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Décisions

Cass. com., 10 septembre 2013, n° 12-21.804

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour hypermarchés (SAS)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer

Cass. com. n° 12-21.804

10 septembre 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi (le ministre de l'Economie) a assigné la société Carrefour hypermarchés devant le tribunal de commerce en application des dispositions des articles L. 442-6-III et L. 470-5 du Code de commerce, en nullité de la clause relative à la rémunération de services distincts de ceux favorisant la commercialisation des produits des fournisseurs et visés dans les accords de partenariat conclus en décembre 2005 et février 2006 par la société Carrefour hypermarchés avec les sociétés La Bresse, Rana, Sacla Italia, Malongo, Papeterie Hamelin, Walchli, Valade, Coudène, MHP production, La Toque angevine, Ederki, Les Salaisons pyrénéennes, Agis, Conserves de Provence, La Fournée dorée et Arnaud (les fournisseurs), en restitution des sommes trop perçues et en paiement d'une amende civile ; que la société Carrefour hypermarchés a soulevé l'irrecevabilité des demandes et demandé subsidiairement leur rejet ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen d'annulation :- Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l'arrêt d'avoir statué après avoir délibéré dans une formation composée de Mme Perrin, Mme Pomonti et Mme Luc, conseillère désignée par ordonnance du premier président de la cour d'appel en vertu de l'article R. 312-3 du Code de l'organisation judiciaire, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que ne répond pas à cette exigence le tribunal composé par des magistrats qui ont déjà eu à prendre parti par le passé, dans le cadre d'un autre litige, sur la licéité de contrats sur lesquels elle est appelée à se prononcer dans le cadre d'un nouveau litige auquel ces mêmes contrats donnent lieu ; que Mme Luc a été appelée, lorsqu'elle était détachée au Conseil de la concurrence, à apprécier la licéité des accords de partenariat en cause dans le présent litige et s'était expressément prononcée, au terme de son instruction, en faveur de l'illicéité de ces conventions en rédigeant une assignation qui devait être délivrée à la société Carrefour ; que dès lors, en se prononçant sur la licéité des mêmes accords de partenariat litigieux au terme d'un délibéré auquel Mme Luc avait participé, ce qui était de nature à faire peser un doute légitime, dans l'esprit du justiciable, sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1er de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 430, alinéa 2, du Code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction, dont les parties avaient la possibilité d'avoir connaissance, doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office, et qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions, qu'une telle contestation ait été soulevée devant les juges du fond ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches : - Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à faire juger irrecevable l'action du ministre en tant qu'elle était dirigée à son encontre, alors, selon le moyen : 1°) qu'une demande tendant à obtenir la nullité d'un acte et la condamnation d'une partie à l'instance à payer à l'une des parties à l'acte diverses sommes en conséquence de la nullité est irrecevable faute d'avoir été faite à l'encontre des autres parties à l'acte, tiers à l'instance, dans les formes prévues par l'article 68, alinéa 2, du Code de procédure civile ; qu'en prononçant néanmoins la nullité de clauses stipulées dans des accords de partenariat conclus avec des fournisseurs et en ordonnant la restitution à ces derniers des sommes perçues en exécution de ces clauses, en l'absence à l'instance des signataires des actes - tant fournisseurs que centrales de référencement -, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I-2° a) devenu L. 442-6 I 1°) et L. 442-6 III du Code de commerce ; 2°) que la recevabilité de l'action du ministre de l'Economie fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 III du Code de commerce est subordonnée à l'information des parties à l'acte dont il poursuit l'annulation, en son entier ou en certaines de ses stipulations ; qu'en recevant néanmoins l'action du ministre et en prononçant la nullité des clauses de rémunération stipulées dans seize accords de partenariat conclus entre les sociétés Interdis ou Carrefour hypermarchés France d'une part et seize fournisseurs d'autre part, sans constater tout d'abord que la société Carrefour hypermarchés était seule partie à ces actes, à l'exclusion des sociétés Interdis et Carrefour hypermarchés France signataires des accords pour leur compte "et/ou" pour le compte de sociétés exploitant un magasin à enseigne Carrefour, ni constater ensuite que les signataires Interdis ou, selon le cas, Carrefour hypermarchés France avaient été informées de la procédure initiée par le ministre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ; 3°) que les accords de partenariat litigieux stipulaient que chaque société de référencement signataire agissait "pour son compte et/ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne (cocher les enseignes concernées) : O Carrefour O Champion O Marché plus O Ed O Shopi O 8 à 8 O Proxi O Carautoroute O Promocash O Ooshop O Tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour", ce dont il résultait d'une part, que la société de référencement demeurait partie à l'acte, fût-ce aux côtés d'une autre société du groupe Carrefour et, d'autre part, que les entités exploitant des magasins à enseigne Carrefour n'étaient concernées qu'à la condition que la case correspondante ait été cochée ; qu'en énonçant que l'entité signataire "est, dans tous les cas stipulée agir "pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique exploitant un magasin à enseigne : Carrefour, Champion, Marché plus, Ed, Shopi, 8 à huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour", ce dont il résulte, d'une part, que la qualité de partie ne pouvait qu'être alternativement reconnue à la société de référencement ou à l'entité exploitant un magasin et, d'autre part, que toutes les entités exploitant toutes les enseignes du groupe pouvaient être réputées parties à l'acte, la cour d'appel a dénaturé les accords de partenariat litigieux, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 4°) qu'un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l'article L. 442-6 I du Code de commerce et qui n'est pas davantage l'accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l'Economie en vue du prononcé d'une amende et de la "restitution" des sommes versées qu'à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l'exécution de l'acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d'obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu'en statuant ainsi, aux motifs inopérants selon lesquels d'une part "le groupe Carrefour est une véritable nébuleuse" dont plusieurs sociétés sont domiciliées à la même adresse et aux termes desquels, d'autre part, la société Carrefour hypermarchés a la qualité de défendeur sérieux au litige et a un intérêt direct à la signature des contrats de partenariat litigieux la cour d'appel n'a pas également justifié sa décision au regard de l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; 5°) qu'un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l'article L. 442-6 I du Code de commerce et qui n'est pas davantage l'accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l'Economie en vue du prononcé d'une amende et de la "restitution" des sommes versées qu'à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l'exécution de l'acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d'obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu'en retenant que le modèle de contrat des accords de partenariat aurait été mis à la disposition des sociétés de référencement signataires par la société Carrefour hypermarchés, sans préciser sur quel élément elle fondait cette assertion reprise d'une simple affirmation dans les conclusions du ministre, la cour d'appel a de nouveau entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; 6°) qu'un commerçant, tiers à un accord commercial jugé méconnaître l'article L. 442-6 I du Code de commerce et qui n'est pas davantage l'accipiens des sommes versées en exécution du contrat litigieux ne peut être recherché par le ministre de l'Economie en vue du prononcé d'une amende et de la "restitution" des sommes versées qu'à la condition que puisse lui être imputée une intervention dans la conclusion ou l'exécution de l'acte en vertu de laquelle il aurait obtenu ou tenté d'obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu'il en résulte que l'illicéité de l'objet de l'intervention suppose que soient mis en regard le service proposé ou rendu et la contrepartie attendue ; qu'en retenant que la mise à disposition des sociétés de référencement, à la supposer avérée, d'un modèle de contrat énumérant les services proposés aux fournisseurs pouvait fonder la condamnation de la société Carrefour hypermarchés au titre de l'infraction susvisée, bien que ce modèle ne comportait aucune mention quant à la contrepartie attendue qui était différente d'un fournisseur à l'autre du propre aveu de la cour d'appel, cette dernière n'a pas caractérisé le fait imputable la société Carrefour hypermarchés par lequel elle aurait obtenu ou tenté d'obtenir de son partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, violant ainsi l'article L. 442-6 I 2°) a) devenu L. 442-6 I 1°) du Code de commerce ; 7°) que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant que "la SAS Carrefour hypermarchés a bien volontairement exécuté les contrats litigieux, ce qu'elle ne conteste pas et ne peut pas contester" quand ni le ministre, ni la société Carrefour hypermarchés n'avaient prétendu que cette dernière avait exécuté les contrats litigieux, la cour d'appel s'est ainsi déterminée sur la base d'un fait qui n'était pas dans le débat, violant ainsi les article 7 et 16 du Code de procédure civile ; 8°) que la cour d'appel a constaté qu'à l'exception de sept factures, les paiements des contrats devaient être effectués auprès de l'entité CRF Carrefour et que les contrats étaient gérés par la société Carrefour administratif France, ce dont pouvait éventuellement résulter une gestion centralisée des contrats, mais pas au sein de la société Carrefour hypermarchés ; qu'en en déduisant néanmoins l'implication de la société Carrefour hypermarchés dans la conclusion ou l'exécution des contrats litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 442-6 I 2°) a) devenu L. 442-6 I 1°) et L. 442-6 III du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que par décision du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l'action engagée par le ministre de l'Economie sur le fondement de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, sous la seule réserve que les parties au contrat soient informées de l'introduction de l'action, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les seize fournisseurs en cause ont été effectivement informés de l'introduction par le ministre d'une action en justice contre la société Carrefour hypermarchés, que celle-ci, qui a pour activité l'exploitation d'hypermarchés sur le territoire français et exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs, est la principale structure opérationnelle du groupe Carrefour sur le territoire français et que, quelle que soit l'entité signataire des accords de partenariat litigieux, cette entité est dans tous les cas stipulée agir "pour son compte ou pour le compte de toute entité juridique en France exploitant un magasin à enseigne Carrefour, Champion, Marché plus, Ed, Shopi, 8 à Huit, Proxi, Carautoroute, Promocash, Ooshop, tout site Internet Carrefour ou toute autre enseigne exploitée par le groupe Carrefour ou un entrepôt dédié au groupe Carrefour" ; qu'ayant ainsi fait ressortir, sans dénaturation, que la société Carrefour hypermarchés avait la qualité de partie aux contrats litigieux signés pour son compte, ce dont il résultait que l'action engagée par le ministre de l'Economie à son encontre était recevable, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième, cinquième et huitième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que le grief de la sixième branche, qui porte sur le bien-fondé de l'action engagée par le ministre de l'Economie à l'encontre de la société Carrefour hypermarchés, est sans portée sur la recevabilité de cette action seule critiquée par le moyen ;

Et attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient par motifs adoptés que la société Carrefour hypermarchés, qui a pour activité l'exploitation d'hypermarchés sur le territoire français, exécute pour sa part les accords commerciaux et de partenariat avec ses fournisseurs, ce dont il résulte que le fait tenant à l'exécution par la société Carrefour hypermarchés des contrats litigieux était dans le débat porté devant la cour d'appel ; que le moyen manque en fait ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses quatrième, cinquième, septième et huitième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes relatives à l'application des dispositions des articles L. 442-6, I, 2° devenu L. 442-6, I, 1° et L. 442-6, III du Code de commerce et, en conséquence, d'avoir jugé qu'elle avait obtenu en application des accords de partenariat conclus avec les fournisseurs des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus, ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, au sens de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce, de l'avoir condamnée à une amende civile, d'avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les seize fournisseurs susnommés des services litigieux et d'avoir ordonné la répétition de l'indu, alors, selon le moyen : 1°) que constitue une infraction pénale la violation d'une prescription légale proscrivant de manière générale la commission de faits fautifs précisément définis, sous peine d'une sanction ayant le caractère d'une punition visant à empêcher la réitération d'agissements semblables ; que la poursuite d'une telle infraction suppose le respect du principe de personnalité des délits et des peines au bénéfice de la personne poursuivie ; qu'en refusant de contrôler le respect de ce principe au bénéfice de la société Carrefour hypermarchés, au motif que les faits pour lesquels celle-ci était poursuivie et consistant à avoir obtenu ou tenté d'obtenir de fournisseurs un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné ne constituait pas une infraction pénale, tandis que la violation de cette prohibition de portée générale relative à des pratiques précisément définies sanctionnée par une peine d'amende pouvant atteindre 2 millions d'euros est constitutive d'une infraction pénale, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I et III du Code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 121-2 du Code pénal ; 2°) que sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la société, l'autonomie de la personne juridique fait obstacle à ce qu'une personne morale ait à répondre sur son patrimoine des faits d'une autre personne morale du même groupe à ce seul motif ; qu'en condamnant néanmoins la société Carrefour hypermarchés au paiement d'une amende du fait de contrats qui, selon ses propres constatations, avaient été "signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, jouissant chacune de la personnalité morale", ce qui excluait toute fictivité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une confusion entre le patrimoine de la société Carrefour hypermarchés et ceux des autres filiales, laquelle pouvait seule justifier la condamnation de cette société au paiement d'une amende pour des faits concernant plusieurs personnes morales, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I et III du Code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'abord, que la société Carrefour hypermarchés ne nie pas exploiter des magasins pour lesquels elle met en œuvre des accords commerciaux et de partenariat avec les fournisseurs concernés par la présente procédure et qu'elle a bien, au minimum, exécuté les contrats litigieux qui ont été très explicitement conclus pour son compte ; qu'il relève, ensuite, que si les accords de partenariat litigieux sont conclus par les fournisseurs concernés avec deux des centrales de référencement du groupe Carrefour, leur conclusion relève d'une politique élaborée et coordonnée au niveau du groupe Carrefour et en particulier de sa principale structure opérationnelle sur le territoire français la société Carrefour hypermarchés, que ces contrats signés par deux filiales distinctes du groupe Carrefour, reprennent exactement la même trame et les mêmes clauses que l'accord de partenariat soumis par le groupe Carrefour à l'ensemble de ses fournisseurs, que les deux centrales de référencement n'ont aucune marge de manœuvre quant à la définition des services proposés aux fournisseurs, coopération commerciale ou services distincts, ces prestations étant toujours définies par la société Carrefour hypermarchés dans leur contenu, qu'enfin c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Carrefour hypermarchés, société exploitante, pour le compte de laquelle les contrats de partenariat ont été explicitement signés, et qui en assure l'exécution ainsi que celle des contrats commerciaux dont ils sont indissociables, ne saurait se dire étrangère aux contrats de partenariat ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la société Carrefour hypermarchés avait personnellement pris part aux pratiques litigieuses, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à une amende civile, d'avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les fournisseurs des services litigieux et d'avoir ordonné la répétition de l'indu, alors, selon le moyen : 1°) que la possibilité offerte au juge par l'article L. 442-6 III du Code de commerce d'annuler les clauses ou contrats illicites ne le dispense pas d'examiner si l'indivisibilité stipulée entre le contrat en cause et un autre contrat avec lequel il forme une opération économique unique ne justifie pas de prononcer la nullité du contrat en son entier ainsi que celle du contrat auquel il est lié ; qu'en se contentant d'affirmer que la stipulation d'indivisibilité ne pouvait faire obstacle à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce compte tenu de la nature d'ordre public de ce texte, sans rechercher plutôt, comme elle y était invitée, si cette stipulation d'indivisibilité, que la société Carrefour hypermarchés n'opposait pas à l'application de l'article L. 442-6, ne justifiait pas de refuser l'annulation de la clause de prix ou de prononcer l'annulation du contrat en son entier et du contrat qui lui était indivisible, afin d'éviter une révision du prix et le maintien sans contrepartie d'obligations à la charge des sociétés du groupe Carrefour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 III du Code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce ; 2°) que le principe de la liberté contractuelle et le respect dû aux biens font obstacle à ce que le juge impose à une partie d'exécuter sans contrepartie des obligations au profit d'une autre ; qu'en prononçant la nullité des clauses de rémunération des accords de partenariat ayant pour objets le "plan d'action par famille de produits" et le "plan de développement des performances du fournisseur", tout en laissant intact le reste de chaque contrat mettant à la charge du distributeur des obligations dont la cour d'appel a constaté qu'elles n'étaient pas inexistantes, même si la contrepartie convenue était jugée trop élevée, les juges du second degré ont ainsi imposé au débiteur de ces obligations leur exécution sans contrepartie, violant par là-même les principes susvisés, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel ; 3°) que la revente par un commerçant d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif établi par le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006 et de 15 % à compter du 1er janvier 2007, constituait une revente à perte prohibée et punie d'une amende de 75 000 euros ; que la remise en cause des avantages financiers consentis par le vendeur, dont le coût minorait le prix d'achat effectif peut avoir pour effet de porter ce prix à une somme supérieure au prix de revente, celle-ci étant alors effectuée à perte ; qu'en décidant, en l'espèce, de la nullité de la seule clause de rémunération des services fournis par les sociétés du groupe Carrefour et en ordonnant la restitution intégrale des sommes correspondant à cette rémunération, la cour d'appel a fait augmenter le prix d'achat effectif qui n'était plus minoré par le coût d'aucun avantage financier ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la remise en cause de cette minoration du prix d'achat effectif ne conduisait pas à une augmentation de ce prix telle que celui-ci excédait le prix de revente, plaçant ainsi les sociétés du groupe Carrefour dans une situation de revente à perte, pourtant prohibée et sanctionnée par une amende de 75 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-2 et L. 442-6 I et III du Code de commerce, en leur rédaction applicable en l'espèce ; 4°) que le contrat se forme par la rencontre de volontés des parties, lesquelles ne sont pas tenues de contracter à leur détriment ; qu'en justifiant la nullité des seules clauses fixant la rémunération des services rendus aux fournisseurs, augmentant ainsi la marge bénéficiaire de ces derniers, par le fait que ces derniers avaient des difficultés à obtenir le référencement de leurs produits et par l'impossibilité dans laquelle ceux-ci se seraient trouvés de compenser cette rémunération de services par une hausse de leurs tarifs au moment de contracter, lorsque si l'opération économique proposée initialement ne présentait aucun avantage pour eux, les fournisseurs avaient toute liberté pour refuser de contracter, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, la privant ainsi de base légale au regard du principe de liberté contractuelle, ensemble les articles 1108 et 1134 du Code civil ; 5°) que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que l'intérêt économique ayant une valeur patrimoniale compte au nombre de ces biens ; qu'en prononçant la nullité d'une clause de prix d'un contrat de coopération commerciale, sans remettre en cause les obligations du distributeur résultant du contrat dans son ensemble et du contrat de vente auquel la coopération commerciale est liée, le juge prive le distributeur de son intérêt économique résultant de la marge bénéficiaire qu'il aurait réalisé dans cette opération économique ; que le juge porte ainsi atteinte au droit au respect des biens de ce distributeur ; qu'au cas d'espèce, en décidant de la nullité de la clause de prix et en affectant ainsi l'ensemble de l'opération économique liant les sociétés du groupe Carrefour aux fournisseurs par la privation de la marge bénéficiaire que ces sociétés pouvaient attendre de l'opération, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I et III du Code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme ; 6°) qu'à supposer même que l'atteinte au respect des biens de la société Carrefour hypermarchés soit justifiée par le fait que la restitution intégrale du prix de la coopération commerciale a été ordonnée à titre de sanction, la cour d'appel a sanctionné la société Carrefour hypermarchés en mettant à sa charge à la fois la restitution de la totalité du prix versé par les fournisseurs et le paiement d'une amende de deux millions d'euros, ce qui était sans proportion avec l'infraction retenue ; qu'elle a ainsi violé l'article L. 442-6 III du Code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble le principe de proportionnalité des peines et l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que l'indivisibilité de l'accord commercial et du contrat de partenariat, concrétisée par l'article 3-3 de cet accord, prouvait seulement que les fournisseurs n'étaient pas libres de souscrire ou de ne pas souscrire l'accord de partenariat, la cour d'appel a procédé à la recherche visée par la première branche ;

Attendu, en deuxième lieu, que dans ses conclusions d'appel, la société Carrefour hypermarchés ne se prévalait pas de ce que l'annulation demandée par le ministre de l'Economie, des seules clauses de rémunération des services de coopération commerciale en cause, aurait pour conséquence d'imposer au distributeur l'exécution de ses obligations sans contrepartie ; que le moyen, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu que l'ensemble des services en cause ne constituait qu'un habillage ne recouvrant aucune réalité économique, sinon la volonté de fausser les prix de transaction et le seuil de revente à perte, faisant ainsi ressortir l'illicéité des clauses de rémunération de ces services, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'après avoir énoncé que l'article L. 442-6, III du Code de commerce prévoit expressément que le ministre de l'Economie, pour toutes les pratiques illicites visées par l'article L. 442-6, peut faire constater par la juridiction saisie la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu, et qu'il dispose ainsi, en tant que défenseur de l'ordre public économique, d'une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui vise à sanctionner de façon suffisamment dissuasive la commission de pratiques abusives portant atteinte à la loyauté des relations commerciales au détriment de l'un des partenaires commerciaux, et relevé qu'il est illusoire de considérer que les PME, confrontées à des difficultés croissantes pour obtenir le référencement de leurs produits par les distributeurs, en particulier pour celles commercialisant leurs produits sous marques propres, peuvent revoir leurs tarifs à la hausse pour compenser les demandes de rémunérations abusives de services auxquelles elles se trouvent confrontées de la part des distributeurs, la cour d'appel a pu retenir qu'il y avait lieu de faire droit à la demande du ministre de l'Economie tendant à l'annulation des seules clauses fixant la rémunération des services litigieux, sans pour autant remettre en cause l'ensemble de l'accord voulu par les parties ;

Et attendu, en cinquième lieu, que les restitutions étant prononcées par le juge en réparation du préjudice subi et non à titre de sanction, sont inopérants les griefs pris du caractère disproportionné de la sanction et de l'atteinte au droit de propriété de la personne condamnée ; d'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa deuxième branche et ne peut être accueilli en ses première, cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que la société Carrefour hypermarchés fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des clauses fixant la rémunération pour les fournisseurs des services litigieux et de l'avoir, en conséquence condamnée à leur payer diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) seul peut être tenu à restitution celui qui a reçu le paiement indu ; que la cour d'appel a constaté que la société Carrefour hypermarchés n'était l'émetteur, et l'accipiens de sommes correspondantes, que pour sept des factures émises au titre des accords de partenariat litigieux, dont le montant total s'établissait à la somme de 2 413 756,59 euros, ce dont il résultait que la condamnation de la société Carrefour hypermarchés ne pouvait, en toute hypothèse, excéder cette somme ; qu'en condamnant néanmoins la société Carrefour hypermarchés à "restituer" aux fournisseurs l'intégralité des sommes qu'ils avaient versées en exécution des accords de partenariat, peu important la personne de l'accipiens, pour un montant de plus de 17 000 000 euros que la société Carrefour hypermarchés n'avait pas perçus, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 442-6 III du Code de commerce, 1235 du Code civil et 1er du Premier protocole additionnel ; 2°) que la société Carrefour hypermarchés faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que certains des accords de partenariat en cause étaient également réputés conclus pour le compte d'entités exploitant des magasins sous d'autres enseignes, de telle sorte qu'elle ne pouvait être seule condamnée à "restituer" l'intégralité des sommes versées par les fournisseurs en exécution des accords de partenariat et qu'elle n'avait personnellement pas perçues ; qu'en se dispensant d'apporter une réponse à ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant par une appréciation souveraine des pièces et éléments de preuve, retenu que la société Carrefour hypermarchés avait personnellement participé à toutes les pratiques illicites en cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 442-6, III du Code de commerce, ensemble les articles 1235 et 1376 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Carrefour hypermarchés à restituer aux fournisseurs l'intégralité des sommes versées au titre des clauses de rémunération annulées, l'arrêt retient que la réparation du trouble passe par la restitution aux fournisseurs des sommes indûment versées ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que seules les sommes versées au titre du service "communication d'un plan d'implantation des produits par type de magasin" ne correspondaient à aucun service commercial rendu, cependant que les sommes facturées en contrepartie des services "plan d'action par famille de produits" et "plan de développement des performances du fournisseur" étaient manifestement disproportionnées par rapport à la valeur du service rendu, ce dont il résultait que s'agissant de ces derniers, seules devaient être remboursées les sommes excédant la valeur réelle des services dont l'arrêt constatait qu'ils avaient été effectivement rendus, fussent-ils sans proportion avec la valeur réelle de ces services, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a ordonné la répétition de l'indu, par le paiement entre les mains du Trésor public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat, soit : à la société La Bresse la somme de 83 606,15 euros, à la société Rana la somme de 2 830 965,80 euros, à la société Sacla Italia la somme de 1 004 340,45 euros, à la société Malongo la somme de 2 103 939,45 euros, à la société Papeterie Hamelin, la somme de 1 606 629,04 euros, à la société Walchli, la somme de 127 448,07 euros, à la société Valade la somme de 317 826,44 euros, à la société Coudène la somme de 162 882,26 euros, à la société MHP production la somme de 157 118,80 euros, à la société La Toque angevine la somme de 1 695 832,50 euros, à la société Ederli la somme de 585 011,70 euros, à la société Les Salaisons pyrénéennes la somme de 46 673,10 euros, à la société Agis la somme de 1 638 517,16 euros, à la société Conserves de Provence la somme de 3 039 756,97 euros, à la société La Fournée dorée la somme de 913 265,44 euros, à la société Arnaud la somme de 879 947,14 euros, l'arrêt rendu le 2 février 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.