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Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 2 juillet 2012, n° 11-01201

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Sorebric (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Froment

Conseillers :

Mme Pony, M. Rousseau

T. mix. com. Saint-Denis, du 11 avr. 201…

11 avril 2011

Pâquerette Marthe H, commerçant à l'enseigne Appie Sécurité, réalisait depuis le mois de novembre 2003 des prestations de surveillance et de gardiennage des magasins exploités par la société Sorebric à l'enseigne "Monsieur Bricolage".

Pâquerette Marthe H était mise en redressement judiciaire le 22 juin 2005 ; un plan de continuation était adopté le 21 juin 2006 ;

Par lettre du 14 décembre 2006, la société Sorebric notifiait à Pâquerette Marthe H la résiliation du contrat de surveillance avec effet au 14 mars 2007 pour faute grave.

Le 2 mai 2007, le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis prononçait la résolution du plan de continuation adopté au profit de Pâquerette Marthe H et subséquemment la liquidation judiciaire en fixant la date de cessation des paiements au 30 mars 2007.

Par acte d'huissier du 14 juin 2010, Pâquerette Marthe H a fait assigner la société Sorebric en paiement des sommes suivantes :

* 165 547 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;

* 17 347,55 euros correspondant aux baisses abusives des prix horaires ;

* 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant Déclaration enregistrée au Greffe de la Cour le 19 mai 2011, Pâquerette Marthe H épouse Le F a interjeté appel d'un jugement rendu le 11 avril 2011 par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis qui a

- Déclaré irrecevable l'action de Pâquerette Marthe H ;

- Condamné Pâquerette Marthe H aux dépens.

La société Sorebric a constitué avocat : les parties ont échangé leurs conclusions et l'ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2012.

Vu les conclusions déposées par Pâquerette Marthe H par lesquelles elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- Déclarer son action recevable ;

- Dire que les prix imposés étaient abusifs ;

- Juger que la rupture des relations commerciales entre l'entreprise Appie et la société Sorebric a été brutale et en conséquence :

- Condamner la société Sorebric à lui payer les sommes suivantes :

* 165 547 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;

* 17 347,55 euros correspondant aux baisses abusives des prix horaires ;

* 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées par la société Sorebric qui conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - Sur la recevabilité de la demande.

Attendu qu'aux termes de l'article 126 du Code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ;

Attendu que la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de Pâquerette Marthe H le 2 mai 2007 a fait l'objet d'un jugement de clôture pour insuffisance d'actif le 1er juin 2011 ;

Que cette clôture ayant mis fin au dessaisissement résultant de la liquidation judiciaire, Pâquerette Marthe H peut à nouveau exercer seule ses droits et actions ;

Qu'il convient donc d'écarter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société Sorebric ;

2 - Sur le caractère fautif de la rupture des relations.

Attendu qu'aux termes de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage la responsabilité de son auteur ;

Attendu que Pâquerette Marthe H a commencé à effectuer les prestations de surveillance des sites de "Monsieur Bricolage" depuis le mois de novembre 2003 ;

Que par lettre du 14 décembre 2006, la société Sorebric lui a notifié la rupture de leurs relations en lui accordant un préavis de plus de 5 mois puisqu'elles devaient se terminer le 30 mai 2007 ;

Attendu qu'à l'insistante demande de Pâquerette Marthe H comme en témoignent les 4 lettres qu'elle a adressées à la Sorebric durant le mois de février 2011, ce préavis a été, d'accord parties, réduit à 3 mois ;

Attendu que non seulement le respect d'un préavis de 3 mois avant de rompre une relation commerciale ayant duré 2 ans, apparait raisonnable, mais de plus, Pâquerette Marthe H ne saurait sérieusement se plaindre de la brièveté de ce préavis et invoquer par suite le caractère brutal de la rupture alors qu'il est démontré qu'elle a refusé de poursuivre le contrat de gardiennage au-delà de ce délai de 3 mois ;

3 - Sur la pratique des prix abusivement bas.

Attendu que suivant l'article L 442-6-4° du Code de commerce, engage également sa responsabilité celui qui obtient ou tente d'obtenir, sous la menace d'une rupture des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix ;

Attendu que Pâquerette Marthe H ne produit aucune pièce établissant que les tarifs figurant sur ses factures sont anormalement bas et qu'ils ont été imposés par la société Sorebric sous peine de rupture de leurs relations ;

Qu'au contraire, la nombreuse correspondance échangée entre les parties lors de la rupture de leurs relations commerciales révèle que la décision de la Sorebric a été provoquée par les insuffisances professionnelles de l'entreprise de gardiennage (vols commis par ses salariés, accroissement de 'la démarque' dans le magasin de Sainte-Clotilde (40 % de pertes) et le défaut d'information sur l'identité du personnel affecté à la surveillance ;

Que la faute imputée à la Sorebric n'étant pas établie, la demande en paiement de dommages-intérêts sera encore rejetée ;

Attendu que Pâquerette Marthe H qui succombe, sera condamnée aux dépens ; qu'il n'y a pas lieu, eu égard à la situation économique des parties, de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DECISION

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Déclare recevable l'appel formé par Pâquerette Marthe H ; Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau : Déclare recevables les demandes de dommages-intérêts formées par Pâquerette Marthe H ; Les dit non fondées et les rejette ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Pâquerette Marthe H aux dépens.