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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 18 juillet 2013, n° 12-11003

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SEM des cimes du Mercantour (SA)

Défendeur :

Avenir Conseils Assurances (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Sanseverino, Budieu

T. com. Marseille, du 4 juin 2012

4 juin 2012

EXPOSE DU LITIGE

En 1995, le Syndicat Mixte pour l'Aménagement et l'Exploitation de la station d'Isola 2000 a créé la "régie d'exploitation et d'aménagement du domaine skiable de la station d'Isola 2000" dite Regisola aux fins de gérer le domaine skiable de la station.

Le 21 octobre 1999, Regisola a conclu avec la SARL JC Assurances exerçant à l'enseigne Cabinet Cattan une convention pour une durée de cinq ans renouvelable pour la même période, par laquelle Regisola s'engageait à proposer en exclusivité la vignette ski assurance fournie par le cabinet d'assurance aux caisses des remontées mécaniques pour l'ensemble de la station.

Regisola a été dissoute par délibération du 19 octobre 2001 de ses organes, avec effet au 1er novembre 2002.

Le 31 octobre 2002, le Syndicat Mixte des stations du Mercantour a attribué la délégation de service public pour l'exploitation de la station d'Isola 2000 à la SEM des cimes du Mercantour dite SEM CM initialement créée en 1991 sous une autre appellation pour développer les activités de loisir et de tourisme de la station d'Auron, par le biais d'un contrat de régie dans le cadre d'une procédure de marché public.

Par acte sous seing privé des 28 et 31 décembre 2005, la SARL JC Assurances a vendu le fonds de commerce de courtage en assurances connu sous l'enseigne Cabinet Cattan situé à Cannes, à la SARL Avenir Conseils Assurances immatriculée le 9 décembre 2005 et ayant une activité d'agent général et courtage d'assurances, conseiller en gestion de patrimoine et démarchage financier.

La SARL Avenir Conseils Assurances a fourni à la SEM CM une assurance dite vignette ski à un tarif fixé chaque saison par la société ACA.

Le contrat entre la SEM CM et la SARL ACA a été reconduit pour la saison 2008/2009, et pour la saison 2009/2010 aux conditions tarifaires de la société ACA.

Par lettre recommandée du 20 octobre 2010, la SEM CM a informé la SARL Avenir Conseils Assurances qu'elle mettait un terme à leurs relations en raison de l'obtention de meilleures conditions tarifaires ailleurs.

Par acte du 25 juillet 2011, la SARL Avenir Conseils Assurances a fait assigner la SEM des cimes du Mercantour devant le Tribunal de commerce de Marseille aux fins de voir :

constater que le contrat dénommé "Protocole de gestion-vignettes assurance" conclu entre le cabinet Cattan aux droits duquel vient désormais la société ACA, et Regisola aux droits de laquelle vient désormais la SEM des cimes du Mercantour en date du 21 octobre 1999 est reconductible tacitement par période de cinq années et qu'il peut être dénoncé au plus tard trois mois avant la date d'expiration de chaque période quinquennale,

constater que ce contrat a formalisé des relations commerciales existant depuis 1985 entre partenaires économiques,

constater qu'advenant le 15 octobre 2009, le contrat a été automatiquement reconduit jusqu'au 15 octobre 2014 et qu'il ne pouvait être dénoncé avant son terme et en respectant un préavis raisonnable et adapté à des relations qui ont duré vingt-cinq ans,

En conséquence

dire que la SEM CM a irrégulièrement et brutalement résilié le contrat du 21 octobre 1999 compte tenu de l'ancienneté des relations contractuelles,

dire que cette rupture brutale a privé la société ACA de quatre années ou quatre saisons de commissions VSA,

En conséquence

condamner la SEM CM à payer à la société ACA la somme de 351 876 euros correspondant aux commissions dont elle a été privée au titre des saisons 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014 du fait de la rupture brutale des relations commerciales à laquelle s'est livrée la SEM CM,

dire que la rupture du contrat est abusive car déloyale et effectuée avec une légèreté blâmable aux seuls intérêts égoïstes de la SEM CM,

En conséquence

condamner la SEM CM à payer à la société ACA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier et moral subi, la somme de 100 000 euros sauf à parfaire,

ordonner l'exécution provisoire

condamner la SEM CM à payer à la société ACA la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.

La SEM des cimes du Mercantour a :

in limine litis, à titre principal, soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Marseille au profit du Tribunal de commerce de Nice,

à titre subsidiaire, si le tribunal se déclarait compétent, demandé le renvoi de l'affaire au fond,

poursuivi la condamnation de la SARL ACA à payer à la concluante la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La SARL Avenir Conseils Assurances a conclu à la compétence du Tribunal de commerce de Marseille par application de l'article D. 442-3 du Code de commerce d'ordre public qui renvoie à l'article L. 442-6 concernant notamment la rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement contradictoire du 4 juin 2012, le Tribunal de commerce de Marseille statuant au visa de l'article D. 442-3 du Code de commerce, a entre autres dispositions

retenu sa compétence,

condamné la SEM des cimes du Mercantour à payer à la SARL Avenir Conseils Assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamné la SEM des cimes du Mercantour aux dépens.

Par déclaration motivée au greffe du tribunal de commerce du 14 juin 2012, la SEM des cimes du Mercantour a formé contredit au jugement du Tribunal de commerce de Marseille.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 juin 2012, les parties ont été régulièrement avisées de la fixation de l'affaire à l'audience du 22 novembre 2012.

Par conclusions du 30 mai 2013, la SEM des cimes du Mercantour demande à la cour de :

Vu l'absence de relations commerciales établies entre la SARL Avenir Conseils Assurances et la SEM des cimes du Mercantour

recevoir la SEM des cimes du Mercantour en son contredit à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 4 juin 2012,

déclarer le contredit bien fondé,

dire que le litige est de la compétence du Tribunal de commerce de Nice auquel il sera renvoyé

condamner la SARL Avenir Conseils Assurances au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.

La SEM CM soulève l'incompétence du Tribunal de commerce de Marseille en soutenant notamment :

que les relations entre les parties sont régies par le Code des assurances et non par le Code de commerce en ce que la société ACA ne se comportait pas en courtier d'assurance mais en vendeur d'assurance, que le rapport entre les parties est lié à un contrat d'assurance, que l'opération d'assurance n'est pas un acte de commerce,

qu'il n'existait pas de relations commerciales établies entre les parties au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

Par conclusions du 10 juin 2013, la SARL Avenir Conseils Assurances demande à la cour de :

débouter la SAM des cimes du Mercantour de son contredit,

confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions,

condamner la SAM des cimes du Mercantour à payer à la société ACA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens de l'instance.

A titre liminaire, la SARL Avenir Conseils Assurances conclut à la compétence du Tribunal de commerce de Marseille du seul fait que les dispositions du droit de la concurrence sont invoquées dans le litige conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 442-6-I 5° du Code du commerce :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers :

5°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie..."

Selon l'article D. 442-3 et son annexe 4-2-1 du Code de commerce, la juridiction compétente pour connaître en application de l'article L. 442-6 des procédures applicables aux personnes qui sont commerçants ou artisans est Marseille concernant le ressort de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Selon jurisprudence de la Cour de cassation, la juridiction spécialisée est compétente dès lors que les dispositions de l'article D. 442-6 du Code de commerce sont invoquées dans le litige, le juge n'ayant pas à s'assurer du caractère sérieux de la demande.

Il convient en conséquence de déclarer le contredit recevable mais non fondé et de confirmer le jugement du tribunal de commerce du 4 juin 2012 en toutes ses dispositions.

La SAM CM qui succombe n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les dépens du contredit.

Il convient en équité de condamner la SEM CM à payer à la société ACA la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Déclare le contredit recevable, Au fond, Le déclare non fondé, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 4 juin 2012 en toutes ses dispositions en ce compris les dépens, Renvoie la cause et les parties au fond devant le Tribunal de commerce de Marseille, Déboute la SEM des cimes du Mercantour de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SEM des cimes du Mercantour à payer à la SARL Avenir Conseils Assurances la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SEM des cimes du Mercantour aux dépens du contredit.