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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 septembre 2013, n° 11-19074

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Majuscule (Sté), Sodecob (SARL)

Défendeur :

Equip'Buro (Sté), Tiberghien (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Grall, Pollak, Ribaut, Bensoussan, Gerigny-Freneaux, Richard

T. com. Paris, du 16 avr. 2008

16 avril 2008

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Sodecob a développé, à partir du 28 novembre 2000, un concept de franchises à l'enseigne Bureau Center ayant pour objet la distribution de matériels de bureau.

Les franchisés avaient pour obligation de s'approvisionner de façon quasi exclusive auprès de la société Majuscule, associée à 49 % au capital de la société Sodecob.

Au début de l'année 2002, M. Luc Marcant qui avait exercé des fonctions de chef de secteur dans la grande distribution a souhaité intégrer ce réseau et a créé, à cet effet, la société Equip'Buro 59, qui a conclu le 30 août 2002 un contrat de franchise de "supermarché de papeterie, produits de bureau, informatique de bureau", selon le concept dit Superstore, avec la société Sodecob dans le cadre d'une implantation à Roubaix.

Le magasin a ouvert début 2003, et dès les premiers mois d'exploitation, les résultats se sont avérés très inférieurs aux prévisions ce qui a conduit, le 4 décembre 2002, à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, puis le 16 mars 2004 à sa conversion en liquidation judiciaire ; Me Tiberghien a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le liquidateur a estimé que le franchiseur Sodecob avait failli à la fourniture de documents d'informations pré contractuels complets, que les études de site et économique pourtant contractuellement validées par le franchiseur étaient inexactes et que celui-ci avait manqué à son obligation de conseil.

Il a en conséquence poursuivi l'annulation du contrat de franchise et a mis en cause la société Majuscule, en sa qualité de centrale d'achat fournisseur obligatoire du franchisé pour 80 % de ses approvisionnements, d'actionnaire à 49 % du franchiseur Sodecob et de propriétaire initial du concept de franchise.

Par acte du 16 septembre 2005, Me Thiberghien, ès-qualités de liquidateur, a assigné les sociétés Sodecob et Majuscule devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu entre la société Equip'Buro 59 et la société Sodecob et la condamnation de ces sociétés à des dommages et intérêts.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 16 avril 2008, le Tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la nullité du contrat de franchise

- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me Tiberghien en sa qualité de liquidateur de la société Equip'Buro 59 la somme de 560 000 € au titre des dommages et intérêts.

- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me Tiberghien en sa qualité de liquidateur de la société Equip'Buro 59 la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement et les en a déboutées.

Vu l'appel interjeté par les sociétés Sodecob et Majuscule contre cette décision.

Vu l'arrêt en date du 19 mai 2010 par lequel la Cour d'appel de Paris a :

- débouté la société Majuscule de sa demande aux fins d'annulation du jugement

- infirmé celui-ci en toutes ses dispositions

et statuant à nouveau,

- rejeté l'ensemble des demandes tant aux fins de nullité qu'en octroi de dommages et intérêts formées par Me Tiberghien ès-qualités de liquidateur

- ordonné "la déconsignation des fonds séquestrés" réclamée par la société Majuscule.

Vu le pourvoi formé par Me Tiberghien ès-qualités de liquidateur contre cet arrêt.

Vu l'arrêt du 4 octobre 2011 par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt d'appel, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et d'octroi de dommages-intérêts formés par Me Tiberghien, ès-qualités de liquidateur,

- remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.

Vu la déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2011 par la société Majuscule contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 avril 2013 par lesquelles la société Majuscule demande à la cour de :

- la recevoir en sa saisine comme en ses écritures et l'y déclarer bien fondée ;

A titre principal,

- prononcer la mise hors de cause de la société Majuscule ;

- en conséquence, ordonner la déconsignation des fonds séquestrés par la société Majuscule auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et la remise de ces fonds à la société Majuscule à hauteur de 514 500 euros,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 16 avril 2008 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu qu'il n'était pas démontré que la société Majuscule ait abusé d'une éventuelle situation de dépendance économique d'Equip'Buro 59 à son égard ;

- en conséquence, ordonner la déconsignation des fonds séquestrés par la société Majuscule auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et la remise de ces fonds à la société Majuscule à hauteur de 514 500 euros,

A titre très subsidiaire, si la cour ne devait pas réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2008 :

- réduire les prétentions de Maître Tiberghien, ès-qualités de liquidateur de la SARL Equip'Buro 59, à de plus justes proportions et ordonner la déconsignation partielle des fonds séquestrés par la société Majuscule auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et la remise de ces fonds à la société Majuscule,

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la compensation entre les sommes qui seraient dues au titre de l'arrêt à intervenir, par Majuscule à Maître Tiberghien, ès-qualités de liquidateur de la SARL Equip'Buro 59, et la somme due à la société Majuscule inscrite au passif de Equip'Buro 59 à hauteur de 106 302,39 euros, sous réserve du règlement des créances privilégiées ;

- ordonner la déconsignation partielle des fonds séquestrés par la société Majuscule auprès du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et la remise de ces fonds à la société Majuscule à hauteur de 106 302,39 euros, somme à parfaire en fonction de l'existence ou non de créances privilégiées restant dues par Equip'Buro 59,

En tout état de cause,

- condamner Maître Tiberghien, ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL Equip'Buro 59, à verser à la société Majuscule la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'appelante demande à titre principal sa mise hors de cause de l'instance, en soutenant que la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel au vu de la 5e branche de l'unique moyen dans laquelle n'était pas mentionnée la société Majuscule.

Il est subsidiairement prétendu que le jugement du Tribunal de commerce de Paris était mal fondé en ce qu'il a déclaré les sociétés Sodecob et Majuscule solidairement responsables, dès lors que la seconde n'était pas à l'origine du concept de la franchise Bureau Center, qu'elle n'avait pas imposé l'obligation d'approvisionnement de la société Equip'Buro à hauteur de 75 % et qu'elle ne pouvait pas être considérée comme un gérant de fait de la société Sodecob.

L'appelante prétend qu'elle n'était pas tenue de fournir une information pré-contractuelle à la société Equip'Buro au titre de l'article 330-3 du Code de commerce car elle n'avait pas la qualité de franchiseur et qu'elle n'avait souscrit aucune obligation personnelle relevant du droit commun.

L'appelante allègue aussi que, ni la dépendance économique de la société Equip'Buro, ni l'abus d'un tel état par la société Majuscule, ne sont constitués. Le règlement intérieur de la société Majuscule n'imposait qu'un approvisionnement obligatoire à hauteur de 50 % la première année et qu'en tout état de cause, l'obligation d'approvisionnement ne portait que sur trois des cinq métiers de l'enseigne "Bureau Center".

L'appelant soutient encore que les demandes de Me Tiberghien relatives aux dommages et intérêts devraient être réduites dès lors qu'elles dépassent le montant du passif exigible par la société Equip'Buro et que le prétendu préjudice lié à l'impossibilité de constituer un fonds de commerce viable ne saurait être admis.

Il est enfin demandé à la cour de prononcer la compensation entre les sommes dues au titre de l'arrêt à intervenir et les créances de la société Majuscule sur la société Equip'Buro.

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 avril 2013 par lesquelles la société Sodecob, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement,

- constater que le franchisé n'a pas été victime d'un vice du consentement, et notamment qu'il n'a pas été victime d'une erreur ;

Et statuant à nouveau

- réduire le montant des sommes réclamées à titre de dommages-intérêts par Me Tiberghien d'importantes proportions, et ordonner la compensation des sommes objet de la condamnation avec le montant de la créance de la société Sodecob inscrite au passif de la société Equip'Buro 59 à hauteur de 20 281,67 €, sous réserve de règlement des créanciers privilégiés ;

En toute hypothèse,

- condamner Me Tiberghien, ès-qualités de liquidateur, à payer à la société Sodecob la somme de 15 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

La société Sodecob soutient qu'elle n'a pas failli dans ses obligations d'information et de conseil, ayant fourni au franchisé des documents circonstanciés ; elle affirme que le prévisionnel qu'elle lui a fourni était parfaitement réalisable et que s'il n'a pas été atteint, c'est du seul fait du franchisé.

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2013 par lesquelles Me Tiberghien ès-qualités de liquidateur, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en date du 16 avril 2008 en ce qu'il a constaté le vice du consentement de M. Marcant et de la société Equip'Buro 59 dans la conclusion du contrat de franchise en date du 30 août 2002 entre la société Sodecob et la société Equip'Buro 59 et prononcé la nullité de celui-ci ;

- réformer ledit jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'abus de dépendance comme seconde cause de nullité ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité solidaire des sociétés Sodecob et Majuscule.

- subsidiairement, retenir la condamnation in solidum de la société Sodecob et Majuscule ;

- réformer ledit jugement sur le quantum des dommages et intérêts auxquels Sodecob et Majuscule ont été condamnées et fixer le montant de ceux-ci à la somme de 598 000 € ;

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Sodecob et Majuscule au paiement de la somme de 560 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- débouter les sociétés Sodecob et Majuscule de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Sodecob et Majuscule solidairement au paiement de la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et y ajoutant, les condamner solidairement au paiement de la somme de 8 000 € au titre de la procédure d'appel ;

Au soutien de ses prétentions, l'intimé invoque un manquement à l'obligation d'information précontractuelle et de conseil issue de l'article L. 330-3 du Code de commerce, de la part du franchiseur car la société Sodecob n'aurait pas produit le document d'information pré-contractuelle mais seulement le récépissé de remise de celui-ci de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'information fournie à son franchisé. Elle ajoute que, si la société Sodecob soutient que M. Marcant a reçu toutes informations utiles dans le document général d'information qui lui a été remis le 25 mars 2002, ce document serait partiellement erroné et incomplet.

L'intimé considère ensuite que la société Majuscule, qui agissait comme franchiseur de fait, a elle aussi manqué à son obligation d'information, notamment sur les coûts d'adhésion obligatoire à la coopérative et qu'elle est donc visée par l'arrêt de cassation.

Il est encore soutenu que les sociétés Majuscule et Sodecob ont manqué à leur obligation d'information de droit commun notamment pour ce qui concerne les prévisions de chiffre d'affaires et les coûts d'adhésion à la coopérative.

Pour ce qui concerne l'information préalable, est invoquée la violation de l'article 1142 et suivants du Code civil, M. Marcant ayant payé une étude préalable gravement erronée et fantaisiste. Au soutien de ses prétentions, l'intimé invoque aussi une nullité du contrat de franchise sur le fondement de l'article 1109 du Code civil pour erreur et pour dol. Le défaut de transmission d'information sur des points déterminants de l'état du réseau serait constitutif d'une réticence dolosive.

Dans ses écritures, il a, en dernier lieu, soutenu que M. Marcant et la société Equip'Buro étaient en état de dépendance économique au sens de l'article L 442-6, I du Code de commerce à l'égard des sociétés Sodecob et Majuscule.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la portée de la cassation

Considérant que l'arrêt de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel "en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et d'octroi de dommages-intérêts formées par Me Tiberghien, ès-qualités de liquidateur", relevant que la cour d'appel "en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l'activité du franchisé s'étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entrainé rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'entreprise" ;

Considérant que la cassation est intervenue uniquement sur la question du vice du consentement et non sur les chefs de l'arrêt du 19 mai 2010 d'abus de dépendance économique et de manquement du franchiseur à son obligation d'assistance pendant la durée du contrat ;

Considérant que la Cour de cassation a reproché aux juges d'appel de ne pas avoir recherché si les circonstances du dossier ne révélaient pas, même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation pré-contractuelle d'information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise ;

Considérant que Me Tiberghien soutient que M. Marcant s'est engagé, d'une part, en raison de la publicité faite par les sociétés Sodecob et Majuscule autour du concept de la franchise créée par elles, d'autre part, sur la base de données volontairement erronées qui lui ont été fournies de sorte qu'il a été trompé sur la rentabilité de son projet ; qu'il vise les renseignements fournis à l'occasion de l'exécution du contrat d'étude signé le 16 avril 2002 par M. Marcant avec la société Sodecob, contrat qui avait pour objet d'étudier la viabilité technique et économique de l'implantation d'une franchise sur le site envisagé, moyennant une rémunération de 3 050 € ainsi que toutes les informations fournies par le franchiseur à l'occasion de la signature du contrat de franchise, qui ont concouru à persuader faussement le franchisé de la rentabilité de son activité ;

Considérant que la société Sodecob conteste ces affirmations, faisant valoir que la preuve n'est pas rapportée du défaut de rentabilité de son concept et du projet développé par M. Marcant sur la base du prévisionnel qu'elle lui a fourni et que, si son fonds de commerce n'a pas été viable, c'est en raison de ses propres faits ;

Considérant que ni la société Sodecob, ni M. Marcant n'ont été en mesure de produire l'original du DIP ou sa copie, la société Sodecob produisant seulement un exemplaire-type, ni renseigné, ni signé ;

Considérant que le contrat de franchise conclu en août 2002 indique que "le franchisé a pris connaissance de nombreuses informations tant sur le concept Bureau Center que sur le franchiseur en général et notamment celles prescrites par l'article 1er de la loi Doubin du 31 décembre 1989 et son décret d'application du 4 avril 1991.

Toutes les dispositions pré-contractuelles, contractuelles et comptables ont été mises à disposition du franchisé en vue d'un examen approfondi par ses conseils" ;

Que M. Marcant ne peut ignorer ces dispositions qu'il a signées et dont il résulte qu'il a été mis en possession du DIP ;

Que, de plus, celui-ci a signé un accusé de réception le 25 mars 2002 et a écrit "J'accuse réception du document d'information pré-contractuel comportant 45 pages dont un état du marché réalisé par le cabinet Diamart et un projet de contrat de franchise Bureau Center" ;

Que M. Marcant ne fait pas la démonstration que la formalité de remise du DIP n'aurait pas été réalisée ; que l'arrêt de cassation indique "même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation pré-contractuelle d'information", qu'il n'est pas contesté que des informations financières ont été fournies au franchisé dont un prévisionnel qui n'a pas été approché ; qu'il convient de rechercher si celles-ci étaient sérieuses ou, au contraire grossièrement surévaluées et inadaptées et de nature à vicier le consentement du franchisé;

Considérant que le magasin a ouvert le 6 février 2003 et dès le premier mois d'activité, il n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires de 11 000 € contre 88 000 € prévus ; que le 4 décembre 2003, le franchisé a déposé le bilan, une procédure de redressement judiciaire étant alors ouverte, qui sera convertie en liquidation judiciaire le 16 mars 2004 ; que le passif a été chiffré à la somme de 590 854,57 € ; qu'en conséquence, le manque de chiffre d'affaires et le défaut de rentabilité se sont révélés dès les premiers mois d'activité et ne sauraient être contestés ;

Considérant que, si, sur le concept de la franchise proposé à M. Marcant, la société Sodecob fait valoir qu'à ce jour le réseau Bureau Center existe toujours et fédère 15 magasins dont 9 exploités par des franchisés, depuis de nombreuses années, ce qui démontre qu'il est rentable, il y a lieu de relever qu'en 2002, lors de la signature du contrat de franchise, le réseau avait moins de deux ans d'ancienneté ;

Que Me Tiberghien, ès-qualités expose que les documents qui ont été remis par le franchiseur mentionnaient 6 franchises alors même que les unités de La Rochelle, Saintes et Angoulême étaient des succursales, ce qui résulte des mentions figurant dans le pacte d'associés conclu entre la société Majuscule et M. Angibaud ; qu'il ajoute que ces entités bénéficiaient de conditions d'exploitation plus favorables en ce que la redevance n'était que de 1 % et, au surplus, payée par une société tierce et que les chiffres d'affaires retraités de ces trois sites, par la prise en compte des charges supportées par un franchisé, mettent en évidence un résultat négatif de 22 000 € pour l'exercice courant au cours duquel M. Marcant a signé son contrat de franchise et de 108 000 € pour l'exercice précédent ; que s'agissant des autres franchises, il fait observer qu'il s'agissait de fonds de commerce qui avaient déjà une activité similaire et donc une clientèle déjà constituée et qui ont adhéré au réseau ;

Considérant que M. Marcant souhaitait adhérer au concept mais n'avait, ni expérience personnelle de ce type d'activité, ni n'était repreneur d'un fonds de commerce ayant eu une activité similaire ; que son choix s'était porté sur un fonds créé dans une galerie marchande, elle-même en cours de création, de sorte qu'il ne bénéficiait, ni d'une clientèle, ni d'une quelconque notoriété ; qu'il est patent que ces circonstances font que son projet n'était comparable à aucune des entités composant déjà le réseau ;

Considérant que celui-ci a été amené à s'intéresser à cette franchise par la voie de publicités diffusées sous l'enseigne de la franchise "Bureau Center" ; que celles-ci faisaient état d'une importante puissance opérationnelle composée d'experts de la distribution, d'un accompagnement dans toutes les phases du projet (étude de marche, business plan) et d'une assistance technique, de l'absence de droit d'entrée, de 15 points de vente et de 20 contrats en cours au 1er mars 2002 ; que cette publicité laissait supposer à M. Marcant qu'il allait bénéficier d'une assistance professionnelle spécialisée dans l'étude de la rentabilité de son projet ; qu'il a d'ailleurs dans un premier temps conclu un contrat d'étude, qui avait pour objet d'apprécier la viabilité technique et économique de l'implantation d'une franchise sur le site envisagé ;

Qu'à la suite de ce contrat, la société Sodecob lui a remis un document intitulé "dossier de pertinence du projet" qui avait pour objet de donner au franchisé les bases afin de réaliser une analyse du marché local ; que M. Marcant l'a complété après avoir trouvé un site d'exploitation à Roubaix et l'a remis pour validation à la société Sodecob ;

Que ce document permettait au franchisé de procéder à une étude du marché local selon des critères définis ; qu'il a été suivi par l'élaboration par la société Sodecob d'un nouveau document en date du 2 mai 2002 intitulé "dossier de pertinence du projet Lys Lez Lannoy", puis, le 6 mai 2002, de l'envoi d'un dossier d'exploitation type établi pour un magasin de 1 000 m² ; que la société Sodecob s'est transportée sur place en compagnie de M. Marcant ; que, le 27 mai 2002, elle a formulé des observations notamment sur "l'environnement du projet" faisant observer à son franchisé :

"Le dynamisme de la zone commerciale d'Auchan Leers, le tissu économique actif (grand nombre de petites organisations) semblent être les indicateurs d'une bonne activité économique ;

La politique de revalorisation des sites, du centre-ville et l'aménagement des rues commerçantes vous rendent confiant sur le dynamisme de votre choix d'implantation.

Nous ne notons pas de présence de concurrents significatifs sur le secteur de Bureau Center. Il faut cependant prendre en compte la concurrence exercée par les enseignes spécialisées comme Boulanger et les capacités des enseignes alimentaires.

Si la population et les petites organisations sont quantitativement importantes, leur qualité est plutôt minorante sur le potentiel de votre activité (...)."

Que la société Sodecob poursuivait son analyse sur "le site et son environnement", indiquant "Le site du projet est situé sur la zone commerciale leader de la zone de chalandise. L'emplacement est de bonne qualité mais sur la deuxième partie de la zone commerciale en face de la "locomotive" Conforama (...). Il faudra renforcer la signalétique de notoriété et directionnelle pour pallier le défaut de visibilité.

Ce site est en création et présente en ce sens quelques inconvénients liés à sa notoriété et à l'urgence dans lequel le projet doit prendre place.

Il subsiste des interrogations quant à la création d'une zone commerciale concurrente sur le sol belge à quelques kilomètres du site de votre projet" ;

Qu'enfin, la société Sodecob indiquait "Nous vous confirmons les préoccupations liées à la qualité de la population de la zone de chalandise, à l'identité de la zone commerciale en création sur laquelle se positionne votre projet et au risque que représente la création d'une zone commerciale en Belgique" ;

Que la société Sodecob a alors évalué le chiffre d'affaires prévisionnel à 36 626 800 francs en période haute soit 5 583 719 € et à 11 538 800 francs en période basse soit 1 759 078 €, le chiffre d'affaires de la première année devant correspondre à 85 % de ces hypothèses ;

Que ce courrier a été suivi par un autre document intitulé "projet de création d'un magasin bureau Center sur le site de Lys Lez Lannoy" daté de juin 2002 ; que la société Sodecob affirme qu'il a été établi par M. Marcant ce que conteste Me Tiberghien, la société Sodecob faisant valoir qu'elle ne pouvait pas en être l'auteur car il n'avait été produit aucun courrier de sa part qui aurait accompagné cet envoi et que, de plus ce document contenait des informations qui ne pouvaient être connues que de M. Marcant ou qui n'intéressaient que lui, ainsi les statuts juridiques et le nom des associés de la société franchisée, son expérience professionnelle, son curriculum vitae, son apport en fonds propres, les moyens humains et publicitaires prévus ;

Considérant en toutes hypothèses que ce document contient des informations figurant dans le rapport Diamart fourni à M. Marcant dès le 25 mars 2002, en reprenant les points positifs développés par celui-ci et des renseignements que la société Sodecob indique avoir fait figurer dans le DIP, comme le coût d'aménagement du point de vente rapporté au m² et le montant du stock ; que celui-ci fait état d'un chiffre d'affaires de 1 633 411 € majoré de plus ou moins 20 %, ce qui correspond au prévisionnel établi par la société Sodecob en période basse ; qu'il s'ensuit que son affirmation, selon laquelle il aurait été établi par M. Marcant pour démarcher les établissements bancaires, est sans incidence sur les données prévisionnelles, qui ne sont pas différentes de celles qu'elle a fournies à M. Marcant en mai 2002 ; que peu importe l'auteur matériel de ce document et le fait qu'il ait été destiné à permettre à M. Marcant de rechercher un prêt pour financer en partie l'opération dès lors que les données chiffrées sont celles retenues par la société Sodecob et dont il résultait que le projet était rentable ;

Considérant que Me Tiberghien soutient au surplus que l'étude du cabinet Diamart était obsolète car les données dataient de 1997 à 1999 ; que la société Sodecob ne conteste pas avoir fourni cette étude, faisant observer que M. Marcant n'en a pas demandé l'actualisation ;

Considérant que celui-ci ayant confié, à titre onéreux, une étude à la société Sodecob, étude qui complétait ses obligations de conseil en tant que franchiseur, il était fondé à recevoir des informations à jour et parfaitement adaptées à son cas personnel sans qu'il puisse lui être reproché de n'avoir pas demandé une mise à jour ;

Considérant que la société Sodecob affirme que seul le franchisé est responsable de son échec et que son consentement n'a donc pas été vicié sur la rentabilité de la franchise qui, selon lui, était bien réelle ; qu'elle fait valoir que celui-ci a ouvert son magasin en février 2003, soit pendant les vacances scolaires avec deux mois de retard, perdant ainsi le bénéfice d'une ouverture en décembre, période particulièrement favorable sur le plan économique au regard de l'activité développée ; que, de plus, au cours de ces deux mois sans activité, il a supporté des loyers et des salaires et s'est acquitté d'un droit d'entrée auprès de son bailleur ; que le franchiseur soutient que M. Marcant avait embauché un personnel trop important ;

Qu'il indique, que dès les premiers mois de son activité, il l'a alerté, lui écrivant le 19 mars 2003, "J'ai remarqué les écarts suivants par rapport au prévisionnel d'origine du mois de septembre 2002 :

1) le poste investissements est supérieur de 20 000 € environ

2) le total des financements à long terme est inférieur de 12 000 €.

Il en résulte un écart de 32 000 euros sur le fond de roulement de démarrage.

Le retard d'ouverture de cinq semaines a entraîné également une ponction sur le fond de roulement de démarrage de plusieurs dizaines de milliers d'euros ;

Le retard pris sur le développement de l'activité accentue les problèmes de trésorerie.

L'analyse rapide de votre prévisionnel de trésorerie semble montrer la nécessité d'injecter au moins 100 000 euros pour faire face à vos engagements.

Par ailleurs il est urgent de prendre des décisions vous permettant d'adapter vos frais généraux et plus particulièrement les frais de personnel à l'activité réelle du magasin ;

Il me semble impératif que vous vous consacriez de façon prioritaire à la communication et à l'action commerciale afin d'accroître la fréquentation du magasin.

Je mandate Pascal Montariol, l'animateur du réseau pour qu'il vous assiste dans l'élaboration et le suivi du plan de progression" ;

Considérant que, s'agissant du retard dans l'ouverture du magasin, le franchiseur qui avait visité les lieux, savait que le point choisi et pour lequel il avait reçu une mission d'analyse rétribuée, se situait dans une galerie marchande en cours de création ; qu'il avait d'ailleurs mentionné dans l'analyse destinée à son franchisé "Ce site est en création et présente en ce sens quelques inconvénients liés à sa notoriété et à l'urgence dans lequel le projet doit prendre place"; que le retard dans l'ouverture constituait un aléa prévisible et en toute hypothèse ne saurait constituer une faute du franchisé ; que de plus, M. Marcant s'est trouvé confronté aux exigences de la société Majuscule qui a exigé une caution supplémentaire de 30 000 € sur ses encours pour garantir 80 % de ses approvisionnements correspondant à 80 % de l'assortiment du magasin, de sorte qu'il a dû s'adresser à une nouvelle banque ; qu'en conséquence, la société Sodecob ne démontre pas que le retard à l'ouverture du magasin résulte de son franchisé ; qu'il s'avère en revanche que cette circonstance était un élément qui pouvait être pris en compte dans un prévisionnel sérieux ;

Que, s'agissant de la masse salariale, il s'agit d'un élément qui devait être analysé et intégré dans la détermination d'un chiffre prévisionnel ; que le franchiseur, à la différence du franchisé, était à même d'apprécier les besoins liés à l'activité développée et de conseiller utilement son franchisé ; que des reproches intervenus sur ce point, deux mois seulement après l'ouverture du magasin, démontrent que le franchisé n'a bénéficié d'aucun conseil pour adapter le nombre de ses salariés aux besoins immédiats de son activité et au chiffre d'affaires prévu en période de démarrage ;

Que, s'agissant des investissements, le franchiseur ne démontre pas davantage que le dépassement n'était pas un facteur prévisible qui pouvait être pris en compte dans l'établissement d'un prévisionnel sérieux dans la mesure même où il a évoqué dans son analyse une amélioration conséquente de la signalétique en raison du positionnement du fonds de commerce sur le site ;

Qu'en conséquence, le franchiseur ne démontre pas que le franchisé a commis des fautes de gestion qui seraient à l'origine de ses résultats, mais évoque des circonstances qui auraient dû être intégrées dans un prévisionnel sérieux ;

Considérant que, lors de la signature du contrat de franchise, les coûts se sont encore trouvés alourdis par des charges qui n'avaient pas été intégrées dans le prévisionnel, tels le coût d'adhésion à l'association des franchisés, l'achat comptant du matériel informatique, le coût d'adhésion à la coopérative Majuscule, tout comme l'obligation d'un cautionnement bancaire et le coût de l'étude préalable ; que le loyer s'est également révélé particulièrement élevé.

Considérant que malgré un objectif de 1 112 000 €, le chiffre d'affaires réalisé n'a jamais dépassé 30 % du prévisionnel soit 312 000 € ; qu'il s'agit d'un écart particulièrement important ;

Que ce défaut de chiffre d'affaires, qui était largement prévisible en période de démarrage pour un fonds de commerce créé dans une zone commerciale nouvelle, n'a pas été intégré dans des prévisions qui reposaient sur des données propres aux autres franchisés du réseau qui n'étaient en rien comparables au cas de M. Marcant ; que ce déficit d'analyse pertinente du chiffre d'affaires a été aggravé par un manque de rigueur dans l'analyse des charges auxquelles le franchisé allait devoir faire face ; que, si un prévisionnel reste un élément aléatoire, il n'en demeure pas moins qu'il doit être réalisé avec sérieux et prendre en compte l'ensemble des éléments positifs et négatifs connus, concernant l'activité concernée, afin de permettre au candidat de s'engager en connaissance de cause notamment en termes de risques ;

Qu'ainsi le franchisé a été déterminé à conclure le contrat de franchise sur la base d'éléments trompeurs, lui laissant escompter des résultats bénéficiaires ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, par adoption de motifs, en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de franchise.

Sur le préjudice

Considérant que Me Tiberghien chiffre le préjudice subi par le franchisé à la somme de 598 000 €, comme correspondant à la fois au passif de la société Equip'Buro 59 et à l'impossibilité de constituer un fonds de commerce viable ;

Considérant que le contrat de franchise ayant été annulé, il convient de remettre le franchisé dans l'état où il se trouvait antérieurement à la conclusion du contrat ;

Considérant que les premiers juges ont pris en compte les investissements réalisés en pure perte et les pertes d'exploitation et ont à juste titre fixé le préjudice à la somme de 560 000 € ;

Sur la condamnation solidaire de la société Majuscule

Considérant que la société Majuscule fait valoir qu'elle n'est pas le franchiseur et qu'elle ne saurait être condamnée solidairement avec la société Sodecob ;

Considérant que la société Majuscule constitue une société indépendante et qu'elle n'a pas signé le contrat de franchise quand bien même elle a la qualité d'associé à 49 % de la société Sodecob et qu'elle bénéficie d'une option de rachat des autres 51 % du capital social de celle-ci ;

Considérant que néanmoins, au regard des accords intervenus entre la société Majuscule et la société Sodecob, il est patent que la société Majuscule a imposé le fait de devenir le fournisseur quasi exclusif des franchisés ; qu'ainsi ceux-ci devaient régler des frais d'adhésion et obtenir une caution bancaire pour garantir les encours ; que les contrats de franchise et de distribution étaient ainsi parfaitement liés ; qu'il s'ensuit que la société Majuscule a concouru à la réalisation du dommage et doit être condamnée in solidum ; qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation solidaire.

Sur la demande de compensation

Considérant que la société Majuscule demande à la cour de prononcer la compensation des créances ; que, d'une part il s'agit de créances de nature différente, d'autre part la compensation serait contraire aux règles des procédures collectives en privilégiant un créancier ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que Me Tiberghien ès-qualités a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu le jugement rendu le 16 avril 2008 par le Tribunal de commerce de Paris, Vu l'arrêt en date du 19 mai 2010, la Cour d'appel de Paris, Vu l'arrêt rendu le 4 octobre 2011 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 16 avril 2008 en ce qu'il a constaté le vice du consentement de M. Marcant et de la société Equip'Buro 59, prononcé l'annulation du contrat de franchise du 30 août 2002 et condamné la société Sodecob à payer Me Tiberghien, ès-qualités de liquidateur la somme de 560 000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Réforme le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société Majuscule, Et statuant à nouveau, Condamne in solidum la société Majuscule à payer à Me Tiberhghien, ès-qualités la somme de 560 000 € à titre de dommages et intérêts, Condamne in solidum la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me Tiberghien la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Sodecob et la société Majuscule aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.