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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 5 juillet 2012, n° 11-01618

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Samo 1er (SARL)

Défendeur :

BNP Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Moracchini

Conseillers :

Mmes Fevre, Gonand

Avocats :

SCP Fisselier & Associés, Mes Peytavi, Caron, Korsbaek, Donato

T. com. Paris, du 6 déc. 2010

6 décembre 2010

Le 2 avril 2004, la SARL Samo 1er, exerçant l'activité d'agent immobilier en Guadeloupe, et la société Espaces Immobiliers, ayant pour activité la réalisation de transactions immobilières, ont conclu une convention de représentation et de commercialisation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2008, la société Espaces Immobiliers a notifié à la SARL Samo 1er la résiliation de la convention avec un préavis de quinze jours "conformément aux usages de la profession".

Par acte d'huissier en date du 19 juin 2009, la SARL Samo 1er a fait assigner la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement dénommée Espaces Immobiliers, en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 6 décembre 2010, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la SARL Samo 1er à payer à la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction & Conseil, Anciennement dénommée Espaces Immobiliers, la somme de 119 597,39 euros au titre des honoraires dûs pour l'opération dénommée "Domaine de Chambord", débouté la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction & Conseil, anciennement dénommée Espaces Immobiliers, de sa demande en dommages-intérêts, ordonné l'exécution provisoire, condamné la SARL Samo 1er à payer à la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction & Conseil, anciennement dénommée Espaces Immobiliers, la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejeté toutes autres demandes, condamné la SARL Samo 1er aux dépens.

La déclaration d'appel de la SARL Samo 1er a été remise au greffe de la cour le 27 janvier 2011.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, signifiées le 3 avril 2012, la SARL Samo 1er demande de :

- dire que les société Samo 1er et BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil ont été liées par un mandat d'intérêt commun à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2007,

- dire abusive et, en tous cas, brutale la rupture du contrat entre la société Samo 1er et la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil,

- dire que le préavis issu de la loi du 2 janvier 1970 est, en toute hypothèse, inapplicable à la convention entre les sociétés BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil et la société Samo 1er,

- condamner la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil à verser à la société Samo 1er une indemnité de 1 500 000 euros en réparation du préjudice subi ou, à tout le moins, ordonner une expertise afin de fournir les éléments nécessaires à l'évaluation de son préjudice,

- infirmer le jugement déféré,

- constater que la société Samo 1er justifie avoir versé à la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil les honoraires relatifs à l'opération "Domaine de Chambord" et dire n'y avoir lieu à confirmation de ce chef,

- débouter la BNP-Paribas Immobilier Transaction et Conseil de ses demandes,

- condamner la BNP-Paribas Immobilier Transaction et Conseil à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, plus 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'à supporter les dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, signifiées le 2 mai 2012, la BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil demande la confirmation du jugement déféré et, en conséquence, de :

- dire que les parties n'étaient nullement liées par un mandat d'intérêt commun et que la résiliation par la société Espaces Immobiliers de cette convention n'est nullement fautive, ni abusive,

- constater que le préavis octroyé correspond à celui prévue par l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 ainsi qu'aux "usages du commerce" visés par l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- dire que la résiliation de la convention du 2 avril 2004 par la société Espaces Immobiliers n'est pas davantage brutale au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,

- débouter la société Samo 1er de l'ensemble de ses demandes,

et, subsidiairement, de :

- dire que le préjudice invoqué par la société Samo 1er n'est établi ni dans son principe, ni dans son quantum,

- débouter la société Samo 1er de l'ensemble de ses demandes,

et, en toute hypothèse, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Samo 1er à lui payer la somme de 119 597,39 euros au titre des honoraires dûs pour l'opération dénommée "Domaine de Chambord", de condamner la société Samo 1er à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2012.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant que la société Samo 1er soutient que le contrat conclu avec la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil le 30 juin 2007 est un mandat d'intérêt commun visant à ce que chaque partie agisse aussi bien dans l'intérêt de son cocontractant que dans le sien propre et contribuant par la collaboration de deux sociétés ayant des liens directs et concurrents à l'accroissement de l'entreprise commune par la création et le développement d'une clientèle constituée d'investisseurs souhaitant défiscaliser aux Antilles ou en Guyane Française ; que ce mandat conclu pour une durée indéterminée est irrévocable, sauf du consentement des parties, ou faute grave soumise au contrôle judiciaire, laquelle n'est pas caractérisée ; qu'elle estime que la résiliation est abusive et ouvre droit à l'indemnisation du préjudice subi ;

Considérant qu'en réponse, la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transactionnel et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, fait valoir que tout engagement à durée indéterminée peut être résilié ; que les deux parties exercent la profession d'agents immobiliers régie par la loi du 2 janvier 1970 et son décret d'application du 20 juillet 1972 ; que la convention conclue le 2 avril 2004 n'est pas un mandat d'intérêt commun puisqu'il ne porte pas sur le développement d'une clientèle déterminée et qu'elle est conclue entre deux agents immobiliers, dont le mandat est révocable à condition de respecter le préavis prévu par l'article 78 du décret d'application du 20 juillet 1972 ; qu'elle prétend que la loi Hoguet s'applique entre professionnels et qu'elle pouvait mettre fin à la convention en respectant un préavis conforme aux usages de la profession, ce qu'elle a fait ; qu'elle ajoute qu'elle a maintenu le courant d'affaires et a continué à exécuter les délégations confiées par la société Samo 1er portant sur les opérations "Domaine de Chambord", "Gourdeliane" et "Némo" qui ont abouti à de nombreuses réservations et à la conclusion de ventes générant des commissions pour la société Samo 1er de sorte que la résiliation de la convention du 2 avril 2004 n'a pas eu de répercussions sur la relation commerciale entre les parties ; qu'elle estime n'avoir commis aucune faute ;

Considérant que les extraits KBIS des sociétés Samo 1er et BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, établissent qu'elles sont toutes les deux marchands de biens et exercent l'activité d'agent immobilier pour leur clientèle propre ;

Considérant que, le 2 avril 2004, les deux parties ont signé un contrat intitulé "Convention de Représentation et de Commercialisation - Délégation Régionale agréée Espaces Immobiliers" enregistrée sous le numéro 712, d'une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction; qu'ainsi à compter de son renouvellement le 2 avril 2006, il est devenu un contrat à durée indéterminée susceptible d'être résilié à tout moment sans motif, sous réserve que celui qui le résilie respecte un préavis suffisant conformément à l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;

Considérant que la convention signée par les parties donne à la société Samo 1er, sur la zone géographique des Antilles-Guyane, une exclusivité de représentation d'Espaces Immobiliers "pour l'activité transaction immobilière logement neufs" avec un objectif de 5 réservations nettes trimestrielles, pour un chiffre d'affaires moyen de 600 000 euros TTC, avec pour mission de démarcher les prospects issus de la Convention Nationale de Recommandations Clientèle signée entre la BNP-Paribas et la société Espaces immobiliers, qui dispose elle-même d'une exclusivité pour présenter les produits immobiliers aux clients de la BNP-Paribas qui en émettent le souhait, en vue de développer le réseau de la société Espaces immobiliers sur le territoire défini et de présenter pour "agrément" à la société Espaces Immobiliers des opérations immobilières pour lesquelles la société Samo 1er est détentrice du mandat principal avec délégation de ce mandat à la société Espaces Immobiliers aux conditions prévues par le contrat;

qu'elle fixe la rémunération due à la société Samo 1er par la société Espaces Immobiliers en distinguant selon que la vente de logements neufs est réalisée par la société Samo 1er ou par la société Espaces Immobiliers et que la vente sur un logement pour lequel la société Espaces Immobiliers détient un mandat principal délégué ou sur un logement agréé par la société Espaces Immobiliers pour lequel la société Samo 1er détient un mandat principal ;

Considérant qu'ainsi la société Samo 1er a reçu un mandat de représentation de la société Espaces Immobiliers auprès des clients de celle-ci dans la zone géographique qui lui a été confiée et porte sur une collaboration entre les deux agents immobiliers afin de trouver des logements neufs à vendre aux clients de la BNP-Paribas intéressés ou bien de trouver des clients pour les opérations immobilières pour lesquelles la société Espaces Immobiliers a reçu un mandat de commercialisation ; qu'il n'y a pas de clientèle commune à créer ou à développer, mais des délégations de mandat de commercialisation des produits pour lesquels l'une ou l'autre des deux sociétés a reçu un mandat principal de vente de promoteurs immobiliers visant à faire se rencontrer l'offre et la demande, ce qui exclut le mandat d'intérêt commun revendiqué par la société Samo 1er ;

Considérant que le mandat de l'agent immobilier, peu important qu'il soit consenti par un autre agent immobilier, est révocable à condition de respecter le préavis prévu par l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 de même que tout mandat est révocable unilatéralement en application de l'article 2004 du Code civil, sauf au mandataire à prouver que le mandant a abusé du droit de révocation et lui a causé un préjudice ;

Considérant que la société Samo 1er est ainsi mal fondée à soutenir que la résiliation prononcée unilatéralement par la société Espaces Immobiliers le 30 juin 2008 est fautive et abusive ;

Considérant que, subsidiairement, la société Samo 1er soutient que la résiliation a été brutale en l'absence d'un préavis suffisant au regard de l'ancienneté de la relation commerciale ; qu'elle estime que le préavis de quinze jours de l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 n'est pas acceptable entre deux agents immobiliers et qu'il ne peut pas être inférieur à celui qui est prévu en cas de faute par le contrat de deux mois;

Considérant qu'en réponse la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil fait valoir qu'elle a respecté le préavis applicable prévu par l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 et qu'elle a continué à exécuter les délégations de mandat qui lui avaient été confiées par la société Samo 1er de sorte que la résiliation du contrat n'a pas eu d'incidence sur la relation commerciale entre les parties ; qu'elle ajoute qu'elle n'a retrouvé aucun trace des propositions des opérations immobilières que la société Samo 1er prétend, pour la première fois, lui avoir faites en 2009 bien après la résiliation ;

Considérant que le seul préavis applicable est le préavis de quinze jours prévu par l'article 78 du décret du 20 juillet 1972 s'agissant d'un mandat de représentation et de commercialisation assorti d'une clause d'exclusivité portant sur une activité de transaction immobilière de logements neufs conclu entre deux agents immobiliers ;

Considérant qu'il est établi que la société Espaces Immobiliers ayant notifié la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2008 avec un préavis de quinze jours conformément aux usages du commerce, la rupture n'a pas été brutale et, ce, d'autant moins que la société Espaces Immobiliers a continué à exécuter les mandats de commercialisation signés et ne "s'est pas opposée à la mise en place pour l'avenir de délégations de mandat ponctuelles, au cas par cas, pour des opérations qui pourraient aussi bien intéresser les deux sociétés", dans sa lettre de résiliation; qu'il n'est pas justifié que la société Samo 1er lui ait proposé des opérations avant le 26 mars 2009 en admettant que la société Espaces Immobiliers, qui reste libre de les agréer ou pas, ait reçu cette propositions, ce qu'elle conteste; qu'il n'est démontré aucun préjudice résultant de la brièveté du préavis appliqué alors que la société Samo 1er ne rapporte aucune preuve des ventes perdues qu'elle aurait pu proposer à l'agrément de la société Espaces Immobiliers pendant la période de préavis qu'elle revendique et qu'elle a continué à se présenter sur son site internet comme le représentant régional de la société Espaces Immobiliers jusqu'à la mise en demeure qui lui a été délivrée par cette dernière le 1er juillet 2009 à la suite du constat d'huissier du 4 mai 2009 malgré la résiliation de la convention de représentation depuis le 30 juin 2008 ; qu'il n'y a ni faute, ni préjudice démontrés;

Considérant que la société Samo 1er demande à la cour de constater qu'elle a versé à la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, les honoraires relatifs à l'opération "Domaine de Chambord" et l'infirmation du jugement déféré à ce titre ; qu'elle ne justifie pas du paiement de la somme de 119 597,39 euros due à la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, au titre de la rétrocession des honoraires de commercialisation versés par le promoteur de la Résidence Chambord à l'occasion des ventes à des acheteurs issus du fichier de la BNP-Paribas conformément à la convention des parties ;

Considérant que la société Samo 1er est mal fondée en son appel et en ses demandes ; qu'elle en sera déboutée et que le jugement confirmé ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, le montant de ses frais irrépétibles en appel ; qu'il convient de condamner la société Samo 1er à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Samo 1er, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la SARL Samo 1er à payer à la la société BNP-Paribas Immobilier Résidentiel Transaction et Conseil, anciennement Espaces Immobiliers, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la SARL Samo1er aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.