble des commerces spécialisés disponibles sur une zone de chalandise, il est difficile, pour ne pas dire impossible, pour un consommateur de reproduire l'assortiment complet d'un panier de produits de consommation courante, similaire à celui obtenu en supérette ou en supermarché. Ainsi, Picard considère faire partie des magasins "secondaires dans la mesure où nous ne proposons pas l'assortiment complet de produits que l'on trouve en supermarché, comme des couches ou du lait. Nous nous situons un peu sur le même créneau que les commerces de bouche, avec une offre spécialisée qui ne concurrence Monoprix que de manière très partielle" (31). Le rapport concurrentiel entre les magasins alimentaires généralistes, pour certaines parties de leur assortiment, et les commerces spécialisés ou les marchés en plein air, ne peut donc être que limité. Le chiffre d'affaires alimentaire "marché" (rayons fruits et légumes, fromage, poisson et charcuterie-traiteur) ne représente en effet selon l'étude MAPP présentée par les parties, qu'environ 15 % du chiffre d'affaires des magasins. Il s'ensuit que, pour environ 85 % de leur chiffre d'affaires, les magasins du groupe Casino ne peuvent être soumis à la pression concurrentielle des marchés.
54. De la même manière, les produits vendus par les cavistes et les magasins de surgelés représentent une part mineure du chiffre d'affaires des supérettes et supermarchés. Picard confirme à cet égard que "le surgelé, c'est seulement 5 % du marché PGC FLS [produits de grande consommation frais libre-service]" (32). Diapar explique dans sa réponse au test de marché que "les magasins spécialisés ciblent un créneau particulier et offrent aux consommateurs une gamme courte et profonde qui ne peut couvrir qu'une partie de leurs besoins. Pour le reste, ils retournent dans les commerces généralistes de détail à dominante alimentaire" (33).
55. La majorité des concurrents ayant répondu au test de marché a de ce fait estimé que, si les commerces spécialisés dans la distribution de produits biologiques, de produits surgelés et les petits commerce de bouche exercent une certaine forme de pression concurrentielle sur le commerce de détail à dominante alimentaire, elle est, du fait de la spécialisation de l'offre proposée, limitée aux rayons concernés. Ainsi, dans leurs réponses aux demandes d'informations de l'Autorité, les opérateurs concurrents de Casino et Monoprix ont tous calculé leur part de marché par rapport à l'ensemble des supérettes et supermarchés uniquement - à l'exception de Carrefour qui a également inclus les magasins sous l'enseigne Picard.
56. Au surplus, l'acte d'achat en supérette et en supermarché se caractérise par une unicité de lieu et de temps qui permet au consommateur de composer en une seule fois et en un temps limité un panier de produits de consommation courante, limitant ainsi les coûts de transaction qui résulteraient de l'agrégation de produits similaires mais localisés dans différents commerces spécialisés (34).
57. En deuxième lieu, le positionnement des commerces de bouche spécialisés ou des marchés de plein air est différent, que ce soit en termes d'offre ou de prix, et se présente de façon plus complémentaire que substituable par rapport à l'offre des commerces généralistes (35). De fait, les opérateurs du secteur analysent la présence de magasins alimentaires spécialisés comme des éléments d'un environnement favorable susceptibles d'attirer un certain flux de consommateurs au quotidien dans un quartier.
58. Les commerces spécialisés ne constituent donc pas une réelle alternative vers laquelle se reporterait la demande en cas de hausse des prix dans les magasins de grande distribution, mais plutôt une source supplémentaire d'approvisionnement pour des produits spécifiques. Ceci explique que les opérateurs de la grande distribution auditionnés considèrent unanimement que les commerces de bouche, les commerces de proximité spécialisés et les marchés de plein air constituent une offre complémentaire à la leur, voire un facteur incitatif pour leur décision d'implantation dans la mesure où ces commerces créent des flux de clients potentiels. Ainsi, par exemple, Diapar relève que "la proximité de ces commerces spécialisés est un atout concurrentiel pour les magasins qui sont dans leur voisinage car ils créent du trafic et attirent ou maintiennent dans la zone de chalandise des publics pour lesquels l'offre d'un supermarché généraliste ne suffit pas. (...) La présence de commerce spécialisé (Boulangerie, Magasin Bio, Boucherie, Primeur, Picard, Caviste (...)) dans l'entourage immédiat d'une possible implantation est considérée comme un grand atout par nos équipes de développement" (36), tandis que Dia constate en outre que les commerces alimentaires spécialisés à proximité de ses magasins "drainent des flux de consommateurs" et que "ce type de zones peut permettre de réaliser 20 à 30 % de chiffre d'affaires supplémentaire" (37).
59. Telle est également l'analyse des commerces spécialisés eux-mêmes. Nicolas, magasin spécialisé dans la vente de vin en bouteille, estime qu'il existe bel et bien "une certaine forme de concurrence face à des enseignes [de commerce de détail à dominante alimentaire] qui développent de petits formats de magasins" mais reconnaît qu'il n'est "pas du tout perturbé par la présence d'un Monoprix juste en face [de ses magasins]" (38). Les représentants de Nicolas confirment ainsi qu'"étant donné la qualité de nos services et notre sélection de produits, nous n'estimons pas être directement concurrencés ni par les supermarchés, ni par les épiceries ou les autres commerces de bouche. (...) Nous ne sommes pas situés sur le même créneau : notre positionnement est en réalité similaire à celui des petits commerces de bouche, tels que le boulanger, le boucher, etc." (39).
60. En ce qui concerne le sondage Ipsos communiqué par les parties, s'il relève de façon générale que les parisiens consacrent 19 % de leurs dépenses alimentaires aux "boutiques de quartier et marchés", contre 77 % aux supermarchés, hypermarchés et magasins de hard discount, un tel constat ne renseigne pas en soi sur la substituabilité, du point de vue des consommateurs, entre ces deux formes de commerces. Il est tout aussi compatible, de même que l'ensemble des résultats de ce sondage, avec l'analyse présentée par les concurrents des parties selon laquelle les deux formes de commerce sont utilisées de façon complémentaire.
61. Ainsi, la partie notifiante s'appuie sur ce sondage pour soutenir que les marchés et les magasins spécialisés dans le surgelé font partie des formes de commerces alimentaires les plus fréquentées par les Parisiens, mais le sondage distingue en fait les magasins fréquentés "à titre principal" (qui représentent plus de 50 % des dépenses alimentaires du foyer) des magasins fréquentés "à titre secondaire" (correspondant à une moindre proportion de dépenses du foyer). En ce qui concerne les magasins spécialisés dans le surgelé, les résultats du sondage montrent qu'ils ne sont quasiment jamais fréquentés à titre principal mais essentiellement à titre secondaire. Ces magasins n'arrivent cependant qu'en cinquième rang des formats fréquentés à titre secondaire, derrière les commerces traditionnels, les "supermarchés de centre-ville" (catégorie définie par Ipsos qui recouvre des supérettes et supermarchés de petite taille sous enseignes Carrefour City, Monop', Franprix, G20, etc.), les magasins populaires et les supermarchés de grande taille (Carrefour Market, Casino, Simply Market, etc.) (40).
62. De même, cette enquête Ipsos révèle que 94 % des Parisiens fréquenteraient les commerces traditionnels, tandis que 93 % se rendraient régulièrement dans les supermarchés de centre-ville. La clientèle commune entre ces deux types de commerces est donc très importante, ce qui suggère également une forte complémentarité des offres en cause. En effet, comme l'indique la Commission européenne dans l'affaire Rewe/Meinl, dans laquelle les pourcentages de fréquentation étaient sensiblement les mêmes pour les magasins spécialisés et pour les supermarchés41, ces données tendraient à prouver que les besoins alimentaires courants des consommateurs ne peuvent être comblés par la seule fréquentation de commerces spécialisés : "si les magasins spécialisés étaient en mesure de satisfaire les besoins des consommateurs aussi bien que le font les magasins du commerce de détail de l'alimentation, on pourrait s'attendre à ce que le nombre des clients des magasins spécialisés effectuant également des achats dans les magasins du commerce de détail de l'alimentation soit beaucoup plus faible".
63. S'agissant des marchés alimentaires, il ressort des résultats du sondage Ipsos que seulement 3 % des personnes interrogées déclarent les utiliser comme source d'approvisionnement alimentaire "à titre principal", derrière les hypermarchés, les supermarchés et "supermarchés de centre-ville", les magasins populaires, les magasins de hard discount et les commerces traditionnels, et 22 % déclarent les fréquenter à titre secondaire, parmi d'autres circuits. Casino soutient qu'avec 22 % des répondants déclarant fréquenter les marchés de plein air "à titre secondaire", ceux-ci constituent un canal d'approvisionnement secondaire plus prisé que les magasins hard discount (20 %) et les hypermarchés (16 %). La partie notifiante ajoute que les Parisiens citent d'ailleurs les marchés de plein air comme circuit préféré pour les achats de fruits et légumes.
64. Cependant, ce type de déclarations sur les préférences des consommateurs ne fournit aucun renseignement sur leur comportement réel et donc sur la pression concurrentielle qu'exercent ces formes de commerces sur les formes modernes de distribution alimentaire que sont les hypermarchés, supermarchés et supérettes et ne permet donc pas de conclure sur la délimitation du marché pertinent pour l'analyse des effets de l'opération. Il en est de même des données décrivant la répartition des dépenses alimentaires des Parisiens entre ces différentes formes de commerces.
65. Comme le rappellent les lignes directrices de l'Autorité, le marché pertinent permet d'identifier le périmètre à l'intérieur duquel s'exerce la concurrence entre entreprises et d'apprécier, dans un deuxième temps, leur pouvoir de marché (42). Les différents magasins dans lesquels les consommateurs dépensent une partie de leur budget n'appartiennent donc au marché pertinent que s'ils exercent les uns sur les autres une pression concurrentielle suffisante. Or, le marché pertinent retenu jusqu'à présent par la pratique décisionnelle pour l'analyse des opérations portant sur l'acquisition de supermarchés parisiens est celui des formes modernes de distribution alimentaire offrant aux consommateurs un panier complet de produits de consommation courante.
66. Quant à l'étude Mapp du 19 avril 2011 relative à l'"Analyse de la pression concurrentielle exercée par les marchés alimentaires sur les commerces de proximité à Paris" produite par la partie notifiante, il en ressort que la présence de marchés situés à proximité d'un magasin à dominante alimentaire généraliste peut avoir un impact sur son chiffre d'affaires dans la catégorie de produits concernés.
67. Toutefois, comme cela a déjà été relevé ci-dessus, le chiffre d'affaires alimentaire "marché" (rayons fruits et légumes, fromage, poisson et charcuterie-traiteur) ne représente, selon cette étude, qu'environ 15 % du chiffre d'affaires des magasins. Surtout, l'étude du cabinet Mapp ne démontre pas que l'indice de prix relatif au type de produits "marché" est différent selon que le magasin est proche ou loin d'un marché de plein air, ni que la présence d'un tel marché dans la zone de chalandise d'un magasin est prise en compte dans la stratégie tarifaire des parties.
68. En revanche, il ressort de l'examen de l'ensemble des compte rendus des comités exécutifs ("Comex") et de comités de direction ("Codir"), au cours desquels étaient discutées respectivement la stratégie tarifaire des magasins du groupe Monoprix et celle du groupe Casino, que les commerces de bouche et les marchés de plein air ne sont jamais mentionnés parmi les éléments de l'environnement concurrentiel à surveiller afin de déterminer le positionnement tarifaire des Franprix, Monop' et Monoprix, au contraire des enseignes de la grande distribution alimentaire. Il n'y a donc pas lieu d'intégrer les petits commerces de bouche, les commerces spécialistes du surgelé et les marchés alimentaires au marché pertinent.
v. Les épiceries fines
69. La partie notifiante fait valoir que certains points de vente, dont le positionnement est celui d'épiceries fines ou de produits haut de gamme, devraient être intégrés au marché pertinent du commerce de détail à dominante alimentaire. Elle a notamment inclus dans le calcul des parts de marché le magasin Lafayette Gourmet situé boulevard Haussmann, dans le 9ème arrondissement de Paris, ainsi que La Grande Epicerie, point de vente alimentaire du Bon Marché situé dans le 7ème arrondissement de Paris.
70. Comme le précise la Commission européenne dans l'affaire Carrefour/Promodès, "seule une appréciation concrète de l'environnement géographique, concurrentiel, ainsi que des formats de magasins présents, concernant chaque zone locale, peut permettre de conclure qu'un format de point de vente donné doit être, ou non, distingué des autres formats du commerce de détail à dominante alimentaire" (43). De manière constante, la pratique décisionnelle a retenu les critères suivants pour distinguer les formats de magasins : le mode d'exercice du point de vente (en libre-service ou par l'intermédiaire d'un vendeur), la diversité des familles de produits offerts, la largeur des assortiments et la taille des surfaces de vente.
71. En ce sens, les épiceries fines ne répondent pas aux caractéristiques du commerce de détail généraliste, dans la mesure où leur positionnement diffère significativement des points de vente alimentaires traditionnels. Si le consommateur peut effectivement y trouver certains biens de consommation courante, de la même manière que dans des supermarchés ou des supérettes, la profondeur de gamme offerte n'est en revanche pas comparable à celle du commerce de détail alimentaire traditionnel, de même que l'offre tarifaire. Les associations de consommateurs ayant répondu au test de marché ont d'ailleurs estimé qu'il était nécessaire d'exclure du marché pertinent les épiceries des grands magasins (Lafayette Gourmet, La Grande Epicerie, etc.), étant donné la différence significative de positionnement en termes de prix et de clientèle.
72. Sur le fondement de ces constatations, le magasin Lafayette Gourmet a donc été exclu de l'analyse au stade du rapport, ce qui n'a pas été contesté par la partie notifiante dans ses observations en retour. La partie notifiante conteste en revanche l'exclusion du calcul des parts de marché de La Grand Epicerie. Il convient de noter à cet égard que, bien que le magasin couvre 3 000 m² (un agrandissement à 3 665 m² étant prévu fin 2013), quatre univers s'y côtoient : l'épicerie, les marchés frais, la cave, et les boutiques laboratoires. Seuls les deux premiers d'entre eux pourraient potentiellement proposer une offre comparable à celle du commerce à dominante alimentaire traditionnel. Par ailleurs, la partie notifiante constate que le chiffre d'affaires alimentaire de La Grande Epicerie (d'environ 24 333 euros/m²) est très supérieur à celui de commerces parisiens à dominante alimentaires, et notamment de l'hypermarché Carrefour situé dans le 16ème arrondissement (18 541 euros/m²) dont la performance est déjà très supérieure à la moyenne, ce qui étaye le positionnement prix très élevé de ce type de magasins et, par conséquent, leur faible substituabilité aux autres formats de distribution alimentaire.
73. En toute hypothèse, la question peut rester ouverte dans la mesure où la zone de chalandise qui pourrait être attribuée à La Grande Epicerie, correspondant à la taille de celle d'un supermarché, n'inclut aucun des magasins cibles de l'opération.
c) Le commerce alimentaire en ligne
74. La partie notifiante fait valoir que le commerce en ligne représente une alternative d'approvisionnement, notamment pour les consommateurs parisiens. Elle estime que, du fait de la concurrence que cette offre exerce sur les magasins physiques, elle devrait être prise en compte dans l'analyse concurrentielle de la présente opération.
75. Le commerce électronique de produits alimentaires se partage en deux modèles distincts, celui de la livraison à domicile et celui du "drive" où le consommateur se rend en magasin pour prendre livraison d'une commande passée en ligne. Le modèle du "drive" constitue aujourd'hui l'essentiel de la croissance du secteur. Il existe actuellement deux modèles de drive : le drive en voiture, et le drive piéton. Au mois de décembre 2012, sur les 1 926 drives comptabilisés en France, 47 % d'entre eux sont des drives en voiture, soit 907 points de retrait, le solde étant des drives piétons, soit 1 019 points de retrait (44).
76. Le drive en voiture permet au client de récupérer ses courses sans sortir de sa voiture, le personnel du drive venant les déposer directement dans le coffre de son automobile. La configuration des drives voiture peut revêtir trois formes : des entrepôts isolés, uniquement dédiés à l'activité de drive, des entrepôts adossés à un point de vente, ou des points de vente utilisés pour préparer les commandes "drive" ("picking magasin"). Le drive piéton est mis en place au sein de magasins préexistants et consiste à proposer au client de venir récupérer à l'accueil d'un magasin une commande effectuée sur Internet. Ce format est notamment privilégié par U, Intermarché, Simply Market et Monoprix.
77. Il convient donc de distinguer les deux modes de consommation, dont l'importance auprès des consommateurs parisiens diffère.
i. Le drive
78. Selon une étude économique fournie par la partie notifiante, le drive représente aujourd'hui 2,8 % du marché national des produits de grande consommation et des produits frais en libre-service ("PGC-FLS") de la grande distribution alimentaire en valeur (au mois de novembre 2012) (45). Le nombre de points de retrait (voiture et piéton) est ainsi passé de 671 en septembre 2011 à 1 926 en décembre 2012. Selon les estimations de la dernière étude "Drive 3.0" de Kantar Worldpanel, la part de marché du drive devrait atteindre en France 8 % à horizon fin 2015.
79. A ce jour, CoursesU, E.LeclercDrive, Carrefour, CasinoDrive/Casino Express, Drive Intermarché, AuchanDrive, ChronoDrive, CoraDrive, Leader Price, Simply Market et Monoprix disposent de drives voiture et/ou de drives piéton. En novembre 2012, Leclerc et Auchan étaient les co-leaders du format drive (avec 39 % de part de marché en valeur chacun).
80. La partie notifiante considère que l'implantation de ces points de vente est d'autant plus aisée qu'ils ne disposent pas de surface de vente au sens de la réglementation et ne nécessitent donc pas d'autorisation administrative préalable. Les normes applicables aux magasins traditionnels sur le plan de la sécurité et de l'accessibilité ne sont en outre pas applicables, et, d'après la partie notifiante, "le personnel, moins qualifié que le personnel de vente, est moins onéreux" (46). De plus, l'investissement nécessaire pour l'installation d'un drive avec un entrepôt dédié serait trois à quatre fois inférieur à l'investissement nécessaire pour la création d'un supermarché de taille équivalente. Enfin, selon la partie notifiante, les drives proposeraient aux consommateurs des offres substituables à celles des supermarchés puisque la largeur de la gamme proposée, la structure de l'offre et la quote-part en nombre de références de produits MDD et MPP seraient très comparables.
81. Cependant, les éléments au dossier tendent à relativiser l'intensité de la pression concurrentielle exercée par le drive.
82. En premier lieu, le drive est avant tout un service complémentaire. Ainsi, Cora considère le drive comme un "service supplémentaire offert à [ses] clients", et ajoute que "les avantages du drive pour nos consommateurs sont les aspects pratiques de ce type de canal (rapidité, efficacité) pour un prix identique à celui pratiqué en magasin" (47). Auchan estime que le drive permet un gain de temps pour le consommateur, mais qu'il ne s'agit que d'un "concept commercial qui vient compléter l'hypermarché" (48). ITM considère le drive comme un service permettant un gain de temps pour les consommateurs pressés, et ajoute qu'"il vient compléter le commerce de détail alimentaire, sans s'y substituer, il s'agit à ce jour d'une offre spécifique qui ne peut être assimilée à l'offre traditionnelle". Carrefour estime également que le drive est un service complémentaire, lorsqu'il est implanté dans une zone de chalandise où il est déjà présent : "Dans les zones géographiques dans lesquelles nous sommes présents, l'offre drive complète l'offre et les services de nos magasins. Elle permet donc de fidéliser, de garder nos clients" (49). Leclerc considère de même que "Le drive constitue un complément de l'offre du magasin et un service aux consommateurs qui peut passer commande sur Internet et venir chercher sa commande dans un créneau horaire qu'il a choisi" (50). Enfin, Système U déclare que "le drive est un service du magasin : les consommateurs recherchent un gain de temps" (51).
83. En deuxième lieu, le modèle du drive reste difficilement transposable à Paris compte tenu du faible taux de motorisation des consommateurs - seuls 39,9 % des Parisiens sont motorisés (52) - et des difficultés de circulation. Les données de l'étude intitulée "Le drive, un modèle économique entre e-commerce et commerce physique au fort potentiel de croissance" communiquée par la partie notifiante concernent l'ensemble du territoire national et ne permettent pas d'établir les différentiels d'attractivité du drive selon le territoire où il est implanté. Plus spécifiquement, l'étude ne démontre en rien l'attractivité du modèle du drive pour les Parisiens. En revanche, elle fait ressortir qu'en l'état actuel, les drives ne sont pas implantés dans Paris intra-muros mais situés dans la proche périphérie.
84. Il apparaît, au regard des propos des différents opérateurs, que le drive est peu développé à Paris. Les représentants de Système U, dans leur réponse au test de marché de phase 1, affirment que "le drive correspond pour partie à une attente de certains clients pour économiser du temps considéré comme "contraint". Ce service, qui complète mais ne supplée pas le commerce de détail alimentaire, se développe essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, en zone rurale ou périurbaine et non dans les centres des grandes villes" (53). Les représentants de Diapar soutiennent qu'"à Paris, le drive n'a clairement pas d'intérêt" (54), tandis que les représentants de Dia expliquent que "nous ne pensons pas que ces deux segments [e-commerce et drive] vont se développer considérablement" (55), précisant que "sur Paris, le drive et le e-commerce exercent peu de pression concurrentielle sur le commerce traditionnel" (56).
ii. La livraison à domicile
85. Pour démontrer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle dans les zones parisiennes, la partie notifiante a versé au dossier une étude, intitulée "Poids d'Internet dans les achats alimentaires des parisiens" (57). Selon cette étude, les consommateurs trouveraient dans les "cybermarchés" une offre comparable (en nombre de références) à celles des points de vente physiques sous les enseignes Franprix ou Monoprix, pour un niveau de prix "qui les rend à même de concurrencer les magasins en dur". L'étude en conclut à l'exercice par les sites Internet d'"une pression concurrentielle significative : choix large et [positionnement] tarifaire compétitif" (58).
86. L'offre alimentaire en ligne propose effectivement une largeur et une profondeur de gamme comparable à celle de supermarchés. Le marché alimentaire sur Internet peine cependant à se développer en France. La vente de produits alimentaires en ligne n'a pas connu une progression comparable à celle du commerce en ligne en général, qui a été de l'ordre de 25 % par an au cours des dernières années (59). En 2009, à peine plus de 10 % des cyberacheteurs déclaraient avoir commandé des produits alimentaires en ligne au cours de dix derniers mois (60).
87. Dans son rapport d'information intitulé "E-commerce : l'irrésistible expansion" en date du 18 janvier 2012, le Sénat constate le faible développement de la vente de produits alimentaires en ligne et relève que "tous effets confondus, l'essor du commerce électronique déboucherait plutôt sur un renforcement de la concurrence dont témoigne une certaine pression sur les prix, à l'exclusion cependant de l'alimentaire". Le rapport ajoute que "l'alimentaire demeure handicapé par le coût très élevé de la conservation, du 'picking' et surtout de la livraison, rapporté à celui des marchandises achetées ; ces frais s'imputent forcément sur les prix facturés aux consommateurs, qui demeurent sensiblement plus élevés que dans le commerce physique, si bien que l'e-commerce alimentaire peine à décoller."
88. Le Credoc, qui a réalisé en fin d'année 2009 un état des lieux des ventes alimentaires sur Internet, dresse également un constat mitigé (61) : "Les achats "dématérialisés" (voyages, téléchargement de musique, de jeux ou d'applications pour téléphone portable), particulièrement adaptés au e-commerce, s'imposent logiquement en tête, avec les produits technologiques (...) alors que d'autres produits peinent à acquérir une position forte sur ce canal de vente. Il en va ainsi des denrées alimentaires dont le poids dans les ventes en ligne est plus discret, et la pénétration auprès des internautes plus faible. Après une décennie d'existence, et quelques déconvenues mémorables, les cybermarchés, équivalents "online" des grandes surfaces alimentaires, pèsent en moyenne à peine plus lourd qu'un gros hypermarché de région parisienne, quand certains acteurs de la vente de produits hi-tech en ligne atteignent plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires (...) Les perspectives de croissance du marché alimentaire sur Internet divisent les observateurs. Pour les plus pessimistes, la VPAI (62) devrait se cantonner à un marché de niche pour ne pas dépasser 5 % de l'ensemble des ventes du secteur. La vente sur Internet s'intègrerait au secteur de la vente à distance sans en bouleverser le fonctionnement. Pour les plus optimistes, le potentiel de croissance de ce marché est très important, car la vente en ligne est un service à forte valeur ajoutée pour le client, et celui-ci finira par le découvrir. Néanmoins, le développement de ce marché se fera lentement et se poursuivra sur vingt ou trente ans. (...) Les distributeurs en ligne doivent lever plusieurs obstacles conséquents : faire face à la concurrence de la distribution traditionnelle qui agit comme une barrière à l'entrée dans le secteur ; créer une relation de confiance avec des clients suspicieux à l'égard de l'outil Internet ; solutionner les contraintes spécifiques que pose la commercialisation des produits alimentaires (en termes de logistique et de qualité de l'offre)".
89. En ce qui concerne spécifiquement le marché parisien, la vente alimentaire en ligne pourrait être en théorie favorisée par certaines caractéristiques du marché parisien, en particulier celles liées aux contraintes de déplacement (faiblesse de l'équipement en voiture, difficultés de circulation, rareté des places de parking) qui justifient la préférence des Parisiens pour la proximité. Le commerce en ligne constitue de ce point de vue une alternative crédible aux magasins de proximité.
90. Cependant, le développement de la vente alimentaire en ligne à Paris est limité par d'autres caractéristiques propres aux ménages parisiens, comme la faible taille des ménages et le manque de place de stockage, qui expliquent, conjointement avec les contraintes de déplacement, que les Parisiens achètent fréquemment des paniers d'un faible montant (63). Or, pour les commandes de faible montant, les frais de livraison renchérissent considérablement le prix des achats alimentaires en ligne. De plus, les opérateurs supportent à Paris des coûts de livraison plus élevés qu'ailleurs du fait des difficultés de circulation et subissent la concurrence des services de livraison à domicile de magasins "en dur" proposant un nombre de références équivalent. Le sondage Ipsos relatif à l'"Analyse du comportement d'achat des Parisiens" fait ainsi le constat d'un faible développement de ce type de commerce à Paris : 2 % des Parisiens réaliseraient au moins une fois par semaine une commande sur Internet livrée à domicile, et 1 % utiliseraient le drive (en dehors de Paris).
91. De fait, on constate que le chiffre d'affaires cumulé des principaux opérateurs actifs sur le segment de la vente par Internet avec livraison à domicile (64) reste stable depuis 2007, et s'élève en 2010 à moins de 300 millions d'euros. D'après les estimations de l'étude Kantar communiquée par la partie notifiante, les sites de commerce alimentaire en ligne représenteraient une part de marché de 3,2 % sur le marché généraliste (65) (2,1 % pour la livraison à domicile et 1,1 % pour le drive). L'instruction a permis de confirmer que les ventes en ligne en France d'opérateurs actifs dans ce secteur représentent une très faible portion de leur chiffre d'affaires alimentaire total sur les trois derniers exercices, inférieure à 2 % pour la plupart des groupes de distribution alimentaire, seuls les groupes Casino et Monoprix faisant état de chiffres plus élevés, quoique inférieurs à [0-5] %.
92. A cet égard, il convient de relever que, même si la pratique décisionnelle nationale et européenne ne se prononce pas sur le sujet, les autorités de concurrence britanniques ont exclu les ventes sur Internet de l'analyse concurrentielle d'opérations dans le secteur du commerce à dominante alimentaire, compte tenu notamment des chiffres d'affaires très faibles (de l'ordre de 1-2 %) que représentent les ventes alimentaires en ligne (66).
93. La question peut cependant rester ouverte en l'espèce, dans la mesure où, compte tenu de la faiblesse des chiffres d'affaires réalisés en ligne par les groupes de grande distribution alimentaire au niveau national, leur prise en compte n'est pas susceptible de modifier les parts de marché des parties.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
94. La pratique décisionnelle a défini des marchés géographiques distincts selon que les zones concernées sont situées à Paris (b) ou en province (a). Par ailleurs, les éléments au dossier ont également mis en exergue la spécificité des zones situées en proche banlieue parisienne (c)
a) Marchés de la distribution à dominante alimentaire situés en dehors de Paris
95. Les autorités de concurrence ont examiné les effets de concentrations dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire au niveau local, correspondant à la zone de chalandise associée à chaque magasin et dont l'étendue est fonction du temps de transport.
96. L'Autorité de la concurrence a souligné à de nombreuses reprises que les conditions de la concurrence s'apprécient sur deux zones différentes :
- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux, et
- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs (67).
97. L'Autorité considère donc que l'analyse concurrentielle ne porte que sur le second marché lorsque le magasin cible est un supermarché, le premier marché n'étant pris en compte que lorsque le magasin cible est un hypermarché.
98. Par ailleurs, la pratique décisionnelle a précisé que "la catégorie du petit commerce de détail dont les points de vente ont une superficie inférieure à 400 m² (...) se caractérise par une clientèle composée majoritairement de personnes habitant à moins de 500 mètres du point de vente, se rendant à pied sur le lieu de ventes et réalisant des achats de faible montant" (68).
99. L'Autorité rappelle toutefois de façon constante que ces délimitations sont susceptibles d'évoluer au cas par cas, en fonction des caractéristiques de la zone locale, puisque d'autres critères peuvent être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.
100. En province, l'analyse portera donc sur des zones définies conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité.
101. La majorité des opérateurs ayant répondu au test de marché ont par ailleurs considéré que ces définitions étaient adéquates, à l'exception toutefois des points de vente situés dans les grandes villes de province. En effet, selon ces répondants, la densité de population et les conditions de circulation à l'intérieur des grandes villes de province justifient de retenir une zone de chalandise réduite dans ces grandes villes.
102. L'instruction a donc porté dans les dix villes les plus peuplées de France (69) sur des zones de chalandises définies selon la pratique décisionnelle applicable au reste du territoire, mais également sur des zones plus réduites correspondant à un temps de trajet de 10 minutes en voiture autour des magasins cibles, lorsque ceux-ci sont des supermarchés, et des zones correspondant à un temps de trajet de 20 minutes en voiture autour des magasins cibles lorsqu'il s'agit d'hypermarchés. Le rétrécissement n'a pas modifié les conclusions de l'analyse concurrentielle et il n'est donc pas nécessaire de trancher définitivement la question de la délimitation exacte des marchés pertinents dans les grandes villes de province, celle-ci étant sans conséquence sur l'analyse concurrentielle.
b) Marchés de la distribution à dominante alimentaire à Paris
103. Concernant le marché parisien, la pratique décisionnelle a adopté une approche spécifique. Dans son avis du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par Casino de Franprix-Leader Price, le Conseil de la concurrence a relevé (70) "qu'une partie substantielle de la clientèle des commerces de proximité est constituée par des personnes se rendant à pied dans le lieu de vente, faisant des achats courants et de faibles montants ; qu'ainsi ces commerces répondent à un besoin de proximité et que leur aire de chalandise est principalement constituée par les achats susceptibles d'être effectués par les ménages situés dans un rayon d'environ 500 m autour du magasin". Le Conseil a également considéré "que lorsqu'un hypermarché est situé à moins de 500 m de leur lieu d'habitation, les ménages peuvent utiliser ce type de commerce comme un commerce de proximité ; qu'ainsi, selon les parties à la concentration, une telle utilisation des hypermarchés de la périphérie parisienne serait attestée par le fait que l'achat moyen dans ces hypermarchés serait d'un montant sensiblement inférieur à celui des hypermarchés situés dans des zones de faible densité d'habitation". Le Conseil a ainsi considéré que l'ensemble des commerces de détail alimentaires était en concurrence dans une zone de chalandise restreinte autour du point de vente.
104. Par ailleurs, conformément à la pratique décisionnelle antérieure des autorités de concurrence, l'Autorité a récemment considéré que, sur le marché parisien, "la zone de chalandise peut donc être délimitée autour d'un rayon compris entre 300 et 500 mètres" (71).
105. Au regard de cette pratique décisionnelle, la partie notifiante a délimité des zones de chalandise comprenant :
- les supérettes, supermarchés, hypermarchés, magasins de hard discount et magasins populaires présents dans un rayon de 300 mètres autour d'un point de vente cible lorsque celui-ci dispose d'une surface inférieure à 400 m² ;
- les supérettes, supermarchés, hypermarchés, magasins de hard discount et magasins populaires présents dans un rayon de 500 mètres autour d'un point de vente cible lorsque celui-ci dispose d'une surface supérieure à 400 m².
106. La pertinence de cette analyse a été confirmée par les éléments recueillis auprès des différents opérateurs du marché, la grande majorité des groupes de grande distribution considérant que les zones de chalandise sont réduites à l'intérieur de Paris et correspondent à un rayon de 300 à 500 mètres autour des magasins cibles.
107. Contrairement au reste du territoire national, la zone de chalandise a été évaluée en prenant en compte des distances correspondant à des trajets à pied, et non des temps de parcours en voiture. Ce choix repose sur le constat que les consommateurs parisiens effectuent principalement leurs courses à pied, compte tenu notamment du faible taux d'équipement automobile dans la capitale par rapport au reste du territoire national. Ainsi, selon les données INSEE de 2009 (72), 83,8 % des habitants de province disposent d'au moins une voiture, contre 39,9 % des Parisiens. Aucun des autres départements métropolitains ne présente par ailleurs un pourcentage de taux de motorisation inférieur à 67 %. Selon l'enquête "Enquête globale transports du STIF" (Syndicat des transports d'Ile-de France), le taux d'utilisation des voitures par les Parisiens est par ailleurs en diminution : 500 000 déplacements en voiture étaient effectués dans Paris en 2010, en diminution significative de 35 % par rapport à 2001.
108. Enfin, du fait de la densité urbaine, les zones de chalandise délimitées correspondent à des cercles de 300 à 500 mètres de rayon, et non aux zones réellement accessibles en marchant 300 ou 500 mètres suivant le tracé des rues.
109. L'analyse portera donc, à Paris, sur des zones correspondant à un rayon de 300 mètres autour d'un point de vente cible lorsque celui-ci dispose d'une surface inférieure à 400 m² et de 500 mètres lorsque celui-ci dispose d'une surface supérieure à 400 m².
c) Marchés de la distribution à dominante alimentaire en proche banlieue parisienne
110. La grande majorité des réponses des concurrents au test de marché signale qu'il convient d'examiner des zones de chalandise réduites en petite couronne parisienne par rapport à celles adoptées en province. Les avis diffèrent quant à la délimitation exacte à prendre en compte, mais la zone adéquate devrait selon les répondants être comprise entre 5 et 15 minutes de déplacement en voiture.
111. La partie notifiante a fourni une estimation de la zone de chalandise d'un échantillon représentatif de points de vente Monoprix, présentant entre eux des différences en termes d'éloignement par rapport à Paris et de densité commerciale locale. Dans ce but, elle a communiqué à la fois des cartes de zones de chalandise élaborées par l'institut Nielsen, et des cartes localisant 80 % des porteurs de cartes de fidélité du magasin. Il en ressort que les zones de chalandise des magasins correspondent à un trajet évalué entre 9 et 15 minutes en voiture autour des magasins concernés. Les parties ont proposé de présenter leurs parts de marché sur une zone correspondant à 10 minutes en voiture autour des magasins concernés, hypothèse conservatrice au regard des éléments au dossier.
112. L'analyse en petite couronne a donc porté sur des zones correspondant à un trajet en voiture de 10 minutes autour des magasins cibles. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher définitivement la question de la délimitation exacte des marchés pertinents en proche banlieue parisienne, celle-ci étant sans conséquence sur l'analyse concurrentielle.
III. Analyse concurrentielle
113. Il convient à titre préalable d'examiner l'impact de l'opération sur la situation concurrentielle des marchés concernés compte tenu du contrôle conjoint de Monoprix par Casino avant la concentration (A). L'analyse concurrentielle portera ensuite sur les marchés amont de l'approvisionnement en produits de grande consommation (B) et les marchés aval du commerce de détail à dominante alimentaire (C) sur lesquels Casino et Monoprix sont simultanément présents.
A. SUR LE CONTRÔLE CONJOINT DE MONOPRIX PAR CASINO AVANT L'OPÉRATION
114. La partie notifiante fait valoir qu'en règle générale le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n'a qu'un effet limité sur la concurrence et qu'au cas présent le bilan concurrentiel de la concentration serait neutre (2). Elle soutient également que l'opération aurait déjà été autorisée par la décision du ministre du 2 octobre 2000 et par une lettre ultérieure des services du ministre en date du 3 mai 2006 (1).
1. SUR LES PRÉCÉDENTES DÉCISIONS DU MINISTRE
115. A titre liminaire, il convient de rappeler que les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précisent que "si aucune disposition ne limite dans le temps la validité des autorisations accordées par l'Autorité, les opérations doivent néanmoins être réalisées dans un délai raisonnable et en toute hypothèse à circonstances de droit et de fait inchangées. Si un projet est autorisé, mais qu'il subit des modifications significatives avant sa réalisation, la décision d'autorisation n'est plus valable" (73). Les lignes directrices adoptées par le ministre antérieurement à l'adoption de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 transférant le contrôle des concentrations à l'Autorité comportaient des dispositions similaires (74).
116. Par décision du 2 octobre 2000, le ministre a autorisé l'opération par laquelle Casino a pris le contrôle conjoint de Monoprix aux côté de Galeries Lafayette, les parties se réservant également la possibilité d'exercer une option par laquelle Casino pourrait acquérir la participation de Galeries Lafayette. Sur ce point, le ministre a ainsi relevé que "Pendant une période de trois ans, les deux partenaires agiront de concert et fonctionneront de manière paritaire ; Casino pourra exercer une option d'achat de la participation des Galeries Lafayette et devenir ainsi l'unique actionnaire de Monoprix. Au-delà du 7 juillet 2003, si la promesse d'achat n'est pas exercée, le contrôle conjoint de Monoprix par Casino et Galeries Lafayette sera pérennisé".
117. La portée de la décision du ministre est donc limitée aux seuls accords qui lui étaient notifiés, et ne saurait couvrir une opération réalisée en application d'accords convenus ultérieurement entre les parties. Or, les accords notifiés au ministre étaient limités dans le temps, la possibilité pour Casino d'exercer son option d'achat expirant le 7 juillet 2003.
118. La partie notifiante se prévaut également d'une lettre des services du ministre du 3 mai 2006 considérant que l'acquisition du contrôle exclusif de 9 magasins Monoprix par Casino, étant effectuée "conformément à une promesse d'achat que Monoprix avait consentie le 2 mai 2000 dans le cadre des accords qui ont permis au groupe Casino d'acquérir le contrôle conjoint de Monoprix", ne requérait pas l'adoption d'une nouvelle décision d'autorisation, notant toutefois que "cette conclusion est sans préjudice de l'analyse qui pourrait être menée dans l'hypothèse où des éléments nouveaux de droit ou de fait interviendraient".
119. Cette lettre ne saurait cependant créer de droits que dans les limites de la demande adressée par Casino aux services du ministre, portant sur les neuf magasins en cause. Elle ne peut valoir autorisation de la présente opération.
120. En tout état de cause, compte tenu tant de la période de treize ans écoulée depuis la décision du ministre que des changements apportés aux accords passés en Casino et Galeries Lafayette et des évolutions du périmètre d'activité des parties, la partie notifiante ne saurait se prévaloir de circonstances de fait et de droit inchangés depuis les décisions dont elle se prévaut. En conséquence, l'opération notifiée ne peut être considérée comme ayant été autorisée par les décisions du ministre du 2 octobre 2000 ou du 3 mai 2006.
2. SUR LES EFFETS DU PASSAGE DU CONTRÔLE CONJOINT DE MONOPRIX À SON CONTRÔLE EXCLUSIF PAR CASINO
121. La partie notifiante fait valoir que, sauf circonstances particulières, le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle unique ne poserait pas de problème de concurrence, dans la mesure où les parts de marché de l'entreprise commune sont déjà intégrées à celle de la maison-mère qui en prend ensuite le contrôle exclusif. Elle soutient en particulier que les rares cas dans lesquels le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n'est pas neutre en termes concurrentiels se limiteraient à ceux dans lesquels l'actionnaire qui acquiert le contrôle exclusif cherche par cette opération à s'affranchir du droit de veto ou du contrepoids de l'autre actionnaire afin de modifier le positionnement concurrentiel de l'entreprise, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.
122. De fait, dans plusieurs affaires précédentes, les autorités de concurrence tant nationale que communautaire ont relevé que le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n'est généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l'exercice de la concurrence. Il n'en demeure pas moins que, comme cela est souligné dans la communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne, dans le cas de la sortie d'un ou de plusieurs actionnaires contrôlants qui entraîne le passage d'un contrôle en commun à un contrôle exclusif, "l'influence déterminante exercée seule est substantiellement différente de l'influence déterminante exercée à plusieurs étant donné que, dans ce dernier cas, les actionnaires qui exercent le contrôle en commun doivent prendre en considération les intérêts potentiellement différents de l'autre ou des autres parties concernées" (75). De fait, dans des affaires plus complexes concernant en particulier des parties en situation de concurrence avant la concentration, le fait que l'acquéreur exerce déjà un contrôle conjoint n'a pas empêché les autorités de concurrence d'analyser soigneusement les effets de l'opération sur la concurrence (76).
123. Dans le cas présent, l'opération notifiée consiste dans la sortie de l'un des deux co-actionnaires contrôlant Monoprix, l'actionnaire sortant n'étant pas un opérateur de la grande distribution alimentaire, au contraire de l'actionnaire restant et acquérant le contrôle exclusif. Une telle situation ne peut, en toute hypothèse, avoir un effet neutre sur la concurrence car elle est de nature à modifier les incitations de l'actionnaire restant. En effet, avant l'opération, le groupe Casino ne pouvait déterminer seul la stratégie commerciale et tarifaire du groupe Monoprix alors que celle-ci était susceptible d'avoir un impact sur ses résultats, non seulement à travers la détention de la moitié du capital du groupe Monoprix mais aussi à travers l'interaction concurrentielle avec ses propres magasins. Par exemple, une augmentation des résultats du groupe Monoprix, consécutive à des efforts à la baisse sur les coûts et à des gains de compétitivité, aurait été partagée entre ses maisons mères, tout en entraînant une baisse des résultats des magasins du groupe Casino, que ce dernier était seul à supporter. A l'inverse, lorsque les prix du groupe Casino augmentaient comparativement à ceux de Monoprix, Casino ne récupérait qu'une moitié des profits liés à une hausse de la demande adressée à Monoprix alors qu'après l'opération, il en récupèrera la totalité.
124. Les effets concrets de l'opération sur le positionnement tarifaire des magasins de la nouvelle entité après l'opération dépendent de leurs taux de marge, du comportement de la demande et de leurs niveaux de prix respectifs avant l'opération. Ils seront examinés ci-dessous dans le cadre de l'analyse concurrentielle.
125. A ce stade, pour répondre aux arguments de la partie notifiante sur la neutralité de l'opération, il est pertinent de relever que l'organisation et le gouvernement d'entreprise du groupe Monoprix non seulement ne permettaient pas au groupe Casino d'en déterminer seul la stratégie commerciale et tarifaire avant l'opération mais de fait, laissait au groupe Monoprix une certaine autonomie dans ce domaine (a). Il ressort également du dossier que les deux groupes n'avaient pas un positionnement concurrentiel concerté sur le marché de la distribution alimentaire mais se positionnaient comme deux groupes concurrents (b).
a) L'organisation et le gouvernement d'entreprise de Monoprix
126. Ont été examinés la nature de l'influence exercée par Casino sur le comportement concurrentiel de Monoprix avant l'opération par le biais de sa participation aux instances paritaires de gouvernance de Monoprix (i) et son rôle dans l'encadrement de Monoprix (ii). Il a ensuite été déterminé dans quelle mesure Casino était susceptible d'influencer l'adoption des décisions relatives aux déterminants du jeu concurrentiel par Monoprix avant la concentration (iii).
i. Sur la participation de Casino aux instances paritaires de gouvernance de Monoprix
127. La partie notifiante fait valoir que l'unanimité dans les décisions prises au sein du conseil d'administration démontre que la gestion de Monoprix n'aurait jamais été un sujet de divergence entre les coactionnaires et que les décisions stratégiques de Monoprix étaient adoptées d'un commun accord avec Galeries Lafayette.
128. Le protocole initial conclu entre Casino et Galeries Lafayette le 2 mai 2000 énumère les pouvoirs conférés au conseil d'administration de Monoprix [confidentiel] (77).
129. [Confidentiel].
130. [Confidentiel].
131. Au vu de ces éléments, les décisions soumises à l'accord de Casino sont bien de nature à lui conférer le contrôle conjoint de Monoprix. Elles ne sont en revanche pas de nature à lui donner la possibilité d'influer activement et de manière significative sur la gestion opérationnelle quotidienne de Monoprix, et de priver ainsi cette dernière de son autonomie commerciale vis-à-vis de Casino.
132. La lecture des comptes rendus du conseil d'administration de Monoprix confirme que, [confidentiel].
133. [Confidentiel].
ii. Sur l'encadrement de Monoprix par les procédures de contrôle du groupe Casino
134. La partie notifiante fait valoir que Monoprix serait déjà intégré aux procédures de décision et de contrôle de Casino, au même titre que l'ensemble des business units du groupe. Elle souligne ainsi que Casino joue un rôle essentiel dans la définition du budget et du plan à moyen terme (ci-après, "budget-PMT") de Monoprix dont elle contrôle ensuite la bonne exécution. Elle se prévaut enfin de la consolidation comptable de Monoprix au sein des comptes de Casino.
135. En premier lieu, le budget-PMT de Monoprix est un document qui définit des objectifs [confidentiel].
136. Il convient toutefois de relever que le groupe Casino ne dispose, par le biais des lettres de cadrage et des réunions intermédiaires avec les dirigeants de Monoprix, d'aucune prérogative spécifique sur Monoprix. Au contraire, la partie notifiante a confirmé que Galeries Lafayette disposait exactement des mêmes prérogatives (78).
137. Pour le reste, la partie notifiante se prévaut de documents étayant l'existence de procédures de reporting, d'échanges et de suggestions émises par Casino dans ses relations avec Monoprix. Ces éléments, qui étayent l'existence du contrôle conjoint de Casino, n'établissent en revanche nullement que Casino déterminait la gestion opérationnelle et commerciale de Monoprix.
138. [Confidentiel].
139. De la même manière, les documents versés par la partie notifiante pour étayer le contenu de discussions entre Casino et Monoprix lors de la phase d'élaboration du budget-PMT, comportent des suggestions faites par Casino à Monoprix, ce dernier adoptant seul son budget-PMT et décidant in fine de sa substance.
140. En second lieu, les documents produits par la partie notifiante pour étayer le contenu des réunions et le suivi de la mise en œuvre des budgets-PMT entre les présidents de Casino et de Monoprix montrent que [confidentiel]. Ils ne font cependant aucunement état de décisions adoptées par Casino relevant de la gestion opérationnelle de Monoprix. Il en va de même des procédures de reporting du groupe Casino, qui n'étayent pas l'exercice par Casino d'un pouvoir de décision de la gestion opérationnelle et commerciale de Monoprix, en dehors d'un suivi normal de la part d'un actionnaire paritaire actif dans le même secteur d'activité.
141. En troisième lieu, l'intégration de Monoprix dans les comptes consolidés du groupe Casino depuis 2000 ne constitue pas, en soi, un indice de l'absence d'autonomie de Monoprix.
142. Au total, le budget-PMT est un document stratégique qui est élaboré par Monoprix après consultation de ses deux coactionnaires puis adopté formellement par Monoprix, et finalement exécuté par Monoprix qui rend compte de son exécution à Casino et Galeries Lafayette. Monoprix conserve donc le rôle principal dans la définition de ses propres objectifs commerciaux. De plus, les documents internes de Monoprix montrent que [confidentiel].
iii. Sur l'adoption des décisions relatives aux déterminants de la concurrence
143. Les décisions relatives aux facteurs déterminants de la concurrence entre distributeurs relèvent, au sein de Monoprix, du Comité exécutif (le "Comex"). [Confidentiel]. Casino n'y est pas représenté.
144. Au contraire de ce que soutient la partie notifiante, qui ne voit dans le Comex qu'un simple organe d'exécution d'une stratégie définie par Casino, il ressort des documents internes de Monoprix que, jusqu'à présent, le Comex prenait l'essentiel des décisions concernant la politique tarifaire, les promotions, les MDD différenciant l'enseigne, les ouvertures de nouveaux magasins et le lancement de nouveaux formats de magasins.
La politique tarifaire
145. [Confidentiel].
146. Il ressort également des documents internes de Monoprix que le Comex a appliqué sa politique tarifaire en toute autonomie, en décidant notamment des évolutions du positionnement tarifaire des différents produits vendus pas Monoprix (79).
147. L'autonomie tarifaire de Monoprix ressort en outre d'échanges récents entre le président de Casino et le président de Monoprix d'où il apparaît que ce dernier refuse expressément de donner suite à une demande de Casino de voir modifier le positionnement tarifaire de Monoprix. Ainsi, le 17 avril 2012, Casino a demandé au Président de Monoprix de "prendre les dispositions nécessaires" pour que cesse "l'augmentation excessive des prix des produits alimentaires Monoprix" (80). En réponse, par lettre du 23 avril 2012, le Président de Monoprix a rappelé que : "en juillet 2011 (...) vous avez demandé avec insistance, tant au directeur général de Monoprix qu'à moi-même, d'augmenter les prix, pour les aligner avec ceux de Casino et de Franprix. Nous n'avons jamais accepté cet objectif, mais avons retenu votre analyse sur le retard de nos prix par rapport au marché" (81). Il a ensuite renouvelé son opposition à la demande de Casino en estimant que "le positionnement tarifaire de Monoprix est donc tout à fait positif pour cette enseigne, qui offre des prix inférieurs à ceux d'enseignes moins haut de gamme, comme Casino et Franprix" (82). Le Président de Monoprix a enfin reproché à Casino de diffuser "un faux message sur [la] politique prix [de Monoprix]" et, par conséquent, de "fausse[r] (...) la concurrence avec les enseignes de centre-ville et, en particulier, avec Casino et Franprix" (83).
148. La partie notifiante conteste la pertinence de ces échanges et fait valoir que l'existence d'un contentieux entre les coactionnaires sur la valorisation des parts des Galeries Lafayette dans Monoprix en expliquerait la teneur. Ces échanges confirment cependant que Monoprix disposait d'une autonomie commerciale suffisante pour refuser de suivre les directives tarifaires du groupe Casino. En tout état de cause, si, comme l'en accuse Casino, Monoprix avait adopté une politique de hausse de prix dans le but de permettre une surévaluation de la valeur de vente des parts du groupe Galeries Lafayette, la mise en œuvre d'une telle stratégie démontrerait que Casino ne pouvait seul déterminer la politique tarifaire de Monoprix et que ce dernier prenait en compte, dans la détermination de sa politique tarifaire, les intérêts du coactionnaire, groupe Galeries Lafayette.
149. Enfin, la partie notifiante soutient que si Monoprix jouissait avant l'opération d'une certaine autonomie opérationnelle, ce constat n'invaliderait pas le fait que Casino en détermine la politique commerciale puisque toutes ses filiales détenues à 100 % seraient gérées de la même manière. Casino relève ainsi que toutes les enseignes du groupe jouissent d'une autonomie opérationnelle comparable. [Confidentiel].
150. Cependant, contrairement à ce que soutient la partie notifiante, la situation de Monoprix avant l'opération diffère de celle des autres business units du groupe Casino. En effet, alors que Casino peut décider seul d'intervenir dans la gestion de ses filiales, il devait, concernant Monoprix, s'accommoder du contrepoids exercé par Galeries Lafayette. La concentration modifiera cette situation et permettra à Casino de définir le degré d'autonomie qu'il souhaite conférer à Monoprix, sans devoir composer avec les Galeries Lafayette. De plus, les membres des organes en charge de la gestion opérationnelle de Monoprix seront désormais des employés à part entière de Casino. En outre, le choix opérationnel actuel du groupe Casino, en application duquel il confère un degré élevé d'autonomie à ses filiales sera parfaitement réversible, y compris en ce qui concerne Monoprix.
La politique promotionnelle
151. Comme en matière tarifaire, la gestion opérationnelle de la politique promotionnelle relève du Comex. [Confidentiel].
152. [Confidentiel].
153. [Confidentiel].
L'approvisionnement et la politique de MDD
154. Monoprix et Casino sont liés par un contrat de partenariat en date du 23 décembre 1996, qui prévoit que Monoprix utilise EMC pour le référencement d'une série de produits de grande consommation représentant une large partie de son assortiment ([>50] % des achats de Monoprix ; [>2/3] des achats de produits de grande consommation). Ce contrat n'interdit cependant pas à Monoprix de traiter directement avec des fournisseurs non référencés par EMC Distribution. Cette dernière n'étant pas une centrale d'achat, Monoprix dispose de ses propres équipes d'achats qui traitent, pour ce qui concerne les fournisseurs référencés par EMC Distribution, aux conditions négociées par cette dernière.
155. La partie notifiante fait valoir que Casino contrôlerait par ce biais l'approvisionnement de Monoprix, ce qui lui confèrerait la maîtrise d'un paramètre clé de son positionnement concurrentiel. La partie notifiante affirme enfin que cette relation d'approvisionnements créerait un lien de dépendance préalable à l'opération de nature à exclure tout risque concurrentiel du fait de la concentration.
156. L'importance des approvisionnements de Monoprix réalisés aux conditions négociées par EMC Distribution ne peut toutefois être assimilée au contrôle, par Casino, de l'approvisionnement de Monoprix, qui prend de manière autonome ses décisions d'achat et reste donc présent, en tant qu'acheteur, sur le marché de l'approvisionnement. En outre, si cette massification des achats de Monoprix via EMC Distribution lui permet d'obtenir des prix d'achat compétitifs, identiques à ceux des magasins du groupe Casino, elle ne peut être appréciée isolément du constat de l'autonomie dont jouit Monoprix pour déterminer sa propre politique commerciale en aval, et notamment pour déterminer ses marges et ses prix de détail.
157. La partie notifiante considère en outre que le fait qu'une minorité des produits sous MDD et sous marques nationales vendus par Monoprix soit achetée indépendamment de Casino ne saurait avoir aucune influence sur l'analyse de l'opération dans la mesure où ces produits sont ceux pour lesquels une mutualisation des référencements n'était pas et ne sera pas possible après l'opération.
158. En l'espèce, les [...] des achats de Monoprix en MDD pour des produits de grande consommation sont massifiés via EMC. Ceci entraîne une coopération significative entre les équipes de Casino et Monoprix sur ces produits. [Confidentiel].
159. Toutefois, [...] des ventes de MDD par Monoprix concerne des produits pour lesquels Monoprix procède indépendamment d'EMC. [Confidentiel].
160. [Confidentiel].
161. Il s'ensuit que l'utilisation par Monoprix d'EMC Distribution n'est pas de nature à caractériser l'absence d'autonomie dont se prévaut la partie notifiante.
La politique d'investissement
162. Les documents internes de Monoprix montrent que le Comex décide de l'ouverture de magasins et des investissements.
163. La partie notifiante fait valoir que Casino encadre la politique d'investissement, [confidentiel].
164. Les objectifs fixés dans les budgets-PMT restent cependant définis avec un degré élevé de généralité [confidentiel]. Les décisions opérationnelles d'ouvertures, d'extensions et de rénovations de magasins sont donc prises par Monoprix de manière autonome. [Confidentiel].
165. Par ailleurs, force est de constater que la politique d'investissement de Monoprix est davantage encadrée par Galeries Lafayette que par Casino préalablement à l'opération. [Confidentiel]. Il s'ensuit que le retrait de Galeries Lafayette lèvera une contrainte significative dans la mise en œuvre des décisions d'investissement de Monoprix, et permettra à Casino de déterminer sa politique d'investissement.
Le lancement de nouveaux formats de magasins
166. La partie notifiante confirme que le lancement de nouveaux formats de magasins est bien décidé par le Comex. En la matière, le Comex est impliqué en amont dans les travaux préliminaires de définition de tels lancements et prend la décision définitive (84).
167. Il ressort de ces éléments que les instances dirigeantes de Monoprix adoptent les décisions relatives aux principaux déterminants de la concurrence entre distributeurs dans une large mesure indépendamment de Casino. En acquérant la participation de Galeries Lafayette dans Monoprix, Casino aura donc les moyens d'intervenir de manière effective dans la gestion de Monoprix et d'éliminer la concurrence exercée auparavant par Monoprix sur ses autres enseignes compte tenu de son indépendance tarifaire et commerciale. En effet, l'instruction a largement confirmé que, malgré le contrôle conjoint de Casino sur Monoprix, ces deux groupes se concurrencent de manière effective sur les marchés aval.
b) L'interaction concurrentielle entre Casino et Monoprix
168. L'autonomie commerciale et tarifaire dont bénéficie le groupe Monoprix vis-à-vis du groupe Casino avant l'opération se traduit par des prises de position concurrentielles qui ne prennent pas en compte l'effet de ces décisions sur l'autre groupe. Les documents internes de Monoprix ou de Casino remis par la partie notifiante ne montrent en effet pas de stratégie globale pour les enseignes Casino et Monoprix prises ensemble ni de stratégie de maximisation du profit joint des deux groupes.
169. Selon la partie notifiante, l'interaction concurrentielle entre Casino et Monoprix serait très limitée du fait du positionnement spécifique de Monoprix sur le marché aval et de l'influence qu'exercerait déjà Casino sur sa gestion. Les rapports concurrentiels entre Monoprix et les enseignes du groupe Casino se limiteraient donc à une forme d'émulation interne, Monoprix pouvant se comparer aux enseignes du groupe grâce à l'existence d'échanges d'information lui conférant des données relatives à la gestion opérationnelle et aux performances financières des autres business units.
170. Il ressort toutefois des documents internes de Monoprix que ses instances dirigeantes ne se contentent pas d'une simple comparaison mais entretiennent un rapport concurrentiel frontal avec les enseignes d'autres groupes de distribution alimentaire, et notamment avec celles du groupe Casino. Les comptes rendus des réunions du Comex de Monoprix comportent de nombreux exemples attestant la mise en œuvre d'une politique commerciale concurrentielle frontale vis-à-vis des enseignes de grande distribution alimentaire présentes dans les zones de chalandise des magasins Monoprix, au premier plan desquelles se trouvent non seulement Franprix, [confidentiel].
171. Les rapports concurrentiels ainsi constatés concernent l'intégralité des déterminants de la compétitivité des enseignes de grande distribution alimentaire, à savoir l'impact de campagnes marketing et tarifaires (85), les ouvertures de points de vente (86), la qualité de service (87) et la fidélisation des clients (88). [Confidentiel].
172. [Confidentiel].
173. Enfin, le test de marché a nettement confirmé que malgré le contrôle conjoint de Monoprix par Casino, ces deux entreprises sont actuellement largement perçues comme concurrentes sur les marchés en cause.
174. Ce constat est cohérent avec la structure de l'actionnariat de Monoprix. En effet, Galeries Lafayette n'ayant pas d'autres activités de grande distribution alimentaire est incité à positionner Monoprix en concurrence directe avec Casino afin de maximiser les profits retirés de sa participation dans Monoprix, puisque cette concurrence n'a aucun effet négatif sur ses propres activités. La présence de Galeries Lafayette comme actionnaire intéressé à la performance de Monoprix fournit donc un contrepoids à la réduction de la concurrence entre Casino et Monoprix qui aurait autrement pu résulter du contrôle conjoint de Casino. Ce contrepoids disparaîtra avec l'opération, levant ainsi toutes les limites au contrôle effectif, par Casino, de la politique tarifaire et commerciale de Monoprix. L'opération, en privant Monoprix de l'autonomie commerciale dont elle jouissait antérieurement vis-à-vis de Casino, entraînera donc une modification réelle dans la structure de la concurrence des marchés concernés.
B. ANALYSE DES EFFETS DE L'OPÉRATION SUR LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION
175. La partie notifiante a estimé ses parts de marché à l'achat sur le marché amont en rapportant, pour chaque famille de produits, son chiffre d'affaires au chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de la grande distribution alimentaire (89), au niveau national. Sur la base de cette estimation, le poids du nouvel ensemble sera de l'ordre de 11 à 13 % en matière de produits de grande consommation (épicerie sèche, liquides, etc.), de 8 à 13 % en produits frais (fruits et légumes, boucherie, poissonnerie, etc.), de 4 à 11 % en produits dits de "bazar" (automobile, bricolage, maison, etc.), de 2 % en textile et de 4 à 8 % en produits d'électroménager et d'informatique.
176. La nouvelle entité restera donc confrontée, sur le marché de l'approvisionnement, à la concurrence d'opérateurs majeurs. La pratique décisionnelle de la Commission européenne relève à cet égard que "les volumes d'achat des détaillants étant liés à leurs parts de marché, leur position en aval joue un rôle déterminant dans leur position par rapport aux producteurs. Corollairement, la puissance d'achat est un critère de référence dans la négociation des conditions d'achat qui sont accordées aux distributeurs par leurs fournisseurs. Ces conditions d'achat constituent elles-mêmes un facteur de détermination des prix de revente au consommateur et exercent par conséquent une influence notable dans le jeu de la concurrence entre les distributeurs" (90). Casino relève ainsi que les groupes Carrefour, Leclerc et ITM, avec des parts de marché aval au plan national respectivement de 20,6 %, 18,6 % et 13,9 %, se placent devant le groupe Casino.
177. Par ailleurs, Monoprix est affilié, depuis fin 1996, à la centrale de référencement de Casino. EMC Distribution négocie en effet depuis cette date, pour le compte de Monoprix et Casino, les conditions d'achat de la majorité des produits de grande consommation alimentaire et assimilés, tant pour les marques nationales que pour les MDD communes à Monoprix et au groupe Casino. Monoprix s'est ainsi approvisionné en 2011 dans le cadre des accords négociés par EMC pour [>2/3] de ses achats de produits de grande consommation et [>50] % de ses achats totaux. La part de ses approvisionnements non-référencés par EMC Distribution, quoique portant sur une partie stratégique de ses assortiments, représente donc une portion minoritaire des achats de Monoprix.
178. L'opération entraînera en conséquence un renforcement limité de la puissance d'achat de Casino. Elle intervient cependant sur des marchés ou l'offre est beaucoup moins concentrée que la demande et peut donc avoir pour effet de placer certains de ses fournisseurs en situation de dépendance économique. Ce risque s'apprécie au regard de la part que représente un débouché dans l'ensemble des ventes du fournisseur. Les autorités de concurrence considèrent qu'il existe un "seuil de menace" au-delà duquel la survie du fabricant peut être en cause, la disparition de ce débouché poussant, à plus ou moins brève échéance, le fournisseur dans une situation financière difficile, voire vers une faillite. Le niveau de ce seuil n'est pas fixe et dépend d'un grand nombre de paramètres spécifiques selon les secteurs concernés, la structure et la situation financière des entreprises, l'existence et le coût d'éventuelles solutions alternatives (91). Ce seuil a été fixé à 22 % à l'occasion de l'examen d'opérations dans le secteur de la grande distribution alimentaire (92).
179. Au cas d'espèce, une très grande majorité des fournisseurs ayant répondu au test de marché estime pertinent de fixer ce taux à 22 %, conformément à ce que les autorités de la concurrence ont pu constater par le passé. Parmi les 38 répondants au test de marché, cinq fournisseurs de Monoprix déclarent que la part des achats du nouvel ensemble dans leur chiffre d'affaires total est suffisamment importante pour qu'un déréférencement soit de nature à menacer l'existence même de leur entreprise. Parmi ceux-ci, seuls deux fournisseurs font valoir que l'opération aura des effets néfastes sur leur situation, par exemple en leur faisant perdre des volumes de vente ou en les conduisant à diminuer leur marge. Aucun ne fait cependant valoir l'existence d'une menace à la continuité de ses activités.
180. En toute hypothèse, comme le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentration, "en soi, la dépendance économique ne constitue cependant une atteinte à la concurrence que si elle a un effet sur la concurrence sur un marché et, finalement, sur le surplus du consommateur, et non simplement sur un fournisseur, dans la mesure où l'objectif des autorités de concurrence n'est pas de protéger une entreprise en tant que telle, qu'elle soit concurrente, cliente ou fournisseur" (93). En l'espèce, la position du nouvel ensemble en tant qu'acheteur sur les marchés amont reste limitée et n'est que faiblement affectée par l'opération. Elle n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l'approvisionnement.
C. ANALYSE DES EFFETS DE L'OPÉRATION SUR LES MARCHÉS AVAL DU COMMERCE DE DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE
181. Le groupe Casino est le 4ème opérateur français de distribution à dominante alimentaire, avec une part de marché en valeur de 12,3 % au niveau national (94). Monoprix est la 13ème enseigne nationale, avec 2,1 % de part de marché en valeur (95). Carrefour et Leclerc, avec des parts de marché respectives en valeur estimées à 20,6 et 18,6 %, sont les deux leaders du marché de la distribution alimentaire en France. Intermarché, avec une part de marché en valeur estimée à 13,9 %, occupe une position comparable à celles de Casino et du groupe Auchan (11,5 %) (96).
182. Parmi ces opérateurs, le groupe Casino présente la particularité d'avoir concentré ses investissements dans les commerces de format inférieur à 1 000 m². Ainsi, sur le seul segment des hypermarchés, l'enseigne Géant ne représente au niveau national que 2,7 % de part de marché en valeur (97). En termes de surface, la part de marché de Géant sur le segment des hypermarchés est de 7,5 %, derrière Leclerc (25,7 %), Carrefour (19,3 %), Auchan (13,1 %) et Système U (10,4 %) (98). La part de marché du groupe Casino est en revanche plus élevée sur le segment des supermarchés, avec une part de marché cumulée, en surfaces de vente, de 13,1 % pour les enseignes Franprix et Casino Supermarchés au niveau national. L'enseigne Monoprix représente, pour sa part, 5,1 % des surfaces. L'opération conférera donc à la nouvelle entité une part de marché cumulée de 18,2 % au niveau national.
183. L'analyse des effets concurrentiels de l'opération porte sur des zones de chalandises locales. A cette fin, compte tenu des différences dans la définition de ces zones selon leur localisation, il convient d'examiner les effets de l'opération en province, en première couronne parisienne et à Paris intra-muros. L'analyse portera en premier lieu sur l'impact de l'opération sur la position des parties en termes de parts de marché (1). Il conviendra ensuite d'évaluer l'importance des barrières à l'entrée sur les marchés concernés (2), le degré de différenciation existant entre les enseignes du groupe Casino et celles de Monoprix (3) ainsi que l'incitation à augmenter les prix du nouvel ensemble à l'issue de la concentration (4).
1. LES PARTS DE MARCHÉ DES PARTIES
184. L'opération consistant dans l'acquisition du solde du capital de Monoprix, dont la partie notifiante détient déjà 50 %, celle-ci fait valoir que "l'existence d'un contrôle conjoint préexistant devra conduire à attribuer a minima à Casino, avant l'Opération, 50 % de la part de marché de Monoprix en considérant donc que le chevauchement de part de marché ne porte que sur les 50 % restants" (99).
185. Comme cela a été exposé ci-dessus aux paragraphes 121 et suivants, il ressort de l'examen de la gouvernance et de la politique commerciale du groupe Monoprix que celui-ci disposait, avant l'opération, d'un degré d'autonomie lui permettant de définir et mettre en œuvre une stratégie commerciale et tarifaire propre. Il ressort également de l'analyse que Monoprix, dans la détermination de sa politique commerciale, devait tenir compte des intérêts de ses deux maisons mères. Dans une telle situation, compte tenu des spécificités du cas d'espèce, il convient en effet d'attribuer la moitié de la part de marché de Monoprix à chacune des maisons mères.
186. En l'espèce, cette approche n'a aucune incidence sur les conclusions de l'analyse concurrentielle dans la mesure où l'addition de parts de marché qu'entraîne la concentration reste significative même en considérant qu'elle ne porte que sur la moitié des parts de marché de Monoprix, tant au regard du renforcement du groupe Casino qu'en termes de concentration des marchés pertinents. Dans les parts de marché présentées ci-dessous, la moitié des parts de marché de Monoprix a donc été attribuée à Casino avant l'opération.
187. Compte tenu des spécificités des comportements des consommateurs et la nature des interactions concurrentielles dans la capitale, il convient de distinguer les effets de l'opération selon que les magasins concernés sont situés en dehors de Paris (a) ou dans Paris intra-muros (b). L'évaluation de la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés dans les zones parisiennes concernées sera ensuite examinée (c).
a) Position des parties en dehors de Paris
i. Position des parties en province
188. Parmi les zones de chalandise de province concernées par l'opération, celles situées dans les dix villes les plus peuplées ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée dans la mesure où, comme relevé ci-dessus dans les développements relatifs au marché pertinent, les réponses au test de marché y ont mis en évidence l'existence de zones de chalandises possiblement réduites. En dehors des dix villes les plus peuplées, l'analyse concurrentielle porte sur les zones de chalandise conformes à la pratique décisionnelle (100).
Zones de province situées en dehors de grandes villes
189. Au cours de l'instruction, l'analyse a principalement porté sur les zones de chalandise dans lesquelles l'opération entraînait une forte addition de parts de marché, conférant plus de 50 % des surfaces de vente au groupe Casino à l'issue de la concentration. Les zones où le groupe Casino disposera de 45 à 50 % des surfaces de vente à l'issue de la concentration ont également fait l'objet d'un examen détaillé.
190. Premièrement, l'opération conférera à la nouvelle entité une part de marché supérieure à 50 % dans 5 zones, situées à Arles, Saint Raphaël, Saint Tropez et deux zones à Bastia. Les magasins cibles y sont tous des supermarchés. L'impact de l'opération et la structure de la concurrence sont résumés dans le tableau suivant :
Enseigne / Localisation / PDM post-acquisition / Nombre de magasins cibles/total nouvelle entité / Incrément de PDM / Nombre de groupes concurrents post-acquisition / Nombre de magasins concurrents
Monoprix / Arles (13) / [50-60] % / 1/4 / [5-10] % / 5 / 10
Enseigne / Localisation / PDM post-acquisition / Nombre de magasins cibles/total nouvelle entité / Incrément de PDM / Nombre de groupes concurrents post-acquisition / Nombre de magasins concurrents Monoprix / St Raphaël (83) / [60-70] % / 1/11 / [5-10] % / 58
Enseigne / Localisation / PDM post-acquisition / Nombre de magasins cibles/total nouvelle entité / Incrément de PDM / Nombre de groupes concurrents post-acquisition / Nombre de magasins concurrents
Monop' / Bastia, rue Cdt Bonelli (20) / [60-70] % / 3/10 / [5-10] % / 3 / 4
Enseigne / Localisation / PDM post-acquisition / Nombre de magasins cibles/total nouvelle entité / Incrément de PDM / Nombre de groupes concurrents post-acquisition / Nombre de magasins concurrents Monoprix / Bastia, av de la Libération (20) / [60-70] % / 2/8 / [5-10] % / 2 / 3
Enseigne / Localisation / PDM post-acquisition / Nombre de magasins cibles/total nouvelle entité / Incrément de PDM / Nombre de groupes concurrents post-acquisition / Nombre de magasins concurrents Monoprix / St Tropez (83) / [60-70] % / 1/4 / [5-10] % / 2 / 2
191. Dans la zone du magasin Monoprix d'Arles, l'entité issue de la concentration ne détiendra que 4 points de vente sur 14 (dont un drive), soit moins de 30 % du nombre de points de vente. La partie notifiante exploite un Géant Casino, qui constitue le point de vente présentant la surface de vente la plus importante de la zone (8 706 m² de surface totale et 5 340 m² de surface alimentaire), mais restera néanmoins confrontée à la concurrence de cinq opérateurs exploitant collectivement 10 magasins. On note que l'entité issue de la concentration fera notamment face à 4 supermarchés, un drive et un hypermarché sous enseigne Leclerc de 4 900 m² situés à moins de 5 minutes du point de vente cible. Compte tenu de ces éléments, il est peu probable que l'opération porte atteinte à la concurrence dans la zone de chalandise du magasin cible à Arles.
192. Dans la zone du magasin Monoprix de Saint Raphaël, la nouvelle entité détiendra une part de marché significative à l'issue de l'opération, ainsi que la majorité des magasins de la zone. Néanmoins, Casino y fera face à la concurrence de 5 opérateurs. Même si le nombre de magasins que ces concurrents exploitent est inférieur à celui de la nouvelle entité, il n'en demeure pas moins que les consommateurs continueront de disposer dans cette zone d'un grand nombre de sources d'approvisionnement alternatives. De plus, le magasin cible fera face à la concurrence de 4 supermarchés situés à moins de 5 minutes et d'un hypermarché Leclerc, d'une surface totale de 3 653 m² et d'une surface alimentaire de 2 922 m², situé à moins de 7 minutes de trajet. Compte tenu de ces éléments, il est également peu probable que l'opération porte atteinte à la concurrence dans cette zone.
193. Tel n'est en revanche pas le cas des zones situées à Bastia et Saint Tropez. Dans celles-ci, l'opération réduira le nombre de groupes concurrents de 4 à 3 (Bastia, rue du Commandant Bonelli) et de 3 à 2 (Bastia, avenue de la Libération, et Saint Tropez). Les alternatives concurrentielles des consommateurs seront donc fortement réduites du fait de la concentration.
194. Dans les zones des magasins Monop' et Monoprix à Bastia, la nouvelle entité disposera d'un grand nombre de magasins, parmi lesquels 2 hypermarchés (respectivement de 3 101 et 7 200 m²) et 7 supermarchés. Par ailleurs, il est à noter la présence d'un point de vente Monoprix de 1 180 m² de surface totale, sans surface alimentaire. Les magasins concurrents, au nombre de 3 ou 4 selon la zone concernée, comportent un supermarché Leclerc (2 069 m²) et un hypermarché U (5 650 m²). Les surfaces de vente concernées resteront cependant très inférieures à celles contrôlées par Casino à l'issue de l'opération.
195. Ainsi, les alternatives concurrentielles disponibles pour les consommateurs seront fortement réduites du fait de l'opération, tant en nombre de magasins qu'en surface de vente, puisque le groupe Casino contrôlera les trois quarts des magasins représentant plus de 65 % des surfaces alimentaires de vente.
196. Enfin, dans la zone du magasin Monoprix de Saint Tropez, la nouvelle entité ne sera confrontée à la concurrence que de deux magasins, alors qu'elle en contrôlera le double, parmi lesquels un hypermarché de 7 211 m². Parmi ses concurrents figure certes un hypermarché Leclerc de 4 500 m², mais l'opération aura pour effet d'y réduire la concurrence en conférant à Casino [60-70] % des surfaces de vente.
197. La partie notifiante se prévaut toutefois, sur cette zone, de la concurrence de deux hypermarchés sous enseigne Carrefour situés à Sainte-Maxime. Néanmoins, le temps de trajet nécessaire pour atteindre ces hypermarché depuis le magasin cible est très supérieur à 15 minutes de déplacement en voiture, limite retenue par la pratique décisionnelle pour évaluer les effets d'opérations de concentration relatives à des supermarchés. Aucun élément au dossier, notamment relatif aux caractéristiques socio-économiques de la zone concernée et des points de vente en cause, n'est de nature à modifier ce constat en l'espèce. En particulier, la partie notifiante n'apporte aucun élément montrant qu'en dépit de leur éloignement, ces hypermarchés pourraient être utilisés par les consommateurs de la zone de Saint Tropez comme un magasin de proximité substituable au magasin cible, dans lequel des achats de faible montant peuvent être effectués fréquemment.
198. Deuxièmement, l'instruction a porté sur les zones dans lesquelles la concentration conférera à la nouvelle entité une part de marché comprise entre 45 et 50 %, en entraînant une modification sensible de la structure de la concurrence. La variation ("delta") d'indice Herfindahl-Hirschman ("IHH") par rapport à la situation antérieure a été calculée pour apprécier la modification que la concentration entraîne dans le degré de concentration du marché. Conformément aux lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, il est probable que la concentration entraîne un risque d'effet horizontal lorsque l'IHH à l'issue de la concentration est compris entre 1 000 et 2 000 et que le delta excède 250, ou lorsque l'IHH est supérieur à 2 000 et que le delta excède 150. L'instruction a également retenu les zones dans lesquelles l'opération entraîne plus de 10 % d'incrément de parts de marché.
199. Seule la zone de chalandise du Monoprix d'Ajaccio atteint ces seuils. Le groupe Casino y détiendra [40-50] % des surfaces de vente (dont [5-10] % pour Monoprix) et ne fera face qu'à deux groupes concurrents.
200. Dans cette zone, cependant, même si le nombre d'enseignes concurrentes reste limité à l'issue de l'opération, celles-ci y exploitent les deux tiers des magasins. Le groupe Carrefour est particulièrement bien implanté, avec une part de marché de 40,5 %, très proche de celle détenue par l'entité issue de la concentration. Il y exploite 5 points de vente situés à 5 minutes de trajet du magasin cible, dont un hypermarché de plus de 5 000 m². Compte tenu de ces éléments, il est possible d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence dans cette zone.
201. En province, en dehors des grandes villes, la concentration porte donc atteinte à la concurrence dans deux zones de chalandise situées à Bastia et une zone située à Saint-Tropez.
Zones situées dans les grandes villes de province
202. Dans les dix villes les plus peuplées de province, la concentration soit n'entraîne aucun chevauchement d'activité, soit confère à la partie notifiante une part de marché inférieure à [20-30] % (dans les villes de Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille et Strasbourg).
203. Dans les autres grandes villes, d'une manière générale, l'analyse s'est concentrée sur les zones de centre-ville, où les consommateurs sont susceptibles de parcourir des distances plus limitées pour effectuer leurs courses alimentaires.
204. Comme indiqué ci-dessus, dans les développements consacrés au marché pertinent, l'analyse a systématiquement porté sur une zone de 15 minutes ainsi que sur une zone, plus réduite, de 10 minutes. Par exception, pour les hypermarchés, l'analyse sur une zone réduite de 10 minutes n'a pas semblé pertinente.
205. A Toulouse, Nice et Lyon, la part de marché cumulée des groupes Casino et Monoprix reste inférieure à 45 %, que ce soit dans la zone de 15 minutes ou dans une zone réduite à 10 minutes de trajet en voiture autour des magasins cibles. Dans chacune de ces zones, on relève la présence d'au moins 5 groupes concurrents exploitant un grand nombre de magasins maillant significativement les zones, parmi lesquels des hypermarchés situés à proximité des magasins cibles. L'opération ne suscite donc pas de risque d'atteinte à la concurrence dans ces zones.
206. A Montpellier, le groupe Monoprix exploite deux points de vente : un hypermarché Inno et un supermarché Monoprix. L'hypermarché Inno n'a pas fait l'objet d'une analyse détaillée, dans la mesure où la part de marché des parties ([20-30] % sur une zone de 15 minutes) et l'incrément résultant de l'opération ([0-5] %) sont limités sur sa zone. En revanche, le supermarché Monoprix de la rue de Verdun est localisé en plein centre-ville, dans une rue piétonne. La part de marché cumulée des parties sur cette zone est de [30-40] % sur une zone de 15 minutes, et [40-50] % sur une zone de 10 minutes.
207. Cependant, la nouvelle entité restera confrontée, dans cette zone, à la concurrence de 7 groupes de distribution alimentaire, exploitant 25 points de vente (contre 18 points de vente pour le groupe Casino). Parmi ceux-ci figurent notamment deux hypermarchés exploités sous enseigne Carrefour, situés à 9 minutes de trajet du magasin cible. Les consommateurs continueront donc de disposer, dans cette zone, d'un grand nombre d'autres enseignes à proximité, y compris d'hypermarchés. Les risques d'atteinte à la concurrence peuvent donc être écartés à Montpellier.
208. Enfin, dans les sept zones correspondant aux magasins cibles situés à Marseille, les parties totalisent entre [30-60] % de part de marché sur une zone de 15 minutes, et entre [40-60] % sur une zone réduite à 10 minutes (avec un incrément de part de marché toujours supérieur à 10 %). Dans les zones de 10 minutes de trajet autour des magasins cibles, l'opération confère une part de marché supérieure à 50 % à Casino dans 3 zones et une part comprise entre 45 et 50 % dans deux zones.
209. Cependant, dans l'ensemble des zones concernées, l'entité issue de la concentration restera confrontée à la concurrence d'au moins 7 groupes concurrents de distribution alimentaire. Ces concurrents exploitent, dans les différentes zones de chalandise marseillaises, un grand nombre de magasins et le maillage y apparaît significativement dense sur ce territoire. Auchan, Carrefour et Leclerc y exploitent notamment plusieurs hypermarchés situés à moins de 10 minutes des magasins cibles. Les consommateurs disposeront donc d'un nombre significatif d'autres enseignes dans les zones marseillaises à l'issue de l'opération. Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas susceptible d'entraîner un risque d'atteinte à la concurrence à Marseille.
210. Aucun risque d'atteinte à la concurrence n'a donc été retenu dans les grandes villes de province.
ii. Position des parties en petite couronne parisienne
211. Compte tenu notamment de la forte présence d'hypermarchés à la périphérie immédiate de Paris et de l'obstacle que constitue dans les faits le périphérique pour la mobilité des consommateurs, la partie notifiante considère que la zone de chalandise des magasins situés dans Paris intra-muros ne s'étend pas au-delà de Paris. Les magasins parisiens n'ont donc pas été pris en compte dans l'analyse concurrentielle des zones des magasins cibles situés en petite et grande couronne parisienne.
212. L'analyse a porté sur des zones correspondant à un trajet de 10 minutes en voiture à partir des magasins cibles. Dans celles-ci, les parts de marché des parties ont été calculées sur la base des surfaces totales des magasins. Comme en province, les zones suivantes ont fait l'objet d'une analyse plus approfondie :
- cinq zones dans lesquelles l'opération conférera à la nouvelle entité des parts de marché supérieures à 50 % des surfaces ;
- quatorze zones dans lesquelles l'opération confère à la nouvelle entité entre 45 et 50 % des surfaces et entraîne un accroissement de cette part de marché de plus de 10 % ou porte l'indice de concentration IHH à plus de 2 000, avec un delta supérieur à 250.
213. Dans les cinq zones dans lesquelles Casino disposera de plus de 50 % des surfaces de vente à l'issue de l'opération, les Monoprix cibles ont tous des surfaces alimentaires inférieures à 2 500 m², à l'exception d'un point de vente dont la surface alimentaire atteint 3 645 m². Dans ces zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 50 et 57 %. Celle-ci restera néanmoins confrontée à la concurrence de plusieurs groupes de distribution alimentaire, soit cinq à huit selon les zones. De plus, ces derniers exploitent des magasins d'une surface significative : dans chacune des zones de chalandise considérées, figurent au moins deux grands hypermarchés (surface totale supérieure à 4 000 m²) exploités par au moins deux groupes concurrents distincts, dont au moins un situé à proximité du magasin cible (3-7 minutes de trajet) (101).
214. Dans les 14 zones dans lesquelles Casino disposera d'une part de marché comprise entre 45 et 50 % à l'issue de l'opération, les magasins cibles sont 6 supérettes, 7 supermarchés dont la surface totale est inférieure à 2500 m², et un Monoprix dont la surface totale atteint 3 072 m². Dans ces zones, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence de plusieurs groupes de distribution alimentaire, soit 5 à 10 groupes selon les zones. De plus, dans chacune des zones de chalandise considérées, figurent au moins deux grands hypermarchés (surface totale supérieure à 4 000 m²) exploités par deux groupes concurrents, dont au moins un situé à proximité du magasin cible (3-7 minutes de trajet) (102).
215. Compte tenu de la configuration des marchés pertinents et de l'existence de nombreuses sources alternatives d'approvisionnement pour les consommateurs, la concentration ne sera pas susceptible de porter atteinte à la concurrence en petite couronne parisienne.
b) Position des parties dans Paris intra-muros
216. Le marché parisien de la distribution alimentaire requiert une analyse particulière dans la mesure où il présente des spécificités marquées par rapport au reste du territoire (i). Par ailleurs, les fortes parts de marché dont dispose la partie notifiante dans Paris intra-muros ont conduit l'Autorité à mener une analyse détaillée de ce marché (ii).
i. Spécificités sur marché de la distribution de détail à dominante alimentaire à Paris
217. La demande des consommateurs parisiens en matière de grande distribution à dominante alimentaire présente des spécificités du fait de la taille réduite des ménages, de leurs conditions de logement et du faible taux d'équipement automobile. Ces facteurs se conjuguent pour expliquer que le panier moyen d'achat dans les commerces à dominante alimentaire situés dans Paris est relativement faible, ce qui peut réduire les incitations des consommateurs à mettre en concurrence des magasins éloignés, le gain monétaire attendu étant minime.
218. Les caractéristiques relatives à la consommation alimentaire des Parisiens, déjà relevées dans l'avis n° 12-A-01 de l'Autorité de la concurrence relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris, ont été confirmées par le dossier de notification et les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction : le niveau de revenu des Parisiens est plus élevé que la moyenne nationale, la taille des ménages est en revanche plus réduite, et les logements sont de plus faible superficie, ces deux derniers éléments expliquant que le panier d'achat moyen soit d'un montant inférieur à celui constaté sur le reste du territoire national. Par ailleurs, dans Paris intra-muros, les ménages disposant d'une voiture ne représentent qu'une minorité de la population (39,9 % des Parisiens (103)).
219. Les Parisiens effectuent leurs dépenses alimentaires auprès de huit groupes de la distribution alimentaire présents dans Paris intra-muros, Casino, Carrefour, Francap/Provera, Dia, Auchan, Lidl, Système U, ITM, ainsi qu'auprès d'un opérateur implanté uniquement en dehors de Paris, Leclerc. Les éléments au dossier et les données publiques permettent d'évaluer les parts de marché de ces différents opérateurs en valeur et en surface. Les éléments au dossier permettent également d'apprécier les conditions d'accès des consommateurs parisiens aux points de vente de ces différents groupes.
Estimation des parts de marché en valeur
220. La partie notifiante se fonde sur les observations de l'étude Kantar 2 des dépenses de 2 000 foyers parisiens entre le 3 décembre 2012 et le 24 février 2013 dans les différentes enseignes de distribution à dominante alimentaire pour estimer leurs parts de marché en valeur. Ces parts de marché sont donc exprimées en pourcentage des dépenses effectuées par les consommateurs parisiens chez ces opérateurs durant la période d'observation. Selon ces estimations, la part de marché cumulée de Casino et Monoprix s'élèverait à [40-50] %. Son premier concurrent, Carrefour, représenterait moins de la moitié de la part de marché du nouvel ensemble, puisqu'il se voit attribuer [20-30] % des dépenses. Francap/Provera (enseignes G20, Diagonal et Sitis) représenterait le quart de la nouvelle entité, avec [10-20] % de parts de marché. Les autres opérateurs sont peu significatifs, avec des parts de marché inférieures à 5 % (Dia représentant [0-5] % des dépenses, Auchan [0-5] %, Lidl [0-5] %, Système U [0-5] % et Intermarché [0-5] %).
221. L'estimation de l'institut Kantar intègre cependant les dépenses des Parisiens dans les hypermarchés de proche banlieue et ne reflète donc pas les parts de marché des opérateurs dans Paris intra-muros stricto sensu.
Estimation des parts de "plancher"
222. Pour analyser les marchés du commerce de détail à dominante alimentaire, l'Autorité de la concurrence évalue les parts de marché des parties en tenant compte de la surface de vente des magasins situés dans la zone de chalandise du magasin cible. Comme le souligne l'Autorité dans son rapport annuel pour l'année 2010, "si le chiffre d'affaires est généralement le critère retenu pour évaluer la part de marché, il est néanmoins fréquent, compte tenu de la difficulté d'obtenir ces éléments lors du test de marché réalisé dans les délais contraints du contrôle des concentrations, qu'à défaut, ou en complément, la surface de vente soit utilisée comme un indicateur significatif" (104).
223. Les éléments au dossier démontrent que le groupe Casino détient la grande majorité des surfaces de vente alimentaires à Paris, et tend à se développer plus rapidement que ses concurrents. Selon les estimations de l'Atelier Parisien d'Urbanisme ("APUR") (105) recueillies dans une étude relative à "La présence du groupe Casino sur le territoire parisien" de janvier 2013, la part de surface cumulée de Casino et Monoprix est passée de 65 % en 2010 (260 000 m² sur 400 000 m²) à 67 % en 2011 (290 000 m² sur 430 000 m²). Selon cette source, le nombre de magasins du groupe Casino a sensiblement augmenté (+ 61 magasins) entre 2010 et 2011, alors que le nombre de magasins des autres groupes est resté stable pendant la même période. De ce fait, en nombre de magasins, le poids du groupe Casino est passé de 59 % en 2010 à 62 % en 2011.
224. Par ailleurs, afin de mettre à jour ces données, la Direction du développement économique de l'emploi et de l'enseignement supérieur de la Mairie de Paris ("DDEEES") a effectué un recensement sur la base d'une méthode empirique qui croise des observations de terrain, l'exploitation d'informations légales et l'utilisation des supports de communication des enseignes (106). Entre avril 2011 et février 2013, elle a recensé l'ouverture à Paris de 39 points de vente du groupe Casino, 16 points de vente du groupe Carrefour et 5 points de vente G20. En revanche, les éventuelles fermetures n'ont pas pu être observées dans ce recensement. Cependant, ces données confirment que le groupe Casino continue à ouvrir des points de vente au cours de la période récente.
225. L'analyse des parts de surface, issues de la base de données communiquée par la partie notifiante, permet de constater que Casino et Monoprix totalisent [60-70] % de part de marché évaluée en surface de vente totale et [60-70] % de part de marché en surface de vente alimentaire (107).
Sur l'accès des consommateurs Parisiens aux différentes enseignes
226. La partie notifiante a versé au dossier une étude du cabinet Mapp, qui propose une évaluation des parts de marché des différents groupes de distribution alimentaire à Paris reposant sur une agrégation des parts de surface calculées du point de vue de consommateurs hypothétiques. Déjà proposée par le groupe Casino dans le cadre de l'avis n° 12-A-01, cette méthode permet notamment de déterminer à quelles enseignes les consommateurs Parisiens ont accès en fonction de leur localisation. Les résultats de cette étude seront donc examinés après avoir présenté la méthode élaborée par le cabinet Mapp.
- Présentation de la méthode du "consommateur hypothétique"
227. L'analyse proposée par le cabinet Mapp prend comme support un échantillon de consommateurs localisés à Paris. Cet échantillon a été construit en répartissant 6 501 clients hypothétiques sur le territoire parisien de façon régulière, tous les 120 mètres. Les points situés hors de Paris ou sur le cours de la Seine ont été supprimés, ainsi que ceux correspondant aux principales zones non peuplées de Paris (principaux parcs, jardins, cimetières, accès aux gares).
228. A partir de cet échantillon, dans Paris intra-muros, des zones de chalandise de 300 mètres de rayon pour les magasins cibles de moins de 400 m² et de 500 mètres pour les magasins cibles de plus de 400 m² ont été tracées autour des magasins parisiens du groupe Monoprix. Puis, pour chacun des consommateurs hypothétiques situés dans une de ces zones de chalandise, les magasins accessibles pour ce consommateur ont été identifiés. Les magasins considérés comme "accessibles" sont l'ensemble des points de vente situés dans un rayon de 300 mètres (s'il s'agit d'un magasin de moins de 400 m²) ou 500 mètres, et les hypermarchés situés dans un rayon de 2 kilomètres. Ceci permet de déterminer les différents points de ventes accessibles pour chaque consommateur hypothétique et de calculer, de leur point de vue, les parts de marché en surface alimentaire des différents groupes accessibles.
- Résultats en termes d'enseignes accessibles pour les Parisiens
229. Les résultats de l'étude montrent que seule une petite minorité (3,7 %) des Parisiens n'a accès ni à Casino ni à Monoprix (108). L'étude montre également qu'entre 2005 et 2012, la proportion de consommateurs sans autre alternative que Casino ou Monoprix a légèrement diminué, passant de 7,7 % à 6,2 %. En revanche, sur la même période, les situations d'oligopole dans lesquelles Casino et/ou Monoprix font face à deux ou trois concurrents sont devenues majoritaires (passant de 46,8 % à 50,6 % des Parisiens). Les situations dans lesquels ils font face à quatre concurrents ou plus sont devenues un peu plus fréquentes, mais continuent de représenter une faible portion de la population (passant de 11,6 % à 16,8 % des Parisiens).
230. Toutefois, cette étude n'indique pas quelle proportion de consommateurs qui ont aujourd'hui accès à la fois à Casino et à Monoprix passerait d'une situation de duopole Casino-Monoprix à une situation de monopole, une fois la concentration réalisée. L'analyse a donc été approfondie, sur la base de la liste de magasins mise à jour par la partie notifiante et en suivant la même méthodologie, à l'exception des hypermarchés de banlieue qui ont été exclus de l'analyse à ce stade.
231. Au total, en raisonnant à partir de consommateurs hypothétiques, auxquels a été attribué un poids correspondant à la population qu'ils représentent (109), 56,3 % des consommateurs parisiens ont accès à la fois aux groupes Casino et Monoprix (110). Parmi eux, 6,6 % (soit 3,7 % des consommateurs Parisiens) n'ont accès qu'aux groupes Casino et Monoprix, et 24,1 % (soit 13,6 % des Parisiens) n'ont accès qu'à un seul magasin exploité par un groupe concurrent. Dans 35 % des cas, cet unique concurrent est Carrefour, dans 29 % des cas Francap, dans 19 % des cas Dia et, enfin, Auchan dans 5 % des cas.
232. Cette étude permet donc de conclure que 3,7 % des consommateurs, soit environ 80 514 consommateurs, passeront à l'issue de l'opération d'un duopole de Casino et Monoprix à un monopole de la nouvelle entité. De plus, 13,6 % des consommateurs n'auront qu'une seule alternative au groupe Casino à l'issue de la concentration.
233. Sur l'ensemble de Paris intra-muros, et en excluant la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés de banlieue, Casino et Monoprix totalisent donc des parts de marché très élevées, l'opération aboutissant à la création de monopoles et de duopoles sur certaines zones. L'analyse de chacune des zones de chalandise locales permettra de distinguer les zones problématiques, et de prendre en compte de manière adéquate la pression concurrentielle éventuellement exercée par des hypermarchés situés au-delà du périphérique.
ii. Présentation des parts de marché, des critères d'analyse et des zones dans lesquelles l'opération risque de porter atteinte à la concurrence abstraction faite de la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés de banlieue
234. Le calcul des parts de marché des parties intègre l'ensemble de leurs magasins, sous réserve de certaines exceptions et du traitement de projets de magasins. A partir de ces parts de marché, l'instruction s'est fondée sur plusieurs critères pour identifier les zones dans lesquelles l'opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Exclusion de l'analyse de certains magasins exploités sous des enseignes du groupe Casino ou Monoprix
235. La partie notifiante a proposé d'exclure certains points de vente du calcul de ses parts de marché. Il s'agit de magasins réalisant moins du tiers de leur chiffre d'affaires en ventes alimentaires, de magasins n'ayant aucun lien juridique avec Casino, [confidentiel], et enfin de magasins situés dans des gares ou stations.
236. Par ailleurs, deux magasins sous enseigne Monop' appartenaient déjà au groupe Casino avant l'opération, et ne peuvent donc pas être considérés comme des magasins cibles.
- Sur l'exclusion des magasins réalisant moins du tiers de leur chiffre d'affaires en alimentaire
237. La partie notifiante suggère d'exclure de l'analyse cinq magasins Monoprix parisiens réalisant moins du tiers de leur chiffre d'affaires en ventes alimentaires, dans la mesure où ils ne seraient pas présents sur le marché pertinent du commerce de détail à dominante alimentaire.
238. Toutefois, cette approche permet d'apprécier l'appartenance au marché de la distribution à dominante alimentaire d'une enseigne donnée. Elle ne saurait en revanche justifier d'exclure du marché certains magasins d'une enseigne à dominante alimentaire comme Monoprix.
239. L'exclusion de ces magasins de l'analyse est d'autant moins justifiée en l'espèce que la concentration se traduit par la prise de contrôle exclusif par un groupe spécialisé dans la distribution alimentaire de Monoprix, à la faveur du retrait d'un coactionnaire non spécialisé dans cette activité. La nouvelle entité pourrait donc être incitée à développer l'offre alimentaire de ces magasins.
240. L'Autorité a donc tenu compte de ces magasins pour l'examen des effets de l'opération sur la situation de la concurrence dans les différentes zones concernées.
- Sur l'exclusion des magasins Hypercacher et Marché d'à Côté
241. [Confidentiel].
242. En tout état de cause, les magasins Hypercacher n'appartiennent pas au marché pertinent concerné par l'opération, étant donné le positionnement spécifique de leur offre (épicerie et alimentation générale cacher).
- Sur l'exclusion de certains magasins Franprix/Leader Express
243. On dénombre à Paris [...] points de vente à l'enseigne Franprix/Leader Express (111) qui sont exploités par des commerçants indépendants [confidentiel].
244. [Confidentiel] :
- [confidentiel] ;
- [confidentiel] ;
- [confidentiel].
245. [Confidentiel].
246. Conformément à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, l'analyse des effets concurrentiels d'une opération de concentration réalisée entre deux réseaux de distribution ne prend en compte les magasins adhérents des réseaux que si leur politique commerciale n'est pas suffisamment autonome. Cette autonomie doit être évaluée sur la base d'une analyse concrète des obligations liant les adhérents au franchiseur (112). En l'espèce, [confidentiel], ils peuvent être considérés comme ayant une politique commerciale autonome du groupe Casino et être décomptés au nombre de ses concurrents.
- Sur l'exclusion des magasins de gares
247. La partie notifiante fait valoir que trois magasins parisiens situés dans des gares ou stations (113) devaient également être exclus de l'analyse, dans la mesure où ils visent essentiellement une clientèle de passage. Leur zone de chalandise se limiterait ainsi aux gares ou stations dans lesquelles ils se trouvent.
248. Les éléments au dossier, et l'analyse concrète de la situation géographique ainsi que du positionnement de ces points de vente, ont permis de confirmer les arguments des parties. Il apparaît en effet que la zone de chalandise de ces magasins, de petit format (moins de 300 m² de surface totale), se borne à la gare ou à la station dans laquelle ils sont installés, dans la mesure où ils répondent aux besoins ponctuels d'une clientèle en transit. Ces trois magasins ont donc été exclus de l'analyse concurrentielle (114).
- Sur le statut particulier de magasins Monoprix contrôlés par le groupe Casino avant l'opération
249. Enfin, deux magasins exploités sous l'enseigne Monop', [confidentiel], étaient déjà exclusivement contrôlés par le groupe Casino avant l'opération. Ces magasins n'ont donc pas été considérés comme des magasins cibles au titre de la présente opération.
Critères de prise en compte des projets d'ouverture de magasins
250. La concurrence potentielle de points de vente qui n'existent qu'au stade de projet au jour de la décision n'a été intégrée dans l'analyse qu'à condition que leur ouverture soit suffisamment certaine et rapide pour contrecarrer l'éventuel exercice d'un pouvoir de marché par la nouvelle entité. La pratique décisionnelle relative à des concentrations dans le secteur du commerce à dominante alimentaire considère en général que ces conditions sont réunies lorsque les projets concernés bénéficient d'autorisations de CDAC et que l'ouverture des magasins doit intervenir à une échéance suffisamment proche.
251. A ce titre, il convient de retenir le projet d'ouverture du magasin Simply Market situé 17 rue de Thionville, dans le 19ème arrondissement de Paris, qui bénéficie d'une autorisation de CDAC, étant donné qu'aucun obstacle particulier ne se dresse à la réalisation de ce projet, prévue en 2014, comme l'a confirmé en séance le représentant des sociétés Atac et Auchan France.
252. En revanche, il n'est pas pertinent de tenir compte du projet d'ouverture d'un point de vente Monoprix au Forum des Halles, dont la date anticipée d'ouverture n'est pas prévue avant au moins 2 à 3 ans selon les éléments communiqués par la partie notifiante (115).
253. La partie notifiante fait également valoir que le groupe Carrefour prévoit d'implanter un hypermarché près de la place de La Madeleine, au centre de Paris. Selon Casino, qui s'appuie notamment sur des articles de presse, le magasin portera le nom des "Halles de la Madeleine" et exercerait une concurrence directe sur Casino, en dépit du positionnement haut de gamme qu'il envisage. La partie notifiante souligne que compte tenu de la surface de vente importante du futur magasin (3 500 m² de surface totale) son positionnement ne pourra vraisemblablement pas se focaliser uniquement sur l'épicerie fine. Enfin, la partie notifiante indique que le dossier CDAC du projet ne prévoit en rien le positionnement de ce magasin sur ce segment haut de gamme.
254. En premier lieu, les représentants de Carrefour, interrogés sur le sujet au cours de l'instruction et en séance, ont précisé que le projet était "très atypique" et "correspond plutôt à des halles, avec des produits frais et un rayon épicerie, sur deux niveaux, d'une surface totale de 3 500 m², et un espace de restauration au 3ème étage" (116). Ainsi, si le magasin serait effectivement susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur d'autres enseignes alimentaires, une partie seulement de son assortiment pourra être considérée comme substituable à celle du commerce de détail à dominante alimentaire classique. En ce sens, Carrefour précise que "le projet les Halles de la Madeleine constituera un ensemble commercial sur trois étages comportant un espace restauration, un espace métiers de bouche et un espace courses quotidiennes. L'espace course quotidienne s'étendra sur une surface comprise entre [1 500-2 500] m²".
255. En second lieu, Carrefour reste toutefois incertain quant à la réalisation effective du projet. Les représentants du groupe ont ainsi souligné que "la réalisation du projet est actuellement soumise à des conditions suspensives, qui n'ont pas été réalisées à ce jour. Une fois qu'elles seront réalisées, le délai d'ouverture du magasin devrait être d'environ 15 mois en théorie" (117). En séance, les représentants du groupe ont confirmé ces délais mais ont expliqué que les conditions suspensives ne pourraient être levées qu'après un délai additionnel difficile à prévoir. Ces incertitudes ont été confirmées par les représentants de la Mairie de Paris, qui ont fait état de l'échec, depuis une dizaine d'années, de projets successifs d'implantations commerciales dans les surfaces concernées autour de la place de La Madeleine.
256. Compte tenu de l'incertitude entourant la teneur exacte du projet du groupe Carrefour, des délais retardant son projet actuel et de l'échec de projets successifs d'implantations commerciales dans le site concerné, dont atteste la Mairie de Paris, il n'est pas pertinent de tenir compte de l'ouverture de ce point de vente dans l'analyse concurrentielle.
Identification des zones dans lesquelles l'opération risque de porter atteinte à la concurrence en renforçant la position du groupe Casino
257. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations disposent que, dans l'appréciation du niveau de concentration d'un marché, "deux critères sont examinés par l'Autorité : (i) les parts de marché : plus la part de marché de l'entreprise résultant de l'opération est élevée par rapport à celle de ses concurrents, plus la probabilité qu'elle confère ou renforce un pouvoir de marché est forte ; (ii) le degré de concentration : plus le marché est concentré, plus les risques d'atteinte à la concurrence, par effets coordonnés ou non coordonnés, sont importants" (118).
258. Plusieurs critères ont été pris en compte pour évaluer les effets de l'opération sur les positions détenues par le groupe Casino à Paris. Les parts de marché de la nouvelle entité en surface et le degré de concentration du marché à l'issue de l'opération ont d'abord été examinés. Ensuite, l'analyse a porté sur la réduction du nombre de groupes concurrents accessibles aux consommateurs dans chaque zone de chalandise du fait de la concentration. Enfin, une analyse particulière a été menée dans les zones où l'opération permet au groupe Casino de réunir plusieurs magasins relevant de la catégorie des supermarchés, dont la taille excède 600 m² de surface de vente.
- Analyse en termes de parts de marché
259. Les parts de marché du groupe Casino et de ses concurrents sur les marchés de la distribution à dominante alimentaire à Paris ont été calculées sur des zones correspondant à un rayon de 500 mètres autour des magasins cibles (Monoprix, Monop') lorsqu'il s'agit de supermarchés (surface supérieure à 400 m²) et de 300 mètres lorsqu'il s'agit de supérettes (surface n'excédant pas 400 m²).
260. Dans certains cas, les zones de chalandise de plusieurs magasins cibles se chevauchent significativement étant donné leur grande proximité géographique. Dans ces cas, la partie notifiante propose d'examiner l'impact de l'opération sur la concurrence sur un marché global regroupant toutes les zones se chevauchant. L'analyse individuelle de chacune des zones concernées ne faisant pas apparaître de différence significative dans l'appréciation des effets concurrentiels de l'opération, cette approche a été adoptée.
261. L'opération concerne 101 magasins cibles à Paris et donne lieu à des chevauchements dans 82 zones parisiennes. Ces zones correspondent à 95 magasins cibles dans la mesure où 10 zones regroupent en effet plusieurs magasins cibles très proches les uns des autres, et dont les zones de chalandise se chevauchent fortement.
262. Les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations précisent que "des parts de marché post-opération élevées, de l'ordre de 50 % et plus peuvent faire présumer l'existence d'un pouvoir de marché important" (119). Les éléments recueillis par l'instruction montrent que les parts de marché, évaluées en surface, constituent le critère le plus adapté pour identifier les zones dans lesquelles l'opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence. Il est donc pertinent d'examiner de manière approfondie les zones dans lesquelles l'opération confère à la partie notifiante plus de 50 % des surfaces de vente alimentaire (120).
263. Il convient également d'examiner les zones dans lesquelles la part de marché cumulée des parties est comprise entre 45 et 50 %, pour s'assurer que la concentration n'entraînerait pas une modification sensible de la structure concurrentielle des marchés dans ces zones. Le seuil de sensibilité a été défini conformément à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, selon laquelle il est probable qu'une concentration horizontale entraîne des effets anticoncurrentiels si l'IHH à l'issue de l'opération est supérieur à 2 000 et que le delta est supérieur à 250. Outre les variations d'IHH, l'instruction a également examiné si l'accroissement de part de marché lié à l'opération dans ces zones était supérieur à 10 %.
264. Ces seuils sont atteints dans les 10 zones dans lesquelles la nouvelle entité disposera d'une part de marché en surface totale comprise entre 45 et 50 %. Toutefois, si seules les surfaces alimentaires des magasins Monoprix sont prises en compte, le seuil de 45 % de part de marché n'est dépassé que pour 5 zones (121). Dans les 5 zones restantes, la nouvelle entité ne dépasserait 45 % de parts de marché que si l'on mesure celles-ci en termes de surface totale (122).
265. Au total, en application de ces critères, 73 zones de chalandises parisiennes ont fait l'objet d'un examen approfondi. Les effets de l'opération y ont donc été examinés de manière détaillée, au vue des éléments suivants.
- Analyse en termes de réduction du nombre de concurrents
266. Les lignes directrices de l'Autorité précisent également que "le nombre, les parts de marché et les atouts concurrentiels des concurrents de l'entité fusionnée sont également des facteurs essentiels dans l'analyse des effets horizontaux d'une concentration" (123).
267. Les éléments recueillis par l'instruction confirment que le nombre de groupes concurrents auxquels la nouvelle entité sera confrontée à l'issue de l'opération constitue, après les parts de marché, un indicateur pertinent dans l'identification des zones dans lesquelles l'opération serait susceptible de porter atteinte à la concurrence. Les tiers interrogés sur ce point ont également confirmé que, compte tenu de l'importance pour le choix du consommateur de la distance qui le sépare des magasins auxquels il a accès, il était adéquat de tenir compte du nombre de points de vente détenus par la nouvelle entité, comparé à celui de ses concurrents.
268. Dans plusieurs zones dans lesquelles l'ensemble Casino/Monoprix détiendrait des surfaces importantes à l'issue de l'opération, la partie notifiante fait valoir qu'il subsiste néanmoins un nombre de groupes de distribution alimentaire concurrents suffisant pour garantir que le jeu de la concurrence n'y sera pas affecté par l'opération. Elle considère ainsi que, dès lors que trois groupes concurrents subsistent dans une zone, la nouvelle entité resterait confrontée à une pression concurrentielle suffisante.
269. Les marchés de la distribution à dominante alimentaire à Paris sont en effet caractérisés par la faiblesse relative du nombre d'offreurs par rapport au reste du territoire national, puisque l'offre émane, pour l'essentiel, de 6 principaux groupes (Casino, Monoprix, Carrefour, Francap/G20, Auchan et Dia), les autres groupes de distribution alimentaire disposant à Paris d'une présence très marginale. Compte tenu de cette structure, la présence de trois concurrents au moins dans une zone peut être considérée comme suffisant à garantir une pression concurrentielle substantielle sur la nouvelle entité, à condition toutefois que cette présence ne soit pas marginale (seuls les magasins de plus de 120 m² ont donc été pris en compte) (124). Ce seuil est d'ailleurs cohérent avec celui retenu par d'autres autorités de concurrence en matière de concentration dans le secteur de la distribution alimentaire (125).
270. Cette approche, qui revient à apprécier les effets de l'opération en termes de réduction du nombre de concurrents, suppose cependant que l'entité issue de la concentration continue de faire face à une pression concurrentielle de nature à exercer une contrainte sur son comportement commercial dans les zones concernées et offrir aux consommateurs des sources alternatives d'approvisionnement suffisantes. Les risques pour la concurrence ne peuvent donc être écartés, dans les zones où trois groupes concurrents au moins seront présents, que si ces concurrents détiennent en outre une part de marché significative. La partie notifiante observe toutefois que, compte tenu de la taille réduite des zones de chalandise, sa part de marché pourra être affectée de façon importante par l'inclusion ou non d'un magasin situé en bordure de zone, ou par l'implantation d'un nouveau point de vente. En effet, on constate qu'en moyenne, dans les zones concernées, un magasin représente une part de marché de l'ordre de 9 %. L'Autorité a donc décidé de retenir pour la nouvelle entité un seuil de 60 % des surfaces de vente alimentaires, en-deçà duquel les risques pour la concurrence dans les zones comportant au moins trois groupes concurrents pourront être écartés.
271. De plus, compte tenu des caractéristiques des marchés de la distribution au détail alimentaire à Paris, et notamment de l'importance de la proximité des magasins par rapport aux consommateurs, il n'est pas pertinent d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence dans les zones où les concurrents n'exploitent qu'une minorité des magasins. En effet, lorsque tel est le cas, le groupe Casino contrôlant non seulement plus de 50 % des surfaces mais aussi des points de vente, les choix alternatifs d'approvisionnement laissés aux consommateurs à l'issue de la concentration restent trop limités pour exercer une pression concurrentielle sensible. Les risques d'atteinte à la concurrence ont donc été écartés dans les seules zones où les concurrents exploitent au moins autant de points de vente que Casino.
272. Enfin, les consommateurs ne disposent d'alternatives réelles d'approvisionnement, susceptibles d'atténuer les effets de l'opération, que s'ils ont accès à des magasins de format équivalent à celui des magasins cibles. A cet égard, il ressort des éléments du dossier que des différences significatives en largeur et profondeur de gamme existent entre les "supermarchés de centre-ville" et les "supermarchés" et "magasins populaires" (126). Conformément à la classification adoptée par Ipsos dans l'étude effectuée pour le groupe Casino en octobre 2012 et aux autres éléments du dossier, les "supermarchés de centre-ville" exploités sous l'enseigne Franprix et Monop' présentent, à Paris, de fortes similitudes en terme de surface, la très grande majorité d'entre eux disposant de moins de 600 m² de surface de vente (127). L'inverse est constaté pour les "supermarchés" exploités sous enseigne Casino, qui disposent tous d'une surface supérieure à 600 m², et les "magasins populaires" Monoprix, dont 80 % à Paris excèdent ce seuil. Ces différents formats de magasins présentent donc un certain degré de différenciation, à tout le moins en termes de surfaces de vente et de nombre de références offertes.
273. Il s'ensuit que l'opération entraînera une concentration particulièrement sensible de l'offre dans les zones de chalandise où elle permettra à Casino d'adjoindre des magasins Monoprix à ses propres supermarchés sous enseigne Casino, alors qu'aucun concurrent ne disposera d'un supermarché équivalent. Ce constat concerne les zones des magasins cibles situés 76 rue Lecourbe (15ème) et 24 rue des Belles Feuilles (16ème).
274. Au regard de ces constatations, les risques d'atteinte à la concurrence ne seront écartés que dans les zones de chalandise parisiennes dans lesquelles la nouvelle entité disposera de moins de 60 % des surfaces de vente et fera face à 3 groupes concurrents au moins (seuls les concurrents exploitant des magasins de plus de 120 m² étant retenus à ce titre), à condition que ces derniers détiennent au moins la moitié des magasins des zones concernées, toutes surfaces confondues. En outre, les risques d'atteinte à la concurrence ne pourront pas être écartés dans les zones où l'opération conduira Casino, qui y détenait déjà un supermarché, à acquérir un magasin à l'enseigne Monoprix, alors qu'aucun supermarché concurrent n'y est présent. L'application de ces critères permet d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence dans 17 zones de chalandise.
275. En application de ces critères, il convient d'examiner de façon approfondie les effets de l'opération sur la concurrence dans les 47 zones suivantes :
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
1. Monoprix / 1er : av. de l'Opéra / [60-70] % / [30-40] % / 0 [90-100] % / 5/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
2. Monop' / 1er : rue St Denis / [50-60] % / [30-40] % / 1 [80-90] % / 6/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
3. Monoprix / 2e : bd de Sébastopol / [50-60] % / [20-30] % / 3 [70-80] / 12/5
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
4. Monoprix / 2e : bd St Denis / [50-60] % / [10-20] % / 4 [70-80] % / 11/7
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
5. Monop' / 2e : 4 rue de la Bourse / [40-50] % / [20-30] % / 1 [60-70] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
6. Monop' / 2e : rue du 4 Septembre / [50-60] % / [40-50] % / 0 [90-100] % / 4/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
7. Monoprix / 3e : rue du Temple / [60-70] % / [20-30] % / 1 [90-100] % / 9/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
8. Monop' / 3e : bd St Martin / [60-70] % / [30-40] % / 0 [90-100] % / 6/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
9. Monop' / 3e : rue de Turbigo / [50-60] % / [30-40] % / 1 [90-100] % / 5/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
10. Monop' / 4e : rue de Rivoli / [60-70] % / [5-10] % / 1 [70-80] % / 4/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
11. Monoprix / 4e : rue St Antoine / [50-60] % / [20-30] % / 1 [70-80] % / 5/2
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
12. Monop' / 4e : bd Sébastopol/ rue de la Verrerie/rue St Martin / [40-50] % / [10-20] % / 3 [50-60] % / 8/7
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
13. Monop'/ Monoprix / 6ème : bd St Michel (Monop + Monoprix) / [40-50] % / [10-20] % / 2 [60-70] % / 6/7
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
14. Monoprix / 6e : rue de Rennes / [40-50] % / [20-30] % / 1 [70-80] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
15. Monop' 1194 m² / 6e : bd du Montparnasse / [50-60] % / [10-20] % / 1 [60-70] % / 3/3
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
16. Monoprix / 8e : rue de la Boétie / [40-50] % / [10-20] % / 1 [60-70] % / 4/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
17. Monop' / 8e : rue de la Pépinière / [40-50] % / [20-30] % / 1 [60-70] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
18. Monoprix / 8e : 47 bd Malesherbes / [40-50] % / [10-20] % / 2 [60-70] % / 5/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
19. Monoprix / 9e : bd des Italiens / [50-60] % / [30-40] % / 2 [80-90] % / 6/2
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
20. Monoprix / 9e : rue Caumartin / [50-60] % / [10-20] % / 2 [70-80] % / 7/2
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
21. Monop' / 9e : rue du Fbg Montmartre / [40-50] % / [10-20] % / 3 [60-70] % / 11/8
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
22. Monoprix / 10e : rue du Fbg St Denis / [40-50] % / [5-10] % / 4 [50-60] % / 10/8
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
23. Monop' / 10e : rue du 8 mai 1945 / [60-70] % / [10-20] % / 1 [70-80] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
24. Monoprix / 11e : rue St Maur / [50-60] % / [0-5] % / 4 [50-60] % / 8/7
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
25. Monop' / 12e : Cour St Emilion / [80-90] % / [10-20] % / 0 [90-100] % / 3/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
26. Monoprix / 13e : av. de France / [70-80] % / [20-30] % / 0 [90-100] % / 4/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
27. Monop' / 13e : bd Arago / [80-90] % / [10-20] % / 0 [90-100] % / 4/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
28. Monoprix / 14e : rue d'Alésia / [40-50] % / [10-20] % / 3 [50-60] % / 8/5
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
29. Monoprix/Monop' / 14e : av. Gal Leclerc et rue de la Tombe Issoire / [40-50] % / [10-20] % / 3 [50-60] % / 9/7
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
30. Monop'/ Monoprix / 15e : rue de Vaugirard / [50-60] % / [10-20] % / 3 [70-80] % / 9/5
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
31. Monoprix/Monop' / 15e : rue de la Convention et av Félix Faure / [40-50] % / [5-10] % / 4 [50-60] % / 8/9
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
32. Monoprix / 15e : rue Lecourbe / [60-70] % / [10-20] % / 2 [80-90] % / 7 dont 2 grandes surfaces/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
33. Monoprix / 15e : rue Linois / [50-60] % / [10-20] % / 3 [60-70] % / 6/6
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
34. Monop' / 15e : bd de Grenelle / [50-60] % / [10-20] % / 1 [60-70] % / 2/2
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
35. Monop' / 15e : 128 av de Suffren / [60-70] % / [20-30] % / 0 [90-100] % / 2/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
36. Monop' / 15e : rue des Entrepreneurs et rue de Loumel / [40-50] % / [10-20] % / 3 [50-60] % / 5/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
37. Monoprix/Inno / 16e : rue de Passy / [40-50] % / [20-30] % / 2 [60-70] % / 5/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
38. Monop' / 16e : av Victor Hugo / [80-90] % / [10-20] % / 0 [90-100] % / 5/0
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
39. Monoprix / 16e : rue des Belles Feuilles / [90-100] % / [5-10] % / 0 [90-100] % / 6 dont 2 grandes surfaces/2
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
40. Monoprix / 16e : 49 rue d'Auteuil / [30-40] % / [20-30] % / 1 [50-60] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
41. Monoprix / 17e : av des Ternes / [50-60] % / [10-20] % / 3 [60-70] % / 7/4
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
42. Monoprix / 17e : rue des Dames / [60-70] % / [10-20] % / 2 [80-90] % / 8/3
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
43. Monoprix / 18e : rue Marx Dormoy / [60-70] % / [10-20] % / 1 [70-80] % / 4/3
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
44. Monoprix / 19e : av Secrétan / [80-90] % / [5-10] % / 1 [80-90] % / 10/3
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
45. Monoprix / 19e : 117 av de Flandre / [60-70] % / [5-10] % / 4 [60-70] % / 8/6
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
46. Monop' / 19e : 200 av Jean Jaurès / [70-80] % / [5-10] % / 1 [80-90] % / 3/1
Enseigne / Localisation/surface totale de la zone / PDM Casino / PDM Monoprix / Nombre de groupes concurrents/PDM totale / Nombre magasins Casino/nombre de magasins concurrents
47. Monoprix / 20e : bd de Charonne / [50-60] % / [20-30] % / 4 [70-80] % / 5/6
c) Evaluation de la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés
276. Les consommateurs parisiens ont accès à quatre hypermarchés situés dans Paris intra-muros et plusieurs hypermarchés situés en banlieue parisienne. Ces points de vente constituent une offre alimentaire généraliste accessible aux consommateurs parisiens. A l'exception des hypermarchés situés à moins de 500 mètres des magasins cibles, l'accès à cette offre nécessite, de la part des consommateurs, d'effectuer un trajet très supérieur à celui des commerces de proximité, dans lesquels ils se rendent à pied pour des achats fréquents et de faible montant. Elle n'est donc pas comparable aux alternatives de proximité que proposent les magasins de distribution alimentaire situés dans les zones de chalandise des magasins cibles (128).
277. Les éléments versés au dossier par la partie notifiante ainsi qu'au cours de l'enquête montrent toutefois que les consommateurs parisiens fréquentent effectivement les hypermarchés de proche banlieue (i). Il convient donc d'évaluer la pression concurrentielle que les hypermarchés de banlieue sont susceptibles d'exercer dans les zones de chalandise parisiennes compte tenu de la localisation de la clientèle parisienne qu'ils attirent (ii) et de la nature des interactions concurrentielles en jeu (iii). Enfin, l'analyse portera sur la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés localisés dans Paris (iv).
i. Sur la fréquentation et les dépenses des Parisiens dans les hypermarchés de proche banlieue
278. La partie notifiante produit deux études relatives à la fréquentation des hypermarchés de banlieue par les Parisiens, à savoir l'étude de l'institut Ipsos intitulée "Analyse des comportements d'achat des Parisiens", qui comporte les déclarations de consommateurs sondés par Ipsos du 28 août au 10 septembre 2012, et l'étude de Kantar WorldPanel intitulée "Les achats des Parisiens en produits de grande consommation" ("Kantar 2"), qui porte sur les observations du comportement d'un panel de 2 089 consommateurs représentatifs de la population parisienne dans son ensemble de décembre 2012 à février 2013. Il a été fait état de ces deux études dans les développements précédents.
279. En ce qui concerne les fréquences de visite, il ressort du sondage Ipsos que, parmi l'ensemble des commerces de détail alimentaires (hypermarchés, supermarchés, magasins populaires, hard discount, commerces traditionnels, marchés, Internet, magasins bio et spécialistes surgelés) (129), le premier canal cité pour les dépenses alimentaires effectuées à titre principal (c'est-à-dire pour plus de la moitié des achats) est l'hypermarché avec un taux de 24 %. Par ailleurs, 60 % des Parisiens qui fréquentent à titre principal des hypermarchés le feraient hors de Paris.
280. En outre, selon les données de l'institut Ipsos, 16 % des Parisiens fréquenteraient au moins une fois par semaine les hypermarchés. Pour se rendre dans ces hypermarchés, les Parisiens qui ont un hypermarché pour magasin principal utiliseraient à 76 % des moyens de locomotion, dont 21 % des moyens de transports en commun.
281. L'étude Kantar 2 montre que les consommateurs du panel se sont rendus en hypermarché 2 fois par mois en moyenne, contre près de 5 visites de supermarchés (hors Monoprix, magasins de hard discount et supérettes), plus de 3 visites de magasins populaires comme Monoprix, près de 3 visites de magasins de hard discount et près de 3 visites de supérettes (surface inférieure à 400 m², hors Franprix).
282. En termes de dépenses, selon le sondage de l'institut Ipsos, les hypermarchés, situés ou non dans Paris, représenteraient 23 % des dépenses alimentaires des Parisiens dans leur ensemble. Ce chiffre serait de 25 % pour les habitants des arrondissements périphériques alors que les consommateurs habitant les arrondissements centraux réaliseraient 19 % de leurs dépenses alimentaires en hypermarchés.
283. Les résultats de l'étude Kantar 2 diffèrent de ceux du sondage Ipsos, puisqu'ils indiquent que les hypermarchés représentent 18,4 % des dépenses alimentaires des Parisiens sur le marché du commerce de détail à dominante alimentaire pertinent (qui exclut les marchés, commerces traditionnels spécialisés et autres circuits spécialisés, mais inclut les ventes en ligne). Pour les habitants des arrondissements centraux (arrondissements 1 à 11), la part des dépenses en hypermarchés apparaît deux fois moindre (11,3 % des dépenses dans le commerce à dominante alimentaire) que celle des habitants des arrondissements périphériques (21,2 %). On observe donc des différences significatives entre les comportements déclarés par les sondés de l'étude Ipsos et ceux réellement adoptés par les membres du panel Kantar.
284. L'étude Kantar 2 permet également d'attribuer aux différents formats de distribution alimentaire des "taux de nourriture" (130). Selon l'étude Kantar 2, les hypermarchés se placent en deuxième position, puisqu'ils représentent en moyenne un taux de nourriture de 27 %, derrière le format des supermarchés avec 30,4 % (auquel a été intégré l'ensemble des magasins Franprix). Viennent ensuite les magasins populaires (26,2 %), et les magasins de hard discount (17,5 %). En effet, si le nombre de visites moyen en hypermarchés est approximativement deux fois plus faible qu'en supermarchés, le panier moyen est en revanche deux fois plus élevé pour les hypermarchés (45,40 euros contre 21,10 euros). Toutefois, en moyenne, si l'on regroupe l'ensemble des formats entre lesquels les consommateurs parisiens peuvent arbitrer à proximité de leur domicile (c'est-à-dire supermarchés, magasins populaires, magasins de hard discount et supérettes), les dépenses des consommateurs du panel en hypermarché représentent moins d'un tiers de leurs dépenses combinées en supermarché, magasins populaires, magasins de hard discount et supérettes.
ii. Sur la zone de chalandise des hypermarchés de proche banlieue parisienne
285. L'évaluation de la pression concurrentielle des hypermarchés de banlieue nécessite, tout d'abord, d'identifier les hypermarchés qui font effectivement concurrence à certains magasins parisiens dans la mesure où ils constituent des alternatives réelles pour les consommateurs. Cette identification suppose donc de définir la zone de chalandise des hypermarchés de banlieue. Pour ce faire, l'analyse portera sur deux séries d'éléments : les spécificités de la clientèle parisienne des hypermarchés de banlieue et les distances parcourues par les consommateurs pour effectuer leurs courses alimentaires ainsi que la répartition géographique effective du chiffre d'affaires des hypermarchés concernés à Paris.
Les spécificités de la clientèle parisienne des hypermarchés de banlieue et les distances parcourues
286. La clientèle parisienne des hypermarchés de proche banlieue se caractérise par trois spécificités, qui la distinguent des clients d'hypermarchés sur le reste du territoire national.
287. En premier lieu, les consommateurs parisiens attribuent au critère de proximité une importance telle qu'il prévaut généralement sur d'autres éléments de choix d'un magasin tels que le prix des produits ou l'étendue des gammes proposées. Comme le mentionne Dia dans sa réponse au test de marché, "l'hyper-proximité à Paris intra-muros efface l'ensemble des segmentations tant par la surface de vente que par le concept commercial". D'après l'étude "Fréquentation, Performance & Image" 2012 de TNS Sofres, la proximité est citée comme étant la raison principale de fréquentation des supermarchés à titre principal, quelle que soit l'enseigne considérée (131), tandis que l'éloignement est la première cause d'abandon de fréquentation des hypermarchés à titre principal selon l'étude. Ce primat de la proximité dans les critères de choix se retrouve également dans la temporalité différenciée de l'acte d'achat entre hypermarchés et supermarchés : selon l'étude Kantar 2 les consommateurs du panel se sont rendus en hypermarché 2 fois par mois en moyenne, contre près de 5 fois pour les supermarchés.
288. En deuxième lieu, le boulevard périphérique de Paris constitue une barrière naturelle qui réduit considérablement l'incitation des Parisiens à se rendre en proche banlieue pour y faire leurs courses alimentaires. Comme le souligne Intermarché dans sa réponse au test de marché, "le périphérique de Paris constitue une barrière naturelle qui dissuade la clientèle parisienne d'effectuer ses achats alimentaires hors de Paris" (132). De la même façon, Système U souligne que "le périphérique constitue une frontière naturelle qui segmente les marchés géographiques" (133).
289. Enfin, en troisième lieu, les ménages ne disposant pas de voiture sont majoritaires à Paris (60 % (134)). Le faible taux d'équipement automobile des Parisiens implique que les déplacements vers la banlieue parisienne soient réduits. Système U soutient ainsi, dans sa réponse au test de marché, que "dans les grandes agglomérations et notamment à Paris, il y a de plus en plus de consommateurs qui ne possèdent pas de voiture et qui limitent tant leur distance de déplacement que le quantum de leurs achats qu'ils doivent porter à la main. Au-delà, beaucoup de consommateurs possédant une voiture ne l'utilisent pas pour leurs achats alimentaires ou élémentaires dans les très grandes agglomérations telles que Paris" (135).
290. Compte tenu de ces éléments, il convient d'apprécier l'étendue des zones de chalandise des hypermarchés de banlieue et, par conséquent, les magasins cibles situés à Paris sur lesquels ils sont susceptibles d'exercer une pression concurrentielle. Pour cette évaluation, à l'instar de la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence concernant des secteurs de distribution non-alimentaire, il est pertinent de considérer "que la zone de chalandise d'un point de vente peut être limitée à celle qui regroupe les clients représentant 80 % du chiffre d'affaires du point de vente ou 80 % des clients du point de vente, en fonction des données disponibles, dans le secteur du négoce de matériaux de construction de manière particulière comme dans d'autres plus largement. Le solde est considéré comme une clientèle ponctuelle et non significative, parfois d'ailleurs très éloignée du point de vente" (136). De la même manière, les zones de chalandise de magasins de distribution alimentaire ne peuvent être étendues au lieu de résidence d'une clientèle ponctuelle et non significative.
291. Afin de déterminer la zone de chalandise des hypermarchés de proche banlieue, trois opérateurs exploitant des hypermarchés en proche périphérie parisienne (Leclerc, Auchan et Carrefour) ont versé au dossier un ensemble de données permettant de localiser leurs clients parisiens. Auchan et Carrefour ont communiqué des cartes de zones de chalandise fondées sur des données issues de l'utilisation de cartes de fidélité par leurs clients. Ces données permettent en effet d'attribuer aux clients détenteurs de la carte une adresse de résidence. Leclerc a pour sa part communiqué des cartes définissant les zones de distribution des prospectus publicitaires pour chacun des hypermarchés concernés. Quelle que soit la méthode retenue, il ressort de l'étude de ces cartes que des zones de chalandise de 2 kilomètres de rayon environ sont cohérentes avec l'observation empirique de l'étendue réelle de ces zones, dans la mesure où la clientèle parisienne de ces hypermarchés est concentrée dans les quartiers de Paris les plus proches (137).
292. Les trois distributeurs concernés ont également transmis les pourcentages de chiffre d'affaires réalisés auprès de Parisiens, ventilés par arrondissement. Auchan, Carrefour et Leclerc utilisent différentes méthodes pour déterminer la localisation exacte des clients des hypermarchés concernés :
- Auchan associe directement le chiffre d'affaires des magasins à la localisation de ses clients grâce à des études dites de "zip Code", qui consistent à demander le Code postal de résidence des clients lors de leur passage en caisse ;
- Carrefour recoupe le chiffre d'affaires des magasins avec la localisation des clients détenant une carte de fidélité, la proportion de ces derniers étant significative pour ses hypermarchés ;
- Leclerc s'est fondé sur ses cartes de distribution de prospectus (zones déterminées sur la base de la densité de population des zones concernées et de l'accessibilité des magasins) et une estimation du pourcentage de son chiffre d'affaires réalisé auprès de clients parisiens sur la base des données issues de l'utilisation de ses cartes de fidélité. Ces estimations concordent avec le tracé des zones de prospectus.
293. Ces éléments permettent de constater que la zone de chalandise des hypermarchés de proche banlieue ne s'étend pas de manière significative dans des arrondissements parisiens situés au-delà d'une zone de 2 kilomètres autour de l'hypermarché.
294. En considérant une zone de chalandise de 2 kilomètres de rayon, onze hypermarchés de proche banlieue peuvent ainsi être considérés comme exerçant une pression concurrentielle effective sur le marché parisien (138), à savoir :
Enseigne / Localisation / Surface de vente totale (m²) / Surface de vente alimentaire (m²)
Auchan / Le Kremlin Bicêtre (94) / 10 000 / 6 281
Auchan / Issy-les-Moulineaux (92) / 6 450 / 4 677
Auchan / Bagnolet (93) / 15 000 / 7 852
Carrefour / Bercy/Charenton-le-Pont (94) / 12 902 / 6 815
Carrefour / Montreuil (94) / 6 880 / 3 863
Carrefour / Ivry-sur-Seine (94) / 13 900 / 7 754
Carrefour / Aubervilliers (93) / 4 000 / 3 237
Carrefour / Le Pré-Saint-Gervais (93) / 3 268 / 1 164
Leclerc / Clichy (92) / 6 583 / 5 000
Leclerc / Levallois-Perret (92) / 8 000 / 5 700
Leclerc / Pantin (93) / 3 430 / 2 700
295. La partie notifiante soutient cependant que la zone de 2 kilomètres retenue par l'Autorité est trop restreinte, compte tenu de la pénétration effective des hypermarchés sur le marché parisien. Au soutien de cette affirmation, la partie notifiante produit notamment une étude du cabinet Mapp, fondée sur la base de données du sondage Ipsos intitulé "Etude des comportements d'achat des Parisiens", qui estime que plus de 70 % des ménages parisiens dont le magasin principal est un hypermarché (139) habiteraient à plus de 2 kilomètres de ce magasin (140). Les personnes sondées n'ayant cependant pas communiqué cette information à Ipsos, le cabinet Mapp a estimé cette distance en approximant l'adresse des consommateurs (en la localisant au centre de l'IRIS (141) où il se trouve), et d'autre part, en retenant le magasin le plus proche de l'enseigne fréquentée à titre principal.
296. La partie notifiante se fonde également sur l'étude Kantar 2 pour étayer son propos. D'après cette étude, la part de marché des hypermarchés dans les achats des Parisiens s'établit à 18,4 %. Les hypermarchés situés dans Paris intra-muros totaliseraient 3,4 % de part de marché, et les 12 hypermarchés de banlieue les plus proches de Paris (142) 10,5 %. Ainsi, d'autres hypermarchés représenteraient au total une part de marché de 3,8 %, ce qui tendrait à prouver, selon les parties, qu'une partie significative des achats des Parisiens serait réalisée dans des hypermarchés implantés au-delà de la petite couronne parisienne.
297. Toutefois, contrairement aux conclusions qu'en tire la partie notifiante, ce résultat, qui démontre a contrario que 96,2 % des dépenses du panel sont consacrées aux points de vente situés à Paris et en proche périphérie, valide la définition du marché pertinent correspondant à une zone de 2 kilomètres autour des hypermarchés concernés, qui permet de couvrir l'essentiel des dépenses observées, le reste constituant une portion non significative des dépenses totales. En outre, selon les calculs des services d'instruction sur la base des données Kantar (143), les ventes des hypermarchés localisés hors de Paris et plus loin que la périphérie immédiate ne représentent que 1,6 % des dépenses des Parisiens dans les magasins de distribution à dominante alimentaire.
298. Par ailleurs, la partie notifiante s'appuie également sur des études réalisées par l'institut Nielsen pour justifier la prise en compte de la pression concurrentielle d'hypermarchés implantés au-delà de la petite couronne parisienne. En effet, pour apprécier la pression concurrentielle des hypermarchés de périphérie, les parties proposent de retenir des zones de chalandise autour des magasins cibles d'un rayon de 2 kilomètres, mais également d'inclure dans les zones de chalandise des cibles les hypermarchés représentant, selon Nielsen, un "risque" pour au moins 5 % du chiffre d'affaires du magasin cible. Ce "risque" est cependant évalué sur la base d'une estimation par Nielsen de la répartition géographique des chiffres d'affaires des magasins entre les ménages des zones géographiques adjacentes. Il ne se fonde pas sur la répartition effective de ce chiffre d'affaires. Compte tenu de la disponibilité de cette donnée en l'espèce, les estimations de l'institut Nielsen ne sont pas pertinentes aux fins de la présente analyse. En toute hypothèse, les parties ne justifient pas en quoi le seuil de 5 % de chiffre d'affaires "à risque" devrait justifier d'étendre la zone de chalandise des hypermarchés concernés.
299. En réalité, la pression concurrentielle imputable à des hypermarchés situés au-delà de la proche périphérie parisienne apparaît très limitée. Dans l'hypothèse même où l'analyse se fonderait sur les estimations avancées par le groupe Casino, les dépenses des parisiens consacrées à des hypermarchés éloignés de la périphérie représenteraient moins de 5 % de leurs dépenses totales. Ces hypermarchés sont donc, tout au plus, fréquentés à titre très ponctuel par une proportion extrêmement minoritaire de la clientèle parisienne. Ils ne constituent ni une alternative de proximité compte tenu de leur éloignement, ni une alternative réelle pour une partie significative des achats de produits alimentaires des consommateurs situés à Paris, compte tenu du montant très faible des dépenses qu'ils recouvrent.
300. Cette conclusion est confirmée par les données versées au dossier par les différents groupes exploitant les hypermarchés en question. Carrefour, qui exploite 70 % des hypermarchés de lointaine banlieue étudiés et listés ci-dessous, évalue à [25-30] millions d'euros le chiffre d'affaires alimentaire réalisé auprès de consommateurs parisiens par l'ensemble de ses hypermarchés implantés au-delà de la proche périphérie parisienne. De plus, Carrefour a communiqué la répartition du chiffre d'affaires de ces hypermarchés lointains dans les arrondissements parisiens. Aucun arrondissement ne représente plus de 2 % du chiffre d'affaires des hypermarchés concernés. Les ventes de chacun de ces hypermarchés représentent donc moins de 0,5 % des dépenses alimentaires totales des habitants des différents arrondissements (telles qu'estimées par la partie notifiante sur la base des données Kantar 2 dans son étude du 19 avril 2013 intitulée "Rôle et poids des hypermarchés hors Paris dans la consommation alimentaire des Parisiens"). La pression concurrentielle exercée par ces hypermarchés sur les magasins situés dans Paris intra-muros ne peut donc pas être considérée comme significative.
301. Seul l'hypermarché Auchan de la Défense, situé à plus de 2 kilomètres du périphérique parisien, fait exception à ce constat. Selon les données fournies par l'opérateur, cet hypermarché réalise environ 6,5 % de son chiffre d'affaires auprès de clients parisiens. Cependant, étant donné la localisation de cet hypermarché au cœur de la Défense, qui est un pôle d'emploi majeur, une part importante de ses ventes est réalisée auprès de salariés du lieu, qui n'habitent pas nécessairement dans les arrondissements parisiens limitrophes. En réalité, il s'avère que les clients parisiens de cet hypermarché sont disséminés dans Paris, si bien qu'ils ne représentent qu'une proportion très limitée de la clientèle de chaque magasin parisien : ceux-ci ne prennent donc pas en compte l'hypermarché de la Défense dans leur décision de prix ou d'assortiment, et cet hypermarché n'exerce pas de pression concurrentielle sur les magasins installés dans Paris intra-muros.
Hypermarché / % du CA alimentaire réalisé auprès de Parisiens
Auchan Vélizy (78) / [0-5] %
Leclerc Vitry-sur-Seine (94) / [0-5] %
Carrefour Aulnay sous Bois (93) / [2-5] %
Carrefour Gennevilliers (92) / [2-5] %
Carrefour Noisy le Grand (93) / [0-2] %
Carrefour Rungis Belle Epine (94) / [2-5] %
Carrefour Créteil Soleil (94) / [2-5] %
Carrefour Drancy (93) / [2-5] %
Carrefour Saint Denis (93) / [2-5] %
Carrefour Rosny sous Bois (93) / [2-5] %
Carrefour Sevran (93) / [0-2] %
Carrefour Stains (93) / [2-5] %
Carrefour l'Hay les Roses (94) / [0-2] %
Carrefour Ormesson (94) / [0-2] %
Carrefour Villejuif (94) / [2-5] %
Carrefour Tremblay en France (93) / [0-2] %
Carrefour Boulogne Billancourt (92) / [2-5] %
Carrefour Drancy (93) / [0-2] %
Carrefour Livry Gargan (93) / [0-2] %
Carrefour Montreuil Cœur de Ville (93) / NC (magasin ouvert le 7 décembre 2012)
Cora Arceuil (94) / [0-5] %
Cora de Livry-Gargan (93) / [0-5] %
Cora d'Ermont (95) / [0-5] %
Cora de Massy (91) / [0-5] %
Cora de Boussy-Saint-Antoine (91) / [0-5] %
302. Les exploitants des hypermarchés concernés confirment "qu'il est très difficile de faire passer le périphérique aux clients situés dans Paris" (144). La capacité des hypermarchés de proche banlieue à attirer la clientèle parisienne dépend essentiellement de leur accessibilité en voiture et en transports en commun. Le retour d'expérience d'Auchan, qui a ouvert un hypermarché au Kremlin Bicêtre en 2010, étaye ce constat : du fait des difficultés d'accès du magasin en voiture pour les parisiens, Auchan constate un écart de 50 % entre son chiffre d'affaires prévisionnel (fondé sur une estimation anticipant une partie significative de clientèle d'origine parisienne) et son chiffre d'affaires réel. Auchan relève ainsi que "l'attractivité du magasin pour les Parisiens est donc limitée à ceux qui sont prêts à s'y rendre en transports en commun" (145).
303. Carrefour confirme ce point, et explique que "la réalité des hypermarchés de banlieue est qu'ils sont très enclavés. Le magasin de Bercy est situé derrière un nœud autoroutier. Le magasin de Montreuil est difficilement accessible car il nécessite de passer la Porte de Montreuil, ce qui fait que les Parisiens n'y vont pas juste pour se rendre à l'hypermarché. De la même manière, à Aubervilliers, le centre commercial ne délivre pas l'accessibilité prévue : en réalité, il faut franchir la Porte d'Aubervilliers depuis Paris, ce qui est assez compliqué. Enfin, l'hypermarché d'Ivry est très éloigné de Paris" (146). Carrefour souligne donc que "le fait, pour les consommateurs, de pouvoir se rendre rapidement dans les hypermarchés est crucial" (147). L'opérateur fournit ainsi "des chiffres qui montrent que ces hypermarchés parviennent à attirer une clientèle parisienne, mais dans des proportions variables en fonction des magasins" (148).
304. Enfin, pour Leclerc, "ces hypermarchés visent principalement les clients des zones primaires, c'est-à-dire les clients qui vivent à proximité du magasin. Comme nous sommes en banlieue, les gens peuvent venir en voiture, mais généralement d'assez près, jamais de très loin" (149). Leclerc relève néanmoins que "le but était de toucher la clientèle parisienne située en proximité des hypermarchés. Les Parisiens ne font pas de grandes distances pour faire leurs courses" (150).
305. Au-delà de ces déclarations, deux types de données susceptibles de préciser la pression réellement exercée par les hypermarchés de banlieue sur la distribution à dominante alimentaire à Paris ont été recueillis dans le cadre de l'instruction : d'une part, les chiffres d'affaires des hypermarchés de proche banlieue effectivement réalisés auprès de clients parisiens porteurs de cartes de fidélité et, d'autre part, des éléments permettant de mesurer l'impact de l'ouverture d'hypermarchés de proche banlieue sur les chiffres d'affaires de magasins situés dans des zones limitrophes à Paris.
La répartition géographique du chiffre d'affaires des hypermarchés de proche banlieue
306. La majorité des opérateurs exploitant des points de vente à l'intérieur de Paris estime que les hypermarchés de proche périphérie n'exercent pas une concurrence frontale vis-à-vis de leurs magasins parisiens.
307. Dans sa réponse au test de marché, Auchan affirme ainsi que les hypermarchés de banlieue ne constituent pas une pleine alternative aux supermarchés et supérettes de Paris pour les consommateurs parisiens "pour des raisons de temps de voiture" (151). Dia admet que les hypermarchés de proche banlieue peuvent avoir un impact concurrentiel sur le marché parisien, mais tempère la portée réelle de cet impact en relevant que "les hypermarchés de proche banlieue n'exercent pas de pression concurrentielle sur Paris centre, et une pression limitée et de proximité sur les arrondissements périphériques (5 minutes à pied)." (152). Diapar estime de la même façon que la pression concurrentielle des hypermarchés des arrondissements limitrophes est "epsilonesque" (153). Dans le même sens, Carrefour, considère que ces hypermarchés "représentent une influence toute relative" sur le marché parisien.
308. La plupart des concurrents établissent ainsi une distinction entre le commerce de proximité parisien et les hypermarchés de banlieue, qui constituent à leurs yeux deux concepts dont la substituabilité est très imparfaite. La majorité des opérateurs auditionnés au cours de l'enquête ont d'ailleurs certifié ne pas tenir compte de la potentielle pression concurrentielle des hypermarchés de banlieue pour décider de l'implantation d'un nouveau point de vente.
309. Les données recueillies confirment que la proportion du chiffre d'affaires réalisé par les hypermarchés de petite couronne auprès de clients parisiens varie fortement selon les magasins. Comme mentionné, Auchan, Carrefour et Leclerc utilisent différentes méthodes pour déterminer la localisation exacte des clients des hypermarchés concernés : Auchan prend en compte des études dites de "zip codes", tandis que Carrefour et Leclerc se fondent sur des données de cartes de fidélité.
310. La méthode de "zip codes" utilisée par Auchan consiste à demander le Code postal du lieu de résidence des clients lors de leur passage en caisse. Les représentants du groupe ont précisé que "ces études nous permettent de comprendre quelles sont nos zones de chalandise" (154). Ce type d'études est réalisé deux fois par an pendant une semaine, du lundi au vendredi, toujours à la même période en juin et en novembre. Les caisses sont paramétrées pour que l'hôtesse de caisse interroge systématiquement un client sur quatre. Le Code postal est ensuite rattaché au ticket du client. La partie notifiante relève toutefois que cette méthode présente un biais, dans la mesure où les relevés en caisse sont effectués su lundi au vendredi, et ignorent le samedi qui est le jour de la semaine où la fréquentation des hypermarchés, en particulier par les Parisiens, est la plus importante. En réalité, la comparaison de ces données avec celles issues de l'utilisation des cartes de fidélités des clients d'Auchan permet de vérifier que les résultats obtenus sont cohérents et que les données résultant des études de "zip codes" ne sont pas affectées d'un biais sensible.
311. La partie notifiante soutient cependant que les cartes de fidélité sont détenues par les clients qui se rendent le plus fréquemment dans un magasin, ce qui impliquerait que les porteurs de cartes soient plus nombreux à proximité du magasin. Toutefois, le choix de détenir une carte de fidélité ne s'explique pas uniquement par la fréquence des achats, mais également par l'ampleur du panier moyen, quand bien même les achats seraient espacés. En tout état de cause, si tel était le cas, les données fondées sur les cartes de fidélité pourraient sous-estimer le poids des clients parisiens, résidant plus loin et potentiellement moins équipés en cartes de fidélité, dans le chiffre d'affaires des hypermarchés de banlieue. Cette hypothèse ne peut être écartée a priori, mais les parties ne fournissent pas de données tendant à la confirmer. De plus, l'analyse ci-après conduit à nuancer ce biais potentiel.
312. Les trois groupes qui exploitent des hypermarchés à proximité immédiate de Paris ont fourni le pourcentage des clients de ces magasins détenant une carte de fidélité. Ils représentent entre 45 et 65 % des clients des cinq hypermarchés Carrefour, entre 65 et 70 % des clients des hypermarchés Auchan, et 42 % des clients du centre Leclerc de Pantin. Les responsables des hypermarchés Leclerc de Clichy et Levallois, quant à eux, ont fourni non pas la proportion de porteurs de carte de fidélité dans leur clientèle, mais le poids de ces clients "encartés" dans le chiffre d'affaires total. Ce pourcentage est de l'ordre de 60 % pour l'hypermarché de Clichy, et de 70 % pour celui de Levallois. Dans la mesure où les détenteurs de cartes ont tendance à avoir un panier moyen plus élevé que les clients non encartés (155), les pourcentages communiqués par les autres hypermarchés constituent très probablement un minorant du poids des clients encartés dans le total du chiffre d'affaires de ces magasins.
313. En dépit de ce léger biais, les données issues des cartes de fidélité peuvent être considérées comme livrant une image relativement fidèle de l'ensemble de la clientèle compte tenu de la représentativité du chiffre d'affaires réalisé auprès de clients "encartés" (156).
314. Sur le fondement des informations obtenues auprès des opérateurs, le tableau suivant détaille la localisation de la clientèle parisienne des hypermarchés concernés. Pour des raisons de secrets d'affaires, les arrondissements qui représentent moins de 2 % du chiffre d'affaires d'un hypermarché donné ne sont pas indiqués. De telles ventes sont en effet marginales dans l'ensemble des dépenses alimentaires d'un arrondissement : pour donner un ordre de grandeur, en considérant un hypermarché réalisant 100 millions d'euros de ventes alimentaires (chiffre atteint par 3 hypermarchés seulement parmi les 12), une proportion de 2 % correspond à 2 millions, soit 0,4-0,6 % des dépenses alimentaires d'un arrondissement donné sur un total de 350-500 millions d'euros (157) :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
315. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'analyse retiendra donc une zone d'un rayon de 2 kilomètres autour des hypermarchés concernés. Afin de ne pas créer d'effets de seuils en excluant arbitrairement un hypermarché situé très près de cette zone, l'analyse tiendra compte de la pression concurrentielle exercée par des hypermarchés situés jusqu'à 2,2 kilomètres des magasins cibles parisiens.
iii. L'appréciation de l'interaction concurrentielle entre les magasins parisiens et les hypermarchés de banlieue
L'impact des ouvertures d'hypermarchés de proche périphérie sur les magasins situés dans Paris intra-muros
316. La partie notifiante fait valoir que les hypermarchés de banlieue exercent une concurrence croissante sur les magasins situés à Paris. En attesterait le développement de l'offre située aux portes de Paris avec les ouvertures récentes des hypermarchés Auchan du Kremlin Bicêtre (avril 2010) et Carrefour d'Aubervilliers (avril 2011), et la reconstruction et l'agrandissement de l'hypermarché Leclerc de Levallois-Perret (septembre 2012).
317. Afin de juger de l'ampleur de la pression concurrentielle effectivement exercée par les hypermarchés de proche banlieue sur les points de vente parisiens, l'instruction a porté sur l'impact concret de l'ouverture de ces hypermarchés sur les magasins situés à proximité dans Paris. Outre Casino et Monoprix, Auchan, Carrefour, Dia, Diapar et Lidl détiennent des points de vente dans Paris intra-muros situés à proximité des trois hypermarchés cités. Ces opérateurs ont communiqué l'évolution du chiffre d'affaires de ces points de vente 24 mois avant l'ouverture de l'hypermarché situé à proximité (159) jusqu'au premier trimestre 2013. La même information a été obtenue de la partie notifiante pour les magasins situés à proximité des hypermarchés concernés.
318. Les données obtenues des concurrents montrent que le chiffre d'affaires des points de vente concernés n'a pas subi d'inflexion particulière au moment de l'ouverture d'un hypermarché à proximité, ni au cours des mois qui ont suivi, sauf cas particuliers que les opérateurs attribuent à des évènements sans rapport avec l'ouverture de l'hypermarché concerné (rénovation, incident technique ou éviction en fin de bail). En toute hypothèse, dans ces derniers cas, le chiffre d'affaires de ces magasins a retrouvé un niveau et une tendance conforme à la période précédant l'ouverture de l'hypermarché dans les mois qui ont suivi cette ouverture ce qui, à tout le moins, atteste de l'absence d'effet durable sur leur chiffre d'affaires.
319. Les services d'instruction ont demandé les mêmes données à la partie notifiante pour [...] magasins exploités sous des enseignes Casino et Monoprix situés à proximité des trois hypermarchés ayant ouvert récemment. La partie notifiante a toutefois fait valoir que pour un grand nombre de ces magasins, l'analyse de l'évolution de leur chiffre d'affaires pour la période considérée n'était pas pertinente ou impossible à obtenir, dans la mesure où il s'agissait de l'un des cas particuliers suivants :
- magasins ayant ouvert après, ou peu de temps avant l'ouverture de l'hypermarché considéré ;
- magasins ayant subi une rénovation d'envergure durant la période analysée ;
- magasins dont un concurrent direct a fermé durant la période analysée ;
- magasins ne présentant pas d'offre alimentaire ;
- magasins anciennement affiliés ayant intégré le groupe Casino durant la période analysée (données antérieures à la consolidation non disponibles) ;
- magasins indépendants (données non disponibles).
320. Au total, la partie notifiante n'a communiqué des données de chiffres d'affaires que pour [...] magasins implantés à proximité des hypermarchés de banlieue ayant récemment ouvert.
321. [Confidentiel].
322. [Confidentiel] :
- [confidentiel] ;
- [confidentiel] ;
- [confidentiel].
323. [Confidentiel].
324. Globalement, les données recueillies démontrent donc que l'ouverture récente d'hypermarchés en proche périphérie n'a pas eu d'impact sensible et durable sur les chiffres d'affaires de points de vente parisiens localisés à proximité et n'a donc pas entraîné de transfert de chiffre d'affaires au détriment de ces magasins. Ce constat empirique contribue à étayer la substituabilité limitée des hypermarchés de proche banlieue aux supermarchés parisiens. L'interaction concurrentielle limitée entre ces points de vente est en outre cohérente avec les constatations tirées de l'observation des comportements des consommateurs.
Sur les comportements des consommateurs vis-à-vis des différents formats de magasins
325. Il ressort de l'étude du comportement des consommateurs, notamment en termes de fréquence d'utilisation des différents formats de magasins, que les hypermarchés de banlieue répondent à des besoins différents de ceux pour lesquels les consommateurs fréquentent les supermarchés et formes de commerce équivalents situés à l'intérieur de Paris.
326. Les observations de l'étude Kantar 2 permettent de connaître la fréquence de visite dans chaque format de distribution par les consommateurs du panel qui le fréquentent. Ces observations sont caractérisées par une différence marquée dans les fréquences de visite des différents formats de magasins, résumées dans le tableau suivant :
Format / Nombre de visites sur 12 semaines / Nombre de visites rapporté à 1 semaine
Supermarchés (160) (hors Monoprix, hard discount et supérettes ("proximité")) / 16,3 / 1,2
Format / Nombre de visites sur 12 semaines / Nombre de visites rapporté à 1 semaine
Magasins populaires / 9,9 / 0,8
Format / Nombre de visites sur 12 semaines / Nombre de visites rapporté à 1 semaine
Hard discount / 9,1 / 0,7
Format / Nombre de visites sur 12 semaines / Nombre de visites rapporté à 1 semaine
Proximité (enseignes ayant une surface moyennes de moins de 400 m²) / 8,7 / 0,7 /
Format / Nombre de visites sur 12 semaines / Nombre de visites rapporté à 1 semaine
Hypermarchés / 6,4 / 0,5
327. Si l'on restreint les observations aux hypermarchés, les consommateurs du panel Kantar fréquentant ces circuits y font environ deux actes d'achat par mois (161). La fréquence réduite des visites en hypermarchés est cohérente avec leur éloignement géographique des consommateurs, compte tenu de la plus grande taille de leur zone de chalandise (2 kilomètres). Elle doit en outre être rapprochée de l'importance des dépenses des consommateurs et de la nature de leurs achats dans ce format de magasin.
328. En effet, les hypermarchés, lorsqu'ils ne sont pas situés à proximité des consommateurs, c'est-à-dire à moins de 500 mètres d'eux, ne répondent pas à une demande de courses fréquentes et de relativement faible montant. La partie notifiante souligne à cet égard que le panier moyen du panel Kantar en hypermarché représente le double de celui consacré aux supermarchés. Ce seul constat ne renseigne toutefois pas sur l'importance de la pression concurrentielle qu'exercent les hypermarchés sur les supermarchés parisiens et formes de commerces équivalents, puisque la fréquence des visites d'hypermarchés est très inférieure. En réalité, les consommateurs du panel Kantar ont consacré en moyenne plus de 80 % de leurs dépenses alimentaires aux supermarchés, magasins populaires, magasins de hard discount et supérettes, contre 18,4 % aux hypermarchés (162).
329. Les éléments au dossier montrent en outre que les consommateurs utilisent les hypermarchés pour des dépenses focalisées sur les produits pondéreux et de stockage, différentes de celles effectuées dans les points de vente qu'ils fréquentent à Paris. Tel est également le constat de la partie notifiante qui relève, pour l'analyse du rôle joué par les hypermarchés pour les achats alimentaires des Parisiens, que "les dépenses alimentaires annuelles des Parisiens en hypermarchés sont comparables à celles réalisées en supermarchés (...) mais avec des comportements d'achats très différents : un nombre de visites beaucoup moins élevé en hypermarché qu'en supermarché (23 vs. 64 visites par an), mais des paniers moyens beaucoup plus importants (44 vs. 18). Les Parisiens fréquentent les hypermarchés surtout pour certains rayons (entretien, vin, liquides notamment) : les Parisiens vont ainsi en hypermarchés pour stocker des produits pondéreux et aussi pour trouver une offre plus large que celle qui leur est proposée dans les supermarchés" (163).
Critères qualitatifs d'appréciation de l'attractivité des hypermarchés
330. Les éléments recueillis auprès des différents opérateurs ont permis de définir les caractéristiques des hypermarchés favorisant leur attractivité auprès des consommateurs (164), à savoir : la surface de vente totale et alimentaire du magasin, la possibilité d'une livraison à domicile dans les arrondissements parisiens, la taille et l'attractivité de la galerie commerçante, la facilité d'accès en transports en commun, et l'accessibilité en voiture (déclarations des groupes exploitant les hypermarchés concernés).
331. L'application de ces différents critères à chaque hypermarché concerné a ensuite été croisée avec le pourcentage de chiffre d'affaires réalisé auprès de consommateurs parisiens par chaque hypermarché. Ces données confirment que :
- l'accessibilité, en transports en commun et en voiture, est un élément important de l'attractivité de ces hypermarchés. Les hypermarchés de proche banlieue cités qui réalisent la plus importante part de chiffre d'affaires auprès de clients parisiens ont une accessibilité en voiture jugée "moyenne" ou "forte" par les opérateurs ;
- les galeries commerçantes présentant un grand nombre d'enseignes, ainsi que des enseignes à fortes notoriété, s'avèrent particulièrement attractives pour le consommateur. C'est le cas notamment de l'hypermarché Carrefour d'Aubervilliers, inclus dans le centre commercial du Millénaire, ainsi que l'hypermarché Leclerc de Levallois, implanté au cœur du centre commercial So Ouest ;
- la surface de vente de l'hypermarché est également un critère primordial pour attirer les consommateurs parisiens. Ainsi, les hypermarchés ayant une surface totale supérieure à 10 000 m² (Auchan Kremlin Bicêtre, Auchan Bagnolet, Carrefour Bercy, Carrefour Ivry) réalisent en général plus de 20 % de leur chiffre d'affaires alimentaire auprès de Parisiens.
332. Les données recueillies auprès des opérateurs exploitant ces points de vente, ainsi que l'analyse de leurs critères d'attractivité, contribuent à illustrer le poids que chacun d'entre eux représente sur le marché parisien. L'évaluation quantitative de la pression concurrentielle attribuable aux hypermarchés dans chaque zone de chalandise parisienne permet de pondérer concrètement cette attractivité.
Sur la mesure quantitative de la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés de banlieue dans les zones de chalandise parisiennes
333. Il résulte de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus qu'il n'est pas pertinent d'affecter, ainsi que le suggère la partie notifiante, la totalité des surfaces de vente des hypermarchés dans les zones de chalandises parisiennes de magasins cibles situés à moins de 2,2 km de ces points de vente. Cette méthode aboutirait en effet à surestimer très significativement l'impact concurrentiel des hypermarchés dans les zones concernées en faisant comme si ils étaient effectivement localisés dans la zone du magasin cible. Si ces hypermarchés peuvent constituer pour les consommateurs de chacune de ces zones de chalandise un point de vente alternatif pour effectuer leurs achats, ils n'offrent pas le même service en termes de proximité. Ainsi, même si les consommateurs parisiens plébiscitent les hypermarchés lorsqu'ils sont interrogés sur leurs préférences, leur comportement effectif révèle des obstacles à une fréquentation plus assidue de ce circuit. Ceci explique pourquoi les ventes auprès des Parisiens sont toujours minoritaires dans le chiffre d'affaires des hypermarchés de périphérie, même les plus proches.
334. En outre, comme cela a été exposé, l'attractivité de ces hypermarchés varie fortement pour les consommateurs parisiens en fonction d'un ensemble de caractéristiques telles que la proximité ou l'accessibilité, et la proportion du chiffre d'affaires réalisé par ces hypermarchés auprès de clients parisiens est de ce fait très variable. L'analyse s'est donc fondée sur une estimation de la pression concurrentielle qu'ils exercent dans les zones de chalandise des magasins cibles compte tenu, notamment, des conditions d'accès et de l'importance du chiffre d'affaires réalisé auprès de clients localisés dans Paris intra-muros. Les trois méthodes alternatives suivantes ont été définies à cette fin.
- Sur la base des données communiquées par les opérateurs exploitant les hypermarchés de proche banlieue
335. A la demande de l'Autorité, les opérateurs exploitant les 11 hypermarchés de proche banlieue ont indiqué la part de chiffre d'affaires réalisée auprès de consommateurs parisiens, en ventilant ces données par arrondissement. Afin de pouvoir mesurer la pression concurrentielle de ces hypermarchés sur les points de vente présents dans les zones de chalandise parisiennes concernées par l'opération, le chiffre d'affaires réalisé auprès de Parisiens par ces hypermarchés a été converti en surfaces (on parlera d'"équivalents-surfaces alimentaires") dans les arrondissements concernés (165), en prenant en compte la moyenne de chiffre d'affaires au mètre carré réalisé par les magasins situés dans Paris intra-muros, à savoir 10 000 /m².
336. Par ailleurs, afin de prendre en considération le différentiel de chiffre d'affaires alimentaire au mètre carré entre les hypermarchés de banlieue (moyenne proche de 16 000 /m²) et les autres magasins situés dans Paris intra-muros (moyenne proche de 10 000 /m²), un coefficient correctif a été appliqué, dans le but d'intégrer dans l'analyse la plus forte attractivité des hypermarchés de banlieue par rapport aux points de vente parisiens. Les "équivalents-surfaces" ainsi calculés permettent d'évaluer la pression concurrentielle de ces hypermarchés dans chacun des arrondissements où réside leur clientèle parisienne.
337. Toutefois, répartir ces surfaces uniformément dans l'arrondissement ne serait pas conforme à la réalité. Pour retenir une approche plus réaliste, l'Autorité a considéré que les ventes d'un hypermarché dans un arrondissement s'effectuaient dans la partie de cet arrondissement qui se chevauche avec sa propre zone de chalandise, d'un rayon de 2 kilomètres (166).
338. Enfin, pour évaluer la pression concurrentielle d'un hypermarché périphérique sur les seules zones de chalandise des magasins cibles, cet équivalent-surface a été diminué à proportion du ratio entre le nombre de consommateurs de la zone de l'arrondissement couverte par la zone de chalandise de l'hypermarché et le nombre de consommateurs de la zone du magasin cible.
339. Une fois les ventes aux Parisiens de ces hypermarchés ramenées à un équivalent-surface applicable à une zone donnée, il est possible de tenir compte dans chaque zone de la pression concurrentielle qu'ils exercent sur les points de vente parisiens. L'application de cette méthode d'évaluation, dont les résultats sont détaillés ci-dessous, aboutit à réduire les parts de marché de la nouvelle entité dans les zones concernées. La part de marché cumulée de Casino et Monoprix dans les 10 zones concernées passe de [70-80] % à [60-70] % en moyenne.
- Sur la base de données issues de l'étude Kantar 2
340. La partie notifiante a suggéré une "piste de travail pour la prise en compte du poids des hypermarchés de périphérie dans les calculs des parts de surface", dans le cadre d'une étude du cabinet FHF du 4 avril 2013. Elle consiste à convertir les données recueillies par l'étude Kantar 2 en un équivalent de part de marché des hypermarchés non parisiens dans Paris intra-muros.
341. Concrètement, la partie notifiante déduit des observations du panel Kantar la part des dépenses alimentaires des ménages de chaque arrondissement parisien consacrée aux hypermarchés non parisiens (167). Le panel Kantar permet d'identifier, lorsque les panélistes le précisent, l'hypermarché dans lequel sont réalisés ces achats, ce qui permet de calculer le montant des achats réalisés dans les 11 hypermarchés de proche banlieue. Grâce aux données de l'Insee sur le nombre de ménages de chaque arrondissement et au budget moyen des ménages de l'arrondissement du panel Kantar, la partie notifiante en déduit les dépenses annuelles de l'arrondissement en hypermarchés non parisiens. Ce chiffre d'affaires est converti en un équivalent-surface alimentaire intra-muros, sur la base du ratio 10 000 /m². Il est donc possible de produire sur la base de ces données une estimation du poids global des 11 hypermarchés concernés dans les achats alimentaires des consommateurs de chaque arrondissement.
342. Comme pour la méthode précédente, les équivalents-surface des hypermarchés de banlieue dans chaque arrondissement ont ensuite été corrigés du rapport entre le nombre de consommateurs de l'arrondissement et celui de la zone du magasin cible. Cependant, il n'a pas été possible de concentrer, comme dans la méthode précédente, les ventes des hypermarchés dans la fraction de l'arrondissement correspondant à leur propre zone de chalandise : en effet, une partie des ventes des hypermarchés de banlieue non identifiés par les panélistes a été globalement attribuée aux 11 hypermarchés de proche périphérie, sans qu'il soit possible de les attribuer à l'un d'eux précisément. Par conséquent, il n'est pas non plus possible de les affecter à une zone de chalandise spécifique. L'équivalent-surface du chiffre d'affaires global réalisé par l'ensemble des 11 hypermarchés de banlieue a donc été réparti uniformément dans cet arrondissement.
343. Cette méthode est donc similaire dans son principe à la méthode précédente, mais en diffère par la source des données utilisées et par la répartition des ventes au sein d'un arrondissement. En moyenne, la part de marché de la nouvelle entité dans l'ensemble des zones concernée est de l'ordre de [60-70] %.
- Selon la méthode du consommateur hypothétique
344. Une dernière approche consiste à reprendre les principes de la méthode dite "du consommateur hypothétique", présentée dans les développements précédents, qui repose sur une agrégation des parts de surface calculées du point de vue de consommateurs hypothétiques, avec une pondération tenant compte du nombre de consommateurs réels qu'ils représentent. Cette méthode a été reprise dans le cadre de la présente opération, notamment parce qu'elle permet une prise en compte différenciée de la concurrence des hypermarchés de périphérie en fonction de leur localisation.
345. La méthode du consommateur hypothétique a été utilisée spécifiquement pour évaluer la pression concurrentielle exercée par les 11 hypermarchés de proche banlieue sur les magasins situés à Paris. La méthode a été appliquée sur la base des données communiquées par les hypermarchés de proche banlieue relatives au poids de chaque arrondissement dans leur chiffre d'affaires, de façon à construire, de la même manière que pour les deux précédentes méthodes, un "équivalent-surface alimentaire" de chaque hypermarché dans chaque arrondissement. La méthode a ensuite fait l'objet de deux corrections.
346. Le premier type de correction vise à éviter de surestimer le poids des hypermarchés dans les zones de chalandise. En effet, retenir, pour les supermarchés d'une part et pour les hypermarchés d'autre part, des rayons d'attraction respectifs de 500 m et 2 km conduit à définir des zones de chalandise 16 fois plus étendues pour les hypermarchés que pour les supermarchés. Prendre en compte la totalité de la surface alimentaire de l'hypermarché pour le calcul de sa part de marché du point de vue des consommateurs hypothétiques conduirait à lui attribuer une part de marché plus importante que celle qui correspond à ses ventes réelles sur une zone donnée.
347. Pour neutraliser ce biais, il a été choisi de retenir la totalité de l'équivalent-surface des hypermarchés de périphérie dans l'arrondissement étudié, et de corriger cette valeur par un coefficient reflétant l'écart de surface entre leur propre zone de chalandise et la zone de chevauchement entre celle-ci et l'arrondissement. Ce ratio a été obtenu en divisant le nombre de consommateurs hypothétiques dans la zone de chalandise d'un supermarché par celui de la partie de la zone de chalandise de l'hypermarché incluse dans l'arrondissement. Une correction similaire a été opérée pour tenir compte de la différence de taille des zones de chalandise entre supérettes et supermarchés (respectivement, 300 mètres et 500 mètres de rayon). Cette correction permet de refléter fidèlement, du point de vue des différents consommateurs, l'importance respective des dépenses effectuées dans chaque format de magasin.
348. La seconde correction vise à tenir compte du fait que le chiffre d'affaires au mètre carré est généralement plus élevé en hypermarché qu'en supermarché, différence déjà prise en compte dans les deux premières méthodes. Un coefficient multiplicateur spécifique à chaque hypermarché (égal à son chiffre d'affaires alimentaire au mètre carré divisé par 10 000 euros par mètre carré, valeur moyenne du chiffre d'affaires au mètre carré dans les magasins parisiens) a donc été appliqué aux surfaces de vente alimentaires des hypermarchés de la même manière que dans la première méthode.
349. La méthode du consommateur hypothétique présente une différence significative avec les méthodes précédentes : alors que ces dernières ignorent, au stade du calcul des parts de marché, les magasins situés au-delà de la frontière de la zone de chalandise, la présente méthode vise à tenir compte de tous les magasins accessibles (168) à chacun des consommateurs de la zone, même si ces magasins ne sont pas eux-mêmes localisés dans la zone du magasin cible. Ces magasins se voient ensuite attribuer un poids correspondant au nombre de consommateurs qui y ont accès, ce qui permet de calculer une part de marché pondérée dans l'ensemble de la zone de chalandise concernée. Par conséquent, cette méthode conduit à tenir compte de magasins supplémentaires situés à proximité mais au-delà de la frontière de la zone de chalandise, qui sont accessibles pour les consommateurs eux-mêmes situés en bordure de zone.
350. Par conséquent, cette méthode fournit un éclairage complémentaire sur les dynamiques concurrentielles locales. Elle aboutit à une moyenne des parts de marché de la nouvelle entité dans les zones problématiques de [60-70] %.
- Tableaux récapitulatifs
351. Ces calculs décrits dans les développements précédents aboutissent aux estimations suivantes en ce qui concerne le poids des hypermarchés de proche banlieue dans les 10 zones de chalandises concernées :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
352. Sur le fondement de ces estimations, la prise en compte de la pression concurrentielle exercée dans les zones parisiennes par les hypermarchés de proche banlieue pourrait diminuer les parts de marché que détiendra le groupe Casino de la façon suivante :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
353. Même si les résultats des différentes estimations présentent des écarts, la prise en compte de la pression concurrentielle des opérateurs conduirait à réduire parfois significativement les parts de marché de la nouvelle entité. Cependant, à l'exception de la zone de chalandise du Monoprix située 133 rue de Belleville, dans laquelle la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés Leclerc de Pantin et Carrefour du Pré Saint Gervais amène à relativiser considérablement la part de marché du groupe Casino, la seule pression concurrentielle des hypermarchés ne permet pas d'écarter les risques d'atteinte à la concurrence.
354. Ces estimations, en ce qu'elles intègrent la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés de banlieue dans les zones de chalandise parisiennes, seront toutefois retenues pour l'appréciation des remèdes nécessaires.
iv. L'appréciation de l'interaction concurrentielle entre les magasins parisiens et les hypermarchés situés dans Paris intra-muros
355. Quatre hypermarchés sont situés dans Paris intra-muros. Il s'agit des magasins suivants (169) :
Enseigne / Adresse / Surface totale / Surface alimentaire
Carrefour d'Auteuil, Paris 16e / 1 av du Général Sarrail / 5 855 m² / 4 099 m²
Carrefour Market, Paris 13e / 30 av d'Italie / 3 500 m² / 2 128 m²
Géant Casino, Paris 13e / 98 bd Masséna / 7 774 m² / 5 072 m²
Hyper Casino, Paris 13e / 125 bd Vincent Auriol / 2 962 m² / 2 064 m²
356. Les services de l'Autorité ont recueilli auprès de la partie notifiante et du groupe Carrefour, qui exploitent tous deux des hypermarchés situés dans Paris intra-muros, des données relatives à la localisation de leurs clients. La taille des zones de chalandise de ces hypermarchés parisiens varie sensiblement en fonction de la superficie du magasin considéré, mais tend à s'approcher, en moyenne, d'une zone de 2 kilomètres de rayon. Il peut donc être considéré que la zone de chalandise des hypermarchés Géant Casino boulevard Masséna, Hyper Casino boulevard Vincent Auriol, Carrefour d'Auteuil, et Carrefour Market avenue d'Italie, s'étend sur un rayon de 2 kilomètres.
357. Afin d'évaluer la pression concurrentielle de ces hypermarchés parisiens, la partie notifiante a proposé de prendre en compte l'intégralité de leur surface de vente alimentaire dans toutes les zones de chalandise dont le magasin cible est situé à moins de 2 kilomètres. Cette méthode, qui consiste à considérer que ces hypermarchés sont réellement situés dans ces zones de chalandise et peuvent être utilisés par les consommateurs de ces zones comme des magasins de proximité, aboutit cependant, pour les mêmes motifs que ceux déjà évoqués à propos des hypermarchés de banlieue, à surestimer très significativement leur impact concurrentiel dans les zones concernées.
358. De plus, ces hypermarchés ne réalisent pas la totalité de leur chiffre d'affaires sur une seule de ces zones de chalandise de 500 mètres de rayon puisque leur clientèle est répartie sur une zone 16 fois plus étendue, d'un rayon d'environ 2 km. Une estimation des parts de marché en valeur des différents points de vente à l'intérieur des zones de 500 mètres de rayon prendrait en compte les seules ventes réellement réalisées par l'hypermarché à l'intérieur de cette zone. Une estimation des parts de marché en surface ne peut donc s'éloigner de façon démesurée de ce que serait une estimation en valeur. Tel serait manifestement le cas si la totalité de la surface de vente d'un hypermarché était prise en compte pour chacune des zones de chalandise des points de vente cible situés à moins de 2 kilomètres de cet hypermarché.
359. Comme pour les hypermarchés de banlieue, l'Autorité a donc considéré que le poids de ces hypermarchés doit être mesuré sur la base d'une estimation des ventes qu'ils réalisent dans les seules zones de chalandise concernées. Etant donné le ratio existant entre la taille de la zone de chalandise attribuée aux hypermarchés, et celle des points de vente cibles il convient de diviser par 16 la surface de vente alimentaire des hypermarchés exerçant une pression concurrentielle sur une zone donnée, afin d'en déduire, similairement à l'approche retenue pour les hypermarchés de banlieue, un "équivalent-surface". Un facteur correctif, qui tient compte du chiffre d'affaires réalisé par mètre carré par les hypermarchés concernés, a également été pris en compte pour chacun des quatre magasins (170).
360. Les équivalents-surfaces ainsi calculés pour chacun des hypermarchés parisiens ont par la suite été intégrés dans les zones de chalandise parisiennes concernées.
2. LES BARRIÈRES À L'ENTRÉE
361. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations prévoient que "le pouvoir de marché d'une entreprise, même si elle dispose d'une part de marché élevée, peut être également efficacement limité non seulement par les réactions des concurrents déjà présents sur le marché mais également par le fait que le marché est contestable, c'est-à-dire qu'il est relativement facile pour de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché en cause" (171). Il convient donc d'apprécier l'importance des barrières à l'entrée pour des enseignes non encore présentes à Paris et pour l'expansion de concurrents déjà implantés.
362. La partie notifiante estime qu'il n'existe pas de barrières à l'entrée sur le marché de la grande distribution alimentaire à Paris. Elle fait valoir que l'ouverture de magasins de moins de 1 000 m² a été libéralisée et n'est plus soumise à un régime d'autorisation préalable depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (ci-après, "LME"). Elle relève encore l'existence d'une offre qu'elle estime importante de locaux commerciaux à Paris. Elle note en outre le développement du drive. A l'appui de cette argumentation, la partie notifiante a produit une étude économique dont l'objet est de démontrer que, contrairement aux conclusions de l'avis de l'Autorité de la concurrence n° 12-A-01, Casino ne jouit pas de positions locales stables à Paris (172). Elle conclut de cette étude que les concurrents de Casino sont en mesure d'entrer ou d'étendre leur position sur ce marché et le font en pratique, y compris à Paris.
363. A titre liminaire, il convient de rappeler que, contrairement à ce que suggère la partie notifiante, l'objectif de l'évaluation des barrières à l'entrée ne consiste pas à rechercher s'il existe des barrières insurmontables empêchant les concurrents de Casino de pénétrer le marché. Elle consiste à comprendre si l'entrée potentielle d'opérateurs absents du marché est possible dans des délais raisonnables et sur une échelle suffisante pour exercer une réelle contrainte sur l'entité issue de la concentration (173). Le Conseil d'Etat a d'ailleurs récemment jugé que la seule circonstance qu'un concurrent soit parvenu à entrer sur un marché n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer l'absence de barrières à l'entrée sur un marché (174).
364. En l'espèce, les éléments au dossier ainsi que les témoignages recueillis en séance étayent l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de la distribution à dominante alimentaire parisien qui découlent de la conjonction de la réglementation de l'urbanisme commercial, de la réticence des bailleurs et du verrouillage des réseaux (a) ainsi que de la faiblesse des surfaces adaptées disponibles et du coût du foncier et des baux commerciaux (b). La prégnance de ces barrières est en outre confirmée par l'absence de nouveaux entrants et le fait que les nouvelles ouvertures de magasins sont très majoritairement le fait des groupes Casino et Monoprix (c).
a) La réglementation de l'urbanisme commercial, la réticence des bailleurs et le verrouillage des réseaux
i. Le régime d'autorisation administrative pour les ouvertures de magasins d'une surface supérieure à 1 000 m²
365. Les opérateurs de la grande distribution alimentaire ayant répondu au test de marché considèrent que, malgré l'assouplissement réglementaire permis par la LME, le régime d'autorisation administrative pour les surfaces supérieures à 1 000 m² ainsi que le cumul de nombreuses procédures juridiques (obtention des accords du bailleur et des copropriétés) et réglementaires nécessaires pour l'ouverture d'un magasin (notamment l'obtention d'un certificat de non opposition à déclaration préalable ou autorisation d'exploitation commerciale, permis de construire, accord des Architectes des Bâtiments de France, accord du Tribunal de grande instance en cas d'exploitation de nouveaux magasins en location gérance) contribuent à freiner les implantations (175).
366. Le maintien d'un contrôle des implantations de surfaces commerciales de plus de 1 000 m² par les commissions départementales d'aménagement commercial ("CDAC") demeure un obstacle pour les opérateurs qui projettent d'installer une grande surface dans Paris intra-muros. De fait, historiquement, la Ville de Paris est défavorable à l'implantation de grandes surfaces alimentaires sur son territoire. Le rapport de l'APUR de janvier 2012 explique ainsi la faible présence des hypermarchés dans Paris intra-muros par "un refus fort de la Ville de leur implantation à partir des années 1970" (176).
367. Les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale sont régies par les articles L. 752-1 et suivants du Code de commerce. Pour les surfaces commerciales supérieures à 1 000 m², l'examen d'un dossier par la CDAC s'effectue dans un délai de 2 mois. La décision de la CDAC peut ensuite être contestée par la voie du recours administratif devant la commission nationale d'aménagement commercial ("CNAC") qui dispose d'un délai de 4 mois. En pratique les recours devant la CNAC contre les décisions d'ouverture mais également contre les décisions de refus sont fréquents puisque, en 2011, 48 % des surfaces examinées au plan départemental en ont fait l'objet (177). En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur de la grande distribution à Paris, les recours ont cependant été rares au cours de ces dernières années. La CNAC cite ainsi comme seul exemple récent l'extension de 644 m² d'un supermarché "Carrefour Market" de 999 m², portant sa surface de vente totale à 1 643 m², dans le 12ème arrondissement (178). On ne peut néanmoins pas exclure que les délais et l'incertitude attachés à cette procédure d'autorisation et à la possibilité de recours aient contribué à dissuader les projets d'ouverture de magasins alimentaires d'une surface supérieure à 1 000 m². L'ouverture de points de vente d'une surface inférieure à 1 000 m² permet ainsi aux enseignes d'éviter les formalités de l'autorisation d'exploitation commerciale (179).
368. La partie notifiante soutient cependant qu'avec 87 % de son parc de magasins de moins de 1 000 m² à Paris, Casino est particulièrement exposé à la libéralisation opérée en 2008 de ce type de magasin. En réalité, ce chiffre illustre uniquement le fait que les groupes disposant d'un parc de magasin et d'un savoir-faire particulier pour les formats inférieurs à 1 000 m², comme les groupes Casino, Monoprix ou Carrefour, sont davantage à même de tirer parti de cette libéralisation que d'autres groupes spécialisés dans l'implantation de magasins d'un format supérieur à 1 000 m² pour lesquels la demande d'autorisation d'exploitation commerciale demeure une importante barrière à l'entrée. Les groupes ITM, Leclerc, Auchan ou Système U disposent ainsi de peu d'implantations à Paris ou ont renoncé à s'y implanter (180).
ii. La politique de la Ville de Paris et les réglementations sur l'urbanisme et le droit au sol
369. La partie notifiante fait valoir que la Ville de Paris avait pour objectif de favoriser la diversité commerciale et préconisait une dynamisation de l'activité commerciale dans certains quartiers parisiens. Selon Casino, la mise en œuvre de cette politique contredirait l'idée que les réglementations sur l'urbanisme et le droit au sol constituent des barrières à l'entrée.
370. L'existence d'une politique favorable à la diversité commerciale n'est toutefois pas contradictoire avec le constat de barrières à l'entrée de nature à limiter la capacité des concurrents à contrecarrer le pouvoir de marché de la nouvelle entité dans les zones de chalandise situées à Paris. Ceci est d'autant plus le cas en l'espèce que les représentants de la Mairie de Paris ont réitéré en séance leur constat que l'importance des surfaces alimentaires détenues par les groupes Casino et Monoprix faisait courir un risque sur la diversité de l'offre aux consommateurs parisiens, que l'opération viendrait significativement renforcer. La Ville de Paris a ainsi indiqué que les préoccupations l'ayant conduite à saisir l'Autorité de la concurrence sur la situation concurrentielle du secteur de la distribution alimentaire à Paris, procédure qui a abouti à l'adoption de l'avis de l'Autorité n° 12-A-01, restaient prégnantes. Ainsi la Ville de Paris constate que la forte concentration du marché autour d'un opérateur dominant, le groupe Casino, et l'asymétrie entre celui-ci et le reste de l'offre à dominante alimentaire à Paris avaient au contraire tendance à se consolider malgré ses efforts en faveur de davantage de diversité.
371. Par ailleurs, plusieurs obstacles réglementaires contraignent l'implantation de nouveaux magasins à Paris. Ainsi, sur les surfaces parisiennes où l'implantation de supérettes est possible, un premier obstacle réside dans l'obtention du permis de construire. Selon Carrefour, pourtant bien implanté à Paris, la difficulté pour obtenir les autorisations de travaux et les permis de construire constitue au même titre que la rareté des surfaces disponibles un obstacle au développement (181).
372. De plus, le plan local d'urbanisme (ci-après, "PLU") de la Ville de Paris, adopté en septembre 2006 (182), interdit tout changement de destination des locaux commerciaux et artisanaux situés au rez-de-chaussée et en bordure de voie sur 260 km de voies. Il interdit également la transformation de surfaces d'artisanat (notamment l'artisanat alimentaire) en une autre destination sur une vingtaine de kilomètres de "rues-marchés" (comme par exemple la rue Montorgueil). Les délibérations du Conseil de Paris des 29 et 30 septembre 2009 (183) ont, dans le cadre de la modification générale du PLU, étendu les linéaires de voies protégées sur un peu plus de 2,2 km. La protection particulière de l'artisanat a pour conséquence d'exclure l'implantation de surfaces commerciales de types supérettes dans les zones visées par le PLU.
iii. L'obtention de l'accord des bailleurs et des copropriétés
373. L'implantation de magasins de distribution alimentaire dans des zones urbaines à forte densité de population comme Paris se heurte également à la réticence des copropriétés des immeubles concernés. L'avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-12 du 11 octobre 2007 relatif à la législation sur l'équipement commercial mentionnait déjà que "le refus opposé par certaines copropriétés à l'installation de commerces susceptibles de générer des nuisances sonores ou olfactives" contribuait à expliquer la difficulté d'implanter des petits commerces alimentaires en centre-ville (184). Plusieurs groupes de distribution à dominante alimentaire actifs à Paris ont confirmé que "l'accord des copropriétés propre à l'immeuble où est implanté le point de vente constitue très souvent un problème" (185).
374. L'ensemble des formalités se traduit en tout état de cause par l'écoulement d'un délai important entre la décision d'ouverture et l'ouverture effective des magasins. A Paris, Carrefour estime ce délai, pour un magasin de moins de 1 000 m², sous réserve que toutes les autorisations soient obtenues sans difficulté et que le projet ne nécessite pas l'obtention d'un permis de construire, à 5 mois entre la date de signature du compromis et la date d'ouverture au public du magasin. Ce délai doit cependant être rallongé de 7 ou 8 mois pour l'obtention d'un permis de construire, voire plus en cas de recours contre ce permis de construire. Il doit enfin être rallongé, en moyenne, de 4 mois en cas de refus (fréquent) de la copropriété. Dia estime ainsi, à Paris, la durée d'un projet de la phase d'étude à la fin des travaux à environ 20 mois. Cette période inclut une période de 2 mois pour l'obtention des autorisations des copropriétés et une période d'environ 7 mois pour l'accomplissement de l'ensemble des formalités administratives (186). Selon les différents éléments recueillis par l'instruction, le délai d'ouverture d'un magasin de moins de 1 000 m² est donc, au mieux, de l'ordre de 2 ans. Toutefois, les éléments du dossier et certains témoignages en séance montrent que les délais sont fréquemment retardés notamment en raison de difficultés à obtenir l'accord des copropriétés.
iv. Le verrouillage des réseaux
375. Enfin, il existe une barrière spécifique pour les enseignes qui se font concurrence pour attirer de nouveaux franchisés et développer leur réseau de magasins à Paris. Diapar/G20 évoque ainsi le "verrouillage contractuel des indépendants assorti de harcèlement judiciaire à l'encontre d'éventuels démissionnaires" (187).
376. Dans l'avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d'affiliation de magasins indépendants et aux modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, l'Autorité a en effet constaté l'absence de mobilité des magasins indépendants liée aux relations tant contractuelles que capitalistiques qu'entretiennent les groupes de distribution alimentaires avec leurs magasins affiliés. En particulier, certains dispositifs contractuels et capitalistiques mis en œuvre par les groupes de distribution dans leurs relations avec leurs affiliés, comme des durées d'engagement relativement longues, des droits d'entrée au paiement différé, des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles et des droits de priorité, ont pour objet ou effet de dissuader l'affilié de sortir du réseau.
b) La faiblesse des surfaces adaptées disponibles et le coût du foncier et des baux
377. La faible disponibilité (i) et le coût très élevé du foncier à Paris (ii) constituent, selon les éléments du dossier et les témoignages des groupes de la grande distribution, les principales barrières à l'entrée sur le marché parisien (188).
i. La faible disponibilité des surfaces adaptées
378. Les groupes de distribution sont en concurrence avec les opérateurs d'autres secteurs d'activité pour acquérir le foncier commercial disponible, en particulier les emplacements les plus vastes. A Paris, moins de 1 % des commerces parisiens avaient en 2003 une surface de plus de 1 000 m². Cette situation a peu évolué, puisque seuls 300 commerces disposaient d'une telle surface en 2011 parmi lesquels seulement une cinquantaine de supermarchés et les quatre hypermarchés parisiens (189). En ce qui concerne les surfaces plus petites, en 2008, les surfaces de vente comprises entre 300 et 999 m², étaient au nombre de 769 dont 372 pour le commerce alimentaire (190). Au total, la très grande majorité des commerces à dominante alimentaire disposent, à Paris, d'une surface inférieure à 1 000 m².
379. Cette caractéristique du marché limite l'impact de la LME sur les opportunités réelles d'implantation à Paris. La rareté du foncier commercial est ainsi unanimement soulignée par les opérateurs de la grande distribution : Dia, une enseigne pourtant positionnée sur des moyennes surfaces (environ 450 m²), considère qu'une des premières difficultés à Paris réside dans "la rareté des magasins d'alimentation de taille suffisante sur le marché" (191) ; Carrefour relève de plus que, "s'agissant du format hypermarché, il n'existe que très peu de possibilités d'implantation à Paris intramuros" (192) ; Aldi rapporte également qu'"il n'existe pas actuellement de possibilités d'implantation significatives sur Paris" (193) ; et Système U considère enfin qu'"il n'y a plus de terrains ni de locaux adéquats disponibles à Paris" (194).
380. Le groupe Casino est donc le seul opérateur à considérer que le marché parisien offre un foncier commercial abondant. La partie notifiante soutient en effet que "les possibilités de développement à Paris sont donc certaines et d'autant plus importantes qu'il y existe une faible densité de la grande distribution alimentaire" (195). Il faut en réalité distinguer entre la densité commerciale selon que l'on prend en compte ou non les hypermarchés. La Mairie de Paris constate ainsi, qu'en matière d'équipement commercial, Paris se distingue fortement des autres grandes villes par une faible densité en hypermarchés. Cependant, la ville est également caractérisée par "une densité commerciale deux fois plus importante que certaines grandes villes de province comme Nice, Lyon, Toulouse ou Marseille, trois fois plus importante que les communes limitrophes et nettement supérieure à celle observés dans les grandes villes européennes comme Londres et Milan qui n'affichent respectivement que 183 et 162 commerces pour 10 000 habitants" (196).
381. Pour illustrer la disponibilité foncière dont elle se prévaut néanmoins, la partie notifiante a transmis une liste de 260 locaux de plus de 120 m² situés à Paris intra-muros qui lui auraient été proposés depuis le 1er janvier 2010 mais qu'elle n'aurait cependant pas pris à bail. Ces chiffres sont toutefois peu signifiants dans la mesure où la partie notifiante n'a pas été à même de préciser quelle proportion était réellement adaptée à l'implantation de commerces à dominante alimentaire, et n'est parvenue à identifier que 18 locaux (soit 7 % du total des emplacements prétendument disponibles) qui auraient fait l'objet d'une acquisition par une enseigne concurrente de la grande distribution alimentaire généraliste (197). Elle rapporte également que certains des locaux de cette liste ont fait l'objet d'une reprise sans rapport avec une activité de vente au détail (198) ou avec le commerce à dominante alimentaire (199).
382. Finalement, la partie notifiante se prévaut du contexte économique de crise et des difficultés éprouvées par plusieurs groupes disposant d'implantations commerciales à Paris, dont le retrait actuel ou à venir créerait des opportunités d'acquisition de surfaces importantes adaptées à des magasins à dominante alimentaire. La partie notifiante fournit ainsi deux exemples de locaux vacants à Paris et soutient que les difficultés de certaines entreprises pourraient les conduire à céder des surfaces de vente situées à Paris dans un avenir proche. Toutefois, elle n'apporte pas le moindre élément de nature à démontrer que de telles surfaces seraient adaptées à l'installation d'un magasin à dominante alimentaire ou, à supposer une telle installation possible, en quoi elle serait de nature à apporter un contrepoids au pouvoir de marché du nouvel ensemble. En tout état de cause, le caractère isolé et très hypothétique des exemples dont se prévaut la partie notifiante n'est pas de nature à contredire le constat de l'insuffisance des surfaces disponibles pour permettre l'entrée ou le développement de concurrents à une échelle suffisante pour exercer une pression concurrentielle sensible sur l'entité issue de la concentration.
ii. Le coût élevé des emplacements à Paris
383. Les concurrents du groupe Casino soulignent le montant élevé des loyers, droit au bail, ou "droit d'entrée" (achat du fonds de commerce) à Paris. Ainsi, Lidl estime que "la rareté des locaux conformes à nos nouveaux standards ainsi qu'une valeur locative excessive et des droits d'entrée prohibitifs rendent notre développement dans Paris compliqué" (200). De la même manière, Intermarché évoque, à Paris, des "loyers exorbitants qui se cumulent au droit au bail prohibitif" (201). Système U souligne également que "le prix du foncier est la principale raison de notre faible implantation à Paris" (202).
384. Les différentes estimations versées au dossier rapportent des montants de loyers de l'ordre de 30 à 100 % plus élevés à Paris qu'en province (203). Le coût de l'investissement au m² pour l'implantation d'un point de vente à Paris apparaît très nettement supérieur à celui constaté en province en raison, notamment, du prix des fonds de commerce parisiens, des droits au bail élevés et des travaux à réaliser. Carrefour estime ainsi que, pour un supermarché (204) (enseigne Carrefour Market), l'investissement locatif (matériel et second œuvre) au m² est 155 % plus élevé à Paris qu'en province. Pour les magasins de proximité (enseigne Carrefour City), Carrefour estime que le coût de l'investissement au m² est de l'ordre du double de ceux de province. Dia évalue que, pour les magasins de son enseigne, le coût d'investissement hors coût du fonds de commerce (coût des travaux de gros et second œuvre, coût d'aménagement, droit au bail) est entre 20 et 25 % plus élevé à Paris qu'en province (205). G20 constate en outre que le montant du droit au bail et le coût d'achat des fonds de commerce ont considérablement augmenté depuis le début des années 2000 (206). Ces éléments étayent une différence de coût d'investissement au m² entre Paris et la province de l'ordre de 35 à 40 %, conformément aux constats de l'Autorité dans son avis n° 12-A-01 (207).
385. Le coût élevé de l'immobilier contraint ainsi dans une certaine mesure la politique tarifaire des enseignes, qui doivent couvrir ces coûts par les résultats de l'exploitation des magasins. Il s'ensuit que le coût du foncier représente une barrière particulièrement sensible à Paris pour les groupes de distribution alimentaire souhaitant maintenir au niveau local une compétitivité prix conforme à leur politique tarifaire nationale. Ceci contribue à expliquer que, Leclerc, second groupe de distribution alimentaire en France, n'est pas présent à Paris, dans la mesure où il considère qu'"à Paris, les charges d'exploitation et en particulier le coût de l'immobilier font que l'exploitation de magasins y est difficilement conciliable avec notre politique de prix" (208).
c) Les nouvelles entrées et les ouvertures de magasins à Paris
i. Les obstacles à l'implantation de nouveaux entrants
386. Les lignes directrices de l'Autorité précisent que "certaines de ces barrières à l'entrée peuvent être plus franchissables pour certains concurrents potentiels que pour d'autres. De ce fait, l'identification précise de candidats potentiels à l'entrée sur le marché accroit la vraisemblance de ces entrées" (209). Ainsi le marché parisien est caractérisé par des barrières spécifiques à certains groupes concurrents de Casino. Ces barrières contribuent à expliquer pourquoi, malgré une assise financière importante, ces opérateurs demeurent faiblement développés à Paris.
387. La partie notifiante n'identifie aucun nouvel entrant sur le marché parisien dans une période récente à l'exception de l'enseigne britannique Marks & Spencer. Marks & Spencer n'a cependant ouvert à ce jour à Paris qu'un point de vente d'une surface totale de 1 500 m², dotée d'une surface et une offre alimentaire marginale, non assimilable à celle d'un supermarché (210). La partie notifiante fait également valoir l'inauguration par le groupe Auchan d'un magasin de proximité au concept nouveau, dénommé "A deux pas", dans le 20ème arrondissement (211).
388. Les groupes de distribution alimentaire organisés en groupements d'indépendants, à savoir Système U, Intermarché et Diapar/G20, relèvent que cette forme d'organisation constitue un obstacle au développement à Paris par rapport aux groupes intégrés. Ces derniers sont en effet mieux à même de faire face à la "surenchère de la part des propriétaires immobiliers sur le prix des murs, ou sur les prises à bail" (212) que des groupements d'indépendants dont le fonctionnement repose sur un modèle d'autofinancement de chaque point de vente et qui ne peuvent donc compenser les résultats des magasins moins rentables par les chiffres d'affaires tirés d'autres activités. De plus, les groupes Système U et G20 soulignent que la recherche de financement individuel pour des commerçants indépendants est généralement incompatible avec la réactivité attendue des preneurs sur le marché immobilier parisien. Système U relève ainsi que "la structuration de l'immobilier à Paris implique que nous nous positionnions très en amont, pour apporter une réponse dans un délai très court - qui peut être d'une journée" et estime donc que "ce n'est pas compatible avec la recherche de financements d'un commerçant indépendant" (213).
389. Ceci contribue à expliquer la faible présence des enseignes de Système U et Intermarché à Paris. Le groupement Diapar/G20 éprouve également des difficultés à accroître sa présence à Paris malgré sa volonté de développement. L'évolution de la présence de G20 à Paris apparaît ainsi plutôt stable : pour 5 magasins ouverts entre avril 2011 et Février 2013 par G20, 5 autres magasins G20 ont été affiliés au groupe Casino pendant la même période (214). La perte de magasins par G20 au profit du groupe Casino a été encore plus marquée dans les années précédentes, Diapar/G20 constatant avoir "été freinés par la politique de rachat systématique de Casino. Au total, nous avons perdu près de 40 points de vente sur une période d'environ 3 ans (sur 120 points de vente environ), quasiment tous rachetés par Casino" (215).
390. Enfin, la logistique peut constituer une barrière à l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché parisien, notamment lorsqu'ils sont spécialisés dans l'exploitation de magasins de grand format. Le manque d'incitation à se développer sur le marché parisien pour des enseignes spécialisés dans les grands formats de magasins est notamment rapporté par Dia qui estime que "concernant de potentiels nouveaux entrants, la difficulté pour des opérateurs qui ont un parc d'hypermarchés ou de supermarchés repose sur la difficulté d'opérer sur des formats plus petits, imposant d'autres contraintes et ratios de gestion" (216). Les impératifs logistiques de l'implantation d'hypermarchés en proche périphérie diffèrent donc de ceux qu'impose l'implantation de surfaces de vente plus modestes dans Paris intra-muros. L'implantation dans Paris semble donc requérir un savoir-faire que ne possèdent pas des groupes spécialisés dans des magasins de type hypermarché.
ii. Les nouvelles ouvertures de points de vente de groupes implantés à Paris
391. L'Autorité de la concurrence a relevé, dans son avis n° 12-A-01, que "l'augmentation du nombre de magasins à Paris n'a pas entraîné de bouleversement dans la structure de marché, la part de marché de Casino n'ayant pas diminué au cours des cinq dernières années" et que "le poids du groupe Casino dans [les] nouvelles ouvertures risque de pérenniser la structure de marché actuelle" (217). L'Autorité a ainsi constaté que Casino et Monoprix étaient responsables de la majorité des nouvelles implantations, en surface comme en nombre de points de vente.
392. Le groupe Casino conteste ces conclusions et s'appuie sur l'étude du cabinet Mapp qui, en se fondant sur la méthode du "consommateur hypothétique", observe le nombre de groupes différents auxquels appartiennent les magasins accessibles à un client. Un magasin est considéré comme accessible lorsqu'il est situé à moins de 300 m (pour les magasins de moins de 400 m²) ou à moins de 500 m (pour les magasins de plus de 400 m²) à vol d'oiseau du client considéré, voire à moins de 2 kilomètres s'il s'agit d'un hypermarché.
393. L'étude constate la création, entre 2005 et 2012, de 262 magasins nouveaux de plus de 120 m², soit une surface totale de vente de 89 124 m². 71 % de ces créations ont été le fait des parties, à savoir 54 % par Casino et 17 % par Monoprix. On compte ainsi 120 magasins sous enseigne Franprix parmi les 143 magasins ouverts entre 2005 et 2012 par le groupe Casino, 38 magasins sous enseigne Monop' et 5 sous enseigne Monoprix parmi les magasins ouverts par Monoprix. En termes de surface alimentaire, 44,4 % des surfaces alimentaires nouvelles sont le fait du groupe Casino et 15,2 % du groupe Monoprix, soit près de 60 % pour le nouvel ensemble. Leurs principaux concurrents à Paris ont connu un développement nettement moins important puisque Francap ne représente que 8,2 % des surfaces alimentaires nouvelles, Carrefour 6,6 %, Lidl 3,7 % et Dia 2,9 %.
Enseigne / Nombre de magasins ouverts entre 2005 et 2012 / Surface alimentaire totale (218)
Auchan / 5 / 3 861
Carrefour / 20 / 6 804
Casino / 143 / 45 914
Dia_Ed / 10 / 3 001
Francap / 30 / 8 540
Lidl / 6 / 3 857
Monoprix / 44 / 15 832
Systeme U / 4 / 1 315
Total général / 262 / 89 124
394. Ainsi, le développement du groupe Carrefour à Paris, dont la partie notifiante se prévaut, reste limité. Les représentants du groupe ont ainsi rappelé en séance qu'un grand nombre des points de vente Carrefour à Paris résultaient de simples changements d'enseignes de magasins déjà affiliés au groupe (sous l'enseigne "Shopi" notamment), et non de réelles créations de magasins. La partie notifiante, qui se fonde sur un listing fourni par Carrefour pour affirmer que la branche proximité du groupe Carrefour aurait ouvert plus de 100 magasins dans Paris intra-muros depuis 2005, dont 44 depuis 2011, commet une erreur de fait. Ces chiffres incluent des changements d'enseignes et de très petits magasins d'une surface de moins de 120 m². Les réelles créations de magasins par la branche proximité du groupe Carrefour représentent en réalité 79 magasins parmi lesquels seulement 22 sont dotés d'une surface supérieure à 120 m². Depuis 2011, 28 magasins ont été créés dont seulement 13 ont une surface supérieure à 120 m².
395. Le groupe Auchan n'a pour sa part ouvert à Paris que 5 nouveaux magasins sous enseignes "Simply Market" et "A deux pas" entre 2005 et 2010. Les représentants du groupe estiment en effet qu'"il existe peu de possibilité d'implantation pour les supermarchés, même de taille réduite. Nous ciblons la première couronne" (219).
396. Dia déclare quant à lui que son positionnement sur le hard discount rend son développement à Paris plus difficile dans la mesure où, "pour les opérateurs opérant des concepts avec des niveaux de prix de vente aux consommateurs plus élevés que les nôtres, les barrières de coûts du foncier, coûts logistiques exercent moins de pression, leur modèle économique permettant la prise en compte de niveaux de charges plus élevés" (220). Si Lidl explique pour sa part qu'il ne souhaite pas s'implanter "massivement" (221) dans Paris en raison des barrières économiques au développement, Dia exprime le souhait "d'investir les quartiers où nous ne sommes pas présents" (222). La Mairie de Paris observe toutefois qu'entre avril 2011 et février 2013 "les magasins de discount Lidl et Dia ne marquent pas d'évolution notable" (223).
397. Le fait que les nouvelles ouvertures soient essentiellement attribuables aux groupes Casino et Monoprix se reflète dans leur part de marché moyenne (calculée du point de vue de chaque consommateur hypothétique et pondérée par la population), qui a légèrement augmenté entre 2005 et 2012 :
Part de marché (moyenne pondérée) / 2005 / 2012
Casino / [30-40] % / [40-50] %
Monoprix / [20-30] % / [20-30] %
Casino + Monoprix / [50-60] % / [60-70] %
398. L'étude du cabinet Mapp fait cependant valoir que l'apparente stabilité des parts de marché masquerait des dynamiques concurrentielles très vives au niveau local et que, notamment, le nombre de Parisiens qui localement n'auraient accès qu'au seul groupe Casino ou à deux groupes seulement, parmi lesquels le groupe Casino, aurait diminué entre 2005 et 2012. En l'espace de 7 ans, le nombre de Parisiens ayant localement accès au seul groupe Casino est passé de 7,7 % en 2005 à 6,2 % en 2012, soit une baisse d'un peu plus de 1 point de pourcentage. De la même manière, le nombre de Parisiens ayant localement accès à deux groupes, parmi lesquels le groupe Casino, est passé de 26,4 % en 2005 à 22,7 % en 2012, soit une baisse de 4 points de pourcentage.
399. Ces évolutions constatées sur une période de sept ans semblent toutefois très limitées. De plus, une approche en nombre de groupes uniquement ne prend pas en compte les évolutions du nombre de magasins et des surfaces. De fait, une approche en parts de marché en surfaces montre qu'une plus forte proportion de consommateurs (73 % en 2012 contre 65 % en 2005) fait face à une situation prépondérante de Casino et Monoprix :
[Confidentiel]
400. Enfin, le recensement effectué par la DDEEES de la Mairie de Paris224 sur la base d'une méthode empirique qui croise des observations de terrain, l'exploitation d'informations légales et l'utilisation des supports de communication des enseignes confirment que le développement plus rapide des groupes Casino et Monoprix par rapport à leurs concurrents tend à se poursuivre. Ainsi, entre avril 2011 et février 2013, la DDEEES a recensé, hors changement d'enseigne, l'ouverture à Paris de 39 points de vente Casino et Monoprix (dont 19 Franprix et 11 Monop') contre l'ouverture de seulement 21 points de vente par deux enseignes concurrentes : 16 points de vente pour le groupe Carrefour (dont 9 Carrefour Express et 6 Carrefour City) et 5 points de vente G20. Sur cette période il y a donc eu près de deux fois plus d'ouvertures de magasins par Casino ou Monoprix que d'ouvertures de magasins par des enseignes concurrentes.
3. LA DIFFÉRENCIATION ENTRE LES ENSEIGNES DU GROUPE CASINO ET MONOPRIX
401. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations soulignent que "lorsque le ou les marchés concernés par la concentration sont des marchés de produits ou de services différenciés, la proximité des offres des parties à l'opération constitue l'un des facteurs susceptibles d'influer sur la probabilité qu'une opération entraîne des effets horizontaux significatifs" (225). La partie notifiante fait valoir que la différenciation tant horizontale que verticale entre Monoprix et les enseignes du groupe Casino est de nature à limiter les effets anticoncurrentiels de l'opération. Selon Casino, les différences de surface, de techniques de vente et d'assortiment expliqueraient que Monoprix ne constitue pas un proche substitut de Franprix, la principale enseigne de Casino à Paris.
402. La partie notifiante produit plusieurs études à l'appui de son propos :
- une étude du cabinet FHF (226) qui relève les différences entre Monoprix et Franprix en termes de format de magasins, de largeur d'assortiment (Monoprix proposant une offre non-alimentaire et une offre alimentaire plus large que Franprix), d'offre MDD (nature des produits, qualité), d'offre de services (rare chez Franprix), et de prix (Franprix étant centré sur le discount et Monoprix sur des produits plus onéreux, positionnés "premium") ;
- un sondage Ipsos (227) auprès de 2 000 foyers parisiens selon lequel Franprix serait l'une des enseignes les plus différentes de Monoprix ;
- une étude du cabinet Mapp (228) qui démontrerait que Casino ne serait pas incité, à l'issue de l'opération, à augmenter les prix de Monoprix compte tenu de la présence d'enseignes concurrentes, plus directement substituables que Franprix, vers lesquelles se reporteraient les consommateurs.
403. En tout état de cause, ces études, produites par la partie notifiante pour les besoins de la cause, doivent être confrontées aux autres éléments au dossier, et notamment aux documents internes des parties, dans la mesure où leurs conclusions ne sont pas conciliables (a). Il conviendra ensuite d'examiner les incidences des éléments de différenciation dont se prévaut la partie notifiante sur les interactions concurrentielles sur les marchés concernés (b).
a) Sur les éléments relatifs à la différenciation entre Monoprix et les enseignes du groupe Casino
404. De nombreux documents internes, émanant tant de Monoprix que de Casino, démontrent que les parties se considèrent mutuellement comme de proches concurrents à Paris. [Confidentiel].
405. Le constat d'une proximité concurrentielle significative entre Monoprix et Franprix ressort également des résultats du test de marché. En effet, Carrefour, Dia et Francap, qui sont les principaux concurrents des groupes Casino et Monoprix dans Paris intra-muros, considèrent tous que les enseignes Monoprix et Franprix figurent parmi leurs trois concurrents les plus proches. Ce constat, alors même que ces enseignes sont positionnées sur des créneaux distincts, relativise l'idée d'une forte différenciation entre les enseignes de proximité à Paris.
406. Une étude de l'institut TNS Sofres (229), versée au dossier au cours de l'instruction et n'ayant pas été élaborée pour les besoins de la cause, aboutit à une conclusion similaire pour les enseignes Casino Supermarchés (230) et Monoprix, ces deux enseignes ayant, selon l'étude, des positionnements très proches :
- les mêmes motifs de fréquentation par les consommateurs (231) : facilité d'accès, praticité et carte de fidélité. Il faut tout de même noter que pour Monoprix le choix figure parmi les motifs de fréquentation, ce qui n'est pas le cas pour Casino Supermarchés ;
- les mêmes motifs d'abandon par les consommateurs (232) : prix élevés, éloignement et perte de temps.
407. En outre, les éléments au dossier illustrent une certaine convergence en termes de positionnement tarifaire entre les enseignes Monoprix et Casino. [Confidentiel].
408. Concernant les éléments non tarifaires de différenciation, les documents internes de Monoprix indiquent [confidentiel].
b) Sur les conséquences de la différenciation sur les interactions concurrentielles entre Monoprix et les enseignes du groupe Casino
409. Deux études versées au dossier par la partie notifiante mettent en exergue les facteurs qui, selon Casino, limiteraient la substituabilité entre les enseignes du groupe et Monoprix. La première, du cabinet FHF, fait état de différences de format, d'assortiment, de politique et de positionnement des produits sous MDD, de service et de positionnement tarifaire. La seconde, établie par le cabinet Mapp, vise à recouper les différentes dimensions de la différenciation entre les enseignes. Sur la base notamment d'enquêtes consommateurs réalisées par l'institut Ipsos, Mapp a procédé à une analyse en composantes principales ("ACP") qui permet de réaliser une cartographie des enseignes et de les réunir au sein de groupes présentant des caractéristiques communes sur la base de critères objectifs.
410. La méthode ACP conduit ainsi à regrouper les différents critères utilisés en deux grandes catégories qui forment les axes. Chaque axe correspond à une combinaison de plusieurs caractéristiques. Dans le graphique ci-dessous, l'axe horizontal correspond à la surface/diversité de choix, croissante en allant vers la droite (où l'on trouve les hypermarchés) et l'axe vertical correspond au niveau de prix, décroissant en allant vers le haut (les magasins de hard discount sont placés en haut) :
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>
411. L'étude conclut que Monoprix serait plus éloigné de Franprix en termes de caractéristiques qualitatives ou tarifaires que des autres enseignes de supérettes, supermarchés ou même d'hypermarchés, constatant que "les deux principales enseignes, Franprix et Monoprix, appartiennent à deux regroupements différents et sont fortement différenciées. Les enseignes Simply Market + Atac, Carrefour City, Carrefour Market et Intermarché ont un positionnement intermédiaire entre Franprix et Monoprix".
412. Il est toutefois notable que cette conclusion, à la supposer fondée, ne serait valable que pour les enseignes Franprix et Monoprix. En revanche, la partie notifiante regroupe les enseignes de proximité Casino, Franprix et Monop'.
413. En ce qui concerne les enseignes Monoprix et Franprix, la partie notifiante conclut néanmoins de cette étude que, dès lors qu'un consommateur dispose, dans un rayon de 500 mètres, d'un magasin aux caractéristiques plus proches de Monoprix que ne l'est Franprix (par exemple), il se reportera vers celui-ci, et non vers Franprix, en cas de hausse des prix de Monoprix. Elle observe à cet égard que la très grande majorité des Parisiens sont justement dans une telle situation : en raisonnant sur des consommateurs hypothétiques, auxquels est attribué un poids correspondant à la population qu'ils représentent, elle constate que 88,6 % des Parisiens, soit n'ont pas accès à la fois à l'enseigne Monoprix et à l'enseigne Franprix, soit ont accès à ces deux enseignes mais aussi à des enseignes plus proches de Monoprix en termes de positionnement que ne le serait Franprix. Ainsi, selon la partie notifiante, pour 88,6 % des Parisiens, l'opération notifiée n'induirait aucune diminution du surplus, dans la mesure où soit l'incitation à augmenter les prix de Monoprix n'est pas modifiée par l'opération, soit les consommateurs disposeraient d'une alternative à Monoprix plus satisfaisante que Franprix, dissuadant ainsi la nouvelle entité d'augmenter ses prix. Elle obtient un résultat analogue dans l'hypothèse d'une hausse des prix de Franprix : l'opération n'accroîtrait pas les incitations à la hausse des prix de Franprix pour 94,3 % des Parisiens.
414. Par ailleurs, l'étude vise explicitement à s'abstraire de tout critère lié au positionnement géographique des magasins, pour apprécier la "proximité" selon une perspective "purement qualitative" et non géographique entre les différentes enseignes. Elle postule donc, dans ses conclusions, qu'un consommateur serait indifférent à la localisation des différents magasins auxquels il a accès dans un rayon de 500 mètres. La partie notifiante soutient donc que, même si un magasin Franprix est situé à proximité d'un Monoprix, un consommateur insatisfait d'une hausse des prix dans cette enseigne ira plus loin pour trouver une enseigne "plus proche", comme un supermarché Casino (11 magasins à Paris), un Simply Market (11 magasins) ou Carrefour Market (18 magasins).
415. Toutefois, si la différenciation qualitative ou tarifaire des enseignes peut influencer le choix du magasin fréquenté, la différenciation en termes de localisation joue un rôle crucial. En effet, de nombreux éléments au dossier montrent que le critère de proximité est déterminant pour le choix de leurs magasins par les consommateurs parisiens. L'étude TNS relative à la "Fréquentation, Performance & Image des GMS", précitée, constate ainsi que pour l'ensemble du territoire français, "de manière encore plus forte qu'en hyper, la proximité est LA raison de fréquentation des enseignes" pour les supermarchés. En effet, 74,1 % des personnes interrogées répondent que "la facilité d'accès, proximité" constituent le motif de fréquentation d'un supermarché. Ce chiffre est encore plus élevé s'agissant des supermarchés Casino (79,4 %) et des magasins Monoprix (76,9 %).
416. Ces résultats ont été confirmés par les tiers. Les résultats du test de marché établissent la proximité du point de vente comme un critère primordial pour le choix du consommateur. De la même manière, les distributeurs auditionnés insistent sur le caractère crucial de la proximité à Paris. Les représentants de Dia évoquent une "hyper-proximité" propre au marché parisien et estiment que cette caractéristique fait passer au second plan le concept commercial qui peut caractériser une enseigne spécifique, expliquant que "sur certains marchés et en premier lieu le marché parisien intra-muros, la structure concurrentielle efface toute catégorisation. L'ensemble des concepts étant substituable dans l'approche du consommateur ce dernier privilégiant l'hyper-proximité. (...) L'hyper-proximité à Paris intra-muros efface l'ensemble des segmentations tant par la surface de vente que par le concept commercial" (233).
417. Lidl estime aussi que "le critère de proximité joue beaucoup" (234) et précise que cela vaut à plus forte raison pour Paris car "les consommateurs de Paris intra-muros ont pour la plupart les moyens financiers de privilégier la proximité" (235). Système U considère quant à lui que "la proximité du point de vente reste le premier facteur d'attraction, pour toutes les enseignes. En réalité, les autres critères (prix, pratique, habitude, etc) peuvent uniquement faire la désaffectation d'un magasin. En d'autres termes, les consommateurs fréquentent l'enseigne la plus proche de chez eux, même si elle est la plus chère, sauf s'il y a une vraie bonne raison de ne pas la fréquenter" (236) ajoutant que "plus on est dans un milieu urbain, plus le critère de proximité et d'accessibilité est important" (237). De la même manière, Auchan relève que "la distance entre le consommateur et le point de vente prévaut sur la taille de la surface de vente. Le consommateur Parisien reste dépendant de sa capacité à porter ses achats à bout de bras" (238).
418. Enfin, l'importance du critère de la proximité à Paris ressort de l'étude Ipsos "étude des comportements d'achat des parisiens" produite par la partie notifiante. Cette étude, spécifique à Paris, constate ainsi que "proximité et praticité" (239) sont privilégiées pour le choix d'un point de vente dans le cas des courses à titre principal et à titre secondaire. L'étude relève que, "preuve de la proximité physique du Parisien avec son point de vente, dans le cas des courses effectuées à titre principal, 65 % des Parisiens ne dépassent pas leur quartier et 86 % trouvent leur magasin près de leur domicile, 69 % s'y rendent à pied, phénomène encore renforcé pour les courses à titre secondaire" (240).
419. Il n'est donc pas pertinent, sur le marché parisien, d'apprécier l'incidence de la différenciation en termes de positionnement des enseignes sur l'intensité des interactions concurrentielles sans tenir compte de la proximité géographique des magasins concernés. En effet, compte tenu de l'importance de la proximité géographique pour le choix du consommateur, au sein même de la zone de 500 mètres autour de son domicile, un client de Monoprix préférera probablement, en cas de hausse des prix dans cette enseigne, se reporter vers un Franprix géographiquement proche plutôt que vers un magasin plus comparable à Monoprix, mais plus éloigné. Or, comme les magasins du groupe Casino sont les plus nombreux à Paris, ce phénomène de report vers le magasin le plus proche leur bénéficiera fréquemment, et la présence d'un concurrent plus similaire à Monoprix dans la zone ne suffira pas à dissuader la partie notifiante d'augmenter ses prix.
420. La partie notifiante observe néanmoins qu'à supposer que les consommateurs arbitrent uniquement entre la proximité géographique et le prix, pour 90,2 % des Parisiens, les deux enseignes les plus proches de leur domicile ne seraient pas Franprix et Monoprix. Par conséquent, ces consommateurs ne seraient pas exposés à un risque de hausse des prix. Ce raisonnement est cependant incomplet et ne tient pas compte du comportement du consommateur : en réalité, compte tenu de la localisation géographique des magasins par rapport aux consommateurs, les consommateurs exposés à un risque de hausse de prix seraient non seulement ceux pour lesquels les deux enseignes les plus proches sont Franprix et Monoprix, mais également ceux qui, au fur et à mesure qu'ils s'éloignent de leur domicile, doivent passer devant des magasins Casino et Monoprix avant de pouvoir accéder à un magasin concurrent. En effet, dans une telle hypothèse, si les deux magasins les plus proches d'un consommateur appartiennent au groupe Casino et le suivant à Monoprix, l'opération pourrait permettre au groupe Casino d'accroître le prix des deux magasins les plus proches, puisque le magasin vers lequel se reporterait le consommateur insatisfait appartiendrait également à l'entité fusionnée et ne concurrencerait donc pas activement les magasins Casino. Près de 15 % des consommateurs parisiens se trouvent dans une telle configuration.
421. Par ailleurs l'analyse doit être conduite dans chaque zone de chalandise, et non sur l'ensemble du marché parisien. Dans les 47 zones présentées dans lesquelles l'opération entraîne un risque d'atteinte à la concurrence en renforçant le groupe Casino et en réduisant les alternatives concurrentielles disponibles aux consommateurs, 31 % en moyenne des consommateurs voient se succéder des magasins Casino puis Monoprix (ou l'inverse) avant d'atteindre un magasin concurrent. Dans ces zones, une proportion significative des consommateurs insatisfaits d'éventuelles hausses des prix ne pourrait donc pas, en allant au plus près, reporter leurs achats sur des concurrents de la nouvelle entité.
4. L'INCITATION À AUGMENTER LES PRIX OU RÉDUIRE LA QUALITÉ DE L'OFFRE DE LA NOUVELLE ENTITÉ
422. La partie notifiante soutient qu'elle n'aura aucune incitation à augmenter les prix de vente aux consommateurs de ses différents magasins une fois la concentration réalisée. Elle conteste en effet tout lien entre la détention de fortes parts de marché dans les zones de chalandises et les prix et la qualité de l'offre de ses magasins (a). Elle allègue, en outre, qu'elle ne sera pas incitée à augmenter les prix, notamment des magasins cibles, malgré les reports éventuels de clients vers ses propres enseignes et produit, à l'appui de son propos, une évaluation quantitative de ses incitations (b).
a) Sur le lien entre position concurrentielle locale et les prix et la qualité de l'offre
423. Les effets anticoncurrentiels de la concentration étant examinés au niveau local des zones de chalandise, il convient d'examiner dans quelle mesure les conditions locales de concurrence influent sur les prix et, de manière plus générale, les caractéristiques de l'offre des parties.
424. La partie notifiante conteste tenir compte des conditions locales de concurrence pour élaborer son offre. Elle verse deux études du cabinet Mapp dont le but est de démontrer l'absence de lien entre la détention de fortes positions locales et les prix et la qualité de l'offre dans les zones de chalandise concernées. La première étude, concernant l'"Analyse du positionnement tarifaire de Franprix et Monoprix" (241), analyse le lien entre la position concurrentielle locale et les prix pratiqués. L'étude postule que l'opération ne pourrait aboutir à une augmentation des prix que si un lien causal entre concentration locale et niveau des prix peut être constaté au préalable et conclut que tel ne serait pas le cas en l'espèce. La seconde étude, qui porte sur "L'absence de lien entre qualité et position concurrentielle locale" (242), analyse le lien entre qualité de service et position concurrentielle locale. L'étude cherche à apprécier le risque que l'opération incite les magasins des groupes Casino et Monoprix dans certaines zones parisiennes à baisser la qualité de service. Elle estime que le constat, avant l'opération, selon lequel la détention d'une part de marché localement élevée n'est pas associée à une moindre qualité de service permettrait de déduire qu'il est peu probable que l'opération conduise à une dégradation de la qualité de service.
425. Il convient de confronter ces conclusions aux éléments du dossier relatifs à la prise en compte des conditions locales de concurrence par Monoprix (i) et Casino (ii).
i. L'incidence des conditions locales de concurrence pour Monoprix
426. Selon les explications de la partie notifiante, la politique de prix des Monoprix parisiens est déterminée en fonction [confidentiel] :
- [confidentiel ;
- [confidentiel].
427. Les conditions de concurrence des zones de chalandise ([confidentiel]) contribuent donc significativement à la segmentation tarifaire des magasins du groupe Monoprix. [Confidentiel].
428. [Confidentiel].
429. [Confidentiel].
430. [Confidentiel].
431. [Confidentiel] :
[Confidentiel]
432. Cette analyse atteste de l'existence d'un suivi de la sensibilité des zones tarifaires définies par Monoprix aux conditions de concurrence dans leurs zones de chalandise.
433. En outre, Monoprix prend en compte l'ensemble des paramètres locaux de concurrence, y compris non-tarifaires, pour déterminer sa propre politique. Ceci est particulièrement vrai à Paris où Monoprix suit l'impact des ouvertures de magasins concurrents sur ses propres activités, [confidentiel]. Contrairement à la présentation de la partie notifiante, l'affrontement concurrentiel, notamment entre Monoprix et Franprix, porte donc sur la qualité du service offert aux clients, [confidentiel].
ii. L'incidence des conditions locales de concurrence pour Casino
434. Les objectifs et principes de tarification des enseignes du groupe Casino prennent également en compte les conditions locales de concurrence dans les zones de chalandise des magasins. [Confidentiel].
435. [Confidentiel] :
[Confidentiel]
436. [Confidentiel].
437. [Confidentiel].
438. Il s'ensuit que, contrairement aux arguments présentés par la partie notifiante, les documents internes de Monoprix et du groupe Casino tiennent compte des conditions locales de concurrence dans la stratégie de tarification.
b) Sur l'estimation du risque de hausse de prix à partir du calcul des indices GUPPI
439. L'analyse des effets unilatéraux entraînés par une concentration s'effectue sur la base d'un faisceau d'indices. Ce faisceau inclut notamment les résultats de l'addition des parts de marché des parties à l'opération, la nature de la concurrence qui s'exerce sur le marché, la proximité concurrentielle des parties et la pression concurrentielle des concurrents actuels ou celle qui émane de concurrents potentiels. L'Autorité examine ainsi, outre les parts de marché des parties, l'éventuel déséquilibre des forces en présence à l'issue de la concentration, les déterminants de la stratégie commerciale de la nouvelle entité, en particulier tarifaire, et la capacité de réplique des concurrents. Cette analyse porte donc non seulement sur l'environnement concurrentiel pertinent, mais aussi sur les stratégies que cet environnement induit, pour en tirer des prédictions sur le comportement des opérateurs dans une vision prospective.
440. Un test quantitatif comme celui proposé par Farrell et Shapiro en 2010 (243), basé sur les reports de clientèle entre magasins en cas d'augmentation de prix et sur leur profitabilité, peut venir utilement compléter ce faisceau d'indices en quantifiant les incitations de la nouvelle entité à augmenter ses prix. Pour contribuer à l'appréciation du risque d'effet unilatéral de hausse des prix, la partie notifiante a donc versé au dossier une étude (244) calculant les indices bruts de pression à la hausse du prix (Gross Upward Price Pressure Index ou "GUPPI") de Monoprix et du groupe Casino à l'issue de l'opération.
441. Le calcul de ces indices nécessite de disposer des taux de report de clientèle en cas de hausse des prix entre les magasins concernés (ou "ratios de diversion"), des taux de marge sur coût variable et des indices de prix pour les enseignes concernées. La partie notifiante a donc proposé une estimation de la fonction de demande dont elle déduit des ratios de diversion. Elle produit également une étude (245) pour justifier le taux de marge sur coût variable retenu pour le calcul du GUPPI.
442. La partie notifiante déduit de ce test quantitatif que le risque de hausse des prix de Monoprix ou des enseignes du groupe Casino après la prise de contrôle exclusive de Monoprix par le groupe Casino serait relativement faible. Toutefois, plusieurs hypothèses adoptées pour l'estimation de la fonction de demande contribuent à sous-estimer l'incitation du groupe Casino à augmenter ses prix à l'issue de l'opération. Il convient donc de revenir sur l'estimation de la fonction de demande (i) avant d'examiner les calculs de GUPPI (ii).
i. L'estimation de la fonction de demande
Description du modèle
443. Le modèle de demande présenté par la partie notifiante est établi sur la base des données recueillies dans le sondage de l'institut Ipsos relatif aux dépenses des consommateurs versé au dossier par Casino (246). Le modèle de demande cherche à prédire le choix de "l'enseigne fréquentée à titre principal", à savoir le choix de l'enseigne où un consommateur a fait plus de la moitié de ses achats alimentaires au cours des 6 derniers mois. Il se base sur :
- les caractéristiques individuelles du consommateur : CSP, âge, détenteur d'une automobile, etc. ;
- les caractéristiques de l'enseigne : surface, nombre d'employés, de caisses, de places de parking, ainsi que la force relative dans quatre catégories de produits (247) (produits de grande consommation, produits frais en libre-service, produits frais traiteur, droguerie-hygiène-parfumerie), part des MDD et niveau des prix (basé sur des indices de prix de marques nationales pour chaque enseigne hors hard discount, à Paris et en proche périphérie) ;
- la distance entre le consommateur et chaque enseigne (on suppose pour chaque enseigne que le magasin fréquenté est celui le plus proche du domicile).
444. En pratique, le choix des individus est modélisé de la façon suivante : chaque consommateur attribue aux différentes enseignes une note reflétant l'utilité (ou la satisfaction) qu'il en retire, sur la base des critères énumérés au paragraphe précédent. Le modèle prédit que l'enseigne ayant obtenu la meilleure note sera celle fréquentée à titre principal par le consommateur. Or, comme les données de l'institut Ipsos identifient l'enseigne fréquentée à titre principal par chaque consommateur, il est possible, par un raisonnement inverse, d'en déduire les poids accordés aux différents critères par l'ensemble des consommateurs. Une fois les déterminants des choix des consommateurs connus et formalisés sous la forme d'une fonction de demande (248), le modèle est utilisé pour prédire l'impact qu'auraient des modifications dans l'offre des enseignes.
445. L'étude soumise par la partie notifiante utilise notamment ce modèle pour prédire, dans le cas d'une hausse des prix de Monoprix, la proportion des clients quittant Monoprix qui choisiraient à la place, pour magasin principal, les enseignes Casino Supermarchés, Franprix et Leader Price, c'est-à-dire le "taux de report de Monoprix vers Casino". De même, elle prédit le taux de report des enseignes Franprix et Casino Supermarchés vers Monoprix dans l'éventualité d'une hausse des prix de ces enseignes. Plus le taux de report vers d'autres magasins de la nouvelle entité est élevé, plus son incitation à augmenter les prix à l'issue de la concentration est elle-même élevée.
446. En revanche, la partie notifiante indique ne pas disposer des données nécessaires pour prédire le taux de report vers Monoprix en cas de hausse des prix chez Leader Price. Par ailleurs, ce modèle ne fournit pas le taux de report entre les autres enseignes des groupes Casino et Monoprix, notamment l'enseigne Monop' (48 magasins à Paris), puisqu'il ne porte que sur les magasins fréquentés à titre principal. Or cette enseigne de proximité est positionnée, dans l'analyse qualitative fournie par la partie notifiante, plus près de Franprix que ne l'est Monoprix.
447. Ce modèle comporte d'autres limites qui ont pour conséquence de sous-estimer de manière significative les taux de report entrant dans le calcul de l'indice GUPPI, conduisant ainsi à minorer le risque et l'ampleur de la hausse de prix consécutive à l'opération.
Les limites du modèle
- La focalisation du modèle sur le magasin fréquenté à titre principal
448. L'étude soumise par la partie notifiante utilise des données du sondage de l'institut Ipsos portant sur le choix, par chaque consommateur, de son magasin principal, défini comme l'enseigne dans laquelle il a réalisé plus de 50 % de ses achats à dominante alimentaire au cours des six mois qui précèdent l'enquête. Ces résultats sont analysés au travers d'un modèle Logit permettant d'identifier les déterminants de ce choix d'enseigne principale en comparant les niveaux d'utilité qu'obtiendrait chaque consommateur en faisant ses courses parmi les 12 enseignes les plus fréquentées à titre principal, ou sur Internet/hors distribution organisée (le "bien extérieur" dans cette étude).
449. La limite de cette analyse est que les consommateurs n'arbitrent pas entre les enseignes de cette façon. En effet, à chaque fois qu'ils décident de faire leurs courses, les consommateurs arbitrent entre les différentes enseignes sans immédiatement faire une distinction entre des enseignes principales ou secondaires. En effet, le consommateur compare simplement les niveaux de satisfaction (utilité) apportés par les différentes enseignes disponibles, parmi lesquelles celle qui deviendra, à terme, son magasin à titre principal et les autres magasins, qui deviendront ses enseignes secondaires ou occasionnelles. L'"enseigne principale" est obtenue par comparaison entre les montants cumulés d'achats dans les différentes enseignes fréquentées par un consommateur à l'issue de plusieurs arbitrages successifs sur une période de 6 mois. Or le modèle estimé néglige cet aspect dynamique de la comparaison : l'arbitrage étudié (choix d'une enseigne principale pour six mois consécutifs) n'est pas nécessairement celui réalisé concrètement par les consommateurs (choix d'une enseigne lors de chaque acte de courses). Comme le mode de calcul des élasticités-prix croisées repose sur l'hypothèse que le modèle Logit représente bien la manière dont les consommateurs effectuent leurs arbitrages, ce modèle risque donc d'être mal spécifié, entraînant des estimations biaisées des élasticités-prix croisées des consommateurs (249).
450. Cette limite pourrait expliquer l'écart entre les taux de report calculés par l'étude et ceux déclarés par les consommateurs eux-mêmes dans le sondage Ipsos. En effet, Ipsos a interrogé les clients fréquentant Monoprix à titre principal, en leur demandant ce qu'ils feraient suite à une hausse de prix de 5 à 10 % dans cette enseigne (question 13). [...] % des clients, représentant [...] % des clients qui cesseraient de fréquenter Monoprix à titre principal, déclarent qu'ils feraient leurs courses dans un "supermarché de centre-ville", catégorie majoritairement composée de Franprix. Cette question est exactement celle à laquelle le modèle cherche à répondre, et pour laquelle il trouve cependant un taux de report vers les supermarchés de centre-ville de [...] % ([...] % pour Franprix). En revanche, les sondés qui cesseraient de fréquenter Monoprix à titre principal ne sont que [...] % à déclarer qu'ils iraient en hypermarché, alors que le modèle prédit un taux de report de [...] % vers les hypermarchés. Les écarts entre les résultats du sondage Ipsos et ceux tirés de la fonction de demande des parties, résumés dans le tableau suivant, sont donc significatifs et tendent à sous-estimer les reports des clients vers les enseignes du groupe Casino :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
451. Dans ses observations en séance, la partie notifiante a contesté la fiabilité des réponses à la question 13 ("Vous avez répondu faire vos courses à titre principal chez (...). Si les prix dans les magasins (...) augmentaient de 5 % à 10 % alors que les prix dans les autres types de commerce n'augmentaient pas, où iriez-vous alors faire vos courses à titre principal ?"), qu'elle a pourtant elle-même conçue, au motif que la proportion de consommateurs déclarant qu'ils cesseraient de fréquenter Monoprix à titre principal ([...] %) suite à une hausse des prix de 5 % à 10 % serait excessive. Selon elle, la littérature économique empirique atteste du manque de fiabilité des réponses de consommateurs portant sur des comportements futurs dans des scénarios hypothétiques. Mais, à supposer que les consommateurs aient tendance à surestimer leur propension à changer d'enseigne en cas de hausse de prix, par exemple parce qu'ils mesurent mal le surcoût que représente une hausse des prix de 5 à 10 %, rien n'indique en revanche que leur propension à choisir l'une ou l'autre des catégories d'enseignes, qu'ils sont déjà susceptibles de fréquenter en parallèle et donc de classer selon leurs préférences, en remplacement de Monoprix soit affectée par un biais. Or, ce qui importe pour le calcul du GUPPI n'est pas la proportion de consommateurs qui quitteraient l'enseigne en cas de hausse des prix, mais la part, dans l'ensemble du chiffre d'affaires perdu par Monoprix, qui serait reportée vers les enseignes du groupe Casino. Ainsi, aucun élément ne permet d'invalider les résultats du sondage de l'institut Ipsos selon lesquels les consommateurs sont deux fois plus nombreux à déclarer vouloir se tourner vers les supermarchés de centre-ville plutôt que vers les hypermarchés.
452. En réalité, comme relevé précédemment, les courses effectuées dans les hypermarchés ne sont pas du même type que celles effectuées dans les autres magasins, ce que viennent conforter les déclarations des sondés clients à titre principal de Monoprix. En effet, selon le sondage de l'institut Ipsos, en cas de hausse des prix de Monoprix, les consommateurs se reporteraient surtout vers les magasins de centre-ville, alors même que les taux de fréquentation à titre principal obtenus dans ce même sondage sont plus élevés pour les hypermarchés que pour les magasins de centre-ville.
- L'omission des phénomènes de report correspondant aux enseignes fréquentées à titre secondaire
453. Pour mesurer l'incitation à augmenter les prix, le taux de report pertinent n'est pas le taux de report en nombre de clients à titre principal, mais le taux de report en chiffres d'affaires : c'est cet indicateur qui permet de calculer la valeur des ventes qui, en cas de hausse des prix, ne seront plus considérées comme perdues puisque, grâce à l'opération, elles seront transférées à une autre enseigne du groupe.
454. Cependant, le taux de report en nombre de clients à titre principal, tel qu'estimé par le modèle proposé par la partie notifiante, ne prend pas en compte le fait que certains consommateurs fréquentant à titre secondaire le magasin qui augmente ses prix pourront transférer leurs achats, en partie ou en totalité, vers un autre magasin du groupe Casino.
455. Or, selon les données Ipsos, les consommateurs ayant Monoprix pour première enseigne secondaire (19,5 %) sont plus nombreux que ceux qui en font leur magasin principal (18,9 %). De la même manière, le panier mensuel moyen des consommateurs utilisant Monoprix comme première enseigne secondaire ([...]) n'est pas négligeable par rapport à celui des consommateurs qui l'utilisent comme enseigne principale ([...]). Dans l'hypothèse d'une hausse des prix de Monoprix, la prise en compte des transferts de la part de clients fréquentant Monoprix à titre secondaire vers les magasins du groupe Casino (dont Franprix) pourra donc jouer un rôle important. Or, plusieurs éléments au dossier permettent de conclure que le taux de report de ces clients secondaires vers d'autres magasins du groupe Casino sera plus élevé que dans le cas des clients primaires (soit 23,1 % tel qu'estimé par l'étude soumise par la partie notifiante).
456. Premièrement, une très large part des clients de Monoprix fréquente également une enseigne du groupe Casino, vers laquelle ils sont donc très susceptibles de se reporter en cas de hausses de prix de Monoprix. Ainsi, selon le sondage de l'institut Ipsos, parmi les Parisiens qui ont pour première enseigne secondaire Monoprix, 78 % fréquentent également une enseigne du groupe Casino (Géant, Casino Supermarchés ou Franprix), et en particulier, 70,5 % fréquentent également l'enseigne Franprix. En revanche, ils ne sont que 55 % à fréquenter également Carrefour Market, 29 % à fréquenter également Carrefour City, et 46 % à déclarer des dépenses en magasins de hard discount. Ces résultats sont corroborés par ceux de l'étude Kantar 2 selon laquelle, parmi l'ensemble des clients parisiens de Monoprix (dont les trois quarts fréquentent l'enseigne à titre secondaire), 74 % fréquentent aussi les magasins Franprix, loin devant les autres enseignes les plus fréquentées (taux de fréquentation de 31 % pour Dia, 25 % pour Lidl, 25 % pour Carrefour Market).
457. Deuxièmement, si le taux de report des clients principaux de Monoprix vers Casino estimé par l'étude de la partie notifiante n'est que de 23 %, c'est en partie parce que cette étude attribue aux hypermarchés un taux de report élevé, de 28,9 %. Or, dans le cas des clients secondaires de Monoprix, ce taux de report vers les hypermarchés, au sein duquel le groupe Casino n'est présent que de façon marginale, serait très vraisemblablement inférieur. En effet, selon les données recueillies par Ipsos, 48 % des Parisiens qui ont pour première enseigne secondaire Monoprix déclarent s'y rendre au moins une fois par semaine, alors qu'en majorité (64 %), ces Parisiens ne font leurs courses en hypermarchés que deux ou trois fois par mois au plus. Les déclarations de ces clients dans le sondage de l'institut Ipsos confirment son rôle d'enseigne de proximité : 85 % des clients à titre secondaire de Monoprix situent ce magasin près de leur domicile, et 85 % s'y rendent à pied (1 % seulement en voiture). Les hypermarchés ne jouent donc pas le même rôle pour ces consommateurs, et ils ne leur permettraient pas, en remplacement de Monoprix, de faire des achats fréquents et de proximité. Par conséquent, les reports vers les hypermarchés par les clients de Monoprix à titre secondaire représenteraient très probablement moins de 28,9 % des volumes reportés vers d'autres enseignes. La surestimation du taux de report vers les hypermarchés conduit à sous-estimer le taux de report vers les autres enseignes, en particulier celles du groupe Casino, très présent sur les supermarchés et supérettes de proximité, et Franprix en particulier. En effet, à Paris, cette enseigne est très fréquentée par les clients de Monoprix et présente une même temporalité de fréquentation : 76 % des clients qui ont pour première enseigne secondaire Monoprix s'y rendent au moins 2 ou 3 fois par mois, un rythme de fréquentation comparable à celui des supermarchés de centre-ville (69 % de ces clients s'y rendent au moins 2 ou 3 fois par mois, alors qu'ils ne sont que 42 % à se rendre aussi souvent en supermarchés de plus grand format).
458. En conclusion, le taux de report global vers les magasins du groupe Casino, incluant les transferts de chiffre d'affaires opérés par les clients de Monoprix à titre secondaire, devrait donc être plus élevé que le taux de report de magasin principal à magasin principal estimé par le modèle (23,1 %). L'étude soumise par la partie notifiante sous-estime donc l'incitation de l'entité fusionnée à augmenter les prix après la concentration.
ii. Calcul des GUPPI
Définition
459. Lorsqu'une entreprise produisant un bien A fusionne avec une entreprise produisant un bien B, elle est d'autant plus incitée à augmenter ses prix après la concentration qu'une partie importante des ventes de A perdues à la suite de cette hausse serait reportée vers le bien B, générant une marge qui lui reviendra également du fait de l'opération.
460. Pour mesurer cette incitation, un indice brut de pression à la hausse sur les prix, ou GUPPI de A vers B, suite à une hausse de prix de 5 à 10 % de A, peut être défini à partir de la marge réalisée sur les unités reportées vers le bien B, en proportion du chiffre d'affaires réalisé sur le bien A.
461. Le GUPPI de A vers B s'obtient alors comme le produit :
- du taux de report (ou ratio de diversion) de A vers B qui correspond à la proportion des ventes reportées sur B parmi les ventes perdues suite à une hausse de prix de A ;
- du taux de marge sur coûts variables de B : les coûts à déduire du chiffre d'affaire sont les coûts variant en fonction des volumes de vente ;
- et du ratio prix de B/prix de A, selon la formule suivante :
<EMPLACEMENT FORMULE>
462. Le GUPPI de A vers B permet d'estimer l'ampleur de la hausse de prix suite à la concentration. En effet, la valeur des ventes détournées (produit du ratio de diversion et de la marge sur le bien B, soit (<FORMULE>) peut s'interpréter comme un coût d'opportunité pour le producteur de A, puisque toute vente supplémentaire du bien A correspond à une perte d'opportunité de profits sur le bien B proportionnelle aux ventes qui auraient pu être détournées vers B. Suite à l'opération, le producteur de A devra tenir compte de ce nouveau coût d'opportunité, de la même façon que s'il s'agissait d'une hausse de son coût de production, et il la répercutera dans le prix de A. Le taux d'augmentation du prix du bien A, par rapport au niveau de prix initial, sera de (<FORMULE>) si la hausse de coût est intégralement répercutée. En règle générale, la hausse de prix constatée dépend du taux de répercussion des coûts. En l'absence de données permettant d'estimer précisément ce taux, on fait généralement l'hypothèse d'un taux de répercussion compris entre 50 % et 100 %. Par conséquent, un GUPPI de 5 % correspond à une hausse de prix comprise entre 2,5 et 5 %.
Application au cas d'espèce
463. Le cabinet Mapp a calculé des indices GUPPI sur la base des taux de report dérivés de l'étude sur la fonction de demande, des taux de marge sur coûts variables calculés dans l'étude FHF et des indices de prix pour les différentes enseignes du groupe Casino.
464. L'étude calcule d'abord l'indice GUPPI de Monoprix à Casino ("Monoprix?Casino"), c'est-à-dire l'incitation à augmenter les prix de l'enseigne Monoprix, compte tenu de l'effet de report vers les enseignes du groupe Casino (1), puis le GUPPI de Casino à Monoprix ("Casino?Monoprix") (2). Ces indicateurs sont définis par Mapp par les formules suivantes :
<EMPLACEMENT FORMULE>
<EMPLACEMENT FORMULE>
465. Sur la base de ces deux formules de calcul, la partie notifiante estime l'indice GUPPI Casino?Monoprix à 2,88 % et l'indice GUPPI Monoprix?Casino à 2,9] %, soit des niveaux relativement faibles, correspondant à des hausses de prix de l'ordre de 1,5 à 3 %.
466. Cependant, le GUPPI Monoprix?Casino est significativement sous-estimé du fait, d'une part, de l'absence de prise en compte des clients à titre secondaire de l'enseigne Monoprix dans le calcul du taux de report des clients de Monoprix vers Casino, d'autre part, de la division par deux des résultats du calcul de GUPPI (250) censé tenir compte du contrôle conjoint de Casino sur Monoprix. Une telle inclusion peut effectivement se justifier dans le cas de l'indice GUPPI Casino? Monoprix : avant l'opération, Casino, au moment de décider d'une hausse des prix, tenait déjà compte de ce que le report éventuel des consommateurs vers Monoprix lui bénéficierait à hauteur de sa participation de 50 % au capital de Monoprix. Le même raisonnement ne peut cependant s'appliquer au GUPPI Monoprix?Casino. En effet, comme indiqué dans les développements ci-dessus, Monoprix disposait d'un degré d'autonomie suffisant pour fixer ses prix indépendamment du groupe Casino et recherchait la maximisation de son profit individuel sans tenir compte de l'effet de ses décisions sur les profits de Casino. Au contraire, l'opération conduira nécessairement Monoprix à prendre en compte l'effet de ses choix tarifaires sur les autres enseignes du groupe Casino et soumettra Monoprix aux directives tarifaires du groupe. Il n'est donc pas justifié d'inclure un facteur 1/2 dans le calcul de l'indice GUPPI Monoprix?Casino.
467. Il convient donc d'exclure le facteur 1/2 dans la formule de calcul 2. Le résultat de cette correction aboutit donc à un GUPPI Monoprix?Casino de 5,8 %. Le ratio de diversion étant par ailleurs significativement sous-estimé, il est vraisemblable que cet indice GUPPI aura en réalité une valeur supérieure à 6 %, conduisant, au regard des autres éléments présentés ci-dessus, à un risque significatif de hausse des prix à l'issue de la concentration.
D. CONCLUSION GÉNÉRALE SUR LES EFFETS DE L'OPÉRATION
468. Contrôlé avant l'opération conjointement par les groupes Galeries Lafayette et Casino, le groupe Monoprix passe avec l'opération sous contrôle exclusif de Casino qui sera désormais en mesure de déterminer seul le positionnement concurrentiel des enseignes Monoprix et Monop', de façon concertée avec ses autres enseignes de distribution alimentaire.
469. L'opération fait donc peser des risques significatifs de réduction de la concurrence au détriment des consommateurs sur les zones de chalandise dans lesquels l'offre concurrente ne sera pas suffisante.
470. Il ressort cependant de l'examen des effets de l'acquisition des quelques 300 Monoprix et Monop' situés en province et en banlieue parisienne que les parts de marché de la nouvelle entité resteront limitées et qu'il subsistera un nombre suffisant de groupes concurrents sur la plupart des zones de chalandise concernées. L'opération ne porte atteinte à la concurrence que sur deux zones de chalandise situées à Bastia et une zone située à Saint-Tropez.
471. A Paris intra-muros, du fait des fortes positions détenues sur le marché de la distribution alimentaire par le groupe Casino ou par le groupe Monoprix, l'opération confère à la nouvelle entité une part très importante des surfaces de vente offertes par l'ensemble des formes modernes de distribution à dominante alimentaire (supérettes, supermarchés, hypermarchés, magasins de hard discount) sur un grand nombre des 82 zones de chalandise dans lesquelles l'opération donne lieu à des chevauchements. Contrairement à ce que soutient la partie notifiante, les commerces spécialisés, qu'ils soient traditionnels (boulangeries, boucheries, etc.) ou modernes (Picard, Nicolas, etc.), ne constituent pas pour les consommateurs parisiens une source d'approvisionnement susceptible de permettre de compenser d'éventuelles hausses de prix des commerces généralistes. Il en est de même des marchés de plein air spécialisés dans les produits frais. En outre, l'éventuelle prise en compte du commerce alimentaire en ligne, peu développé, n'est pas de nature à rééquilibrer les positions du groupe Casino.
472. L'essentiel des magasins que détiendra la nouvelle entité à Paris constitue pour les consommateurs une offre de proximité, c'est-à-dire des points de vente dans lesquels ils se rendent fréquemment, à pied pour acheter un nombre limité de produits. Une partie des consommateurs de la capitale s'approvisionnent en parallèle auprès des hypermarchés de proche banlieue de façon moins fréquente et pour des paniers plus importants. De fait, la faible motorisation des parisiens, la surface limitée des logements et les problèmes d'accessibilité des hypermarchés en cause limitent la pression concurrentielle que ses hypermarchés sont susceptibles d'exercer sur les points de vente intra-muros, même si cette pression concurrentielle ne peut être considérée comme inexistante compte tenu des chiffres d'affaires qu'ils réalisent auprès des consommateurs parisiens. Cependant, si la prise en compte de cette concurrence est susceptible d'atténuer la position des parties, celle-ci n'en demeure pas moins prédominante dans un grand nombre de zones.
473. Au total, les risques d'atteinte à la concurrence peuvent être écartés dans 35 zones de chalandise, soit parce que la nouvelle entité y dispose de parts de marché inférieures à 45 %, soit parce qu'elle y détient des parts de marché inférieures à 60 % et reste confrontée à au moins trois groupes concurrents détenant au moins autant de magasins d'une surface de plus de 120 m² qu'elle-même.
474. Dans les 47 autres zones, les fortes positions de la nouvelle entité risquent d'autant plus d'affaiblir la concurrence au détriment des consommateurs parisiens que l'examen de la présente opération a permis de confirmer l'existence de barrières à l'entrée sur le marché de la distribution à dominante alimentaire parisien qui découlent de la conjonction de la réglementation de l'urbanisme commercial, de la réticence des bailleurs et du verrouillage des réseaux ainsi que de la faiblesse des surfaces adaptées disponibles et du coût du foncier et des baux commerciaux. La prégnance de ces barrières est en outre confirmée par l'absence de nouveaux entrants et le fait que les nouvelles ouvertures de magasins sont très majoritairement le fait des groupes Casino et Monoprix
475. En conséquence, la faiblesse voire l'absence d'alternatives concurrentielles pour les consommateurs est de nature sur les zones concernées à inciter la nouvelle entité à augmenter les prix ou à réduire la qualité de l'offre de certaines de ses enseignes. Il ressort en effet des documents internes à Monoprix et à Casino que les différentes enseignes des deux groupes exerçaient mutuellement les unes sur les autres une pression concurrentielle, tant en termes de prix que de qualité et cette contrainte disparaîtra du fait de l'opération. Au surplus, les tests quantitatifs menés par les parties confirment que la prise en compte par la nouvelle entité de l'effet d'une politique commerciale concertée sur ses résultats consolidés est de nature à l'inciter à profiter de l'affaiblissement de la concurrence.
476. Il est donc nécessaire d'apporter des remèdes appropriés aux effets anticoncurrentiels de l'opération.
IV. Les engagements
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
477. La partie notifiante a présenté le 26 avril 2013 des engagements visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération sur les marchés avals de la distribution au détail à dominante alimentaire. Ces engagements ont fait l'objet d'un test de marché auprès de concurrents, d'associations de consommateurs et de la Ville de Paris.
478. Le contenu des engagements a fait l'objet de discussions, portant à la fois sur leur substance et sur leur forme, au cours de la séance du 13 juin 2013 et lors de réunions de travail ultérieures. Après un second test de marché, les engagements ont été formulés de manière définitive le 8 juillet 2013. C'est dans cette version qu'ils seront présentés. Le texte de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.
479. Les engagements proposés portent sur une surface de vente à dominante alimentaire déterminée, dans 47 zones de chalandise parisienne et 3 zones en province, que Casino propose de céder ou auxquelles il propose de renoncer en résiliant les contrats le liant à des commerçants affiliés. Ces engagements sont donc exprimés en mètres carrés de surface de vente à dominante alimentaire, à l'exception des zones du magasin cible situé rue Lecourbe (Paris 15ème) et rue des Belles Feuilles (Paris 16ème), dans lesquelles ils devront porter sur un point de vente d'une surface au moins égale à 600 m².
480. A cette fin, Casino a fournit une liste de 58 points de vente, pour lesquels il s'engage à :
- céder la propriété dans un délai de [...] mois à compter de la réalisation de la concentration lorsqu'il s'agit de magasins intégrés. Si la cession ne pouvait intervenir dans ce délai, elle serait ensuite confiée à un mandataire. Les engagements de cession portent sur 49 (*) magasins ;
- résilier les contrats d'affiliation dans un délai de [...] mois à compter de la réalisation de la concentration lorsqu'il s'agit de magasins affilés. Les engagements de résiliation anticipée portent sur 9 (*) magasins exploités par des commerçants affiliés.
481. [Confidentiel].
482. Ces engagements sont pris pour une durée de 10 ans, pendant laquelle Casino ne pourra réacquérir les magasins cédés, ni acquérir sur ceux-ci une influence directe ou indirecte.
L'APPRÉCIATION DES MESURES PROPOSÉES
483. Il convient de rappeler les objectifs des mesures correctives au cas d'espèce, ainsi que les modalités de prise en compte du contrôle conjoint préalable de Monoprix par Casino pour les besoins de l'évaluation des engagements (1) avant d'examiner les engagements proposés par la partie notifiante (2).
1. SUR L'OBJECTIF DES REMÈDES ET LA PRISE EN COMPTE DU CONTRÔLE CONJOINT PRÉALABLE DE MONOPRIX PAR CASINO
484. Les mesures correctives structurelles visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents (251). En l'espèce, les mesures adoptées devront donc corriger les effets de la concentration en rétablissant une concurrence suffisante dans chaque zone de chalandise concernée.
485. Les effets de la concentration se matérialisent d'un point de vue strictement structurel en une addition de parts de marché et un renforcement du degré de concentration. Conformément aux développements relatifs à l'analyse concurrentielle, la détention par Casino du contrôle conjoint de Monoprix atténue toutefois les effets anticoncurrentiels de la concentration. En effet, du fait du contrôle conjoint, Casino aurait partiellement bénéficié d'éventuels reports de clientèle vers Monoprix en cas de hausses tarifaires avant l'opération.
486. S'agissant d'engagements de cession d'actifs, il convient d'intégrer cet élément dans l'appréciation de l'impact structurel des mesures correctives nécessaires. Afin de tenir compte du contrôle conjoint préalable détenu par Casino pour les besoins spécifiques de l'évaluation des remèdes, il conviendra donc d'attribuer 50 % de la part de surface de Monoprix à Casino avant l'opération. L'addition de parts de marché qu'entraîne l'opération ne portera ainsi que sur les 50 % restants de surface des magasins dont Casino fait l'acquisition. Les mesures correctives devront donc porter sur cette addition de surface dans les zones dans lesquelles l'opération entraîne une atteinte à la concurrence.
487. De plus, l'Autorité veille à ce que les mesures correctives soient proportionnées. Par conséquent, les mesures adoptées doivent être de nature à remédier effectivement aux atteintes à la concurrence identifiées, en imposant aux entreprises une charge strictement nécessaire pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante. En l'espèce, dans les zones de chalandise où Casino détenait moins de la moitié des surfaces de vente à dominante alimentaire avant la concentration, les mesures correctives devront à tout le moins conduire à conférer au nouvel ensemble moins de 50 % des surfaces de vente à dominante alimentaire.
488. En outre, compte tenu des barrières à l'implantation de nouvelles surfaces de vente relevées au stade de la distribution au détail à dominante alimentaire, en particulier sur le territoire parisien, les engagements de cession proposés contribueront à l'émergence d'alternatives significatives d'approvisionnement pour les consommateurs des zones de chalandise concernées.
489. Enfin, l'efficacité des remèdes dépend de la cession des actifs concernés à un ou plusieurs acquéreurs appropriés. Il en va de même des points de vente affiliés pour lesquels la partie notifiante propose de résilier les contrats d'affiliation. Pour rétablir des conditions de concurrence suffisante, le ou les repreneurs devront être capables de concurrencer Casino de manière effective sur les marchés concernés. Ceci suppose que ceux-ci présentent toutes les garanties d'indépendance, tant juridique que commerciale, vis-à-vis de Casino. Les repreneurs potentiels devront donc être des acteurs de la distribution à dominante alimentaire indépendants du groupe Casino, sur toute la chaîne de valeur, de l'approvisionnement à la vente au détail, capables d'assurer l'exploitation pérenne des actifs cédés.
2. SUR L'ADÉQUATION DES MESURES PROPOSÉES
490. Les engagements proposés par la partie notifiante consistent dans la cession d'une surface déterminée dans chacune des 50 zones de chalandise dans laquelle les effets de l'opération portent atteinte à la concurrence. Conformément aux principes décrits dans les paragraphes précédents, ces surfaces sont équivalentes à l'addition de parts de marché qu'entraîne l'opération ou, dans l'alternative, à une part de marché telle que l'entité issue de la concentration représentera moins de 50 % des surfaces de vente à dominante alimentaire des zones concernées. Les zones concernées, ainsi que les surfaces que la partie notifiante s'engage à céder sont les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
491. Pour atteindre cet objectif, la partie notifiante devra céder des points de vente ou rompre tout lien avec des magasins affiliés. Casino s'engage donc à céder 49 (*) magasins et résilier ses contrats d'affiliation avec 9 (*) magasins supplémentaires. La surface cumulée des magasins concernés correspond aux objectifs fixés.
492. les résultats des tests de marché effectués sur les propositions d'engagement des parties montrent cependant que, si les concurrents se déclarent intéressés par la reprise de certains points de vente, ils constatent également qu'une majorité des magasins concernent des surfaces de vente faibles, qu'ils estiment peu attractives et qui s'inscrivent, de surcroit, dans une fourchette haute des loyers à Paris. Les concurrents mentionnent par ailleurs la faible attractivité commerciale de certains emplacements.
493. L'opération consiste toutefois en l'acquisition de points de vente sous l'enseigne Monop', dont la surface est relativement faible, dans de nombreuses zones de chalandise. Il n'est donc pas justifié d'imposer à la partie notifiante la cession de magasins de plus grande taille sauf à établir que l'opération entraîne un effet anticoncurrentiel de nature à justifier la cession de magasins de surfaces plus importante. En tenant compte des spécificités des marchés parisiens, il a été relevé dans les développements précédents que tel était le cas lorsque l'opération entraînait l'addition de plusieurs points de vente de large surface dans des zones où aucun concurrent ne propose une offre comparable. Tel est le cas dans les zones situées autour de la rue Lecourbe (Paris 15ème) et de la rue des Belles Feuilles (Paris 16ème), Casino s'engageant précisément à céder un point de vente d'une surface au moins égale à 600 m² dans celles-ci.
494. Pour le reste, les répondants aux tests de marché font valoir que les loyers des magasins proposés à la cession par Casino paraissent élevés au regard de leurs critères propres de rentabilité. Quant aux emplacements des magasins, ceux-ci résultent au moins en partie de la localisation des zones de chalandise concernées, la partie notifiante devant, pour remédier aux effets de l'opération, céder des surfaces de vente alimentaire situées dans ces zones.
495. [Confidentiel].
496. Enfin, outre les cessions, les engagements consistent dans la résiliation de contrats d'affiliation lorsque les points de vente concernés sont exploités par des commerçants indépendants. Dans leur principe, de tels engagements sont adéquats en ce qu'ils délient les points de vente concernés de tout lien vis-à-vis du groupe Casino en permettant à des enseignes concurrentes d'en reprendre l'affiliation. Ces résiliations doivent en toute hypothèse intervenir dans un délai suffisamment rapide, identique à celui des cessions, pour rétablir une concurrence suffisante sur les marchés concernés. Tel est le cas en l'espèce, Casino s'engageant à résilier les contrats concernés dans un délai de [...] mois.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 12-161 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.
Notes :
1 Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 2 octobre 2000 au conseil de la société Casino relative à une concentration dans le secteur de la distribution de biens de consommation courante, BOCCRF n° 14 du 30 décembre 2000.
2 Le 3 avril 2012, les actions de Monoprix détenues par les Galeries Lafayette ont été cédées à une filiale du Crédit Agricole, dans le cadre d'un accord de portage. En application de cet accord, la gouvernance de Monoprix a été adaptée pour garantir son autonomie, dans l'attente d'une cession au groupe Casino si l'opération était autorisée par l'Autorité de la concurrence.
3 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.1684 du 25 janvier 2000, Carrefour/Promodès et du 3 juillet 2008, COMP/M.5112,Rewe Plus/Discount ; l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès, BOCCRF n° 11 du 18 octobre 2000 ; et les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'opération Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'opération Casino Franprix/Leader Price, et n° 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'opération Carrefour/Promodès.
4 Voir la décision de la Commission du 25 janvier 2000, COMP/M.1684, Carrefour/Promodès, et la décision n°09-DCC-27 du 24 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société FRG par le Groupe Carrefour.
5 Décision de la Commission du 25 janvier 2000, COMP/M.1684, Carrefour/Promodès. Voir également les décisions de la Commission du 3 février 1999, COMP/M. 1221, Rewe/Meinl et du 28 septembre 2000, COMP/M. 2115, Carrefour/GB.
6 Décision de la Commission du 4 mai 2006, COMP/M.4096, Carrefour/Hyparlo.
7 Voir, par exemple, les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-73 du 30 mai 2012 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice par la société Retail Leader Price Investissement (groupe Casino) et Messieurs Planes et Vernat et n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA.
8 Voir la décision de la Commission du ° COMP/M.1684 du 25 janvier 2000, Carrefour / Promodès ; lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 9 septembre 2005 aux conseils du groupe Casino et de la famille Baud relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire, BOCCRF n° 5 du 29 avril 2006 ; décision de l'Autorité n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, soulignement ajouté. Voir également à titre d'illustrations récentes : décisions de l'Autorité n° 12-DCC-73 du 30 mai 2012 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice par la société Retail Leader Price Investissement (groupe Casino) et Messieurs Planes et Vernat ; n° 11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement.
9 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-04 du Conseil de la concurrence en date du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution et l'avis n° 07-A-06 du 16 juillet 2007 relatif à l'acquisition par la société Cafom du pôle distribution de la société Fincar dans le secteur de la vente d'équipements de la maison.
10 Voir, par exemple : Décision de l'Autorité n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA.
11 Voir les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises et n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA.
12 Voir les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud et n° 10-DCC-25 du 19 mars 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio).
13 Avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-06 du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par la société Casino, Guichard-Perrachon de la société TLC Béatrice Holdings France SA (enseignes Franprix-Leader Price).
14 Id.
15 En dehors de Paris, la partie notifiante a toutefois communiqué les parts de marché des magasins cibles en surface totale.
16 Avis du conseil de la concurrence n° 00-A-06 du 3 mai 2000, relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès
17 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
18 Cette étude, réalisée par Kantar Worldpanel (avril 2013), se fonde sur l'observation des comportements réels d'un panel d'environ 2 000 consommateurs parisiens, qui ont scanné leurs achats sur une période de douze semaines, entre le 3 décembre 2012 et le 24 février 2013. Les parts de marché ont été estimées en fonction du montant total des achats, soit près de 100 000 sessions de courses et plus de 2 millions d'euros d'achats de produits de consommation courante à l'exception de la boulangerie-pâtisserie et des produits traiteurs non manufacturés.
19 Données Insee.
20 A la demande du groupe Casino, Ipsos a mené du 28 août au 10 septembre 2012 une enquête auprès de 2 000 personnes, habitant Paris intra-muros, et réparties de la sorte : 517 personnes issues des arrondissements centraux (1 à 11) et 1 483 personnes issues des arrondissements périphériques (12 à 20). Un redressement a posteriori a par ailleurs été effectué afin de retrouver une structure représentative de la population des ménages sur la zone considérée (âge, CSP de la personne de référence, taille du foyer).
21 Dans le cadre de cette enquête, les sondés devaient désigner le circuit fréquenté à titre principal, c'est-à-dire le circuit dans lequel ils effectuent plus de la moitié de leurs achats (une seule réponse possible), et les autres circuits, fréquentés à titre secondaire, dans lesquels ils réalisent une partie substantielle de leurs achats (plusieurs réponses possibles).
22 OC&C, Classement 2011 de l'attractivité des enseignes de distribution, septembre 2011.
23 Mapp, "Analyse de la pression concurrentielle exercée par les marchés alimentaires sur les commerces de proximité à Paris", 19 avril 2011.
24 Selon le jour de la semaine, l'écart de chiffre d'affaires sur l'alimentaire "marché" entre les magasins situés à moins de 500 m d'un marché ouvert et les autres varie entre 1 % et 17 %. Les magasins Casino étudiés sont des magasins situés à moins de 500 mètres d'un marché ouvert le jour concerné, en comparaison de ceux situés à plus de 500 mètres. Un même magasin change donc de catégorie selon le jour de la semaine.
25 Décision de la Commission européenne n° IV/M.1221 du 3 février 2009, Rewe/Meinl.
26 Décision de la Commission Carrefour/Promodès précitée.
27 Décision de la Commission européenne n° IV/M.991 du 30 octobre 1997, Promodès/Casino.
28 Décision de l'Autorité n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prie de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud
29 Avis du Conseil de la concurrence n° 94-A-30 du 6 décembre 1994, relatif à l'acquisition par Carrefour de la société Picard Surgelés.
30 Voir l'avis n°00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès, et décision n°10-DCC-21 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Champiloire SA par la société Bonduelle SA.
31 Procès-verbal d'audition des représentants de Picard du 26 mars 2013.
32 Procès-verbal d'audition du représentant de Picard du 26 mars 2013.
33 Réponse des représentants de Diapar au test de marché de phase I.
34 Cette spécificité a par exemple conduit la Competition Commission (2000), dans une enquête sectorielle sur le marché de la distribution de détail, à considérer qu'il existait un marché de détail du "one stop shopping" défini comme "the shop for the bulk of a household's weekly grocery needs, carried out in a single trip and under one roof".
35 A cet égard, il peut être relevé que dans l'étude de MAPP sur les marchés de plein air, la part moyenne de l'alimentaire "marché" est similaire le samedi, entre les magasins situés à proximité d'un marché alimentaire ouvert ce jour-là et ceux qui sont situés à plus de 500 mètres du marché le plus proche, ouvert également le samedi.
36 Réponse des représentants de Diapar au test de marché de phase I ; voir dans le même sens, le procès-verbal d'audition des représentants de Lidl du 26 mars 2013, la réponse au test de marché de phase I des représentants d'ITM.
37 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
38 Procès-verbal d'audition des représentants de Nicolas du 29 mars 2013.
39 Id.
40 Ipsos, "Analyse des comportements d'achat des Parisiens", 21 mars 2013.
41 Décision de la Commission Rewe/Meinl, précitée,§ 14 : "98 % des clients des magasins spécialisés achètent également dans les supermarchés, et ce alors que ceux-ci couvrent globalement 97 % de la clientèle".
42 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de décembre 2009, § 301.
43 Décision de la Commission Carrefour/Promodès précitée.
45 Etude Kantar Worldpanel, "Drive 3.0" de décembre 2012 (année mobile au 4 novembre 2012).
46 Etude FHF, "Le drive, un modèle économique entre e-commerce et commerce physique au fort potentiel de croissance", décembre 2012
47 Réponse des représentants de Cora au test de marché de phase I.
48 Réponse des représentants de Auchan au test de marché de phase I.
49 Réponse des représentants de Carrefour au test de marché de phase I.
50 Réponse des représentants de Leclerc au test de marché de phase I.
51 Procès-verbal d'audition des représentants de Système U du 28 mars 2013.
52 Insee, "Equipement automobile des ménages en 2009 : comparaisons départementales".
53 Réponse des représentants de Système U au test de marché de phase I.
54 Procès-verbal d'audition des représentants de Diapar du 27 mars 2013.
55 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
56 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
57 FHF, "Poids d'Internet dans les achats alimentaires des parisiens", 19 avril 2013.
58 Id.
59 Source : Fédération du e-commerce et de la vente à distance.
60 Communiqué de presse du 10 mai 2010 Les ventes de produits alimentaires sur Internet : état des lieux en 2009 (FEVAD & CREDOC). Trois marchés concentrent plus de 50 % des sites de VPAI : vins & alcools (27 %), chocolaterie, confiserie & biscuiterie (17 %), Produits du terroir (16 %).
61 Credoc, "La vente de produits alimentaires sur Internet : un état des lieux en 2009", décembre 2009.
62 Vente de produits alimentaires sur Internet.
63 Le panier moyen dans les quatre principaux supermarchés en ligne est compris entre 160 et 220 euros, à comparer avec un panier moyen de [10 - 20] euros dans les enseignes de proximité présentes à Paris. Enrico Colla et Paul Lapoule, mai "Les facteurs clés du succès des supermarchés en ligne : analyse comparée des cas Intermarché.com et Tesco.com", publication dans les actes du 25ème Congrès de l'Association Française du Marketing, mai 2009.
64 A savoir Ooshop (Carrefour), Auchandirect (Auchan), Houra (Cora) et Telemarket (Système U).
65 Pour rappel, le marché généraliste n'inclut pas les commerces traditionnels, les marchés et les autres circuits spécialisés.
66 Voir les décisions de la Competition Commission dans les affaires Safeway/Morrison (2003), Somerfield/Morrison (2005) et l'enquête sectorielle sur le commerce alimentaire de détail de 2008.
67 Voir, récemment, les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA ; n° 12-DCC-73 du 30 mai 2012 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice par la société Retail Leader Price Investissement (groupe Casino) et Messieurs Planes et Vernat ; n° 12-DCC-15 du 8 février 2012 relative à la prise de contrôle par la société Retail Leader Price Investissement (groupe Casino) de la société DBMH ; n° 11-DCC-89 du 14 juin 2011 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Alexandre par les sociétés CSF et Gescod Provence.
68 Décision de l'Autorité n° 11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement.
69 Il s'agit de Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier et Lyon.
70 Avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-06 du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par la société Casino, Guichard-Perrachon de la société TLC Béatrice Holdings France SA (enseignes Franprix-Leader Price).
71 Avis de l'Autorité de la concurrence n° 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris.
72 Insee, "Équipement automobile des ménages en 2009 : comparaisons départementales".
73 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 102.
74 Lignes directrices de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes relatives au contrôle des concentrations du 30 avril 2007, § 115.
75 Communication juridictionnelle consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises du 21 février 2009, § 89.
76 Voir, notamment, les décisions de la Commission européenne du 17 décembre 2008 n° COMP/M.5141 KLM/Martinair et du 22 janvier 2010 n° COMP/M.5579 TLP/Ermewa ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence du 25 février 2011 n° 11-DCC-34 relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez.
77 [Confidentiel].
78 [Confidentiel].
79 [Confidentiel].
80 [Confidentiel].
81 [Confidentiel].
82 Id.
83 Id.
84 Réponse de la partie notifiante du 24 décembre 2012 au questionnaire du 13 novembre 2012.
85 [Confidentiel].
86 [Confidentiel].
87 [Confidentiel].
88 [Confidentiel].
89 Le segment retenu pour calculer les parts de marché au cas d'espèce est celui des produits vendus auprès du seul secteur de la distribution. Cette restriction est sans conséquence sur l'analyse du pouvoir de marché de la nouvelle entité à l'amont. Pour le non-alimentaire sont également prises en compte les ventes de la GSS, comme indiqué ci-dessus.
90 Décision de la Commission n° IV-M.1086 du 10 mars 1998 Promodès/S21/Gruppo Gs; Voir aussi la décision de la Commission n° IV/M.946 du 30 juin 1997 Intermarché/Spar.
91 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 447 à 452.
92 Voir, par exemple, la décision de la Commission Rewe/Meinl précitée et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot.
93 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 450.
94 Notification, p. 104.
95 Référenseigne Flash-Kantar Worldpanel P12 2012 - Année mobile au 2 décembre 2012.
96 Id.
97 Notification, p. 107, et Référenseigne Flash-Kantar Worldpanel P12 2012 - Année mobile au 2 décembre 2012.
98 Notification, p. 107.
99 Observations du groupe Casino en réponse au rapport des services d'instruction, § 548 et 550.
100 Pour apprécier la position des parties les drives ont été pris en compte dans l'analyse et décomptés parmi les points de vente des différentes enseignes. Une surface nulle leur a été affectée.
101 A l'exception de la zone de Sèvres, qui ne comporte qu'un grand hypermarché concurrent.
102 A l'exception de la zone de Saint Cloud, qui ne comporte qu'un grand hypermarché concurrent et la zone de Courbevoie, dans laquelle les deux grands hypermarchés sont tous deux exploités sous enseigne Leclerc.
103 Insee, "Équipement automobile des ménages en 2009 : comparaisons départementales".
104 Autorité de la concurrence, Rapport annuel pour l'année 2010, p.100.
105 L'APUR s'attache depuis plusieurs années à évaluer et suivre la présence du groupe Casino sur le territoire parisien. Une première étude avait été utilisée dans l'Avis de l'Autorité n° 12-A-01 précité, qui a été mise à jour pour les besoins de l'instruction de l'opération Casino/Monoprix. Cette nouvelle étude date de janvier 2013, et a pour objet de faire le point sur l'implantation en 2012 des magasins de la grande distribution alimentaire à Paris.
106 Deux types de sources ont été mobilisées pour cet exercice : d'une part les enquêtes exhaustives réalisées en mai 2010 (enquête grande distribution) et en avril 2011 (enquête Bdcom) ; d'autre part les enquêtes partielles en juin 2011 et juin 2012 réalisées sur 56 voies parmi les plus commerçantes de Paris (enquêtes Bdrue) et qui représentent un peu plus de 16 % des commerces et services commerciaux parisiens (9 934 commerces sur 61 232).
107 Appliquée dans Paris intra-muros, cette analyse ne permet pas d'intégrer la pression concurrentielle exercée par les hypermarchés de périphérie qui sera prise en compte dans un second temps.
108 L'étude considère qu'un consommateur a accès à un magasin s'il est situé à moins de 300 m de celui-ci s'il s'agit d'un magasin de moins de 400 m², ou à moins de 500 m s'il s'agit d'un magasin de plus de 400 m², et à moins de 2 km s'il s'agit d'un hypermarché, qu'il soit situé ou non dans Paris intra-muros. L'étude se fonde sur l'analyse de consommateurs hypothétiques, auxquels a été affecté un poids en population sur la base des données Insee pour obtenir des résultats sur les consommateurs réels.
109 Pour estimer les parts de marché rapportées à la population réelle des zones de chalandise, chaque consommateur hypothétique s'est vu affecter un facteur multiplicatif égal au nombre de consommateurs réels qu'il représente.
110 A été retenu pour l'analyse l'ensemble des magasins de plus de 120 m² situés dans un rayon de 500 mètres ainsi que les hypermarchés parisiens situés à moins de 2 kilomètres.
111 [Confidentiel].
112 Décision de l'Autorité n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle et Décision du Conseil d'Etat Sté Mr Bricolage et Sté Bricoléron du 23 décembre 2010.
113 Station RER Les Halles, Gare Saint-Lazare, et Gare du Nord.
114 De la même manière, les deux supérettes Monop' situées à al station de métro Jean Jaurès à Toulouse, et à la station RER La Défense à Puteaux, n'ont pas été prises en compte dans l'analyse.
115 Courrier électronique des conseils de la partie notifiante du 12 juin 2013.
116 Procès-verbal d'audition des représentants de Carrefour du 21 février 2013.
117 Procès-verbal d'audition des représentants de Carrefour du 21 février 2013.
118 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, précitées, § 341.
119 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, précitées, § 357.
120 L'indice IHH dans chacune de ces zones a également été calculé. Dans l'intégralité des zones, l'IHH à l'issue de la concentration et le delta excèdent très significativement 2 000 et 250.
121 [Confidentiel].
122 [Confidentiel].
123 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, précitées, § 368.
124 Pour ce calcul, les enseignes indépendantes, très peu nombreuses, sont regroupées sous le même "groupe/enseigne".
125 Voir, par exemple, les rapports de la Competition Commission dans les affaires Safeway/Morrison (2003), p. 219, et Somerfield/Morrison (2005), p. 33 et s.
126 Voir la classification adoptée par l'étude de l'institut Ipsos réalisée pour le groupe Casino en octobre 2012, telle que décrite dans la présentation de FHF "Analyse du comportement d'achat des Parisiens" du 21 mars 2013 ; voir, dans le même sens, la classification adoptée par l'institut Kantar, telle que décrite dans la présentation "Les achats des Parisiens en produits de grande consommation" du 4 avril 2013.
127 A savoir, [90-100] % des points de vente exploités sous enseigne Monop' et [80-90] % des points de vente exploités sous enseigne Franprix.
128 Voir, dans ce sens, l'avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-0 précité. Voir également, sur cette question, la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 17 février 1998 au conseil de la société Monoprix relative à une concentration dans le secteur du commerce de détail, l'avis du Conseil de la concurrence n° 00-A-06 du 3 mai 2000, la décision du ministre du 2 octobre 2000, précitée et l'avis de l'Autorité n° 12-A-01 précités.
129 Il convient de rappeler que ce marché ne correspond pas à la délimitation retenue par l'instruction.
130 Ce taux mesure, dans le secteur de la grande distribution, la fidélité des consommateurs à une marque, à une enseigne ou à un magasin, et se définit comme sa part dans les achats totaux d'une certaine catégorie de produits par un consommateur. Ainsi, un taux de nourriture de 30 % pour une enseigne signifie qu'un consommateur réalise en moyenne dans cette enseigne 30 % de ses achats en produits alimentaires.
131 TNS Sofres, "Fréquentation, Performance & Image des GMS", 2012, 27ème édition, p. 9. Le critère "facilité d'accès/proximité" supplante d'autres critères tels que le prix, la carte de fidélité ou les promotions pour toutes les enseignes. Voir également, sur le rôle de la proximité, les développements ci-dessous relatifs à la différenciation entre les enseignes de distribution à dominante alimentaire.
132 Réponse des représentants d'ITM au test de marché de phase I.
133 Réponse des représentants de Système U au test de marché de phase I.
134 Insee, "Équipement automobile des ménages en 2009 : comparaisons départementales".
135 Réponse des représentants de Système U au test de marché de phase I.
136 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-41 du 23 mars 2012, § 50.
137 L'Autorité a déjà abouti à la même conclusion dans son avis n° 12-A-01, précité, § 107 ("sur la base d'une estimation de la distance parcourue au cours d'un trajet de 15 minutes à Paris, l'étude économique produite par le groupe Casino dans le cadre de l'instruction du présent avis a proposé de retenir une zone de chalandise de 2 kilomètres de rayon pour les hypermarchés implantés en périphérie de Paris. Ce rayon est également corroboré par l'étude Référenseigne Expert 2010 (Kantar WorldPanel), qui a calculé, grâce à une méthode de géocodage, le temps mis par les consommateurs pour atteindre chaque magasin de la base par le réseau routier. Sur la base du comportement des consommateurs panélisés, l'étude conclut à une zone de chalandise pour les hypermarchés d'un rayon correspondant à un trajet de 14 minutes en voiture, cohérent avec le rayon de 2 kilomètres précédemment évoqué").
138 Il convient d'ajouter par ailleurs que le magasin Super Monoprix de Malakoff (4 662 m² de surface totale et 2 354 m² de surface alimentaire) n'a pas été considéré comme appartenant au format des hypermarchés.
139 Les hypermarchés sont le premier circuit fréquenté à titre principal par 24 % des Parisiens, selon l'étude Ispos.
140 Mapp, "Eléments sur la concurrence exercée par les hypermarchés", 21 mars 2013.
141 L'IRIS est l'unité géographique la plus précise du recensement de la population française (Insee). Il y a un peu plus de 50 000 IRIS en France, soit 541 ménages par IRIS en moyenne. A Paris, la population d'un IRIS est en moyenne de 2 230 personnes (de 0 à 6 700). Les arrondissements parisiens comptent en moyenne une cinquantaine d'IRIS (14 à 96).
142 Il s'agit des 11 hypermarchés précédemment cités et de l'hypermarché Auchan de La Défense.
143 Une proportion significative des achats réalisés en banlieue n'a pas été rattachée par les consommateurs à un hypermarché donné. La partie notifiante a proposé de ventiler ces volumes d'achats entre hypermarchés de proche et de lointaine banlieue selon une hypothèse de retraitement qui a été corrigée par les services d'instruction. En effet, elle les a affectés aux hypermarchés de lointaine banlieue proportionnellement au poids, dans les montants correspondant aux magasins localisés, des hypermarchés situés par les consommateurs en lointaine banlieue mais aussi des hypermarchés non localisés. Ceci conduit à surestimer le poids des hypermarchés de lointaine banlieue par rapport à celui des hypermarchés les plus proches.
144 Procès-verbal d'audition du représentant d'Auchan du 19 février 2013.
145 Id.
146 Procès-verbal d'audition des représentants de Carrefour du 21 février 2013.
147 Id.
148 Id.
149 Procès-verbal d'audition de la représentante de Leclerc du 21 mars 2013.
150 Id.
151 Réponse des représentants d'Auchan au test de marché de Phase I.
152 Procès-verbal d'audition des représentants Dia du 27 mars 2013.
153 Procès-verbal d'audition des représentants de Diapar du 27 mars 2013.
154 Procès-verbal d'audition des représentants d'Auchan du 19 février 2013.
155 Courrier électronique de Mme Sophie Boudon-Le Goff, directrice juridique de Leclerc, en date du mardi 2 avril 2013 : "D'une façon générale, le chiffre d'affaires du porteur de carte est plus élevé que pour les consommateurs non détenteurs de cartes".
156 Voir sur ce point le courrier de Carrefour en date du 5 avril 2013, "Demande de précision - méthodologie données cartes de fidélité". Carrefour précise que "Même si on constate que les consommateurs parisiens détenteurs de la carte de fidélité sont un peu moins nombreux en proportion que ceux de la banlieue (avec toutefois une exception pour Aubervilliers), cette situation est proportionnelle à la réalité des emplacements de ces magasins, l'estimation des données concernant les consommateurs parisiens est (...) relativement fidèle à la réalité de la situation, les consommateurs parisiens ne sont donc pas ni sous représentés, ni sur représentés via notre méthode".
157 Valeurs retenues pour le marché alimentaire total par arrondissement dans l'étude FHF "Rôle et poids des hypermarchés hors Paris dans la consommation alimentaire des Parisiens" du 19 avril 2013.
Note du tableau point 314. :
- 158 Le centre Leclerc de Levallois Perret, qui a déménagé et s'est agrandi récemment, réalise actuellement [20-30] % de son chiffre d'affaires auprès de clients parisiens. Le responsable du centre a cependant admis anticiper, au cours d'un entretien avec les services d'instruction, une hausse de 10 points de ce chiffre dans l'année. En effet, une grande partie des nouveaux détenteurs de cartes du magasin sont des clients parisiens, attirés par le nouveau centre So Ouest.
159 A moins de 2 kilomètres environ.
160 Cette catégorie inclut l'ensemble des magasins Franprix, quelle que soit leur taille. Elle inclut également Casino Supermarchés, Carrefour Market, Simply Market, Super U et Intermarché.
161 Etude FHF, "Rôle et poids des hypermarchés hors Paris dans la consommation alimentaire des Parisiens" du 19 avril 2013.
162 Etude Kantar - Résultats du panel Paris 16.04.2013.
163 Etude FHF relative à la "Place des hypermarchés dans les achats alimentaires des Parisiens" du 21 mars 2013.
164 Voir, notamment, les réponses des représentants de Système U, d'ITM et de Cora au test de marché de phase I, et le procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
165 De la même manière que pour les magasins situés dans Paris intra-muros, il a été décidé de ne prendre en compte que le chiffre d'affaires alimentaire de ces hypermarchés. Cependant, la ventilation du chiffre d'affaires alimentaire par arrondissement de résidence n'a été fournie que par Carrefour. Pour les autres opérateurs, il est apparu raisonnable de considérer que la répartition du chiffre d'affaires alimentaire était similaire à celle du chiffre d'affaires total dans Paris.
166 Comme évoqué antérieurement, cette distance a en pratique été ajustée à 2,2 kilomètres, pour éviter les effets de seuil.
167 Comme évoqué précédemment, cette approche suscite une réserve quant à la représentativité de l'échantillon de panélistes Kantar au niveau de chaque arrondissement. En effet, le panel Kantar ne garantit notamment pas d'être représentatif des caractéristiques des ménages telles que les catégories socio-professionnelles ou l'équipement automobile dans chaque arrondissement parisien. Il ne garantit pas non plus que chaque arrondissement présente un nombre de panélistes suffisant pour que les comportements d'achat observés puissent être considérés comme représentatifs de l'ensemble de l'arrondissement.
168 Comme indiqué ci-dessus, les magasins considérés comme "accessibles" sont l'ensemble des points de vente situés dans un rayon de 300 mètres (s'il s'agit d'un magasin de moins de 400 m²) ou 500 mètres, et les hypermarchés situés dans un rayon de 2 km.
169 Le magasin Casino Belles Feuilles est pris en compte comme un hypermarché par Kantar car sa surface est supérieure à 2 500 m². Dans la mesure où sa surface totale est très proche du seuil retenu par la pratique décisionnelle pour délimiter les formats, et où son positionnement commercial est celui d'un supermarché, comme son enseigne l'indique (Casino Supermarchés), il n'est en effet pas justifié d'attribuer à ce point de vente une zone d'attractivité supérieure à celle d'un supermarché. De la même manière, les magasins Monoprix présentant une surface totale supérieure à 2 500 m², au nombre de dix à Paris, ne peuvent pas non plus être assimilés à des hypermarchés. En effet, comme le souligne la partie notifiante, les magasins Monoprix proposent certes un assortiment non-alimentaire (notamment textile et produits de beauté) plus riche que les supermarchés, mais ils présentent cependant une offre alimentaire similaire aux supermarchés. L'offre proposée par ce type de magasins en alimentaire n'est donc pas comparable à l'offre des hypermarchés.
170 Un autre facteur correctif a été appliqué spécifiquement pour la zone de l'hypermarché Carrefour d'Auteuil, pour tenir compte du fait que seuls les 2/3 de la zone de chalandise sont habités.
171 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitées, § 422.
172 Mapp, "Analyse des dynamiques concurrentielles locales", 30 octobre 2012.
173 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitées, § 378.
174 Conseil d'Etat, 21 décembre 2012, Canal Plus et Vivendi, n° 362347, §40.
175 Voir notamment les éléments communiqués par ITM dans sa réponse du 16 janvier 2013 au test de marché de phase 1 et par Carrefour dans une réponse à une demande d'information complémentaire du 25 avril 2013.
176 APUR, "L'évolution des commerces à Paris, inventaire des commerces 2011 et évolutions 2007-2011", janvier 2012.
177 Courrier électronique de la CNAC aux rapporteurs en charge du dossier le 15 avril 2012.
178 Courrier électronique de la CNAC aux rapporteurs en charge du dossier le 12 avril 2012.
179 L'Autorité de la concurrence a eu l'occasion de relever dans son avis n°12-A-01 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris du 11 janvier 2012 que l'élévation du seuil au-dessus duquel une autorisation administrative d'installation est nécessaire avait pu jouer un rôle dans l'ouverture de 7 supermarchés entre 2007 et 2011.
180 Voir, par exemple, la réponse d'ITM du 16 janvier 2013 au test de marché de phase 1 et le procès-verbal d'audition des représentants du groupe Auchan du 19 février 2013.
181 Procès-verbal d'audition des représentants de Carrefour du 21 février 2013.
182 APUR, "L'évolution des commerces à Paris, inventaire des commerces 2011 et évolutions 2007-2011", janvier 2012.
183 Courrier électronique de la Mairie de Paris du 18 avril 2012.
184 Avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-12 du 11 octobre 2007 relatif à la législation relative à l'équipement commercial.
185 Réponse de Carrefour du 25 avril 2012 à une demande d'information complémentaire ; voir dans le même sens le procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
186 Réponses des représentants de Carrefour du 25 avril 2012 et de Dia du 17 avril 2013 à une demande d'information complémentaire.
187 Réponse des représentants de Diapar/G20 du 30 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
188 Voir, notamment, les procès-verbaux d'audition des représentants des groupes Auchan du 19 février 2013, Carrefour du 21 février 2013 et Dia du 27 mars 2013.
189 APUR, "L'évolution des commerces à Paris, inventaire des commerces 2011 et évolutions 2007-2011", janvier 2012.
190 Avis n° 12-A-01 précité, §156.
191 Réponse des représentants de Dia du 14 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
192 Réponse des représentants de Carrefour du 15 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
193 Réponse des représentants d'Aldi du 22 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
194 Réponse des représentants de Système U du 25 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
195 Observations de la partie notifiante du 6 juin 2013 au rapport des services d'instruction, §652.
196 Mairie de Paris, "Actions conduites en faveur de la diversité commerciale à Paris", 23 septembre 2011.
197 Courrier électronique des conseils de la partie notifiante aux rapporteurs en charge du dossier du 3 mai 2013, annexe 2.
198 Ces locaux sont par exemple devenus des bureaux (8 rue Van Gogh dans le 11ème arrondissement), une salle de sport Club Med Gym (Place de la Bastille dans le 12ème arrondissement) ou encore le siège d'un parti politique (238 rue de Vaugirard dans le 15ème arrondissement), ce qui tend à indiquer que ces locaux étaient vraisemblablement inadaptés aux contraintes caractéristiques de la grande distribution alimentaire (local de plein pied, sur un seul niveau, accord des copropriétés, etc.).
199 L'identité de certains des repreneurs cités par la partie notifiante (Point P, La maison de la literie) illustre également la concurrence exercée par des opérateurs présents sur d'autres secteurs d'activité pour l'acquisition des locaux à usages commerciaux dans Paris et notamment pour les surfaces les plus étendues.
200 Procès-verbal d'audition des représentants de Lidl du 26 mars 2013.
201 Réponse des représentants d'ITM du 16 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
202 Procès-verbal d'audition des représentants de Système U du 28 mars 2013.
203 Voir, notamment, les réponses de Carrefour du 25 avril 2012 et de Dia du 17 avril 2013 à une demande d'information complémentaire.
204 Réponse des représentants de Carrefour à une demande d'information complémentaire le 25 avril 2013.
205 Réponse des représentants de Dia à une demande d'information complémentaire le 17 avril 2013.
206 Réponse des représentants de Diapar/G20 à une demande d'information complémentaire le 25 avril 2013.
207 Avis n° 12-A-01 précité, § 155.
208 Procès-verbal d'audition des représentants de Leclerc du 21 février 2013.
209 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitées, § 432.
210 Marks & Spencer décrit lui-même l'assortiment de son point de vente comme comportant "les meilleures pièces de nos collections Femme et Lingerie ainsi qu'une sélection de nos plus célèbres gourmandises britanniques" (extrait du site http://www.marksandspencer.fr/Champs- %C3 %89lys %C3 %A9es/champs-elysees-store,fr_FR,pg.html au 11 juillet 2013).
211 Formulaire de notification, § 575.
212 Réponse des représentants d'ITM du 16 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
213 Procès-verbal d'audition des représentants de Système U du 28 mars 2013.
214 Mairie de Paris, "Relevé empirique des magasins des groupes Casino, Carrefour et G20 ouverts entre avril 2011 et le 1er février 2013", le 12 février 2013.
215 Procès-verbal d'audition des représentants de Diapar/G20 du 27 mars 2013.
216 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013 ; voir, dans le même sens, le procès-verbal d'audition des représentants de Leclerc du 21 février 2013.
217 Avis n° 12-A-01, précité, § 159 et 164.
218 Pour une surface alimentaire totale à Paris en 2012 de 362 707 m².
219 Réponse des représentants de Carrefour du 17 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
220 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
221 Procès-verbal d'audition des représentants de Lidl du 26 mars 2013.
222 Procès-verbal d'audition des représentants de Dia du 27 mars 2013.
223 Mairie de Paris, "Relevé empirique des magasins des groupes Casino, Carrefour et G20 ouverts entre avril 2011 et le 1er février 2013", 12 février 2013.
224 Mairie de Paris, le, "Relevé empirique des magasins des groupes Casino, Carrefour et G20 ouverts entre avril 2011 et le 1er février 2013", 12 février 2013.
225 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitées, §365.
226 FHF, "Monoprix et Franprix, 2 concepts totalement différents au service des clients urbains" et "Comparaison et éléments de différence des enseignes Monop' et Franprix", octobre 2012.
227 Ipsos, "Etude des comportements d'achat des Parisiens", 5 octobre 2012.
228 MAPP, "Analyse de différenciation Casino/Monoprix", 26 octobre 2012.
229 TNS, "Fréquentation, Performance & Image des GMS", 27ème édition 2012.
230 A Paris, le groupe Casino exploite 11 magasins à l'enseigne Casino Supermarchés.
231 TNS, "Fréquentation, Performance & Image des GMS", 27ème édition 2012.
232 Id.
233 Réponse des représentants de Dia du 14 janvier 2013 au test de marché de phase 1.
234 Procès-verbal d'audition des représentants de Lidl du 26 mars 2013.
235 Id.
236 Procès-verbal d'audition des représentants de Système U du 28 mars 2013.
237 Id.
238 Réponse des représentants d'Auchan au test des engagements le 11 juin 2013.
239 Ipsos, "étude des comportements d'achat des parisiens", points clés, 5 octobre 2012.
240 Id.
241 Mapp, "Analyse du positionnement tarifaire de Franprix et Monoprix", 6 décembre 2012.
242 Mapp, "L'absence de lien entre qualité et position concurrentielle locale", 28 mars 2013.
243 Joseph Farrell et Carl Shapiro, "Antitrust Evaluation of Horizontal Mergers : an Economic Alternative to Market Definition", The B.E Journal of Theoretical Economics, Volume 10, Issue 1, 2010. Pour une application dans la pratique décisionnelle nationale, voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-92 du 2 juillet 2012, Castel/Patriarche, § 103 et s.
244 Mapp, "Estimation de la fonction de demande, 12 avril 2013.
245 FHF, "explication détaillée de la méthode de calcul du taux de marge "incrémental" retenu dans le cadre du calcul de l'indice GUPPI", avril 2013.
246 Ipsos, "Etude des comportements d'achats des Parisiens", 5 octobre 2012.
247 La force relative d'un rayon Y est calculée comme le ratio de la part de marché de l'enseigne X pour le rayon Y sur la part de marché totale de l'enseigne X à Paris.
248 L'utilité d'un individu fréquentant un magasin de surface surface_j, qui propose des prix prix_j, situé à une distance distance_ij, peut s'écrire : u_ij = a + ß * surface_j + d * prix_j + ? * distance_ij + e_ij.
249 Il est possible de comparer cette étude à celle de la Competition Commission "The supply of groceries in the UK market investigation", 2008. Dans cette dernière, l'utilisation du Logit est adéquate car l'analyse est limitée à une transaction par ménage au cours d'une période représentative d'une semaine, pour un "major shopping trip" unique (représentant 60 % des achats de la semaine), puis pour un "minor shopping trip". Ce choix est cohérent avec l'utilisation d'un modèle Logit, car la comparaison d'utilité que nécessite le Logit existe : au moment de choisir son enseigne, chaque consommateur fait son choix en comparant l'utilité apportée par les différentes enseignes.
250 Cette division ressort de l'inclusion dans la formule de calcul du GUPPI d'un facteur 1/2.
* Rectification d'erreur matérielle.
251 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, précitées, § 528.
* Rectification d'erreur matérielle.