CA Lyon, 3e ch. A, 5 septembre 2013, n° 12-01834
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chevassus-Marche
Défendeur :
Benon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Aguiraud Nouvellet, SCP Tudela, Associés, Mes Janin, Dez
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Un contrat d'agent commercial a été signé le 17 septembre 1990 entre Bernard Chevassus-Marche et la société Toscano dont le siège était à Pont d'Ain. La société Toscano a été acquise par la société Benon, puis la société Urbania a fait l'acquisition de 100 % des actions de la société Benon en mai 2008. Le nouveau dirigeant de la société Benon SAS a rencontré Bernard Chevassus-Marche le 20 octobre 2008 puis le 7 mai 2009.
Le 16 septembre 2009, Monsieur Bernard Chevassus-Marche a fait connaître à la société Urbania une proposition d'indemnité "dans le cadre d'une évidente rupture du contrat d'agent commercial de votre fait". Par courrier du 22 octobre 2009, la société Urbania a répondu au caractère "déraisonnable" de la demande formulée tout en précisant qu'elle n'était pas hostile "sur le principe de trouver un accord qui consacrerait le terme de nos relations."
Aucun accord n'ayant été formalisé, Bernard Chevassus-Marche a assigné, par acte du 8 avril 2010, la société Benon devant la juridiction consulaire.
Le 16 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
- constaté que la société Benon n'a pas manqué à ses obligations contractuelles et n'a pas entravé l'activité de Bernard Chevassus-Marche,
- jugé que la résiliation du contrat d'agent commercial n'était pas aux torts de la société Benon,
- débouté Bernard Chevassus-Marche de ses demandes en paiement des sommes de :
> 32 356,80 euro à titre d'indemnité de rupture, sous astreinte de 150 euro par jour de retard,
> 106 600 euro à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier pour perte de chiffre d'affaires entre 2005 et 2009,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Bernard Chevassus-Marche à payer :
> à la société Benon la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts, et celle de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
> ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 8 mars 2012, Bernard Chevassus-Marche a fait appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est du 12 mars 2013.
Dans ses dernières écritures, du 11 octobre 2012, Bernard Chevassus-Marche demande :
- Réformer le jugement entrepris,
- Constater que la société Benon SAS a entravé l'activité de son agent commercial en ne lui fournissant pas les conditions nécessaires pour l'exercice de son activité,
- Constater que la société Benon SAS a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de son agent commercial en ne lui fournissant pas les conditions nécessaires pour l'exercice de son activité telle que prévue au contrat,
- Prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de la société Benon SAS,
- Condamner la société Benon SAS à lui verser la somme de 32 356,80 euro TTC à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial sous astreinte définitive de 150 euro par jour de retard,
- Condamner la société Benon SAS à lui verser la somme de 106 660 euro au titre de son préjudice financier pour perte de chiffre d'affaires entre 2005 et 2009,
- Dire et juger que la demande de résiliation du contrat sans indemnité de la société Benon SAS est irrecevable en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel,
- Débouter la société Benon SAS de l'ensemble de ses prétentions,
- Condamner la société Benon SAS au paiement d'une somme de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance avec distraction de ceux d'appel.
Il fait notamment valoir que :
- La société Benon s'est engagée à lui fournir un bureau dans son agence de Pont d'Ain, Ainsi que toutes facilités de téléphone, secrétariat, puis a progressivement procédé à la suppression de ces contreparties contractuellement prévues : en décembre 2009, la société Benon a résilié le bail portant sur le local situé 15 rue du 1er septembre à Pont d'Ain, dans lequel il disposait d'un bureau, le contraignant ainsi à restituer ses clés. Puis la société Benon a résilié le bail concernant le local attenant de l'agence avec effet au 1er mai 2011, de sorte qu'à compter de cette date, il n'a plus disposé de moyen de recevoir ses clients. La société Benon ne dispose plus de secrétaire présente en permanence à son agence de Pont d'Ain depuis 2006 et avec la fermeture définitive de l'agence de Pont d'Ain au 1er mai 2011, le secrétariat a définitivement disparu.
- le local qui était "mis à disposition'' de Monsieur Chevassus-Marche jusqu'à la résiliation du bail était dans un état insalubre rendant son usage impossible.
- Bernard Chevassus-Marche ne bénéficie plus d'aucune documentation ni d'imprimés pour les différents mandats, pour les bons de visite ou pour les compromis de vente...
- La société Benon a mis des obstacles à l'exécution du contrat.
Pour sa part, la SAS Benon, dans ses dernières conclusions du 4 janvier 2013, demande de :
- Enjoindre Bernard Chevassus-Marche de s'expliquer sur le versement d'une pension de retraite en 2011,
- Dire et juger que la SAS Benon n'a commis aucune faute dans l'exécution du mandat,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Constater que Bernard Chevassus-Marche a pris l'initiative de la cessation du contrat d'agent commercial au 31 décembre 2010 en cessant définitivement toute activité depuis cette date,
- Constater en toute hypothèse, que la cessation de toute activité depuis le 1er janvier 2009 constitue une faute grave au sens du contrat et de l'article L. 134-13-1 du Code de commerce,
- Dire et juger en conséquence que Bernard Chevassus-Marche n'a droit à aucune indemnisation de quelque nature au titre de l'exécution et de la cessation du contrat,
- Condamner Bernard Chevassus-Marche à lui payer la somme de 6 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Le condamner aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction de ces derniers.
Elle expose notamment que :
- La société Benon a comme seule obligation de mettre à disposition de l'agent un local meublé, si l'agent souhaite disposer d'un local, local où il peut disposer du téléphone, de la documentation, de la papeterie, de la photocopieuse et du secrétariat.
- A compter du 1er février 1998, la société Benon a réaménagé les locaux, réalisé des travaux, de sorte que bureaux et secrétariat se sont trouvés installés au numéro 17, le local du numéro 15 étant conservé pour les archives. Ce local du numéro 15 n'ayant plus d'utilité, a été restitué à son propriétaire, après résiliation du bail en 2009.
- Le local est meublé et en parfait état ainsi qu'il résulte du constat d'Huissier réalisé le 11 juin 2010.
- L'agence de Pont d'Ain a été fermée définitivement, ce dont Bernard Chevassus-Marche a été avisé, car elle n'était plus justifiée économiquement en raison de sa proximité avec le siège de Bourg-en-Bresse de moins de 20 kilomètres.
- L'extrême faiblesse de l'activité de cet agent commercial sur les 7 dernières années ne nécessitait que très peu de moyens. Il pouvait s'organiser et planifier son travail en lien avec le secrétariat de l'agence, ce qu'il n'a jamais fait. A quoi pouvait servir un secrétariat permanent pour un agent établissant moins de deux mandats par mois depuis 2004 et ne recevant aucun client à l'agence.
- Depuis le 11 décembre 2008 jusqu'à ce jour, Bernard Chevassus-Marche n'a réalisé aucune opération immobilière. Il n'a plus d'activité depuis cinq ans et à tout le moins depuis qu'il a atteint l'âge de 60 ans. Sur les 5 dernières années, la société n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires net de 5 593,65 euro HT, chiffre à rapprocher de la somme de 100 000 euro sollicitée par l'appelant.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la violation alléguée du contrat d'agent commercial :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 341-1 [sic] du Code de commerce l'agent commercial est un "mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de travail, est chargé de façon permanente de négocier et conclure des contrats de vente, d'achat, ou de prestation de service au nom et pour le compte d'un ou plusieurs mandants" ;
Qu'il s'en déduit que ce mandataire indépendant prospecte sa clientèle comme il l'entend et dispose à cet égard d'une totale liberté vis-à-vis de son mandant, ce que ne manque pas de souligner, dans son article 2 intitulé "Conditions d'exercice du mandat", le contrat d'agent commercial signé par Bernard Chevassus-Marche et la société Toscano le 17 septembre 1990, l'article 3 nommé "Rémunération" ajoutant que, payé uniquement à la commission, le mandataire prend "en charge tous les frais afférents à l'exercice de son activité" ;
Que Bernard Chevassus-Marche allègue que la société Benon aurait violé son contrat d'agent commercial en ne mettant plus à sa disposition de bureau et de secrétariat et en ne mettant plus à disposition une documentation ;
> Sur le bureau :
Attendu qu'il est acquis aux débats que la société Benon disposait d'une agence immobilière située aux 15 et 17 rue du 1er septembre à Pont d'Ain et louait ces locaux par le biais de deux baux commerciaux, remontant à plus de vingt ans ;
Que le contrat d'agent commercial signé en 1990 par Bernard Chevassus-Marche, en son article 2-1, dont le titre est "Indépendance", porte la mention suivante : "Un local 15 rue du 1er septembre - 01160 Pont d'Ain est à la disposition du négociateur. Ce local est meublé, le négociateur dispose du téléphone, de la documentation, de la papeterie, de la photocopieuse. Le secrétariat est assuré à l'agence" ;
Attendu que Bernard Chevassus-Marche déduit de cet article que le mandant a l'obligation de lui fournir un local pour pouvoir travailler ;
Mais attendu que le statut même de l'agent commercial, mandataire indépendant, et les termes mêmes du contrat d'agent commercial signé par lui vont à l'encontre de cette interprétation ;
Qu'en effet, d'une part, le contrat indique notamment "le mandataire (...) jouit de la plus grande indépendance. Il exerce son mandat sans aucun lien de subordination et prospecte à sa convenance sa clientèle (...). Il n'est pas tenu d'exercer sa profession de façon exclusive et constante et le mandant n'a pas à connaître de ses activités pour son compte personnel ou pour le compte de tiers en dehors des présentes conventions" de sorte que Bernard Chevassus-Marche peut travailler où bon lui semble, y compris même, s'il le souhaite, à son domicile ; Que d'ailleurs il l'a manifestement fait puisque la déclaration n° 2035 de ses revenus non commerciaux et assimilés de l'année 2009 (sa pièce 20) démontre l'amortissement de meubles, machine à écrire, téléphone et répondeur et qu'il indique d'ailleurs le faire dans son courrier du 30 mars 2009 (sa pièce 6) ;
Que, d'autre part, c'est la volonté commune des parties qui doit être recherchée dans ce contrat ancien (puisque signé le 17 septembre 1990) ; Qu'ainsi il est bien évident que, sur une période de 20 ans le local initialement mis à disposition, celui du 15 rue du 1er septembre à Pont d'Ain, pouvait changer d'agencement ou de localisation, la loi des parties, au sens de l'article 1134 du Code civil, étant en l'espèce qu'un local reste à disposition de l'agent commercial ;
Que, par ailleurs, le contrat ne prévoit pas que son mandant doit impérativement et de façon permanente fournir un local à son agent commercial mais seulement qu'il doit en laisser un à sa disposition, pour lui permettre, si son activité le nécessite, d'en faire usage, de même que doivent être mis à sa disposition, dans le même but, un téléphone, de la documentation, de la papeterie, une photocopieuse et un secrétariat ;
Attendu que Bernard Chevassus-Marche allègue ensuite qu'on a "progressivement procédé à la suppression des contreparties contractuellement prévues", notamment en résiliant le bail du local situé 15 rue du 1er septembre ;
Qu'effectivement, à la signature du contrat d'agent commercial, en 1990, le bureau de réception du mandant mis à disposition du mandataire se trouvait au numéro 15 de la rue du 1er septembre en vertu d'un bail contracté le 1er novembre 1985 mais il n'est pas contesté qu'à partir de février 1998 la société Benon a réaménagé les locaux, installant bureau et secrétariat au 17 rue du 1er septembre et ne conservant le local du 15 que pour y entreposer des archives, avant de résilier purement et simplement ce bail ;
Que Bernard Chevassus-Marche reconnaît lui-même, dans son courrier du 30 mars 2009, avoir eu ce local du 17 à sa disposition : "Je fais signer les compromis 17 rue du 1er septembre, dans le bureau nord ; je donne mes RDV au 17 ou sur les lieux de visite ou dans un endroit neutre" ; Qu'il suffit de se reporter aux clichés photographiques figurant au constat d'huissier du 11 juin 2010 (Pièce 2 de l'intimée) pour constater que les portes des 15 et 17 rue du 1er septembre sont distantes de moins de 10 mètres et figurent sur le même trottoir dans le même ensemble de bâtiments ; Qu'à la date du constat d'huissier ce local du 17, d'évidence lumineux et fonctionnel, est constitué d'un bureau d'accueil avec banque, bureau de secrétariat avec fax, photocopieur et imprimante et, au fond de l'agence, un deuxième bureau où le public peut être reçu avec téléphone et armoire de rangement ; Qu'ainsi l'appelant ne peut prétendre ne pas avoir disposé de bureau à l'agence ainsi que d'un secrétariat, d'un téléphone et d'un photocopieur ; Que l'attestation d'Isabelle-Marie Vieira épouse Rigollet (Pièce 4 de l'intimée) démontre que, depuis 2002, si Bernard Chevassus-Marche passait de temps en temps à l'agence, pour prendre les coordonnées des personnes à rappeler, que la secrétaire lui laissait "sur le bureau de derrière", celui-ci n'y travaillait pas, préférant même sur les annonces, indiquer son numéro de téléphone personnel plutôt que celui de l'agence ;
Que c'est donc pertinemment que les premiers juges ont indiqué qu'il avait disposé d'un bureau à Pont d'Ain jusqu'au 1er mai 2011 et pouvait, s'il le souhaitait, y exercer son activité et l'utiliser pour accueillir des clients ;
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 1er mai 2011 la résiliation du bail du 17 rue du 1er septembre a été effectivement effective et que l'appelant ne disposait plus de bureau sur Pont d'Ain ;
Mais attendu que, d'une part, l'action de Bernard Chevassus-Marche a été engagée devant le tribunal de commerce par exploit du 8 avril 2010, soit plus d'un an avant la fermeture du dernier bureau de Pont d'Ain, par une assignation dans laquelle il affirmait "qu'il ne disposait pas de bureau", ce qui était d'évidence faux ;
Que, d'autre part, le mandant avait, par courrier du 11 avril 2011, avisé son agent commercial de la fermeture de l'agence de Pont d'Ain à la date du 1er mai (Pièce 19 de l'intimée) et de sa mise à disposition, à Bourg-en-Bresse, d'un bureau avec documentation, téléphone, papeterie, photocopieuse ; Qu'ainsi, même après le 11 avril 2011, et malgré son activité quasi-nulle, un bureau était toujours mis à sa disposition à une vingtaine de kilomètres de Pont d'Ain ;
Qu'enfin et surtout il résulte du dossier que :
- depuis le 11 décembre 2008, Bernard Chevassus-Marche n'avait réalisé aucune opération immobilière pour son mandant,
- le nombre de mandats de vente ou d'achat qu'il a établi entre 2004 et 2010 est demeuré très faible (7 en 2004, 17 en 2005, 21 en 2006, 7 en 2007, 13 en 2008, 2 en 2009, 3 en 2010),
- le nombre de ventes réalisées par lui a été, en 2008, de 2, en 2009, de 2 (suite à des compromis signés les 10 et 11 décembre 2008), puis nul en 2010, 2011 et 2012, de sorte que son activité était en sommeil bien avant la décision de fermer le dernier bureau de Pont d'Ain ;
Qu'ainsi il ne saurait aujourd'hui s'en prévaloir ;
> Sur le secrétariat :
Attendu que Bernard Chevassus-Marche indique, dans ses conclusions, que par secrétariat, il "entend la présence d'une personne dans l'agence de Pont d'Ain qui puisse répondre au téléphone, prendre des messages pour lui, renseigner les éventuels clients afin de les orienter vers" lui ;
Que, d'une part, le constat d'huissier dressé le 11 juin 2010 démontre que la secrétaire, Madame Rigollet, travaillait à l'agence de Pont d'Ain les lundi de 8 h 30 à 12 h 00, mardi de 8 h 00 à 12 h 00 et de 14 h 00 à 16 h 30, jeudi de 8 h 30 à 12 h 00 et vendredi de 8 h 30 à 12 h 00 ;
Que d'autre part, cette secrétaire, atteste (Pièce 4 de l'intimée) : "Monsieur Chevassus passe de temps en temps à l'agence, il me demande s'il y a quelque chose pour lui, si affirmation, je lui dépose les coordonnées des personnes à rappeler, sur le bureau de derrière" ;
Que c'est au regard de ces éléments que les premiers juges ont pertinemment indiqué que l'appelant pouvait s'organiser et planifier son travail en lien avec le secrétariat ;
Que du reste, comme il l'a déjà été indiqué, Bernard Chevassus-Marche se rendait très peu à l'agence, mentionnait ses charges de secrétariat dans ses déclarations fiscales et préférait indiquer sur les annonces son numéro de téléphone personnel plutôt que celui de l'agence ; Que les seuls exemples qu'il donne de son utilisation du secrétariat (sa pièce 26) remontent à la période 1994-1999 ; Que sa très faible utilisation du secrétariat depuis 2000 était donc manifestement un choix de sa part ;
Que sa demande d'un secrétariat permanent est peu compatible avec ces choix personnels de travailler le plus souvent possible hors de l'agence, illustrant l'indépendance de son activité d'agent commercial, ou encore avec l'extrême faiblesse de son activité au cours de 7 dernières années, telle qu'elle ressort du dossier ;
Qu'en tout état de cause, il suffit de relire le contrat d'agent commercial pour constater qu'il ne prévoit ni un secrétariat permanent, ni un secrétariat présent six jours sur sept ;
Qu'enfin la suppression du poste de secrétaire à Pont d'Ain, survenue postérieurement à son assignation de la société Benon, ne l'a pas privé d'un secrétariat lequel a simplement été re-localisé sur Bourg-en-Bresse ; Qu'en tout état de cause au regard de l'activité quasi-nulle à cette époque de Bernard Chevassus-Marche et de sa volonté affichée depuis 2000 de s'en servir le moins possible, ce secrétariat ne lui servait plus que très occasionnellement ;
Que la demande de l'appelant de ce chef ne peut donc prospérer ;
> Sur la documentation :
Attendu que Bernard Chevassus-Marche prétend qu'il ne bénéficie plus d'aucune documentation depuis 1996 alors que l'article 2-3 du contrat énonce que "le mandant s'engage à fournir au mandataire toute documentation commerciale et information technique se rapportant aux affaires concernées" ; Qu'il précise "par documentation, on entend l'ensemble des documents que devait (lui) fournir la société Benon (...) pour l'exercice quotidien de son mandat ainsi que les informations techniques se rapportant à son activité et destinées à favoriser la conclusion des transactions immobilières", en d'autres termes, d'une part, les imprimés de compromis, mandat de vente ou d'achat, d'autre part, la documentation juridique utile ;
Mais attendu que, depuis 1996, Bernard Chevassus-Marche a établi des compromis, a formalisé des mandats de vente ou d'achat et disposait donc des imprimés nécessaires pour le faire ; Que la pièce n° 12 qu'il verse aux débats pour démontrer qu'en octobre 2010 il a encore adressé un mandat exclusif de vente prouve également qu'il avait à disposition ces documents ;
Quant à la documentation juridique qui lui aurait manqué, elle n'est pas même caractérisée par l'appelant ;
Qu'enfin c'est vainement que la cour a recherché la preuve de cette absence alléguée de documentation ;
Attendu que la preuve d'une violation du contrat d'agent commercial par la société Benon n'est donc pas rapportée et que la décision entreprise doit en conséquence être confirmée sur ce point comme en ce qu'elle a débouté Bernard Chevassus-Marche de sa demande en paiement d'une indemnité de rupture ;
Sur les obstacles allégués à l'exécution du contrat :
Attendu que Bernard Chevassus-Marche, se fondant sur l'article L. 134-4 du Code de commerce qui prévoit que le mandant doit mettre son agent commercial en mesure d'exécuter son mandat, considère que la société Benon a mis des obstacles à l'exécution de ce mandat en mettant à sa disposition des locaux insalubres, en fermant l'agence une partie du temps et en le privant de secrétariat et en contribuant à la chute de son chiffre d'affaires ;
> Sur l'insalubrité des locaux :
Attendu que Bernard Chevassus-Marche s'appuie d'abord sur un courrier qu'il a rédigé et aurait adressé le 9 octobre 2006 à la société Benon (sa pièce 3) dans lequel on peut lire : "Le bureau secondaire de Pont d'Ain est très bien placé mais triste, voire sale, sans aucun attrait, sans aucune âme. Vous pourriez très facilement faire un effort" ; Que cependant, s'agissant d'un courrier simple, il n'est pas même possible à la cour de savoir s'il a été envoyé et donc, a fortiori, de savoir si la société Benon a fait obstacle à la bonne exécution du contrat en laissant des locaux insalubres, à supposer qu'ils le fussent ; Qu'au surplus cette lettre, si elle parle de locaux sales, ne fait pas état de leur insalubrité ;
Qu'ensuite Bernard Chevassus-Marche présente (sa pièce 23) 31 clichés photographiques dont on ne sait ni par qui ni, pour la plupart, quand ils ont été pris ;
Que 26 d'entre eux ne portent pas de date de développement, de sorte que, ne sachant à quelle date ils ont été pris, leur valeur probante est pour le moins limitée ; Que même à supposer qu'ils représentent l'état du bureau du 15 rue du 1er septembre à une certaine époque, cela ne fait que conforter les dires de la société Benon qui indiquait que ce local n'était plus destiné qu'à recevoir des archives depuis que le local du 17 servait à l'accueil du public ; Qu'en tout état de cause l'appelant ne démontre en rien que le local du 15 rue du 1er septembre aurait continué à servir à l'accueil du public au moment où la masse d'archives qui y étaient entreposées rendait de fait un tel accueil impossible ;
Que 5 autres clichés mentionnent une date de développement, pour trois d'entre eux le 21 août 2001, pour un le 27 décembre 2000 et pour un le 15 avril 2010 ; Que quatre de ces clichés mettent en évidence qu'à une époque, que la cour est dans l'incapacité de déterminer (sauf à dire que c'était avant décembre 2000), le local du 15 rue du 1er septembre a été vidé de son contenu ; Qu'il est impossible de savoir où le dernier cliché (celui daté du 15 avril 2010) a été pris ;
Que les conditions dans lesquels ont été prises ces photographies ne leur confèrent aucune force probante ;
Attendu qu'en revanche un constat d'huissier dressé le 11 juin 2010 montre le local du 17 rue du 1er septembre lequel n'est ni triste, ni sale, ni insalubre ;
Que l'argumentaire relatif à l'insalubrité des locaux ne peut prospérer du fait de la carence probatoire de Bernard Chevassus-Marche ;
> Sur la fermeture de l'agence et l'absence de secrétariat :
Attendu que Bernard Chevassus-Marche s'appuie sur trois courriers qu'il a rédigé et qu'il dit avoir adressé à la société Benon ; Que ces trois courriers datés des 9 octobre 2006, 23 octobre 2008 et 31 mars 2009 sont des lettres simples ; Que le fait que ces lettres n'aient été envoyées ni en recommandé ni avec accusé de réception ne permet pas à la cour de savoir si la société Benon les a reçues et, a fortiori, de savoir si la société a pris des mesures concrètes pour remédier à la situation ainsi censée être dénoncée par son agent commercial ;
Que le seul cliché photographique daté du 15 avril 2010 sur lequel on voit en gros plan un panneau sur lequel est écrit "En raison des fêtes de fin d'année l'agence sera fermée du 18 décembre 2009 à 12 h au 4 janvier 2010. En cas d'urgence appeler Bourg-en-Bresse au 04 74 22 61 15. Merci de votre compréhension. Bonnes Fêtes." n'établit pas davantage la fermeture de l'agence de Pont d'Ain sur cette période ; Qu'en effet le cliché, qui a été pris par on ne sait qui, l'a été on ne sait où puisqu'aucun élément de décor ne permet de dire où ce panneau était disposé, ni même si c'était à Pont d'Ain ;
Que c'est vainement que la cour a recherché au dossier la preuve de fermeture de l'agence ou d'absence de la secrétaire ; Que les seuls éléments probants versés au dossier sur ces points sont ceux du constat d'huissier du 11 juin 2010 qui ont été précédemment évoqués ;
Attendu qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que Bernard Chevassus-Marche ne justifiait pas de fautes commises par la société Benon, laquelle n'avait pas entravé son activité ;
> Sur la subite baisse du chiffre d'affaires :
Attendu enfin que, s'il est indéniable que le chiffre d'affaires réalisé par Bernard Chevassus-Marche depuis le 1er janvier 2008 s'élève à la somme de 5 593,65 euro, il suffit d'établir un parallèle entre la date de cette subite baisse du chiffre d'affaires (2008) et celle des prétendus manquements de la société Benon (1998 pour le transfert du bureau du 15 au 17 rue du 1er septembre, 2011 pour le transfert de l'activité à Bourg-en-Bresse) pour constater qu'il n'y a aucune concordance de date et donc aucune corrélation entre ces évènements ; Qu'en revanche cette année de brusque baisse de l'activité, 2008, est celle du soixantième anniversaire de Bernard Chevassus-Marche ;
Qu'en outre on constate que, malgré cette activité quasi nulle, l'appelant a déclaré à l'administration fiscale :
- des charges (ses pièces 19 et 20),
- des déficits au titre de son activité pour les années 2009, 2010 et 2011 (ses pièces 32 à 34) qui ont été déduits du revenu imposable de son épouse, et lui ont valu en 2010, au titre des revenus 2009, un remboursement de 5 803 euro,
- un kilométrage dans le cadre de son activité professionnelle de 13 024 kilomètres pour l'année 2009 et de 8 772 kilomètres pour l'année 2010 ; Que ces derniers chiffres sont à rapprocher des ventes réalisées au cours de ces deux années : deux en 2009 et aucune en 2010 ;
Qu'il est par ailleurs étonnant que Bernard Chevassus-Marche n'ait plus réalisé aucune vente depuis les deux dernières de 2009, lesquelles faisaient suite à des compromis signés les 10 et 11 décembre 2008 et que cette date de 2008 corresponde étrangement à son soixantième anniversaire ; Qu'à cet égard il est intéressant de noter que ses avis d'impôt sur ses revenus des années 2010 et 2011 (ses pièces 33 et 34) fasse apparaître des sommes perçues au titre des "pensions, retraites et rentes" ;
Qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que Bernard Chevassus-Marche ne justifiait pas de fautes commises par la société Benon et que sa baisse d'activité n'était due ni aux carences ni aux manquements de la société Benon ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu que la société Benon sollicite à son tour la résiliation du contrat d'agent commercial ; Que ce moyen ne constitue pas une demande nouvelle en appel puisque le tribunal de commerce était saisi d'une demande de résiliation du mandat depuis l'assignation du 8 avril 2010 ;
Que les échanges de courriers des 16 septembre et 22 octobre 2009 (Pièces 7 et 8 de l'appelant) démontrent la commune volonté des parties de résilier ce contrat d'agent commercial, le désaccord ne portant que sur l'éventuelle indemnité de résiliation que l'appelant n'hésitait pas à estimer à la somme de 100 000 euro que la société Benon qualifiait de "déraisonnable" ;
Mais attendu qu'il résulte du dossier que, face à cette situation :
- Bernard Chevassus-Marche, depuis le 31 décembre 2010, a cessé toute activité au titre de son mandat,
- son activité des années 2009 et 2010 n'a conduit à la réalisation d'aucune vente et n'a entraîné le versement d'aucune commission ;
Que, sans même qu'il y ait lieu de savoir si le fait de n'avoir réalisé aucune vente depuis janvier 2009 constitue une faute grave, la simple cessation unilatérale d'activité par le mandataire à compter du 31 décembre 2010 est la marque de sa volonté de cesser le contrat ;
Que l'article L. 134-13 du Code de commerce dispose que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent, comme c'est le cas en l'espèce ;
Qu'il convient donc de faire droit à la demande reconventionnelle ;
Sur la procédure abusive :
Attendu que le fait d'ester en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ; Que le simple fait que Bernard Chevassus-Marche succombe en ses demandes principales n'est pas de nature à établir le caractère abusif de l'action qu'il a intentée ;
Que faute par la société Benon de prouver le caractère abusif de l'action, sa demande en dommages et intérêts ne peut prospérer ;
Qu'il convient donc d'infirmer sur ce point le jugement entrepris ;
Sur l'article 700 :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Benon les frais irrépétibles engagés par elle ;
Qu'il convient donc de condamner Bernard Chevassus-Marche à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris, Sauf en ce qu'il a condamné Bernard Chevassus-Marche à payer à la société Benon la somme de 1 euro pour procédure abusive, et, Statuant à nouveau sur cette infirmation partielle, Déboute la société Benon de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Y Ajoutant, Dit que Bernard Chevassus-Marche a pris l'initiative de la cessation du contrat d'agent commercial en cessant toute activité à la date du 31 décembre 2010, Dit que Bernard Chevassus-Marche n'a droit à aucune indemnité au titre de la cessation du contrat d'agent commercial, en application de l'article L. 134-13 du Code de commerce, Condamne Bernard Chevassus-Marche à payer à la société Benon SAS la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties, Condamne Bernard Chevassus-Marche aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel pouvant être distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.