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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 31 mai 2012, n° 09-01190

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Key West (SARL)

Défendeur :

Cora (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM. Magnin, Martin

Avocats :

SCP Millot-Logier, Fontaine, SCP Leinster Wisniewski Mouton, Mes Kroell, de Coincy, Talbourdet

TGI Saint-Dié-des-Vosges, du 3 avr. 2009

3 avril 2009

Suivant acte sous seing privé en date du 11 octobre 1993, la SAS Cora a consenti à la SARL JCM Firme un bail portant sur un local commercial <adresse>.

La bailleresse ayant refusé suivant acte du 9 juillet 2002 la demande de renouvellement du bail, la SARL JMC Firme a restitué les locaux le 1er octobre 2002 et saisi par acte du 30 juin 2003, le Tribunal de grande instance de Saint-Dié-des-Vosges aux fins d'entendre condamner la SAS Cora à lui verser une indemnité d'éviction et divers accessoires.

Par jugement du 2 mars 2007, le tribunal a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Messieurs Courneroux, expert immobilier, et Felder, expert-comptable, qui ont déposé leur rapport le 17 décembre 2007.

Par conclusions récapitulatives du 6 janvier 2009, la SARL JCM Firme a sollicité la condamnation de la SAS Cora à lui payer les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et avec capitalisation annuelle des intérêts :

- 544 163 euros à titre d'indemnité d'éviction

- 285 605,48 euros au titre des indemnités accessoires, soit :

26 120 euros au titre de l'indemnité de remploi

10 883 euros au titre des frais de rédaction d'acte

43 533 euros au titre de la commission de transaction

7 000 euros en réparation du trouble commercial et de l'interruption temporaire d'activité

164 849,38 euros au titre des frais de déménagement et emménagement

1 370 euros au titre des frais de licenciement de personnel

6 736 euros au titre des travaux non amortis

4 573 euros au titre des contrats en cours

11 290,45 euros au titre des pertes sur stock

9 250,14 euros au titre du dépôt de garantie

100 000 euros au titre de la perte de chance d'une réinstallation favorable

- la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les frais et dépens.

La SAS Cora a demandé, pour sa part, au tribunal de fixer l'indemnité d'éviction à 124 850 euros soit 108 000 euros à titre principal et 16 850 euros au titre des indemnités accessoires soit :

- 14 880 euros au titre de l'indemnité de remploi

- 600 euros au titre des frais de déménagement et emménagement

- 1 379 euros au titre des frais de licenciement du personnel

ainsi que la compensation de cette somme avec celle de 54 576,72 euros que lui reste devoir la société JCM Firme en principal, outre sa condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de 5 000 euro du chef des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 3 avril 2009, déclaré exécutoire par provision le tribunal a condamné la SAS Cora à payer à la SARL JCM Firme la somme de 141 766,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et capitalisation annuelle des intérêts, se détaillant comme suit :

- 108 000 euros : indemnité d'éviction principale

- 14 880 euros : indemnité de remploi

- 5 978 euros : trouble commercial

- 600 euros : frais de déménagement et emménagement

- 1 370 euros : frais de licenciement de personnel

- 6 736,73 euros : agencements non amortis

- 1 000 euros : frais administratifs

- 3 202,12 euros : dépôt de garantie,

outre une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens qui comprendront l'expertise judiciaire, toutes autres demandes étant rejetées.

Suivant déclaration reçue le 11 mai 2009, la SARL Key West venant aux droits de la société JCM Firme a relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation.

Elle a conclu comme suit, par dernières écritures du 3 novembre 2011 :

- débouter la SA Cora de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que le rapport de l'expert n'est pas contradictoire,

- constater que le flux de clientèle, le loyer au m² annuel sont les mêmes pour tous les commerçants à l'origine de la galerie, qu'ils ont la même valeur de droit au bail quel que soit le commerce exercé,

- écarter les transactions non motivées et retenues par l'expert à savoir Quick Shoes et Aquarelle qui ne sont que des succursales,

- dire que si le compromis JCM Firme doit être retenu qu'il faille dans ce cas tenir compte du salaire de Mme Simard, gérante,

- constater que le commerce Le Déodatien est le plus proche de celui de Key West tant pour ses surfaces que pour son déficit et ce à l'intérieur du centre commercial,

- constater que le protocole Le Déodatien a été versé par la société Cora à l'expert judiciaire qui a retenu les chiffres,

- constater que le prix au m² de l'indemnité versée par Cora au Déodatien s'élève à 2 092,44 euros le m²,

- constater que les déclarations de TVA de Key West comprennent les ventes de vêtements enfants de septembre à décembre 2004, <adresse>,

- constater que le bordereau INSEE démontre l'exploitation par Key West <adresse> et est opposable à tous les tiers,

- vu les photographies du sous-sol <adresse>, vu les attestations de clients de "Mandarine Bleue" <adresse>,

- constater que ni l'expert ni la société Cora ne se sont rendus <adresse> et que leurs allégations sont dénuées de tout fondement,

- constater que le bail JCM firme bénéficiait d'avantages plus importants que les baux actuels et que dès lors l'indemnité principale doit subir des majorations,

- réformer la décision entreprise au titre de l'indemnité principale et la fixer à la somme de 458 976,55 euros,

- fixer les demandes accessoires comme suit :

72 288,72 euros au titre de l'indemnité de remploi

3 480 euros au titre des frais de démontage et déménagement

12 200 euros au titre des frais d'acquisition du nouveau local

70 689,37 euros au titre des frais d'aménagement du local d'accueil

6 736,73 euros au titre des agencements non amortis

4 573,50 euros au titre des frais administratifs

2 740 euros au titre des frais de licenciement du personnel

22 914,06 euros au titre du dépôt de garantie avec intérêts capitalisés

13 587,57 euros au titre de la perte du stock

- ordonner la capitalisation des intérêts pour toutes les sommes au titre du principal et des accessoires à compter de la remise des clés soit à compter du 10 octobre 2002,

- faire droit à la demande de 50 000 euros pour perte de clientèle,

- condamner la SAS Cora au paiement de la somme de 100 000 euros au titre de la perte de chance de réinstallation favorable,

- constater l'urgence des travaux effectués par le locataire mais à la charge du bailleur

- condamner la société Cora au paiement de la somme de 26 406,16 euros au titre du préjudice né de la faute du bailleur qui n'a pas exécuté les travaux lui incombant et ce, avec intérêts capitalisés au taux légal à compter du 6 juillet 1994,

- condamner la société Cora au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner la société Cora à la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du déséquilibre significatif,

- condamner la société Cora aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Cora a conclu comme suit par dernières écritures du 14 février 2012 :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé qu'elle devait payer à la société Key West les sommes de :

108 000 euros au titre de l'indemnité principale d'éviction

14 880 euros au titre des indemnités de remploi

600 euros au titre des frais de déménagement (à l'exclusion des frais de réinstallation et d'aménagement des nouveaux locaux)

1 370 euros au titre des frais de licenciement,

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Key West les sommes de :

5 978 euros au titre du trouble commercial

6 736,73 euros au titre des agencements non amortis

1 000 euros au titre des frais administratifs

3 202,12 euros au titre du dépôt de garantie

5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- statuant à nouveau, déclarer irrecevables les demandes de la société Key West au titre de la perte de clientèle, du déséquilibre significatif et des travaux prétendument réalisés en 1993,

- débouter la société Key West de toutes ses demandes, fins et conclusions, autres que celles relatives à l'indemnité principale d'éviction (108 000 euros), à l'indemnité de remploi (14 880 euros), aux frais de déménagement pour 6 000 euros et aux frais de licenciement pour 1 370 euros,

- en tout état de cause, donner acte à la société Cora qu'elle réserve ses droits à la suite de la décision à intervenir de la Cour d'appel de Nancy (RG 11-2079) qu'elle a saisie sur appel du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance d'Epinal du 26 juillet 2009,

- condamner la société Key West aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE :

Vu les dernières écritures déposées le 3 novembre 2011 par la SARL Key West et le 14 février 2012 par la SAS Cora, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu, aux termes de l'article L. 145-14 du Code de commerce, que le bailleur qui refuse le renouvellement du bail doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement et comprenant notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;

Attendu qu'il sera observé en premier lieu, que la SARL Key West, qui discute la valeur probante du rapport d'expertise au motif notamment que les experts n'auraient pas respecté le principe de la contradiction en omettant de répondre aux dires qui leur avaient été adressés sur différents points et auraient fait état d'éléments qu'ils n'ont pas personnellement constatés, ne concluent pas pour autant à la nullité du rapport déposé le 17 décembre 2007 ;

Que les critiques développées par la SARL Key West concernant les constatations et conclusions des experts seront examinées, point par point, au cours de la présente décision dès lors qu'elles sont suffisamment précises quant aux manquements invoqués ;

Sur le montant de l'indemnité principale d'éviction :

Attendu en premier lieu qu'en l'absence de toute solution de déplacement du fonds de commerce du fait de l'impossibilité de retrouver un local équivalent dans une galerie commerciale pourvue de surcroît d'une seule entrée, l'éviction de la SARL Key West entraîne la perte de son fonds de commerce, donnant lieu à une indemnité dite de remplacement, ayant pour assiette la valeur du fonds de commerce ;

Attendu par ailleurs qu'ayant constaté que les résultats de la SARL JCM Firme ont été déficitaires pour les trois derniers exercices 1999, 2000 et 2000 respectivement de 10 959 euros, 31 530 euros et 36 652 euros, c'est à juste titre que, conformément à la jurisprudence constante, les experts judiciaires ont retenu que la valeur du fonds de commerce était réduite à la valeur théorique du droit au bail ;

Attendu enfin que Messieurs Courneroux et Felder, excluant la méthode dite du différentiel de loyer pour adopter une méthode plus empirique fondées sur les données effectivement constatées concernant la situation, les caractéristiques du local, l'état des lieux, l'environnement commercial, les conditions du bail et le montant du loyer, et rappelant par ailleurs que le fonds litigieux se situe dans un centre commercial lequel constitue une entité autonome à l'intérieur de laquelle doivent être recherchés les éléments de comparaison, eu égard aux relations économiques étroites entre le bailleur qui doit maintenir une commercialité spécifique de l'unité commerciale et le locataire qui doit participer au maintien de ce niveau de commercialité, ont déterminé la valeur du droit au bail de la SARL Key West par comparaison avec les indemnités d'éviction versées à l'occasion de transactions et cessions de droit au bail intervenues au sein de la galerie commerciale dont s'agit, à l'époque de l'éviction de la SARL JCM Firme ;

Qu'ils ont ainsi rappelé :

- que la société Cora et Mme Bonnaire ont fixé amiablement l'indemnité d'éviction due à cette dernière à la somme de 152 450 euros comprenant la valeur du fonds de commerce et les indemnités accessoires, s'agissant d'un local d'une superficie approximative de 95 m², soit un prix du m² pondéré de 1 604,74 euros,

- que l'indemnité d'éviction du fonds de la société Le Déodatien a été fixée amiablement à la somme de 213 428,62 euros comprenant la valeur du fonds et les indemnités accessoires, s'agissant d'un local d'une superficie de vente de 90 m² et 37 m² de réserves, soit un prix/m² pondéré de 2 102,44 euros,

- que le prix de cession d'une partie d'un fonds de commerce Quick Shoes a été fixé à 210 000 euros, s'agissant d'un local de 169 m² outre 69 m² de réserve, les experts rappelant qu'il s'agit en réalité de la cession d'une succursale constituant une partie du fonds du cessionnaire de sorte qu'il n'a pas été possible de déterminer les bénéfices réalisés dans le point de vente, mais que néanmoins le prix de 210 000 euros correspond au moins à la valeur du droit au bail, soit un prix du m² pondéré de 1 093,75 euros,

- qu'un compromis de cession du fonds de commerce de la société JMC Firme a été signé quelques jours avant le refus de renouvellement pour le prix de 100 000 euros, soit une valeur de 934,50 euros le m² pondéré, qui n'a pu aboutir compte tenu de l'éviction de la locataire,

pour ne retenir en définitive comme éléments de comparaison que la valeur de cession des droits au bail Quick Shoes et JCM Firme (1 160 euros le m² de vente et 1 010 euros le m² pondéré), en écartant les valeurs de cession, plus élevées, des fonds de commerce ;

Attendu que la SARL Key West qui réclame au titre de l'indemnité principale d'éviction la somme de 458 976,55 euros, ne discute plus à hauteur d'appel la méthode retenue par les experts judiciaires mais les références qu'ils ont retenues et qui selon elle, auraient dû être écartées, s'agissant ainsi :

- du prix de cession des fonds Quick Shoes et Aquarelle alors qu'ils ne constituaient pas des fonds de commerce autonomes mais des magasins faisant partie de l'ensemble constitué par les autres entités commerciales qui ont récupéré la clientèle,

- du compromis intervenu entre la société JCM Firme et Mme Léger, la transaction n'ayant pas abouti et étant associée en outre à l'embauche de la gérante et associée de JCM Firme pour un montant mensuel net de 1 500 euros, soit un coût de 162 000 euros ;

Qu'elle prétend qu'en revanche, doit être retenu comme élément de référence, le montant de l'indemnité d'éviction versée par la société Cora à la SARL le Déodatien, située dans la même galerie, qui disposait d'une surface de vente pratiquement identique à la sienne, d'un même flux de clientèle, qui payait un loyer annuel au m² équivalent au sien et qui dont l'exploitation était également déficitaire ; qu'elle rappelle à cet égard que s'agissant de locaux situés dans une galerie commerciale, ils constituent une entité spécifique et autonome à l'intérieur de laquelle doivent être recherchés les éléments de comparaison et se réfère à l' arrêt de la cour de cassation du 21 janvier 2003 sur pourvoi contre l'arrêt de la Cour de Nancy du 8 octobre 1997, qui a reconnu l'égalité de traitement que doit respecter la société Cora entre tous les locataires faisant partie du GIE, notamment sur le flux de clientèle ; qu'elle ajoute que la société Cora qui a remis à l'expert le protocole d'accord ne peut plus se prévaloir de la clause de confidentialité ; qu'enfin, il importe peu que la société Le Déodatien ait exploité une activité de presse, jeux et bimbeloterie et non un commerce de vêtements dès lors que les deux activités étant déficitaires, il n'est pas question de valeur de fonds de commerce mais de valeur de droit au bail ;

Qu'elle fait valoir que l'indemnité allouée à Le Déodatien s'étant élevée à la somme de 213 428,62 euros, soit un prix au m² pondéré de 2 092,44 euros, celle due à JCM Firme doit être fixée à 223 891 euros (107 m²) ; que cette valeur doit être réajustée en raison des contraintes supplémentaires imposées aux nouveaux baux (durée de 10 ans, appartenance au GIE plus exigée, locataires ne bénéficiant plus de clause d'exclusivité et bailleur disposant d'un contrôle comptable sur les bandes de caisse, taxe foncière due par le preneur, impossibilité de se réinstaller à moins de 2 000 mètres à vol d'oiseaux), le réajustement ayant été évalué par l'expert Herzog à 105 % (20 % pour les charges, 30 % pour la concurrence, 20 % pour la clause de transfert, 35 % pour la modification de l'accès au centre, chaque porte ouverte ayant une incidence de 60 % sur le chiffre d'affaires) ;

Attendu que la SAS Cora qui conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point expose que les deux modes de calcul proposées (méthode dite de remplacement et méthode dite de déplacement) prennent en considération la spécificité de l'emplacement du local commercial de l'appelante dans une galerie marchande ; qu'elle demande à la cour d'écarter le protocole transactionnel signé en juin 2002 avec la société Le Déodatien, sur lequel la société Key West fonde son argumentation, en rappelant l'effet relatif de cette convention, son caractère de confidentialité tel qu'expressément stipulé par les parties et enfin le fait que la valeur retenue, à titre transactionnel et forfaitaire, est déconnectée de la réalité économique et ne repose pas sur une analyse expertale ; qu'elle ajoute que la société Le Déodatien exploitait une activité totalement différente de celle de la société JCM Firme de sorte que la comparaison n'est ni juridiquement ni économiquement justifiée ;

Attendu qu'il sera observé en premier lieu, pour répondre à la critique formulée par la SARL Key West, que les experts, ainsi que rappelé plus haut, ont retenu le principe de l'unité du centre commercial pour ne prendre en considération que les seuls éléments de comparaison à l'intérieur de ce centre ;

Qu'en revanche, il ne peut être déduit de ce principe qui induit une égalité de traitement des commerçants au sein du même centre, notamment sur le flux de clientèle, que l'évaluation de l'indemnité d'éviction de l'un des commerces doit être fixée par comparaison avec l'ensemble des prix de cession ou transactions intervenus dans même centre et dans le même temps ; qu'il doit notamment être tenu compte de la spécificité de chaque commerce concrètement considéré, et notamment de l'activité exercée, étant rappelé que la valeur du droit au bail qui peut seule être prise en compte en cas d'exploitation déficitaire, est nécessairement moins élevée que la valeur du fonds de commerce qui inclut parmi d'autres éléments la valeur du droit au bail ;

Attendu par ailleurs, s'agissant de la référence au prix de cession du fonds de commerce de chaussures et maroquinerie exploité par la société Louis Serco au sein de la galerie commerciale Cora sous l'enseigne Quick Shoes, qu'il résulte de l'acte de cession dudit fonds à la SAS Cora en date du 25 février 2003, que la cédante exploite un autre fonds similaire au centre de Saint-Dié-des-Vosges et qu'il n'est pas possible d'individualiser le montant des bénéfices commerciaux dégagés par l'activité du fonds objet de la cession ; que s'il l'on admet, comme le propose la SARL Key West, que la clientèle du fonds cédé s'est déplacée, pour une grande partie, sur le fonds exploité par le cédant en centre-ville, l'indemnité due par le bailleur à la cédante doit s'analyser en une indemnité de déplacement ou de transfert, laquelle a pour assiette la valeur du droit au bail, majorée des indemnités accessoires liées au transfert ;

Attendu que c'est à juste titre dès lors que les experts judiciaires ont retenu que le montant de l'indemnité d'éviction versée pour le fonds Quick Shoes correspondait à la valeur du droit au bail et retenu cette valeur à titre d'élément de comparaison ;

Attendu, s'agissant de la référence au compromis de vente du fonds de commerce litigieux conclu le 1er juillet 2002 entre la SARL JCM Firme et Mme Léger, qui n'a pas abouti, qu'il résulte des pièces produites aux débats que la cession du fonds était accompagnée de l'embauche en qualité de responsable boutique, de Mme Simard, précédemment gérante de la SARL JCM Firme, pour une rémunération mensuelle nette de 1 500 euros ; que cet élément étant un facteur de réduction du prix de cession en raison de la charge imposée au cessionnaire, il eût fallu en tenir compte pour la détermination de la valeur réelle du fonds de commerce ;

Attendu enfin, s'agissant de l'indemnité d'éviction de la société Le Déodatien, que la SAS Cora ne saurait arguer de la confidentialité de la transaction intervenue avec la SARL Le Déodatien alors qu'elle a elle-même communiqué ce document à l'expert judiciaire ; que par ailleurs, il ne s'agit pas de faire produire à ladite transaction des effets obligatoires à l'égard de tiers mais de la retenir à titre de simple comparaison, étant tenu compte par ailleurs du caractère transactionnel et forfaitaire du montant fixé même s'il ne peut être sérieusement soutenu, comme le fait l'intimée, que ce prix serait totalement déconnecté de la réalité économique ;

Attendu que les experts ont écarté cette transaction au motif que la valeur retenue correspondait à la valeur du fonds de commerce, laquelle est supérieure à la valeur du droit au bail ;

Or, attendu que la SARL JCM Firme qui prétend que la société Le Déodatien était déficitaire de 17 690 euros en 2001 et 84 814 euros en 2002, ce dont elle déduit que le prix de cession correspondait à la valeur du droit au bail, n'en rapporte pas la preuve ;

Qu'il n'y a pas lieu dès lors, de retenir cette cession comme élément de comparaison ;

Attendu, au vu de l'ensemble de ces éléments, que l'indemnité principale d'éviction due à la SARL Key West doit être fixée, s'agissant d'un local d'une surface de vente utile de 93 m², soit une surface pondérée de 107 m² pour tenir compte des réserves après application d'un coefficient de 33 %, à la somme de 117 000 euros, en fonction d'un prix de vente au m² de 1 242 euros et d'un prix le m² pondéré de 1 100 euros ;

Attendu, étant rappelé que l'indemnité d'éviction est destinée à indemniser le locataire

évincé du préjudice qu'il a effectivement subi du fait du refus du renouvellement, qu'il n'y a pas lieu, comme le prétend l'appelante, de procéder à un "réajustement" de l'indemnité qui lui est allouée - laquelle correspond à la valeur du fonds de commerce dont il a été évincé, réduite à la valeur du droit au bail compte tenu du caractère déficitaire de son exploitation -, à raison des contraintes supplémentaires qui seraient imposées aux nouveaux baux consentis au sein de la galerie commerciale Cora ;

Sur l'indemnité dite de remploi :

Attendu que l'indemnité de remploi, qui doit permettre au locataire évincé de régler l'intégralité des taxes d'enregistrement, des frais d'actes et d'une éventuelle commission de transaction, sera fixée comme suit, conformément aux indications du rapport d'expertise :

taxation du droit au bail 4,80 % à partir de 23 000 euros : 4 412 euros

frais de rédaction d'acte 2 % du prix de cession : 2 340 euros

commission de transaction 8 % du prix de cession : 9 360 euros,

soit la somme de 16 112 euros ;

Sur les frais de déménagement :

Attendu que la SARL Key West réclame à ce titre la somme de 3 480 euros, se détaillant comme suit :

- coût location véhicule suivant facture de la société ASL du 31 décembre 2002 : 600 euros

- démontage agencement sur mesure du magasin, chargement véhicule et entreposage : 8 heures de travail x 4 jours x 6 personnes x 15 euros/heure : 2 880 euros ;

Attendu que l'appelante expose qu'elle a fait établir un devis en date du 6 août 2002 qui s'est élevé à la somme de 10 524 euros ; qu'estimant ce montant excessif, elle a elle-même réalisé le travail avec l'aide de six personnes ;

Qu'elle ne produit toutefois ni le devis dont elle fait état, ni aucun élément probant (notamment attestations) de nature à établir la réalité de ses allégations et le bien-fondé de sa réclamation de sorte qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la SAS Cora à ce titre à la somme de 600 euros ;

Sur les frais d'acquisition et d'aménagement du local d'accueil :

Attendu que la SARL Key West qui sollicite remboursement des frais qu'elle a exposés

pour l'acquisition et l'aménagement d'un local d'accueil, suite à son éviction de la galerie commerciale Cora, expose que la SA Catef lui a cédé, pour le prix de 23 000 euros, le droit au bail d'un fonds de commerce de confection qu'elle exploitait sur deux niveaux dans un immeuble <adresse>, étant stipulé à l'acte qu'elle exploitera l'activité de prêt-à-porter au sous-sol (33,10 m²) et sera autorisée à exploiter au rez-de-chaussée une crêperie sur place et à emporter ; que le coût du droit au bail pour l'exploitation du fonds de prêt à porter représente ainsi 12 200 euros (23 000 euros x 33,10 m² / 33,10 m² + 29,15 m²) ; qu'elle ajoute avoir effectué dans les nouveaux locaux, s'agissant de l'exploitation du commerce de prêt à porter, des travaux à hauteur de 70 689,37 euros ;

Qu'elle prétend que la jurisprudence constante n'exige pas que le locataire exploite un commerce identique dans le nouveau local ; qu'en l'espèce, coexistaient un commerce de vêtement et un commerce de restauration ; qu'elle critique par ailleurs le rapport d'expertise en ce qu'il a retenu à tort que les factures produites concernaient des travaux l'aménagement d'un établissement de restauration, sans que les experts aient visité les lieux ; qu'elle fait également valoir qu'elle n'a pu entreprendre les travaux d'aménagement qu'après avoir reçu la provision de la société Cora, soit en 2004 de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de produire des factures postérieures à son éviction ; que du fait de la carence de Cora, l'exploitation du fonds n'a duré que six mois et qu'en tout état de cause, même si l'exploitation a été de courte durée, la bailleresse n'en a pas moins l'obligation de rembourser les travaux nécessaires à la réinstallation du locataire dont le bail n'a pas été renouvelé ;

Attendu que la SA SAS Cora, qui conclut à la confirmation du jugement sur ce point, réplique que les frais de réinstallation sont définis comme ceux que supporte le locataire pour mettre, dans son nouveau fonds, des aménagements semblables à ceux, qu'il perd de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire entrer dans le montant de l'indemnité d'éviction, le prix d'acquisition par le locataire évincé d'éléments étrangers à son activité antérieure ; qu'or, il ressort des pièces produites (documents sociaux de l'appelante, Code Naf sur fiche Infogreffe, acte de cession droit au bail de la société Catef) que seule l'activité de crêperie était autorisée, à l'exclusion de toute autre ; que la SARL Key West ne rapporte pas la preuve qu'elle ait exercé une activité de prêt-à-porter dans les locaux <adresse> dans laquelle elle s'est réinstallée et que les factures de travaux se soient rapportées à une telle activité ;

Attendu qu'il sera rappelé que le bailleur est tenu, aux termes de l'article L. 145-14 du Code de commerce, au paiement des frais normaux de réinstallation dans le cas d'un transfert du fonds de commerce, en complément de l'indemnité dite de déplacement du fonds ; qu'en revanche, il ne peut y avoir lieu à paiement des frais de réinstallation dans le cadre d'une indemnisation pour perte du fonds, dès lors que l'indemnité principale dite de remplacement est théoriquement destinée à permettre au preneur de procéder à l'acquisition d'un fonds identique, censé comporter des aménagements semblables ;

Qu'il sera observé à cet égard que la jurisprudence de la Cour de cassation dont se prévaut la SARL Key West (chambre commerciale 15 octobre 2008) suivant laquelle l'indemnité d'éviction doit comprendre, lorsque la société s'est réinstallée dans des locaux équivalents, les frais d'acquisition du nouveau titre locatif ainsi que les frais de déménagement et d'aménagement des locaux, concerne l'hypothèse d'un refus de renouvellement d'un bail commercial n'entraînant pas la perte du fonds de commerce ;

Attendu que la SARL Key West, à laquelle est versée une indemnité dite de remplacement, égale à la perte du droit au bail, ne peut prétendre au remboursement en outre des frais d'acquisition d'un nouveau local ;

Qu'il résulte en revanche de la jurisprudence constante que même en cas de paiement d'une indemnité principale de remplacement, le preneur peut prétendre au remboursement des frais exposés destinés à adapter le local à son activité ;

Or attendu en l'espèce que la SARL Key West justifie par la production de l'extrait du registre du commerce et des sociétés qu'elle a exploité un établissement secondaire <adresse> créé le 1er juillet 2003 ayant pour objet, sous l'enseigne "Mandarine Bleue" la vente au détail d'articles de confection enfants et accessoires, ainsi que l'exploitation d'une crêperie sur place ou à emporter ; qu'il résulte par ailleurs du Grand Livre des comptes pour l'exercice 2004, qu'elle a réalisé, au titre des "ventes Mandarine Bleue" un chiffre d'affaires de 22 560 euros pour les mois d'août à décembre 2004 et un chiffre d'affaires de 32 439 euros au titre du "service revenu au personnel" pour les mois de mars à décembre 2004 ;

Que ces éléments établissent que l'appelante a bien exploité, concomitamment à une crêperie, un fonds de commerce de vente de vêtements pendant plusieurs mois au cours du deuxième semestre 2004, identique à celui exploité dans la galerie commerciale Cora, sous la même dénomination commerciale ;

Attendu qu'elle produit au soutien de ses prétentions les factures suivantes :

GME Telec Système : 1 416,06 euros au titre de la fourniture de caméras,

Enseignes PRS du 30 juin 2004 : 1 217,38 euros au titre de la réalisation d'une enseigne,

MCD Plus : 1 046,50 euros et 437,63 euros au titre de la fourniture et la pose de cloisonnements, faïences et carrelages au sol, portant la référence "Crêperie sanitaires", EDF GDF : 377,17 euros au titre de la modification de branchements,

Sodel Electricité : 1 815,10 euros + 5 053,76 euros + 8 199,73 euros + 2 388,38 euros + 307,31 euros + 2 763,65 euros + 841,30 euros + 1 076,72 euros,

Alpha Electrosystème : 4 700 euros au titre des travaux de mise aux normes de l'établissement,

Point Stores : 2 403,65 euros portant la référence "chantier Terre Bretonne",

Point Stores : 3 946,80 euros concernant la pose d'un store de terrasse et auvent de protection,

AEP : 5 830,69 euros au titre des travaux de sanitaires, chauffe-eau, bloc WC, lave main, alimentation eau chaude et froide, mitigeur sur plonge, plaque crêpière, lave main dans cuisine,

Solinstal : 1 571,44 euros correspondant à la fourniture et la pose de revêtements de sols

Miroiterie Claudel : 8 349,81 euros ;

Attendu que si à l'évidence, les factures MCD Plus, Point Stores, AEP sont relatives à les travaux effectués dans la crêperie, il n'en demeure pas moins qu'une partie des travaux d'électricité, d'installation de caméra, de miroirs et la pose de revêtements au sol ont été affectés au fonds de commerce de prêt-à-porter ;

Attendu que la SAS Cora ne peut opposer à l'appelante le retard apporté à la mise en œuvre des travaux d'aménagement du nouveau fonds, étant rappelé que par ordonnance du juge de la mise en état en date du 1er juin 2004, elle a été condamnée au versement d'une provision de 80 000 euros, à valoir sur l'indemnité d'éviction due après compensation des créances réciproques ; qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la clause de l'acte de cession du droit au bail intervenu avec la société Catef, aux termes de laquelle la SARL Key West s'engage à prendre les locaux dans leur état actuel qu'elle connaît pour les avoir vus et visités, sans recours contre le cédant, cette convention ne lui étant pas opposable ;

Qu'il convient de faire droit à la demande de la SARL Key West à hauteur de la somme de 20 000 euros ;

Sur les frais de licenciement :

Attendu que les experts judiciaires ont porté en compte, au titre des frais de licenciement de Mme Carole Mulot, la somme de 1 370 euros net, seule justifiée, également retenue par le jugement du 3 avril 2009, dont la SAS Cora demande la confirmation sur ce point ;

Attendu que la SARL Key West qui réclame à ce titre 2 740 euros, compte tenu de la convention de reclassement prise en charge par les Assedic mais dont elle prétend qu'elle lui a été répercutée, n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;

Qu'il échet de rejeter son appel sur ce point ;

Sur le chef de demande au titre de la perte du stock :

Attendu que la SARL Key West prétend que le stock prêt-à-porter "mode", évalué à la date du 1er septembre 2002, selon listing informatique, à la somme de 13 587,57 euros, et repris au bilan 2002 déposé au greffe du tribunal de commerce, étant inutilisable pour l'ouverture en juillet 2004 du nouveau fonds, a été mis à la disposition de la société Cora qui doit dès lors lui en rembourser le montant ;

Attendu toutefois que l'appelante ne démontre pas qu'elle aurait laissé son stock résiduel à la disposition de la bailleresse, celle-ci n'étant pas, en tout état de cause, obligée de l'accepter ; que par ailleurs, s'il est admis, ainsi que le relèvent les experts judiciaire, qu'une indemnité pour perte sur la valeur soit allouée au preneur du fait des ventes au rabais qu'il a réalisées avant la fermeture de son fonds, en l'espèce, la SARL Key West n'apporte aucun élément en cet effet ;

Qu'il échet de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;

Sur le chef de demande au titre de la perte partielle de clientèle :

Attendu que la SARL Key West qui réclame à ce titre la somme de 50 000 euros, expose qu'ainsi que l'admet la jurisprudence constante, la perte partielle de clientèle résultant du déplacement du fonds, doit être indemnisée dans le cadre de l'éviction ; qu'elle fait valoir que le procès-verbal du comptage de la clientèle de l'hypermarché Cora fréquentant le centre commercial, établi le 23 juillet 1994 par Mes Morel et Molin, huissiers de justice, a fait ressortir un total de 20 539 passages chaque jour devant chaque magasin ; qu'un flux de clientèle aussi important était impossible à retrouver ;

Mais attendu, ainsi que le fait justement valoir la SAS Cora, que la perte partielle de clientèle, qui constitue un poste accessoire spécifique de l'indemnité dite de déplacement, ne peut être indemnisée que si le transfert du fonds peut permettre d'éviter sa disparition et réduire corrélativement le préjudice indemnisable du preneur ; qu'elle ne peut l'être en revanche, lorsque le locataire perçoit, non une indemnité de déplacement, mais une indemnité de remplacement, ce qui est le cas en l'espèce, dès lors, ainsi que développé ci-dessus, que la perte du fonds de commerce exploité par la SARL Key West ne pouvait permettre son déplacement ;

Qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de la SARL Key West de ce chef ;

Sur l'indemnisation du trouble commercial :

Attendu que la SAS Cora qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris prétend qu'un tel préjudice, compris dans l'indemnité d'éviction en cas de fonds non transférable, ne peut être dans cette hypothèse, indemnisé de manière autonome ; qu'en tout état de cause, l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un trouble commercial concret, réel et distinct ;

Mais attendu que le trouble commercial, qui correspond à la perte de bénéfice pendant la période écoulée entre le paiement de l'indemnité d'éviction et la réinstallation, de même la perte de temps subie par les dirigeants de la société pour la recherche de nouveaux locaux, peut être indemnisé indépendamment de l'indemnité principale d'éviction ;

Que c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a alloué à ce titre à la locataire évincée, qui a dû rechercher un nouveau local pour se réinstaller, la somme de 5 978 euros correspondant à trois mois de traitements et salaires, en l'absence de bénéfices ;

Sur le chef de demande au titre des agencements non amortis :

Attendu que la SAS Cora conclut au rejet de la demande de ce chef ; qu'elle prétend que compte tenu de la non réinstallation de Key West dans la même activité que celle exercée auparavant au sein de la galerie marchande, elle n'a pas à supporter la valeur des immobilisation ;

Mais attendu qu'il est constant, ainsi que développé plus haut, que la SARL Key West, après avoir acquis le droit au bail afférents aux locaux situés à Saint-Dié-des-Vosges, a exploité dans lesdits locaux, non seulement une activité de crêperie au rez-de-chaussée, mais également une activité de vente de prêt-à-porter, identique à celle qu'elle exploitait au sein de la galerie commerciale Cora ;

Attendu que la locataire, dont l'indemnité dite de remplacement est fixée à la seule valeur du droit au bail, n'ayant pas à supposer les frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du degré d'amortissement des investissements qu'il a abandonnés, il échet de faire droit à la demande pour la somme de 6 736,73 euros qui correspond, au vu des pièces comptables, ainsi que l'ont relevé les experts judiciaires, à la valeur nette des immobilisations à son départ ;

Qu'il échet de confirmer le jugement entrepris sur ce point

Sur le chef de demande du chef des frais administratifs :

Attendu que la SARL Key West sollicite à ce titre la somme de 4 573,50 euros correspondant à l'indemnité de rupture anticipée que lui a réclamé la société Infigest, avec laquelle elle avait conclu un contrat de gestion le 1er janvier 2001 pour une durée de trois années ;

Attendu qu'il est constant que la SARL Key West a dû cesser son exploitation suite au refus de renouvellement du bail commercial que lui avait consenti la société Cora ; que certes, elle s'est réinstallée dans d'autres locaux mais seulement à compter de 2004, compte tenu du règlement tardif par la bailleresse d'une provision à valoir sur l'indemnité d'éviction et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de financer plus tôt les travaux d'aménagement des locaux d'accueil ; que le préjudice dont elle fait état étant directement en relation avec son éviction, il échet de faire droit à sa demande sur ce point ;

Qu'il sera ajouté, pour répondre à l'argumentation développée par la SAS Cora que la SARL Key West a exercé, ainsi qu'elle en justifie, a exercé, à compter du mois d'août 2004, une activité identique à celle exercée dans la galerie marchande, concomitamment à une activité de restauration dans les locaux situés <adresse>, après le non-renouvellement du bail commercial qui lui avait consenti par l'intimée;

Sur le dépôt de garantie :

Attendu que le tribunal a condamné la SAS Cora au remboursement de la somme de 3 202,12 euros (21 004,56 F) au titre du dépôt de garantie versé par la SARL Key West lors de son entrée dans les lieux, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002, date de restitution des clés du local, et capitalisation annuelle des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Attendu que l'appelante qui réclame une somme de 1 909,46 F (292,62 euros) supplémentaire produit un appel de fonds émis par la société Cora pour ce montant, non daté ; qu'elle ne rapporte cependant pas la preuve qu'elle se soit acquittée de ce montant, étant observé que les experts judiciaires ont indiqué dans leur rapport que l'extrait de la comptabilité versé aux débats par la locataire faisait état d'une seule immobilisation de 21 004,56 F ;

Attendu que la bailleresse, qui ne rapporte pas la preuve de dégradations imputables au preneur l'autorisant à conserver le dépôt de garantie, ne peut s'opposer à la restitution de la somme de 3 202,12 euros ;

Qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-40 du Code de commerce pour prétendre que le dépôt de garantie, qui n'excède pas deux termes de loyers, ne peut produire intérêts, alors que ce texte concerne les intérêts produits par les loyers payés d'avance, même à titre de garantie, pendant la durée du bail et non les intérêts de retard dus pour non restitution du dépôt de garantie ;

Qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur la perte de chance de réinstallation favorable :

Attendu que la SARL Key West, qui réclame à ce titre, une somme de 100 000 euros, critique le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que cette demande faisait double emploi avec l'indemnité d'éviction légalement prévue ; qu'elle prétend qu'une telle indemnité est distincte de l'indemnité d'éviction puisqu'elle est destinée à sanctionner la carence du bailleur qui a tardé à faire fixer le montant de l'indemnité dont il était redevable ; qu'elle expose à cet égard, que de septembre 2002 à juin 2004, elle n'a pu concrétiser le transfert du nom commercial du fait du refus opposé par la société Cora de lui verser un acompte pour effectuer les travaux d'aménagement d'un nouveau local ;

Attendu que la SAS Cora conclut au rejet de ce chef de demande ; qu'elle fait valoir que l'indemnité principale d'éviction a pour objet même l'indemnisation du préjudice subi par la SARL JCM Firme résultant de la perte d'une chance de bénéficier du flux de la clientèle de la galerie commerciale et de conserver sa propre clientèle ; qu'elle ajoute que l'appelante a déjà obtenu une indemnité de perte de chance par arrêt de la Cour d'appel de Metz en date du 30 mars 2010, qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée et rend toute nouvelle demande de ce chef irrecevable, ainsi qu'abusive ;

Attendu qu'il sera observé en premier lieu, que les dommages intérêts alloués à la SARL Key West par l'arrêt du 30 mars 2010, l'ont été, suite à l'ouverture par la société Cora d'une seconde porte d'accès à son magasin excluant le passage systématique de la clientèle par la galerie marchande, au titre de la perte de chance de pouvoir, à l'issue d'une période de quatre années d'activité nécessaires à l'atteinte d'un équilibre, améliorer encore sa situation et développer de manière optimale ses résultats d'exploitation ;

Que le préjudice dont la locataire réclame aujourd'hui réparation, procède d'une toute autre cause, s'agissant de la perte de chance d'une éventualité favorable de réinstallation suite au retard apporté par la bailleresse au règlement de l'indemnité d'éviction ;

Attendu sur le bien-fondé de la demande, que certes, il résulte des éléments du dossier que la SARL Key West, après avoir acquis le droit au bail afférent aux locaux situés <adresse>, n'a débuté effectivement son exploitation qu'au courant de l'année 2004, après la condamnation de la société Cora à lui payer une provision sur l'indemnité d'éviction ;

Que pour autant, compte tenu des résultats déficitaires, depuis plusieurs années, du fonds de commerce qu'elle exploitait dans la galerie marchande, il n'est pas établi que l'appelante, se fût-elle réinstallée dès le mois de novembre 2002, n'aurait pas rencontré les difficultés auxquelles elle a dû faire face qui l'ont amenée à cesser son activité dès le mois de décembre 2004 ;

Qu'à défaut d'une probabilité suffisante que la chance d'une réinstallation plus favorable se réalise, il ne saurait être fait droit à la demande de ce chef ;

Sur la demande formée par la SARL Key West au titre des travaux effectués par elle lors de la prise de bail :

Attendu que la SARL Key West expose que compte tenu de l'urgence, l'ouverture de la galerie étant prévue pour le 15 novembre 1993, elle a fait procéder avec l'autorisation du responsable du magasin Cora, aux travaux qui incombaient à la bailleresse, de mise en conformité des locaux à leur usage ainsi qu'aux normes imposées par l'administration, pour la somme globale de 26 406,16 euros (173 213,08 F) dont elle réclame remboursement ;

Attendu que la SAS Cora soulève l'irrecevabilité de cette demande, formée pour la première fois à hauteur d'appel ; que la SARL Key West réplique qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle dès lors que ses conclusions de première instance y faisaient référence et que le premier juge a omis de statuer sur ce point ;

Attendu toutefois, que la lecture très attentive des dernières écritures déposées par la SARL Key West devant le première juge le 6 janvier 2009 n'a pas permis de retrouver une quelconque demande de ce chef, ni même une quelconque référence aux travaux litigieux ; qu'il sera observé que s'agissant d'une procédure écrite, les notes de plaidoiries que la demanderesse a pu verser au dossier du tribunal et qui font effectivement état des travaux qu'elle a réalisés, dont le coût incombait à la bailleresse, sont inopérantes ;

Attendu que cette demande qui n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale qui tend à voir fixer l'indemnité d'éviction due par la bailleresse suite au refus de renouvellement du bail, doit être déclarée irrecevable ;

Sur la demande au titre du déséquilibre significatif :

Attendu que la SARL Key West, invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 2° du Code de commerce suivant lequel "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties", demande que lui soit allouée à ce titre une somme de 50 000 euros ;

Qu'elle expose qu'ayant restitué à la SAS Cora les clés des locaux le 1er octobre 2002, elle n'a pu obtenir un acompte sur l'indemnité d'éviction qu'en 2004, après assignation de la bailleresse qui ne lui a réglé le solde, alloué par jugement du 3 avril 2009, qu'en août 2011, suite à un jugement du juge de l'exécution ; que la SAS Cora a profité de sa surface financière et internationale pour faire durer la procédure en refusant de s'acquitter de ses obligations ;

Attendu qu'une telle demande, formée pour la première fois à hauteur d'appel, n'en est pas moins recevable, par application des dispositions de l'article 566 du Code de procédure civile, dès lors qu'elle est le complément de la demande initiale qui tend à l'indemnisation du préjudice subi par la SARL Key West du fait de son éviction de la galerie commerciale Cora ;

Qu'il ne saurait toutefois y être fait droit ;

Qu'il sera observé en premier lieu que la disposition dont se prévaut l'appelante, énoncée à l'article L. 442-6 2°, est issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 applicable aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009 ;

Qu'en tout état de cause, ce texte, qui concerne les pratiques restrictives de concurrence et dont l'application suppose l'existence d'un partenariat économique entre les parties, ne peut utilement être invoqué dans les rapports bailleur-preneur ;

Sur le chef de demande tendant au paiement de dommages intérêts pour préjudice moral :

Attendu que la SARL Key West qui réclame dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la SAS Cora à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, ne fournit aucune explication à ce chef de demande ;

Qu'il ne saurait y être fait droit ;

Attendu qu'il échet en définitive, d'allouer à la SARL Key West les montants suivants :

au titre de l'indemnité principale d'éviction 117 000 euros

au titre de l'indemnité de remploi 16 112 euros

au titre des frais de déménagement 600 euros

au titre des frais d'aménagement du local d'accueil 20 000 euros

au titre des frais de licenciement 1 370 euros

au titre des frais administratifs 4 573,50 euros

au titre du préjudice commercial 5 978 euros

au titre des agencements non amortis 6 736,73 euros

au titre de la restitution du dépôt de garantie 3 202,12 euros ;

dont à déduire les versements déjà opérés ;

Que par application de l'article 1153-1 du Code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002, date à laquelle la locataire a libéré les lieux, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil, à compter de la demande de ce chef, soit à compter de l'assignation du 30 juin 2003 ;

Que la SARL Key West sera déboutée de ses autres demandes ;

Attendu que l'équité commande que soit allouée à la SARL Key West qui triomphe, même partiellement, en son appel, une indemnité de 8 000 euros du chef des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;

Attendu qu'il y a lieu, compte tenu de l'issue de la procédure, de débouter la SAS Cora de sa demande sur ce même fondement et de la condamner aux entiers dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit la SARL Key West en son appel principal et la SAS Cora en son appel incident contre le jugement rendu le 3 avril 2009 par le Tribunal de grande instance de Saint-Dié des Vosges ; Infirme ce jugement et statuant à nouveau sur le tout ; Condamne la SAS Cora à payer à la SARL Key West qui vient aux droits de la SARL JCM Firme, en deniers ou quittances, la somme de cent soixante-quinze mille cinq cent soixante-douze euros et trente-cinq centimes (175 572,35 euros) à titre d'indemnité d'éviction, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 ; Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, à compter du 30 juin 2003 ; Déboute la SARL Key West de ses autres demandes ; Condamne la SAS Cora à payer à la SARL Key West une indemnité de huit mille euros (8 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile du chef des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ; Déboute la SARL Key West de ses autres demandes ; Rejette les autres demandes de la SAS Cora ; Condamne la SAS Cora aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Millot-Logier et Fontaine à faire application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.