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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 janvier 2012, n° 09-23057

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

United Pharmaceuticals (SAS)

Défendeur :

Laiterie de Montaigu (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Luc

T. com. Paris, du 21 oct. 2009

21 octobre 2009

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La SAS United Pharmaceuticals (ci-après UP) est spécialisée dans la conception, le développement et la commercialisation de produits pharmaceutiques et de nutrition. Elle commercialise, en particulier sous la marque Novalac, des laits infantiles standards et des laits infantiles à indication thérapeutique.

La SAS Laiterie de Montaigu (ci-après LM) est spécialisée dans la fabrication de lait en poudre.

Les parties ont conclu le 21 mars 2002 un contrat intitulé "Contrat de sous-traitance et d'approvisionnement" aux termes duquel la SAS United Pharmaceuticals a confié à la SAS Laiterie de Montaigu "des fabrications de Produits aux Marques et selon des Formules et les cahiers des charges" définis à l'annexe I du contrat et stipulant que d'autres produits et les mêmes ou d'autres marques pourront être inclus sur simple accord écrit entre les parties.

Le contrat a été conclu pour une durée de dix ans, renouvelable par tacite reconduction par période d'un an. Les parties ont cependant cessé leurs relations contractuelles au début de l'année 2005 et s'imputent réciproquement la responsabilité de cette rupture.

La SAS United Pharmaceuticals a assigné la société Laiterie de Montaigu, par acte du 8 juin 2007, devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 21 octobre 2009 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la SAS Laiterie de Montaigu - SAS S à payer à la SAS United Pharmaceuticals la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 16 novembre 2009 par la SAS United Pharmaceuticals,

Vu les dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2011 par lesquelles la SAS United Pharmaceuticals demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Laiterie de Montaigu a rompu de manière unilatérale et fautive le contrat de sous-traitance et d'approvisionnement,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a évalué le préjudice de la société United Pharmaceuticals au titre de la rupture fautive du contrat de sous-traitance et d'approvisionnement à 200 000 euros, et statuant à nouveau :

- dire et juger que la fabrication des laits HA fait pleinement partie du contrat de sous-traitance et d'approvisionnement,

En conséquence, condamner la société Laiterie de Montaigu à payer à la société United Pharmaceuticals des indemnités suivantes :

la somme de 6 771.882 euros en réparation du préjudice résultant des surcoûts de production liés aux produits HA et aux autres produits consécutifs à la rupture,

la somme de 279 019 euros en réparation du préjudice subi par la société United Pharmaceuticals du fait des coûts engagés par elle au titre du changement de fabricant,

la somme de 6 823 905 euros au titre du préjudice résultant du manque à gagner relatif aux produits HA,

la somme de 491 596 euros au titre du préjudice subi par la société United Pharmaceuticals résultant de la perte de l'effet de gamme,

Subsidiairement, si la cour devait considérer que les produits HA ne font pas partie du contrat de sous-traitance et d'approvisionnement, condamner la société Laiterie de Montaigu au paiement des indemnités suivantes :

la somme de 2 479 500 euros en réparation du préjudice subi par la société United Pharmaceuticals du fait des surcoûts de production liés aux autres produits,

la somme de 264 832 euros en réparation du préjudice causé du fait des coûts engagés au titre de changement de fabricant.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société United Pharmaceuticals fondées sur l'atteinte à son droit à l'image, sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

- condamner la société Laiterie de Montaigu au paiement de la somme d'un montant de 2 000 000 euros en réparation du préjudice subi par la société United Pharmaceuticals du fait de l'atteinte à son image de marque,

- déclarer la société Laiterie de Montaigu responsable à l'égard de la société United Pharmaceuticals d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- désigner un expert judiciaire avec pour mission de quantifier le bénéfice réalisé par la société Laiterie de Montaigu sur la vente de laits à indication,

- condamner la société Laiterie de Montaigu, à payer à titre provisionnel à UP une somme de 1 000 000 d'euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société United Pharmaceuticals au titre des agissements parasitaires de la société Laiterie de Montaigu,

- débouter la société Laiterie de Montaigu de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Laiterie de Montaigu au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'appelante rappelle d'abord le champ d'application du contrat qui englobe la recherche et le développement ainsi qu'une phase de développement et de validation des laits HA qui a été achevée et enfin une phase de fabrication des laits HA qui était expressément prévue au contrat.

La société UP affirme qu'un accord de confidentialité a été signé entre les parties, l'article 9.1 du contrat renvoyant à cet accord de confidentialité et stipulant également une obligation de confidentialité générale à la charge des parties.

Selon elle, le contrat comprend en outre une clause de non-concurrence contenue à l'article 9-2 du contrat.

Elle soutient que la société LM a rompu de manière unilatérale et fautive le contrat car les parties avaient prévu des dispositions relatives à la révision des prix non respectées par la société LM qui a augmenté de manière injustifiée ses prix et s'est opposée à la désignation d'un expert ayant pour mission de quantifier l'augmentation à laquelle la société LM avait droit en vertu des dispositions contractuelles convenues.

Elle considère qu'il est ainsi démontré que la société LM n'était pas disposée à ce qu'un accord puisse être trouvé et qu'en réalité, elle entendait sortir de la relation contractuelle.

Elle reproche en outre à la société LM d'avoir violé l'article 11 du contrat lui interdisant, en cas de désaccord sur un ajustement annuel des prix de fabrication, d'interrompre ses livraisons et de ne pas avoir respecté l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce en tentant d'obtenir "sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des prix (...) manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente (...)".

La société UP souligne également que la société LM s'est appropriée de manière illicite son savoir-faire et a commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale dans la mesure où elle a transmis à la société LM ses formules et son savoir-faire pendant la première phase contractuelle et qu'elle a pu faire le constat que la société LM commercialisait désormais des laits à indication et que son intention réelle, en concluant un contrat avec la société UP, était de capter le marché des laits infantiles à indication.

La société UP souligne enfin que la prétendue nullité du contrat pour absence de cause, la nullité de la clause de non-concurrence, la non-rentabilité du contrat, l'impossibilité de déterminer le prix, le non-respect par la société UP des volumes minimum de commandes ou encore les prétendues modifications de commandes et demandes de services supplémentaires soulevés par la société MP ne sont pas fondés.

La société UP estime que son préjudice résulte, d'une part, de la rupture injustifiée et anticipée du contrat signé entre les parties qui a entraîné des surcoûts de fabrication, des frais liés à la nécessité de transférer la fabrication de ses produits à d'autres sous-traitants, un manque à gagner lié tant au retard dans la commercialisation des produits, qu'à l'impossibilité dans laquelle elle s'est retrouvée de remplacer totalement les prestations de la société LM, lui occasionnant un grave préjudice commercial en raison tant de l'effet de gamme manqué des produits HA que de l'atteinte à son image de marque.

D'autre part, la société UP prétend subir un préjudice résultant du comportement parasitaire consécutif à l'appropriation illicite par la société LM de son savoir-faire.

L'appelante conteste la demande relative au remboursement d'une machine à étiqueter acquise par la société LM et remet en cause la demande de dommages et intérêts liés à son prétendu comportement parasitaire car il n'existe aucune usurpation des moyens ou des prétendus savoir-faire et connaissances techniques de la société LM.

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2011 par lesquelles la société Laitière de Montaigu demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 27 octobre 2009,

en ce qu'il a jugé que les produits HA - et HA + ne font pas partie du contrat de sous-traitance,

en ce qu'il a débouté UP de toutes ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, en ce compris la demande de nomination d'un expert judiciaire,

en ce qu'il a débouté UP de sa demande au titre de l'atteinte à son image de marque, et de sa demande au titre de son préjudice sur l'effet de gamme.

- infirmer le jugement entrepris,

en ce qu'il a imputé la rupture du contrat à LM et l'a condamnée au versement d'une indemnité forfaitaire de 200 000 euros au titre des laits HA +, HA - et des autres laits,

en ce qu'il a refusé de constater la nullité de la clause de non-concurrence et du contrat de sous-traitance pour absence de cause,

en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de LM,

en ce qu'il a condamné LM au versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

- constater que la clause de non-concurrence figurant à l'article 9 du contrat, est fondée au moins partiellement sur les demandes d'UP, et conclure à sa nullité,

- constater l'absence de contrepartie aux obligations de LM, l'absence d'obligation contractuelle à la charge de UP et conclure à la nullité du contrat pour absence de cause,

- constater l'inapplicabilité de la clause sur les prix relative au coût de fabrication, le comportement abusif d'UP quant à la fixation du prix, et résilier le contrat de ce fait,

- constater l'absence de rupture unilatérale et fautive du contrat de sous-traitance et d'approvisionnement par LM,

- constater l'absence de préjudice allégué par UP pour rupture unilatérale et fautive du contrat par LM,

- constater le non-respect par UP de ses obligations contractuelles,

- constater la rupture unilatérale et fautive par UP du contrat de sous-traitance et d'approvisionnement,

- débouter en conséquence UP de toutes ses demandes,

- condamner UP au versement de dommages et intérêts fixés par la Cour de façon souveraine, en vertu du comportement abusif d'UP quant à la fixation du prix des produits prévus au contrat,

- condamner UP à rembourser la machine à étiqueter acquise par LM pour les besoins exclusifs de UP, et que LM n'a pas pu amortir du fait de la cessation des commandes par UP, soit 12 306 euros,

- condamner UP à verser 2 000 000 euros à LM à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du comportement parasitaire de UP,

- condamner UP à verser à LM la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon la société LM, le contrat ne prévoyait pas la recherche et le développement de nouveaux produits tels les laits HA+ et HA- et se limitait à prévoir la fabrication de laits à partir des formules communiquées par la société UP, de sorte que les laits HA n'entraient pas dans le champ d'application du contrat de sous-traitance signé entre les parties.

La société LM soulève la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence au motif qu'il existe une contradiction au sein de la clause de non-concurrence la rendant inapplicable et qu'elle ne respecte par ailleurs pas les conditions de validité normalement requises et la nullité du contrat pour absence de cause, en soulignant qu'aucune obligation n'est mise à la charge de la société UP.

Elle indique disposer de son propre savoir-faire, les formules de la société UP n'étant pas originales de sorte qu'elle affirme ne pas les avoir copiées et que la société UP ne démontre pas un comportement parasitaire de sa part.

En ce qui concerne le non-respect allégué de la clause de prix, la société LM réfute avoir procédé à une augmentation unilatérale du prix alors que selon elle cette hausse résulte de la seule application de l'Annexe 2 du contrat et a été fixée en prenant en compte le coût de fabrication, le coût des ingrédients et sa marge.

La société LM souligne que, dès la signature du contrat, la société UP n'a eu de cesse de violer des clauses relatives au respect des volumes (prévisionnels, commandes, minimum de fabrication) et du conditionnement et qu'elle a multiplié des demandes de services supplémentaires relatifs notamment au stockage ou aux dosettes.

La société LM affirme enfin que dès 2005, devant son refus de fabriquer les produits HA + et HA -, non prévus au contrat, notamment pour des raisons techniques d'incompatibilité avec ses tours de séchage, la société UP a cessé ses commandes sur les autres produits à indication prévus au contrat et n'a pas jugé bon de donner suite aux commandes en cours.

Elle conteste le préjudice allégué par la société UP et l'existence d'un prétendu état de dépendance économique de cette dernière.

La société LM soutient au contraire un comportement parasitaire de la société UP et fait état de l'acquisition par LM d'une machine à étiqueter acquise pour les besoins exclusifs de la société UP.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur l'interprétation du contrat du 21 mars 2002 :

Les parties sont en désaccord sur ce qui était prévu au contrat de sous-traitance et d'approvisionnement : la recherche et le développement des laits HA, comme le soutient la SAS United Pharmaceuticals, ou seulement la fabrication de laits à partir de formules communiquées par la SAS United Pharmaceuticals, comme le soutient la SAS Laiterie Montaigu.

L'intitulé même du contrat est la sous-traitance et l'approvisionnement. Son objet est large puisqu'il prévoit non seulement "des fabrications de Produits aux Marques et selon des Formules et les cahiers des charges, tels que ces termes et cahier des charges sont définis en annexe I" mais également que "d'autres formules pour d'autres produits et les mêmes ou d'autres marques pourront être inclus dans ces accords par simple accord écrit entre les parties".

Si l'annexe I ne vise, dans la liste des Marques que Novalac, et dans la liste des Produits que Novalac S1, l'objet du contrat distingue bien les Produits, Marques et Formules déjà connus, précisés à l'annexe I et les autres formules, les autres produits et les autres marques, sans majuscules, car non encore déterminés au jour de la signature du contrat.

Par ailleurs, l'article 3 du contrat, intitulé "Méthode et fabrication", précise bien qu'il y a une phase de développement, suivie de la validation du Produit, puis une phase de fabrication.

Enfin, l'annexe II relative au prix envisage que l'accord des parties puisse être étendu aux laits HA puisqu'il est prévu une marge ajoutée au coût du produit fini spécifique s'agissant des laits HA (lait infantile à base de protéines hydrolysées), soit 11,44 euro les 100 kg au lieu de 7,63 euro les 100 kg pour les laits sans protéines hydrolysées, ce qui s'explique par des procédés de production spéciaux.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il a bien été question dès les pourparlers et au moment de la signature du contrat du développement et de la fabrication par la SAS Laiterie Montaigu des formules HA pour le compte de la SAS United Pharmaceuticals étant précisé que le fait que cette dernière soit spécialisée dans la conception et le développement n'exclut pas qu'elle ait sous-traité une partie de sa spécialité à la SAS Laiterie Montaigu comme l'indique l'intitulé du contrat qui parle de sous-traitance.

En réalité, comme l'explique la SAS United Pharmaceuticals en page 7 de ses conclusions, si l'étude et la conception des formules avec des scientifiques de haut niveau, la définition de la formule et sa validation par rapport aux réglementations applicables sont assurées et financées par elle seule, les essais pilotes pour vérifier les paramètres techniques de production de la formule sont réalisés par elle en coopération avec le sous-traitant chargé de la fabrication.

La SAS Laiterie Montaigu adhère à cette explication, le terme développement correspondant selon elle à cette phase d'essais.

La SAS Laiterie Montaigu a reconnu dans un courriel du 28 novembre 2003 que "le développement de nouveaux produits, non existants, et suivis d'une réalisation industrielle Montaigu" faisait partie de ses obligations.

C'est donc le développement de nouveaux produits par la SAS Laiterie Montaigu qui était prévu et non la recherche proprement dite qui ressortait du domaine réservé de la SAS United Pharmaceuticals.

D'ailleurs, il résulte des pièces n° 206, 208 et 230 de la SAS United Pharmaceuticals que cette phase de développement et de validation des laits HA a été achevée, comme la SAS Laiterie Montaigu s'y était engagée dans un courrier du 19 décembre 2003.

La SAS Laiterie Montaigu soutient cependant que, dès lors qu'aucun cahier des charges n'a été signé entre les parties pour les laits HA, qu'il s'agisse du lait HA + ou du lait HA -, aucun accord n'a pu être matérialisé entre elles pour leur fabrication industrielle.

Le cahier des charges concernant les laits HA a bien été communiqué par la SAS United Pharmaceuticals à la SAS Laiterie Montaigu le 27 octobre 2003 mais contesté dès le 28 octobre 2003 par cette dernière puis une discussion s'est engagée entre les parties qui a abouti à un accord sur le prix du produit (cf. pièces UP 80 et LM 9 et 12). Par contre aucun accord n'a pu être matérialisé entre les parties pour leur fabrication industrielle.

Ainsi, les laits HA faisaient incontestablement partie intégrante du contrat mais la phase de fabrication industrielle n'avait pas été entamée.

- Sur la nullité du contrat du 21 mars 2002 pour absence de cause :

La SAS Laiterie Montaigu soutient que le contrat serait nul pour absence de cause, dans la mesure où la SAS United Pharmaceuticals n'avait aucune obligation contractuelle de s'approvisionner auprès d'elle alors que parallèlement elle devait supporter une clause d'exclusivité et de non-concurrence et avait l'obligation d'approvisionner la SAS United Pharmaceuticals en laits à indications jusqu'à 1 200 tonnes par an.

La SAS United Pharmaceuticals relève quant à elle que dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque cocontractant trouve sa cause dans la contrepartie reçue ou attendue de l'autre.

Le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a décidé que, s'agissant d'un contrat de sous-traitance et d'approvisionnement, la principale contrepartie de l'engagement pris par la SAS Laiterie Montaigu de livrer les produits dont la fabrication lui est confiée par la SAS United Pharmaceuticals est l'obligation de paiement de prix desdits produits, ces deux obligations réciproques suffisant à causer le contrat, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer les autres engagements pris par les parties dans le cadre de ce même contrat.

- Sur la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence :

La SAS Laiterie Montaigu argue de la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence prévue au contrat du 21 mars 2002.

Elle fait valoir à juste titre que le tribunal ne pouvait refuser de se prononcer sur la validité de cette clause, dès lors que la SAS United Pharmaceuticals fait état non seulement d'un comportement parasitaire et déloyal de l'appelante mais également d'un manquement de cette dernière à l'obligation contractuelle de non-concurrence pesant sur elle.

Or, la clause de non-concurrence insérée au contrat du 21 mars 2002 ne présente aucune limitation dans l'espace, conduisant à une interdiction applicable à l'échelle mondiale, s'étale sur une durée excessivement longue de quinze ans, soit dix ans pour l'exclusivité pendant la durée du contrat et cinq ans au titre de la non-concurrence après la fin du contrat, et est rédigée en termes très généraux.

En outre, la clause interdit à la SAS Laiterie Montaigu la production, la vente et/ou la commercialisation de tous les laits à indication, pour toutes les pathologies sans même la restreindre aux laits pour enfants alors que l'activité de la SAS Laiterie Montaigu concerne également le lait pour adulte et que l'activité de la SAS United Pharmaceuticals est limitée aux enfants, de sorte qu'elle est disproportionnée par rapport à l'objet du contrat et aux intérêts légitimes du créancier de la clause.

En conséquence, la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence prévue au contrat du 21 mars 2002 doit être prononcée.

- Sur l'imputabilité de la rupture du contrat du 21 mars 2002 :

Le contrat a été conclu pour une durée de dix ans avec une faculté de résiliation anticipée avant le terme du contrat qui était fixé au 20 mars 2012.

La SAS United Pharmaceuticals se prévaut d'une rupture fautive du contrat par la SAS Laiterie Montaigu à compter du début 2005, au motif que cette dernière lui aurait imposé une augmentation trop forte de ses tarifs.

Il convient de rappeler que les paramètres de prix et de révision des prix étaient contractuellement déterminés à l'annexe II du contrat à l'issue de négociations entre les parties qui, en le signant, ont donné leur accord.

Or, il résulte des pièces produites en annexe et, principalement des échanges de courriels entre les parties, que la SAS Laiterie Montaigu a systématiquement cherché à obtenir des conditions de prix en augmentation par rapport à ce qui avait été prévu dans le contrat et même à subordonner l'exécution des commandes de la SAS United Pharmaceuticals à l'acceptation par celle-ci de nouvelles conditions de prix.

C'est ainsi que dès le 19 décembre 2003, la SAS Laiterie Montaigu a indiqué qu'elle n'entendait pas donner suite à la fabrication des laits à indication car ils n'étaient pas rentables. Le 5 avril puis successivement en juillet et en septembre 2004, elle a procédé à une mise à jour, avec augmentation sensibles, du coût des ingrédients, sans justifier des prix du marché.

Fin octobre 2004, la SAS Laiterie Montaigu a fait état de la nécessité de rétablir une rentabilité à son profit pour décider unilatéralement d'une augmentation du coût de fabrication de 0,24 à 0,38 euro/kg pour les fabrications en cours ou à venir.

Le 5 janvier 2005, elle a écrit : "En attendant (la réponse à notre demande), nous enregistrons votre commande avec les prix majorés de 0,38 euro le kg sur les derniers prix communiqués. Et nous ne mettons en fabrication qu'avec votre accord".

Puis le 7 janvier 2005, elle a écrit : "nous ne pouvons pas continuer à vous livrer vos commandes avec les anciens prix" et a envoyé les nouveaux prix applicables à compter de février 2005 comportant des augmentations non négligeables des coûts de conditionnement, des coûts de préparation-séchage et des coûts des ingrédients.

Alors que la SAS United Pharmaceuticals lui demandait des explications sur ces augmentations, la SAS Laiterie Montaigu a répondu, par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2005, en estimant qu'elle n'avait pas à apporter de précisions concernant le coût des ingrédients, cela n'étant pas prévu au contrat, insistant sur la nécessité d'un accord rapide de la SAS United Pharmaceuticals sur les nouveaux prix compte tenu des délais de fabrication de 6 à 8 semaines, proposant à la SAS United Pharmaceuticals d'acheter elle-même les ingrédients nécessaires aux produits commandés et renonçant à l'augmentation du coût de fabrication jusqu'à la date anniversaire du contrat, soit le 21 mars 2005.

Il y a lieu de considérer que, compte tenu des augmentations importantes des coûts des ingrédients, la SAS Laiterie Montaigu ne pouvait, sans faire preuve d'une mauvaise foi dans l'exécution du contrat, refuser de communiquer les explications demandées pour justifier ces augmentations et ce même si le contrat ne le prévoyait pas expressément.

Il n'est pas sérieux de soutenir qu'il appartenait à la SAS United Pharmaceuticals de consulter les prix du marché qui sont publiés alors que la fluctuation quasi journalière de ces prix implique que seule la SAS Laiterie Montaigu pouvait savoir à quelle date elle avait procédé à ses achats pour une commande déterminée, de même qu'elle seule pouvait connaître les quantités achetées qui, selon ses propres explications, ont une influence sur le prix.

Par ailleurs, la SAS Laiterie Montaigu avait, aux termes de l'article 3 du contrat, l'obligation d'assurer les approvisionnements de tous les ingrédients et fournitures nécessaires aux productions et ne pouvait donc s'en décharger sur la SAS United Pharmaceuticals.

La SAS Laiterie Montaigu a manifestement voulu faire pression sur son cocontractant en conditionnant la fabrication des produits à l'acceptation par la SAS United Pharmaceuticals des augmentations de prix décidées unilatéralement.

Par ailleurs, l'opposition de la SAS Laiterie Montaigu à la désignation d'un expert pour quantifier l'augmentation à laquelle elle avait droit en vertu de l'annexe II du contrat, dans le cadre de la procédure de référé initiée par le 2 mai 2005 par la SAS United Pharmaceuticals, démontre qu'elle n'était manifestement pas disposée à trouver un accord et cherchait à sortir de la relation contractuelle, ce qui est contraire à l'exécution de bonne foi du contrat.

Par contre, l'article 11 ou tout autre article du contrat ne prévoit pas d'interdiction d'interrompre les livraisons en cas de désaccord sur un ajustement des prix de fabrication de sorte que la SAS United Pharmaceuticals ne peut soutenir que la SAS Laiterie Montaigu aurait violé cette interdiction.

La SAS United Pharmaceuticals ne fonde pas ses demandes de dommages et intérêts sur un abus de l'état de dépendance économique dont elle aurait été victime mais soutient que la SAS Laiterie Montaigu a violé les dispositions de l'article L. 442-6,I,4° du Code de commerce qui dispose que "le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture totale ou partielle des relations commerciales, des prix (...) manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice qu'il a ainsi causé".

Cependant, la SAS Laiterie Montaigu n'a pas menacé la SAS United Pharmaceuticals d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales mais simplement de ne pas la livrer.

La SAS Laiterie Montaigu soutient qu'en réalité ce serait la SAS United Pharmaceuticals qui serait l'auteur de la rupture du contrat.

Pourtant, elle ne saurait se plaindre de la non-rentabilité du contrat alors que les termes en ont été attentivement négociés entre les parties, la SAS Laiterie Montaigu étant une entreprise importante dont le chiffre d'affaires était de 90 000 000 euro en 2002 et ayant la qualité de professionnelle avertie.

Elle ne peut pas plus arguer du caractère indéterminable du prix de fabrication alors que les éléments prévus à l'Annexe II du contrat permettent sans discussion possible de le déterminer.

En effet, le coût des ingrédients reproduit les prix du marché et la marge de la SAS Laiterie Montaigu était d'ores et déjà fixée dans le contrat et devait augmenter annuellement selon un pourcentage établi.

Quant aux coûts de fabrication ils ont été calculés pour la première année du contrat par la SAS Laiterie Montaigu et devaient être révisés par référence aux coûts réels de production devant être déterminés selon les méthodes comptables et de calculs connus par elle puisqu'établis sur la base de sa propre proposition et mis en œuvre par ses soins au cours de la relation contractuelle.

La SAS Laiterie Montaigu reproche aussi à la SAS United Pharmaceuticals de ne pas avoir respecté les dispositions contractuelles concernant les volumes et le conditionnement.

Si la SAS United Pharmaceuticals a transmis des prévisionnels de commande à la SAS Laiterie Montaigu pour les années 2003 à 2005, conformément à ce qui était prévu à l'article 7 du contrat, il est exact, comme le soutient l'appelante, qu'ils étaient envoyés tardivement et ne revêtaient qu'un caractère indicatif et qu'ils ont fait l'objet de modifications ultérieures, parfois au dernier moment, mais toujours en accord entre les deux parties.

Cependant, s'il est manifeste que la SAS United Pharmaceuticals a multiplié les demandes particulières, a imposé à la SAS Laiterie Montaigu des modifications de fait du contrat, tel qu'un conditionnement en 800 g, non prévu au contrat ou dans les cahiers des charges et n'a pas respecté les volumes minimum de fabrication et de conditionnement prévus contractuellement, cela a été accepté par la SAS Laiterie Montaigu moyennant des surcoûts unilatéralement imposés par elle, dans le cadre notamment d'une grille spécifique "surcoûts liés aux petites séries", de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une faute contractuelle de la SAS United Pharmaceuticals à ce titre.

En outre, la limitation à 1 200 tonnes par an a été imposée par la SAS Laiterie Montaigu. Dans un compte rendu d'entretien UP/LM du 23 septembre 2003 il est ainsi mentionné : "LM a limité les quantités d'infantiles UP à la limite stipulée dans le contrat soit 1 200 T. Ces 1 200 T seront atteintes en 2004 et UP souhaitait plus de volumes chez LM. Cette limitation à 1 200 T contraint UP à réattribuer ses marchés car les marchés actuellement réalisés par LM sont de nouveaux marchés à potentiel important pouvant représenter 3 000 T dans les prochaines années (Espagne, Italie, Allemagne). Un nouveau point sera effectué dans un an" (pièce n° 4 de LM).

En réalité, comme l'a exprimé la SAS United Pharmaceuticals dans un courriel adressé à la SAS Laiterie Montaigu le 13 mai 2004 (pièce UP 102), celle-ci tente de se prévaloir de demandes accessoires de sa part, inhérentes à une coopération logistique propre à tout contrat de partenariat, au soutien d'un blocage du contrat par une augmentation arbitraire et unilatérale de ses prix.

En définitive, la SAS Laiterie Montaigu ne peut prétendre que la SAS United Pharmaceuticals serait responsable de la rupture du contrat en raison de la cessation des commandes puisque c'est d'abord elle qui a subordonné la poursuite du contrat à l'acceptation de prix unilatéralement imposés sans justificatif.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat est imputable à la SAS Laiterie Montaigu, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

- Sur le parasitisme et la concurrence déloyale reprochée par la SAS United Pharmaceuticals à la SAS Laiterie Montaigu :

La SAS United Pharmaceuticals fait valoir qu'elle n'a accepté de transmettre son savoir-faire concernant les laits à indication à la SAS Laiterie Montaigu que dans l'optique d'une fabrication de ces laits pour son propre compte et sur le long terme (durée du contrat fixée à 10 ans) et elle reproche à cette dernière d'avoir organisé un véritable détournement de ce savoir-faire en se l'appropriant, au terme d'une phase de développement de plus de deux ans, tout en pensant pouvoir mettre un terme anticipé au contrat afin de fabriquer ces laits à des prix revus à la hausse pour les fournir à ses concurrents directs.

La SAS United Pharmaceuticals n'a présenté en appel sur ce point aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

En effet, comme l'a fort justement relevé le tribunal, l'extrait du site internet de la SAS Laiterie Montaigu produit, s'il établit qu'elle commercialise des laits à indication, ne permet pas de démentir l'affirmation de celle-ci selon laquelle elle ne fabrique de laits que pour le compte et selon les formules communiquées par ses clients.

Quant à la pièce n° 242 produite récemment par la SAS United Pharmaceuticals, si elle fait apparaître que la SAS Laiterie Montaigu propose à ses clients à la fois "la réalisation d'un produit en accord avec vos spécifications prédéfinies" et "la réalisation d'un produit formulé par nos soins en accord avec vos objectifs de marché : solution clé en main", elle n'est pas datée mais est manifestement récente, faute de quoi elle aurait été produite plus tôt dans le cours de la procédure, de sorte qu'elle ne démontre pas l'utilisation du savoir-faire qui aurait été transmis par l'intimée immédiatement après la rupture du contrat.

Entre 2005 et 2011, la SAS Laiterie Montaigu, qui disposait dès le début de ses relations contractuelles avec la SAS United Pharmaceuticals "d'un savoir-faire de haut niveau", notamment en matière de fabrication de produits de nutrition infantile, tel que cela a été relevé dans le préambule du contrat du 21 mars 2002, a eu du temps pour compléter son savoir-faire de manière à être en mesure de proposer à sa clientèle des produits clés en main.

En outre, la SAS United Pharmaceuticals ne justifie pas de l'originalité des formules communiquées, dont elle ne revendique pas être l'inventeur, et qui pouvait donc également être retrouvées chez ses concurrents, et elle ne démontre pas que la SAS Laiterie Montaigu ait transmis à des clients concurrents des formules dont elle a eu effectivement connaissance pendant sa collaboration avec la SAS United Pharmaceuticals.

Dès lors, le reproche de parasitisme et de concurrence déloyale formé par la SAS United Pharmaceuticals contre la SAS Laiterie Montaigu n'est pas fondé et le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS United Pharmaceuticals à ce titre.

- Sur l'indemnisation du préjudice de la SAS United Pharmaceuticals :

Le préjudice indemnisable de la SAS United Pharmaceuticals n'est lié qu'à la rupture fautive du contrat, imputable à la SAS Laiterie Montaigu, aucun préjudice découlant d'un comportement parasitaire de la SAS Laiterie Montaigu ne pouvant être réclamé.

La SAS United Pharmaceuticals réclame les montants suivants :

- au titre des surcoûts de production : 6 771 882 euro (subsidiairement 2 479 500 euro),

- au titre des coûts liés au changement de fabricants : 279 019 euro (subsidiairement 264 832 euro),

- au titre du manque à gagner : 6 823 905 euro,

- au titre du préjudice commercial : 2 491 596 euro, soit 491 596 euro pour la perte de l'effet de gamme et 2 000 000 euro pour l'atteinte à l'image de marque.

A titre préliminaire, il y a lieu d'observer que le contrat du 21 mars 2002 était un contrat à durée déterminée de 10 ans et sa résiliation anticipée entraîne pour son auteur l'obligation d'indemniser son cocontractant de tous les préjudices en résultant au regard de la durée du contrat qui restait à courir.

Il a déjà été expliqué ci-dessus, à propos de l'interprétation du contrat, que les laits HA faisaient incontestablement partie intégrante dudit contrat mais que la phase de fabrication industrielle n'avait pas été démarrée au moment de la rupture des relations contractuelles.

S'agissant des surcoûts de production, il y a lieu de faire les observations suivantes :

- la SAS United Pharmaceuticals faisait déjà fabriqué le lait HA - par un autre fabricant alors qu'elle n'avait pas démarré la phase de fabrication industrielle avec la SAS Laiterie Montaigu,

- elle ne peut donc prétendre avoir dû transférer la fabrication à un autre sous-traitant et ne peut rendre la SAS Laiterie Montaigu responsable du prix payé à cet autre fabricant,

- en outre, la SAS United Pharmaceuticals faisait pratiquer des essais du lait HA - au même moment par un concurrent de la SAS Laiterie Montaigu,

- la SAS United Pharmaceuticals ne peut donc imputer à la SAS Laiterie Montaigu un quelconque préjudice résultant du surcoût de fabrication, par rapport à une fabrication qui n'a pas été réalisée par cette dernière, pour le lait HA -,

- de même, la fabrication industrielle par la SAS Laiterie Montaigu du lait HA + n'a jamais démarré et des essais de fabrication ont été effectués par la SAS United Pharmaceuticals avec des tiers,

- la SAS United Pharmaceuticals ne peut donc imputer à la SAS Laiterie Montaigu un quelconque préjudice résultant du surcoût de fabrication, par rapport à une fabrication qui n'a pas été réalisée par cette dernière, pour le lait HA +.

Les premiers juges ont cependant justement relevé que la rupture, dont la responsabilité est imputée à la SAS Laiterie Montaigu, a fait disparaître toute chance que le processus objet du contrat aboutisse en ce qui concerne les laits HA.

Il en est donc résulté un préjudice pour la SAS United Pharmaceuticals constitué du coût des nouveaux essais qu'elle a réalisé avec d'autres sous-traitants et de la perte de la possibilité de fabriquer pour les prochaines années, et ce jusqu'à la fin du contrat en mars 2012, les produits HA selon sa propre formule par la SAS Laiterie Montaigu avec comme corollaire l'obligation de faire fabriquer ces laits par des fournisseurs ayant leur propre formule et, par conséquents, à des prix plus élevés.

Ce préjudice doit être évalué à la somme de 200 000 euro.

S'agissant des surcoûts de fabrication pour les autres laits, il y a lieu de relever que l'estimation de ces surcoûts est fondée sur le maintien du coût au niveau prévu au contrat alors qu'il est certain que la SAS Laiterie Montaigu aurait obtenu une hausse, en respectant les formes prévues au contrat, c'est à dire en apportant les justifications nécessaires, qui aurait nécessairement porté les prix à un niveau proche de celui des fabricants concurrents.

Manifestement, la SAS United Pharmaceuticals travaillait déjà avec d'autres sous-traitants et la disparition de la simple possibilité qu'elle avait de commander à la SAS Laiterie Montaigu ne constitue pas un préjudice alors que le contrat ne contenait, pour les autres laits, ni clause d'approvisionnement exclusif, ni clause d'achat minimum de volumes et que les chiffres d'affaires et bénéfices de la SAS United Pharmaceuticals n'ont fait que croître entre 2003 et 2009 :

Chiffre d'affaires HT Résultat net

* exercice clos au 30.06.03 10 171 533 euro 1 180 389 euro

* exercice clos au 30.06.04 13 635 176 euro 1 198 758 euro

* exercice clos au 30.06.05 17 135 496 euro 2 914 454 euro

* exercice clos au 30.06.06 24 141 317 euro 2 736 518 euro

* exercice clos au 30.06.07 34 165 843 euro 3 235 811 euro

* exercice clos au 30.06.09 51 300 000 euro 6 032 000 euro

Ainsi, la SAS United Pharmaceuticals est-elle dans l'incapacité de justifier d'un surcoût de production ou d'une perte de gain, en ce qui concerne les autres laits.

La SAS United Pharmaceuticals se prévaut également de surcoûts liés au changement de fabricants.

S'agissant des laits autres que les laits HA, elle affirme avoir pris en charge les frais suivants :

- recréation de l'ensemble des emballages des produits United Pharmaceuticals rendue nécessaire par le fait que les emballages Laiterie Montaigu avec étiquettes prédécoupées n'étaient pas compatibles avec l'étiqueteuse de l'autre sous-traitant pour un coût de 13 823,36 euro.

- travail supplémentaire lié au nettoyage intégral de l'outil industriel de l'autre sous-traitant rendu nécessaire par les difficultés techniques rencontrées pour la fabrication des formules S1 et S2, facturé 0,114 euro/kg, soit 17 412 euro.

- création et fixation des étiquettes bobines du nouveau sous-traitant sur les boîtes de lait au lieu des étiquettes à plat moins onéreuses utilisées par Laiterie Montaigu, soit un préjudice de 233 597 euro sur 7 ans.

Cependant, force est de constater que seul le surcoût lié au nettoyage de l'outil industriel est justifié par un fax du sous-traitant attestant du surcoût de 0,114 euro/kg, soit 17 412 euro pour les années 2005 et 2006, ce montant devant donc être alloué à la SAS United Pharmaceuticals.

Par contre, les deux autres surcoûts (emballages et étiquettes) ne sont prouvés par aucune pièce extérieure à la SAS United Pharmaceuticals qui ne peut fonder ces demandes sur ses seules affirmations et des listings établis par elle qui ne revêtent aucune valeur probante.

La SAS United Pharmaceuticals rapporte la preuve des surcoûts liés, pour les laits HA à la nécessité de faire reprendre par les sous-traitants les essais, y compris le prix des ingrédients, par les factures de ces sous-traitants, de sorte qu'il convient de lui allouer la somme de 7 744,81 euro pour le lait HA - et celle de 6 442 euro pour le lait HA +, soit un total de 14 186,81 euro.

La SAS United Pharmaceuticals fait encore valoir un manque à gagner lié, d'une part à l'impossibilité de remplacer totalement les prestations de la SAS Laiterie Montaigu pour les laits HA -, d'autre part au retard dans la commercialisation des laits HA +.

Cependant, les premiers juges ont justement relevé que la preuve n'était pas suffisamment rapportée de l'existence de restrictions géographiques de commercialisation imposées par le sous-traitant du lait HA - par rapport à ce qui était contractuellement prévu avec la SAS Laiterie Montaigu.

Par ailleurs, elle ne démontre pas que le retard de commercialisation du lait HA + lui aurait occasionné un préjudice résultant de la perte de parts de marché, la pièce 186 produite pour en justifier n'ayant aucune valeur probante.

Le manque à gagner n'est donc pas prouvé et ce préjudice ne peut être retenu.

La SAS United Pharmaceuticals demande enfin l'indemnisation de son préjudice commercial, soit la perte de l'effet de gamme et l'atteinte à son image de marque.

Cependant, la perte de l'effet de gamme générée, selon la SAS United Pharmaceuticals, par la mise sur le marché d'un nouveau produit est évaluée par cette dernière selon une estimation qui n'est étayée par aucune pièce, de sorte qu'une telle demande doit être rejetée.

Quant à l'atteinte à l'image de marque de la SAS United Pharmaceuticals, les premiers juges ont à juste titre considéré que l'étude réalisée auprès de pédiatres qui était censée la prouver datait de janvier 2004, soit antérieurement à la rupture du contrat, et que donc l'existence d'un lien de causalité entre l'image négative de l'appelante qui en ressortait et la rupture du contrat avec la SAS Laiterie Montaigu n'était pas établie.

D'ailleurs, la SAS United Pharmaceuticals ne fait état d'aucune perte de chiffre d'affaires et bénéficie au contraire de résultats nets en constante augmentation depuis la rupture du contrat litigieux, comme cela a été détaillé ci-dessus.

- Sur les demandes reconventionnelles de la SAS Laiterie Montaigu :

La SAS Laiterie Montaigu ne saurait mettre à la charge de la SAS United Pharmaceuticals les conséquences de sa propre responsabilité dans la rupture des relations contractuelles, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande relative au remboursement d'une machine à étiqueter qui aurait été acquise pour les besoins de la SAS United Pharmaceuticals.

La SAS Laiterie Montaigu fait état d'un comportement parasitaire de la SAS United Pharmaceuticals mais ne le démontre pas, aucune pièce n'étant produite à ce propos. Elle doit donc également être déboutée de cette demande.

L'équité commande d'allouer à la SAS United Pharmaceuticals une indemnité de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a considéré que les produits HA - et HA + ne faisaient pas partie du contrat de sous-traitance, sur la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence et sur le montant du préjudice de la SAS United Pharmaceuticals, Statuant à nouveau sur ces points, Dit que les produits HA - et HA + faisaient partie du contrat de sous-traitance du 21 mars 2002, Prononce la nullité de la clause d'exclusivité et de non-concurrence prévue au contrat du 21 mars 2002, Condamne la SAS Laiterie Montaigu à payer à la SAS United Pharmaceuticals la somme de 200 000 euro au titre des surcoûts de production et celle de 17 412 euro en réparation du préjudice résultant des coûts engagés du fait du changement de fabricants, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne la SAS Laiterie Montaigu à payer à la SAS United Pharmaceuticals la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Laiterie Montaigu aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.