Cass. com., 10 septembre 2013, n° 12-21.075
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Collin, ESC (EURL)
Défendeur :
Maisons Pierre (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Boulloche, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Donne acte à M. Collin de son désistement de pourvoi ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mars 2012), que par contrat intitulé de concession commerciale, la société Maisons Pierre a confié à la société Stéphane Collin (la société ESC) la commercialisation de maisons individuelles de sa construction, à titre exclusif dans l'Essonne, puis l'a résilié ; qu'arguant du caractère abusif de la rupture, la société ESC a assigné la société Maisons Pierre aux fins d'obtenir la requalification du contrat en contrat d'agence commerciale, une indemnité de rupture et le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société ESC fait grief à l'arrêt de dire que le contrat est un contrat de courtage au sens de l'article L. 131-1 du Code de commerce, alors, selon le moyen, qu'un mandat d'intérêt commun est caractérisé lorsqu'une partie au contrat effectue des investissements spécifiques dans l'intérêt exclusif de son cocontractant afin de parvenir à un résultat qui leur est commun, par exemple l'augmentation de parts de marché ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a retenu que la société ESC était dépourvue des deux attributs inhérents à ce mandat que constituent la création d'une clientèle commune et la conclusion de contrats au nom et pour le compte du mandant ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, inopérants au regard de la notion de mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société ESC, qui ne disposait pas de pouvoir de négociation ni de représentation envers la société Maisons Pierre, mais qui avait seulement une activité d'intermédiaire entre les personnes intéressées par l'achat d'une maison de la société Maisons Pierre et cette société, sans accomplir aucun acte juridique au nom et pour le compte de la société Maisons Pierre qui demeurait libre de s'engager ou non avec les clients potentiels, la cour d'appel en a exactement déduit que la société ESC, qui n'avait pas la qualité de mandataire de la société Maisons Pierre, ne pouvait être liée avec elle par un contrat de mandat d'intérêt commun ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches : - Attendu que la société ESC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires fondées sur la résiliation du contrat, alors, selon le moyen : 1°) que seul un manquement à une obligation contractuelle peut justifier la résiliation d'un contrat ; que la société ESC a soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'aucune clause du contrat ne l'obligeait à disposer d'un certain effectif pour remplir sa mission, ce qu'avait d'ailleurs admis le tribunal ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision admettant le bien-fondé de la résiliation par la société Maisons Pierre, que le licenciement de quatorze personnes traduisait une volonté de ne pas exécuter loyalement le contrat et d'y mettre fin, et ne permettait plus de commercialiser les produits au sein du pavillon témoin, sans répondre au moyen invoquant l'absence d'obligation contractuelle relative aux effectifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la société ESC a fait valoir qu'elle avait refusé la réduction de son taux de commission, demandée par le président de la société Maisons Pierre, qui avait alors demandé de ne plus accepter un seul de ses dossiers, d'établir des factures injustifiées et de supprimer les moyens nécessaires à l'exercice de ses activités ; que la société ESC concluait que ces mesures de rétorsion l'avaient contrainte à licencier du personnel et que la rupture du contrat était imputable à la société Maisons Pierre ; qu'en reprochant à la société ESC d'avoir procédé à ces licenciements, sans répondre aux conclusions soutenant que lesdits licenciements avaient été provoqués par le comportement de la société Maisons Pierre, et que la rupture du contrat était imputable à cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que des fautes qui n'ont pas été invoquées dans le courrier de résiliation du contrat ne peuvent être prises en compte pour justifier cette résiliation ; que la lettre de résiliation reprochait seulement à la société ESC de ne plus assurer les moyens nécessaires à assurer l'image de sérieux et de dynamisme de la marque Maisons Pierre et l'absence de tenue du pavillon modèle, ce qui portait atteinte à la notoriété de la société ; que pour décider que la résiliation du contrat était justifiée, la cour d'appel s'est fondée sur un manquement aux obligations contractuelles de vente et à l'obligation de reddition des comptes ; que ces manquements n'étaient pas invoqués dans la lettre de résiliation, de sorte que la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la décision de la société ESC de licencier, au cours de l'année précédant la résiliation du contrat, la quasi-totalité de son personnel sans aucun motif économique, qui avait eu comme conséquence une baisse notable du chiffre d'affaires jusqu'à sa disparition lorsque celle-ci est intervenue, traduisait la volonté de cette société de ne pas exécuter loyalement le contrat et d'y mettre fin, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;
Attendu, d'autre part, que la lettre de résiliation, qui invoque le non-respect par la société ESC de ses obligations contractuelles et faisait suite à la mise en demeure de celle-ci de mettre en œuvre les moyens nécessaires à leur respect, faisant état d'un manquement général de la société ESC à ses obligations, la cour d'appel a pu retenir les manquements de la société ESC aux obligations relatives au quota de ventes et à la reddition des comptes, qui, même non visés explicitement dans ce document, avaient été commis avant la rupture et étaient, comme tels, de nature à pouvoir l'induire ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que les troisième et quatrième moyens et la quatrième branche du deuxième moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.