CA Lyon, 3e ch. A, 5 septembre 2013, n° 11-06914
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Les 4 Sapins (EURL)
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Baufume-Sourbe, Mes Barriquand, Zakharova-Renaud, Semoun
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SA Distribution Casino France, appelée ensuite société Casino a donné en location-gérance le 5 avril 2007, à l'EURL Les 4 Sapins, dite ensuite société L4S, une supérette de 700 m² à Saint-Claude (39) et a signé avec celle-ci le même jour, un contrat de franchise SPAR.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 décembre 2007, le gérant de l'EURL Les 4 Sapins a informé la société Casino de sa décision de ne pas renouveler les contrats de location-gérance et de franchise à compter du 4 avril 2008.
Le 31 mars 2008, la société Casino a mis en demeure la société L4S de lui régler la somme de 61 827,51 correspondant aux soldes de factures, avoir de marchandises et redevances.
La société L4S ayant contesté dans sa réponse du 3 avril 2008 les informations transmises au moment de la signature du contrat de franchise et réclamé une somme de 110 000 à ce titre, la société Casino l'a faite assigner devant le tribunal de commerce en paiement d'une somme de 74 905,76 au titre du solde de factures et redevances.
Par jugement en date du 21 septembre 2011, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal de commerce saisi a statué ainsi :
- constate l'absence de dol imputable à la société Distribution Casino France,
- déboute l'EURL Les 4 Sapins de sa demande de nullité des contrats,
- dit que la responsabilité délictuelle de la société Distribution Casino France n'est pas engagée,
- condamne l'EURL Les 4 Sapins à payer à la société Distribution Casino France la somme de 36 751,44 au titre des factures impayées, déduction faite du dépôt de garantie outre intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2009,
- déboute l'EURL Les 4 Sapins de sa demande d'établissement d'un mandat,
- déboute l'EURL Les 4 Sapins du surplus de ses demandes,
- déboute la société Distribution Casino France de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamne l'EURL Les 4 Sapins à payer à la société Distribution Casino France la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de l'EURL Les 4 Sapins,
- rejette la demande de la société Distribution Casino France formée au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001,
- rejette la demande d'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue le 14 octobre 2011, l'EURL Les 4 Sapins a relevé appel de ce jugement.
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 13 novembre 2012, l'EURL Les 4 Sapins demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes et de :
- dire et juger que la société Casino n'est pas recevable à agir contre la société Les 4 Sapins en recouvrement des impayés garantis par son assurance groupe, dont elle est la seule bénéficiaire, et doit mieux se pourvoir contre son assureur, et subsidiairement, dire et juger que la société Casino doit prouver qu'elle n'a pas été payée par son assureur des sommes qu'elle réclame à la société Les 4 Sapins et de communiquer le mandat de son assureur d'agir contre elle,
- constater que la société Casino France :
- n'a pas informé la société Les 4 Sapins sur la substance et le potentiel du fonds de commerce qu'elle lui a loué,
- a sciemment établi les prévisions d'exploitation sans aucun rapport avec les réalités du fonds loué dans le but d'inciter la société Les 4 Sapins de contracter avec elle,
- dire et juger que le comportement de la société Casino France est constitutif d'un dol, ou à tout le moins a provoqué une erreur de la société Les 4 Sapins viciant son consentement,
- prononcer la nullité des contrats de location-gérance et de franchise pour vice de consentement,
- condamner la société Casino France à réparer les conséquences dommageables subies par la société Les 4 Sapins, soit :
* 271 431,60 au titre des conséquences de la nullité des contrats,
* 18 750 en restitution du dépôt de garantie versé,
* 80 000 au titre des dommages et intérêts pour sanctionner le dol,
subsidiairement :
- constater que la société Distribution Casino France :
- n'a pas garanti la paisible jouissance du fonds loué,
- n'a pas exécuté son obligation d'assistance,
- n'a pas exécuté les contrats de bonne foi,
- dire et juger que de ce fait, elle a engagé sa responsabilité contractuelle,
- constater que la société Distribution Casino France a engagé sa responsabilité délictuelle en n'exécutant pas convenablement l'obligation d'information précontractuelle, en établissant le compte d'exploitation prévisionnel sans aucun rapport avec la situation économique et commerciale du fonds loué, et en retenant les informations essentielles sur la substance du fonds loué,
- par conséquent, condamner la société Distribution Casino France à réparer le préjudice subi par la société Les 4 Sapins à hauteur de 136 250 , soit :
* 37 500 en restitution de trop perçu de loyers de location-gérance,
* 18 750 en restitution du dépôt de garantie versé,
* 80 000 au titre de différentiel entre la marge prévisionnelle et réelle,
en tout état de cause,
- dire et juger que la société Casino devra supporter à titre de dommages et intérêts la totalité de la dette dont elle réclame le paiement à l'EURL Les 4 Sapins,
subsidiairement,
- compenser la dette fournisseur de Casino reconnue à hauteur de 55 501,54 avec les dommages et intérêts qui lui seront alloués, ainsi qu'avec le dépôt de garantie de 18 750 retenu par Casino et la somme de 1 772,44 qu'elle a encaissée pour se faire garantir contre les impayés,
- ordonner à la société Casino d'établir un mandat au profit de la société Les 4 Sapins et de lui transmettre tous les documents nécessaires pour qu'elle puisse engager une action contre l'assureur,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Distribution Casino France de ses demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et a rejeté sa demande formée au titre de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001,
- condamner la société Distribution Casino France au paiement d'une somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que la demande en paiement de la société Casino est irrecevable car elle l'a fait adhérer à un contrat d'assurance groupe pour se couvrir de tout impayé de sa franchisée, cette garantie ayant été souscrite à son seul profit. Elle estime qu'en l'absence de preuve de ce que ce remboursement lui a été refusé, elle ne peut lui en réclamer le montant sans que cela ne constitue un enrichissement sans cause, et que la société Casino ne justifie pas plus d'un mandat de l'assurance pour lui permettre d'agir.
Elle prétend que les contrats de location-gérance et de franchise sont nuls comme formant un ensemble contractuel, soulignant le caractère principal du premier.
Elle invoque pour soutenir cette nullité du contrat de location-gérance l'irrespect des termes des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, le document d'information préalable n'étant pas conforme concernant l'état du marché local et sur les chiffres figurant au compte d'exploitation prévisionnel.
Elle estime que la société Casino n'a pas plus fourni une information sincère au locataire-gérant sur les caractéristiques de la chose louée, notamment sur sa rentabilité prévisible. Elle allègue que les différents éléments fournis par la société Casino ont été déterminants à son consentement.
Elle reproche à la société Casino de ne pas avoir exécuté les conventions de bonne foi, notamment en ne faisant pas installer dans la supérette des caméras de vidéo-surveillance, excipant des termes des articles 1719 et 1720 du Code Civil, n'ayant pas garanti la jouissance paisible de sa locataire.
Concernant la franchise, elle fait valoir que la société Casino n'a pas exécuté son obligation d'assistance, notamment en lui prodiguant des conseils pour améliorer son fonds de commerce.
A titre très subsidiaire, elle affirme que sa dette fournisseur est la conséquence directe du manque de chiffre d'affaire et des erreurs notamment de politique commerciale de Casino qui doit conduire à ce qu'elle la garde à sa charge, arguant par ailleurs des conséquences du non-respect des termes régissant la souscription du contrat de franchise.
Elle s'oppose à toute condamnation au titre de la résistance abusive, compte tenu notamment du résultat obtenu par la société Casino devant le tribunal de commerce.
Elle demande son indemnisation au titre des pertes d'exploitation comme la réduction des redevances de location-gérance, comme la couverture du différentiel entre la marge figurant au prévisionnel et celle qu'elle a effectivement réalisée.
Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 16 janvier 2013, la société Casino demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté l'absence de dol imputable à la société Distribution Casino France,
- débouté l'EURL Les 4 Sapins de sa demande de nullité des contrats,
- dit que la responsabilité délictuelle de la société Distribution Casino France n'est pas engagée,
- condamné l'EURL Les 4 Sapins à payer à la société Distribution France la somme de 36 751,44 au titre des factures impayées, déduction faite du dépôt de garantie outre intérêt au taux légal à compter du 22 avril 2009,
- débouté la société Les 4 Sapins de sa demande d'établissement d'un mandat,
- débouté la société Les 4 Sapins du surplus de ses demandes,
- condamné l'EURL Les 4 Sapins à payer à la société Distribution Casino France la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- réformer ce jugement en ce qu'il a débouté la société Distribution Casino France de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et statuant à nouveau sur ce point,
- condamner la société Les 4 Sapins à payer la somme de 10 000 à la société Distribution Casino France à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
à titre subsidiaire et en toute hypothèse :
- condamner la société Les 4 Sapins à payer la somme de 55 501,54 à la société Distribution Casino France au titre des factures, avoir marchandises et redevances impayés,
outre intérêt à compter de l'assignation en date du 22 avril 2009,
- dire qu'il peut être déduit de cette somme le montant versé par la société Les 4 Sapins au titre du dépôt de garantie, soit 18 750 ,
- constater l'absence de dol imputable à la société Distribution Casino France,
- constater l'absence de manquement de la part de la société Distribution Casino dans la phase précontractuelle,
- dire que la société Distribution Casino France n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats de franchise et de location-gérance conclus avec la société Les 4 Sapins,
- constater que par courrier en date du 5 mars 2008, soit postérieurement à la dénonciation des contrats, la société Les 4 Sapins écrivait, sous la plume de son gérant "mon épouse et moi-même considérons extrêmement positive cette première expérience dans le réseau SPAR",
- débouter la société Les 4 Sapins de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
- condamner la société Les 4 Sapins à payer la somme de 10 000 à la société Distribution Casino France à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société Les 4 Sapins à payer la somme de 10 000 à la société Distribution Casino France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner la société Les 4 Sapins à payer à la société Distribution Casino France, en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, au paiement d'une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'Huissier instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.
Elle soutient la recevabilité de sa demande en paiement, car le risque couvert par l'assurance de groupe souscrite par l'EURL Les 4 Sapins est la défaillance financière et non pas l'abstention volontaire de tout paiement.
Elle souligne que les parties ne s'opposent plus sur le montant du solde impayé qu'elle réclame et qu'aucune contestation n'a été élevée par l'EURL Les 4 Sapins durant l'exécution des contrats.
Concernant le respect de ses obligations durant la période précontractuelle, elle affirme que la nullité prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce n'est pas automatique, et nécessite la démonstration d'un vice du consentement, l'EURL Les 4 Sapins ne rapportant pas la preuve d'un dol.
Elle estime avoir respecté ses obligations contractuelles de franchiseur, tant sur l'état du marché que sur les éléments fournis à l'EURL Les 4 Sapins pour établir son compte prévisionnel.
Elle réplique n'avoir nullement dissimulé de quelconques éléments quant à la consistance du fonds de commerce donné en location-gérance, et avoir exécuté de bonne foi ce contrat comme celui de franchise.
Elle réfute l'argumentation de l'EURL Les 4 Sapins sur une obligation d'installer dans la supérette un dispositif de vidéo-surveillance et met en avant par ailleurs l'absence de justification du préjudice invoqué, ce dernier ne pouvant être constitué par la remise en état des parties, si la nullité revendiquée était prononcée.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'avant d'envisager les effets des conventions passées entre les parties, il est nécessaire liminairement d'examiner les exceptions de nullité soulevées par la société L4S tenant d'une part à l'absence de respect du formalisme inhérent au contrat de franchise et d'autre part au dol concernant tant ce contrat que celui de location-gérance ;
Que le caractère principal du contrat de location-gérance ne peut conduire à éluder cet examen primordial du respect par la société Casino des textes impératifs régissant la franchise ;
Sur le respect des règles régissant le contrat de franchise
Attendu que les textes spécifiques au contrat de franchise, l'article L. 330-3 du Code de commerce renvoyant à l'article R. 330-1, imposent au franchiseur de mettre à disposition du candidat à la franchise un document dit "Document d'Information Précontractuelle au Franchisé" (DIPF) contenant les informations suivantes :
"1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités." ;
Attendu que ces textes n'obligent le franchiseur qu'à fournir tout d'abord qu'un état local du marché, et non pas une étude structurée du marché, qui ressortit de l'initiative du futur franchisé, telle que la société L4S la revendique dans ses écritures ;
Attendu que la page 13 du Document d'Information Préalable comprend des informations sur le marché local, d'autres pages de ce document analysent les tendances majeures en matière de distribution, y compris touchant aux structures de vente, dites de proximité ;
Que l'activité franchisée étant loin d'être nouvelle, les éléments comptables dont la société L4S n'a pas contesté avoir été destinataire sont de loin les meilleurs éléments pour déterminer les facteurs locaux de commercialité et le niveau de concurrence local, alors que s'agissant des perspectives de développement du marché, les documents ci-dessus visés permettaient de satisfaire à cette obligation d'information ;
Attendu que comme les premiers juges l'ont retenu à juste titre, les informations présentes dans ce Document d'Information Préalable étaient suffisantes pour déterminer ces facteurs locaux ;
Qu'aucun élément fourni par l'appelante ne peut établir que ces mentions n'étaient pas sincères ;
Attendu que s'agissant de la fiabilité et de la sincérité du compte prévisionnel d'exploitation, il convient de prendre ici en compte l'existence du contrat de location-gérance qui devait conduire à ce que chacune des parties fournisse ou obtienne les informations nécessaires pour s'entendre sur la chose et sur le prix de cette location ;
Attendu que le compte d'exploitation prévisionnel doit être établi par le franchisé sur la base des informations sincères contenues dans le Document d'Information Préalable, les données fournies par le franchiseur ayant satisfait formellement à ses obligations légales dans le cadre précontractuel de la franchise ;
Qu'il convient d'examiner les vices du consentement invoqués par la société L4S, qui sont, d'ailleurs, seuls de nature à motiver l'annulation du contrat de franchise, et de celui de location-gérance ;
Sur le dol invoqué par la société L4S
Attendu qu'il est constant que le compte d'exploitation prévisionnel fourni par le franchiseur doit être examiné par le franchisé, qui a alors à entamer les démarches nécessaires pour déterminer la rentabilité de l'opération projetée et surtout à formaliser de son côté les contours comptables exacts de son projet ;
Attendu que la société L4S garde la charge de la preuve à la fois du caractère erroné ou trompeur des informations transmises par son cocontractant, et surtout de leur caractère déterminant à son consentement à s'engager dans le contrat de location-gérance, auquel la franchise était par nature attachée ;
Attendu qu'aucune des pièces comptables produites par la société L4S ne permettent de retracer véritablement les résultats comptables antérieurs à son entrée dans les lieux sauf partiellement par sa pièce 18 sur les comptes de la SAS Jopa Invest, précédente franchisée de fonds de commerce, qui faisait état d'un chiffre d'affaire de "janvier 2006 à janvier 2007" de 2 216 485 , à rapprocher du chiffre mentionné sur le compte d'exploitation prévisionnel, sa pièce 1, à hauteur de 2 145 240 ;
Que la période de référence ci-dessus citée peut être interprétée de différentes manières et ne peut être présumée, compte tenu des normes comptables couramment appliquées, qu'elle corresponde à une durée de 13 mois, alors qu'en tenant compte de cette durée, le chiffre d'affaire de l'année 2006 était comme l'a souligné la société Casino de 2 069 815 ;
Attendu que les courbes figurant dans ses pièces 2 et 3 ne sont reliées à aucune donnée comptable chiffrée et ne peuvent dès lors avoir une quelconque valeur probante ;
Attendu que le seul exercice d'une année ne permet pas à la société L4S de faire présumer que les chiffres qu'elle a réalisés sur une période de changement de gérance étaient nécessairement représentatifs du potentiel du point de vente ainsi pris en location-gérance, alors que les chiffres réalisés après la cessation du contrat pour les années 2009 à 2011 sont à prendre en compte en fonction des caractéristiques mêmes de l'activité et de sa rentabilité inhérente ;
Attendu que la société L4S ne fait que procéder par voie d'affirmations concernant le caractère "fantaisiste" du compte d'exploitation prévisionnel et ne fournit nullement les éléments de nature à déterminer les causes effectives du résultat déficitaire qu'elle a enregistré sur cette seule année de location-gérance qu'elle a qualifié auprès de l'administration fiscale d'expérience "extrêmement positive" ;
Que le constat d'huissier dressé à la fin de la gérance (pièce 15 de la société Casino) et les critiques faites par la société Casino sur la rigueur de gestion de la supérette, n'a pas appelé d'observations particulières de l'ancienne gérante, sinon des contestations de principe ;
Attendu que l'appelante ne fournit nullement la preuve de ce que les éléments dont elle a disposé pour s'engager comme locataire-gérante étaient erronés, à la suite d'une manœuvre dolosive intentionnelle de la société Casino, mais encore moins que les informations ainsi obtenues l'aient déterminée à contracter, compte tenu de l'obligation générale de vigilance qui lui imposait de préparer un projet d'exécution de cette gérance (notamment sur la gestion des ressources humaines sur le nombre de salariés et sur l'exécution concrète de la franchise) l'amenant à discerner personnellement ses propres perspectives de rentabilité ;
Attendu que s'agissant de la "spécificité de la clientèle" de la supérette, aucun élément concret ne vient la consacrer, les pièces 14 ne faisant foi que d'actes délictueux subis sur la période de gérance, sans autre information sur le caractère habituel ou exceptionnel de cette délinquance avant la signature des contrats ;
Attendu que ces exceptions de nullité devant être rejetées, la décision entreprise doit être confirmée sur ce point comme sur le rejet des demandes indemnitaires pour cette responsabilité pré-contractuelle, en l'absence de démonstration d'une quelconque faute ;
Sur la bonne foi contractuelle durant l'exécution des contrats de location-gérance et de franchise
Attendu que la société L4S ne peut invoquer une quelconque norme légale de sécurité, une quelconque clause du contrat de location-gérance, ni même une demande qu'elle aurait formulée dans les négociations pré-contractuelles sur l'installation d'un dispositif de vidéo-surveillance ;
Attendu que l'obligation de délivrance régie par les articles 1719 et 1720 du Code civil, en l'état de cette absence de toute nécessité légale ou contractuelle en ce sens, ne peut pas plus conduire à obliger le bailleur à procéder à une telle installation, même en cas de demande d'insistante de sa locataire ;
Attendu que la question de la "démarque inconnue", apparaissant comme correspondant à la sinistralité vol subie par la supérette, suppose pour tenter de caractériser une mauvaise foi contractuelle que la société L4S établisse que le locataire-gérant suivant, comme elle l'affirme, n'a pas eu à la subir, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Attendu que s'agissant de l'obligation d'assistance du franchiseur invoquée par la société L4S, à concilier avec le principe de non-immixtion, il lui appartient également de faire la preuve de son absence d'exécution, en produisant par exemple des courriers par lesquels elle aurait sollicité son cocontractant sur le succès de la franchise ou appelé son intervention en application de ses clauses contractuelles ;
Qu'en dehors du courrier portant sur le dispositif de vidéo-surveillance, la société L4S ne produit aucun courrier envoyé à la société Casino durant la période d'effectivité de la franchise ;
Attendu que l'absence de toute critique sur les techniques de gestion ne peut correspondre à une quelconque violation de l'obligation d'assistance, le franchisé ne pouvant exiger, et d'ailleurs même supporter, une telle immixtion non sollicitée dans ses pouvoirs directs de gestion de son entreprise ;
Attendu qu'une confirmation doit également être prononcée sur le débouté de toutes les demandes de la société L4S au titre de l'exécution des contrats liant les parties ;
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la société Casino
Attendu que la société L4S se prévaut d'une assurance de groupe à laquelle elle avait souscrit en même temps que le contrat de franchise en son annexe n° 4 intitulée "garanties données par le franchisé" une "garantie spécifique couvrant les risques d'exploitation", stipulant en sa clause "champ de couverture de la garantie" :
"La couverture de la garantie porte sur l'ensemble des sommes qui peuvent ou pourraient être dues par le Franchisé au Franchiseur et notamment :
- le paiement des marchandises et emballages
- le paiement des redevances enseigne et publicité dues au titre de l'article 9 du présent contrat
- le paiement des coûts d'interventions prévues à l'article 6-7 du présent contrat
- le paiement des locations caisse L.O. et outil de commande dont le franchisé pourrait être redevable au titre de l'avenant informatique
- le paiement des loyers de redevances de location-gérance éventuelles." ;
Attendu que cette garantie suppose par essence la réalisation d'un risque pour le franchiseur, l'assurance ne pouvant exister sans aléa, tenant non pas au refus de paiement manifesté par le franchisé pas à sa défaillance, le terme "risques d'exploitation" étant sans équivoque ;
Que la société Casino n'est nullement contestée comme étant la seule bénéficiaire de cette garantie, alors même que l'existence d'une assurance couvrant une partie qui se prévaut d'un préjudice n'a pas pour effet de rendre irrecevable son action contre la personne qu'elle estime responsable de son dommage ;
Attendu que la société Casino ne peut par ailleurs être tenue à rapporter la preuve d'un fait négatif, en l'espèce l'absence de mobilisation de cette garantie alors qu'elle ne peut l'être sans démonstration de ce que les impayés réclamés par la société Casino sont consécutifs à son incapacité à les supporter ;
Que la société L4S ne tente même pas de faire cette preuve, notamment en produisant ses bilans ultérieurs, aucune précision n'étant apportée sur son activité actuelle, l'attestation bien lapidaire de son gérant étant sans valeur probante réelle, alors même que si cette société était "en sommeil" et sans actif, il lui était aisé d'en justifier et de tenter ainsi d'échapper au paiement des sommes qui lui sont réclamées ;
Sur la demande en paiement de la société Casino
Attendu que la société L4S, qui a succombé à établir les fautes de la société Casino, ne peut être suivie en son argumentation sur les causes effectives de l'absence de paiement des factures réclamées, qui ne sont nullement causées par une quelconque faute de gestion, mais uniquement par l'application des contrats liant les parties, et particulièrement celui de franchise ;
Que la demande indemnitaire formée par la société L4S pour être déchargée du paiement des factures, dont elle ne conteste en réalité qu'une partie sur le montant rejeté par les premiers juges et non réclamé en appel par la société Casino, sans pour autant que ces contestations soient étayées par un argumentaire ou des pièces pertinentes, ne pouvait qu'être rejetée, une confirmation s'imposant également de ce chef ;
Attendu que s'agissant du montant réclamé par la société Casino, identique à celui arbitré en première instance, du fait d'une convergence totale des parties, une confirmation doit être prononcée sur le quantum de la condamnation imposé à l'appelante ;
Sur la demande de mandat faite par la société L4S à l'égard de la société Casino
Attendu que la société L4S ne donne pas un quelconque fondement juridique à ce chef de réclamation, étant souligné que les mécanismes de l'assurance de groupe ne nécessitent nullement qu'une quelconque autorisation soit donnée par le bénéficiaire pour que la partie qui estime réunies les conditions de cette garantie puisse agir contre l'assureur ;
Que concernant sa réclamation tendant à la fourniture par la société Casino des coordonnées de l'assureur pour lui permettre d'agir, elle ne justifie pas que son adversaire se soit opposé à lui donner ces informations ;
Que le débouté prononcé en première instance doit être également confirmé ;
Qu'au surplus la réclamation au titre d'un remboursement des cotisations d'assurance versées ne pouvait être accueillie, en l'état de la carence probatoire et des termes mêmes des conventions liant les parties ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Attendu que les premiers juges ont relevé à juste titre que les arguments opposés par la société L4S aux demandes en paiement de la société Casino nécessitaient d'être tranchés et qu'aucun abus dans la résistance au paiement ne pouvait ainsi être caractérisé ;
Que la confirmation s'impose également de ce chef ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que la société L4S succombe totalement en son appel et doit en supporter les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Que l'équité commande de décharger la société Casino des frais irrépétibles engagés dans cet appel et de condamner la société L4S à lui verser une indemnité de 3 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de la société L4S, en cas d'exécution forcée de la décision, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001 que ce texte met expressément à la charge exclusive du créancier ;
Par ces motifs : LA COUR, Vu les conclusions récapitulatives déposées par les parties, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne l'EURL Les 4 Sapins à verser à la SA Distribution Casino France une indemnité de 3 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel, Condamne l'EURL Les 4 Sapins aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.