ADLC, 26 juillet 2013, n° 13-DCC-101
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif des actifs "matériaux de structure" de la société Imerys TC par la société Bouyer-Leroux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mmes Carole Armoët, Gwenaëlle Nouët, l'intervention de Mme Nadine Mouy, rapporteure générale adjointe, par M. Bruno Lasserre président, présidant la séance, Mmes Claire Favre, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes, M. Emmanuel Combe, Patrick Spilliaert, vice-présidents, Mmes Reine-Claude Mader-Saussaye, Pierrette Pinot, MM. Yves Brissy, membres.
L'Autorité de la concurrence (section III),
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 février 2013 relatif à l'acquisition des actifs "matériaux de structure" de la société Imerys TC par la société Bouyer-Leroux, formalisée par une offre ferme et irrévocable d'achat et par un projet de contrat de cession d'action en date du 12 décembre 2012 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les informations complémentaires transmises par les parties au cours de l'instruction ; Vu la demande de suspension des délais d'examen de l'opération de 15 jours ouvrés, conformément à l'article L. 430-5 II, accordée par lettre du 8 mars 2013 ; Vu les engagements présentés les 29 mars et 25 juillet 2013 par la partie notifiante ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DEX-02 du 22 avril 2013 d'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les représentants de la société Bouyer-Leroux en date du 21 juin 2013 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteures, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Bouyer-Leroux entendus au cours de la séance du 4 juillet 2013 ; Les représentants des groupes Terreal, Wienerberger et Placoplatre entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :
I. Présentation des parties et de l'opération
1. Bouyer-Leroux est constituée sous forme de société coopérative et participative (SCOP). Son capital est intégralement détenu par ses sociétaires salariés ([confidentiel]) et anciens salariés ([confidentiel]) dont aucun ne dispose d'une participation supérieure à [...] %. Bouyer-Leroux est principalement active dans la fabrication et la commercialisation de briques de mur, de briques de cloison (ou "briques plâtrières") et de tuiles en terre cuite commercialisées sous la marque "Bio'bric".
2. Les activités de production et de commercialisation de Bouyer-Leroux sont conduites à partir de deux sites de production, et des carrières d'argile associées, situés dans la région Pays-de-la-Loire :
- le site de La Séguinière (Maine-et-Loire - 49) qui produit uniquement des briques de mur et dispose de [...] lignes de production d'une capacité totale de production de [...] tonnes. Bouyer-Leroux a également développé sur ce site une unité pilote de production d'éléments de grande longueur, comportant [...] lignes de production, d'une capacité totale de [...] tonnes par an. Cette dernière activité est restée marginale en 2012 ;
- le site de Saint-Martin-des-Fontaines (Vendée - 85) qui produit des tuiles en terre cuite, des briques de mur et des briques de cloison. Ce site dispose d'une ligne de production de briques de mur d'une capacité de [...] tonnes et d'une ligne de production mixte, susceptible de produire des briques de mur et des briques de cloison, d'une capacité de production de [...] tonnes, soit une capacité totale de [...] tonnes.
3. Bouyer-Leroux a acquis, en 2011, des terrains à Hodeng-Hodenger (Seine-Maritime - 76), dans le but d'y implanter un nouveau site de production de briques de mur. [Confidentiel].
4. La majeure partie des briques de mur et de cloison commercialisée par Bouyer-Leroux est destinée à la construction de maisons individuelles (environ [...] % pour les briques de mur et [...] % pour les briques de cloison).
5. Bouyer-Leroux commercialise également d'autres types de produits en terre cuite et accessoires, notamment des éléments de grande longueur (linteaux, coffres de volets roulants ou appuis de fenêtre) et des conduits de cheminée, dont elle n'assure pas elle-même la fabrication. Ces produits sont achetés auprès de fournisseurs tiers pour être ensuite revendus auprès des distributeurs de matériaux de construction.
6. La société Bouyer-Leroux est enfin présente, au travers de ses filiales, dans deux autres secteurs industriels :
- le secteur du PVC par l'intermédiaire de la société SPPF, qu'elle détient à 100 %, qui fabrique des éléments de fermeture (des coffres de volets roulants, des volets battants, des persiennes, des portes de garage...) pour le bâtiment ;
- le secteur du traitement des déchets par l'intermédiaire de la société Bouyer-Leroux Environnement et de sa filiale CET Bouyer-Leroux qui détient un centre d'enfouissement technique qui produit le biogaz utilisé sur le site de La Séguinière.
7. Imerys est une entreprise minière internationale. Elle est spécialisée dans l'extraction et la transformation de minéraux rares. Les actifs d'Imerys Structure qui sont cédés à Bouyer-Leroux, (ci-après "Imerys" ou "actifs cibles") sont l'ensemble de ses actifs et activités dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de matériaux dits de structure, qui incluent les briques de mur, les briques de cloison, les conduits de fumée et les accessoires qui y sont associés. Préalablement à la présente opération, les actifs cibles feront l'objet d'un apport par la société Imerys TC à la société [confidentiel], véhicule d'acquisition constitué pour les besoins de la présente opération. Sont principalement concernés sept sites de production répartis sur tout le territoire national (1) :
- le site de Colomiers (Haute-Garonne - 31), qui produit exclusivement des briques de mur et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de Gironde-sur-Dropt (Gironde - 33), qui produit exclusivement des briques de mur et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de La Boissière-du-Doré (Loire-Atlantique - 44), qui produit à la fois des briques de mur et des briques de cloison. Ce site dispose d'une ligne de production mixte d'une capacité totale de [...] tonnes ;
- le site de Mably (Loire - 42), qui produit des briques de mur et de cloison sur des lignes dédiées et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de Saint-Marcellin-en-Forez (Loire - 42), qui produit exclusivement des briques de mur et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de Vergongheon (Haute-Loire - 43), qui produit des conduits de fumée (2). Ce site a lancé, en janvier 2013, une activité de production d'éléments de grande longueur (3) dont la capacité de production est de [...] tonnes ;
- le site de Vihiers (Maine-et-Loire - 49), qui produit exclusivement des conduits de fumée.
8. La majeure partie des briques de mur et de cloison commercialisées par Imerys est destinée à la construction de maisons individuelles (environ [...] % pour les briques de mur et [...] % pour les briques de cloison). Les briques de mur sont commercialisées sous les marques "Optibric", "Urbanbric" et "Gelimatic" alors que les briques de cloison sont commercialisées sous les marques "Intuitys" et "Carrobric".
9. Au-delà des éléments qu'elle fabrique, Imerys a également une activité de négoce d'éléments de grande longueur.
10. Selon les termes de l'offre ferme et irrévocable qu'elle a déposée le 12 décembre 2012 et d'un projet de contrat de cession d'actions, Bouyer-Leroux va acquérir la totalité des titres et des droits de vote du véhicule d'acquisition, [confidentiel], qui détiendra l'ensemble des actifs d'Imerys concernés par l'opération. L'accord des parties sur les termes de cette offre et du contrat de cession d'actions s'inscrit dans le cadre des autorisations données par les conseils d'administration des deux parties, les 12 septembre 2012 (Bouyer-Leroux) et 19 septembre 2012 (Imerys). En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par Bouyer-Leroux des actifs auparavant détenus par Imerys, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
11. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Bouyer-Leroux : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2011 ; actifs cibles : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2011). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Bouyer-Leroux : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2011 ; actifs cibles : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2011). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. La délimitation des marchés pertinents
12. Les activités des parties se chevauchent dans les secteurs des matériaux de construction de murs porteurs (notamment les briques de mur) et des matériaux de construction de murs non porteurs (notamment les briques de cloison) destinés au secteur résidentiel et plus particulièrement à la construction de maisons individuelles.
13. L'opération conduit également à un chevauchement limité sur l'activité de production d'éléments de grande longueur, compte tenu du démarrage de cette activité par les actifs cibles en janvier 2013.
14. En revanche, seule Bouyer-Leroux est active dans la production et la commercialisation de tuiles. De même, Imerys est la seule à exercer une activité de production et commercialisation de conduits de fumée.
15. Par ailleurs, l'opération n'entraîne qu'un chevauchement marginal d'activité, quelle que soit la délimitation des marchés retenue, dans le secteur du négoce de matériaux annexes, qui ne fera donc pas l'objet de développements particuliers.
16. Selon une pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence européenne (4) et française (5), les matériaux de construction de murs porteurs et les matériaux de construction de murs non porteurs forment deux marchés distincts. En effet, ils n'ont pas les mêmes caractéristiques (en terme de résistance mécanique), usages (construction des parties principales du gros œuvre pour les murs porteurs et décoration ou isolation intérieure pour les murs non porteurs) et prix. La totalité des acteurs du secteur interrogés, ainsi que les parties, ont confirmé que ces deux catégories de produits ne sont pas interchangeables.
17. Une segmentation des matériaux de construction en fonction du type de bâtiment (maisons individuelles (6), logements collectifs, logements industriels et commerciaux) doit également être faite dans la mesure où les briques destinées aux habitations individuelles et celles destinées aux autres types de bâtiments répondent à une demande différente. Les premières sont vendues par les fabricants à des négociants alors que pour les secondes, les maîtres d'œuvre des chantiers les plus importants, représentés par les logements collectifs et les bâtiments industriels et commerciaux, s'approvisionnent, dans la plupart des cas, directement auprès des fabricants. La construction de logements collectifs est réalisée sous maîtrise d'ouvrage de promoteurs privés ou publics tels qu'Altarea, Bouygues Immobilier, Nexity, Eiffage Immobilier ou Vinci Immobilier. Il apparaît au demeurant que l'essentiel des briques est destiné à la construction de logements individuels (7), dans la mesure où les briques de mur en terre cuite ne sont utilisables que pour la construction de logements de moins de cinq étages, leur résistance à la compression étant insuffisante pour les bâtiments de plus grande hauteur. De plus, la majorité des briques commercialisées par les parties est destinée à la construction de maisons individuelles (Bouyer-Leroux : [...] % pour les briques de mur et [...] % pour les briques de cloison / Imerys : [...] % pour les briques de mur et [...] % pour les briques de cloison) (8). Au surplus, le test de marché n'a pas révélé de problèmes spécifiques liés aux autres types de logements (logements collectifs, bâtiments industriels et commerciaux).
18. L'analyse menée sera donc circonscrite aux matériaux de construction de murs non porteurs de maisons individuelles (A), aux matériaux de construction de murs porteurs de maisons individuelles (B) et aux éléments de grande longueur (C).
A. LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION DE MURS NON PORTEURS
1. MARCHÉS DE PRODUITS
19. En France, les murs non porteurs (ou cloisons) sont construits à partir de trois principaux types de matériaux : la brique plâtrière (ou brique de cloison en terre cuite), la plaque de plâtre et les cloisons alvéolaires (9) :
- la brique plâtrière forme une cloison dite "humide". C'est une brique creuse et mince en terre cuite qui se monte traditionnellement à l'aide d'un enduit de plâtre. Elle est utilisée, pour l'essentiel, pour la construction des maisons individuelles isolées ;
- la plaque de plâtre forme une cloison dite "sèche". Elle est constituée de plâtre moulé entre deux fines couches de carton. Elle est posée par vissage, sur un rail ou sur des montants en bois ou en métal. Pour accroitre l'isolation thermique ou phonique, un isolant peut être intégré dans la cloison et l'épaisseur de la plaque peut être augmentée. Elle peut également être collée à l'aide d'un mortier spécialisé. Elle est très utilisée tant pour les logements collectifs que pour les maisons individuelles ;
- la cloison alvéolaire forme une cloison dite "sèche". Elle est constituée de deux plaques de plâtre collées sur un réseau de carton alvéolé. Montées sans ossatures métalliques, les cloisons alvéolaires correspondent à des solutions d'entrée de gamme surtout utilisées dans le secteur de la promotion immobilière (logements collectifs ou logements individuels groupés), pour la réalisation de cloison de distribution. Elles sont en revanche très peu utilisées pour la construction de maisons individuelles isolées.
20. Alors qu'en 2000 le Conseil de la concurrence (10) avait considéré que la fabrication de briques plâtrières constituait, dans le grand Ouest de la France, un marché pertinent, la Commission européenne a, dans deux décisions relatives à des opérations produisant leurs effets aux Pays-Bas (11), pris en compte un marché des matériaux de construction de murs non porteurs comprenant l'ensemble des matériaux.
21. La partie notifiante considère que le marché des matériaux de construction de murs non porteurs inclut a minima la brique plâtrière et la plaque de plâtre. L'existence d'un marché unique se justifierait notamment, selon la partie notifiante, par le fait que la brique de cloison et la plaque de plâtre répondent à un même besoin et ont les mêmes fonctionnalités. Elle a également indiqué que la brique de cloison et la plaque de plâtre ont des niveaux de prix similaires dans les régions concernées par l'opération. Elle ajoute qu'il n'existe pas de demande régionale spécifique, car les ventes de briques plâtrières auraient baissé dans les mêmes proportions au niveau national et dans les régions concernées par l'opération. Elle souligne aussi que la plaque de plâtre remplace progressivement la brique plâtrière, dont le marché est voué à disparaître, et a fourni des données sur l'évolution de la demande pour les deux types de matériaux.
22. Les éléments du dossier montrent que les briques plâtrières présentent des qualités spécifiques et que leur emploi peut correspondre à des usages régionaux. Elles n'en sont pas moins progressivement remplacées par les plaques de plâtre sur l'ensemble du territoire national et de ce fait, les conditions de l'exercice de la concurrence sur cette activité ne sont pas indépendantes de celles qui prévalent pour les autres types de matériaux.
a) Substituabilité du côté de l'offre
23. La substituabilité entre les briques plâtrières et les plaques de plâtre peut tout d'abord s'apprécier au regard des offreurs. A cet égard, les différents fabricants de matériaux de construction de murs non porteurs sont spécialisés par type de matériaux. Ainsi, Bouyer-Leroux et Imerys ne fabriquent que des produits à base d'argile. Il en est de même pour Terreal, leur principal concurrent, qui propose des briques plâtrières. Par ailleurs, aucun producteur de plaques de plâtre n'est présent sur le secteur de la brique.
b) Substituabilité du côté de la demande
24. La partie notifiante soutient que la brique plâtrière et la plaque de plâtre sont substituables du point de vue de la demande compte tenu de leur caractéristiques, de leur prix, du fort report de la demande vers la plaque de plâtre en cas d'augmentation des prix de la brique de cloison et de l'évolution du taux d'utilisation de ces deux matériaux, ces deux derniers éléments conduisant à la disparition progressive de la brique de cloison.
i. Les caractéristiques techniques des produits
25. S'agissant des caractéristiques techniques de ces différents matériaux, la partie notifiante fait valoir qu'en termes d'encombrement, de fonctionnalités ou d'isolation thermique et phonique la brique plâtrière et la plaque de plâtre sont substituables.
26. Les acteurs interrogés dans le cadre du test de marché ont majoritairement déclaré que la brique plâtrière et la plaque de plâtre avaient des fonctionnalités différentes, et présentaient des qualités différentes en termes d'esthétique, de performances techniques et d'encombrement. Les plaques de plâtres sont plus légères, plus faciles à manipuler et à poser. En revanche, les briques plâtrières ont une durée de vie supérieure. Elles constituent un meilleur isolant thermique et phonique et résistent mieux à l'humidité. Cependant, comme le souligne la partie notifiante, la plaque de plâtre a bénéficié d'évolutions technologiques au cours des 20 dernières années qui conduisent à réduire les différences avec la brique de cloison, en termes de performances acoustiques, mécaniques et thermiques.
27. Les répondants au test de marché ont particulièrement insisté sur les différences en ce qui concerne les techniques de pose. La pose de briques plâtrières nécessite en effet de recourir à un plâtrier capable de monter les briques et d'apposer un enduit de plâtre pour en assurer la finition, profession à la technicité particulière. Placoplatre a ainsi précisé que : "la différence fondamentale entre ces deux types de matériaux est leur mise en œuvre : les briques plâtrières requièrent absolument l'intervention d'un artisan spécialisé qui doit être formé. Je m'explique : les briques plâtrières font appel à une technique de pose traditionnelle : c'est une mise en œuvre artisanale et tout réside dans le savoir-faire. Les plaques de plâtre sont une solution plus industrielle (couche de plâtre entre deux feuilles en carton avec de la laine minérale ou d'autres types d'isolants)". Certains acteurs considèrent cependant que les différences entre les techniques de pose des deux matériaux pourraient s'estomper, notamment grâce au lancement récent, par Imerys, de la gamme de briques de cloison Intuitys, dont la technique de pose s'inspire de celle des plaques de plâtre, mais dont les ventes restent encore confidentielles.
ii. Le prix des produits
28. S'agissant des niveaux de prix, la partie notifiante soutient qu'un rapprochement du prix des briques plâtrières et des plaques de plâtre s'est opéré au cours des dernières années en France : selon une étude MSI (12), on observerait aujourd'hui, pour les cloisons de distribution, des prix "pose comprise" similaires, soit de 26 à 35 pour la brique plâtrière (50 (*) mm) et de 26 à 33 pour la plaque de plâtre (12,5 mm).
29. Toutefois, le dossier n'a pas permis d'obtenir des éléments vraiment conclusifs sur les niveaux de prix respectifs des deux solutions. En effet, l'étude MSI produite par les parties s'appuie sur des données non représentatives, issues des constatations d'un seul industriel du secteur. Par ailleurs, les devis fournis par la partie notifiante et ses concurrents montrent pour certains un différentiel de prix, quoique limité, entre les solutions brique de cloison et plaque de plâtre et, pour d'autres, un prix similaire. Enfin, une très large majorité des répondants au test de marché a indiqué qu'il existait des différences sensibles en termes de prix total (prix du matériau, de la pose et des produits annexes) sans toutefois fournir de fourchettes homogènes, les prix communiqués variant du simple au double pour chaque matériau.
30. Il est possible que les prix de la solution brique plâtrière varient sensiblement en fonction de la présence plus ou moins forte de plâtriers dans la région concernée et, en conséquence, du taux d'utilisation de cette technique : plus les artisans plâtriers sont nombreux et qualifiés, plus la pose est rapide et plus son coût se rapproche de celui de la solution plaque de plâtre. En revanche, dans les régions où les artisans plâtriers sont peu nombreux et moins habitués à réaliser ces travaux, le prix total de la solution brique plâtrière sera pénalisé par le coût plus élevé de la main d'œuvre. Cette explication rejoint celle avancée par Bouyer-Leroux: "une comparaison de prix au niveau national ne (peut) pas être transposée au niveau local dès lors qu'un facteur important de la comparaison tient au coût de la main-d'œuvre qui est très différent selon qu'il existe ou non dans la région considérée des plâtriers".
iii. Le test du monopoleur hypothétique
31. La partie notifiante a fourni une analyse quantitative reposant sur le test du monopoleur hypothétique. La mise en œuvre de ce test consiste à comparer le gain que réaliserait un monopoleur hypothétique sur le segment des briques plâtrières s'il augmentait ses prix de 5 à 10 %, aux pertes qu'il subirait compte tenu des réactions de certains de ses clients qui, face à une hausse de prix, se reporteraient sur d'autres produits.
32. La partie notifiante observe qu'au niveau national, ainsi que pour la quasi-totalité des régions concernées (la Bretagne faisant exception), le test est négatif, les pertes dépassant les gains. Elle conclut à l'existence d'un marché pertinent plus large que les seules briques plâtrières.
33. Mais cette étude s'appuie sur des données discutables, de nature à biaiser ses résultats dans le sens d'une sous-estimation des gains du monopoleur hypothétique à la suite d'une hausse des prix.
34. En premier lieu, les taux de report utilisés, issus des réponses recueillies auprès des clients dans le cadre du test de marché de phase 1, sont peu nombreux puisque la question relative au comportement des clients en cas de hausse des prix des briques plâtrières de 5 à 10 % (13) n'a été renseignée que par un à trois répondants (selon la région). La marge d'erreur associée à la mesure de ce taux de report est donc importante.
35. En second lieu, les taux de marge utilisés ne sont pas représentatifs. En effet, la partie notifiante a utilisé les seuls taux de marge sur coût variable des parties alors que c'est le taux de marge de l'ensemble du marché candidat, comprenant les concurrents et non seulement les parties, qui doit être utilisé dans un tel test. De plus, pour calculer les taux de marge de Bouyer-Leroux, un taux uniforme de [...] % de coûts de transport a été retenu. Or, la grille des coûts de transport fournie par Bouyer-Leroux montre que ses coûts de transport varient très significativement selon les régions, et même à l'intérieur de chaque département.
36. Ainsi, le test du monopoleur hypothétique, tel qu'il a été construit par l'étude économique fournie, ne permet pas de se prononcer sur la substituabilité entre les briques de cloison et les plaques de plâtre.
iv. Les préférences subjectives de la demande en Bretagne et Pays de la Loire
37. Les préférences subjectives des clients peuvent réduire la substituabilité entre des produits qui répondent objectivement aux mêmes besoins et de telles préférences peuvent être limitées à une région, comme le Conseil de la concurrence l'avait constaté s'agissant de l'Alsace dans l'avis n° 99-A-09 (14) : "si, d'un point de vue théorique et technique, les briques de structure sont substituables aux autres matériaux de construction, dans la pratique, les traditions locales, les goûts des consommateurs, voire les dispositions en matière d'urbanisme et de construction, imposent dans une large mesure l'utilisation d'un type de matériel particulier" (15). En effet, si, parce qu'ils préfèrent un certain type de produit, les clients reportent moins facilement leur demande vers des produits similaires en cas de hausse des prix, une telle hausse des prix pourrait être profitable pour un monopoleur hypothétique sur les produits en cause.
38. En l'espèce, le test de marché a révélé une spécificité de la demande pour les briques de cloison dans certaines régions de l'Ouest de la France. En effet, de nombreux professionnels du secteur ont souligné que l'utilisation de briques plâtrières résultait d'un choix fort, répondant à une demande pour une méthode traditionnelle particulièrement affirmée en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire. Wienerberger a ainsi indiqué : "Même si en France nous ne sommes pas dans une culture de la terre cuite aussi forte qu'en Espagne, je considère que la brique est un matériau qui, selon les régions, répond à une demande forte. C'est le cas de la brique de mur dans le Sud-Ouest, mais aussi de la brique de cloison dans le grand Ouest de la France, en particulier en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire". De même, Terreal a souligné qu'"il existe en régions Bretagne et Pays-de-la-Loire une tradition particulière pour l'usage des briques plâtrières et l'existence d'une main d'œuvre spécialisée non négligeable à même de poser ce type de matériau".
39. Cependant, la partie notifiante souligne que l'évolution de la demande pour les briques de cloison et les plaques de plâtre en France, comme en Bretagne et Pays-de-la-Loire, tend à démontrer une désaffection continue pour la brique plâtrière au profit de la plaque de plâtre, cette dernière représentant aujourd'hui l'essentiel du marché des matériaux de construction de murs non porteurs.
40. L'examen du taux d'utilisation de la brique plâtrière à l'échelon national et dans les quatre principales régions où se chevauchent les activités des parties (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine) montre que l'utilisation des briques plâtrières en Bretagne et Pays-de-la-Loire demeure supérieure à celle constatée sur l'ensemble du territoire et dans les autres régions (16). Néanmoins, il ressort de ces données que, contrairement à la situation qui prévalait lors de l'avis n° 99-A-09 dans lequel le Conseil de la concurrence constatait que "la brique est utilisée en Alsace de façon privilégiée dans la construction de tous les types de logements ; qu'ainsi, 77,4 % des matériaux utilisés dans la construction des maisons individuelles en 1997 étaient des briques, contre 22 % sur l'ensemble de la France", la brique plâtrière n'est pas le matériau le plus utilisé en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire. De plus, dans ces deux régions l'utilisation de la brique plâtrière a fortement reculé au cours des dernières années et ce recul est parallèle à celui constaté sur l'ensemble du territoire puisque son taux d'utilisation a diminué de 52,5 % au niveau national et respectivement de 55,7 % et 50 % en Bretagne et Pays-de-la-Loire.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
41. La totalité des répondants au test de marché de première phase a confirmé la chute du taux d'utilisation de la brique plâtrière sans anticiper de retournement de cette tendance à moyen terme, compte tenu, notamment, du manque de plâtriers en France et du rôle joué par leur savoir-faire dans la pose des briques de cloison. Le constructeur de maisons individuelles, Groupe Berthelot, a par exemple déclaré : "Concernant l'évolution des marchés de la brique plâtrière, tant au niveau national qu'au niveau régional, ce marché est en déclin et je pense qu'il s'agit d'une tendance irréversible à moyen terme. Ce marché a été durement touché par la "crise des plâtriers" dans la mesure où l'absence de formations de ce corps de métier durant plusieurs années a conduit à une baisse d'ouvriers spécialisés".
42. En effet, on constate que le nombre d'artisans plâtriers décline régulièrement. Si 30 % des plâtriers encore en activité peuvent être trouvés en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire (17), les statistiques relatives aux effectifs des apprentis plâtriers en formation dans les différents centres de formation d'apprentis et dans les lycées professionnels du grand Ouest montrent que, même dans ces régions, de moins en moins de plâtriers sont formés chaque année (598 en 2013 contre 847 en 2007). Un de ces centres de formation a notamment indiqué que "les entreprises ont du mal à recruter, c'est un métier difficile et le métier de plâtrier comme tel dévie vers le métier de plaquiste".
43. Par ailleurs, interrogés sur la possibilité d'une disparition à terme de la brique plâtrière, la moitié des répondants a considéré que ce marché allait disparaître. Cette disparition des briques de cloison s'explique selon certains acteurs par la disparition du "savoir-faire" nécessaire à la pose, mais aussi par les améliorations des performances techniques de la plaque de plâtre, qui seraient, soit déjà meilleures, soit le deviendraient à un horizon de cinq ans (18).
44. L'évolution de la demande des deux principaux types de matériaux de construction de murs non porteurs montre un essor de l'utilisation des plaques de plâtre et un déclin de l'utilisation des briques plâtrières. Ce fort déclin, dû à la disparition des plâtriers et à la diminution des différences techniques entre les deux matériaux conduit à relativiser l'existence d'une demande spécifique pour la brique de cloison dans les Pays-de-la-Loire et en Bretagne, où le taux d'utilisation diminue aussi rapidement que dans les autres régions. Aussi, il convient de conclure à l'existence d'un marché des matériaux de construction de murs non porteurs, tous matériaux confondus, sur lequel les effets de l'opération seront examinés.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
45. La partie notifiante considère que la dimension géographique des marchés des matériaux de construction de murs non porteurs doit être définie localement et a proposé de retenir des zones de chalandise d'un rayon de 250 kilomètres autour des sites de production d'Imerys. En effet, [confidentiel] des ventes des parties en briques plâtrières sont réalisées dans un rayon de 250 kilomètres autour de leurs sites industriels.
46. La Commission européenne a délimité des marchés de dimension nationale pour les Pays-Bas (19) et la Belgique (20) alors qu'en 2000, le Conseil de la concurrence a défini la zone dite "Grand Ouest", couvrant cinquante départements situés à l'ouest d'un axe Charleville-Mézières (08) / Biscarrosse (40) : "Considérant, par ailleurs, que le coût du transport étant élevé par rapport à la valeur unitaire du produit, la délimitation géographique du marché est, en grande partie, fonction de l'implantation des unités de production ; que les demandeurs ne peuvent, en effet, s'adresser à des fournisseurs dont les sites de production sont trop éloignés ; que, selon les déclarations de son président, la SIBO commercialise des briques dans une zone dénommée "Grand Ouest" et composée des cinquante départements situés à l'ouest d'une ligne brisée reliant Charleville-Mézières à Biscarosse en passant par Troyes ; que cette zone constitue pour la SIBO un marché pertinent".
47. Au cas d'espèce, le test de marché de première phase a confirmé le caractère infranational des marchés pour la brique plâtrière et pour la plaque de plâtre, mais les réponses relatives à la dimension de ces marchés varient fortement selon les répondants :
Type de matériaux / Distance moyenne de livraison ou d'approvisionnement / Distance maximale de livraison ou d'approvisionnement
Brique plâtrière / 128 km / 269 km
Plaque de plâtre / 194 km / 374 km
48. Il n'y a cependant pas lieu de trancher la question de la délimitation exacte des marchés des matériaux de construction de murs non porteurs dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelles que soient les dimensions retenues autour des sites de production de briques plâtrières de La Boissière-du-Doré (44) d'Imerys et de Saint-Martin-des-Fontaines (85) de Bouyer-Leroux, seuls sites concernés par l'opération (21).
21 Le site d'Imerys sis à Mably (42) produit également des briques plâtrières, mais il est situé à une distance d'environ 440 kilomètres du site de Saint-Martin-des-Fontaines (85), distance qui n'engendre qu'un chevauchement très limité entre leurs zones de chalandise respectives en région Centre et Limousin.
22 Aux côtés de ces principaux matériaux, d'autres types de matériaux sont également utilisés, tels que la pierre, l'acier et le bois.
B. LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION DE MURS PORTEURS
1. MARCHÉS DE PRODUITS
49. En France, les principaux types de matériaux utilisés pour la construction de murs porteurs sont le bloc béton (ou parpaing), le béton cellulaire, et la brique de mur (ou "brique de terre cuite") (22) :
- le bloc béton est un élément de maçonnerie moulé à froid, composé de granulats, de ciment et d'eau. Sa structure peut être creuse ou pleine. Les blocs béton sont empilés par rangs successifs jointés par un mortier ou une colle ;
- le béton cellulaire est composé de sable, de chaux, de ciment, d'eau et de poudre d'aluminium. Sa structure est alvéolaire. Les blocs de béton cellulaire sont empilés par rangs successifs jointés par une colle ;
- la brique de terre cuite est composée d'argile et d'eau. Elle est perforée horizontalement ou verticalement. Les briques de terre cuite sont assemblées avec du mortier au moyen d'une truelle ou d'un rouleau applicateur de colle.
50. La question d'une segmentation des matériaux de construction de murs porteurs selon les types de matériau a été examinée par la Commission européenne et le Conseil de la concurrence qui renvoient à une analyse au cas par cas compte tenu de l'importance des spécificités locales dans ce secteur (poids de la tradition et des usages, réglementation en matière d'urbanisme et de construction). Ainsi, la Commission européenne a considéré que le marché néerlandais des matériaux de construction pour murs porteurs comprenait tous les matériaux qui sont utilisés pour construire des murs porteurs tels que la brique, le béton cellulaire ou le bloc de béton. En 1996, la Commission européenne (23) avait souligné que l'usage des différents matériaux de construction de murs porteurs variait d'un pays ou d'une région à l'autre compte tenu de l'existence de traditions locales et de préférences marquées des consommateurs. Elle a réitéré cette analyse en 2002 : "Il convient de noter que l'utilisation, et donc la substituabilité des différents matériaux de construction dépend de manière non négligeable des habitudes et traditions nationales de construction, ainsi que des conditions réglementaires de l'industrie du bâtiment. Par conséquent, la question de la substituabilité des matériaux de construction peut-être appréciée de manière très différente dans certains Etats membres" (24). De même, en 1999, le Conseil de la concurrence (25) a constaté l'existence d'un marché spécifique des briques de mur en Alsace considérant l'utilisation très répandue de ce matériau (supérieure à 70 %) et l'existence d'une tradition de la brique de mur dans cette région.
51. La partie notifiante considère qu'en dépit d'une absence de substituabilité de l'offre, l'ensemble des matériaux de construction pour murs porteurs (le bloc béton, le béton cellulaire et la brique de terre cuite, voire d'autres types de matériaux moins utilisés tels que l'ossature bois) forme un seul marché de produit pertinent. Elle justifie l'existence d'un tel marché global de produits par la substituabilité technique des matériaux, un niveau de prix similaire et l'absence de tradition ou de règlementation locale et l'illustre par l'évolution symétrique des courbes de la demande des deux principaux matériaux utilisés en France pour la construction de murs porteurs.
52. En l'espèce, les activités des parties se chevauchent dans le grand Ouest de la France, autour des sites de production d'Imerys de Gironde-sur-Dropt, qui réalise l'essentiel de ses ventes en Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées et Aquitaine, et de La-Boissière-du-Doré, qui réalise l'essentiel de ses ventes en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie (26).
53. Les éléments du dossier montrent que les caractéristiques techniques et les prix des briques de mur sont peu différents des blocs béton mais que leur emploi peut correspondre à des usages régionaux. En effet, à l'inverse des autres régions concernées par l'opération, une préférence régionale pour la brique de mur existe en Aquitaine, qui limite très fortement la substituabilité entre les briques de mur et les autres matériaux de construction dans cette région.
a) La substituabilité du côté de l'offre
54. S'agissant de la substituabilité au regard des offreurs, il apparaît que les différents fabricants de matériaux de construction de murs porteurs sont spécialisés par type de matériaux. Ainsi, Bouyer-Leroux et Imerys ne sont présentes que dans la fabrication de produits en terre cuite. Il en est de même des autres briquetiers : Wienerberger, qui avait initialement une activité béton s'est désengagée de ce secteur dès 1997 ; Terreal possède un site de production de produits à base de béton dans lesquels le gravier est remplacé par de l'argile. L'ensemble des producteurs des blocs béton est également spécialisé.
55. Dans l'avis 99-A-09 (27), le Conseil de la concurrence avait par ailleurs relevé que "les matières premières, les procédés de fabrication, les usines et les coûts de production des briques de structure sont très différents de ceux des autres matériaux de construction". Une telle analyse avait également été faite précédemment par la Commission, notamment dans sa décision du 18 juin 1996.
b) La substituabilité du côté de la demande
56. La partie notifiante soutient que la brique de mur et le bloc béton sont substituables compte tenu de leurs caractéristiques techniques, de leurs prix, du report de la demande vers les autres matériaux en cas d'augmentation des prix de la brique de mur, de l'absence de préférence locale et de l'évolution du taux d'utilisation des différents matériaux.
i. Les caractéristiques techniques des produits
57. S'agissant des caractéristiques techniques des différents matériaux, la partie notifiante considère que le bloc béton, le béton cellulaire et la brique de terre cuite offrent des résistances mécanique et thermique équivalentes. En effet, elle fait valoir que le bloc béton, le béton cellulaire et la brique de terre cuite peuvent être utilisés indifféremment pour la construction de murs porteurs de maisons individuelles dans la mesure où ces matériaux offrent une résistance mécanique similaire, en termes de compression, qui doit être supérieure à 28 bars. De plus, si la résistance thermique peut varier d'un matériau à l'autre (0,23 m²K/W pour le bloc béton standard, 0,45-0,99 m²K/W pour la brique en terre cuite standard et 1,82 m²K/W pour le béton cellulaire), l'adjonction de matériaux d'isolation permettrait pour un coût limité, selon la partie notifiante, d'obtenir des performances globales similaires. Par ailleurs, la récente réglementation thermique relative à la construction de bâtiments (le Règlement Thermique 2012 ou "RT 2012") préconise une résistance thermique des murs porteurs des maisons individuelles de 3 à 5 m²K/W selon les régions, rendant ainsi nécessaire, pour la quasi-totalité des matériaux utilisés, l'utilisation complémentaire d'isolants tels que des plaques de polystyrène ou de la laine minérale.
58. Les répondants au test de marché considèrent majoritairement qu'il n'existe pas de différence majeure, notamment en termes de résistance mécanique, entre la brique de mur et les autres matériaux de construction.
59. Plus d'un tiers des répondants souligne cependant des différences en termes de résistance thermique, tout en précisant que ces dernières peuvent être gommées par l'adjonction de matériaux isolants. Il apparaît notamment que le modèle de brique en terre cuite appelé "brique monomur" présente des performances thermiques supérieures aux autres briques et au bloc béton : la brique monomur est en effet susceptible de fournir une résistance thermique supérieure à 3 m²K/W (plus exactement entre 2,6 et 3,25 m²K/W), ce qui lui permet de respecter les nouvelles exigences posées par la réglementation thermique de 2012, sans utilisation systématique d'isolants complémentaires. A cet égard, Maison France Confort déclare par exemple que "Les briques de mur sont des matériaux de plus en plus utilisés dans le cadre de la construction de maisons individuelles. Cette prédominance sera renforcée compte tenu de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique 2012, à compter du 1er janvier 2013, qui favorise l'usage de la brique de mur dont les propriétés en termes d'isolation thermique sont supérieures à celles du bloc béton". Le constructeur de maisons individuelles Mikit indique également : "Depuis 2006, notre groupe a en effet fait le choix de la brique alvéolaire isolante de 20 centimètres pour la construction des murs porteurs de nos maisons, essentiellement pour ses performances thermiques (qui sont de 4 à 7 fois supérieures à celles du parpaing)".
ii. Le prix des produits
60. S'agissant des niveaux de prix des différents types de matériaux, la partie notifiante indique qu'ils varient sensiblement au niveau national au sein d'une fourchette comprise entre 5 /m² (bloc béton standard) et 40 /m² (brique en terre cuite "monomur"). Si on prend en compte le coût total de la construction en ajoutant, au prix des matériaux, celui de la pose et des matériaux d'isolation les écarts sont, selon les données fournies par la partie notifiante, les suivants :
- la prise en compte du prix facturé pour la pose des matériaux réduit l'écart de prix entre l'utilisation du bloc béton standard (32-35 /m²) et celui de la brique en terre cuite (33-38 /m²) ;
- l'intégration d'un isolant pour atteindre une résistance thermique de 4 m²K/W permet d'obtenir des prix totaux équivalents (56-59 /m² pour le bloc béton standard, 57-59,5 /m² pour la brique en terre cuite).
61. Concernant le prix du matériau seul, certains répondants au test de marché ont fourni des estimations de prix moyen à la fois pour la brique en terre cuite et le bloc béton standard : ces estimations se situent dans une fourchette comprise entre 10 et 20 /m² pour la brique en terre cuite et entre 7 et 15 pour le bloc béton standard, avec une moyenne de 15,6 /m² pour la première et 10,7 /m² pour le bloc béton standard. La brique "monomur" est par ailleurs beaucoup plus onéreuse, la partie notifiante ayant donné un prix moyen de 40 /m².
62. Concernant le prix global (prix du matériau, de l'isolant et de la pose), le test de marché a confirmé que l'écart est limité pour la brique en terre cuite standard et le bloc béton standard. Ainsi, les répondants ont indiqué un coût moyen de 88,75 /m² pour la brique en terre cuite, contre 85,75 /m² pour le bloc béton standard, avec des fourchettes allant de 75 à 120 pour la première et 75 à 100 pour le bloc béton.
iii. L'existence de préférences subjectives des consommateurs
63. Comme cela a été développé dans le cadre de la définition des marchés des matériaux de construction de murs non porteurs, les préférences subjectives des clients peuvent réduire la substituabilité entre des produits qui répondent objectivement aux mêmes besoins et de telles préférences peuvent être limitées à une région.
64. La partie notifiante estime que l'utilisation du bloc béton et de la brique de mur est relativement équilibrée dans les différentes régions du grand Ouest dans lesquelles les activités de Bouyer-Leroux et d'Imerys se chevauchent (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine) et que les taux d'utilisation régionaux, à l'exception de celui constaté en Aquitaine, sont relativement comparables à ceux observés à l'échelon national puisqu'en France, le taux d'utilisation du bloc béton est de 41 % et celui de la brique en terre cuite est de 40 % en 2011. Elle considère que l'absence d'un fort taux d'utilisation d'un matériau particulier montre que ces régions ne sont pas caractérisées aujourd'hui par des traditions locales et estime que les résultats du test de marché, et notamment l'analyse des taux de report de la demande constatés à cette occasion confirment l'existence d'un marché unique incluant le bloc béton et la brique de mur.
65. Toutefois, le test de marché et l'analyse de l'évolution des volumes d'utilisation et des taux de corrélation ont infirmé cette approche.
- La préférence locale révélée par le test de marché
66. Le test de marché a révélé que, s'il n'existait pas globalement, selon une majorité des répondants, de traditions locales dans le grand Ouest de la France susceptibles de favoriser l'utilisation de la brique de mur par rapport aux autres matériaux, la situation était néanmoins différente en Aquitaine, citée à plusieurs reprises comme étant une région dotée d'une "culture de la terre cuite". Ainsi, les négociants disposant d'un point de vente dans cette région ont majoritairement mentionné une préférence locale pour la brique de mur. Parmi les concurrents interrogés lors du test de marché, la plupart a estimé qu'il existait une spécificité régionale en Aquitaine. Terreal indique ainsi l'existence d'une : "forte tradition locale favorisant l'utilisation de la brique de mur (...) en raison d'une préférence historique pour la terre cuite". Au contraire, les répondants ont peu ou pas mentionné les autres régions concernées par l'opération comme étant dotées d'une préférence particulière pour la brique de mur. Lors du test de marché de seconde phase, les opérateurs du secteur ont à nouveau été questionnés sur l'existence d'une préférence régionale pour les briques de mur en Aquitaine : une grande majorité a confirmé qu'une telle préférence existait, justifiée soit par des raisons historiques, soit par la présence de carrières d'argile et de sites industriels dans la région.
67. Il a également été demandé aux différents intervenants du marché ce que serait leur réaction si les prix de la brique de mur augmentaient de 5 à 10 %. Le taux de report de la demande vers les autres types de matériaux serait globalement plus faible en Aquitaine (entre 5 et 15 %) que dans les autres régions (entre 11 et 33 % en moyenne et en fonction des régions). Une réponse, statistiquement aberrante (28), fait toutefois état d'un taux de report de 50 %. Une fois cette valeur aberrante ôtée, le taux moyen de report issu du test de marché d'élève à 8,1 % pour la région Aquitaine, ce qui est statistiquement significativement inférieur (29) aux taux de report dans les autres régions du grand Ouest de la France. Les opérateurs du secteur ont aussi estimé que le pourcentage de clients qui continueraient à acheter de la brique de mur en Aquitaine, malgré une augmentation du prix de ce produit, serait important (supérieur à 50 %).
- L'analyse des taux d'utilisation et de l'évolution des volumes vendus
68. L'examen des taux d'utilisation de la brique de mur et du bloc béton dans les régions concernées par l'opération fait clairement ressortir l'Aquitaine comme une région où l'utilisation de la brique de mur diffère des autres régions. Le taux d'utilisation de la brique de mur était très bas dans les autres régions en 2003 (entre 13 % pour les Pays-de-la-Loire et 30 % pour le Poitou-Charentes), et est remonté progressivement pour atteindre environ 40 % en 2011. En Aquitaine en revanche, la brique de mur a toujours été plus utilisée que le bloc béton avec un taux d'utilisation resté supérieur à 50 % entre 2003 et 2011. L'Aquitaine est ainsi la région où la brique de mur est le matériau le plus utilisé (57 % en 2011) alors qu'on constate un taux d'utilisation relativement homogène de la brique de mur et du bloc béton dans le grand Ouest : ils s'équilibrent aux alentours de 40 % en Bretagne, Poitou-Charentes et au niveau national, et le bloc béton est proche de 50 % dans les Pays-de-la-Loire.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
69. L'existence de ces préférences spécifiques des consommateurs en Aquitaine est confirmée par l'analyse de l'évolution des volumes d'utilisation des matériaux de construction pour murs porteurs de maisons individuelles et par l'analyse des coefficients de corrélation linéaire (30) entre les ventes de briques et celles parpaing, son substitut le plus proche (31). Des corrélations négatives entre les volumes de parpaings et de briques vendus chaque année constituent un indice de la substituabilité entre ces deux produits, les volumes vendus de l'un des matériaux augmentant quand les volumes de l'autre diminuent.
70. Au niveau national, il convient de rappeler que la construction immobilière a été affectée par la crise de 2007, 2009 semblant être l'année au cours de laquelle ce secteur a connu la diminution d'activité la plus importante. Ce choc économique se retrouve dans l'ensemble des données nationales et régionales, à quelques exceptions près. Le secteur a également connu divers chocs liés aux innovations, en particulier la meilleure isolation procurée par les briques "monomur", ces dernières permettant de réaliser des économies substantielles sur les matériaux d'isolation complémentaires.
71. Le graphique ci-dessous montre qu'en France, le parpaing est le premier matériau de construction pour murs porteurs de maisons individuelles, suivi par la brique, les autres matériaux étant loin derrière. Le volume de parpaings utilisé, mesuré en milliers de m² de mur construit, diminue faiblement de 2005 à 2007, puis plus fortement entre 2007 et 2009. Si le volume des briques vendues augmente de 2005 à 2007, du fait notamment de l'attrait croissant de certains types de briques isolantes, cette hausse ne semble pas absorber l'intégralité des volumes de parpaings perdus. De 2007 à 2009, du fait de la crise du secteur de la construction, l'utilisation de la brique diminue à l'instar des ventes de parpaings, mais dans un volume bien moindre. La crise du secteur de la construction n'a donc pas eu le même impact sur les deux types de produits, la baisse des volumes ayant été moindre pour les briques que pour les parpaings :
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>
72. Les volumes (en milliers de m² de murs) et leur évolution, les taux d'utilisation (colonne %) et les taux de croissance de l'année N-1 à N (en %) sont présentés dans le tableau ci-dessous :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
73. La corrélation des volumes de parpaings et de briques écoulés au niveau national est négative, égale à -0,3268, mais non significative, et donc non interprétable. Elle l'est d'ailleurs d'autant moins du fait que l'influence du nombre de logements en construction (32) est commune aux volumes écoulés des deux types de produits. Bien qu'elle ait été très volatile sur la période, la croissance moyenne des volumes de briques utilisées est de 17 % environ d'une année sur l'autre au cours de la période, tandis que l'utilisation des parpaings diminuait en moyenne de 3 % par an environ. Le taux d'utilisation de ces deux matériaux s'équilibre à 40 % au niveau national en 2011.
74. En Aquitaine, le graphique ci-dessous montre que, contrairement à la situation nationale, la brique est le matériau de construction de murs porteurs le plus utilisé : les volumes vendus sont bien supérieurs à ceux des parpaings (second matériau utilisé) et des autres matériaux dont l'usage est plus limité :
<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>
75. Le tableau ci-dessous présente les taux d'utilisation des principaux matériaux de construction de murs porteurs en Aquitaine :
Année / Brique / Parpaing / Bois / Béton / Autres / Total
2003 / 51,8 % / 37,4 % / 5,2 % / 1,5 % / 4,1 % / 100 %
2005 / 50,8 % / 38,8 % / 6,5 % / 1,3 % / 2,6 % / 100 %
2006 / 52,6 % / 37,8 % / 5,4 % / 0,8 % / 3,4 % / 100 %
2007 / 52,5 % / 35,8 % / 8,0 % / 0,5 % / 3,2 % / 100 %
2009 / 50,2 % / 32,8 % / 10,2 % / 4,8 % / 2,0 % / 100 %
2011 / 56,7 % / 29,0 % / 11,1 % / 2,3 % / 1,0 % / 100 %
Moyenne / 52,41 % / 35,24 % / 7,75 % / 1,86 % / 2,74 %
Ecart-type / 2,28 % / 3,72 % / 2,47 % / 1,55 % / 1,12 %
76. Contrairement à ce qui a été constaté au niveau national, où une corrélation négative mais non significative des volumes de briques et de parpaings vendus était observée entre 2003 et 2011, cette même corrélation est positive (égale à 0,7692) et significative à 10 % pour l'Aquitaine. Ainsi, et bien qu'il soit difficile d'isoler l'effet du cycle économique de celui d'éventuelles variations de prix de vente de ces matériaux, l'évolution des volumes vendus dans cette région, mesurée à partir des données disponibles, montre qu'en moyenne sur l'ensemble de la période, les volumes écoulés de briques et de parpaings évoluent dans la même direction par rapport à leurs propres moyennes au cours des différentes années étudiées, une tendance distincte de celle constatée au niveau national. Considérées conjointement avec les résultats du test de marché, de telles évolutions tendent à confirmer le faible degré de substituabilité entre briques et parpaings.
77. Ces évolutions apparaissent également très spécifiques par rapport à celles constatées dans les autres régions concernées par l'opération. En effet, en Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, les volumes de parpaings vendus dominent ceux de la brique et des autres matériaux de construction. L'utilisation de la brique est cependant en forte progression, les volumes écoulés doublant quasiment de 2003 à 2011, ce qui représente une croissance annuelle moyenne des volumes vendus supérieure à 10 % sur la période. A l'inverse, on constate une diminution des volumes de parpaings vendus à partir de 2005 et très prononcée en 2009. Si la crise économique est en partie responsable de cette baisse, cela ne se traduit pas par une baisse (ni une hausse) de même ampleur des volumes des autres matériaux. S'agissant des corrélations des volumes de brique et de parpaing, elles sont négatives dans ces trois régions mais non significatives. Ni la valeur ni le signe de ces corrélations ne peuvent donc être interprétés.
78. Il ressort des éléments précédents qu'il existe un marché distinct de la brique de mur en Aquitaine s'agissant de la construction de murs porteurs.
79. Dans les autres régions concernées par l'opération, le test de marché n'a pas suggéré qu'il existait une préférence pour la brique. De même, l'examen des taux d'utilisation et de l'évolution des volumes vendus confirme que, dans ces régions, l'ensemble des matériaux de construction de murs porteurs sont suffisamment substituables entre eux. L'analyse concurrentielle y portera donc sur un marché englobant l'ensemble des matériaux de construction de murs porteurs.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
80. La partie notifiante considère que la dimension géographique des marchés des matériaux de construction de murs porteurs doit également être définie localement, conformément à la pratique décisionnelle établie des autorités de concurrence européenne et nationale, et a proposé de retenir des zones de chalandise d'un rayon de 250 kilomètres autour des sites de production d'Imerys de La Boissière-du-Doré (44) et de Gironde-sur-Dropt (33).
81. En effet, les autres sites industriels des parties sont trop éloignés les uns des autres pour que leurs zones de chalandise se recouvrent. En revanche, dans l'ouest de la France, Bouyer-Leroux exploite deux sites industriels dans la région Pays-de-la-Loire, à La Séguinière (49) et à Saint-Martin-des-Fontaines (85) et Imerys exploite deux sites industriels dans les régions Pays-de-la-Loire et en Aquitaine, respectivement à La Boissière-du-Doré (44) et à Gironde-sur-Dropt (33) (33).
82. La partie notifiante a fourni des données qui montrent qu'entre [70-80] % et [90-100] % des briques de mur fabriquées par Imerys dans ses usines de l'Ouest de la France sont commercialisées dans un rayon n'excédant pas 250 kilomètres. Ces proportions restent élevées (entre [50-60] % et [70-80] %) pour un rayon de 150 kilomètres.
83. Ainsi, les ventes des parties, effectuées à partir de ces quatre sites, se recoupent dans un certain nombre de région. A partir de son site de La Boissière du Doré, Imerys effectue des ventes de briques de mur essentiellement dans les régions Bretagne ([...] % de ses ventes), Pays-de-la-Loire ([...] %), Centre ([...] %) et Basse-Normandie ([...] %), Bouyer-Leroux réalisant également des ventes dans ces quatre régions à partir de ses deux sites situés en Pays-de-la-Loire. A partir de son site de Gironde sur Dropt, Imerys effectue des ventes en Aquitaine ([...] %), en Midi-Pyrénées ([...] %) et en Poitou-Charentes ([...] %), Bouyer-Leroux réalisant également des ventes en Aquitaine et Poitou-Charentes à partir de ses sites. Il n'y a en revanche aucun chevauchement dans la région Midi-Pyrénées où Bouyer-Leroux n'effectue pas de ventes.
84. Concernant la taille de la zone de chalandise, le test de marché réalisé en première phase a confirmé le caractère infranational du marché mais les réponses relatives à la dimension de ces marchés varient fortement :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
85. En ce qui concerne les chevauchements relatifs au site de Gironde-sur-Dropt (33), deux cas doivent être distingués.
86. En effet, la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence souligne que "le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable". Cette communication relève que les caractéristiques fondamentales de la demande constituent un des éléments à prendre en considération pour définir les marchés géographiques pertinents : "La nature de la demande pour le produit concerné peut déterminer l'étendue du marché géographique. Des facteurs tels que les préférences nationales ou une préférence pour des marques nationales, la langue, la culture, le style de vie et la nécessité d'une présence sur place sont tout à fait susceptibles de limiter l'étendue de la zone dans laquelle la concurrence peut s'exercer". De même, les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de juillet 2013, précisent que "des considérations subjectives quant au comportement de la demande, telles que les préférences et les habitudes régionales ou nationales ou l'attachement aux marques expliquent par ailleurs que certains produits d'origine géographique différente ne soient pas, du point de vue de la demande, substituables aux produits locaux. (...) Les marchés ainsi définis sont parfois de dimension géographique très restreinte" (§ 370).
87. Or, en l'espèce, dans la zone de Gironde-sur-Dropt, les caractéristiques de la demande diffèrent entre le nord et le sud de la zone.
88. Au sud de la zone, correspondant à la région Aquitaine, les activités de parties se chevauchent, chacune des parties y réalisant des ventes. L'Aquitaine est la région dans laquelle les volumes de briques utilisés sont les plus élevés. Sur cette zone, une préférence culturelle et traditionnelle pour la brique en terre cuite a été relevée dans le cadre de la définition des marchés de produits. Une attention particulière doit donc être portée à cette région. Les effets de l'opération seront donc analysés sur la région Aquitaine pour un marché de produits limité aux briques de mur.
89. Au nord de la zone, correspondant à la région Poitou-Charentes, les activités des parties se chevauchent également, chacune des parties y réalisant des ventes. Mais sur cette zone une substituabilité suffisante a été constatée entre les briques de mur et les autres matériaux de construction dans le cadre de la définition des marchés de produits. Les effets de l'opération seront donc analysés sur la région Poitou-Charentes pour un marché de produit incluant tous les matériaux de construction de murs porteurs.
90. En ce qui concerne les chevauchements relatifs au site La Boissière-du-Doré, une substituabilité a été constatée entre les briques de mur et les autres matériaux de construction dans le cadre de la définition des marchés de produits. Il n'y a pas lieu de trancher la question de la délimitation exacte des marchés des matériaux de construction de murs porteurs dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelles que soient les dimensions retenues autour des sites de production de briques de mur de La Boissière-du-Doré (44) d'Imerys et de Saint-Martin-des-Fontaines (85) et La Séguinière (85) de Bouyer-Leroux.
C. LES ELEMENTS DE GRANDE LONGUEUR
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
91. Les éléments de grande longueur sont destinés à la réalisation de points particuliers de la construction autour des ouvertures (portes et fenêtres). Il s'agit de linteaux, de coffres de volets roulants ou d'appuis de fenêtre.
92. Ils peuvent être constitués d'une seule pièce de grande dimension (élément monolithique) ou d'éléments assemblés en usine et peuvent être fabriqués en terre cuite, en béton ou en polystyrène-fibbraglo (bois et ciment) pour les coffres de volets roulants.
93. A l'instar de ce qui a été envisagé pour les murs porteurs et non porteurs, la question d'une segmentation des éléments de grande longueur selon le type de matériau pourrait être examinée. Une segmentation selon le procédé de fabrication (élément monolithique ou assemblage en usine) pourrait également être envisagée.
94. En l'espèce toutefois, la question de la délimitation précise de la segmentation du marché des éléments de grande longueur peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
95. La partie notifiante considère que les éléments de grande longueur peuvent être commercialisés sur des distances importantes et que le marché est en conséquence au moins de dimension nationale.
96. Il ressort en effet du test de marché que les prix relativement élevés (34) des éléments de grande longueur permettent de justifier leur transport sur de grandes distances et qu'ils sont en conséquence livrés, à partir des sites de production, sur l'ensemble du territoire. Bouyer Leroux indique ainsi que plus de [...] % de ses clients sont situés à plus de 300 kilomètres de son site de La Séguinière, et que la société Terreal produit tous ses éléments sur un même site, Lasbordes (11), afin de les commercialiser sur l'ensemble du territoire.
97. Dès lors, les effets de l'opération seront examinés sur un marché de dimension nationale.
III. Analyse concurrentielle
98. L'analyse appréciera, comme indiqué plus haut, l'impact concurrentiel de l'opération sur le marché national des éléments de grande longueur ainsi que sur les marchés locaux des matériaux de construction de murs non porteurs et des matériaux de construction de murs porteurs.
99. Les parts de marché estimées par la partie notifiante, sur ces différents marchés, ont été calculées à partir du nombre de maisons individuelles mises en chantier en 2011 au niveau départemental. Pour chaque département inclus dans la zone de chalandise retenue, les parties ont converti les volumes de briques de mur qu'elles y commercialisent en nombre de maisons individuelles, sur la base d'un ratio de 22 tonnes par maison individuelle (35), puis ont calculé leur part de marché et celles de leurs concurrents en rapportant le chiffre obtenu au nombre de maisons individuelles mises en chantier dans le département concerné. S'agissant du calcul des parts de marché pour les matériaux de construction de murs non porteurs, les parties ont pris en compte leurs ventes de briques plâtrières et ont estimé les ventes de leurs principaux concurrents pour chaque département inclus dans la zone de chalandise retenue.
100. Ces données ont été confrontées à celles obtenues auprès des fabricants de briques qui ont fourni leurs chiffres d'affaires par département (sur la base des prix départ usine net pour le mensuel et triple net pour l'annuel) et leurs volumes de vente (en tonnes) mensuels et annuels relatifs aux briques de mur et aux briques de cloison à partir de 2007. Les opérateurs n'ont en revanche pas été en mesure de distinguer les ventes de briques destinées à la construction de maisons individuelles des ventes destinées à la construction de logements collectifs ou de logements industriels et commerciaux. Néanmoins, l'essentiel des ventes de briques est réalisé pour la construction de maisons individuelles.
A. LES EFFETS HORIZONTAUX SUR LES MARCHÉS DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
1. LES EFFETS UNILATÉRAUX
101. Une atteinte à la concurrence peut être constatée lorsqu'une concentration confère un pouvoir de marché à l'entreprise acquéreuse ou à la nouvelle entité issue de la fusion, ou renforce un pouvoir de marché que l'entreprise acquéreuse détenait déjà. Cet effet peut aller jusqu'à créer ou renforcer au profit de cette entreprise une position dominante simple, c'est-à-dire le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.
102. Sans aller jusqu'à la création ou au renforcement d'une position dominante au profit de l'entité issue de l'opération, une concentration entre deux entreprises présentes sur un même marché peut porter atteinte à la concurrence du seul fait de l'élimination de la concurrence entre elles. Il est en effet possible qu'après l'opération, la nouvelle entité puisse de façon profitable augmenter ses prix ou réduire le volume ou la qualité de sa production, alors qu'avant l'opération un tel comportement aurait conduit à une réduction trop importante des ventes au profit d'autres opérateurs (36).
103. Dans tous les cas, l'analyse des effets unilatéraux entraînés par une concentration repose sur un faisceau d'indices. Ce faisceau inclut notamment les résultats de l'addition des parts de marché des parties à l'opération, le degré de concentration du marché, la nature de la concurrence qui s'exerce sur le marché, la proximité concurrentielle des parties et la pression exercée par les concurrents actuels ou potentiels. L'analyse qui résulte de ces critères n'est pas une analyse "statique", dans la mesure où, outre les parts de marché des parties, elle examine l'éventuel déséquilibre des forces en présence à l'issue de la concentration, les déterminants de la stratégie commerciale de la nouvelle entité, en particulier tarifaire, et la capacité de réplique des concurrents. Cette analyse porte donc non seulement sur l'environnement concurrentiel pertinent, mais aussi sur les stratégies que cet environnement induit, pour en tirer des prédictions sur le comportement des opérateurs dans une vision prospective.
104. Il convient donc d'examiner l'ensemble des éléments pertinents pour apprécier les effets concurrentiels de l'opération.
a) Sur le marché des éléments de grande longueur
105. Bouyer-Leroux a développé, sur le site de La Séguinière (49), une unité pilote de production d'éléments de grande longueur, comportant [...] lignes de production, d'une capacité totale de [...] tonnes par an. Cet outil permet la production d'éléments réalisés en un seul tenant (éléments monolithiques). En 2012, la société Bouyer-Leroux a produit [...] tonnes d'éléments de grande longueur. Bouyer-Leroux (*) a également une activité de négoce d'éléments de grande longueur achetés auprès de la société Saverdun et revendus auprès de ses clients.
106. Imerys a de la même façon développé en janvier 2013, sur le site de Vergongheaon (43), une activité de production d'éléments de grande longueur. La capacité de production de ce site est d'environ [...] tonnes. Imerys a également une activité de négoce d'éléments de grande longueur achetés auprès de la société Coffrelite et revendus auprès de ses clients.
107. En 2012, seule Bouyer-Leroux était donc présente sur ce marché, avec une production très limitée.
108. En effet, sur le segment des éléments de grande longueur en terre cuite, dont la taille a été estimée par les parties à 25 000 tonnes, la part de marché de la nouvelle entité sera d'environ [0-5] % au titre des éléments produits par les parties. Si on ajoute les éléments simplement revendus par les parties, la part de marché de la nouvelle entité s'agissant de la vente d'éléments de grande longueur serait d'environ [5-10] %.
109. Les principaux concurrents des parties qui produisent des éléments de grande longueur en terre cuite sont :
- Terreal qui, avec une production estimée à 20 000 tonnes, dispose d'une part de marché d'environ 80 % en termes de production ;
- Saverdun qui, avec une production estimée à 3 000 tonnes, dispose d'une part de marché d'environ 12 % en termes de production.
110. Wienerberger ne produit pas d'éléments de grande longueur mais commercialise une partie des productions de Terreal et Saverdun. La partie notifiante n'a cependant pas été en mesure d'estimer le volume d'éléments de grande longueur qu'elle commercialise.
111. Il ressort de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché national des éléments de grande longueur.
b) Sur les marchés des matériaux de construction de murs non porteurs
112. Au niveau national, les parties ont estimé leurs parts de marché à [0-5] % pour Bouyer-Leroux et à [0-5] % pour Imerys, soit une part de marché cumulée de [5-10] %. Selon une étude MSI relative au marché des cloisons en France, la part de marché de Bouyer-Leroux ne serait que de 1 %, de même que celle d'Imerys.
113. Les principaux acteurs du secteur sont les fabricants de plaques de plâtre, Placoplatre (40 %), Lafarge Plâtre (24 %) et Knauf Plâtre et Cie (14 %) :
- Placoplatre est une filiale du groupe Saint-Gobain, un des leaders mondiaux de la production et de la distribution de matériaux de construction. Placoplatre propose une offre complète pour l'aménagement intérieur et l'isolation. Elle est spécialisée dans la fabrication de plaques de plâtre, de carreaux de plâtres et de produits d'isolation. Elle exploite 11 usines implantées en région parisienne, en Poitou-Charentes et en Rhône-Alpes ;
- Lafarge Plâtre appartient depuis 2011 au groupe Etex spécialisé dans la fabrication de matériaux de construction. Lafarge Plâtre commercialise des plaques de plâtre, des carreaux de plâtres, du plâtre en poudre ainsi que des produits associés à la fabrication de cloisons ;
- Knauf Plâtre et Cie est une filiale du groupe Allemand Knauf, spécialisé dans la construction, l'isolation et les emballages. Knauf Plâtre et Cie fabrique des plaques de plâtre et des cloisons alvéolaires pour la réalisation de cloisons, plafonds et façades.
114. L'opération conduit à un chevauchement d'activité entre les seuls sites de La Boissière-du-Doré (44) d'Imerys et de Saint-Martin-des-Fontaines (85) de Bouyer-Leroux situés dans la région Pays-de-la-Loire, le site de Mably d'Imerys étant situé dans la région Rhône-Alpes. Ces deux sites étant distants l'un de l'autre de 105 kilomètres, leurs zones de livraison se recouvrent largement. Les parties n'ont pas été en mesure de calculer précisément leurs positions sur ces zones sur un marché global des matériaux de construction de murs non porteurs. Néanmoins, dans la mesure où la part des briques de cloison dans les matériaux de construction de murs non-porteurs est a priori plus importante dans la région concernée qu'au niveau national (de l'ordre de 18 % pour les Pays-de-la-Loire et de 23 % pour la Bretagne, contre 8,6 % au niveau national), les parties estiment que la part de marché de la nouvelle entité serait supérieure à celle constatée au niveau national, sans toutefois dépasser [20-30] %.
115. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché des matériaux de construction de murs non porteurs dans la zone concernée.
c) Sur les marchés des matériaux de construction de murs porteurs
i. Présentation des acteurs du secteur
116. Avant l'opération notifiée, quatre opérateurs sont présents en France dans le secteur de la fabrication de briques de mur. Selon les informations fournies par la partie notifiante, le leader national est Imerys avec [30-40] % des volumes produits devant Wienerberger ([30-40] %), Bouyer-Leroux ([20-30] %) et Terreal ([10-20] %).
117. Imerys est le leader français de la brique de mur. Il exploite cinq sites de production répartis plutôt sur la moitié sud du territoire national (Colomiers (Haute-Garonne - 31), Gironde-sur-Dropt (Gironde - 33), La Boissière-du-Doré (Loire-Atlantique - 44), Mably (Loire - 42) et Saint-Marcellin-en-Forez (Loire - 42)). Dans l'Ouest de la France, Imerys dispose donc de trois sites de production :
- le site de Colomiers (Haute-Garonne - 31), qui produit exclusivement des briques de mur et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de Gironde-sur-Dropt (Gironde - 33), qui produit exclusivement des briques de mur et a une capacité de production de [...] tonnes ;
- le site de La Boissière-du-Doré (Loire-Atlantique - 44), qui produit à la fois des briques de mur et des briques de cloison. Ce site possède une ligne de production mixte d'une capacité totale de [...] tonnes.
118. Le groupe Wienerberger est le premier producteur mondial de briques de terre cuite. Il exploite 226 sites de production dans 30 pays, dont 78 sites de production de briques de mur en terre cuite. Présent en France depuis 1995, Wienerberger y produit et commercialise de la brique pour murs porteurs dans 5 sites de production répartis plutôt sur la moitié nord du territoire national (Durtal (Maine-et-Loire - 49), Angervilliers (37) (Essonne - 91), Betschdorf (Bas-Rhin - 67), Achenheim (Bas-Rhin - 67) et Pont de Vaux (Ain - 01)). Dans l'Ouest de la France, Wienerberger dispose donc du site de Durtal, inauguré en juin 2011, qui produit des briques de mur à perforation verticale. Sa capacité de production est de [...] tonnes (38).
119. Bouyer-Leroux exploite deux sites de production de briques de mur situés dans les Pays-de-la-Loire :
- le site de La Séguinière (Maine-et-Loire - 49) qui produit uniquement des briques de mur et dispose de trois lignes de production d'une capacité totale de production de [...] tonnes ;
- le site de Saint-Martin-des-Fontaines (Vendée - 85) qui produit des tuiles en terre cuite, des briques de mur et des briques de cloison. Ce site dispose d'une ligne de production de briques de mur d'une capacité de [...] tonnes et d'une ligne de production mixte, susceptible de produire des briques de mur et des briques de cloison, d'une capacité de production de [...] tonnes, soit une capacité totale de [...] tonnes.
120. Le groupe Terreal est né de la fusion en 2000 des sociétés Tuiles Lambert, TBF et TBL Guiraud Frères. Acteur majeur des matériaux de construction en terre cuite, il est notamment le leader mondial des tuiles plates et grands moules du Sud. Il compte 25 sites industriels dans le monde. En France, Terreal compte 17 sites industriels (11 tuileries, 5 briqueteries, 1 usine d'accessoires fonctionnels pour toiture), dont deux sites de briques de mur, tous deux situés en Midi-Pyrénées :
- le site de Colomiers (31) qui produit des briques de mur, des briques de cloison et des panelles sur deux lignes de production et dispose d'une capacité totale de production de [...] tonnes (39) ;
- le site de Lasbordes (11) qui produit des briques de mur, des briques de cloison, des cheminées et des briques de grande longueur sur 3 lignes de production. Ce site dispose d'une capacité totale de production de [...] tonnes (40).
<EMPLACEMENT CARTE>
121. En ce qui concerne les produits en béton, les fabricants suivants fournissent des matériaux de construction pour murs porteurs sur le marché des maisons individuelles :
- Point P, filiale du groupe Saint-Gobain, est un des leaders du secteur de la production de béton et de matériaux en béton en France à travers ses 40 unités de fabrication réparties sur l'ensemble du territoire. Le groupe Point P exploite notamment 18 unités de production de blocs béton sur l'ensemble du territoire, dont dix dans la zone de livraison de La Boissière-du-Doré ;
- Alkern est l'un des principaux fabricants de produits en béton, notamment de blocs béton, en France et en Belgique. Il détient 37 sites de production situés principalement en France, en Picardie, Ile-de-France, Normandie, Bretagne, Rhône-Alpes, Centre, Aquitaine et Paca ;
- Fabemi est un opérateur spécialisé dans la fabrication de matériaux de structure en béton principalement constitués de blocs de béton, de poutres, de poutrelles et de pré linteaux ainsi que d'autres accessoires en béton. Fabemi dispose de 20 sites de production dédiés à la fabrication de blocs béton et de poutres et poutrelles et de 13 plateformes logistiques répartis sur l'ensemble du territoire, notamment dans le Sud-ouest et le Centre de la France ;
- BIP Bétons est une filiale du groupe Duroux. Elle est spécialisée dans la production de produits en béton et principalement dans la fabrication de blocs béton et d'éléments de plancher en béton. BIP est essentiellement présent dans le quart Sud-ouest à travers 7 sites de production ;
- Queguiner est un des leaders du secteur en Bretagne et est présent dans trois activités principales : béton et granulats, ciment, plâtre. Le groupe Queguiner est présent dans le secteur du béton par l'intermédiaire de sa filiale Celtys qui exploite sept centrales de béton prêt à l'emploi ;
- Pigeon est un groupe familial indépendant et est constitué d'environ soixante-dix sociétés implantées dans l'Ouest de la France.
ii. Sur les marchés concernés par l'acquisition du site de La-Boissière-du-Doré (44) et incluant l'ensemble des matériaux de construction
122. Selon les données fournies par les parties, sur une zone de 250 km autour du site de La Boissière-du-Doré, les ventes d'Imerys à partir de ce site s'élèvent à [5-10] % de l'ensemble des matériaux de construction de murs porteurs utilisés pour la construction de maisons individuelles. Les ventes de Bouyer-Leroux à partir de ses deux sites de La Séguinière et de Saint-Martin-des-Fontaines représentent quant à elles [20-30] % du total. La part de marché cumulée des parties sur cette zone à l'issue de l'opération serait donc de [30-40] %. Le principal concurrent des parties sur cette zone est également un fabricant de briques de terre cuite, la société Wienerberger, avec une part de marché estimée de [10-20] %.
123. Si le marché géographique pertinent était réduit à une zone de 150 km autour du site de La Boissière-du-Doré, les parts de marché de la nouvelle entité seraient de [30-40] % ([20-30] % pour Bouyer-Leroux et de [5-10] % pour Imerys), devant Wienerberger ([5-10] %).
124. L'ensemble des concurrents spécialisés dans les blocs béton listés ci-dessus sont également présents dans ces zones.
125. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché incluant l'ensemble des matériaux de construction de murs porteurs autour du site de La-Boissière-du-Doré.
iii. Sur le marché de la région Poitou-Charentes concerné par l'acquisition du site de Gironde-sur-Drop (33) et incluant l'ensemble des matériaux de construction
126. Selon les données fournies par les parties, les briques vendues par Bouyer-Leroux ont représenté, en 2011, [20-30] % des matériaux de construction de murs porteurs dans la région Poitou-Charentes, contre [5-10] % pour Imerys, soit une part de marché cumulée à l'issue de l'opération de [30-40] %. Terreal et Wienerberger vendent également des briques de terre cuite sur cette région avec des parts de marché évaluées à [5-10] % chacun. D'autres concurrents y vendent des matériaux de construction de murs porteurs en béton, comme les sociétés Point P, BIP, Alkern et Fabemi.
127. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché incluant l'ensemble des matériaux de construction en Poitou-Charentes.
iv. Sur le marché de la région Aquitaine concerné par l'acquisition de site de Gironde-sur-Dropt (33), limité aux briques de mur
128. En Aquitaine, la nouvelle entité réunit le 1er et le 3ème acteur sur un marché déjà très concentré et la nouvelle entité disposera de parts de marché élevées. Cette évolution défavorable à la concurrence prend de plus place sur un marché peu mobile, sur lequel les clients sont peu sensibles au prix. Ce contexte, ainsi que la localisation géographique des concurrents et leurs capacités disponibles limitées rendent une riposte concurrentielle difficile. Il est donc probable qu'ils se contentent de suivre les hausses de prix et que les négociants se contentent de les répercuter aux clients finals. Quelques gains d'efficacité peuvent être attendus de l'opération mais pas de façon suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence.
- Des parts de marché élevées et une forte concentration
129. Les parts de marché estimées par la partie notifiante sur le marché limité aux briques de mur pour la construction de maisons individuelles dans la région Aquitaine (ci-après "marché des briques de mur en Aquitaine") (41) sont de [5-10] % pour Bouyer-Leroux en 2011 et de [50-60] % pour Imerys, soit une position cumulée à l'issue de l'opération de [60-70] %. Les positions des deux autres fabricants de briques de mur en Aquitaine pour la construction de maisons individuelles sont limitées : [20-30] % pour Terreal et [10-20] % pour Wienerberger. De plus, les volumes estimés par la partie notifiante en ce qui concerne les ventes de Wienerberger sur la région Aquitaine correspondent au total de ses ventes sur cette région. Or, Wienerberger fait valoir que la moitié de ses ventes sur cette région est constituée de briques destinées à des logements collectifs. La part de marché indiquée ci-dessus est donc manifestement surestimée.
130. Selon les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de juillet 2013 actualisant le document de 2009, "il est peu probable qu'une opération soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché dont l'IHH à l'issue de la concentration sera inférieur à 1 000. Ces marchés n'exigent normalement pas une analyse approfondie. Il est également peu probable que la Commission conclue à l'existence de problèmes de concurrence horizontaux lorsque l'IHH à l'issue de l'opération est compris entre 1 000 et 2 000 et que le delta est inférieur à 250, ou lorsque l'IHH à l'issue de l'opération est supérieur à 2 000 et que le delta est inférieur à 150" (§ 386).
131. Cependant, comme vient de le rappeler le Tribunal de Première Instance dans son arrêt Spar Österreichische Warenhandels AG contre Commission du 7 juin 2013, "il convient toutefois de considérer que plus le dépassement de ces seuils est prononcé, plus les valeurs sont révélatrices de problèmes concurrentiels".
132. En l'espèce, l'IHH à l'issue de l'opération est largement supérieur à 2 000 et le delta est supérieur à 150 pour le marché des briques de mur en Aquitaine :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
133. Le tribunal de Première Instance a également rappelé dans son arrêt Endemol contre Commission, du 28 avril 1999, qu'une "part de marché particulièrement élevée peut en elle-même constituer la preuve de l'existence d'une position dominante", surtout lorsque les autres opérateurs sur le marché ne détiennent que des parts beaucoup moins importantes.
134. Or en l'espèce, les parts de marché des parties à l'issue de l'opération sont près de [confidentiel] supérieures à celle de leur principal concurrent ([20-30] % pour Terreal).
- Les parties sont des concurrents proches
135. La partie notifiante fait valoir que Bouyer-Leroux et Imerys ne sont pas de proches concurrents sur la région Aquitaine et que la politique commerciale d'Imerys sur cette zone serait beaucoup plus contrainte par la pression concurrentielle exercée par la société Terreal. Selon elle, dans la mesure où l'opération conduit au rapprochement entre le premier opérateur et le plus petit de ses trois concurrents, qui ne disposait sur la zone en question que de parts de marché limitées, une telle opération n'est donc pas susceptible de conduire à une modification sensible de la concurrence.
136. Cependant, une opération de concentration est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché même si elle ne réunit pas les deux acteurs de tête. En l'espèce, les parts de marché de Terreal sont effectivement [...] fois plus élevées que celles de Bouyer-Leroux et, si aucun des deux ne dispose de sites de production en Aquitaine même, ceux de Terreal sont plus proches. Ses sites de Colomiers et Lasbordes sont situés respectivement à 198 kms et 258 kms de Gironde-sur-Dropt contre 308 kms pour Saint-Martin-des-Fontaines et 391 kms pour La Séguinière. Cependant, Bouyer-Leroux offre une qualité de briques de mur et une gamme de produits similaires à celles d'Imerys et de Terreal et constituait avant l'opération un des deux principaux concurrents d'Imerys.
137. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la partie notifiante, Bouyer-Leroux n'est pas le plus petit des trois opérateurs concurrents d'Imerys en Aquitaine. Le plus petit est Wienerberger, nouvel entrant dans l'ouest de la France, qui a inauguré son site de Durtal en juin 2011 et éprouve des difficultés à s'implanter dans ces régions. En effet, en raison de la crise et de la chute des ventes, Durtal ne devrait fonctionner que 7 mois sur 12 en 2013 et a déjà été mis à l'arrêt en 2012. De plus, ce site est situé à plus de 450 km du site d'Imerys en Aquitaine ce qui ne permet pas à Wienerberger d'être un concurrent efficace dans cette zone. En effet, avec un seul commercial à Bordeaux et une plateforme logistique en Gironde, Wienerberger limite son activité à Bordeaux même et dans sa proche région. Son éloignement l'amène par ailleurs à limiter ses interventions à quelques chantiers importants mais ponctuels et il travaille peu avec les constructeurs de maisons individuelles qui nécessitent des livraisons d'un volume plus limité mais plus régulières. Plus de la moitié de ses ventes est réalisée pour la construction de logements collectifs alors que le marché pertinent concerné à titre principal est celui des maisons individuelles. Wienerberger précise ainsi qu'"en ce qui concerne la partie diffus des chantiers de construction (maisons individuelles, petits logements) où un maçon intervient en achetant ses briques à des négociants, nous ne sommes pas présents en Aquitaine". Comme cela a déjà été relevé ci-dessus, la part de marché de [10-20] % qui lui a été attribuée par la partie notifiante est surestimée.
138. En outre, Wienerberger ne fabrique à Durtal que des briques de structure à perforation verticale alors que les trois autres opérateurs du marché offrent également en Aquitaine des briques à perforation horizontale. Si la partie notifiante soutient que Wienerberger propose une brique à perforation horizontale, la "Porotherm Horizontale 20", celle-ci n'est pas produite sur le site de Durtal. En effet, cette brique était produite en très faible quantité en Alsace, à titre de test, et sa production à été arrêtée en 2013. Il existe des différences notables entre les briques à perforation horizontale et celles à perforation verticale en termes de qualité et de prix. Les briques à perforation verticale sont plus résistantes à la pression et offrent de meilleures qualités d'isolation thermique mais sont d'un prix plus élevé. Les briques à perforation horizontale correspondent quant à elles à une demande traditionnelle régionale. Lors du test de marché de seconde phase, près des trois-quarts des répondants ont confirmé ce point et Wienerberger a indiqué qu'il était nécessaire de disposer d'une gamme complète de brique de mur pour être référencé par les négociants en Aquitaine.
139. L'opération de concentration conduit donc à une réduction de concurrence du fait du passage de quatre à trois opérateurs en Aquitaine (voire même de trois à deux). Imerys détenait déjà une part de marché de plus de [50-60] % mais l'opération renforce sensiblement la position de la nouvelle entité.
- Peu de reports de clientèle en cas de hausses de prix
140. Pour appréhender la capacité des clients à ne plus s'approvisionner auprès de la nouvelle entité si elle augmentait ses prix, mais auprès des autres fabricants de briques de murs ou des fabricants d'autres matériaux de construction, il convient d'abord de souligner le niveau élevé des marges sur coût variable réalisées par Imerys ([...] % en 2011 et [...] % en 2012), qui détient une part de marché de [50-60] %. Bien qu'elles se situent à un niveau moindre, les marges sur coût variable de Bouyer-Leroux sont également relativement élevées ([...] % en 2011 et [...] % en 2012). Ces marges sur coût variable élevées s'accompagnent également de marges sur coût de revient total importantes, tout particulièrement dans le cas d'Imerys ([....] % en 2011 et [....] % en 2012).
141. De tels niveaux de marge soulignent la faiblesse de l'intensité concurrentielle existant sur ce marché et, tout particulièrement, les difficultés que rencontrent les concurrents d'Imerys pour capter la clientèle qui serait insatisfaite des niveaux de prix pratiqués par Imerys. En effet, si la clientèle était plus sensible aux prix et plus prête à changer de fournisseur de briques, voire même à changer pour d'autres matériaux, les fabricants de briques auraient trouvé profitable de diminuer leurs prix et leurs marges sur coût variable pour accroître leurs volumes de vente ou leur capacité de production. Le niveau élevé des marges sur coût variable des parties montre que ce n'est pas le cas, ce qui tend à indiquer une faible élasticité de la demande s'adressant aux fabricants de briques. Ainsi, en cas de hausse des prix de la nouvelle entité, les taux de report de la clientèle vers les concurrents risquent d'être particulièrement faibles, rendant ainsi une hausse des prix particulièrement plausible.
142. Les données issues du test de marché confirment la faiblesse des taux de report vers les autres matériaux en cas de hausse de prix de 5 à 10 % des briques de murs. Si, comme le souligne la partie notifiante, la moyenne des taux de report de la clientèle vers d'autres matériaux issus du test de marché est de 16,5 %, ce taux n'est plus que de 8,1 % une fois la valeur aberrante de 50 % retirée des réponses sur les taux de report (42).
143. En dépit des précautions avec lesquelles ces données issues du test de marché doivent être utilisées (cf. § 34 de la décision), ces résultats sont cohérents avec la structure du marché des briques de murs et avec les niveaux de marge sur coût variable qui y sont constatés. En effet, une estimation de l'élasticité-prix de la demande totale de briques peut être estimée à partir d'un modèle de Cournot (43), lequel paraît adapté pour modéliser la concurrence s'exerçant sur le marché de la vente de briques de mur du fait du caractère fixe des capacités de production à moyen terme (44). L'estimation ainsi obtenue est un intervalle (45) allant de [...] (46) à [...] (47), en valeur absolue, soit des taux de reports compris entre [5-10] % et [5-10] % pour une hausse de prix de 10 % (48). Ces mesures d'élasticité-prix permettent en outre de simuler les effets de l'opération et de calculer ainsi, à partir d'une modélisation théorique de la concurrence sur le marché des briques de murs en Aquitaine, le potentiel de hausse de l'ensemble des prix postérieurement à l'opération. Deux exemples en ce sens ont été confrontés dans la présente analyse.
144. Premièrement, la partie notifiante a proposé en séance une estimation de la hausse de l'ensemble des prix à l'issue de l'opération sur la base d'un modèle de différenciation spatiale analysant l'impact de l'opération sur l'équilibre du marché (49). Sur cette base, la partie notifiante soutient que la hausse des prix du marché de la brique de mur en Aquitaine serait au maximum de [0-5] % après l'opération.
145. Cependant, le calcul ainsi opéré est une simplification de l'article académique donné en référence, lequel ne permet une estimation ponctuelle de la hausse de prix post-concentration que sous certaines hypothèses restrictives. Le respect de ces hypothèses n'ayant été pas été démontré, il est préférable de calculer un intervalle de hausse de prix à l'issue de la concentration : dans ce cas les hausses de l'ensemble des prix de briques de murs en Aquitaine rendues possibles par la concentration se situeraient alors entre [0-5] % et [5-10] % (pour un taux de marge moyen de [...] %) et entre [...] % et [...] % (pour un taux de marge moyen de [...] %) (50).
146. Deuxièmement, il est possible, sur la base de l'élasticité-prix de la demande calculée ci-dessus et toujours sur la base d'un modèle de Cournot, d'estimer le taux de report des clients de la nouvelle entité tant vers les fabricants de briques de murs concurrents que vers les autres matériaux de construction (ou élasticité-prix de la demande résiduelle) (51). Selon ces calculs, les valeurs de l'élasticité-prix de la demande résiduelle de la nouvelle entité varient en valeur absolue de [...] à [...] (52), soit des taux de report de la demande vers les concurrents et les autres matériaux compris entre [10-20] % et [10-20] % en cas d'augmentation des prix de 10 % de la nouvelle entité (53).
147. Or, la partie notifiante a calculé un "taux de report critique" pour une hausse de prix de 10 %, c'est-à-dire le taux de report de la demande adressée à la nouvelle entité vers d'autres fournisseurs ou d'autres produits, au-delà duquel cette augmentation n'est plus profitable. Elle a ainsi estimé que ce taux de report critique était de [10-20] % en 2012 et de [10-20] % en 2011. En d'autres termes, sur la base des données de 2012, si à la suite d'une hausse de prix, la nouvelle entité perdait plus de [10-20] % de la demande qui lui était adressée, cette hausse de prix ne serait pas profitable.
148. Force est de constater que sur la base des estimations d'élasticité prix de la demande résiduelle calculées ci-dessus, les taux de report qui seraient constatés en cas de hausse des prix resteraient inférieurs à ce taux de report critique : une augmentation des prix serait donc profitable à la nouvelle entité.
- Une réaction des concurrents actuels et potentiels limitée
149. La capacité des concurrents actuels à réagir face à la nouvelle situation créée par l'opération de concentration doit être évaluée. A cet égard, les lignes directrices de l'Autorité de juillet 2013 soulignent qu'il faut tenir compte "non seulement de la capacité des concurrents à réagir mais également de leur incitation et donc de leur intérêt à le faire. En effet, les concurrents qui bénéficient d'une hausse de la demande qui leur est adressée du fait de la hausse du prix de la nouvelle entité, peuvent trouver eux-mêmes intérêt, même en l'absence de comportement coordonné, à procéder à leur tour à des hausses de prix et suivre ainsi, tout au moins partiellement, les hausses de prix de la nouvelle entité" (§ 422).
- La capacité des concurrents à réagir
150. La partie notifiante soutient que Terreal, avec ses sites de Colomiers (31) et de Lasbordes (11), et Wienerberger, avec son site de Durtal (49) disposent chacune de capacités de production susceptibles d'être utilisées pour répondre à un report de la demande en briques de mur en Aquitaine en cas d'augmentation unilatérale des prix de la part de la nouvelle entité. Elle explique qu'il suffit que ses concurrents disposent de capacités disponibles suffisantes pour accueillir un report de la demande supérieur au taux de report critique qu'elle a calculé (cf. supra) pour qu'une hausse de prix de la nouvelle entité ne soit pas profitable. Sur la base des taux de report critiques de la demande de [10-20] % en 2012 et de [10-20] % en 2011, la partie notifiante souligne ainsi qu'une capacité excédentaire de production de [...] tonnes en 2011 et de [...] tonnes en 2012 suffit à rendre non profitable une augmentation des prix de 10 %.
151. Elle soutient aussi que leurs capacités existantes peuvent être facilement étendues.
152. Cependant, l'existence de capacités disponibles chez les concurrents ne peut jouer un rôle déterminant dans l'analyse des effets d'une concentration que s'il n'existe pas de contraintes sur le report de la demande vers ces concurrents. Or, il résulte de l'ensemble des éléments développés ci-dessus, qui décrivent un marché peu mobile, avec des niveaux peu élevés d'élasticité prix de la demande résiduelle, que les taux de report vers les concurrents devraient être faibles. Dans un tel contexte, peu importe que ces reports puissent être servis du fait de l'existence de capacités excédentaires chez les concurrents : cette fuite limitée de la demande adressée à la nouvelle entité n'empêchera pas celle-ci de procéder à des hausses de prix qui resteront profitables en dépit de ces reports.
153. C'est donc à titre surabondant que les capacités des concurrents seront analysées : il ressort de l'examen du dossier que les concurrents ne disposent que de capacités inutilisées limitées et que leur extension serait en l'état du marché difficile à rentabiliser.
Les capacités de production existantes des concurrents
154. S'agissant de Wienerberger, cet opérateur confirme avoir des capacités excédentaires sur son site de Durtal. En revanche, compte tenu des difficultés rappelées ci-dessus (cf. § 137 et suivants de la décision) il est peu probable qu'il puisse les utiliser pour répondre en Aquitaine à la demande des constructeurs de maisons individuelles. A cet égard, Wienerberger a indiqué que "compte tenu des difficultés liées à l'écoulement des productions de ce site, la priorité de notre groupe est de gagner des marchés en faisant fonctionner au maximum ce site". Il ajoute cependant : "bien que disposant de capacités de production disponibles, [Wienerberger] n'est pas en mesure de pénétrer de manière beaucoup plus importante le marché aquitain de la brique de mur, d'autant que le site est très éloigné de cette région. Nous aurons tout intérêt à écouler notre production dans les Pays-de-la-Loire, en Bretagne, en Basse Normandie, en Poitou-Charentes ou dans la région Centre".
155. En conséquence, Wienerberger ne constitue pas une alternative crédible à l'offre des parties en Aquitaine.
156. S'agissant de Terreal, qui dispose de deux sites de production en France à Colomiers et à Lasbordes, il a précisé qu'ils étaient saturés à [80-100] % et qu'ils ne pouvaient être utilisés à leur taux nominal (100 %) dans la mesure où ils sont fermés plusieurs semaines tous les ans pour maintenance et où Terreal "développe, sur ses sites, une gamme de produits de plus en plus complète et complexe, ce qui crée des rebuts plus importants et nécessite de procéder à des changements de produits réguliers sur les lignes de production qui créent des temps morts".
157. Compte tenu de la gamme de produits fabriquée sur les deux sites (54) et de leur fermeture pour maintenance, un taux d'utilisation maximum de [...] %, qui correspond d'ailleurs au taux d'utilisation moyen des sites d'Imerys, peut être retenu. Sur la base d'une capacité totale de production de [...] tonnes, Terreal dispose donc d'environ [...] tonnes de capacités de production additionnelles en 2012 qui pourraient être utilisées pour répondre à un report de la demande en briques de mur en Aquitaine en cas d'augmentation des prix par la nouvelle entité. Cependant, il convient de souligner qu'en 2011, les capacités inutilisées de Terreal étaient de moins de [...] tonnes. Le niveau des capacités inutilisées de Terreal en 2012 est dû à la baisse de ses ventes, liée à la crise et Terreal ne serait donc pas en mesure d'absorber le report de la demande en cas de reprise du marché. Or, les spécialistes du secteur immobilier, et notamment l'étude Xerfi "Immobilier de logement en France et en régions : Bilan complet de l'exercice 2012 et prévisions à l'horizon 2015" publiée en janvier 2013, prévoient une relance de la construction de logements neufs en 2015.
158. Terreal dispose également d'un site de production de briques de mur en Espagne, à La Péra, situé à environ 540 kilomètres de Bordeaux, dont les capacités de production disponibles sont assez importantes. Toutefois, Terreal considère que l'existence de cette usine ne lui permet pas de concurrencer efficacement la nouvelle entité dans la région d'Aquitaine, notamment pour les raisons suivantes : "- la crise majeure qui frappe l'Espagne (baisse de 90 % de la demande depuis le pic de 2006) a déjà contraint Terreal à fermer trois usines sur quatre en Espagne [...] ; - l'usine est ancienne (elle ne fait que des cloisons et des briques traditionnelles) et ne permet pas de répondre aux besoins du marché sur la brique thermique (les briques dites à perforation verticale, soit 86 % du marché total des briques de mur à fin 2012) ; - même dans l'hypothèse d'un investissement significatif ([...]M) pour réorienter cette usine vers les briques thermiques, sa distance avec le marché concerné (Aquitaine) est trop importante pour permettre à Terreal de pratiquer des prix compétitifs et donc de concurrencer efficacement la nouvelle entité". L'usine de La Pera de Terreal n'est donc pas une alternative crédible à la nouvelle entité en Aquitaine.
L'extension des capacités de production des concurrents
159. A défaut de capacités disponibles, la partie notifiante considère que ses concurrents pourraient développer des capacités de production complémentaires, soit à partir de la construction d'un nouveau site de production, soit à partir de l'adjonction d'une nouvelle ligne de production à un site existant. Elle cite ainsi plusieurs exemples récents d'implantation de nouveaux sites ou de nouvelles capacités de production de briques de mur en terre cuite sur les zones concernées par l'opération, qui permettent de mesurer le coût d'un tel projet :
- le site de Durtal (49) de Wienerberger, inauguré en juin 2011, qui a nécessité un investissement de [...] d'euros. L'implantation de ce site a nécessité l'acquisition de terrains disposant de réserves d'argiles, l'obtention des autorisations administratives pour exploiter la carrière d'argiles et l'usine de production ainsi que la construction et la mise en service du site. Selon la partie notifiante, la durée nécessaire à l'implantation de ce site de production a été d'environ [...] ans, dont environ une année et demie pour la construction et la mise en service du site de production ;
- la nouvelle ligne de production du site de Colomiers (31) de Terreal, inaugurée en 2008, qui a nécessité un investissement de [...] d'euros. La durée nécessaire à l'implantation de cette ligne de production a été d'environ [...] ans ;
- la transformation d'une des lignes de production sur le site de Saint-Martin-des-Fontaines (85) de Bouyer-Leroux, afin d'en faire une ligne de production mixte capable de produire des briques de mur et des briques de cloison. La modification de cette ligne de production a nécessité environ [...] mois de travaux pour un investissement de [...] d'euros.
160. S'agissant de la construction d'un nouveau site de production, le test de marché a révélé l'existence de barrières à l'entrée significatives parmi lesquelles l'accès à la matière première, les coûts d'une nouvelle usine ou encore la complexité de la technologie. Ainsi, Wienerberger cite "l'accès à la matière première, le coût capitalistique d'une nouvelle usine, la complexité de la technologie, la complexité de la gamme produit" et il en est de même de Queguiner : "accès à la matière première - distance des usines avec les lieux de consommation". Terreal ajoute que "Toute société présente dans les matériaux de construction et disposant d'un accès à la matière première est capable d'entrer sur le marché des briques de mur moyennant un investissement industriel de l'ordre de 20-30 millions d'euros".
161. Par ailleurs, l'exploitation d'une carrière d'argile et d'une usine de production nécessite des autorisations préfectorales (55). Le demandeur peut solliciter une durée maximum d'exploitation de 30 ans et doit, à l'appui de sa demande, fournir un dossier comportant notamment une étude d'impact sur l'environnement et une étude de dangers. Le demandeur d'ouverture d'une carrière doit avoir respecté ses obligations de remise en état d'une précédente carrière, faute de quoi il peut se voir refuser par le préfet une nouvelle autorisation de carrière (56). Il doit aussi produire des garanties financières avant tout démarrage des travaux pour garantir la remise en état des lieux après exploitation (57). Le projet de carrière doit être compatible avec le Schéma Départemental des Carrières, document d'orientation élaboré par une commission administrative et approuvé par le préfet après avis du Conseil Général. L'autorisation préfectorale est de plus soumise à l'avis des conseils municipaux intéressés et à une enquête publique. Selon Terreal, "il faut 3 à 5 années pour obtenir les autorisations nécessaires à l'exploitation d'une carrière d'argile". Or, la dimension temporelle est un élément essentiel de l'analyse. Ainsi, les lignes directrices sur les concentrations horizontales de la Commission indiquent (58) que celle-ci "examine si l'entrée de nouveaux concurrents serait suffisamment rapide et durable pour dissuader ou contrecarrer l'exercice d'un pouvoir de marché. Le moment précis auquel cette entrée doit intervenir dépend des caractéristiques et de la dynamique du marché, ainsi que des capacités spécifiques des entrants potentiels. Cependant, l'entrée sur le marché n'est normalement considérée comme intervenant en temps utile que si elle s'effectue dans un délai de deux ans".
162. S'agissant de l'adjonction d'une nouvelle ligne de production à un site existant, l'exemple du site de Colomiers de Terreal, fourni par la partie notifiante montre que le coût et la durée des travaux sont similaires à ceux de la construction d'un nouveau site de production.
163. En outre, Terreal serait le seul opérateur concurrent à pouvoir utilement augmenter sa capacité de production, Wienerberger disposant de capacités de production suffisantes. Or, Terreal déclare ne pas disposer de la surface nécessaire pour augmenter sa capacité de production sur le site de Colomiers, et ne pas être en mesure d'alimenter une nouvelle ligne de production ni de stocker les produits finis supplémentaires sur le site de Lasbordes et conclut ainsi : "Au final, Terreal devrait donc concevoir et réaliser l'équivalent d'une usine neuve".
164. En conséquence, le développement de capacités de production complémentaires paraît peu probable.
- Une incitation des concurrents actuels à suivre l'augmentation des prix
165. Dans le contexte concurrentiel décrit ci-dessous, marqué par la faible mobilité du marché, il convient tout particulièrement d'examiner quelles seront les incitations des autres fabricants de briques de mur en cas d'augmentation des prix de la nouvelle entité. La Commission européenne a ainsi noté dans une décision récente (59) que "même si les producteurs européens auront des capacités disponibles suffisantes pour réagir à une hausse de prix de la nouvelle entité, il n'est pas certain que les concurrents européens restants seront incités à le faire en baissant leurs prix. En effet, les concurrents aussi pourront bénéficier d'une réduction de la pression concurrentielle qui résulterait de l'opération, puisque une hausse de prix de la nouvelle entité entraînerait un report d'une partie de la demande vers les concurrents qui pourraient de ce fait trouver profitable d'augmenter leurs prix. Cette hypothèse est particulièrement crédible sur un marché où la demande est particulièrement inélastique comme le marché du CR [produits en acier inoxydable laminés à froid]".
166. En séance, les concurrents de la nouvelle entité ont indiqué que leur stratégie, en cas de hausse de prix de la nouvelle entité, serait de suivre ce comportement tarifaire et d'augmenter leurs propres prix.
167. La partie notifiante fait cependant valoir que compte tenu de l'impact du taux d'utilisation des capacités de production sur la rentabilité d'un site et de l'existence de capacités de production disponibles, les concurrents de la nouvelle entité chercheront, en cas de hausse de prix de cette dernière, à accroitre leurs ventes en maintenant des prix bas. Pour étayer sa position, la partie notifiante a produit en séance une comparaison des gains obtenus par un concurrent qui ne changerait pas ses prix malgré une augmentation des prix de 10 % de la nouvelle entité avec les gains réalisés en suivant cette augmentation de 10 %. Dans le premier cas, le report de la demande vers les concurrents ne modifiant pas leurs prix est supposé être égal au volume perdu par la partie notifiante (laquelle accroît ses prix de 10 %) ; dans le second cas, la hausse des prix des concurrents, identique à celle des parties notifiantes, annule tout report de demande. Selon cette étude, les concurrents gagnent plus à ne pas changer les prix qu'à les augmenter de 10 % à la suite de la nouvelle entité.
168. Cependant, cette étude souffre de plusieurs biais qui vont dans le sens d'une augmentation de la profitabilité d'un maintien des prix à leur niveau initial pour les concurrents. Premièrement, en l'absence de données de marges sur coûts variables pour Terreal et Wienerberger (60), ont été utilisées les informations relatives aux prix et aux marges des parties. La partie notifiante a attribué la marge et les prix moyens de vente d'Imerys à Terreal et ceux de Bouyer-Leroux à Wienerberger, sans que la différence de traitement ainsi faite soit justifiée et alors que les éléments au dossier montrent que les marges de Terreal sont nettement inférieures à celles d'Imerys, ce qui, par rapport à l'exercice de comparaison proposé, renforce son incitation à accroître ses prix.
169. Deuxièmement, pour calculer les gains obtenus par les concurrents de la nouvelle entité en cas de maintien de leurs prix à leur niveau initial, la partie notifiante est partie de l'hypothèse selon laquelle le taux de report dont bénéficieraient les concurrents serait égal au taux de report critique au-delà duquel une augmentation de prix de 10 % ne lui est plus profitable, qu'elle estime dans cette étude à [10-20] %. Or, comme on l'a vu au § 146 ci-dessus, ce taux de report est supérieur à l'élasticité-prix de la demande résiduelle, estimée de [10-20] % à [10-20] %, qui incorpore non seulement le report vers les autres offreurs de briques de mur, mais également le report vers les autres matériaux de construction. L'utilisation du taux de report critique calculé par les parties surestime donc le gain des concurrents à maintenir leurs prix. Ainsi, sur la base d'une élasticité-prix de la demande résiduelle, arrondie à [...] %, l'exercice de comparaison des gains montre que Terreal et Wienerberger jugeront une hausse de prix de 10 % plus profitable que le maintien des prix à leur niveau initial dès lors que leur taux de marge sur coût variable est inférieur à [...] %, ce qui apparaît être une hypothèse réaliste (61).
170. Enfin, la simulation proposée par la partie notifiante n'envisage que deux cas polaires, l'un d'une augmentation des prix des concurrents de 10 %, et l'autre d'un maintien des prix de ces concurrents à leur niveau initial. Or, Terreal ou Wienerberger pourraient aussi augmenter leurs prix de moins de 10 % en réaction à une augmentation des prix de la nouvelle entité de 10 %, tout en bénéficiant d'un report de clientèle vers leurs produits. Dans ce cas, les volumes et les marges des concurrents seraient simultanément accrus, situation qui, en fonction des taux de report de la clientèle, peut s'avérer plus profitable qu'une hausse des prix de 10 % ou qu'un maintien des prix à leur niveau initial.
171. Le risque d'une hausse généralisée des prix sur le marché des briques de murs en Aquitaine apparaît donc crédible, au vu des caractéristiques de ce marché.
- Un faible contre-pouvoir de la demande
172. Les pressions concurrentielles sur un opérateur peuvent être exercées non seulement par les concurrents mais aussi par les clients. Même les entreprises dont les parts de marché sont très élevées peuvent se trouver dans l'incapacité, après une concentration, d'entraver de manière significative la concurrence et, en particulier, d'agir dans une large mesure indépendamment de leurs clients, si ces derniers disposent d'une puissance d'achat compensatrice. Dans ce contexte, la puissance d'achat compensatrice doit être comprise comme le pouvoir de négociation qu'un acheteur détient à l'égard d'un vendeur dans ses pourparlers commerciaux, en raison de sa taille, de son importance commerciale pour le vendeur en question et de sa capacité à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs.
173. Selon la partie notifiante, la construction d'une maison individuelle fait intervenir au moins trois types d'intervenants :
- le maître d'ouvrage finance, réceptionne et utilise l'ouvrage final. Il peut s'agir de particuliers, de promoteurs privés ou de constructeurs pour le secteur résidentiel ;
- le maître d'œuvre est chargé par le maître d'ouvrage de surveiller, contrôler ou mener à bien la réalisation d'un ouvrage. Selon la mission qui lui a été confiée, il intervient sur l'ensemble de la construction ou certaines de ses étapes. Il s'agit des architectes, des bureaux d'études ou encore de sociétés d'ingénierie ;
- l'entreprise de BTP exécute des travaux et des prestations de services. Dans la pratique, l'entreprise retenue pour un chantier confie souvent une partie de l'exécution à un sous-traitant, lequel peut procéder de la même manière : cette sous-traitance en cascade est une caractéristique du secteur, en particulier dans le second œuvre. Un cas très fréquent lors de constructions individuelles ou d'immeubles d'habitation correspond à l'entreprise générale de bâtiment qui réalise la plus grosse part, notamment le gros œuvre (ossature et couverture), assure la gestion du chantier et sous-traite certains travaux d'installation et de finition.
174. La demande en briques de mur est, selon la partie notifiante, essentiellement constituée par les négociants suivants : [confidentiel]. Elle considère que cette concentration de la demande de leurs produits, constituée de distributeurs de matériaux de construction et de produits du bâtiment auprès de professionnels, de dimension nationale et régionale, constitue un fort contre-pouvoir. Les cinq enseignes de négociants citées ci-dessus représentent, en effet, plus de [80-90] % de leurs ventes au niveau national en 2011. En Aquitaine, ce taux monte à [90-100] %.
175. Pour autant, une demande concentrée ne traduit pas nécessairement l'existence d'un contre-pouvoir, en particulier sur un marché où l'offre est elle-même très concentrée. Or, au cas d'espèce, le nombre d'offreurs sera réduit à trois (en comptant Wienerberger dont le handicap concurrentiel a déjà été souligné ci-dessus) et la nouvelle entité détiendra plus de [60-70] % de l'offre de briques de mur en Aquitaine. Surtout, les clients sont, comme l'attestent les estimations des taux de report de la demande (cf. § 142 et suivants de la décision), peu sensibles aux prix. De fait, il est assez difficile de réconcilier l'existence d'un fort contre-pouvoir des clients avec le niveau élevé des marges sur coût variable constaté pour les parties à la concentration.
176. L'examen du fonctionnement concret du marché permet d'expliquer la relative rigidité du marché. Ainsi, les négociants ne sont pas toujours en mesure de choisir leurs fournisseurs de briques et donc de mettre en concurrence les briquetiers pour la négociation des prix. En effet, il ressort du test de marché que les plus gros constructeurs de maisons individuelles référencent leur fabricant de briques et l'imposent ensuite aux négociants auprès desquels ils s'approvisionnent. Ainsi, des clients ont expliqué que les industriels de la brique visitent directement les constructeurs afin de promouvoir leurs produits et d'obtenir un contrat à l'année. Le constructeur communique ensuite le nom de son ou ses distributeur(s) aux négociants, précisant que : "les gros constructeurs peuvent exiger de travailler avec un fournisseur plutôt qu'un autre. Les petits constructeurs utilisent la brique que leur négociant stocke". Cet élément limite également la capacité des négociants à changer de fournisseur. A cet égard, le test de marché a révélé que les clients changeaient rarement de fournisseur. En effet, s'il n'y a pas de barrières réellement techniques au changement de fournisseur, celles-ci sont psychologiques, les maçons étant habitués à travailler avec certaines marques et pas d'autres.
177. De même, la partie notifiante indique : "afin d'améliorer la pénétration de leurs productions auprès de la clientèle, les producteurs de matériaux sont amenés à sensibiliser en amont, et à l'occasion de projets spécifiques, les maîtres d'œuvre et d'ouvrage afin de s'assurer de l'adéquation entre leurs offres et les besoins de la clientèle et influencer leur prescription" et "Bouyer-Leroux dispose d'une force de promotion composée [confidentiel]. Cette équipe s'appuie sur la direction du marketing qui met à sa disposition des argumentaires et documentations pour valoriser les produits. (...) Au-delà du coût de la masse salariale, ces actions de communication représentent un montant annuel de l'ordre de [...] euros" (62).
178. Le nombre de clients prescripteurs des parties (négociants et constructeurs de maisons individuelles) est donc bien supérieur à celui annoncé (63).
179. En outre, la particularité de ce marché est que les acheteurs de matériaux de construction ne sont pas les consommateurs finaux des produits puisque les briques sont vendues par les négociants aux constructeurs de maisons individuelles qui les revendent ensuite aux propriétaires de maisons pour lesquels les coûts des matériaux de structure (c'est-à-dire des murs et cloisons) représentent moins de 10 % du coût total de la construction d'une maison. Les négociants peuvent donc répercuter une éventuelle augmentation des prix des briques de murs et n'auront pas d'incitation réelle à s'y opposer.
180. Par ailleurs, les parties fixent leurs prix par l'intermédiaire de catalogues de prix dont la révision annuelle est annoncée au moyen de lettres envoyées à leurs clients. Cependant, si l'essentiel des négociations porte sur les remises de fin d'année (64), des remises individuelles sont accordées au cas par cas, dictées par la pression concurrentielle ou pour des chantiers spécifiques. La partie notifiante a précisé : "En ce qui concerne la société Bouyer-Leroux (ce n'est pas la pratique en ce qui concerne Imerys), ces conditions commerciales peuvent faire l'objet d'une négociation complémentaire avec un négociant et un constructeur de maisons individuelles afin de tenter de remporter un marché en particulier". Les parties sont donc en mesure d'opérer des discriminations selon le type ou la taille de leurs clients et les plus petits de ces derniers pourront donc se voir appliquer des hausses de tarifs significatives.
- Une contribution de l'opération au progrès économique insuffisante
181. En application des dispositions de l'article L. 430-6 du Code de commerce, lorsque l'Autorité procède à l'examen approfondi d'une opération de concentration, elle "apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence". L'Autorité apprécie, en particulier, si les gains d'efficacité économique de l'opération peuvent accroître l'incitation de l'entreprise résultant de l'opération à adopter un comportement favorable à la concurrence. Il convient donc d'examiner les gains d'efficacité dont les parties se prévalent, d'examiner si les éléments qu'elles font valoir à ce titre remplissent les critères de prise en compte de tels gains et dans quelle mesure ils sont susceptibles de contrebalancer les effets anticoncurrentiels de l'opération.
182. En l'espèce, la partie notifiante fait valoir que l'opération entraîne des gains d'efficacité qui devraient être pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle. Elle estime en particulier que ces gains d'efficacité seront générés par la mise en commun du savoir-faire des parties dans la préparation de la matière première, par une diminution des coûts liés à la consommation énergétique, par l'alignement des conditions d'achat des parties et la massification de ces achats, par une meilleure productivité industrielle, par la suppression des management fees payés par la société Imerys Structure au groupe Imerys et enfin par le non-recrutement d'un Directeur commercial par la société Bouyer-Leroux. Les gains s'élèveraient à près de [...] d'euros, dont près de [...] concerneraient des coûts variables.
183. La jurisprudence et la pratique décisionnelle ont dégagé des critères d'appréciation applicables à la prise en compte des gains d'efficacité économique. Ainsi, les gains d'efficacité allégués doivent être quantifiables et vérifiables, spécifiques à la concentration et une partie des gains doit être transférée aux consommateurs, ce qui exclut les gains ne bénéficiant qu'aux parties à l'opération. En outre, il incombe aux parties qui souhaitent faire valoir des gains d'efficacité de construire un argumentaire étayé et quantifié démontrant que les gains d'efficacité économique de l'opération sont susceptibles de contrebalancer ses effets anticoncurrentiels, et de fournir tous les éléments de preuve utiles pour soutenir cette démonstration (65). Ceci implique que les gains d'efficacité invoqués par les parties soient présentés avec un détail et une spécificité suffisante pour en contrôler l'existence, à défaut de quoi "l'imprécision des données fournies ne permet pas d'établir que les effets anticoncurrentiels de l'opération envisagée pourraient être compensés par une contribution suffisante au progrès économique et social" (66).
184. En l'espèce, les chiffres avancés par la partie notifiante au titre des gains d'efficacité ne sont pas vérifiables, en particulier parce qu'elle n'a fourni qu'un tableau descriptif des gains, sans donner aucune explication permettant de vérifier les montants énoncés, et que les chiffres d'affaires y figurant sont différents de ceux figurant dans la notification. De plus, deux des six postes identifiés concernent des coûts fixes. Parmi les quatre postes restants, trois n'apparaissent pas spécifiques à l'opération. Au final, seul un gain d'efficacité pourrait être pris en compte, à condition d'être correctement démontré.
185. Le premier gain d'efficacité identifié par la partie notifiante concerne l'exploitation des carrières, et plus particulièrement la mise en commun du savoir-faire des parties dans la préparation de la matière première (c'est-à-dire de l'argile) utilisée pour la production de briques. Elle fait valoir qu'Imerys dispose d'un savoir particulier dans l'extraction et la préparation des argiles, tandis que Bouyer-Leroux dispose d'un savoir dans les techniques de broyage. Les gains en découlant sont estimés à [...] d'euros par la partie notifiante. Toutefois, il convient de rappeler que chaque entreprise peut être amenée à repenser la structure de ses coûts de production et de logistique, en particulier sous la pression concurrentielle de ses concurrents, sans nécessairement utiliser le savoir-faire d'une autre entreprise. Ainsi, la mise en commun du "savoir-faire" des deux sociétés n'apparaît pas comme spécifique à l'opération, puisque les gains qui en résultent auraient pu être obtenus autrement.
186. Le deuxième gain d'efficacité allégué est relatif à la mise en commun du savoir-faire propre à la société Bouyer-Leroux dans les réglages et la régulation des séchoirs et fours, ainsi qu'à l'utilisation optimale de la biomasse, occasionnant ainsi des gains en consommation énergétique, estimées à [...] par la partie notifiante. Cependant, ainsi qu'il a été exposé au paragraphe précédent, de tels gains peuvent être obtenus autrement que par le rapprochement entre les deux sociétés et ne sont donc pas considérés comme spécifiques à la concentration.
187. Le troisième gain d'efficacité résulterait, selon la partie notifiante, de l'alignement des conditions d'achat des parties et de la mise en œuvre d'une politique d'achat plus exigeante et centralisée, reposant sur une massification des achats sur les principaux postes d'achat, dont la valeur totale doublera. La partie notifiante estime ce gain d'efficacité à [...] euros, soit [0-5] % du montant total des achats des deux parties, à compter de la troisième année à l'issue de l'opération. Ce gain serait susceptible d'être pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle au titre des éléments compensateurs des effets négatifs de la concentration. Toutefois, la partie notifiante se borne à indiquer le montant de l'économie réalisée (en décomposant les différents postes d'achats) et à mentionner un "effet volume" sans réellement démontrer comment l'opération entraînerait une réduction des coûts du montant qu'elle indique. Or, une telle démonstration peut être effectuée par tous moyens et notamment, ainsi qu'il ressort des lignes directrices de la Commission (67) : "les documents internes que les dirigeants des entreprises ont utilisés pour prendre la décision de lancer une telle opération, les déclarations de la direction aux propriétaires et aux marchés financiers concernant les gains d'efficacité escomptés, des exemples de gains d'efficacité et d'avantages pour les consommateurs générés par le passé, ainsi que les études réalisées par des experts extérieurs avant l'opération de concentration et portant sur le type et l'ampleur des gains d'efficacité et sur l'importance des avantages que les consommateurs sont susceptibles d'en retirer".
188. Le quatrième gain d'efficacité invoqué par la partie notifiante provient de la mise en commun du savoir-faire des parties en ce qui concerne leur productivité industrielle (conception des filières, réglage de process, réduction des temps d'arrêt par l'amélioration continue du temps de maintenance) et d'une meilleure planification de l'utilisation des sites de production, en particulier par la spécialisation de la production. La partie notifiante évalue les gains sur ce poste de coûts à [...] euros, soit un gain de productivité de [0-5] % sur les trois premières années. De la même manière que pour les premier et deuxième gains d'efficience allégués, il convient de souligner que la mise en commun d'un savoir-faire, et l'optimisation des process ou des structures de coûts d'une société peuvent être obtenus différemment, et ne peuvent donc pas être considérés comme spécifiques à la concentration et par conséquent, ne peuvent être retenus comme contribuant au progrès économique.
189. Le cinquième gain d'efficacité mis en avant serait relatif à la suppression des "management fees" payés par la cible au groupe Imerys. Le gain évalué par la partie notifiante correspond à la différence entre les "management fees" économisés et les prestations qui seront refacturées par Bouyer-Leroux à sa nouvelle filiale, Imerys, à la suite de l'opération, soit [...] euros. Les "management fees" constituent cependant un coût fixe. Les lignes directrices de juillet 2013 prévoient à cet égard : "Il convient de noter (...) qu'il est plus probable que les gains d'efficacité conduisant à des réductions des coûts variables ou marginaux entraînent une baisse des prix à la consommation que les réductions de coûts fixes, le rapport entre les coûts fixes et les prix à la consommation étant habituellement moins direct, au moins à court terme. Néanmoins, et comme le montrent les exemples suivants, il est possible de prendre en compte l'effet de l'opération sur les coûts fixes même s'il est moins aisé de démontrer que ces gains de coûts fixes seront transmis aux consommateurs" (§ 552). En l'espèce, la partie notifiante se borne à indiquer le montant de l'économie réalisée, sans chercher à démontrer comment cette dernière serait transmise aux consommateurs.
190. Le sixième gain d'efficacité résulte, selon la partie notifiante, du non-recrutement d'un directeur commercial par la société Bouyer-Leroux, initialement prévu au budget 2013, [confidentiel]. Cette absence de recrutement équivaut à une économie de [...] euros. Ce gain correspond toutefois à un coût fixe qui, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, est moins aisément transmis au consommateur. Or, la partie notifiante ne prétend ni ne démontre aucunement que cette économie sera répercutée au consommateur.
191. En conséquence, il apparait que pour l'essentiel ces gains ne sont pas spécifiques à la concentration et pourraient être obtenus par d'autres moyens. De plus, compte tenu des caractéristiques du marché des briques de mur en Aquitaine relevées ci-dessus, en particulier la faible sensibilité des acheteurs au prix, il semble peu probable que les parties soient incitées à transférer tout ou partie de ces gains aux consommateurs. En tout état de cause, seuls les gains relatifs aux achats pourraient être théoriquement pris en compte dans la mise en balance à laquelle doit procéder l'Autorité. Toutefois, ces gains ne sont pas suffisamment justifiés et, à supposer qu'ils l'aient été, ne représentent en tout état de cause que [0-5] % d'économie, ce qui est insuffisant pour compenser les atteintes à la concurrence engendrées par l'opération. Ils n'apportent donc pas une contribution au progrès économique de nature à compenser les effets anticoncurrentiels de l'opération.
192. Compte tenu de la très forte position de la nouvelle entité sur le marché des briques de mur en Aquitaine, de la profitabilité d'une stratégie d'augmentation des prix et de l'absence de contre-pouvoirs significatifs tant des clients que des concurrents, la concentration est de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des briques de mur pour la construction de maisons individuelles dans cette région. Cette atteinte à la concurrence n'est par ailleurs pas compensée par les gains d'efficacité avancés par la partie notifiante. Toutefois, pour éliminer les effets anticoncurrentiels de l'opération, la partie notifiante a proposé des engagements qui seront détaillés aux paragraphes 216 et suivants de la décision.
2. LES EFFETS COORDONNÉS
193. Conformément à la jurisprudence communautaire (68) et à la pratique décisionnelle des autorités nationales de concurrence (69), une opération peut aussi modifier la nature de la concurrence sur le marché de telle sorte que les entreprises qui, jusque-là, ne coordonnaient pas leur comportement, soient beaucoup plus susceptibles de le faire ou, si elles coordonnaient déjà leurs comportements, puissent le faire plus facilement. De tels effets sont possibles lorsque, sur un marché oligopolistique ou sur un marché fortement concentré, une opération de concentration a comme résultat que, prenant conscience des intérêts communs, chaque membre de l'oligopole concerné considérerait possible, économiquement rationnel et donc préférable d'adopter durablement une même ligne d'action sur le marché dans le but de vendre au-dessus des prix concurrentiels, sans devoir procéder à la conclusion d'un accord ou recourir à une pratique concertée au sens des articles L. 420-1 du Code de commerce ou 101 CE et ce sans que les concurrents actuels ou potentiels, ou encore les clients et les consommateurs, puissent réagir de manière effective.
194. La coordination est plus probable sur des marchés où il est relativement simple de parvenir à une compréhension mutuelle de ses modalités d'exercice. En outre, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que la coordination soit durable : (i) un degré suffisant de transparence du marché permettant à chaque oligopoleur de connaître le comportement de chacun des autres membres afin de s'assurer qu'aucun ne s'en écarte (condition de détection) ; (ii) une pérennisation de la coordination en raison d'une menace de représailles incitant chaque oligopoleur à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune (condition de dissuasion) ; et (iii) une absence de remise en cause efficace de la coordination par des concurrents actuels et potentiels et par les consommateurs (condition de non contestation).
195. En l'espèce, les deux premiers acteurs (Bouyer-Leroux/Imerys et Terreal) détenant ensemble à l'issue de l'opération, sur le marché des briques de mur en Aquitaine, une part de marché cumulée d'environ [90-100] %, il convient de déterminer si les critères posés par la jurisprudence sont remplis sur ces marchés.
196. Plusieurs caractéristiques du marché apparaissaient toutefois de nature à rendre une coordination peu probable : l'asymétrie des parts de marché entre la nouvelle entité et Terreal, les innovations sur le marché et la différence entre les structures de coûts des acteurs.
197. S'agissant de l'asymétrie des parts de marché, il convient de noter que la nouvelle entité aura une part de marché trois fois plus importante que Terreal sur le marché des briques de mur en Aquitaine et que les parts de marché des différents acteurs varient sensiblement selon les régions. Or, les lignes directrices de l'Autorité de juillet 2013 précisent qu'"une définition commune de la manière dont doit fonctionner la coordination est d'autant plus facile à obtenir que les entreprises concernées sont semblables. La symétrie peut exister notamment au niveau de la structure des coûts, des parts de marchés, des capacités de production ou du degré d'intégration verticale" (§ 512).
198. S'agissant de l'asymétrie des coûts, il apparaît que la nouvelle entité et Terreal sont des groupes de taille très différente. En effet, Bouyer-Leroux est une société coopérative et participative active uniquement en France alors que Terreal est un groupe présent à l'international qui compte 25 sites industriels dans le monde.
199. S'agissant de l'innovation, la partie notifiante souligne que Bouyer-Leroux et Imerys "ont lancé de nombreux nouveaux produits de brique de mur au cours de la période 2007-2012". En effet, le marché des briques de mur se caractérise notamment par une amélioration des performances thermiques. Or, les lignes directrices précisent que "l'innovation étant source d'instabilité, un marché sur lequel celle-ci est peu présente constitue un terrain favorable à l'émergence d'une vision commune s'agissant des conditions de coordination. Dans sa décision Alcoa/British Aluminium la Commission constate que l'important degré d'innovation technologique sur le marché de l'aluminium plat roulé utilisé dans l'industrie aérospatial, contribue à rendre peu probable l'apparition d'effets coordonnés" (§ 512).
200. L'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets coordonnés sur les marché des briques de mur en Aquitaine.
B. LES EFFETS CONGLOMÉRAUX
201. Comme le soulignent les lignes directrices de l'Autorité de juillet 2013, "une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché" (§ 476).
202. En l'espèce, l'opération a pour effet de renforcer l'offre de Bouyer-Leroux en matière de matériaux de construction, avec l'acquisition des activités conduits de fumée et accessoires qui y sont associés. Par ailleurs, certains concurrents considèrent que l'opération a pour effet de renforcer l'offre de Bouyer-Leroux en matière de matériaux de construction dans la mesure où la nouvelle entité sera la seule à pouvoir fournir des briques de mur et des briques de cloison dans le grand Ouest de la France. Wienerberger considère ainsi qu'"une gamme complète permet de remporter des marchés et ainsi écouler une production de briques plâtrières, en particulier dans l'ouest de la France".
203. Compte tenu de l'élargissement de la gamme de produits proposés par Bouyer-Leroux, et de la forte position de la nouvelle entité dans l'Ouest de la France sur les briques plâtrières et les briques de mur, il convient d'examiner si l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux. Plus précisément, il convient d'examiner, comme indiqué dans les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence de juillet 2013, si la nouvelle entité sera en mesure de "lier, techniquement ou commercialement, les ventes des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents" (§ 478).
204. S'agissant des critères utilisés pour analyser la crédibilité de tels scénarii, les lignes directrices de 2013 précisent que "l'Autorité de la concurrence examine si l'entité issue de la fusion aurait, après la fusion, la possibilité de verrouiller, si elle serait incitée à le faire et si une stratégie de verrouillage aurait un effet significatif sur les marchés en cause. En pratique, ces trois contraintes sont étroitement liées" (§ 481).
205. Plusieurs facteurs apparaissaient toutefois de nature à rendre de tels scénarios peu probables : une gamme équivalente détenue par des concurrents, un désintérêt des acheteurs pour une offre groupée et l'absence de couplage par le passé.
206. S'agissant des concurrents, il convient d'examiner "dans quelle mesure les concurrents sont susceptibles d'offrir une gamme aussi complète de produits ou un éventail de marques aussi attractifs" (§ 489). En l'espèce, Terreal propose une gamme de produits en terre cuite équivalente à celle de la nouvelle entité (briques de mur, briques de cloison, conduits de fumée, tuiles). Si cette société est très peu présente dans le nord de la zone (Bretagne et Pays-de-la-Loire) pour l'offre de briques plâtrières, elle est le leader mondial des tuiles et le leader français des éléments de grande longueur, matériau de construction en terre cuite sur lequel Bouyer-Leroux et Imerys sont de nouveaux entrants (Cf. § 105 et suivants de la décision).
207. S'agissant du comportement des acheteurs, les lignes directrices de juillet 2013 indiquent qu'"une offre groupée ou liée ne peut avoir un effet sur la concurrence sur les marchés concernés que si une part suffisante des acheteurs est susceptible d'être intéressée par l'achat simultané des produits en cause" (§ 485). En l'espèce, la plupart des négociants achètent, du fait du caractère même de leur activité, l'ensemble des produits en terre cuite. Cependant, selon leur région d'implantation, certains ont indiqué ne pas vendre tous les types de produits, notamment les briques plâtrières. Un client constate que dans certaines régions, le marché des briques de cloison est "pratiquement inexistant remplacé par la plaque de plâtre. Il n'y a plus de prescripteurs et plus d'applicateurs, plâtriers". De plus, peu de négociants trouveraient un intérêt particulier au couplage dans la mesure où l'utilisation de la terre cuite pour la construction de la structure d'une maison individuelle ne contraint pas à monter des cloisons intérieures dans le même type de matériaux. Au contraire, l'analyse de la délimitation des marchés pertinents a révélé que les préférences locales pour les briques de cloison et de mur divergeaient : s'il existe des traditions locales en Aquitaine pour les briques de mur, tel n'est pas le cas pour les briques de cloison qui sont en concurrence directe avec les plaques de plâtre dans cette région. En outre, une stratégie de couplage est d'autant moins vraisemblable que certains négociants sont intégrés verticalement sur des produits alternatifs. Tel est notamment le cas de Saint-Gobain actif à la fois en tant que négociant, via point P, et comme producteur de blocs béton (70) et de plaques de plâtre (via Placoplatre). VM Matériaux, Tanguy Matériaux, Chausson Matériaux, Libaud Matériaux et Chavigny Matériaux sont également négociants et producteurs de blocs béton.
208. S'agissant des comportements passés des acteurs, il apparaît que la crédibilité d'un scénario de ventes liées ou groupées est renforcée si on constate des comportements passés pouvant indiquer que l'entreprise a déjà trouvé intérêt à des ventes groupées (71). Or, à cet égard, les parties ont indiqué qu'elles disposent chacune d'une équipe de commerciaux dédiée à la vente de chaque type de produit en terre cuite. Dès lors, selon elles, il n'existerait pas de lien entre les achats de briques de mur et les achats de briques de cloison. La partie notifiante a précisé que "les modalités de commercialisation des briques de mur et des briques (de cloison) sont identiques".
209. En outre, aucun client n'a indiqué que Bouyer-Leroux et/ou Imerys procédaient d'ores et déjà à des ventes groupées.
210. L'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux entre les différents marchés des matériaux de construction.
C. LES REMÈDES PROPOSÉS
1. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS EN PREMIÈRE PHASE
211. Le 29 mars 2013, la partie notifiante a proposé deux séries d'engagements, la première pour remédier aux effets de l'opération sur un marché des briques de cloison en Bretagne et dans la région Pays-de-la-Loire et la seconde pour remédier aux effets de l'opération sur le marché des briques de mur en Aquitaine. Le premier engagement n'est plus pertinent puisqu'il ressort de l'analyse des marchés pertinents que, du fait de la concurrence des autres matériaux de construction de murs non porteurs, l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence en Bretagne et dans les Pays de la Loire.
212. La série d'engagements destinée, selon les parties, à lever les doutes sérieux identifiés dans le secteur de la commercialisation de briques de mur en région Aquitaine portait sur la cession par Bouyer-Leroux du site de production de briques situé à Saint-Laurent-des-Autels (Pays-de-Loire). Ce site dispose d'une ligne de production mixte, d'une capacité de [...] tonnes, permettant de produire à la fois des briques de mur et des briques plâtrières. Ce site, qui est à l'arrêt depuis 2010, doit toutefois faire l'objet d'une remise en état postérieurement à sa cession pour pouvoir être opérationnel. Bouyer-Leroux s'engageait par ailleurs à céder les quatre carrières d'argiles qui étaient utilisées pour la production de briques sur le site de Saint-Laurent-des-Autels (Leppo 1, Leppo 2, Fuilet Puiset et Chaussaire), dont les réserves d'argiles sont estimées à [...] ans (dont [...] années de réserves autorisées et [...] années de réserves pour lesquelles une autorisation devra être demandée).
213. Le test de marché a confirmé l'inefficacité de cet engagement. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de juillet 2013 indiquent en effet que "pour qu'une cession d'activité puisse efficacement remédier aux atteintes à la concurrence, il est indispensable que l'activité cédée soit viable et compétitive. Pour ce faire, le périmètre de cession doit comprendre tous les actifs et l'ensemble du personnel nécessaires à son bon fonctionnement" (§ 579 et suivants).
214. En l'espèce, ni la viabilité, ni la compétitivité de ce site de production à l'arrêt ne sont établies. Au contraire, l'état de vétusté et l'arrêt prolongé de ce site semblent nécessiter un investissement de l'ordre de 5 à 10 millions d'euros et des travaux de deux ou trois ans. Le caractère obsolète des équipements avait d'ailleurs été mis en avant par Bouyer-Leroux lui-même au moment de la fermeture du site. Le test de marché de phase 2 a confirmé que la durée et les coûts nécessaires pour la remise en état d'un site fermé étaient importants.
215. Par conséquent, la proposition d'engagements du 29 mars 2013 ne permettait pas de remédier aux atteintes à la concurrence engendrées par l'opération sur les marchés des briques de mur en Aquitaine.
2. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS EN DEUXIÈME PHASE
a) Les mesures correctives proposées
216. Le 18 juillet 2013, la partie notifiante a proposé de nouveaux engagements, qui ont été améliorés en dernier lieu le 25 juillet 2013. C'est dans cette version ultime, qui répond aux préoccupations exprimées par l'Autorité, qu'ils sont présentés ci-après.
217. Ces engagements visent à remédier aux atteintes à la concurrence identifiées sur le marché des briques de mur en Aquitaine. Ils consistent en la vente à prix coûtant de briques de mur sur ce marché, pour un volume équivalent au chevauchement de parts de marché.
218. La société Bouyer-Leroux s'engage ainsi à proposer, pour une durée de 5 ans, à ses concurrents (Terreal et/ou Wienerberger), ou à défaut, à un grossiste, de leur vendre un volume de 25 000 tonnes par an de briques de mur (incluant les accessoires qui leur sont liés), sans marque commerciale apposée, sur la base du prix de revient départ usine du site de production de Gironde-sur-Dropt.
219. Dans le cas où les commandes combinées des deux concurrents dépasseraient le volume total de l'engagement, des discussions seront engagées entre Bouyer-Leroux et chacun d'eux. A défaut d'accord, les volumes de chacun des concurrents seront réduits au prorata de leurs commandes respectives.
220. Cet engagement concerne l'ensemble de la gamme de briques de mur figurant au catalogue de la société Bouyer-Leroux Structure et produites sur le site de Gironde-sur-Dropt au moment du choix annuel des produits. En cas de lancement d'un produit innovant sur le site de Gironde-sur-Dropt, celui-ci ne sera éligible à l'engagement de fourniture qu'à partir d'un délai de deux ans à compter de la date de sa première commercialisation. En outre, sous réserve d'un préavis de 6 mois, Bouyer-Leroux reste libre d'arrêter la production d'une référence qu'elle ne souhaiterait pas maintenir. En cas de transfert de la production d'une référence de briques de mur du site de Gironde-sur-Dropt à un autre site, le prix de revient départ usine sera déterminé par rapport au nouveau site de production.
221. Ces engagements sont souscrits pour une durée de cinq ans, à compter du 1er janvier 2014, durée qui pourra être étendue à cinq années supplémentaires sur décision motivée de l'Autorité.
222. Un mandataire indépendant sera chargé du suivi des engagements. Il aura pour mission de superviser la négociation, la conclusion et la mise en œuvre du contrat de fourniture de briques de mur entre Bouyer-Leroux et les acquéreurs. Dans ce cadre, il devra notamment contrôler la détermination du prix de revient départ usine et, le cas échéant, le caractère innovant des nouvelles référence mises en production sur le site de Gironde-sur-Dropt. De plus, à défaut de signature du contrat de fourniture par la partie notifiante le [confidentiel], le mandataire se substituera à Bouyer-Leroux pour trouver un acquéreur pour les volumes de briques de mur concernés par les engagements.
b) L'appréciation des mesures proposées
i. Sur les principes devant guider cette appréciation
223. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence afin d'être jugées aptes à assurer une concurrence suffisante, conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du Code de commerce.
224. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations de juillet 2013, ces mesures doivent être efficaces en permettant de remédier pleinement aux atteintes à la concurrence identifiées. A cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment claire et précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables (§ 573). Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques, et proportionnées, dans la mesure où elles doivent être nécessaires pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante (§ 574).
225. Par ailleurs, afin de remédier aux atteintes résultant d'une opération de concentration, l'Autorité recherche généralement en priorité des mesures structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents. Toutefois, dans la mesure où, afin de satisfaire l'objectif de neutralité qui s'impose à l'Autorité, des remèdes de nature comportementale apparaîtraient au cas d'espèce plus appropriés pour compenser certaines des atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il convient de définir de tels remèdes de manière à assurer leur efficacité et leur contrôlabilité.
ii. Sur le caractère approprié des engagements proposés
226. Selon les lignes directrices de l'Autorité de juillet 2013 : "Lorsque l'opération porte atteinte à la concurrence essentiellement en raison du chevauchement horizontal des activités des parties, les cessions d'actifs sont les remèdes les plus efficaces" (§ 576).
227. En l'espèce, l'opération porte atteinte à la concurrence du fait du chevauchement horizontal des activités des parties, sur le marché des briques de mur en Aquitaine. Des remèdes structurels, consistant à céder un ou des sites de production, ont par conséquent été recherchés en priorité.
228. Les sites de production des parties qui réalisent des ventes en Aquitaine sont ceux de Bouyer-Leroux à La Séguinière et à Saint-Martin-des-Fontaines et ceux d'Imerys à La-Boissière-du-Doré, Colomiers et Gironde-sur-Dropt.
229. Cependant, les capacités de production de ces différents sites ([...] tonnes pour La Séguinière, [...] tonnes pour Saint-Martin-des-Fontaines, [...] tonnes pour La-Boissière-du-Doré, [...] tonnes pour Colomiers et [...] tonnes pour Gironde-sur-Dropt) excèdent largement l'incrément de part de marché identifié, le volume des ventes de Bouyer-Leroux en Aquitaine étant de 25 000 tonnes en 2012.
230. De plus, en dehors de Gironde-sur-Dropt, tous les sites cessibles sont relativement éloignés de l'Aquitaine et ne réalisent de ce fait qu'une faible part de leurs ventes dans cette région. Ainsi, le site de Colomiers, qui est le plus proche, ne vend que très peu de briques de mur en Aquitaine, mais commercialise au contraire la majorité d'entre elles dans la région Midi-Pyrénées, sur laquelle il n'existe aucun chevauchement d'activités du fait de l'opération. S'agissant des sites situés dans les Pays-de-la-Loire (La Séguinière, Saint-Martin-des-Fontaines et La-Boissière-du-Doré), si certains d'entre eux réalisent aujourd'hui une partie de leurs ventes en Aquitaine, ils sont cependant relativement éloignés des lieux de livraison de l'Aquitaine et un acquéreur qui tentera de développer ses ventes dans la région à partir de l'un de ces sites serait vraisemblablement confronté aux difficultés exposées par la société Wienerberger en ce qui concerne son site de production (Durtal) dans les Pays-de-la-Loire, peu éloigné de ces trois sites. La société Terreal dispose quant à elle d'ores et déjà de sites de production en Midi-Pyrénées, plus proches de l'Aquitaine que ces trois sites, qui n'apparaissent donc pas appropriés pour lui permettre d'exercer une pression supplémentaire sur la nouvelle entité.
231. Par ailleurs, s'agissant du site de Gironde-sur-Dropt, il convient de souligner qu'Imerys réalisait avant l'opération la quasi-totalité de ses ventes en Aquitaine depuis ce site. La cession d'un tel site reviendrait, in fine, à transférer la part de marché d'Imerys ([50-60] %) à un autre opérateur, déplaçant ainsi l'atteinte à la concurrence sans y remédier.
232. Par conséquent, la cession d'un de ces sites de production serait disproportionnée par rapport à l'atteinte à la concurrence identifiée sur le marché des briques de mur en Aquitaine.
233. En l'absence de remède structurel approprié, la cession de volumes de briques de mur à prix coûtant, depuis le site de Gironde-sur-Dropt, situé en Aquitaine, est à même de permettre aux concurrents d'animer la concurrence sur le marché et de poser les jalons nécessaires au développement et à l'écoulement de leur propre production dans la région.
234. En effet pour pénétrer durablement le marché des briques de mur en Aquitaine, il est nécessaire de disposer, en premier lieu, d'une gamme de produits finis à des prix aussi compétitifs que ceux de la nouvelle entité. Pour ce faire, compte tenu de l'ampleur de la pénalité que des coûts de transport élevés font peser sur la compétitivité des produits finis et donc sur les parts de marché, il est à la fois nécessaire d'avoir une usine de production dans la région, mais aussi d'être en mesure de l'alimenter en matière première. En second lieu, il faut aussi disposer d'un canal de distribution permettant d'écouler les produits fabriqués, ce qui implique de réaliser un investissement commercial important auprès des différents prescripteurs ou acheteurs de ces produits. De plus, les autorisations administratives nécessaires à l'ouverture et l'exploitation d'une carrière sont longues à obtenir (de l'ordre de 3 à 5 ans).
235. Les usines des concurrents de la partie notifiante étant toutes relativement éloignées de l'Aquitaine, aucun concurrent ne pourrait donc disposer à court terme d'une gamme de produits finis compétitive. En l'absence d'accès à ces produits, réaliser l'investissement commercial nécessaire au développement d'un canal de distribution n'aurait qu'un faible rendement en termes de gains de parts de marchés, puisque les produits finis proposés ne pourraient être compétitifs par rapport à ceux de la partie notifiante. Cet investissement serait donc susceptible de ne pas être réalisé par les concurrents des parties, puisque non profitable.
236. Dans ce contexte, le remède proposé par la partie notifiante permet à un concurrent de bénéficier d'un volume de briques de mur commercialisables dans la région Aquitaine, en apposant sa propre marque sur les briques. La commercialisation de ces briques, dont le volume correspond à la part de marché de Bouyer-Leroux en Aquitaine avant l'opération, par un opérateur autre que la nouvelle entité, permet à cet opérateur de pouvoir réaliser les investissements nécessaires au développement d'un canal de distribution, sans être pénalisé par l'absence de gamme de produits finis compétitive, puisque les quantités de produits finis proposées seront acquises au coût de revient de l'usine d'Imerys à Gironde-sur-Dropt. En favorisant la réalisation d'un investissement commercial profitable, le remède proposé permet aussi à un opérateur autre que la nouvelle entité d'envisager, ensuite, l'investissement dans un site de production permettant de servir cette région dans des conditions économiques similaires à celle de la nouvelle entité.
237. Ce remède permet donc de maintenir une pression concurrentielle en Aquitaine à la fois à court terme et long terme. La durée proposée apparaît également suffisante pour permettre à la situation concurrentielle d'évoluer, notamment pour Wienerberger, qui pourrait être mieux implanté en Aquitaine à un horizon de cinq à dix ans.
238. Cet engagement conduit par conséquent à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération, de manière proportionnée à l'incrément de part de marché qui résulterait de la concentration notifiée dans la région Aquitaine, et à maintenir un niveau de concurrence effective sur la zone.
239. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer les effets anticoncurrentiels de l'opération identifiés.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 12-210 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.
Notes :
1 Le périmètre d'acquisition porte également sur les droits d'occupation des carrières ou les droits de foretage attachés aux sites, les quotas de CO2, les éléments de fonds de commerce attachés aux sites ainsi que leurs stocks.
2 Les conduits de fumée sont des éléments creux servant à évacuer les produits de combustion depuis une installation de chauffage (cheminée d'agrément, chaudière. poêle) vers l'extérieur de la construction.
3 Les éléments de grande longueur produits sur ce site sont constitués d'éléments assemblés en usine et non d'éléments monolithiques.
4 Décisions de la Commission européenne n° M.755 - Creditanstalt/Koramic/Wienerberger du 18 juin 1996 ; M. 1886 - Preussag/Hebel du 29 mars 2000 ; M.2495 - Haniel/Fels du 21 février 2002 ; M.2707 - Wienerberger/Hanson du 18 avril 2002, M.3267 - CRH/Cementbouw du 29 septembre 2003.
5 Avis du Conseil de la concurrence n° 99-A-09 du 1er juin 1999 relatif à l'acquisition par les sociétés Koramic et Wienerberger des sociétés Migeon SA et Bisch SNC à la société Keramic Holding AG Laufen.
6 Les maisons individuelles regroupent les segments des maisons individuelles "isolées " et des maisons individuelles "groupées ", donnant lieu à une seule autorisation de construire (lotissement).
7 [...] % des briques de mur (*) sont utilisées pour la construction de logements individuels.
8 La part des ventes de Wienerberger et de Terreal destinée aux maisons individuelles est cependant plus faible.
9 Aux côté de ces principaux matériaux, d'autres types de matériaux sont également utilisés, tels que les carreaux de plâtre, le béton cellulaire et le bois.
* Rectification d'erreur matérielle.
10 Décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-14 du 3 mai 2000 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des briques plâtrières dans le grand Ouest de la Franc : "(...) la brique plâtrière possède des qualités propres de solidité, d'esthétique, d'isolation acoustique ; qu'elle est perçue par les utilisateurs comme un matériau auquel est attaché le prestige de la tradition ; qu'en raison de leur prix et de leur facilité d'emploi, les carreaux de plâtre ou les plaques de plâtre sont utilisés dans les constructions de bas de gamme et dans la plupart des immeubles collectifs ; que si, comme le soutiennent les parties, il existe une certaine substituabilité entre les différents matériaux, il est constant que la brique plâtrière fait l'objet d'une demande spécifique, qui ne peut être satisfaite par d'autres matériaux, en particulier dans la restauration des immeubles anciens et la construction traditionnelle, comme l'ont reconnu en séance les parties ; qu'indépendamment des différences correspondant aux conditions d'emploi (mise en œuvre par des spécialistes et durée de séchage), le coût total de mise en œuvre (prix du produit et coût de la pose) de la brique plâtrière demeure dans les immeubles d'habitation sensiblement plus élevé que celui des deux autres matériaux ".
11 Notamment décision de la Commission européenne n° M.3267 - CRH/Cementbouw and COMP-M.3259- CRH/CVC/Cementbouw JV du 29 septembre 2003.
12 Etude MSI sur le marché des cloisons en France.
* Rectification d'erreur matérielle.
13 "Dans l'hypothèse où le prix de la brique de cloison (*) augmenterait de 5 à 10 %, votre demande se reporterait-elle vers les autres matériaux de construction pour murs non porteurs* ou resterait-elle stable ? ".
14 Avis du Conseil de la concurrence n° 99-A-09 du 1er juin 1999.
* Rectification d'erreur matérielle.
15 Voir également la décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-85 du 20 mars 2001 relative aux marchés des désherbants.
16 Source : données Batiétude
17 Sur les 2 524 artisans plâtriers actifs au niveau national, 418 plâtriers sont en activité en Bretagne et 388 dans les Pays de la Loire.
18 Voir la réponse de Libaud Matériaux
19 Décision de la Commission M.2495 - Haniel/Fels du 21 février 2002.
20 Décision de la Commission M.2707 - Wienerberger/Hanson du 18 avril 2002.
23 Décision M.755 du 18 juin 1996 précitée.
24 M.2495 - Haniel/Fels du 21 février 2002, §22 (décision en allemand).
25 Avis du Conseil de la concurrence n° 99-A-09 du 1er juin 1999 relatif à l'acquisition par les sociétés Koramic et Wienerberger des sociétés Migeon SA et Bisch SNC à la société Keramic Holding AG Laufen.
26 Bouyer-Leroux ne réalise cependant pas de ventes en Midi-Pyrénées à partir de ses sites de La Séguinière et de Saint-Martin-des-Fontaines.
27 Avis du Conseil de la concurrence n° 99-A-09 du 1er juin 1999 précité.
28 La valeur statistiquement aberrante a été repérée suite à 3 tests, tous conclusifs : la distance entre cette valeur et le troisième quartile est supérieure à 3 fois l'intervalle interquartile Q3 - Q1 ; l'intervalle de confiance à 95% sur la moyenne de taux de report ne contient pas cette valeur ; le test d'égalité de cette valeur à la moyenne des taux de report rejette fortement cette hypothèse. Une valeur statistiquement aberrante de 50 %, a également été retirée pour calculer le taux de report moyen en Poitou-Charentes.
29 Résultat obtenu en testant l'égalité des moyennes.
30 Le coefficient de corrélation linéaire entre les volumes annuels de parpaings et de briques est égal à la covariance empirique de ces deux variables divisée par le produit des écart-types empiriques, et sa significativité statistique indique que tant la valeur du coefficient que son signe sont interprétables économiquement. La covariance empirique est égale à la moyenne des produits des écarts de chaque variable à sa propre moyenne, et une covariance positive (comme une corrélation positive) indique que les deux variables évoluent dans la même direction par rapport à leurs propres moyennes : une covariance positive pour les variables X et Y indique que X et Y augmentent ou diminuent par rapport à leurs moyennes "simultanément", en moyenne sur les observations dont on dispose. Une covariance négative indique que, en moyenne, lorsque X augmente par rapport à sa moyenne, Y diminue.
31 Ces corrélations ont été calculées en utilisant les données fournies par les parties pour les années disponibles pour chacun des différents matériaux.
32 La pertinence de l'introduction, dans les estimations des coefficients de corrélation (par régression linéaire par exemple), du nombre de logements en construction est très limitée de par le faible nombre d'observations dans l'échantillon.
33 Les autres sites industriels d'Imerys sont implantés en Rhône-Alpes (Mably (42) et Saint-Marcellin (42) et en Midi-Pyrénées (31)), à une distance supérieure à 440 kilomètres du site du Bouyer-Leroux le plus proche.
34 Le prix de vente moyen à la tonne est de [>2 000] euros pour les éléments de grande longueur contre une centaine d'euros pour les briques.
35 Le ratio de 22 tonnes de briques de mur par maison individuelle a été retenu par les parties après l'examen du volume de briques en terre cuite utilisées sur un échantillon de maisons individuelles de plain-pied et à plusieurs étages.
36 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 350-351.
* Rectification d'erreur matérielle.
37 Le site d'Angervilliers était initialement un site de production de briques de parement, et a été converti en site de production de briques de mur en 2006. Ce site a été fermé.
38 Estimation des parties ; ce chiffre ne diffère pas sensiblement des données fournies par Wienerberger.
39 Estimation des parties dans la notification ; ce chiffre ne diffère pas sensiblement des données fournies par Terreal.
40 Estimation des parties dans leurs observations au Rapport ; ce chiffre ne diffère pas sensiblement des données fournies par Terreal.
41 Sur la base des données fournies par les différents acteurs du secteur, les parts de marché des différents acteurs ne diffèrent pas sensiblement des estimations des parties.
42 Plusieurs indicateurs statistiques convergent pour considérer cette valeur du taux de report comme statistiquement aberrante. Tout d'abord la valeur du taux de report annoncé, 50%, s'écarte de la médiane de l'échantillon, qui contient 5 observations, de plus de 3 intervalles interquartiles. Deuxièmement, l'intervalle de confiance sur la moyenne de l'échantillon, à un niveau de sécurité supérieur à 95 %, ne contient pas la valeur 50 %. Troisièmement, un test d'égalité à la moyenne de l'échantillon rejette fortement l'égalité du taux de report de 50 % à cette moyenne.
43 La valeur estimée de l'élasticité-prix de la demande est tirée de la relation L = HHI/élasticité-prix, ou L est la marge moyenne de l'industrie, pondérée par les parts de marché des concurrents, et HHI est l'indice de Herfindhal-Hirschman.
44 Les barrières à l'entrée sont importantes et le taux d'utilisation des capacités est généralement extrêmement élevé, excepté en 2012. L'adéquation du modèle de Cournot pour modéliser la relation entre marges et parts de marchés dans de nombreuses industries a été confirmée par de nombreuses études économiques (Cf. par exemple l'introduction de l'article de R.P. McAfee, J.Simons et M.Williams, (1992), "Horizontal mergers in spatially differentiated noncooperative markets", The Journal of Industrial Economics, vol. 40, n° 4).
45 En effet, l'estimation de l'élasticité-prix au travers du modèle de Cournot suppose de disposer d'une marge moyenne sur coût variable pondérée de l'industrie. En l'absence d'informations exactes sur les marges de Wienerberger et de Terreal, les calculs ont effectuées pour plusieurs valeurs de marges sur coûts variables pour ces concurrents. Dans un premier scénario, tous les concurrents autres qu'Imerys ont des marges identiques à celle de Bouyer-Leroux (dans ce cas la marge moyenne pondérée par les volumes est faible). Dans un second scénario, tous les concurrents autres que Bouyer-Leroux ont des marges identiques à celle de Imérys (dans ce cas la marge moyenne pondérée par les volumes est élevée). Enfin ont été considérées différentes valeurs de marges moyennes par rapport à ces deux cas polaires. A titre d'illustration, des marges moyennes sur coût variable de l'industrie égales à 50 % correspondent à une marge d'environ [...] % pour l'entité formée par Wienerberger et Terreal, ce qui paraît être une borne inférieure sur ce marché où les coûts fixes peuvent être importants.
46 Pour une marge moyenne pondérée égale à [...] %.
47 Pour une marge moyenne pondérée égale à [...] %.
48 La partie notifiante a également effectué ce calcul, mais sur la seule base des données des parties, et estime l'élasticité-prix de la demande à [...], soit un taux de report de [5-10] %.
49 Modèle de McAffee, Simons et Williams : "Horizontal mergers in spatially differentiated noncooperatve markets" - The Journal of Industrial Economics (1992).
50 R.P. McAfee et al. (Ibid) proposent deux expressions pour la borne supérieure sur la hausse des prix. En l'absence d'évidence économétrique sur la forme de la demande, l'hypothèse la moins contraignante, a été retenue.
51 Pour cela il suffit de diviser l'élasticité-prix de la demande obtenue par la part de marché de la nouvelle entité créée par la concentration. Voir par exemple Vives, X. (2001). Oligopoly pricing: old ideas and new tools. MIT Press.
52 Selon la valeur retenue de l'élasticité-prix de la demande qui varie de [...].
53 En cas d'augmentation des prix de 5%, il varie de [...] %.
54 Différents types de briques de mur, mais aussi des briques de cloisons, des conduits de cheminée et des éléments de grande longueur.
55 Article L 512-2 du Code de l'environnement.
56 Article L. 515-4 du Code de l'environnement.
57 Article L. 516-1 du Code de l'environnement et articles 23-2 et suivants du décret du 21 septembre 1977.
58 Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises du 5 février 2004 - paragraphe 74.
59 Décision de la Commission européenne COMP/M.6471 Outokumpu/Inoxum du 7 novembre 2012, point 146.
60 En notant m le taux de marge sur coût variable (en pourcentage du prix moyen de vente, PMV), t le taux de report des parties vers les autres concurrents lors de la hausse de prix de 10%, et T la taille du marché, et en rappelant que la part de marché de la nouvelle entité est de [60-70] % tandis que les parts de marché de Terreal et Wienerberger sont respectivement de [20-30] % et [10-20] %, le gain à ne pas augmenter les prix est ([20-30] %/([20-30] % + [10-20] %)) * T *[60-70] % * T * m * PMV, dans l'exemple de Terreal. Il suffit de remplacer [20-30] % au numérateur de l'expression par [10-20] % pour avoir le profit de Wienerberger.
61 Bouyer-Leroux réalise une marge de [...] %, et Terreal a indiqué réaliser une marge moyenne inférieure à [...] %.
62 Le coût annuel des actions de communication est estimé à [...] euros pour Imerys.
63 Il y a plus de 1 000 constructeurs de maisons individuelles en France et plus de 60 en Aquitaine.
64 Or, les remises de fin d'années n'ont pas d'impact sur le prix payé par le consommateur car elles sont par nature non transmissibles aux acheteurs finaux et non prévisibles à l'avance.
65 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §540
66 Arrêt du Conseil d'Etat du 9 avril 1999, The Coca Cola Company, n° 201853.
67 Lignes directrices de la Commission sur l'appréciation des concentrations horizontales du 5 février 2004, paragraphe 88.
68 Voir notamment la décision du TPICE T-342-99 du 6 juin 2002, Airtours plc. contre Commission et la décision de la CJCE du 10 juillet 2008 C-430-06, Impala.
69 Voir la décision du Conseil d'Etat du 31 juillet 2009, Fiducial Audit et Fiducial Expertise n°305903 et les décisions du Conseil de la concurrence 07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent, 07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent et 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB).
70 Le Groupe Point P, outre son réseau d'environ 2000 agences, dispose de 15 usines qui produisent des blocs béton et hourdis béton sur le territoire français et est actionnaire majoritaire de la société EBI qui possède 5 usines dans l'Est de la France.
71 T210-01, arrêt du TPICE du 14 décembre 2005, General Electric / Commission.