CA Reims, ch. civ. sect. 1, 6 août 2013, n° 10-03288
REIMS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Batard (Epoux)
Défendeur :
Carrefour Proximité France (SAS), Logidis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maillard
Conseillers :
Mme Dias Da Silva Jarry, M. Wachter
Avocats :
SCP Genet, SCP Brouard, SCP Bednarski Charlet & Associés, Me Six
M. Batard et son épouse Mme Eliane Villemer (les époux Batard) ont signé avec la société Prodim un contrat de franchise en date du 8 mars 1994, pour une durée de sept ans, en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce leur appartenant, situé 10 rue Jean Touchard à Songeons, sous l'enseigne "Shopi". Les parties ont le même jour, signé un contrat d'approvisionnement pour une durée de cinq ans. La société Logidis est venue aux droits de la société Prodim au titre du contrat d'approvisionnement selon traité d'apport partiel d'actif en date du 30 août 1999. La société Prodim est actuellement dénommée Carrefour Proximité France.
Exposant que la société Prodim a tenté de lui imposer un passage sous une autre enseigne alors qu'il rencontrait des difficultés dans son exploitation en raison de la chute constante de son chiffre d'affaires, M. Batard l'a mise en demeure de respecter ses obligations et a par lettre recommandée avec avis de réception du 30 juillet 1999, rompu le contrat de franchise et le contrat d'approvisionnement.
Entendant obtenir la réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de son cocontractant, M. Batard a sollicité la mise en œuvre des procédures d'arbitrage respectivement prévues dans chaque contrat, portant l'une sur les conditions d'exécution et de rupture du contrat de franchise devant un tribunal arbitral siégeant à Caen et l'autre sur les conditions d'exécution et la rupture du contrat d'approvisionnement, devant un tribunal arbitral siégeant à Lille.
La sentence arbitrale rendue en amiable composition à Lille par MM. Mercier président, Veron et Courbe co-arbitres, le 29 juillet 2002 sur la base de la clause compromissoire du contrat d'approvisionnement conclu le 8 mars 1994 avec la société Prodim à laquelle s'est ensuite substituée la société Logidis a :
- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer des époux Batard en raison d'une plainte pénale sur les pratiques des sociétés Prodim et Logidis ;
- rejeté leur demande en dommages et intérêts ;
- condamné les époux Batard au paiement de la somme de 102 726,85 euros dont il conviendra de déduire le montant du dépôt de garantie d'un montant de 17 129,82 euros ;
- débouté la société Logidis de sa demande d'intérêts et de capitalisation des intérêts échus ;
- condamné les époux Batard au paiement de la somme de 7 622,45 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais et honoraires d'arbitrage s'élevant à la somme de 16 380,48 euros TTC.
Les époux Batard ont formé un recours en annulation de cette sentence devant la Cour d'appel de Douai.
L'arrêt rendu par cette cour le 24 juin 2004, rejetant leur recours a été cassé par la Cour de cassation le 10 mai 2006 ; la cause a été renvoyée devant la Cour d'appel de Douai autrement composée.
L'arrêt rendu le 18 juin 2009, par la Cour d'appel de Douai rejetant à nouveau la demande des époux Batard a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2010 qui a renvoyé la cause devant la Cour d'appel de Reims, qui a par arrêt du 31 janvier 2012, annulé la sentence arbitrale du 29 juillet 2002 et renvoyé l'affaire à la mise en état pour qu'il soit conclu au fond.
Par conclusions du 1er mars 2013, auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du Code de procédure civile les époux Batard demandent à la cour avant dire droit :
- d'ordonner sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard aux sociétés Carrefour Proximité France et Logidis, de communiquer aux époux Batard les conditions générales de vente dans leur intégralité, les conditions tarifaires visées à l'article 4 du contrat d'approvisionnement prioritaire et applicable à la date de la signature de cet acte, les conditions générales et tarifs applicables au cours du contrat, enfin les tarifs des prestations annexes (frais de logistique, transport et autres) applicables à la date du contrat susvisé comme à ce jour ;
- dire que l'astreinte commencera à courir 8 jours après la signification de la décision à intervenir
- de désigner un expert avec mission notamment :
- de rechercher si la créance dont chacune des parties se prétend titulaire correspond à la stricte application des conditions tarifaires applicables aux époux Batard ;
- de chiffrer le coût des frais divers, depuis l'origine du contrat et rechercher si leur facturation résulte d'une convention signée entre les parties suivant un barème préétabli ;
- en cas d'absence de convention chiffrer le montant des facturations non-conventionnelles et le préjudice qui en résulte pour les époux Batard ;
- se faire communiquer les pièces justifiant le paiement des ristournes par les fournisseurs, contrôler leur reversement aux époux Batard et dire s'ils ont été remplis de leurs droits ;
- dire si les sociétés Carrefour Proximité France et Logisdis ont satisfait à leur obligation de fournir les époux Batard à des conditions tarifaires compétitives ;
- rechercher si les opérations de promotion mises en place par le fournisseur n'ont pas généré des ventes à perte compte-tenu des frais occasionnés et imposés par le fournisseur notamment par l'achat et la distribution de prospectus lesquels ne sont pas contrebalancées par la faible marge brute dégagée ;
- déterminer la marge brute d'exploitation des opérations promotionnelles sur la période ;
- dire si les conditions tarifaires imposées permettent de dégager le résultat annoncé tant en terme de chiffre d'affaires que de marge brute ;
- chiffrer le montant du préjudice résultant de la diminution de la marge brute sur les achats auprès des entrepôts des sociétés Carrefour Proximité France et Logidis depuis l'origine du contrat ;
- dire qu'en cas d'exécution non satisfaite de son obligation, l'expert devra évaluer le préjudice de M. Batard résultant de l'application de tarifs non compétitifs ;
Au fond de :
- tirer toutes les conséquences de l'opposition des sociétés Carrefour Proximité France et Logidis à toute mesure d'instruction sur la justification de sa prétendue créance et du reversement intégral des sommes perçues pour le compte des époux Batard ainsi que du respect de ses obligations quant au caractère compétitif du tarif appliqué aux époux Batard ;
- débouter les sociétés Carrefour Proximité France et Logidis de toutes leurs demandes dirigées contre les époux Batard ;
- les condamner solidairement au paiement des sommes suivantes:
- 17 129,82 euros en remboursement du dépôt de garantie avec les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1999 avec capitalisation des intérêts ;
- 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par les sociétés Carrefour Proximité France et Logidis de leurs engagements contractuels ;
- 35 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
et des entiers dépens.
Les époux Batard soutiennent que le contrat de franchise et le contrat d'approvisionnement étaient liés, que les obligations nées des deux contrats traduisent une opération unique et globale et que les deux contrats sont interdépendants de sorte que la résiliation de l'un entraîne la caducité de l'autre. Ils contestent les décomptes produits à l'appui de la demande en paiement des sociétés Carrefour Proximité France et Logidis.
Par conclusions du 5 mars 2013 auxquelles la cour se réfère par application de l'article 455 du Code de procédure civile, la société Logidis et la société Carrefour Proximité France anciennement dénommée Prodim demandent à la cour de :
- se déclarer incompétente au profit du tribunal arbitral convenu dans le contrat de franchise pour connaître de toutes les demandes liées à l'interprétation et à l'exécution du contrat de franchise ;
- déclarer irrecevable la demande nouvelle des époux Batard relative à l'existence d'une prétendue indivisibilité entre le contrat de franchise et le contrat d'approvisionnement pour en déduire que la résiliation du contrat d'approvisionnement n'est pas fautive dès lors que :
- elle excède la mission conférée aux arbitres ;
- elle se heurte à l'autorité de la chose jugée par la sentence arbitrale rendue sur Caen dans le litige opposant les époux Batard à la société Prodim confirmée sur la question de l'imputabilité de la rupture par la Cour d'appel de Caen en son arrêt rendu le 26 février 2004 ;
- selon le principe de la concentration des moyens ;
- déclarer irrecevable la demande d'expertise formée par les époux Batard et de constater que :
- elle a déjà été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 23 octobre 2012,
- elle se heurte à l'autorité de la chose jugée de la sentence arbitrale du 29 janvier 2002,
- les demandes nouvelles des époux Batard excédent la mission conférée aux arbitres,
- elles se rattachent à l'exécution du contrat de franchise et sur les prix conseillés, les offres promotionnelles et leurs marges les remises et ristournes fixées par le contrat de franchise ;
- constater que la demande de communication des conditions générales de vente a déjà été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état ;
- déclarer la demande en communication sous astreinte des conditions générales du fournisseur irrecevable dès lors que :
- la société Logidis n'a pas vocation à livrer les époux Batard en marchandises et qu'ils ont déjà reçu ces conditions générales lors de l'exécution du contrat,
- ils n'ont pas intérêt à agir,
- cette demande se rattache à l'exécution du contrat de franchise et se heurte à l'autorité de la chose jugée suivant sentence arbitrale définitive de 17 décembre 2001 rendue entre les parties au titre du contrat de franchise,
- se heurte à la prescription contractuelle prévue aux conditions générales de vente et à la prescription légale,
- débouter les époux Batard de leurs demandes ;
- condamner les époux Batard solidairement à payer à la société Logidis la somme de 46 553,04 euros au titre de la rupture unilatérale et à leur tort exclusif du contrat d'approvisionnement ;
- condamner solidairement les époux Batard à payer à la société Logidis la somme de 102 726,85 euros au titre des impayés de marchandises avec les intérêts au taux de base bancaire de la Société générale majoré de deux points à compter du 24 septembre 1999 et en application de l'article 6 du contrat d'approvisionnement ;
- donner acte à la société Logidis de ce qu'elle s'engage à déduire des sommes susvisées le montant du dépôt de garantie figurant dans ses livres au nom des époux Batard en application d'un contrat de dépôt de garantie et de nantissement conclu entre les parties le 8 mars 1994 soit 17 129,82 euros ;
- dire que la somme de 17 129,82 euros viendra en compensation avec les sommes dues par les époux Batard au titre des marchandises impayées ;
- condamner les époux Batard au paiement de la somme de 75 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens.
Les sociétés Carrefour Proximité France et Logidis considèrent que la cour est incompétente pour connaître de l'interprétation du contrat de franchise que les époux Batard sont irrecevables à faire qualifier d'indivisibles les contrats de franchise et d'approvisionnement et que cette prétention est mal fondée. Elles estiment de même que les demandes d'expertise et de communication de pièces sont irrecevables et réclament paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale et unilatérale du contrat d'approvisionnement et le paiement de marchandises.
Dans le cadre de la procédure d'arbitrage concernant la rupture du contrat de franchise liant les parties, les époux Batard ont sollicité une mesure d'expertise aux fins de faire rechercher si la société Prodim avait valablement exécuté les obligations mises à sa charge et transmis son savoir-faire. Cette demande a été rejetée par sentence arbitrale avant dire droit du 25 janvier 2002. Par sentence arbitrale du 17 juillet 2002, le Tribunal arbitral de Caen a constaté que les époux Batard avaient abusivement rompu le contrat de franchise et les a condamné au paiement de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de franchise, de cotisations de franchise impayées, de dommages et intérêts pour trouble commercial, pour violation de clause de non-affiliation, et pour procédure abusive. Par arrêt du 26 février 2004, la Cour d'appel de Caen a annulé cette sentence arbitrale pour défaut de motifs en ce qu'elle a condamné les époux Batard à payer à la société Prodim des dommages et intérêts pour trouble commercial, pour non-respect de la clause d'affiliation et pour procédure abusive, et a ordonné l'exequatur de la sentence en ses autres dispositions. Par arrêt du 29 septembre 2009, la Cour d'appel de Caen a déclaré nulle la clause de réaffiliation. Cette décision a été cassée par arrêt de la cour de cassation du 23 octobre 2007, qui a renvoyé la cause devant la Cour d'appel de Caen autrement composée, laquelle a par arrêt du 15 janvier 2009 débouté la société Prodim de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts. La société Prodim s'est pourvue en cassation et la cour suprême a, par arrêt du 28 septembre 2010 cassé l'arrêt mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Prodim résultant de la violation de la clause de non-affiliation et a renvoyé la cause devant la Cour d'appel de Rouen qui a, par arrêt du 15 septembre 2011, notamment déclaré nulle la clause de non-réaffiliation stipulée au contrat et débouté la société Carrefour Proximité France venant aux droits de la société Prodim de sa demande en dommages et intérêts résultant de la violation de la clause annulée.
Les demandes d'expertise et de communication de pièces sous astreinte présentées au conseiller de la mise en état ont été rejetées par ordonnance du 23 octobre 2012.
Sur ce, LA COUR :
Sur la recevabilité des mesures avant-dire droit sollicitées par les époux Batard :
Les époux Batard étaient demandeurs à la procédure d'arbitrage donnant lieu à la sentence arbitrale du 29 juillet 2002 annulée par la cour, ils sollicitent à présent avant-dire droit une mesure d'instruction qui a déjà été sollicitée devant le conseiller de la mise en état et notamment la communication par la société Carrefour Proximité France des conditions générales de vente sous astreinte et une mesure d'expertise.
La société Carrefour Proximité France conclut à l'irrecevabilité de la demande des époux Batard en faisant valoir que la demande en communication de pièces sous astreinte et aux fins d'expertise a été rejetée par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 23 octobre 2012. Il n'est pas discuté que le conseiller de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, l'obtention et la production des pièces et à l'organisation d'une mesure d'expertise. Par application des dispositions de l'article 914 du Code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou sur la caducité de celui-ci, ont autorité de la chose jugée au principal. Tel n'est pas le cas d'une ordonnance statuant sur une demande de communication de pièces et d'expertise, qui de plus n'est susceptible d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Le prononcé de l'ordonnance du 23 octobre 2012, n'empêche nullement une partie de réitérer devant la cour, par application des dispositions des articles 142 et 146 du Code de procédure civile, sa demande de communication de pièces et sa demande d'expertise.
Les sociétés Logidis et Carrefour Proximité France font observer que par sentence arbitrale du 29 janvier 2002 du Tribunal arbitral de Lille statuant sur l'exécution du contrat d'approvisionnement, les demandes de communication de pièces et d'expertise formées par les époux Batard ont été rejetées. Par courrier du 30 juillet 1999, mettant fin aux relations commerciales des parties à partir du 31 août 1999, les époux Batard ont précisé à la société Prodim, qu'ils sollicitaient la mise en place du tribunal arbitral prévu par la clause compromissoire des contrats de franchise et d'approvisionnement et qu'ils désignaient Me Jean-Pierre Veron Avocat. Le tribunal arbitral ayant été composé conformément aux prévisions de l'article 12 du contrat d'approvisionnement du 8 mars 1994, une réunion a été organisée le 5 juillet 2001. Les époux Batard ont alors sollicité, la désignation, par sentence avant-dire droit d'un expert avec mission notamment, de dire si la société Prodim a satisfait à son obligation de fournir son franchisé à des conditions tarifaires compétitives, d'évaluer le préjudice résultant de l'application de tarifs non concurrentiels, de chiffrer le coût des frais divers non prévus contractuellement et facturés par la société Prodim depuis l'origine du contrat et en cours d'exécution, d'examiner les remises réciproques figurant sur le compte courant des franchisés, et de se faire communiquer les pièces justifiant le paiement des ristournes par la société Prodim.
Par sentence avant-dire droit du 29 janvier 2002, le tribunal arbitral constatant que le calendrier de procédure conventionnellement fixé n'a pas été respecté par les époux Batard et que ces derniers n'ont communiqué aucune pièce, a débouté les époux Batard de leur demande de mesure d'instruction, et a établi un calendrier de procédure au fond. S'agissant d'une décision expressément qualifiée "avant-dire droit" et préparant la décision au fond, la cour constate que cette sentence n'a tranché aucune contestation au sens de l'article 1476 ancien du Code de procédure civile applicable au moment où la sentence a été rendue, n'a pas statué sur le fond du litige et n'a pas dessaisi le tribunal arbitral, elle n'a donc pas l'autorité de la chose jugée. Son existence ne saurait avoir pour effet de rendre irrecevables les demandes d'expertise et de communication de pièces formées par les époux Batard.
Les sociétés intimées soutiennent de plus que la cour ne peut statuer au-delà de la mission conférée aux arbitres déterminée par la convention d'arbitrage acceptée par les époux Batard le 19 novembre 2001 qui reprend les demandes formulées par les parties. Par application de l'article 1493 du Code de procédure civile la juridiction qui annule une sentence arbitrale statue dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties. La convention d'arbitrage déterminant l'objet du litige et le déroulement de la procédure pris en application de l'article XII du contrat d'approvisionnement signé entre les parties le 8 mars 1994, signée par les parties le 19 novembre 2001 rappelle les demandes des époux Batard qui ont notamment sollicité que par sentence avant-dire droit, il soit ordonné une mesure d'expertise pour rechercher, après examen des pièces produites, si la société Prodim a satisfait à son obligation de fournir à son franchisé des conditions tarifaires compétitives, évaluer le préjudice résultant de l'application de tarifs non concurrentiels, chiffrer le coût des frais divers non prévus contractuellement et facturés par la société Prodim, examiner les remises réciproques figurant sur le compte courant des franchisés, se faire communiquer les pièces justifiant du paiement des ristournes et faire les comptes entre les parties. Il en résulte que les demandes d'expertise et de communication de pièces entraient dans la mission des arbitres. La compétence de ces derniers s'étend de plus à toutes les demandes accessoires se rattachant par un lien étroit à la demande principale. Les demandes de communication de pièces et d'expertise seront donc déclarées recevables en tant qu'elles concernent l'exécution et la rupture du contrat d'approvisionnement, mais seront déclarées irrecevables en tant qu'elles concernent l'exécution et la rupture du contrat de franchise qui a fait l'objet d'une autre procédure d'arbitrage qui n'a pas été annulée par la cour. Il en est ainsi, des demandes tendant, à faire rechercher les conditions d'exécution des opérations promotionnelles et des tarifs imposés qui ne relevaient que du contrat de franchise, si les opérations de promotion mises en place par le fournisseur n'ont pas généré des ventes à perte compte tenu des frais occasionnés par le fournisseur notamment par l'achat de prospectus ; à déterminer la marge brute d'exploitation des opérations promotionnelles et rechercher si les conditions tarifaires permettent de dégager le résultat tarifaire annoncé en terme de chiffres d'affaires et de marge brute.
Sur la rupture du contrat d'approvisionnement :
Le contrat d'approvisionnement du 8 mars 1994 liant les parties a été conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction par période d'un an à défaut de dénonciation intervenue six mois avant l'échéance de chaque période par lettre recommandée avec accusé de réception. Il précise que le non-renouvellement n'entraînera aucune indemnité au profit de l'une ou de l'autre partie. L'article IX du contrat prévoit la résiliation anticipée du contrat, de plein droit en cas de cessation des paiements ou de redressement judiciaire du client ou en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du présent contrat après l'envoi d'une lettre recommandée au client rappelant les griefs et l'intention du fournisseur.
Les époux Batard ont par lettre du 30 juillet 1999 adressée à la société Prodim, faisant suite à la volonté de cette dernière de ne pas passer leur magasin sous l'enseigne Shopi nouveau concept et sa proposition de transformer leur magasin en magasin 8 à Huit, fait part de leur désaccord, du préjudice créé par cette situation et de la chute constante de leur chiffre d'affaires depuis dix-huit mois et de l'urgence à trouver de nouvelles modalités d'exploitation. Ils ont constaté et pris acte de la volonté de la société Prodim de rompre de façon anticipée les relations de franchise et d'approvisionnement compte tenu de l'impossibilité de conserver l'enseigne Shopi dans laquelle elle les met, et ils ont annoncé que les relations commerciales des parties prendraient fin le 31 août 1999. Pour le cas où la société Prodim souhaiterait poursuivre les relations commerciales, ils l'ont mise en demeure de respecter ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 7 du contrat de franchise et de l'article 9 du contrat d'approvisionnement. Ils se sont en tous cas opposés à la reconduction du contrat d'approvisionnement venant à terme le 31 janvier 2000 et ont sollicité la mise en place du tribunal arbitral prévu par les contrats de franchise et d'approvisionnement.
Par lettre du 16 août 1999, la société Prodim a réaffirmé sa volonté de voir les contrats se poursuivre jusqu'à leur terme en considérant la lettre du 30 juillet sans objet. Elle a rappelé que le contrat d'approvisionnement ne venait pas à terme le 31 janvier 2000. Par lettre du 4 octobre 1999, M. Batard a rappelé sa volonté de saisir le tribunal arbitral et a contesté les montants qui lui sont réclamés. Les termes des courriers adressés par les époux Batard révèlent contrairement à ce qu'ils soutiennent dans leurs écrits, que la résiliation du contrat d'approvisionnement est intervenue dès le 31 août 1999, suite au courrier du 30 juillet 1999, dans lequel ils ont pris acte de la rupture du contrat et sollicité la mise en place du tribunal arbitral, bien qu'ils aient mis la société Prodim en demeure de respecter ses obligations pour le cas où elle souhaiterait poursuivre les relations contractuelles. Ils ont de plus et en tous cas manifesté leur intention de mettre un terme au contrat d'approvisionnement au plus tard à son terme. La lettre du 4 octobre 1999 ne fait que confirmer que les époux Batard ont pris acte de la rupture des relations contractuelles par lettre du 30 juillet 1999 et effectuent les démarches nécessaires à la mise en place des procédures d'arbitrage.
Les époux Batard soutiennent à présent que la fin du contrat d'approvisionnement est la conséquence de la cessation du contrat de franchise et font état de l'indivisibilité des deux contrats. Les intimées font valoir quant à elles que la cour est incompétente pour connaître des litiges nés du contrat de franchise. Il n'est pas discuté que les contrats de franchise et d'approvisionnement comportaient chacun une clause d'arbitrage, qu'ils ont donné lieu à deux procédures d'arbitrage et que le Tribunal arbitral de Caen est seul compétent pour statuer sur les litiges nés de l'interprétation et de l'exécution du contrat de franchise. L'appréciation de l'indivisibilité pouvant exister entre les deux contrats signés par les époux Batard avec la société Prodim suppose certes leur examen, mais ne relève pas du seul tribunal arbitral et la cour est compétente pour examiner le moyen soulevé par les époux Batard. Si la cour ne peut examiner le litige né de la rupture du contrat de franchise qui a d'ailleurs donné lieu à une sentence et des décisions définitives, il lui appartient de statuer sur l'ensemble des moyens développés dans le cadre du litige né de la rupture du contrat d'approvisionnement, y compris celui concernant l'indivisibilité des deux contrats et ce sans étendre la compétence dévolue aux arbitres par la clause compromissoire insérée dans le contrat d'approvisionnement, au contrat de franchise.
Les sociétés Logidis et Carrefour Proximité France font valoir de plus que les prétentions des époux Batard sont irrecevables dans la mesure où elles n'entrent pas dans les limites de la mission dévolue aux arbitres et par conséquent à la cour, juge de l'annulation. La clause compromissoire contenue dans le contrat d'approvisionnement prévoit de manière générale que toutes contestations auxquelles pourraient donner lieu l'exécution ou l'interprétation du contrat seront soumises à trois arbitres. L'indivisibilité des contrats de franchise et d'approvisionnement invoquée à l'appui de la rupture du contrat peut être appréciée par la cour et ne constitue pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau développé à l'appui des prétentions des époux Batard et pour faire écarter les prétentions adverses, qui est recevable et doit être examiné au fond, quand bien même deux procédures d'arbitrage distinctes ont été mises en œuvre et que les parties se sont opposées sur la mise en place d'un arbitrage unique. Enfin l'intervention d'une sentence arbitrale définitive sur le principe même de la rupture du contrat de franchise ne rend pas les époux Batard irrecevables à soutenir l'existence d'une indivisibilité des contrats et le principe de la concentration des moyens ne les empêche pas de soutenir devant la cour de nouveaux moyens, notamment pour s'opposer aux prétentions adverses.
Les époux Batard soutiennent que les contrats de franchise et d'approvisionnement comportent des obligations interdépendantes de sorte qu'il ne peut être mis fin à l'un des contrats sauf à s'exposer à ce qu'il lui soit reproché la violation de certaines obligations de l'autre contrat toujours en cours. La cour constate qu'aucune disposition des contrats ne fait état de la volonté des parties de considérer chaque contrat comme étant la condition de l'existence de l'autre et de rendre leurs conventions indivisibles. Les contrats de franchise et d'approvisionnement ont été signés le même jour entre les mêmes parties, la société Prodim ayant d'une part la qualité de franchiseur et d'autre part celle de fournisseur. Le contrat de franchise a pour objet de fixer le cadre dans lequel se dérouleront les rapports commerciaux des parties, les échanges d'informations et l'assistance qu'apportera le franchiseur au franchisé dans l'exercice de son activité et de permettre au franchisé de bénéficier de la plus grande diffusion possible de l'enseigne mentionnée, des marques qui s'y rattachent et du type de magasin que représente cette enseigne. Le contrat d'approvisionnement prévoit l'approvisionnement prioritaire des époux Batard auprès de la société Prodim ou auprès de fournisseurs spécialement agréés par elle.
Le franchisé s'est engagé à respecter les normes générales techniques, administratives et commerciales qui lui sont fournies et qui constituent une condition essentielle du contrat. A cette fin il met à la disposition du franchisé, "la fourniture et la mise à jour des tarifs de vente souhaitables d'appliquer dans ce type de magasins" (article 232), il prend en charge la publicité et l'article 242 du contrat de franchise mentionne qu'il se charge de la recherche et de l'établissement des programmes de publicité et de promotion, tant pour l'ouverture que pour les différentes périodes de l'année, dans la mesure où elle concerne la notoriété de l'enseigne et des produits qui lui sont rattachés. L'article 25 du contrat précise que le franchiseur a déterminé les rayons et la structure de l'assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le magasin, pour assurer une image homogène des magasins de la franchise et concourir à leur performance, le franchisé ayant toujours le loisir de le compléter en fonction de son environnement propre.
Le contrat de franchise ne concerne pas la vente de la marchandise, mais vise à protéger une enseigne et l'image d'une marque. Son exécution suppose un approvisionnement principal et prioritaire, auprès du fournisseur agréé, sans que la proportion de ces fournitures par rapport à l'ensemble des marchandises du magasin ait été définie ; le franchisé conserve dans tous les cas la possibilité de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs et d'autres centrales d'achat même pour la totalité des marchandises, ce que le contrat d'approvisionnement n'exclut pas. Il n'est pas démontré dans ces conditions que l'exécution des contrats était liée et que notamment la rupture du contrat de franchise ne permettait pas la poursuite du contrat d'approvisionnement jusqu'à son terme. L'examen des deux contrats ne permet pas de déceler que les deux parties avaient l'intention de rendre les deux contrats indivisibles alors qu'ils sont susceptibles d'exécutions séparées et peuvent arriver à terme à des moments différents.
Les deux contrats ont été conclus pour des durées différentes, et les clauses d'arbitrage insérées dans chacun d'eux désignent deux lieux d'arbitrage différents de sorte que les parties ont bien eu l'intention, en cas de litige résultant de l'exécution des contrats de les soumettre à deux tribunaux différents et de ne pas les faire juger ensemble. Les contrats contiennent chacun des clauses de résiliation et de renouvellement qui leur sont propres.
En tout état de cause les époux Batard qui ont pris l'initiative des deux procédures d'arbitrage, n'ont dans le cadre de ces procédures, jamais soutenu que les deux contrats formaient un ensemble objectivement indivisible. Par ordonnance du 18 janvier 2001, le président du Tribunal de commerce de Lille a constaté que les contrats de franchise et d'approvisionnement avaient des objets distincts l'un de l'autre, des durées et des clauses de compétence différentes justifiant la mise en place d'arbitrages différents. Le litige concernant les conditions d'exécution du contrat de franchise est définitivement tranché à raison d'une sentence arbitrale en date du 25 janvier 2002 qui a reçu l'exequatur suivant décision du Tribunal de grande instance de Caen en date du 14 octobre 2003 et par sentence rendue sur le fond, partiellement annulée sur le quantum des réparations allouées à la société Prodim, retenant que la rupture du contrat de franchise est intervenue aux torts exclusifs des époux Batard.
Les contrats de franchise et d'approvisionnement n'étant pas indivisibles, la rupture du contrat de franchise n'a pas pu entraîner la rupture du contrat d'approvisionnement.
Le contrat d'approvisionnement conclu le 8 mars 1994 pour une durée initiale de cinq ans, a le 8 mars 1999, à défaut de dénonciation par une des parties six mois avant l'échéance, été tacitement reconduit pour une durée d'une année, soit jusqu'au 7 mars 2000. Le contrat a été rompu par lettre des époux Batard en date du 30 juillet 1999 avec effet au 31 août 1999, même si quelques commandes de marchandises ont pu intervenir ultérieurement.
En vertu des dispositions de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. S'agissant d'un contrat à durée déterminée, le contrat d'approvisionnement devait être exécuté jusqu'à son échéance sauf manquement grave par l'autre partie à ses obligations entraînant pour les époux Batard une situation de péril.
La clause de résiliation anticipée figurant au contrat (article IX) n'a été stipulée qu'au profit du fournisseur et son application au profit du client suppose pour le moins l'inexécution de l'une des conditions du contrat et l'envoi d'une lettre recommandée rappelant le ou les griefs et l'intention de résilier le contrat. La lettre de résiliation du 30 juillet 1999 ne formule aucun grief à l'égard de la société Prodim aux droits de laquelle vient la société Logidis, au titre du contrat d'approvisionnement, mais dénonce essentiellement la décision unilatérale du franchiseur de modifier l'enseigne Shopi, l'ampleur du préjudice résultant de cette situation, l'existence d'un déficit du magasin depuis plus d'une année et la chute constante du chiffre d'affaires ; ces critiques ne peuvent que concerner le contrat de franchise. Pour ce qui est des conditions d'approvisionnement, les époux Batard reprochent à la société Prodim une politique de promotion générant un coût élevé et ne permettant pas d'espérer une amélioration de la marge, le coût des prospectus et indiquent qu'ils ignorent lors de la commande les prix d'achat pratiqués. Force est de constater que ces critiques concernent la politique promotionnelle relevant de l'exécution du contrat de franchise.
Concernant la connaissance des prix d'achat, le contrat d'approvisionnement prévoit dans son article II que les commandes seront transmises par le client au fournisseur au moyen d'un système informatique (MSI) sur la base des spécifications qui lui sont communiquées ou par tout moyen technique préconisé par le fournisseur. L'article IV du contrat prévoit de même que le client accepte les conditions tarifaires proposées par le fournisseur et accepte de s'en remettre à dire d'expert conformément à l'article XII en cas d'évolution tarifaire et qu'il en irait de même si le client contestait les prix de vente du fournisseur. La cour constate que la lettre du 30 juillet 1999 ne peut être considérée comme une mise en demeure d'exécuter une quelconque obligation au titre du contrat d'approvisionnement.
Le contrat d'approvisionnement précise dans le paragraphe précédant l'exposé des conventions des parties, l'esprit dans lequel il a été conclu et indique que la société Prodim a dans le cadre de son activité de négoce de produits alimentaires mis en place des moyens logistiques et commerciaux afin d'offrir aux clients des conditions tarifaires compétitives et un service performant et exprime son souhait de voir les relations commerciales qu'elle engage avec ses clients s'inscrire dans une perspective de confiance et de pérennité ; il mentionne que le client a de son côté décidé de se rapprocher de la société Prodim pour bénéficier des avantages qualitatifs et quantitatifs proposés, dans l'optique de relations commerciales durables. Ces précisions ne sauraient mettre à la charge du fournisseur une obligation de résultat. Les tarifs concurrents versés aux débats par les époux Batard ne peuvent, même s'ils apparaissent avantageux, démontrer la faute de la société Prodim devenue Logidis, qui ne s'est pas engagée à fournir à ses clients les tarifs les plus compétitifs. Le fournisseur ne bénéficiait pas d'un contrat d'approvisionnement exclusif et la convention des parties laissait au client la possibilité de se fournir ailleurs. Les pièces produites démontrent de plus que pendant toute la durée d'exécution du contrat les époux Batard n'ont formulé aucune critique et n'ont jamais remis en cause le tarif qui leur était appliqué. Ils n'ont jamais fait usage de la possibilité de saisir un expert qui leur était réservée par l'article XII du contrat pour contester les prix appliqués et n'ont jamais émis la moindre contestation à la réception des marchandises, alors que les conditions générales de vente rappelées au dos des factures leur laissaient cette possibilité dans un délai de 48 heures à compter de la livraison.
En conséquence la cour constate qu'aucun manquement de la société Prodim devenue Logidis n'est caractérisé à l'occasion de l'exécution du contrat d'approvisionnement et qu'il n'existe aucun motif grave justifiant la rupture anticipée de ce contrat. Le fournisseur, qui s'est dans le cadre du contrat d'approvisionnement contenté de fournir les marchandises commandées par les époux Batard et qui n'a jamais été destinataire d'aucune réclamation ne saurait être responsable de la perte de marge dont se plaignent les appelants. Ces derniers qui étaient par ailleurs liés par un contrat de franchise dans le cadre duquel le franchiseur mettait à leur disposition des prestations relatives à l'organisation générale du magasin, la formation du personnel, la gestion commerciale administrative et financière, l'animation et la publicité, l'assortiment minimum, ne sont donc, en l'absence de toute faute prouvée à l'encontre du fournisseur, pas fondés à rompre le contrat d'approvisionnement avant son terme et à réclamer paiement de dommages et intérêts pour non-respect des engagements du contrat. Leur demande sera rejetée.
Le contrat d'approvisionnement étant rompu, les époux Batard sont fondés à réclamer la restitution de leur dépôt de garantie avec les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1999 avec capitalisation des intérêts.
Sur les demandes de la société Logidis :
Par application de l'article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice. Les époux Batard ont pris l'initiative de rompre le contrat d'approvisionnement sans attendre que le tribunal arbitral ait statué sur le litige. La gravité du comportement d'une partie peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls et il incombe au juge de rechercher si le comportement revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale.
Il résulte des énonciations faites ci-dessus, que les époux Batard ne se sont au cours de l'exécution du contrat jamais plaints du comportement de la société Prodim devenue Logidis, que la lettre de rupture n'énonce aucun grief sérieux concernant le contrat d'approvisionnement, que la pratique de prix non compétitifs ne constitue pas une obligation de résultat et qu'il n'est pas démontré que le fournisseur ait manqué à ses obligations. Le contrat d'approvisionnement n'étant de plus pas lié de manière indivisible au contrat de franchise, sa rupture anticipée et brutale n'était pas justifiée et a nécessairement causé préjudice à la société Logidis.
Ce dernier sera au vu de la perte éprouvée par la société Logidis pendant la durée du contrat restant à courir jusqu'à son terme et la brutalité avec laquelle le contrat a été rompu évalué à la somme de 20 000 euros.
La société Logidis qui vient aux droits de la société Prodim actuellement dénommée Carrefour Proximité France, en vertu d'un traité d'apport partiel d'actif du 30 août 1999 réclame depuis la rupture du contrat d'approvisionnement, le paiement de marchandises impayées s'élevant à la somme de 102 726,85 euros. Elle verse aux débats l'intégralité des factures dont elle demande le paiement ainsi qu'un décompte certifié par son contrôleur de gestion le 30 septembre 1999.
Les époux Batard contestent les montants qui leur sont réclamés et sollicitent avant-dire droit et par application de l'article L. 441-6 alinéa 1er du Code de commerce la communication des conditions tarifaires qui leur ont été appliquées, y compris le barème des ristournes qui leur ont été reversées. La société Logidis soutient avec pertinence que les conditions générales de vente applicables leur ont à l'époque été communiquées et figuraient sur les différents supports qui les contenaient (contrat d'approvisionnement, logiciel de commande MSI, cadencier, factures). Les conditions générales de vente figurant au dos des factures prévoyaient que toute absence de contestation de la livraison des marchandises dans les 48 heures de la livraison vaudra accusé de réception et acceptation pure et simple de celle-ci et aucune réclamation n'a été formulée en cours d'exécution du contrat. Au vu de ces éléments il n'y a pas lieu d'ordonner sous astreinte la communication des conditions générales de vente en vigueur à l'époque dont les époux Batard avaient une parfaite connaissance.
Les époux Batard sollicitent de plus une mesure d'expertise d'investigation générale aux motifs que la société Logidis ne justifie pas des remises et ristournes dues à l'exploitant, des frais de publicité et de logistique mis en compte. La cour observe que les manquements et l'opacité que les époux Batard prétendent subir depuis plusieurs années, la mise en compte de traites impayées pour des montants de l'ordre de 86 218,35 francs au cours du mois d'octobre 1996, de 70 921 francs et de 77 909,38 francs au cours des mois de janvier et de mai 1997 n'ont donné lieu à aucune réaction de leur part et la procédure d'expertise prévue par l'article XII du contrat en cas de désaccord sur les prix n'a jamais été mise en œuvre. Au cours de son audition par le rapporteur du Conseil de la concurrence (pièce 115) M. Batard a expliqué "qu'il exploitait un magasin sous l'enseigne Shopi depuis l'année 1994, qu'au cours des années 1997-98, la société Prodim lui a annoncé que son magasin passerait sous l'enseigne 8 à Huit, qu'il a alors cherché un autre fournisseur parce qu'il avait des problèmes financiers en raison du manque de rentabilité de son magasin. Il précise qu'il avait 650 000 francs d'arriéré avec Prodim et Logidis qui était le fournisseur à l'époque, que son beau-frère était sous l'enseigne Coccinelle et gagnait très bien sa vie de sorte qu'il a fait appel à cette enseigne et que Carrefour l'a alors attaqué, à la fois sur ses arriérés et sur le changement d'enseigne". M. Batard n'a contesté ni le montant de la créance de la société Logidis ni les livraisons des marchandises.
S'agissant des ristournes et des remises, le décompte de la créance versé en annexe révèle que le compte des époux Batard était crédité par des règlements de M. Batard et des ristournes versées par les fournisseurs à la société Prodim pour le compte des époux Batard. Les époux Batard font état de 546,08 euros au titre de ristournes directes, de 2 648,33 euros au titre de ristournes indéterminées et de 4 824 euros au titre de ristournes "produits nouveaux". La société Logidis explique que les ristournes consenties par les fournisseurs directs référencés par le franchiseur étaient centralisées auprès de la centrale d'achat de Promodes (la CIM) puis reversées au franchisé. S'agissant de remises et de ristournes négociées par le franchiseur dans le cadre de son assistance commerciale et de la pratique des prix conseillés et non par le fournisseur dans le cadre du contrat d'approvisionnement, la contestation des époux Batard ne peut relever que des contestations concernant le contrat de franchise. L'article 4 du contrat d'approvisionnement concernant les prix ne vise d'ailleurs que les conditions tarifaires proposées par le fournisseur et l'évolution des tarifs dans le temps et non les ristournes consenties. De plus, seules les remises appliquées au moment de la vente et figurant sur les factures sont incluses dans les conditions générales de vente au sens de l'article L. 441-6 du Code de commerce. Les ristournes directes concernent des remises effectuées sur des commandes passées par les époux Batard directement aux fabricants et qui leur ont été facturées directement ; ces derniers ne versent aux débats aucune de ces factures qui ne sont pas en possession de la société Logidis. Enfin la société Logidis verse aux débats le document intitulé "Dépôt de garantie" en vertu duquel les époux Batard se sont engagés à remettre à la société Prodim à titre de gage une somme constituée des ristournes annuelles versées Prodim à hauteur de 0,3 % du chiffre d'affaires HT. Ce compte de dépôt a été constitué et doit être reversé aux époux Batard à l'issue du décompte final. Enfin la société Logidis produit les conventions produits nouveaux et journal TV qui ont été signées par les époux Batard en leur qualité de franchisés le 22 novembre 1995, le 31 décembre 1997 et le 16 janvier 1999 en vue de promouvoir des produits innovants susceptibles d'attirer une clientèle supplémentaire en contrepartie du versement par la société Prodim en trois fois d'un budget de 12 000 francs. Au vu de ces éléments et des pièces versées aux débats il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise et il n'est pas démontré que le montant des ristournes appliquées est invérifiable.
S'agissant des frais annexes (frais de logistique et de transport) les époux Batard soutiennent qu'ils leur ont été imputés sans accord de leur part et qu'ils n'ont fait qu'enchérir le coût des marchandises. Ils produisent à l'appui de leurs dires des factures établies par la société Prodim au cours des mois de mai, juin, juillet et août 1999 au titre de prestations logistiques et frais de service qui ont été prélevés pour un montant total de 5 530,44 francs au cours du mois de mai, 4 492,74 francs au cours du mois de juin, 6 240 francs au cours du mois de juillet et 5 322, 12 francs au mois de juillet soit un total de 21 585,30 francs, soit 3 290,66 euros. La société Logidis ne s'explique pas sur la facturation de ces frais qui a été contestée par lettre des époux Batard du 4 octobre 1999. Ce montant non justifié sera donc déduit des sommes réclamées par la société Logidis. Par ailleurs, les époux Batard ne justifient d'aucune manière que des avoirs n'ont pas été établis, que des ristournes n'ont pas été imputées, que des livraisons de produits promotionnels ont été refusées mais facturées et que la redevance de franchise a été facturée à tort. La demande de paiement de la société Logidis est donc fondée à hauteur de 99 436,19 euros avec les intérêts au taux de base de la Société Générale majorés de deux points à compter du 24 septembre 1999 conformément à l'article 6 du contrat d'approvisionnement et capitalisation des intérêts dus pour une année entière. Ce montant pourra être compensé avec la somme de 17 129, 82 euros due par la société Logidis aux époux Batard au titre du contrat de dépôt de garantie.
Sur les dépens et l'article 700 Code de procédure civile :
Les époux Batard qui succombent supporteront les entiers dépens et leurs frais irrépétibles et paieront aux sociétés Logidis et Carrefour Proximité France, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Déboute M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard de leur demande en communication de pièces sous peine d'astreinte ; Déclare irrecevable la demande d'expertise des époux Batard tendant à rechercher les conditions d'exécution des opérations promotionnelles, si les opérations de promotion mises en place par le fournisseur ont généré des ventes à perte, déterminer les marges brutes d'exploitation des opérations promotionnelles, rechercher si les conditions tarifaires permettent de dégager les résultats annoncés en terme de chiffre d'affaires et de marge brute, chiffrer le préjudice résultant de la diminution de la marge brute ; Déboute M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard de leur plus ample demande d'expertise ; Condamne M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard à payer à la société Logidis la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture unilatérale et à leurs torts exclusifs du contrat d'approvisionnement ; Condamne solidairement M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard à payer à la société Logidis la somme de 99 436,19 euros au titre des marchandises impayées avec les intérêts au taux de base bancaire de la Société Générale majoré de deux points à compter du 24 septembre 1999 ; Dit que les intérêts dus pour une année entière pourront se capitaliser et produire intérêts au même taux ; Condamne la société Logidis à payer à M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard la somme de 17 129, 82 euros en remboursement du dépôt de garantie, avec les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1999, avec capitalisation des intérêts ; Dit que les créances respectives des parties pourront se compenser ; Déboute M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard de leurs plus amples demandes ; Condamne solidairement M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard à payer à la société Logidis et à la société Carrefour Proximité France la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Marcel Batard et Mme Eliane Villemer épouse Batard aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.