TUE, 8e ch., 16 septembre 2013, n° T-462/07
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Galp Energía España, SA, Petróleos de Portugal (Petrogal), Galp Energia, SGPS, SA
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Truchot (rapporteur)
Juges :
Mme Martins Ribeiro, M. Popescu
Avocats :
Mes Slotboom, Gentil Anastácio
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
Antécédents du litige
1 Par la décision C (2007) 4441 final, du 3 octobre 2007, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] [affaire COMP-38.710 - Bitume (Espagne)], dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 29 décembre 2009 (JO C 321, p. 15, ci-après la " décision attaquée "), la Commission des Communautés européennes a, d'une part, constaté la participation des treize sociétés destinataires de cette décision à un ensemble d'accords de répartition du marché et de coordination des prix du bitume de pénétration routier en Espagne (à l'exception des îles Canaries) et, d'autre part, infligé à dix de ces sociétés des amendes comprises entre 6 435 000 et 83 850 000 euros.
2 Ces dix sociétés ont introduit un recours contre cette décision, par requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 18 et le 20 décembre 2007 :
- Repsol Lubricantes y Especialidades, SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades, SA, Repsol Petróleo, SA et Repsol, SA, anciennement Repsol YPF, SA (ci-après, prises ensemble, " Repsol "), dans l'affaire T-496-07 ;
- Productos Asfálticos (PROAS), SA, dans l'affaire T-495-07 ;
- Compañía Española de Petróleos (CEPSA), SA, dans l'affaire T-497-07 ;
- Nynäs Petroleum AB et Nynas Petróleo, SA (ci-après, prises ensemble, " Nynäs "), dans l'affaire T-482-07 ;
- Galp Energía España, SA, Petróleos de Portugal (Petrogal), SA et Galp Energia, SGPS, SA (ci-après, prises ensemble, " Petrogal ", " Galp " ou les " requérantes "), dans la présente affaire.
1. Marché en cause
3 Le produit concerné par l'infraction est le bitume de pénétration utilisé pour le revêtement des routes. Le bitume est un résidu de la distillation de types spécifiques de bruts lourds. Environ 85 % du bitume produit dans l'Union européenne est utilisé pour la construction et l'entretien des routes, sous la forme d'un adhésif servant à lier le granulat de l'asphalte. Les 15 % restants sont utilisés dans d'autres domaines de la construction, notamment les revêtements de pistes d'aéroport et de parkings, et dans des applications industrielles, telles que les couvertures de toit et les enrobages de tuyau.
4 Environ 80 % du bitume utilisé pour la construction et l'entretien des routes ne font pas l'objet d'une transformation supplémentaire : il s'agit du bitume de pénétration. Les 20 % résiduels du bitume utilisé pour la construction et l'entretien des routes sont soumis à une transformation supplémentaire, par exemple, en émulsions bitumineuses, produites par mélange du bitume de pénétration avec de l'eau au moyen d'un émulsifiant (utilisé davantage dans l'entretien que dans la construction des routes), et en bitumes modifiés, obtenus en mélangeant le bitume de pénétration avec un produit chimique, usuellement constitué de polymères, afin de le rendre plus performant (bitumes modifiés par des polymères ou BMP) (considérants 4, 9 et suivants de la décision attaquée).
5 Le considérant 15 de la décision attaquée définit le marché pertinent comme étant celui du bitume de pénétration qui n'a pas subi de transformation supplémentaire et qui est utilisé dans la construction et l'entretien des routes (ci-après le " bitume de pénétration " ou le " bitume ").
6 Cette définition du marché pertinent est confirmée en ces termes par le considérant 513 de la décision attaquée :
" [... L]a présente affaire concerne une entente entre des vendeurs du même produit dans la même zone commerciale, à savoir le bitume de pénétration en Espagne [...] "
7 La valeur du marché du bitume de pénétration espagnol est estimée à 286 400 000 euros pour l'année 2001, dernière année complète de l'infraction (considérant 67 de la décision attaquée).
2. Entreprises en cause
8 L'Espagne compte, d'une part, trois producteurs de bitume, Repsol, CEPSA-PROAS et le groupe BP, dont BP plc est le holding et dont BP España, SA et BP Oil España, SA sont des filiales exerçant leur activité en Espagne (ci-après, prises ensemble, " BP "), et, d'autre part, des importateurs, au nombre desquels figurent Nynäs et Petrogal (considérants 63 et 64 de la décision attaquée).
Groupe Repsol
9 Repsol Productos Asfálticos, SA (RPA) est devenue Repsol YPF Lubricantes y Especialidades le 12 décembre 2001 (ci-après " RPA/Rylesa "). RPA/Rylesa a été détenue de 1991 à 2002 à 99,99 % par Repsol Petróleo, elle-même filiale à 99,97 % de Repsol YPF, société faîtière du groupe Repsol. Ce groupe international de compagnies pétrolières est présent principalement en Espagne et en Amérique latine.
10 RPA/Rylesa produit et commercialise des produits de bitume. Une des activités de Repsol Petróleo est la production de bitume de pénétration et sa vente à RPA/Rylesa en vue de sa commercialisation.
11 Deux autres sociétés du groupe Repsol, Petróleos del Norte, SA (ci-après " Petronor ") et Asfalnor, SA, exercent en Espagne une activité liée au bitume de pénétration.
12 En 1991, Petronor était détenue à 56,19 % par Repsol YPF et cette participation a été portée à 85,98 % le 31 décembre 1992. Asfalnor était détenue à 60 % par Petronor en 1991 et, en avril 1992, les sociétés du groupe Repsol en détenaient 80 %, à raison de 60 % pour Petronor et de 20 % pour Repsol YPF (considérant 395 de la décision attaquée).
13 Petronor produit du bitume, qu'elle a vendu de 1990 à 1998 à Asfalnor et occasionnellement à RPA/Rylesa, en vue de sa commercialisation. Depuis 1999, Petronor vend du bitume directement à des tiers.
14 Asfalnor a commercialisé du bitume entre 1990 et 1998. Cette société a acheté du bitume à Petronor et occasionnellement à RPA/Rylesa. Depuis 1999, Asfalnor agit comme agent pour le compte de Petronor.
15 RPA/Rylesa et Petronor ont réalisé en Espagne au titre de leurs ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d'affaires de 97 500 000 euros au cours de l'exercice 2001, soit 34,04 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé du groupe Repsol a été de 51 355 000 000 euros en 2006, l'exercice précédant l'adoption de la décision attaquée (considérants 16 à 26 et 67 de la décision attaquée).
CEPSA-PROAS
16 CEPSA est un groupe international de sociétés du secteur de l'énergie coté en Bourse et présent dans plusieurs pays. PROAS, filiale à 100 % de CEPSA depuis le 1er mars 1991, commercialise du bitume produit par CEPSA et produit et commercialise d'autres produits bitumeux (considérant 31 de la décision attaquée).
17 PROAS a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d'affaires de 90 700 000 euros au cours de l'exercice commercial 2001, soit 31,67 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé de CEPSA s'est élevé à 18 474 000 000 euros en 2006 (considérants 44 et 67 de la décision attaquée).
BP
18 BP Oil España a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d'affaires de 43 500 000 euros au cours de l'exercice commercial 2001, soit 15,19 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé de BP a été de 211 776 000 000 euros en 2006 (considérants 35, 42 et 43 de la décision attaquée).
Groupe Nynäs
19 Le groupe Nynäs, dont Nynäs Petroleum AB, société suédoise, est le holding faîtier, produit et vend du bitume au niveau international. Nynas Petróleo commercialise du bitume en Espagne (considérants 46 et 53 de la décision attaquée).
20 Du 22 mai 1991 jusqu'en 1999, Nynas Petróleo était détenue à 100 % par la société holding Nynäs International BV. Celle-ci était elle-même, au cours de la même période, une filiale intégrale de Nynäs Petroleum (considérant 438 de la décision attaquée).
21 En 1999, Nynäs Petroleum a racheté à Nynäs International la totalité du capital souscrit de Nynas Petróleo, qui est restée filiale à 100 % de Nynäs Petroleum jusqu'en 2003 (considérant 439 de la décision attaquée). Le 12 juin 2003, Nynäs International a été liquidée. Après sa dissolution, son capital social a été remboursé à Nynäs Petroleum, qui est ainsi devenue son successeur économique et a endossé la responsabilité de l'infraction antérieurement commise par Nynäs International, celle-ci ayant cessé d'exister en tant qu'entité juridique distincte (considérant 440 de la décision attaquée).
22 Le groupe Nynäs n'a pas de site de production en Espagne, mais possède un dépôt de bitume à Villagarcía de Arosa, en Galice (Espagne). Nynas Petróleo a son siège à Madrid (Espagne) et son activité consiste en la vente et en la commercialisation de bitume en Espagne (considérant 53 de la décision attaquée).
23 Nynas Petróleo a réalisé en Espagne au titre de ses ventes de bitume de pénétration à des tiers un chiffre d'affaires situé entre 14 000 000 et 15 000 000 euros au cours de l'exercice commercial 2001, soit 4,89 à 5,24 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé du groupe Nynäs s'est élevé à 1 941 000 000 euros en 2006 (considérants 54 et 67 de la décision attaquée).
Groupe Petrogal
24 De 1990 à 2003, les actifs de Galp Energía España (anciennement Petrogal Española, SA) ont été détenus à 89,29 % par Petróleos de Portugal et à 10,71 % par Tagus, RE, compagnie d'assurances elle-même contrôlée à 98 % par Petróleos de Portugal. Depuis 2003, Galp Energía España est une filiale à 100 % de Petróleos de Portugal. Celle-ci est, quant à elle, une filiale détenue à 100 % par Galp Energia, SGPS depuis le 22 avril 1999 (considérants 56, 57, 59, 456 et 458 de la décision attaquée).
25 Galp Energía España a pour activité la vente et la commercialisation de bitume en Espagne. Son chiffre d'affaires afférent au bitume vendu aux parties non liées en Espagne s'est élevé à 13 000 000 euros en 2001, dernière année complète de l'infraction, soit 4,54 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé de Galp Energia, SGPS a représenté 12 576 000 000 euros en 2006 (considérants 61 et 67 de la décision attaquée).
3. Procédure administrative
26 Par lettre du 20 juin 2002, BP a informé la Commission de l'existence présumée d'une entente relative au marché du bitume routier et a présenté une demande visant à obtenir une immunité d'amende sur le fondement de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la " communication de 2002 "). La demande comportait une lettre et huit annexes décrivant des activités anticoncurrentielles présumées sur le marché espagnol du bitume (considérant 79 de la décision attaquée).
27 Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 25 juin 2002 avec les services de la Commission, BP a développé sa demande d'immunité et produit des documents à son soutien. BP a présenté des informations complémentaires les 4, 8 et 10 juillet 2002 (considérant 80 de la décision attaquée).
28 Le 19 juillet 2002, la Commission a accordé à BP une immunité d'amende conditionnelle, conformément au paragraphe 8, sous a), de la communication de 2002 (considérant 81 de la décision attaquée).
29 Sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE], (JO 1962, 13, p. 204) tel que modifié ultérieurement, des vérifications ont été effectuées les 1er et 2 octobre 2002. Repsol, PROAS, BP, Nynäs et Petrogal étaient concernées (considérant 82 de la décision attaquée).
30 BP a fourni, le 21 octobre 2002 des informations complémentaires relatives aux activités anticoncurrentielles présumées sur le marché en cause (considérant 83 de la décision attaquée).
31 Le 5 novembre 2003, les services de la Commission ont entendu M. A. T., responsable du département " Bitume " de BP España, en vertu de l'obligation de coopération de BP. À la suite de cet entretien, BP a fourni le 1er décembre 2003 des informations techniques sur le bitume (considérant 84 de la décision attaquée).
32 Le 6 février 2004, la Commission a envoyé aux entreprises concernées une première série de demandes de renseignements en application de l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17 ainsi qu'une demande de renseignements informelle à BP (considérant 85 de la décision attaquée).
33 Repsol a présenté la majeure partie de sa réponse le 6 avril 2004 et, le reste le 20 avril 2004. PROAS a fourni ses réponses concernant le marché espagnol le 21 avril 2004 (considérant 86 de la décision attaquée).
34 Par télécopie du 31 mars 2004, Repsol a présenté à la Commission une demande au titre de la communication de 2002, accompagnée d'une déclaration d'entreprise (considérant 87 de la décision attaquée).
35 Le 2 avril 2004, une demande de renseignements supplémentaire concernant les documents découverts pendant la vérification effectuée à son siège a été adressée à Repsol, qui y a répondu le 22 avril 2004 (considérant 88 de la décision attaquée).
36 Par télécopie du 5 avril 2004, PROAS a présenté à la Commission une demande au titre de la communication de 2002, accompagnée d'une déclaration d'entreprise (considérant 89 de la décision attaquée).
37 Le 20 avril 2004, Repsol a déposé deux fascicules de pièces complétant sa demande au titre de la communication de 2002 (considérant 90 de la décision attaquée).
38 Le 24 octobre 2005, la Commission a envoyé aux sociétés concernées une deuxième série de demandes de renseignements en vertu de l'article 18, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 91 de la décision attaquée).
39 Repsol et PROAS ont répondu, respectivement, le 8 novembre et le 18 novembre 2005 (considérant 92 de la décision attaquée).
40 Le 29 mars 2006, la Commission a envoyé une troisième demande de renseignements à Repsol et à PROAS ainsi qu'une demande de renseignements informelle à BP. Repsol a répondu le 5 avril 2006, BP le 6 avril 2006 et PROAS le 7 avril 2006 (considérants 93 et 94 de la décision attaquée).
41 Afin de clarifier le degré d'implication dans l'entente de BP, de Nynäs et de Petrogal, la Commission a envoyé le 26 avril 2006 à Repsol et à PROAS une quatrième demande de renseignements, à laquelle Repsol et PROAS ont répondu le 9 mai suivant (considérants 95 et 96 de la décision attaquée).
42 Le 22 mai 2006, la Commission a envoyé à Repsol, à PROAS et à Petrogal une cinquième demande de renseignements, relative à des questions de responsabilité. PROAS a répondu le 29 mai 2006. Repsol et Petrogal ont répondu le 30 mai suivant (considérants 98 et 99 de la décision attaquée).
43 Par lettres du 2 août 2006, la Commission a informé Repsol et PROAS, en vertu du paragraphe 26 de la communication de 2002, de son intention de leur appliquer, conformément au paragraphe 23, sous b), de ladite communication, une réduction du montant de toute amende éventuelle à raison de 30 à 50 % pour Repsol et de 20 à 30 % pour PROAS (considérants 100 et 101 de la décision attaquée).
44 Le 22 août 2006, la Commission a pris la décision d'ouvrir la procédure dans la présente affaire (troisième visa de la décision attaquée).
45 Du 24 au 28 août 2006, la Commission a notifié à BP, à Repsol, à CEPSA-PROAS, à Nynäs et à Petrogal la communication des griefs adoptée le 22 août précédent (considérant 102 de la décision attaquée et troisième visa de ladite décision).
46 Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1-2003 (JO 2006, C 210, p. 2) ont remplacé, à compter du 1er septembre 2006, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5 [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices de 1998 ").
47 BP, Repsol, PROAS (à l'exclusion de CEPSA), Nynäs et Petrogal ont exercé leur droit d'accès aux éléments du dossier de la Commission uniquement accessibles au siège de l'institution (considérant 103 de la décision attaquée).
48 BP, Repsol, CEPSA-PROAS, Nynäs et Petrogal ont répondu par écrit dans les délais prescrits aux griefs retenus à leur égard (considérant 104 de la décision attaquée).
49 Tous les destinataires de la décision attaquée, à l'exception de Repsol Petróleo, de Repsol YPF et de CEPSA, se sont prévalus de leur droit à être entendus oralement. L'audition s'est tenue le 12 décembre 2006 (considérant 105 de la décision attaquée).
50 Le 16 février 2007, la Commission a adressé à toutes les entreprises concernées une demande de renseignements visant à obtenir la confirmation ou la correction des chiffres de ventes de bitume de pénétration précédemment fournis ainsi que des informations sur le chiffre d'affaires réalisé par chaque groupe au titre de l'exercice 2006 (considérant 106 de la décision attaquée).
4. Décision attaquée
Constatation de l'infraction
51 La décision attaquée constate que les treize sociétés qui en sont destinataires ont enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans la commercialisation du bitume de pénétration sur le territoire espagnol (à l'exception des îles Canaries).
52 La Commission a identifié, dans l'infraction constatée, deux ensembles, d'une part, un partage du marché et, d'autre part, une coordination des prix consistant en des accords sur le relèvement ou la réduction des prix du bitume d'un montant équivalent, mis en œuvre simultanément (considérant 366 de la décision attaquée).
53 Les différents comportements infractionnels, ou composantes, qui ont été identifiés sont les suivants :
- l'établissement de quotas de ventes ;
- la répartition des volumes de produit et des clients entre tous les participants à l'entente, sur la base de ces quotas ;
- le contrôle de la mise en œuvre du partage du marché et des clients, au moyen d'échanges d'informations sur les volumes de ventes ;
- la création d'un mécanisme de compensation destiné à corriger les écarts survenus en ce qui concerne le partage du marché et des clients convenu ;
- l'accord sur la modification des prix du bitume et la date d'application des nouveaux prix ;
- la participation à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir des restrictions à la concurrence exposées ci-dessus et de les mettre en œuvre ou de les modifier en fonction des besoins (considérant 373 de la décision attaquée).
54 En premier lieu, la Commission a décrit les activités de partage du marché sur la base des déclarations que BP, Repsol et PROAS lui ont présentées dans leurs demandes au titre de la communication de 2002 et en réponse aux demandes de renseignements qu'elle leur a adressées (considérant 122 de la décision attaquée).
55 La Commission a considéré que l'existence de ces activités était confirmée par des éléments de preuve contemporains des faits incriminés, à savoir des documents obtenus au cours des vérifications et d'autres pièces contemporaines communiquées dans des demandes d'immunité d'amende, c'est-à-dire des demandes au titre de la communication de 2002, ou dans des réponses à des demandes de renseignements (considérant 123 de la décision attaquée).
56 Il ressort de sa demande d'immunité d'amende que, lorsque BP a commencé à produire du bitume de pénétration en Espagne en juillet 1991, elle a constaté que Repsol et PROAS étaient impliquées dans un accord continu de partage du marché et qu'elle devait y participer pour pénétrer sur ce marché avec quelque succès (considérant119 de la décision attaquée).
57 D'autres fournisseurs de bitume présents sur le marché espagnol ont coordonné leurs ventes avec Repsol, PROAS et BP : Nynäs et Petrogal auraient participé à l'entente, la première, au moins à partir de 1991, la seconde, au moins à partir de 1995 (considérant 120 de la décision attaquée).
58 Selon les déclarations de Repsol et de PROAS, les parties à l'entente ont entretenu des contacts aux fins de partage du marché autour d'une table de négociation appelée " table de l'asphalte ", réunissant des sociétés du groupe Repsol (RPA/Rylesa, Asfalnor et Petronor), PROAS et BP, mais également Nynäs et Petrogal, même si celles-ci n'ont participé qu'aux discussions concernant leur zone d'influence et de manière bilatérale avec Repsol ou PROAS, et non avec d'autres membres de l'entente (considérants 124 et 129 de la décision attaquée).
59 La Commission a identifié les phases suivantes du mécanisme de répartition du marché en cause mis en œuvre dans le cadre de l'entente constatée :
a) une analyse interne du marché, effectuée vers le mois de septembre et au cours de laquelle chaque producteur aurait préparé séparément pour l'exercice commercial suivant une étude de marché estimant la consommation de bitume en Espagne ;
b) une répartition préalable en interne du marché, accomplie vers le mois d'octobre et consistant en la préparation, par chaque producteur de bitume, d'un projet de répartition du marché à présenter lors des négociations avec ses concurrents ;
c) un accord sur la taille du marché, c'est-à-dire sur la consommation totale de bitume à prévoir pour l'exercice commercial suivant, conclu aux alentours du mois de novembre entre Repsol, PROAS et BP ;
d) des négociations de partage du marché prévisionnel ainsi défini, conduites en décembre-janvier ;
e) l'accord annuel de partage du marché : de 1994 à 2000, les directeurs commerciaux compétents de Repsol et de PROAS auraient normalement tenu les discussions de clôture en décembre-janvier, afin de résoudre les problèmes de répartition du marché encore pendants ; le document contenant l'accord de partage du marché au titre d'un exercice commercial donné aurait été dénommé " PTT " ou " Petete " ;
f) la communication des informations à Nynäs et à Petrogal et la négociation avec elles : une fois conclue la répartition du marché par les trois producteurs de bitume, Repsol ou PROAS auraient tenu une réunion avec Nynäs et une autre avec Petrogal, afin de les informer et de négocier les volumes de ventes et les clients qui seraient attribués à chacune dans sa zone d'influence respective (considérant 130 de la décision attaquée).
60 En second lieu, la Commission a constaté que les activités de coordination des prix avaient constitué un élément de support nécessaire aux activités de partage du marché en garantissant que la répartition des volumes et des clients convenue ne soit pas affectée par l'application de politiques de prix indépendantes de la part des fournisseurs (considérant 290 de la décision attaquée).
61 La Commission a décrit les accords sur les prix en se fondant sur les déclarations spontanées de BP, de Repsol et de PROAS et sur les réponses aux demandes de renseignements. La Commission a présenté ensuite une vue d'ensemble chronologique des documents contemporains en sa possession permettant de confirmer les accords sur les prix décrits dans les déclarations susmentionnées (considérant 291 de la décision attaquée).
62 Les modifications de prix et la date de leur mise en œuvre auraient été généralement décidées entre Repsol et PROAS, qui auraient informé ensuite BP, Nynäs et Petrogal de leurs conclusions (considérant 354 de la décision attaquée).
63 La Commission a ensuite retenu que l'ensemble des accords ou des pratiques concertées a eu pour objet de restreindre la concurrence en Espagne (à l'exception des îles Canaries), partie substantielle du marché intérieur (considérant 371 de la décision attaquée).
64 La Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît avoir pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Par conséquent, la démonstration d'effets anticoncurrentiels réels ne serait pas requise, lorsque l'objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (considérant 375 de la décision attaquée).
65 Il en irait de même des pratiques concertées. Même si, aux termes de l'article 81 CE, la notion de pratique concertée impliquerait, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments, il y aurait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché. Il en serait d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période. Une telle pratique concertée relèverait alors de l'article 81 CE, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché (considérant 331 de la décision attaquée).
66 Néanmoins, en l'espèce, la Commission a estimé avoir également prouvé, sur la base des éléments présentés dans la décision attaquée, que les accords de l'entente avaient été mis en œuvre et qu'ils avaient probablement produit des effets anticoncurrentiels réels (considérant 376 de la décision attaquée).
67 Par ailleurs, la Commission a considéré comme établi que le personnel de Galp Energía España (anciennement Petrogal Española) avait participé à l'entente. À la lumière de la jurisprudence sur la présomption d'exercice effectif par une société mère d'une influence déterminante sur sa filiale détenue à 100 % et compte tenu des liens de participation de Galp Energía España, de Petróleos de Portugal et de Galp Energia, SGPS, la Commission a estimé que Galp Energía España, Petróleos de Portugal et aussi, à compter du 22 avril 1999, Galp Energia, SGPS avaient constitué une seule entreprise aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE (considérant 459 de la décision attaquée).
Calcul du montant des amendes
68 La Commission a rappelé que, en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1-2003, elle peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes lorsque celles-ci commettent, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l'article 81 CE. Elle a indiqué également que, en vertu de l'article 15, paragraphe 2 du règlement nº 17, applicable au moment de l'infraction, l'amende pour chaque entreprise participant à l'entente ne peut dépasser 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice précédent et que l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1-2003 instaure la même limitation (considérant 496 de la décision attaquée).
69 La Commission a considéré que chacune des deux restrictions à la concurrence constatées, à savoir les accords horizontaux de partage du marché et la coordination des prix, relevait, par sa nature même, des types d'infractions les plus graves à l'article 81 CE, lesquels sont susceptibles de justifier, selon la jurisprudence, la qualification d'infractions " très graves " uniquement au vu de leur nature, sans qu'il soit nécessaire qu'un tel comportement couvre une zone géographique particulière ou ait un impact particulier (considérant 500 de la décision attaquée).
70 La Commission a jugé impossible de mesurer l'impact réel de l'entente sur le marché, en raison, entre autres, de l'insuffisance d'informations sur l'évolution probable que les prix nets du bitume en Espagne auraient suivie en l'absence d'accords. La Commission ne s'est pas estimée tenue de démontrer avec précision le véritable impact de l'entente sur le marché ni de le quantifier, mais a considéré qu'elle pouvait se limiter à des estimations de la probabilité d'un tel effet. En tout état de cause, la Commission a considéré que les accords de l'entente avaient été mis en œuvre et qu'il était probable qu'ils aient produit des effets anticoncurrentiels réels (considérant 501 de la décision attaquée).
71 Eu égard à la nature de l'infraction, la Commission a considéré que Repsol, PROAS, BP, Nynäs et Petrogal avaient commis une infraction très grave à l'article 81 CE et précisé que cette conclusion était formulée indépendamment de la question de savoir si l'entente avait eu un impact mesurable sur le marché. La Commission a ajouté qu'elle prenait en compte le fait que la collusion avait concerné uniquement le marché espagnol (considérant 509 de la décision attaquée).
Détermination et adaptation du " montant de départ " de l'amende
72 La Commission a fixé le " montant de départ " des amendes à infliger en prenant en compte la gravité de l'infraction, la valeur du marché en cause, estimée à 286 400 000 euros en 2001, dernière année complète de l'infraction, et le fait que l'infraction était limitée aux ventes de bitume effectuées dans un seul État membre. Compte tenu des éléments qui précèdent, la Commission a fixé le montant de départ des amendes à 40 000 000 euros (considérant 510 de la décision attaquée).
73 La Commission a ensuite classé les entreprises destinataires de la décision attaquée en différentes catégories définies en fonction de leur importance relative sur le marché en cause, aux fins de l'application du traitement différencié, de façon à tenir compte de leur capacité économique effective à causer un préjudice grave à la concurrence. À cette fin, la Commission s'est fondée sur leurs parts, exprimées en valeur des ventes, du marché du bitume de pénétration routier espagnol au titre de l'exercice 2001 (considérants 511 et 512 de la décision attaquée).
74 Repsol et PROAS, dont les parts du marché en cause s'élevaient, respectivement, à 34,04 % et à 31,67 %, ont été classées dans la première catégorie, BP, avec une part marché de 15,19 %, dans la deuxième catégorie, et Nynäs et Petrogal, dont les parts de marché se situaient entre 4,54 et 5,24 %, dans la troisième catégorie. Sur cette base, les montants de départ des amendes à infliger ont été adaptés comme suit (considérants 514 et 515 de la décision attaquée) :
- première catégorie, pour Repsol et PROAS : 40 000 000 euros ;
- deuxième catégorie, pour BP : 18 000 000 euros ;
- troisième catégorie, pour Nynäs et Petrogal : 5 500 000 euros.
75 Afin de déterminer le montant des amendes à un niveau garantissant un effet suffisamment dissuasif, la Commission a considéré comme approprié d'appliquer à l'amende à infliger à BP et à Repsol un multiplicateur de 1,8 et de 1,2, respectivement, en fonction de leur chiffre d'affaires global de 2006, dernier exercice précédant l'adoption de la décision attaquée, mais de ne pas appliquer un multiplicateur à l'amende à infliger à PROAS, à Nynäs et à Petrogal (considérant 521 de la décision attaquée).
76 Les montants de départ des amendes ont donc été adaptés comme suit (considérant 522 de la décision attaquée) :
- Repsol : 48 000 000 euros ;
- PROAS : 40 000 000 euros ;
- BP : 32 400 000 euros ;
- Nynäs : 5 500 000 euros ;
- Petrogal : 5 500 000 euros.
Durée de l'infraction
77 La Commission a estimé que Repsol et PROAS devaient répondre de leur participation à l'infraction du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et sept mois.
78 La Commission a estimé que BP devait répondre de sa participation à l'infraction du 1er août 1991 au 20 juin 2002, soit une période de dix ans et dix mois.
79 La Commission a estimé que Nynas Petróleo devait répondre de sa participation à l'infraction du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et sept mois et que Nynäs Petroleum devait répondre de sa participation à l'infraction du 22 mai 1991 au 1er octobre 2002, soit une période de onze ans et quatre mois.
80 Enfin, la Commission a estimé que Galp Energía España (anciennement Petrogal Española) et Petróleo de Portugal devaient répondre de leur participation à l'infraction du 31 janvier 1995 au 1er octobre 2002, soit une période de sept ans et huit mois, et Galp Energia, SGPS, du 22 avril 1999 au 1er octobre 2002, soit une période de trois ans et cinq mois (considérant 523 de la décision attaquée).
81 La Commission a majoré le montant de départ des amendes de 10 % par année complète d'infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Les majorations à appliquer au montant de départ des amendes se sont donc établies comme suit (considérants 524 et 525 de la décision attaquée) :
- Repsol : 115 % ;
- PROAS : 115 % ;
- BP : 105 % ;
- Nynäs :
- Nynas Petróleo : 115 % ;
- Nynäs Petroleum : 110 % ;
- Petrogal :
- Galp Energía España et Petróleos de Portugal : 75 % ;
- Galp Energia, SGPS : 30 %.
82 Les montants des amendes à infliger à chaque entreprise ont donc été les suivants (considérant 526 de la décision attaquée) :
- Repsol : 103 200 000 euros ;
- PROAS : 86 000 000 euros ;
- BP : 66 420 000 euros ;
- Nynäs :
- Nynas Petróleo : 11 825 000 euros ;
- Nynäs Petroleum : 11 550 000 euros ;
- Petrogal :
- Galp Energía España et Petróleos de Portugal : 9 625 000 euros ;
- Galp Energia, SGPS : 7 150 000 euros.
Circonstances atténuantes
83 La Commission a comparé le rôle des requérantes avec celui de Repsol, de PROAS et de BP et a examiné si une réduction du montant des amendes était justifiée. Elle a estimé approprié de distinguer le rôle différent joué par les requérantes en tenant compte de leur participation plus limitée à l'infraction et a décidé de réduire de 10 % le montant des amendes (considérants 566 et 567 de la décision attaquée).
84 Le montant final de l'amende s'est ainsi élevé à 8 662 500 euros pour Galp Energía España et Petróleos de Portugal et à 6 435 000 euros pour Galp Energia, SGPS (considérant 568 de la décision attaquée).
5. Dispositif de la décision attaquée
85 Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :
" Article premier
Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81, [paragraphe 1, CE] en participant au cours des périodes indiquées à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans la commercialisation du bitume de pénétration couvrant l'ensemble du territoire espagnol (à l'exception des îles Canaries) et consistant en des accords de partage du marché et en une coordination des prix :
[...]
[Galp Energía España] et [Petróleos de Portugal], du 31 janvier 1995 au 1er octobre 2002 ; [Galp Energia, SGPS], du 22 avril 1999 au 1er octobre 2002.
Article 2
Pour l'infraction visée à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées :
[...]
[Galp Energía España] et [Petróleos de Portugal] conjointement et solidairement responsables du paiement de 8 662 500 euros, dont 6 435 000 euros doivent être acquittés conjointement et solidairement par [Galp Energia, SGPS].
[...]
Article 3
Les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement à l'infraction mentionnée dans cet article, si elles ne l'ont pas déjà fait.
Elles s'abstiennent de répéter tout acte ou comportement visé à l'article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet similaire.
Article 4
Les destinataires de la décision sont :
[...]
[Galp Energía España]
[Petróleos de Portugal]
[Galp Energia, SGPS] "
Procédure et conclusions des parties
86 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.
87 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- entendre sous serment M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España) de 1992 à 2007, et, le cas échéant, MM. C. B. F., J. M. D. et J. T. M., auteurs des déclarations jointes en annexes A.9, A.10 et A.11 de la requête ;
- à titre principal, annuler la décision attaquée dans son intégralité, ou,
- subsidiairement, annuler les articles 1er, 2 et 3 de la décision attaquée en tant qu'ils concernent les requérantes, ou
- subsidiairement, annuler l'article 2 de la décision attaquée, dans la mesure où il inflige une amende aux requérantes, ou
- subsidiairement, réduire l'amende infligée aux requérantes par l'article 2 de la décision attaquée ;
- condamner la Commission aux dépens.
88 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner les requérantes aux dépens.
En droit
89 À titre principal, les requérantes présentent des conclusions visant à obtenir l'annulation de la décision attaquée dans son intégralité et non en tant qu'elle les concerne.
90 Cependant, une décision adoptée en matière de concurrence à l'égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Elle ne peut être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge de l'Union et elle demeure contraignante à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours en annulation (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, points 99 et 100).
91 Dès lors, les requérantes ne sont pas recevables à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne d'autres destinataires.
92 Pour le surplus, les conclusions des requérantes visent, à titre principal, à obtenir l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle les concerne et, à titre subsidiaire, à obtenir une réduction de l'amende qui leur a été infligée.
93 Il convient de distinguer, au sein des conclusions en annulation, d'une part, les conclusions visant à obtenir l'annulation de l'article 1er et de l'article 3 de la décision attaquée et, d'autre part, les conclusions visant à obtenir l'annulation de l'article 2 de la décision attaquée, lesquelles seront examinées conjointement avec les conclusions subsidiaires aux fins de réduction de l'amende.
94 En effet, les requérantes invoquent les mêmes moyens au soutien de leurs conclusions aux fins d'annulation de l'article 2 de la décision attaquée, lequel porte sur l'amende, et de leurs conclusions subsidiaires tendant à la réformation du montant de l'amende.
1. Sur les conclusions en annulation de l'article 1er et de l'article 3 de la décision attaquée
95 Les requérantes soulèvent six moyens, tirés, respectivement, le premier, de la méconnaissance du principe de bonne administration, le deuxième, de la violation des formes substantielles et de l'obligation de motivation, le troisième, de l'illégalité du constat de l'implication des requérantes dans le système de surveillance de l'application des accords de répartition du marché et de la clientèle ainsi que dans le mécanisme de compensation, le quatrième, de l'illégalité du constat de la participation des requérantes à la répartition de la clientèle, le cinquième, de l'illégalité du constat de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix et, enfin, le sixième, de l'illégalité du constat de la durée de la participation des requérantes à l'infraction.
Sur le premier moyen, pris de la violation du principe de bonne administration
Arguments des parties
96 Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir procédé à une instruction équitable, minutieuse et impartiale, en méconnaissance du principe de bonne administration inscrit à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p.1), et consacré par les juridictions de l'Union. La Commission aurait manqué à son obligation de se distancier suffisamment des demandes de clémence de Repsol et de PROAS et aurait substitué à tort à sa propre instruction les accusations vagues et incohérentes formulées par ces deux entreprises.
97 Le constat effectué par la Commission de la participation des requérantes à l'entente reposerait essentiellement et inconditionnellement, d'une part, sur les accusations fallacieuses que Repsol et PROAS ont formulées contre les requérantes dans leurs demandes de clémence et leurs réponses aux demandes de renseignements et, d'autre part, sur les déclarations formulées par M. J. L. F., salarié de PROAS, et par M. J. B., salarié de Repsol, au cours de l'audition du 12 décembre 2006.
98 En concertant leurs déclarations, Repsol et PROAS seraient parvenues à minimiser le risque que la Commission " déconstruise " leurs demandes de clémence et découvre le caractère infondé des griefs dirigés contre les requérantes. En particulier, les demandes de clémence de Repsol et de PROAS et leurs déclarations ultérieures concorderaient à l'évidence sur la durée de la participation des requérantes à l'infraction et sur leur participation prétendue à la concertation sur les prix.
99 Le dépôt par Repsol et PROAS de leurs demandes de clémence dans un intervalle de trois jours ouvrables, un an et demi après les vérifications et sept semaines après la première demande de renseignements, contribuerait à donner l'impression très nette que ces deux entreprises avaient harmonisé leur stratégie relative à la clémence. Cette impression serait renforcée par leurs réponses plus ou moins simultanées aux demandes de renseignements des 29 mars et 26 avril 2006.
100 Pour attester du manquement de la Commission à son obligation d'instruction, les requérantes se prévalent également d'un extrait de l'entretien que les agents de la Commission ont eu le 5 novembre 2003 avec M. A. T., directeur du département " Bitume " de BP España :
" Commission : Pensez-vous que Nynäs et Petrogal acceptent ce qui leur est imposé parce qu'elles sont de dimension très réduite au point qu'elles ne peuvent rien faire ? Pourquoi ne sont-elles pas simplement en concurrence ?
BP : Je ne le sais pas exactement, mais peut-être la raison en était que leurs aspirations étaient certainement satisfaites par la quantité qu'elles obtenaient, parce qu'un camion arrivant avec, disons, une petite quantité et prenant ensuite une certaine quantité petite, mais suffisante ou relativement suffisante, dès lors il se pourrait, mais je l'ignore, que, pour elles, un problème se posait.
Commission : Malheureusement, nous ne pouvons discuter avec elles, ce n'est que vous que nous pouvons interroger. "
101 Aucune raison ne pourrait expliquer que la Commission se soit trouvée dans l'impossibilité d'examiner avec les requérantes les points évoqués dans l'entretien avec BP, eu égard, par exemple, à la possibilité pour la Commission d'envoyer une demande de renseignements.
102 Contrairement aux constatations du considérant 125 de la décision attaquée, qui reposerait sur les déclarations inexactes de Repsol et de PROAS, la table de l'asphalte aurait réuni uniquement les trois producteurs de bitume du marché en cause, Repsol, PROAS et BP, à l'exclusion des importateurs. Tous les éléments de preuve feraient ressortir que Repsol et PROAS et, dans une moindre mesure, BP ont exécuté conjointement toutes les phases du partage annuel du marché exposées au considérant 130 de la décision attaquée. Ainsi que Repsol l'a confirmé dans sa demande de clémence, " dans les discussions relatives à l'asphalte, qui se sont déroulées de 1991 à 2002 ", seules " les plus importantes compagnies du secteur ", à l'exception, par conséquent, des requérantes, auraient participé aux échanges réguliers des informations disponibles sur le marché afin de fixer les quotas et la clientèle.
103 Les entretiens des agents de la Commission avec des représentants de BP auraient révélé clairement que les requérantes ne participaient pas aux réunions de la table de l'asphalte. Par exemple, en répondant à la question de savoir si les requérantes avaient participé aux mêmes échanges de vues que BP, celle-ci aurait déclaré : " Petrogal ne participait pas aux discussions, parce que nous nous ne l'avons pas rencontrée. "
104 Aussi négligeables qu'aient été la part du marché espagnol du bitume détenue par les requérantes et leur participation à l'infraction, Repsol et PROAS seraient parvenues à créer, aux fins de leur demande de clémence, l'image inexacte d'un rôle beaucoup plus important des requérantes. Repsol aurait ainsi déclaré erronément et sans le moindre motif : " Tant Nynäs que Petrogal participaient activement aux discussions sur l'asphalte. "
105 BP aurait exposé la participation des requérantes à l'infraction sous un jour beaucoup plus favorable que Repsol ou PROAS et qualifié, à juste titre, cette participation de beaucoup plus limitée. Au cours de l'entretien du 5 novembre 2003, BP aurait déclaré : " La surveillance ne concernait que les trois sociétés [Repsol, PROAS et BP], de sorte que les deux autres [,Nynäs et Petrogal,] n'étaient pas parties au suivi. "
106 Conformément aux accusations de PROAS et de Repsol et contrairement à la demande d'immunité de BP, la Commission aurait systématiquement interprété le très petit nombre de documents contemporains des faits au détriment des requérantes. La description par la Commission, dans son mémoire en défense, des éléments de preuve contemporains des faits qu'elle avance au soutien de la participation des requérantes aux accords de partage de marché révélerait qu'elle est en mesure de n'apporter qu'un nombre très limité d'éléments de preuve à charge et que la participation des requérantes à ces accords a été très limitée.
107 L'examen général de ces éléments de preuve démontrerait clairement que :
- le rôle des requérantes dans les arrangements de partage de marché a été très restreint ;
- il n'existe aucun élément de preuve contemporain des faits révélant que les requérantes ont participé à la répartition de la clientèle et au fonctionnement des mécanismes de surveillance et de compensation, tels qu'exposés dans la décision attaquée ;
- il n'existe aucun élément de preuve contemporain des faits au soutien de la participation des requérantes à un accord sur les quotas de ventes, quel qu'il soit, à partir de 1998, ou au moins après septembre 1998.
108 Il en irait de même des éléments de preuve contemporains des faits avancés par la Commission au soutien de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix. Sur les quatre documents mentionnés au point 16 du mémoire en défense, seuls le courriel interne aux requérantes du 18 octobre 2000 et la réponse à ce courriel du 19 octobre 2000 concerneraient les requérantes et ne constitueraient pas des éléments de preuve de leur participation aux activités de coordination des prix.
109 Enfin, dans son mémoire en défense, la Commission s'efforcerait indûment de renverser la charge de la preuve.
110 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
111 Selon une jurisprudence constante, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l'Union n'interdit à la Commission de se prévaloir à l'encontre d'une entreprise des déclarations d'autres entreprises incriminées. Les déclarations effectuées dans le cadre d'une demande de clémence ne sauraient donc être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (voir arrêt du Tribunal du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T-214-06, non encore publié au Recueil, point 58, et la jurisprudence citée).
112 Si une certaine méfiance à l'égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et maximiser celle des autres, néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la clémence, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d'obtenir une réduction du montant de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l'entente incriminée (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 59, et la jurisprudence citée).
113 En effet, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que le caractère complet de la coopération de l'entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 59, et la jurisprudence citée).
114 Sur ce dernier point, il convient de rappeler que la Commission ne saurait imposer à une entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir la preuve (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, point 35).
115 Cependant, le risque pour l'entreprise concernée de ne pas tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 113 ci-dessus, l'incite à coopérer de manière sincère avec la Commission, y compris par la production d'éléments ou de déclarations allant à l'encontre de ses intérêts, ne saurait être assimilé à une mesure coercitive mise en œuvre par la Commission et imposant à cette entreprise d'admettre l'existence d'une infraction. En effet, l'application de la communication sur la clémence résulte, à l'origine, d'une initiative de l'entreprise en cause qui demande à bénéficier des dispositions de cette communication et non d'une action unilatérale diligentée par la Commission et s'imposant à cette entreprise.
116 Par suite, en l'absence de mesure coercitive imposant à l'entreprise de contribuer à sa propre incrimination, les déclarations de cette entreprise admettant l'existence d'une infraction ne sont pas dépourvues de valeur probante.
117 Ainsi, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d'avouer qu'elle a commis une infraction et donc d'admettre l'existence de faits autres que ceux dont l'existence pouvait être déduite de manière directe des éléments disponibles implique a priori, en l'absence de circonstances particulières propres à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Les déclarations allant à l'encontre des intérêts du déclarant doivent donc, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 60, et la jurisprudence citée).
118 Pour autant, selon une jurisprudence constante, la déclaration d'une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l'existence d'une infraction commise par ces dernières si elle n'est pas étayée par d'autres éléments de preuve (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 61, et la jurisprudence citée).
119 Aux fins d'examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande de clémence, le Tribunal prend en compte notamment l'importance des indices concordants appuyant la pertinence de ces déclarations et l'absence d'indices attestant que celles-ci auraient eu tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et à maximiser celle des autres entreprises (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 62, et la jurisprudence citée).
120 C'est au vu de la jurisprudence qui précède qu'il convient d'examiner les arguments présentés par les requérantes dans le cadre du présent moyen.
121 À cet égard, les requérantes invoquent en substance deux griefs. D'une part, elles critiquent la valeur probante des déclarations de Repsol et de PROAS qui résultent de leurs demandes de clémence, de leurs réponses aux demandes de renseignements et des déclarations de leurs salariés. D'autre part, elles se prévalent d'insuffisances dont aurait fait preuve la Commission, dans l'instruction du dossier, pour parvenir au constat de leur participation à l'infraction.
122 S'agissant du premier grief, les requérantes allèguent, en premier lieu, que les déclarations de Repsol et de PROAS seraient biaisées, puisqu'elles tendraient, de façon systématique, à accentuer le rôle de Petrogal, ce qui aurait pour effet de rendre douteuse leur valeur probante.
123 Il y a lieu de constater, en ce qui concerne spécifiquement les réponses de Repsol et de PROAS aux demandes de renseignements de la Commission, que ces réponses doivent être a priori considérées comme dignes de foi dans la mesure où leur nature inexacte ou dénaturée exposerait leur auteur à des amendes en vertu de l'article 15, paragraphe, 1, sous a) et b), du règlement n° 17 et de l'article 23, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1-2003.
124 Ensuite, certains éléments du dossier démentent le caractère accusatoire que les requérantes attribuent aux déclarations de Repsol et de PROAS à leur égard.
125 S'agissant de PROAS, il résulte du considérant 488 de la décision attaquée que PROAS a déclaré dans sa réponse du 7 avril 2006 à une demande de renseignements que les requérantes n'étaient pas présentes à la table de l'asphalte en 2002.
126 Cette déclaration apparaît comme étant à décharge à l'égard des requérantes.
127 S'agissant de Repsol, au point 3.55 de leur requête, les requérantes relèvent elles-mêmes ce qui suit :
" Ainsi que Repsol l'a confirmé dans sa demande de clémence, 'dans les discussions relatives à l'asphalte qui se sont déroulées de 1991 à 2002', seules 'les plus importantes compagnies du secteur' participaient aux échanges réguliers des informations disponibles sur le marché afin de fixer les quotas et la clientèle. "
128 Or, cette déclaration de Repsol, telle que citée par les requérantes dans leurs écritures, apparaît comme étant à leur décharge étant donné que leur part de marché dans le secteur en cause était en 2001 de seulement 4,54 %.
129 En outre, les requérantes n'établissent pas le caractère concerté des diverses déclarations de Repsol et de PROAS.
130 En effet, le dossier fait apparaître que la quasi-simultanéité de l'introduction des demandes de clémence de Repsol et de PROAS, le 31 mars et le 5 avril 2004, respectivement, s'explique par l'envoi par la Commission à ces deux entreprises, le 6 février précédent, de la première demande de renseignements, laquelle leur a révélé que la Commission entendait poursuivre son instruction après avoir exploité les informations obtenues au cours des vérifications diligentées les 1er et 2 octobre 2002.
131 De même, la simultanéité des réponses de Repsol et de PROAS aux demandes de renseignements de la Commission s'explique, également, par les délais de réponse impartis par la Commission.
132 Enfin, la concordance du contenu des demandes de clémence de Repsol et de PROAS, notamment quant à la participation des requérantes aux accords sur les prix, est plus de nature à établir le constat de la participation des requérantes à l'infraction qu'à mettre en cause la crédibilité de ces demandes.
133 En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que la déclaration de BP selon laquelle le système de surveillance relatif aux accords de répartition du marché et de partage de la clientèle ne concernait que Repsol, PROAS et BP, à l'exclusion des requérantes, est de nature à faire douter de l'objectivité des déclarations émises par Repsol et par PROAS.
134 Il convient de constater que la décision attaquée ne permet pas de déceler un renvoi exprès aux requérantes dans les divers éléments des déclarations de Repsol et de PROAS analysés aux considérants 174 à 189 de la décision attaquée consacrés au système de surveillance. Ainsi, les déclarations émises par Repsol et par PROAS n'ont pas apporté à la Commission d'éléments relatifs à une éventuelle participation des requérantes audit système.
135 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la déclaration de BP selon laquelle celle-ci n'a jamais rencontré les requérantes au cours des discussions est de nature à faire douter de l'objectivité des déclarations émises par Repsol et par PROAS.
136 Il y a lieu de constater, comme le révèle la note en bas de page n° 95 in fine de la décision attaquée, que BP a confirmé au cours de l'entretien du 5 novembre 2003 avec les agents de la Commission que Repsol et PROAS tenaient des discussions séparées avec les requérantes, propos non contestés par les requérantes et dont, en tout état de cause, le caractère erroné n'a pas été établi par elles.
137 La Commission a d'ailleurs retenu au considérant 129 de la décision attaquée, sans contestation des requérantes sur ce point, que celles-ci avaient uniquement pris part aux discussions concernant leur zone d'influence et sur une base exclusivement bilatérale, c'est-à-dire avec Repsol et PROAS, conjointement ou séparément, et en l'absence des autres membres de l'entente.
138 Enfin, en quatrième lieu, les requérantes soutiennent que, dans la décision attaquée, la Commission s'est fondée à tort sur les déclarations inexactes de Repsol et de PROAS selon lesquelles la table de l'asphalte réunissait Repsol, PROAS, BP, Nynäs et les requérantes.
139 Il convient de constater que, par cette allégation, les requérantes contestent, en substance, non pas la procédure diligentée par la Commission pour aboutir à l'adoption de la décision attaquée, mais le caractère établi des constats opérés par la Commission dans cette décision. Par suite, le bien-fondé de cette allégation sera examiné au regard des arguments que les requérantes ont développés dans le cadre des troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens, par lesquels elles contestent leur participation à l'entente.
140 En tout état de cause, l'allégation mentionnée ci-dessus n'est pas, dans le cadre du présent moyen, suffisamment développée pour permettre au Tribunal d'en apprécier le bien-fondé.
141 Il résulte des considérations qui précèdent que le caractère non probant des déclarations de Repsol et de PROAS n'est pas établi par les requérantes.
142 S'agissant du second grief, les requérantes soutiennent, en premier lieu, que le constat par la Commission de leur participation à l'infraction repose de manière trop prépondérante sur les déclarations de Repsol et de PROAS.
143 Il y a lieu de constater que la Commission s'est également fondée, pour constater la participation des requérantes à l'infraction, sur des éléments émanant de BP, ainsi qu'il ressort des notes en bas de page nos 84, 95 et 471 de la décision attaquée.
144 De même, il ressort du texte et des notes en bas de page de la décision attaquée que la Commission s'est fondée aussi, pour constater la participation des requérantes à l'infraction, sur les documents découverts au cours des vérifications effectuées dès les 1er et 2 octobre 2002 auprès des entreprises concernées, c'est-à-dire avant même les dépôts des demandes de clémence de Repsol et de PROAS intervenus respectivement le 31 mars 2004 et le 5 avril suivant. Ces documents ont non seulement été découverts dans les locaux de PROAS (voir notes en bas de page nos 190, 213, 214, 215, 216, 219, 236, 302 et 324 de la décision attaquée), mais également dans ceux des requérantes (voir notes en bas de page nos 208, 310, 366 et 367 de la décision attaquée).
145 Au regard des éléments rapportés ci-dessus et de la jurisprudence rappelée au début de la partie consacrée à l'appréciation du Tribunal sur le présent moyen, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission s'est fondée, pour corroborer les déclarations de Repsol et de PROAS, sur suffisamment d'éléments extérieurs à ces déclarations pour qu'il ne puisse être conclu à l'existence d'insuffisances dont aurait fait preuve la Commission dans l'instruction du dossier.
146 En deuxième lieu, les requérantes se prévalent de la déclaration faite par les agents de la Commission au cours de leur entretien du 5 novembre 2003 avec M. A. T., directeur du département " Bitume " de BP España, déclaration selon laquelle les agents de la Commission indiquaient ne pas pouvoir interroger les requérantes.
147 À cet égard, il convient de rappeler, que, à ce stade de la procédure administrative, la Commission ne disposait que des informations transmises par BP dans le cadre de sa demande de clémence et des documents recueillis lors des vérifications des 1er et 2 octobre 2002. De plus, la Commission n'avait pas encore envoyé de demandes de renseignements aux entreprises concernées par ces vérifications, c'est-à-dire, notamment, aux requérantes. Dans ce contexte, la déclaration des agents de la Commission apparaît moins comme un indice d'un défaut d'impartialité ou de diligence à l'égard des requérantes que comme le simple constat d'un certain état d'avancement de la procédure au stade duquel la Commission n'était pas encore en mesure de les interroger.
148 En outre, les requérantes n'allèguent même pas que la Commission n'aurait pas examiné, lorsqu'elle a pu les interroger à un stade ultérieur de la procédure administrative, les points factuels évoqués dans le passage de l'entretien du 5 novembre 2003 dont elles se prévalent.
149 En troisième lieu, les requérantes dénoncent le faible nombre des éléments de preuve contemporains des faits avancés par la Commission pour établir leur participation aux différentes composantes de l'infraction.
150 Il convient de constater que, ainsi qu'il a été dit plus haut, la Commission s'est fondée, pour ses constatations quant à la participation des requérantes à l'infraction, sur un nombre important de documents découverts au cours des vérifications effectuées les 1er et 2 octobre 2002 auprès des entreprises concernées (voir notes en bas de page nos 190, 208, 213, 214, 215, 216, 219, 236, 302, 310, 324, 366 et 367 de la décision attaquée).
151 Les requérantes se prévalent également de l'absence de valeur probante d'un certain nombre d'éléments de preuve contemporains des faits avancés par la Commission pour corroborer les déclarations de Repsol et de PROAS.
152 Il y a lieu de constater que les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l'existence d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, points 53 à 55).
153 Ainsi, à supposer même que l'absence de valeur probante d'un certain nombre d'indices censés démontrer que les requérantes ont participé à l'une des composantes de l'infraction soit établie, il appartient encore au Tribunal de prendre en compte les autres indices sur lesquels la Commission s'est fondée pour parvenir à cette constatation.
154 La critique des requérantes portant sur l'absence de valeur probante de certains des éléments de preuve contemporains des faits avancés par la Commission pour corroborer les déclarations de Repsol et de PROAS ne peut donc être appréciée, pour chaque élément de preuve, que dans le cadre du moyen contestant la participation des requérantes à la composante de l'infraction à laquelle se rapporte cet élément de preuve.
155 Par suite, il convient d'écarter cet argument, en tant qu'il vient au soutien du présent moyen. En revanche, la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée sera examinée dans le cadre des moyens contestant la légalité du constat de la participation des requérantes aux différentes composantes de l'infraction.
156 En conséquence, les requérantes n'ont pas démontré que les déclarations de Repsol et de PROAS avaient présenté un caractère biaisé ou fallacieux à leur égard ou avaient été entachées d'erreurs ou d'inexactitudes de nature à remettre en cause leur fiabilité. Elles n'ont pas non plus établi l'existence d'insuffisances dont aurait fait preuve la Commission, dans l'instruction du dossier, pour parvenir au constat de leur participation à l'infraction.
157 Il s'ensuit que le présent moyen ne saurait prospérer.
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des formes substantielles et de l'obligation de motivation
Arguments des parties
158 Les requérantes rappellent que, comme elles l'ont exposé dans le premier moyen, pris de la violation du principe de bonne administration, la Commission a manqué à son obligation de procéder à une enquête méthodique et indépendante. Elle se serait fondée sur des déclarations fausses, vagues et incohérentes de PROAS et de Repsol en ce qui concerne la participation des requérantes aux composantes de l'infraction objet de la décision attaquée.
159 Il en résulterait que la production des éléments de preuve serait insuffisante. En conséquence, la Commission aurait commis une violation des formes substantielles et de l'obligation de motivation dans son constat de la participation des requérantes aux composantes de l'infraction objet de la décision attaquée.
160 En premier lieu, les requérantes exposent que la Commission a omis d'expliquer comment le courriel du 29 août 2002, relatif à des accords de troc, devait être tenu pour un élément de preuve de la participation des requérantes aux accords de partage du marché objet de la décision attaquée.
161 La Commission aurait manqué à son obligation de motiver le constat selon lequel les requérantes ont été impliquées dans la répartition de la clientèle dans la même mesure que PROAS, Repsol, BP ainsi que Nynäs. La Commission ne serait ni claire ni explicite à propos des éléments de preuve qu'elle invoque au soutien de la participation des requérantes au partage de la clientèle. La Commission omettrait d'expliquer au considérant 335 de la décision attaquée les modalités de participation des requérantes à l'élaboration des documents internes et de la répartition par tableaux.
162 La Commission aurait également violé son obligation de motiver son constat :
- de la participation des requérantes, dans la même mesure que PROAS, Repsol, BP ainsi que Nynäs, au système de surveillance et au mécanisme de compensation ;
- de la participation des requérantes aux discussions sur les prix avec PROAS, Repsol, BP ainsi que Nynäs ;
- de leur participation, après mars 1998, à l'infraction constatée, quelles qu'en soient les composantes.
163 La Commission n'aurait pas non plus expliqué pourquoi, eu égard à la participation limitée des requérantes à l'infraction, le montant de base de l'amende infligée n'a été réduit que de 10 %.
164 En deuxième lieu, les requérantes allèguent que la motivation du titre F de la décision attaquée, relatif aux mesures correctives, serait insuffisante. La Commission estimerait que le niveau de participation des requérantes à l'infraction a été le même que celui des autres membres de l'entente, mais déclarerait explicitement par ailleurs que les éléments de preuve font apparaître qu'en fait tel n'était pas le cas.
165 D'une part, la Commission prétendrait avoir établi que les requérantes ont pleinement participé à l'infraction. Au considérant 539 de la décision attaquée, la Commission constaterait ainsi que " Nynäs et Petrogal ont été parties tant aux arrangements de partage du marché qu'aux aspects de coordination des prix de l'entente ". La Commission ajouterait ensuite que, " à cet effet, elles ont mené des négociations annuelles ou à tout le moins des échanges de vues annuels avec Repsol et PROAS " et que " Nynäs et Petrogal ont également sollicité ou étaient à tout le moins informées des modifications de prix et ont consenti à les appliquer parallèlement à leurs concurrents ". La Commission en viendrait à conclure au considérant 543 de la décision attaquée que le comportement des requérantes " ne remet pas en question leur pleine implication dans l'infraction " et constaterait ensuite à l'article 1er de ladite décision, que les requérantes ont participé à la même infraction que Repsol, PROAS et BP.
166 D'autre part, la Commission reconnaîtrait également, quelquefois aux mêmes considérants de la décision attaquée, que les requérantes n'ont pas pleinement participé à l'infraction. Au considérant 543, la Commission estimerait que " le comportement de Nynäs et de Petrogal a peut-être été moins actif que celui d'autres participants (parce que, par exemple, elles n'ont pas été parties au mécanisme de compensation ni à toutes les phases des échanges de vues débouchant sur l'accord annuel de partage du marché) ". De même, au considérant 567, la Commission noterait que " les éléments de preuve révèlent que leur participation aux autres aspects des infractions, à savoir les mécanismes de surveillance et de compensation et les mesures de coordination des prix, était moins régulière ou active que celle des trois autres participants ".
167 Contrairement à ce que la Commission soutient au paragraphe 109 de son mémoire en défense, les requérantes n'auraient pas confondu leur participation à l'infraction présumée et l'ampleur de cette participation.
168 Dans ces conditions, la motivation de la décision attaquée ne permettrait pas aux requérantes de défendre pleinement leurs droits devant le Tribunal. Il s'ensuivrait que la décision attaquée ne répond pas aux exigences de l'article 253 CE et que les articles 1er, 2 et 3 de ladite décision doivent donc être annulés en tout ou en partie, au moins dans la mesure où ils concernent les requérantes.
169 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
170 Pour autant que de besoin, il convient de rappeler que, comme il découle de la réponse apportée au premier moyen, pris de la violation du principe de bonne administration, la Commission n'a pas méconnu ce principe.
171 S'agissant de l'obligation de motivation, il convient de rappeler au préalable que le moyen tiré du défaut ou de l'insuffisance de la motivation doit être distingué de celui pris de l'inexactitude des motifs de l'acte attaqué, en raison d'une erreur sur les faits ou dans l'appréciation juridique de ceux-ci. Ce dernier aspect relève de l'examen de la légalité au fond de l'acte et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc constituer une violation de l'article 253 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C-265-97 P, Rec. p. I-2061, point 114 ; arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84-96, Rec. p. II-2081, point 47).
172 En tant que forme substantielle, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires de l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée).
173 Il n'en demeure pas moins que, aux fins de la motivation d'une décision adoptée pour assurer l'application des règles de concurrence, la Commission est tenue, en vertu de l'article 253 CE, de mentionner, à tout le moins, les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l'économie de sa décision, permettant ainsi à la juridiction compétente et aux parties intéressées de connaître les conditions dans lesquelles elle a fait application du droit de l'Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374-94, T-375-94, T-384-94 et T-388-94, Rec. p. II-3141, point 95, et la jurisprudence citée).
174 En outre, la motivation doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêts de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C-413-06 P, Rec. p. I-4951, point 169, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521-09 P, non encore publié au Recueil, point 151).
175 Enfin, la Cour a précisé qu'une motivation peut être implicite à condition qu'elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 372, et du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C-3-06 P, Rec. p. I-1331, point 46).
176 C'est au vu de la jurisprudence qui précède qu'il convient d'examiner les arguments présentés par les requérantes dans le cadre du présent moyen.
177 Les requérantes soutiennent :
- en premier lieu, que la Commission a manqué à son obligation de motivation s'agissant, d'une part, de leur participation à deux composantes de l'infraction, la répartition de la clientèle et la coordination des prix, et, d'autre part, de leur participation à l'infraction après le mois de mars 1998 ;
- en deuxième lieu, que la Commission n'a pas exposé de façon suffisamment explicite, dans la décision attaquée, le raisonnement qu'elle avait suivi concernant la différence de traitement qu'elle appliquait aux membres de l'entente en fonction du degré de leur participation ;
- en troisième lieu, que la Commission s'est contredite, en indiquant à la fois qu'elles avaient pleinement participé à l'infraction et qu'elles n'y avaient pas pleinement participé.
178 Il convient d'examiner séparément chacun de ces trois griefs.
- Sur l'étendue et la durée de la participation des requérantes à l'infraction
179 À titre liminaire, il y a lieu de constater que l'argumentation des requérantes reste très générale et est donc peu susceptible de mettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée, alors même que la Commission a expliqué, dans celle-ci, qu'elle déduisait la participation des requérantes à l'infraction des déclarations auto-incriminantes et concordantes des demandeurs de clémence, corroborées par des documents contemporains des faits.
180 Il convient également de préciser que les allégations des requérantes relatives au défaut de clarté et de précision des éléments de preuve avancés par la Commission relèvent, non pas de la violation des formes substantielles, mais de l'examen de la valeur probante de ces éléments de preuve et, par conséquent, de l'appréciation de la légalité au fond de la décision attaquée, laquelle est examinée dans le cadre des moyens contestant le bien-fondé de l'appréciation portée par la Commission sur la participation des requérantes à l'infraction.
181 S'agissant plus particulièrement de la répartition de la clientèle, la Commission a retenu la participation des requérantes à cette composante de l'infraction sur le fondement d'un faisceau d'éléments de preuve - mentionnés en particulier dans la note en bas de page n° 95 et aux considérants 136, 139, 140, 225, 249, 254, 270 et 277 de la décision attaquée -, au nombre desquels figurent des documents internes, présentés sous forme de tableaux et pour lesquels il est précisé qu'ils avaient été découverts chez Repsol ou PROAS ou présentés par celles-ci.
182 À cet égard, la Commission n'était pas tenue d'expliquer pourquoi elle n'estimait pas nécessaire que ces tableaux aient été établis avec la participation des requérantes.
183 Par ailleurs, la Commission n'était pas tenue de fournir une explication spécifique sur les raisons pour lesquelles elle aurait retenu, ainsi que le soutiennent les requérantes, que celles-ci avaient participé, dans la même mesure que Repsol, PROAS, BP et Nynäs, au partage de la clientèle.
184 Les conclusions qui précèdent s'imposent d'autant plus qu'il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents.
185 Il résulte de ce qui précède que le constat fait par la Commission de la participation des requérantes à la répartition de la clientèle est suffisamment motivé.
186 S'agissant de la participation des requérantes à la coordination des prix, elle a été relevée, notamment, aux considérants 295, 300, 301, 305, 306, 314 et 315 de la décision attaquée. De plus, la Commission a rappelé de manière suffisamment développée, au considérant 356 de la décision attaquée, les éléments sur lesquels elle fondait son constat de la participation des requérantes à cette composante de l'infraction.
187 Il se déduit également du considérant 356 de la décision attaquée que la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que la seule télécopie d'un client des requérantes ne pouvait être considérée comme un élément de preuve à décharge.
188 Enfin, la Commission a expliqué de manière détaillée comment, selon elle, se réalisait la coordination des prix entre les différents participants à l'infraction.
189 En effet, dans la partie de la décision attaquée consacrée à la description de la coordination des prix, la Commission fait référence à des réunions tenues entre Repsol, PROAS et, dans une moindre mesure, BP au cours desquelles se décidaient les variations de prix (considérants 293, 295, 302, 303 et 304 de la décision attaquée) et aux deux modalités selon lesquelles les requérantes participaient à cette coordination : d'une part, la communication d'informations au cours de réunions bilatérales ou par téléphone (considérants 296, 302, 305 et 306 de la décision attaquée), d'autre part, la présentation par les requérantes de demandes tendant à obtenir une modification des prix (considérants 300, 301 et 306 de la décision attaquée).
190 Ensuite, la Commission a résumé les modalités de coordination des prix au considérant 359 de la décision attaquée, où elle précise que, contrairement à Repsol, PROAS et BP, les requérantes n'ont pas participé directement aux réunions au cours desquelles les modifications de prix étaient décidées et que, soit elles présentaient elles-mêmes des demandes occasionnelles à Repsol ou à PROAS pour obtenir une variation des prix, soit, au minimum, elles étaient informées des décisions prises lors des réunions entre Repsol, PROAS et parfois BP.
191 Il résulte de ce qui précède que le constat fait par la Commission de la participation des requérantes à la coordination des prix est suffisamment motivé.
192 S'agissant de la participation des requérantes à l'infraction qui a été commise pendant la période allant de mars 1998 au 1er octobre 2002, la Commission relève au considérant 489 de la décision attaquée que les requérantes n'ont fourni aucun élément de preuve au soutien de leur allégation selon laquelle elles auraient informé en 1997 les producteurs de bitume qu'elles allaient mettre un terme à leurs contacts collusoires avec eux. Dans le même considérant, la Commission indique également, en se référant à la jurisprudence applicable selon elle, les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas estimer que les requérantes avaient mis fin à leur comportement anticoncurrentiel. En outre, la Commission présente le procès-verbal dressé par PROAS de la réunion du 17 septembre 1998 entre Repsol, PROAS et les requérantes comme un élément de preuve permettant d'établir que les requérantes ont tenu avec Repsol et avec PROAS des discussions sur la répartition du marché et fourni des chiffres de ventes à ces deux entreprises.
193 Par ailleurs, au considérant 490 de la décision attaquée, la Commission indique avoir établi la participation des requérantes à l'infraction jusqu'au 1er octobre 2002 en se fondant sur un ensemble de déclarations concordantes, auxquelles elle renvoie, et précise que les divers documents contemporains des faits présentés dans la décision attaquée illustrent et confirment ces déclarations. La Commission expose ensuite aux considérants 491 et 492 sous quelles conditions, selon elle, la jurisprudence considère les preuves avancées par ses services comme suffisantes pour établir la poursuite d'une infraction pendant plusieurs années en dépit de l'existence de périodes plus ou moins longues séparant les manifestations de cette infraction.
194 Enfin, s'agissant toujours d'un des éléments de preuve ayant permis à la Commission de retenir la participation des requérantes à l'entente jusqu'en 2002, la Commission, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, expose au considérant 278 de la décision attaquée les raisons précises pour lesquelles elle a considéré le courriel du 29 août 2002 comme un élément de preuve de la participation des requérantes aux accords de répartition des marchés. Elle y explique pourquoi elle considère que ce courriel concerne le bitume. Elle constate ensuite qu'il ressort du texte de ce courriel qu'une réunion avec Repsol est jugée opportune et qu'une réunion avec CEPSA, société mère de PROAS, a été programmée dans le but manifeste de clarifier la situation du marché et de ne pas " entrer en guerre " avec PROAS. Elle en déduit que le courriel démontre qu'un des buts de la stratégie commerciale des requérantes pour le bitume en Espagne a consisté à éviter une " guerre " avec un concurrent et que les requérantes ont pris des mesures pour mettre en œuvre cette stratégie.
195 Il résulte de ce qui précède que la Commission doit être considérée comme ayant suffisamment motivé son constat de la participation des requérantes à l'infraction qui a été commise pendant la période allant de mars 1998 au 1er octobre 2002.
196 En conséquence, le présent grief doit être écarté.
- Sur la différence de traitement appliquée aux membres de l'entente en fonction du degré de leur participation à celle-ci
197 Il convient de constater que la Commission a indiqué qu'elle tenait compte des différences de participation des membres de l'entente à l'infraction en retenant des circonstances aggravantes à l'égard de Repsol et de PROAS conduisant à majorer à leur égard le montant de l'amende de 30 % et en retenant des circonstances atténuantes à l'égard des requérantes conduisant à minorer à leur égard le montant de l'amende de 10 % (considérants 536, 567 et 568 de la décision attaquée).
198 En particulier, au considérant 567 de la décision attaquée, la Commission a justifié la réduction de 10 % du montant de l'amende appliquée aux requérantes par l'implication plus limitée de celles-ci dans certaines composantes de l'infraction. À cet égard, il y lieu de préciser que la Commission n'était pas tenue de fournir une explication spécifique sur les raisons pour lesquelles elle n'avait pas accordé un pourcentage de réduction supérieur.
199 En conséquence, le présent grief doit être écarté.
- Sur le caractère contradictoire de la motivation
200 Les requérantes soutiennent que, de manière contradictoire, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué à la fois qu'elles avaient pleinement participé à l'infraction et qu'elles n'y avaient pas pleinement participé.
201 Les requérantes produisent à cet effet une liste de sept extraits de la décision attaquée, tirés en particulier des considérants 543 et 567, laquelle n'est assortie que de rares explications.
202 S'agissant des accords de répartition du marché et de partage de la clientèle, il convient de relever que, au considérant 543 de la décision attaquée, la Commission indique, notamment, que l'implication totale des requérantes dans l'infraction est attestée par le fait que, pendant toute la durée de l'infraction, elles ont participé aux accords de répartition du marché et de la clientèle dans leur zone d'influence, mais seulement pour la phase des accords dans laquelle elles intervenait, laquelle est présentée au considérant 130, sous f), de la décision attaquée.
203 Hormis une imprécision minime et sans conséquence sur la compréhension du raisonnement suivi sur ce point par la Commission, imprécision tenant au fait que, par " durée de l'infraction ", il convient d'entendre " durée de leur participation à l'infraction ", ce qui résulte sans équivoque des développements détaillés que la Commission a consacrés par ailleurs dans la décision attaquée à la date de début et de fin de participation à l'entente de chaque société concernée, il n'est pas établi que la Commission aurait, dans d'autres parties de la décision attaquée, porté une appréciation contraire à ce qu'elle affirme dans l'extrait du considérant 543 mentionné au point précédent.
204 En particulier, l'autre extrait du considérant 543 ainsi que l'extrait du considérant 567 de la décision attaquée, qui sont cités par les requérantes pour établir une telle contradiction, ne portent pas sur la répartition du marché ou le partage de la clientèle en tant que tels, mais plus spécifiquement sur le système de surveillance et le mécanisme de compensation.
205 S'agissant de la coordination des prix, il convient de relever que la Commission, au considérant 543 de la décision attaquée, indique que l'implication totale des requérantes dans l'infraction est attestée par le fait, notamment, que, pendant toute la durée de l'infraction, elles ont coordonné avec Repsol et PROAS des variations de prix et l'époque de leur mise en œuvre.
206 Pour les mêmes raisons que celles précédemment décrites au point 203 ci-dessus, il convient d'indiquer que l'imprécision relative à l'emploi de l'expression " durée de l'infraction " est sans conséquence.
207 Par ailleurs, si la Commission indique au considérant 567 de la décision attaquée que l'implication des requérantes dans les activités de coordination des prix était moins régulière ou active que celle de Repsol, de PROAS ou de BP, une telle constatation ne contredit pas l'affirmation faite au considérant 543 de la décision attaquée selon laquelle les requérantes avaient participé aux activités de coordination des prix pendant toute la durée de l'infraction.
208 En effet, la Commission, au considérant 359 de la décision attaquée, précise que, contrairement à Repsol, à PROAS et à BP, les requérantes n'ont pas participé directement aux réunions au cours desquelles les modifications de prix étaient décidées et que, soit elles présentaient elles-mêmes des demandes occasionnelles à Repsol ou à PROAS pour obtenir une variation des prix, ce que BP faisait parfois également, soit, à tout le moins, elles étaient informées des décisions prises lors des réunions entre Repsol, PROAS et parfois BP.
209 Les requérantes pouvaient donc comprendre que, bien qu'elles aient participé à la coordination des prix pendant toute la période de leur implication dans l'infraction, elles l'avaient fait de manière moins régulière ou active que Repsol, PROAS et BP, puisqu'elles n'étaient pas présentes aux réunions au cours desquelles étaient adoptées des modifications de prix, même si elles étaient informées de leurs résultats et étaient parfois même à l'origine de ces modifications.
210 Il résulte de ce qui précède que, s'agissant du titre " F. Mesures correctives " de la décision attaquée, aucune contradiction relative aux accords de partage de marché et de clientèle ainsi qu'à la coordination des prix n'est établie.
211 En conséquence, aucun des griefs des requérantes n'ayant été retenu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
Sur le troisième moyen, pris de l'illégalité affectant le constat de l'implication des requérantes dans le système de surveillance et le mécanisme de compensation relatifs à l'application des accords de répartition du marché et de partage de la clientèle
Arguments des parties
212 Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 et d'avoir commis des erreurs manifestes d'appréciation ainsi qu'une erreur de droit en concluant, aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée, qu'elles avaient, dans le cadre des accords de partage du marché en cause, participé au système de surveillance des volumes de vente et de la clientèle attribués à chaque participant à l'entente ainsi qu'au mécanisme de compensation destiné à corriger les écarts par rapport aux accords de partage du marché.
213 Les requérantes soutiennent que la Commission n'a fondé sur aucun élément de preuve, contemporain ou non des faits litigieux, d'une part, le grief développé au considérant 335 de la décision attaquée, selon lequel les requérantes auraient contribué à " veiller à la réalisation de la répartition des volumes de vente et de la clientèle au moyen d'un système de surveillance ", et, d'autre part, la conclusion qu'elle a tirée en ce sens aux considérants 3 et 373.
214 Non seulement des éléments de preuve non contemporains des faits feraient défaut, mais, aux considérants 198 à 289 de la décision attaquée, la Commission n'aurait pas produit le moindre élément de preuve contemporain des faits démontrant la participation des requérantes à un système de surveillance.
- Défaut d'éléments de preuve non contemporains des faits
215 Les considérants 174 à 189 de la décision attaquée ne mentionneraient pas les requérantes en tant qu'entreprises impliquées dans le système de surveillance en cause et aucun de leurs salariés ne figurerait parmi les participants aux réunions de surveillance cités au tableau 3 reproduit au considérant 180 de ladite décision. Dans sa déclaration, dont aucune raison plausible n'interdit la prise en considération, M. V. C. confirmerait en ces termes que les requérantes n'ont jamais été impliquées dans un système de surveillance :
" J'ai relevé le grief de la Commission européenne suivant lequel Galp Energía España [...] aurait participé au fonctionnement d'un système de surveillance et d'un mécanisme de compensation de la table de l'asphalte. C'est inexact. Pour le simple fait que nous n'avons jamais été compensés, indépendamment du volume de ventes de Galp Energía España [...]. Il est vrai qu'à un certain moment j'ai constaté l'existence d'un certain type de mécanisme de compensation auquel participaient les membres de la table de négociation sur l'asphalte, mais je n'ai jamais su ce que ces sociétés avaient à voir avec ce système. Par conséquent, Galp Energía España [...] n'a jamais été impliquée dans aucun mécanisme de compensation. "
- Défaut d'éléments de preuve contemporains des faits
216 Au considérant 348 de la décision attaquée, la Commission semblerait soutenir que la participation des requérantes à un système de surveillance peut être déduite d'un passage du procès-verbal dressé par PROAS d'une réunion du 17 septembre 1998, évoqué au considérant 242 de ladite décision et indiquant en ces termes que les requérantes ont communiqué des chiffres de ventes à PROAS et à Repsol :
" D'après le relevé sommaire des ventes qu'ils nous ont transmis, ils ont vendu au-delà de ce qui leur revient dans le PTT. "
217 Les requérantes ne disposeraient d'aucun élément sur cette réunion et ne pourraient donc confirmer que le procès-verbal reproduit convenablement une conversation qui a pu ou non avoir lieu ou rapporte correctement qu'elles ont communiqué un " relevé sommaire des ventes ".
218 Ce serait à tort que la Commission qualifie ce procès-verbal d'élément de preuve suffisamment précis et cohérent de la participation des requérantes au système de surveillance avec PROAS, Repsol ou BP et Nynäs.
219 En premier lieu, " nous " ne désignerait manifestement que PROAS. La Commission retiendrait donc erronément au considérant 348 de la décision attaquée que le procès-verbal révèle que les requérantes ont communiqué un état succinct de leur chiffre d'affaires tant à PROAS qu'à Repsol.
220 En deuxième lieu, le procès-verbal ne renverrait qu'à un relevé sommaire des ventes, de caractère apparemment générique. Il s'en déduirait que les requérantes avaient vendu une quantité de bitume supérieure à leur quota de 48 000 tonnes métriques (ci-après " Tm "). Il n'existerait aucune preuve que l'exposé succinct présumé désignait la clientèle.
221 En troisième lieu, la Commission méconnaîtrait complètement, au considérant 348 de la décision attaquée, le contexte de la communication à PROAS de l'exposé succinct du chiffre d'affaires des requérantes. Au cours de la réunion du 17 septembre 1998, les requérantes auraient en effet confirmé avoir pris leurs distances par rapport à toute participation à la table de l'asphalte.
222 En quatrième lieu, il ne serait manifestement pas possible de conclure à une telle participation du seul fait de la communication éventuelle de chiffres qui, selon PROAS, sont assimilables à un relevé sommaire des ventes au contenu inconnu, ce qui aurait donné à croire à PROAS que les requérantes ont livré " en dehors de ce qui leur revenait dans le PTT ".
223 En l'absence de tout autre élément de preuve démontrant l'échange délibéré, conscient et régulier d'informations sur le chiffre d'affaires entre les requérantes et Repsol et PROAS, la Commission ne pourrait soutenir que le procès-verbal constitue un élément de preuve d'une participation des requérantes à un système de surveillance systématique.
224 En outre, au considérant 335 de la décision attaquée, la Commission mentionnerait en général, en les utilisant comme éléments de preuve d'un système de surveillance, plusieurs documents internes découverts chez Repsol et PROAS, ou communiqués par celles-ci, qui ne sont pas susceptibles de démontrer la participation des requérantes à un système de surveillance. Au nombre de ces pièces figureraient des documents comportant des références aux requérantes, dont un tableau interne de PROAS mentionné au considérant 223 de la décision attaquée et un tableau interne de Repsol intitulé " Tableau données bitume 1998 " décrit au considérant 243 de ladite décision.
225 Le considérant 335 de la décision attaquée ne ferait pas clairement apparaître que la Commission présente ces documents en les tenant pour des éléments de preuve concernant les requérantes. En tout état de cause, il serait exclu que ces documents pussent servir d'éléments de preuve d'une participation à un système de surveillance. En fait, PROAS aurait elle-même reconnu que le tableau mentionné au considérant 223 de la décision attaquée a été préparé à l'aide de données relatives au marché collectées par son personnel des ventes, ce qui disculperait les requérantes de toute participation à la collecte de ces chiffres. De même, le document présenté par Repsol décrit au considérant 243 de ladite décision serait un document interne et il n'existerait aucun élément de preuve révélant que les requérantes aient communiqué la moindre information à Repsol.
226 La Commission aurait en outre méconnu certains éléments convaincants disculpant les requérantes de leur participation prétendue à un système de surveillance. BP aurait déclaré clairement au cours d'un entretien avec la Commission que " la surveillance ne concernait que [Repsol, PROAS et BP], de telle sorte que [Nynäs et les requérantes] ne participaient pas à la surveillance ". En fait, la Commission reconnaîtrait au considérant 348 qu'" [i]l se peut que [les requérantes n'aient] pas participé à des discussions sur la surveillance ".
227 Le principe in dubio pro reo serait applicable en l'espèce : la constatation formulée par la Commission aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée, suivant laquelle les requérantes ont été parties à un système de surveillance, n'est manifestement pas étayée d'éléments de preuve suffisamment précis et concordants.
228 S'agissant du mécanisme de compensation conçu pour rectifier tout écart survenu par rapport aux accords de répartition des volumes de ventes et de la clientèle, les requérantes démentent avoir été impliquées dans un tel mécanisme, contrairement aux constatations exposées aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée.
229 Comme pour le système de surveillance, les requérantes ne seraient nullement mentionnées en qualité de participants dans la description présentée aux considérants 190 à 200 de la décision attaquée, sur le fondement des observations formulées par les trois demandeurs de clémence. Dans sa déclaration susmentionnée, M. V. C. confirmerait que Galp Energía España n'a jamais été impliquée dans le moindre mécanisme de compensation.
230 En outre, aux considérants 190 à 197 de la décision attaquée, la Commission ne présenterait pas le moindre élément de preuve contemporain des faits révélant la participation des requérantes au mécanisme de compensation. En particulier, aucun des exemples cités par la Commission au considérant 197 de la décision attaquée pour illustrer son fonctionnement ne contiendrait la moindre allusion aux requérantes.
231 Il serait logique que les requérantes n'apparaissent pas en qualité de participants au mécanisme de compensation, dès lors qu'elles n'étaient pas non plus impliquées dans un système de surveillance, sans lequel il ne peut exister de compensation. La déclaration de BP selon laquelle la surveillance ne concernerait que Repsol, PROAS et BP constituerait donc également un élément de preuve disculpant les requérantes d'une participation à un mécanisme de compensation. En fait, la Commission reconnaîtrait au considérant 348 qu'" il se peut que les requérantes n'aient pas participé à des discussions sur [...] la compensation ".
232 La Commission objecte que le considérant 335 de la décision attaquée expose clairement que tous les membres de l'entente n'ont pas pris part dans la même mesure à toutes ses composantes. De même, le considérant 373 de ladite décision serait une description générale de l'infraction considérée dans son ensemble et n'affirmerait pas que chaque membre de l'entente a pleinement participé à chacune de ses composantes. Comme il ressort du considérant 567 de cette décision, la Commission admettrait qu'il se peut que la participation des requérantes et de Nynäs à certains aspects de l'infraction ait été plus limitée que celle des trois autres participants et elle en tiendrait compte en leur accordant une réduction de leur amende.
233 S'agissant du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998, il serait indifférent que le sommaire des ventes litigieux ait été fourni à la fois à PROAS et à Repsol ou à PROAS seulement, puisqu'elles étaient toutes deux les concurrents directs des requérantes. La mention du dépassement de leur quota par les requérantes confirmerait indirectement l'existence d'un quota et constituerait la preuve d'un certain degré de surveillance. Le considérant 242 de la décision attaquée n'affirmerait pas que le relevé sommaire des ventes fait référence aux clients, mais relèverait que le procès-verbal montre comment les requérantes fournissaient à leurs concurrents des informations sur leurs ventes leur permettant de surveiller le respect par les requérantes des volumes qui leur avaient été attribués par l'accord de partage des marchés ou " PTT ".
234 Il conviendrait de comprendre le sommaire des ventes à la lumière de l'ensemble du procès-verbal, qui indique que les requérantes recherchaient un accord général sur le marché et la révision coordonnée de tous les secteurs d'activité du marché ibérique, soit un accord anticoncurrentiel encore plus vaste. Enfin, la Commission n'aurait pas prétendu que le procès-verbal prouvait un échange d'informations systématique, mais qu'il faisait simplement partie des éléments de preuve utilisés pour démontrer l'existence du système de surveillance appliqué dans l'ensemble de l'entente.
235 Les requérantes reconnaîtraient elles-mêmes que leurs arguments relatifs au degré de leur participation au système de surveillance ont été pris en considération par la Commission, comme le montre le considérant 348 de la décision attaquée. S'il se peut que les requérantes n'aient pas participé aux discussions sur la surveillance, il n'en demeurerait pas moins qu'elles ont contribué à leur propre niveau à la poursuite de l'objectif commun de distorsion de la concurrence sur le marché espagnol du bitume. La participation à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus suffirait à prouver la participation à une entente.
236 La formulation de la déclaration de M. V. C., qui jouit d'une plus grande crédibilité puisqu'elle est contraire aux intérêts des requérantes, confirmerait que, même si, comme les intéressées le prétendent, elles n'ont pas activement participé au mécanisme de compensation, elles auraient été à tout le moins informées de son existence, ce que les requérantes ne démentiraient à aucun moment.
Appréciation du Tribunal
237 Lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, d'un recours en annulation d'une décision d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d'application de cette disposition se trouvent ou non réunies (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 63, et la jurisprudence citée).
238 Selon une jurisprudence constante, la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer à suffisance de droit l'existence des faits constitutifs d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, point 58). Elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l'infraction a été commise (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 53, et la jurisprudence citée).
239 Il incombe à l'entreprise invoquant le bénéfice d'un moyen de défense contre une constatation d'infraction d'apporter la preuve que les conditions d'application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que la Commission devra alors recourir à d'autres éléments de preuve (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 78).
240 Même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l'entreprise concernée, les éléments factuels qu'une partie invoque peuvent être de nature à obliger l'autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 79).
241 Chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque composante de l'infraction. Il suffit que le faisceau d'indices invoqué par l'institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 54, et la jurisprudence citée).
242 Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 56, et la jurisprudence citée).
243 Enfin, l'existence d'un doute dans l'esprit du juge doit profiter à l'entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de la présomption d'innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l'Union, s'applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d'aboutir au prononcé d'amendes ou d'astreintes (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 64, et la jurisprudence citée).
244 C'est au vu de ces observations générales qu'il convient d'apprécier les éléments de preuve réunis par la Commission à l'appui de la participation des requérantes à l'infraction, que ce soit dans le cadre du présent moyen ou dans le cadre des autres moyens par lesquels la participation des requérantes à l'infraction est contestée.
245 Dans le cadre du présent moyen, il convient d'examiner successivement le grief des requérantes relatif à leur participation au système de surveillance, puis celui relatif à leur participation au mécanisme de compensation.
246 En ce qui concerne la participation des requérantes au système de surveillance des accords de répartition du marché et de partage de la clientèle, il y a lieu de relever que, comme il ressort du point 3.85 de la requête, les requérantes ont souligné, sans contestation sur ce point de la part de la Commission, que, selon la déclaration formulée par M. A. T., directeur du département " Bitume " de BP España, au cours de son entretien du 5 novembre 2003 avec les agents de la Commission, " la surveillance ne concernait que [Repsol, PROAS et BP], de telle sorte que [les requérantes] ne participaient pas à la surveillance ".
247 De plus, la décision attaquée ne mentionne à aucun moment les requérantes dans les divers éléments des déclarations des trois demandeurs de clémence analysés aux considérants 174 à 189 de la décision attaquée, lesquels sont consacrés à ce système. En particulier, aucun salarié des requérantes ne figure parmi les participants aux réunions de surveillance mentionnés au tableau 3 reproduit au considérant 180 de la décision attaquée.
248 Enfin, s'agissant des documents contemporains des faits, au considérant 189 de la décision attaquée, la Commission mentionne certains des considérants dans lesquels figurent les indices établissant, selon elle, l'existence du système de surveillance. Le considérant 189 renvoie, notamment, aux considérants 213 et 223 de ladite décision, dans lesquels il est fait référence aux requérantes. De plus, au considérant 213 de cette décision figure une note en bas de page, la note n° 181, dans laquelle il est fait également référence aux requérantes.
249 Il convient d'examiner les différents éléments de preuve censés, selon la Commission, démontrer l'implication des requérantes dans le système de surveillance, notamment, ceux figurant dans les considérants mentionnés au point précédent.
250 En premier lieu, la Commission précise, au quatrième alinéa du considérant 213 de la décision attaquée, à propos du tableau des ventes afférent à la première quinzaine du mois de décembre de l'année 1994, ce qui suit :
" Il convient également de remarquer les indications griffonnées sur la page contenant le tableau des ventes de la première quinzaine de décembre 1994 :
'Petrogal 48
Nynäs 55/56' (...)
La Commission pense que les montants susmentionnés renvoient aux volumes théoriques attribués par l'entente à Petrogal et à Nynäs, comme Repsol l'a indiqué dans sa demande de clémence (voir considérant 154) :
Petrogal : 48 000 tonnes ;
Nynäs : 54 000 tonnes.
En réponse à une demande de renseignements, Repsol a confirmé que les termes 'Petrogal 48' et 'Nynäs 55/56' se rapportaient aux milliers de tonnes négociés avec Petrogal et Nynäs au titre de leurs parts respectives du marché espagnol. "
251 Non seulement ce tableau se rapporte à une période antérieure à la date de début de la participation des requérantes à l'entente telle que retenue par la décision attaquée, soit le 31 janvier 1995, mais encore les indications griffonnées portées sur ce tableau se bornent à reproduire le volume de ventes théorique alloué aux requérantes au terme de la dernière étape des accords annuels de marché visée au considérant 130, sous f), de la décision attaquée. Ainsi, ces annotations ne concernent pas les ventes réelles des requérantes. Elles n'ont donc aucune valeur probante s'agissant de la participation des requérantes au système de surveillance.
252 En deuxième lieu, le tableau de PROAS intitulé " Résumé des ventes totales du marché 1994 " (considérant 223 de la décision attaquée) et comportant une liste des principaux fournisseurs de bitume, au nombre desquels figurent les requérantes, ne peut davantage leur être opposé, étant antérieur au début de leur participation à l'infraction.
253 De plus, ainsi qu'il ressort de la réponse de PROAS à une demande de renseignements citée au considérant 223 de la décision attaquée, ce tableau a été élaboré sur la base d'informations de marché collectées par le personnel des ventes de PROAS, ce qui ne permet pas de conclure que ces informations auraient été communiquées par les requérantes dans le cadre d'un système de surveillance des quotas.
254 Enfin, toujours selon le considérant 223 de la décision attaquée, le tableau qui y est mentionné " pourrait avoir servi à échanger des informations à la table de l'asphalte ". Il se déduit de l'utilisation du conditionnel qu'il n'est même pas certain que ce tableau ait servi à l'échange d'informations sur lequel repose le système de surveillance litigieux.
255 En troisième lieu, le " tableau de surveillance pour 1995 " évoqué dans la note en bas de page n° 181 (in limine) de la décision attaquée, qui est un résumé de ventes théoriques, de ventes effectives et de l'écart entre elles, mentionne des numéros, " 3 + 1 ", " 2 " et " 4 ", auxquels sont associés respectivement Repsol, PROAS et BP. Ce tableau ne mentionne pas les requérantes. Toujours dans la même note, est évoqué ensuite le " tableau pour 2001 ", dans lequel des quotas théoriques et des ventes réelles sont comparés. Ce tableau ne concerne que " les trois fournisseurs ", ce qui renvoie nécessairement à Repsol, PROAS et BP, puisqu'il vient d'y être fait référence dans la note.
256 L'absence des requérantes dans ces tableaux de suivi ne permet pas de considérer ces pièces comme des éléments de preuve de la participation des requérantes au système de surveillance.
257 Si la note en bas de page n° 181 (in fine) indique que " Repsol explique la signification des numéros utilisés pour désigner chaque fournisseur dans les 'tableaux' : 1 : [Repsol], 2 : PROAS, 3 : Petronor, 4 : BP, 5 : Nynäs, 7 : Petrogal, 9 : Importations ", cette précision, qui ne fait que confirmer le lien entre ces numéros et les participants à l'infraction, ne permet pas de conclure que les requérantes étaient mentionnées dans les tableaux de suivi mentionnés précédemment dans la note.
258 En quatrième lieu, la phrase " [d']après le sommaire des ventes qu'ils nous ont transmis, ils ont livré au-delà de ce qui leur revenait selon le PTT ", figurant dans le procès-verbal dressé par PROAS de la réunion intitulée " Réunion Petrogal le 17-09-98 " tenue, selon le considérant 236 de la décision attaquée, entre Repsol, PROAS et les requérantes, ne peut davantage constituer un indice de la participation des requérantes au système de surveillance en cause.
259 Il ressort en effet du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998, procès-verbal dressé par PROAS et reproduit au considérant 236 de la décision attaquée, que les requérantes " attend[ai]ent une réponse des autres entreprises sur la révision de l'ensemble des secteurs d'activité du marché ibérique " et que, " [aussi longtemps] qu'elles n'aur[aie]nt pas de réponse à la proposition d'accord général, elles continuer[aie]nt à prendre les positions qu'elles juger[ai]ent les plus commodes ".
260 La référence, dans le procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998, à une proposition d'accord général faite aux deux principaux concurrents des requérantes et à laquelle celles-ci attendaient une réponse ainsi que la communication, au cours de cette réunion, d'informations concernant les chiffres de ventes de bitume des requérantes indiquent que les discussions menées par les trois entreprises au cours de ladite réunion se rapportaient à une négociation portant sur le partage du marché du bitume.
261 De plus, les requérantes ont soutenu, sans être contredites sur ce point par la Commission, avoir très largement dépassé, dès l'exercice 1998, le volume de ventes qui leur avait été alloué dans le cadre de l'entente, comme cela ressort des chiffres de ventes des requérantes reproduits au point 3.130 de la requête. Elles indiquent que, au titre de l'année 1998, elles ont vendu 89 177 Tm de bitume.
262 Même si, en septembre 1998, l'ensemble de ces ventes n'était probablement pas encore réalisé, la différence entre le volume en cause et le quota attribué dans le cadre de l'entente, soit 48 000 Tm, est telle que la communication à Repsol et PROAS de chiffres révélant cet écart ne peut être comprise comme une participation à un système de surveillance, mais plutôt comme un argument dans la négociation d'un nouveau quota plus important.
263 Ainsi, en présentant à leurs concurrents au cours de la réunion du 17 septembre 1998 des informations sur leurs chiffres de ventes de bitume permettant à ceux-ci de constater qu'elles avaient vendu très largement au-delà de ce qui leur revenait en vertu du PTT, les requérantes ne peuvent être regardées comme ayant participé au système de surveillance.
264 À titre surabondant, il convient d'ajouter que la réunion ayant donné lieu à la rédaction du procès-verbal litigieux s'est tenue au cours de la deuxième période du système de surveillance, laquelle, selon l'extrait de la demande de clémence de Repsol rapporté aux considérants 183 et 187 de la décision attaquée, a débuté vers 1996 et duré jusqu'en 2001. Or, cet extrait révèle que la surveillance était réalisée par téléphone au cours de cette période, car des réunions n'étaient plus jugées nécessaires à cette fin. L'absence, au cours de la période en cause, de réunions consacrées à la surveillance de l'exécution des accords de répartition du marché et de partage de la clientèle confirme que la réunion litigieuse du 17 septembre 1998 n'a pas eu pour objet la surveillance des ventes des requérantes.
265 À l'examen, il s'avère donc que les documents contemporains des faits par lesquels la Commission, dans la décision attaquée, met en rapport les requérantes avec le système de surveillance ne constituent pas des indices de leur participation à ce système.
266 Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi à suffisance de droit que les requérantes aient participé au système de surveillance des accords de répartition de marché et de clientèle.
267 En ce qui concerne la participation des requérantes au mécanisme de compensation, la décision attaquée ne mentionne à aucun moment les requérantes dans les divers éléments des déclarations des trois demandeurs de clémence analysés aux considérants 190 à 197 de la décision attaquée, lesquels sont consacrés à ce mécanisme.
268 De même, aucun des documents contemporains des faits cités par la Commission aux fins d'établir l'existence du mécanisme de compensation ne comporte la moindre référence aux requérantes.
269 De plus, il y a lieu de relever que la Commission indique, au considérant 543 de la décision attaquée, lequel figure sous le titre " F. Mesures correctives ", ce qui suit :
" [...] même si le comportement de Petrogal et Nynäs a peut-être été moins actif que celui des autres participants (parce que, par exemple, elles n'ont pas participé au mécanisme de compensation ou à toutes les phases des discussions conduisant à l'accord annuel de partage du marché) [...] pendant toute la durée de l'infraction, elles ont négocié ou ont au moins convenu avec Repsol et/ou PROAS de la limitation de leurs volumes de ventes et de la répartition des clients dans leurs zones d'influence et ont coordonné avec elles les variations de prix et l'époque de leur mise en œuvre [...] "
270 Il ressort de cet extrait que la Commission admet elle-même, dans la décision attaquée, que les requérantes n'ont pas participé directement au mécanisme de compensation.
271 Au demeurant, l'absence de participation des requérantes au mécanisme de compensation est, dans cet extrait, placée sur le même plan que la constatation selon laquelle elles ne participaient pas à toutes les phases de discussions conduisant à l'accord annuel de partage du marché. Or, l'absence de participation des requérantes à certaines phases de la discussion ressort clairement de la lettre du considérant 130, sous a) à d), de la décision attaquée, dans lequel il n'est fait référence qu'aux producteurs de bitume.
272 Il résulte de ce qui précède que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas établi la participation des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation.
273 Pourtant, elle a retenu leur responsabilité s'agissant de ces deux composantes de l'infraction.
274 En effet, à l'article 1er du dispositif de la décision attaquée, la Commission constate que les requérantes, au même titre que les autres destinataires de la décision attaquée, ont enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le commerce du bitume couvrant le territoire espagnol (à l'exception des îles Canaries) et consistant en des accords de partage des marchés et de coordination des prix.
275 La Commission indique, au considérant 3 de la décision attaquée, ce qui suit :
" [...] les destinataires de la présente décision [et, par conséquent, les requérantes] ont participé à une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, CE, par laquelle, à différents niveaux, ils ont :
- [...]
- surveillé l'application des accords de partage des marchés et, à cet effet, échangé des informations sensibles sur le marché ;
- instauré un mécanisme de compensation afin de corriger des écarts par rapport aux accords de partage des marchés ;
- [...] "
276 À cet égard, il convient de relever que la circonstance que la Commission ait pu réduire l'amende pour tenir compte de la moindre participation des requérantes concernant le système de surveillance et le mécanisme de compensation ne permet pas de conclure qu'elle n'a pas retenu leur responsabilité.
277 En effet, dans le cadre d'une infraction unique et continue, la jurisprudence distingue les notions de responsabilité et de participation à l'infraction, la responsabilité d'une entreprise pouvant être retenue pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour des comportements infractionnels auxquels cette entreprise n'a pas participé, lorsqu'elle avait connaissance de ceux-ci ou lorsqu'elle ne pouvait en ignorer l'existence (arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C-441-11 P, non encore publié au Recueil, point 45).
278 La Commission s'est d'ailleurs fondée, pour déterminer le montant de l'amende infligée à chaque entreprise, sur un montant de départ commun à toutes les entreprises concernées (considérant 510 de la décision attaquée), ce qui confirme que la Commission a estimé que chacune d'entre elles devait être tenue pour responsable, même si c'est à des degré divers de participation, de toutes les composantes de l'infraction.
279 Ainsi, la Commission a-t-elle retenu, dans la décision attaquée, la responsabilité des requérantes au titre de l'ensemble des composantes de l'infraction, y compris le système de surveillance et le mécanisme de compensation.
280 Cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, la participation des requérantes au titre de ces deux composantes de l'infraction n'est pas établie dans la décision attaquée.
281 Or, le motif tiré de la participation des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation n'apparaît pas comme un motif surabondant dont l'illégalité n'entraînerait pas l'annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C-122-01 P, Rec. p. I-4261, point 17 ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50-00, Rec. p. II-2395, point 146).
282 En effet, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission se soit fondée sur un autre motif que celui tiré de la participation des requérantes à ces deux composantes de l'infraction pour retenir leur responsabilité à cet égard.
283 En particulier, la Commission, pour répondre, dans la décision attaquée, à l'objection relative à l'implication des requérantes dans le système de surveillance et le mécanisme de compensation qui avait été soulevée par celles-ci à la suite de la communication des griefs, a indiqué, notamment, ce qui suit au considérant 348 de la décision attaquée :
" [...] En tout cas, le fait que Nynäs et/ou Petrogal n'aient peut-être pas participé aux discussions concernant le contrôle ou la compensation n'exclut pas que, comme ceci est indiqué ci-dessus, Nynäs et Petrogal aient pris part, à leur propre niveau, à la poursuite de l'objectif commun visant à fausser le jeu de la concurrence sur le marché espagnol du bitume. De plus, il est suffisant pour la Commission d'établir que Nynäs et Petrogal ont participé à des réunions pendant lesquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, tels que la discussion et/ou l'acceptation des quotas de marché et le partage des clients dans leur zone d'influence, afin de prouver qu'elles ont participé à l'entente. "
284 La Commission s'est bornée, dans cet extrait, à indiquer que, dans l'hypothèse où les requérantes n'auraient pas participé au système de surveillance et au mécanisme de compensation, elles auraient malgré tout participé à la poursuite d'un objectif commun ainsi qu'à des discussions relatives à la répartition du marché, ce qui suffirait à établir leur participation à l'entente, prise dans son ensemble.
285 Il convient de relever que cette explication ne concerne pas spécifiquement la responsabilité des requérantes au titre du système de surveillance et du mécanisme de compensation et ne saurait donc être regardée comme révélant un motif, alternatif à la participation, qui aurait été utilisé par la Commission dans la décision attaquée pour retenir la responsabilité des requérantes quant à ces deux composantes de l'infraction.
286 Au demeurant, la Commission, dans ses écrits, n'allègue pas qu'elle se serait fondée, dans la décision attaquée, sur un autre motif que celui tiré de la participation des requérantes à ces deux composantes de l'infraction pour retenir leur responsabilité à cet égard.
287 À supposer même que la Commission puisse être regardée comme ayant retenu la responsabilité des requérantes concernant le système de surveillance et le mécanisme de compensation sur la base d'un motif alternatif à leur participation à ces deux composantes, motif qui serait exposé dans l'extrait du considérant 348 de la décision attaquée, ce motif ne serait pas suffisant pour justifier légalement cette décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C-86-89, Rec. p. I-3891, point 20).
288 En effet, ainsi qu'il a été rappelé au point 277 ci-dessus, selon la jurisprudence, la responsabilité d'une entreprise au titre d'un comportement infractionnel auquel elle n'a pas participé ne peut être retenue que si cette entreprise avait connaissance dudit comportement ou si elle ne pouvait en ignorer l'existence.
289 Or, au considérant 348 de la décision attaquée, la Commission ne se fonde ni sur une connaissance que les requérantes auraient eu du système de surveillance et du mécanisme de compensation ni sur le fait qu'elles ne pouvaient ignorer l'existence de ces composantes. Elle ne le fait pas non plus dans une autre partie de la décision attaquée.
290 Au demeurant, il y a lieu de relever qu'une telle connaissance ou impossibilité d'ignorer l'existence des deux composantes en cause de l'infraction n'est pas établie au regard des éléments sur lesquels la Commission s'est fondée pour adopter la décision attaquée.
291 À cet égard, il convient de relever qu'une éventuelle connaissance par les requérantes de ces deux composantes de l'infraction ne saurait être présumée, compte tenu de leur rôle dans l'entente. En effet, il est constant que les requérantes, dont la part du marché en cause était en 2001 de 4,54 %, n'avaient participé à l'entente qu'à compter du 31 janvier 1995 après s'être vu offrir l'attribution d'une part de marché par Repsol et par PROAS (considérant 125 de la décision attaquée). Elles occupaient en outre une position géographique périphérique, leur zone d'influence étant confinée à proximité de la frontière hispano-portugaise. Enfin, tandis que Repsol et PROAS étaient des membres permanents de la table de l'asphalte, les requérantes y ont siégé moins fréquemment (considérant 126 de la décision attaquée) et ont pris part uniquement aux discussions concernant leur zone d'influence, sur une base bilatérale, avec Repsol ou PROAS, en l'absence d'autres membres de l'entente (considérant 129 de la décision attaquée). Ainsi, les requérantes n'ont pas participé à toutes les phases des discussions conduisant aux accords annuels de partage du marché (considérant 543 de la décision attaquée), mais étaient seulement informées, au cours de la dernière de ces phases, des volumes de ventes et des clients leur revenant dans leur zone d'influence, lesquels étaient alors négociés avec Repsol ou PROAS [considérant 130, sous f), de la décision attaquée].
292 En conséquence, la responsabilité des requérantes au titre du système de surveillance et du mécanisme de compensation n'est pas établie au regard des éléments sur lesquels la Commission s'est fondée pour adopter la décision attaquée.
293 Cependant, la Commission se prévaut dans ses écrits de la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España), jointe en annexe A.12 à la requête et produite au dossier de la procédure juridictionnelle par les requérantes.
294 Or, en affirmant expressément dans cette déclaration avoir " constaté l'existence d'un certain type de mécanisme de compensation auquel participaient les membres de la table de négociation sur l'asphalte ", M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España), révèle a posteriori que les requérantes avaient effectivement connaissance du mécanisme de compensation auquel ont participé d'autres membres de l'entente et qu'elles pouvaient ainsi raisonnablement prévoir l'existence de son corollaire, le mécanisme de surveillance, et qu'elles étaient prêtes à en accepter le risque.
295 Toutefois, dans la mesure où le motif tiré de la connaissance du système de surveillance et du mécanisme de compensation n'avait pas été retenu dans la décision attaquée, il n'appartient pas au Tribunal, dans le cadre du contrôle de légalité, de substituer une motivation entièrement nouvelle par rapport à la motivation erronée qui avait été retenue par la Commission (arrêt de la Cour du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C-164-98 P, Rec. p. I-447, point 38 ; arrêt du Tribunal du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer, T-560-08 P, non encore publié au Recueil, point 59).
296 En tout état de cause, la déclaration de M. V. C. du 6 décembre 2007, qui n'est pas mentionnée dans la décision attaquée, ne permet pas de purger celle-ci du vice de légalité que constitue l'incapacité des éléments de preuve avancés dans cette décision à établir la responsabilité des requérantes au titre du système de surveillance et du mécanisme de compensation.
297 En effet, dans le cadre d'un recours en annulation introduit en vertu de l'article 230 CE, il n'appartient au juge que de contrôler la légalité de l'acte attaqué.
298 De plus, selon une jurisprudence constante, la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer à suffisance de droit l'existence des faits constitutifs d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 58). Elle doit faire état, dans la décision constatant l'existence d'une telle infraction, de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l'infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62-98, Rec. p. II-2707, point 43, et la jurisprudence citée ; du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54-03, non publié au Recueil, point 55, et Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 53). Il appartient donc à la Commission, lorsqu'elle constate l'existence d'une infraction, d'établir, dans les motifs mêmes de la décision constatant cette infraction, les faits sur la base desquels elle adopte cette décision.
299 Ainsi, le rôle du juge saisi d'un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l'existence d'une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision elle-même sont suffisants pour établir l'existence de l'infraction reprochée.
300 Il s'ensuit que la Commission ne saurait avancer, au soutien de la légalité de la décision attaquée, de nouveaux éléments de preuve à charge non retenus dans celle-ci, de même que le juge ne saurait se fonder sur de tels éléments, pour conclure à la légalité de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II2501, points 174 à 176).
301 Aussi, dans le cadre des conclusions en annulation, le Tribunal ne peut-il prendre en compte la déclaration susmentionnée de M. V. C., laquelle, bien que révélant l'existence d'un fait antérieur à l'adoption de la décision attaquée, constitue un nouvel élément de preuve à charge non retenu dans celle-ci.
302 En conséquence, il y a lieu d'accueillir le présent moyen.
Sur le quatrième moyen, pris de l'illégalité affectant le constat de la participation des requérantes à la répartition de la clientèle
Arguments des parties
303 Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 et commis des erreurs manifestes d'appréciation ainsi qu'une erreur de droit en concluant, aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée, qu'elles avaient, dans le cadre des accords de partage du marché en cause, participé à la répartition de la clientèle.
304 Les requérantes estiment que la Commission semble ne fonder le constat de leur participation à la répartition de la clientèle, effectué aux considérants 122 à 189 de la décision attaquée, que sur deux déclarations de Repsol et de PROAS. La Commission ferait également allusion en général, en les tenant pour des éléments de preuve, à plusieurs documents à usage interne découverts auprès de Repsol et de PROAS ou présentés par celles-ci, parmi lesquels certains mentionnent les requérantes et comportent une colonne intitulée " Clients ".
- Éléments de preuve non contemporains des faits : caractère insuffisamment probant des déclarations de Repsol et de PROAS
305 Les requérantes estiment inexacte la déclaration de Repsol, citée dans la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée, relative à une réunion d'avril 2002 au cours de laquelle elle aurait informé les requérantes et procédé avec elles à une discussion sur " le marché dans leur zone [géographique], les tonnes, les clients et la répartition [du marché] ".
306 Pour sa part, PROAS aurait déclaré en termes très généraux que Repsol, elle-même ou BP " communiquaient [aux requérantes], par téléphone ou en [leur] faisant parvenir une copie partielle du document contenant l'accord de partage du marché ou ?PTT', les volumes et les projets qui correspondaient [aux requérantes] pour l'année en cause (chaque fois [que les requérantes] ne participai[en]t pas aux réunions et pour ce qui concern[ait] leurs zones d'influence) ".
307 La Commission reconnaîtrait au considérant 346 de la décision attaquée que BP et PROAS lui ont communiqué une description complète et cohérente de la répartition de la clientèle entre Repsol, PROAS et BP. En revanche, la déclaration de PROAS relative à la prétendue participation des requérantes à cette répartition figurant dans la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée serait trop vague pour pouvoir servir d'élément de preuve.
308 Compte tenu de ce qui précède, les déclarations vagues, inexactes et imprécises de Repsol et de PROAS ne pourraient être retenues au soutien de la participation des requérantes au partage de clientèle.
- Absence d'éléments de preuve contemporains des faits : défaut de force probante des tableaux internes de Repsol et de PROAS
309 Aux considérants 225, 244 à 255 et 269 à 289 de la décision attaquée, la Commission ferait allusion à plusieurs documents et tableaux internes découverts dans les locaux de Repsol et de PROAS ou présentés par celles-ci. Ces deux entreprises soutiendraient que ces documents font quelquefois allusion aux requérantes par l'emploi de certains numéros de référence. Des références à des " clients " apparaîtraient également dans certains de ces documents, au nombre desquels figureraient :
- un tableau interne du 28 mars 1994 établi par PROAS et découvert au cours des vérifications (considérant 218 de la décision attaquée) ;
- un document interne intitulé " Feuille d'étude - Prévision 1995 Nynäs ", qui contient deux colonnes indiquant la province et le client et quatre autres colonnes intitulées 1, 2, 5 et 6 et énumérant les volumes. Selon Repsol, le chiffre 6 désignerait les requérantes. Repsol aurait reconnu que les volumes indiqués sur la feuille avaient été négociés au cours d'une réunion commune par Repsol, PROAS et Nynäs (considérant 225 de la décision attaquée) ;
- un document sous une couverture intitulée " PTT année 2000 en voie d'élaboration ", qui contient des colonnes intitulées " client ", " projet " et " consommation ". À côté des volumes demandés par projet, seraient portées des annotations écrites indiquant à quel fournisseur les volumes sont attribués. Les fournisseurs seraient désignés par un chiffre et Repsol aurait expliqué que " 7 " désignait les requérantes. Repsol aurait expliqué en réponse à une demande de renseignements que ces annotations écrites avaient été établies par le personnel de Repsol, probablement au cours d'une réunion entre Repsol et PROAS, et négociés par Repsol et par PROAS (considérants 254 de la décision attaquée).
310 Contrairement à ce que la Commission a pu vouloir donner à entendre au considérant 335 de la décision attaquée en se référant vaguement à ces documents, ceux-ci ne pourraient pas servir d'éléments de preuve à charge. Ni le dossier de la Commission ni, par conséquent, la décision attaquée ne contiendraient d'éléments de preuve d'une quelconque participation des requérantes à la préparation de ces documents. Il n'existerait aucun élément de preuve contemporain ou non des faits démontrant que les requérantes ont fourni des informations à PROAS ou à Repsol pour leur permettre d'établir leurs documents internes.
311 En outre, les requérantes indiquent qu'elles croient savoir d'après la décision attaquée que Repsol, PROAS et BP étaient les seules entreprises à négocier les volumes de ventes définitifs et la répartition de la clientèle. Les requérantes n'auraient pas participé à ces négociations et il n'existerait en réalité aucune preuve directe ou indirecte de leur participation à ces négociations.
312 La décision attaquée ne comporterait aucun élément de preuve contemporain des faits duquel il ressortirait que les requérantes avaient reçu un des tableaux susvisés ou " PTT ", ou un document partiel, soit de Repsol soit de PROAS, ce que PROAS laisserait entendre erronément. La Commission n'aurait découvert aucun document de ce type au cours des vérifications.
313 En fait, l'exposé du mécanisme de répartition de la clientèle par Repsol, PROAS et BP figurant aux considérants 157 à 162 de la décision attaquée ne comporterait aucune allusion aux requérantes. En outre, la Commission n'aurait apporté aux considérants 198 à 289 aucun élément de preuve contemporain des faits démontrant la participation des requérantes aux " mécanismes [...] mis en place par les participants pour garantir que chaque fournisseur obtienne le client ou le projet qui lui avait été attribué lors des négociations de la 'table de l'asphalte' ".
314 Enfin, la Commission méconnaîtrait les éléments de preuve à décharge figurant dans la demande d'immunité de BP. Celle-ci ne considérerait pas les requérantes comme une des entreprises impliquées dans la répartition de la clientèle, car elle aurait affirmé ce qui suit :
" La coopération a pris la forme d'un cloisonnement des marchés. La clientèle a été répartie entre chacune des trois sociétés pétrolières (Repsol, CEPSA et BP) eu égard aux implantations géographiques et aux besoins annuels en volume de la clientèle. Au cours des réunions annuelles un quota a été établi pour chaque société en fonction de sa capacité de production. "
315 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
316 À titre liminaire, il convient d'indiquer qu'il ressort du considérant 151 de la décision attaquée que la répartition du marché en cause, convenue entre les membres du cartel, comportait, d'une part, l'attribution de volumes de ventes et, d'autre part, l'attribution de " clients (ou travaux/projets) ". Cette assimilation entre l'attribution de clients et l'attribution de travaux ou de projets, dont il est fait usage par ailleurs dans la décision attaquée, n'est pas remise en cause par les requérantes.
317 Ensuite, il y a lieu, dans un premier temps, d'examiner si les déclarations des demandeurs de clémence attestant de la participation des requérantes à la répartition de la clientèle sont, comme celles-ci le soutiennent, dépourvues de valeur probante.
318 Selon la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée, Repsol a rapporté, dans sa demande de clémence et dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, que, " vers le mois d'avril 2002, Repsol et PROAS [avaient] ensemble rencontré Nynäs (M. T. S. B.) et Petrogal (M. V. C.) pour les informer et débattre séparément avec chacune d'elles 'du marché dans leur zone [géographique], des tonnes, des clients et de la répartition [du marché]' ".
319 Les requérantes ont critiqué le caractère trop vague de ces déclarations. Or, au contraire, ces déclarations font référence à une période de temps assez précise (avril 2002), aux entreprises ayant participé à la réunion avec Petrogal (Repsol et PROAS) et au nom du représentant de celle-ci (M. V. C.).
320 Pour établir le caractère erroné des déclarations de Repsol mentionnées dans la note en bas de page n° 95, les requérantes se sont également prévalues de la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España) au moment des faits litigieux, déclaration jointe en annexe A.12 à la requête.
321 Cependant, dans sa déclaration, M. V. C. a indiqué qu'il n'avait " pas le moindre souvenir " que des réunions auxquelles participaient dans le même temps les requérantes, Repsol et PROAS aient eu lieu après mars 1998 (à l'exception de septembre 1998).
322 Eu égard à son caractère incertain, ce témoignage, émanant de surcroît d'un ancien membre du personnel des requérantes, n'est pas de nature, à lui seul, à faire perdre toute crédibilité aux déclarations de Repsol mentionnées dans la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée.
323 Or, ces déclarations sont confirmées par une autre déclaration de Repsol impliquant les requérantes dans la répartition de la clientèle.
324 Ainsi, dans sa réponse du 9 mai 2006 à une demande de renseignements, Repsol a confirmé que les réunions tenues entre elle et PROAS de novembre 2001 à mars 2002 pour convenir de la taille du marché et d'une première attribution de clients avaient été suivies en avril 2002 de réunions avec BP, puis Nynäs et, enfin, les requérantes, afin de négocier l'attribution de clientèle dans la zone d'influence respective de chacune d'elles (considérant 136 et note en bas de page n° 102 de la décision attaquée).
325 Toujours dans sa réponse du 9 mai 2006 à une demande de renseignements, Repsol a encore déclaré, de manière plus générale cette fois, que Petrogal était un participant actif à la table de l'asphalte et que Repsol et PROAS négociaient avec elle les volumes de ventes et les attributions de clients la concernant dans sa zone d'influence (considérant 139 et note en bas de page n° 106 de la décision attaquée).
326 Par ailleurs, la participation des requérantes au partage de la clientèle est corroborée par des déclarations émanant d'autres demandeurs de clémence.
327 Ainsi, toujours selon la note en bas de page n° 95 susmentionnée, PROAS a indiqué dans sa demande de clémence que, " [à la suite de l'accord de répartition des volumes de ventes et des clients], les membres permanents de la 'table de l'asphalte' (Repsol, PROAS et BP) communiquaient ultérieurement à Nynäs et aux requérantes, par téléphone ou en leur fournissant une copie partielle du document contenant l'accord de répartition du marché, les volumes de ventes et les projets leur revenant au titre de l'année en cause (toutes les fois qu'elles ne participaient pas aux réunions et pour leur zone d'influence) ".
328 Concernant cet élément de preuve, les requérantes se sont limitées à alléguer de son caractère trop vague, sans étayer cette allégation du moindre élément de preuve.
329 De plus, PROAS a indiqué, dans sa réponse du 9 mai 2006 à une demande de renseignements, que Nynäs et les requérantes participaient activement aux négociations sur les volumes de ventes et les clients, sur la base d'une proposition précédemment convenue entre Repsol et PROAS, pour autant que ces dernières fussent parvenues à un accord (ce qui, selon PROAS, n'était pas toujours le cas), et que, à l'issue des négociations, la proposition était adaptée pour tenir compte des demandes de Nynäs et des requérantes (considérant 140 et note en bas de page n° 107 de la décision attaquée).
330 Enfin, il ressort également de la note en bas de page n° 95 susmentionnée que, au cours de l'entretien du 5 novembre 2003, BP a confirmé que Repsol et PROAS avaient des discussions séparées avec les requérantes. Même s'il n'est pas expressément mentionné dans cet extrait de la décision attaquée que ces discussions portaient sur la répartition des clients, il convient de prendre en compte le fait que BP a indiqué par ailleurs, dans sa réponse du 24 mars 2004 à une demande de renseignements, que, dans le cadre de l'accord de partage du marché, les volumes alloués à chaque fournisseur participant à l'entente étaient ensuite mis en relation avec les besoins prévus des clients par projet (considérant 157 et note en bas de page n° 131 de la décision attaquée). Le partage de clientèle apparaît donc, dans cette réponse de BP, comme indissociable de la répartition des volumes. Ainsi, ces différentes déclarations de BP, considérées dans leur ensemble, contribuent-elles à corroborer les déclarations de Repsol et de PROAS quant à la participation des requérantes au partage de la clientèle.
331 Il résulte de ce qui précède que les différentes déclarations concordantes et auto-incriminantes susmentionnées concourent à démontrer que les requérantes ont effectivement participé à la répartition de la clientèle entre les membres.
332 Or, ces déclarations sont elles-mêmes corroborées par plusieurs documents contemporains des faits. Les considérants 225, 249, 254 et 270 de la décision attaquée présentent en effet le contenu de tableaux établis en 1995, 2000 et 2002 par Repsol ou par PROAS et comportant une prévision des tonnages alloués par clients ou projets aux membres du cartel, au nombre desquels figure toujours le nom des requérantes ou un chiffre les identifiant.
333 En particulier, il résulte de la réponse de PROAS du 7 avril 2006 à une demande de renseignements que, s'agissant du tableau intitulé " Mercasfa 2000 " mentionné au considérant 249 de la décision attaquée (auquel il est fait référence au point 332 ci-dessus), le choix du fournisseur était déterminé par accord de la table de l'asphalte en présence des participants habituels (note en bas de page n° 245 de la décision attaquée).
334 Il convient à cet égard de préciser que la référence aux " participants habituels " de la table de l'asphalte renvoie aux requérantes, puisque PROAS mais aussi Repsol les considèrent, dans les réponses concordantes qu'elles ont apportées le 9 mai 2006 à une demande de renseignements, comme des participants actifs de la table de l'asphalte, en raison de la négociation active des volumes et des clients leur revenant dans leur zone d'influence qu'elles ont menée avec Repsol et avec PROAS, à partir d'une proposition préalablement convenue entre Repsol et PROAS, puis adaptée pour tenir compte de leurs demandes (considérants 139 et 140 de la décision attaquée). Cette notion de " participants habituels " est d'ailleurs à distinguer de la notion de " membres permanents " telle qu'elle ressort du considérant 126 de la décision attaquée, cette dernière renvoyant seulement à Repsol, PROAS et BP, lesquelles participaient de manière plus systématique aux différentes composantes de l'infraction.
335 Il résulte de ce qui précède que l'argument des requérantes selon lequel il n'existe aucune preuve contemporaine de leur participation aux négociations relatives à la répartition de la clientèle ne peut être retenu.
336 À cet égard, la circonstance que les documents contemporains mentionnés ci-dessus aient été établis par Repsol ou par PROAS, et non par les requérantes elles-mêmes, ne leur retire pas toute valeur probante, ce d'autant plus que certains de ces documents ont été collectés lors des vérifications effectuées aux sièges de Repsol et de PROAS les 1er et 2 octobre 2002.
337 En conséquence, il se déduit des déclarations auto-incriminantes concordantes des demandeurs de clémence, corroborées par plusieurs documents contemporains des faits, que la Commission a conclu à juste titre dans la décision attaquée que les requérantes avaient participé à la répartition de la clientèle.
338 La conclusion qui précède n'est pas remise en cause par l'absence de mention des requérantes en ce qui concerne le partage de la clientèle dans la demande d'immunité de BP du 20 juin 2002. En effet, il n'est pas contesté que BP et les requérantes opéraient dans des zones géographiques séparées et distinctes, et ne se disputaient donc normalement pas la même clientèle. En outre, les requérantes ont uniquement participé aux discussions de la table de l'asphalte concernant leur zone d'influence et de façon bilatérale avec Repsol et PROAS, ou avec l'une d'entre elles seulement, et, par conséquent, en l'absence de BP, comme celle-ci l'a confirmé au cours de l'entretien du 5 novembre 2003 (note en bas de page n° 95 de la décision attaquée).
339 Il s'ensuit que le présent moyen doit être écarté.
Sur le cinquième moyen, pris de l'illégalité affectant le constat de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix
Arguments des parties
340 Les requérantes font, en premier lieu, grief à la Commission d'avoir violé l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 et commis des erreurs manifestes d'appréciation et une erreur de droit en ce qu'elle a retenu, aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée, leur participation à la coordination des modifications des prix du bitume et des dates de leur mise en vigueur.
341 Aucun élément de preuve, contemporain des faits ou non, ne serait susceptible d'étayer les déclarations concertées et les accusations de Repsol et de PROAS dirigées contre les requérantes. M. V. C. confirmerait sans ambiguïté dans sa déclaration du 6 décembre 2007 que les requérantes n'ont participé à aucune activité de coordination des prix avec d'autres fournisseurs du marché en cause.
- Inexactitude manifeste des déclarations de Repsol et de PROAS
342 Les requérantes considèrent que la description des faits relative aux accords sur les prix présentée aux considérants 290 à 318 de la décision attaquée est essentiellement fondée sur les déclarations formulées par Repsol et par PROAS dans leurs demandes de clémence et dans leurs réponses ultérieures à des demandes de renseignements.
343 La Commission invoquerait :
- une déclaration de PROAS selon laquelle tous les opérateurs du marché en cause, dont les requérantes, avaient pris l'initiative à différentes reprises de solliciter des hausses de prix (considérant 301 de la décision attaquée) ;
- une déclaration de Repsol selon laquelle, après les réunions entre Repsol et PROAS ayant pour objet des discussions sur les prix, les fournisseurs détenant une part plus faible du marché, dont les requérantes, prenaient contact avec Repsol et PROAS pour solliciter une décision d'augmentation des prix à la suite de la hausse des prix du pétrole (considérant 306 de la décision attaquée) ;
- une déclaration de Repsol et de PROAS selon laquelle d'autres opérateurs du marché en cause tels que les requérantes s'alignaient plus ou moins sur la modification des prix convenue (considérant 307 de la décision attaquée).
344 Les déclarations de Repsol et de PROAS ne pourraient servir d'éléments de preuve à charge en raison de leur caractère concerté, trop vague et trop incohérent. Les accusations concertées et inexactes de Repsol et de PROAS ne mentionneraient aucun fait concret, date, réunion, appel téléphonique, hausse des prix, étayant la participation des requérantes aux activités de coordination des prix. Repsol ne mentionnerait nullement les requérantes quand elle cite des dates précises à propos d'une éventuelle coordination des prix (considérant 303 de la décision attaquée).
345 Dans leur demande de clémence, Repsol et PROAS auraient déclaré que des accords de prix avaient été conclus uniquement au cours de leurs réunions bilatérales, les autres opérateurs du marché étant, selon Repsol, simplement informés par Repsol et par PROAS des accords de modification des prix, soit au cours de réunions bilatérales, soit par téléphone, mais non par écrit. PROAS aurait déclaré s'être entendue avec Repsol sur les prix, les autres opérateurs se conformant eux-mêmes aux accords conclus. PROAS aurait laissé ouverte la question de savoir si les autres opérateurs étaient informés par Repsol ou par PROAS ou s'ils tiraient du marché les informations sur les modifications des prix.
346 PROAS n'aurait pas fait état dans sa déclaration au titre de la clémence du 5 avril 2004 d'une prétendue participation des requérantes aux discussions sur les prix. Il ressortirait clairement de cette déclaration que, alors que les modifications des prix étaient communiquées à BP, les requérantes et Nynäs se conformaient exactement à ces modifications. PROAS aurait simplement qualifié les requérantes de " suiveurs en matière de prix ".
347 À un stade beaucoup plus avancé de la procédure administrative, Repsol et PROAS se seraient efforcées, dans leurs réponses aux demandes de renseignements, de convaincre la Commission que les requérantes, Nynäs et BP étaient impliquées dans la même mesure qu'elles dans les activités de coordination des prix. Repsol serait allée jusqu'à soutenir, dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, que, à chaque hausse importante des prix du pétrole, les directeurs commerciaux d'autres fournisseurs plus modestes, BP, Nynäs et les requérantes, prenaient habituellement contact avec Repsol et avec PROAS pour demander un accord sur une hausse des prix.
348 Dans sa réponse du 7 avril 2006 à une demande de renseignements, PROAS aurait encore repris la déclaration antérieure de Repsol, suivant laquelle Repsol ou PROAS informaient les requérantes. Dans sa réponse du 9 mai 2006 à une demande de renseignements, PROAS se serait toutefois alignée sur les déclarations de Repsol et aurait soutenu que les requérantes et d'autres sociétés interrogeaient Repsol et PROAS au sujet des modifications des prix.
349 Au considérant 291 de la décision attaquée, la Commission ferait également état d'informations communiquées par BP dans sa demande d'immunité. Néanmoins, ainsi que la Commission en rend indirectement compte au considérant 572 de la décision attaquée, BP n'aurait mentionné aucun arrangement en matière de prix dans sa demande d'immunité. BP n'aurait présenté que beaucoup plus tard une déclaration générale lors de l'entretien du 5 novembre 2003 des agents de la Commission avec M. A. T., directeur du département " Bitume " de BP España (considérant 293 de la décision attaquée), et trois courriels internes (considérants 311 et 313 de la décision attaquée), qui ne concernaient pas les requérantes.
350 Au cours de cet entretien, auquel la Commission fait allusion au considérant 356 de la décision attaquée, M. A. T. aurait simplement déclaré qu'il avait été quelquefois informé par Repsol et par PROAS des modifications de prix convenues par ces deux leaders du marché. Les déclarations de l'intéressé seraient imprécises et ne se rapporteraient pas à une période déterminée. En outre, il ne qualifierait pas les requérantes de participants à l'entente impliqués dans les discussions sur les prix, mais ne ferait état que de contacts entre Repsol ou PROAS, d'une part, et BP, d'autre part (considérant 293 de la décision attaquée).
351 M. V. C. aurait confirmé sans ambiguïté dans sa déclaration du 6 décembre 2007 que les requérantes n'avaient participé à aucun accord sur les prix avec d'autres fournisseurs de bitume sur le marché espagnol.
- Confirmation par les courriels internes des requérantes des 18 et 19 octobre 2000 de l'absence de participation des requérantes aux accords sur les prix
352 Les requérantes relèvent que la Commission n'invoque que deux éléments de preuve contemporains des faits, à savoir deux courriels internes des requérantes des 18 et 19 octobre 2000 exposant, le premier, la question que M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España), a adressée au siège portugais des requérantes pour savoir s'il convenait de s'aligner sur les hausses de prix annoncées par des concurrents et, le second, la réponse de M. L. F. à ce courriel (considérant 314 de la décision attaquée).
353 Le courriel du 18 octobre 2000 ferait clairement ressortir que les requérantes ont collecté elles-mêmes l'information relative aux modifications des prix de Repsol et de PROAS. La Commission aurait toutefois considéré le courriel du 18 octobre 2000 comme preuve de la participation des requérantes aux discussions sur les prix avec Repsol et PROAS, en se fondant sur une traduction anglaise manifestement inexacte de l'original en espagnol ainsi libellé :
" Se han iniciado los movimientos de tarifas, en distintas zonas. PROAS está comunicando con aplicación, a partir de la próxima semana, aumentos de 3 000 à 3 000 Pts/Tm. según cliente, en la zona de Extremadura y Andalucía. "
354 Ce passage aurait été traduit comme suit en anglais (considérant 314 de la décision attaquée) :
" Movements of price increases have begun in various areas. PROAS is communicating, with application as from next week, an increase of 3,000 to 3,300 Pts/Mt depending on the client in the area of Extremadura and Andalucia " (souligné par nous).
355 Toutefois, la traduction correcte et conforme aux explications données par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs serait la suivante :
" Movements of price increases have begun in various areas. PROAS is communicating, with application as from next week, an increase of 3,000 to 3,300 Pts/Tm according to a customer in the area of Extremadura and Andalucia. "
(" Les mouvements de hausses de prix ont commencé dans diverses régions. PROAS communique une hausse de 3 000 à 3 300 Pts/Mt à compter de la semaine prochaine, selon un client, dans la région de l'Estrémadure et en Andalousie. ")
356 En traduisant " según cliente " par " en fonction du client " au lieu de " selon un client ", les gestionnaires du dossier espagnol de la Commission, influencés par les déclarations inexactes et concertées de Repsol et de PROAS, auraient donné au courriel une interprétation défavorable aux requérantes. La Commission aurait méconnu de ce fait une interprétation plus logique et disculpant les requérantes.
357 " [S]egún cliente " pourrait également être un pluriel parce que le défaut d'article donne à penser qu'il y a lieu d'entendre par " client " tout client, et non un client identifié en particulier. De plus, l'absence de l'expression " según cliente " dans d'autres paragraphes du courriel ne signifierait pas que l'autre information concernant les prix ne provient pas de la clientèle.
358 La Commission ne serait pas fondée à conclure au rejet des nouveaux arguments invoqués dans la requête. Aucune règle ni aucun principe ne s'opposerait à ce que les requérantes proposent au Tribunal une traduction de rechange acceptable de documents dont la Commission s'est indûment servie à titre d'éléments de preuve.
359 Les deux courriels internes ne pourraient manifestement pas constituer des éléments de preuve suffisamment précis et concordants démontrant la participation des requérantes, de concert avec PROAS, Repsol ou BP, aux activités de coordination des prix, quelles qu'elles soient.
360 Dans leurs courriels, MM. V. C. et L. F. se seraient bornés à relever les mouvements de prix de leurs concurrents sur le marché. Les informations générales sur le marché contenues dans le courriel du 18 octobre 2000, telles que les indications suivant lesquelles " les mouvements de hausses de prix [avaient] commencé dans diverses régions ", " PROAS communiqu[ait] une hausse de 3 000 à 3 300 Pts/Tm [según cliente] ", " Repsol a[vait] communiqué une hausse des tarifs ", " BP annonc[ait], pour la région centrale, une hausse de 2 500 Pts/Tm ", auraient été assez faciles à obtenir auprès de la clientèle, caractérisée par un nombre réduit d'acheteurs.
361 Ce courriel ne rendrait compte d'aucune communication de hausses des prix aux requérantes de la part de PROAS, de Repsol ou de BP. Il en ressortirait au contraire que les requérantes ont collecté elles-mêmes des informations sur les prix pratiqués sur le marché, sans coordination ni coopération avec ces trois entreprises, ainsi qu'il se déduit du passage suivant :
" Nous n'avons pas encore vu de communications écrites pour le reste, bien que nous présumons qu'elles suivront bientôt les mesures de PROAS. "
362 Dans le courriel du 19 octobre 2000, M. L. F. chargerait M. V. C. d'augmenter les prix et la Commission aurait commis une erreur manifeste d'interprétation en laissant entendre au considérant 315 de la décision attaquée que la simple révélation par ce courriel de l'alignement des requérantes sur les prix de Repsol et de PROAS démontrait l'existence d'activités de coordination des prix entre les requérantes, d'une part, et les deux leaders du marché en cause, d'autre part.
363 En réalité, selon les déclarations qu'elles avaient elles-mêmes formulées dans leur demande de clémence et leurs observations ultérieures, Repsol et PROAS auraient décidé de relever les prix du bitume ou, moins fréquemment, de les réduire et les autres fournisseurs ou, à tout le moins, les requérantes auraient été dans la plupart des cas informés de ces modifications de prix par les rumeurs du marché ou les renseignements fournis par leur clientèle.
364 Au cours de l'audition du 12 décembre 2006, les requérantes auraient présenté un message télécopié d'un de leurs clients signalant une modification des prix mise en œuvre par Repsol et par PROAS. Si la Commission avait tenu un message télécopié pour un élément de preuve insuffisant, ce que les requérantes ne pouvaient savoir, elle aurait dû les inviter à présenter un plus grand nombre d'exemples après cette audition. Il n'incomberait pas aux requérantes de prouver qu'elles ont tiré du marché leurs renseignements au sujet des modifications de prix de leurs concurrents, mais à la Commission de présenter des éléments de preuve suffisamment précis et concordants dont il ressort que les requérantes étaient informées des modifications de prix par leurs concurrents.
365 Les requérantes auraient fréquemment décidé, comme tout opérateur économique normal et indépendant, de suivre les modifications des prix au fur et à mesure de leur divulgation par les leaders du marché. En l'espèce, les requérantes auraient été informées par le marché que PROAS augmenterait ses prix la semaine suivante. Cette information se serait révélée erronée, car PROAS avait déjà augmenté ses prix le 20 octobre 2000, comme il ressort du considérant 315 de la décision attaquée, et les requérantes en auraient tiré les conséquences peu après.
366 En fait, la Commission aurait largement admis la possibilité que les requérantes aient été informées des hausses des prix des principaux acteurs économiques, Repsol et PROAS, par d'autres sources que ces deux concurrents et tel aurait été effectivement le cas. Non seulement la Commission serait revenue, au considérant 315 de la décision attaquée, sur le constat effectué dans la communication des griefs, selon lequel les courriels constituaient la preuve de l'existence de discussions sur les prix entre les requérantes, d'une part, et Repsol ou PROAS, d'autre part, mais encore elle reconnaîtrait au considérant 315 de ladite décision que les requérantes avaient été informées des modifications des prix sur le marché " annoncées par [leurs] concurrents ".
367 De ce fait, il semblerait que la Commission se borne désormais à reprocher aux requérantes d'avoir mis en œuvre une modification des prix en même temps que leurs concurrents et à raison d'un montant similaire. Or, la modification des prix n'aurait pas été mise en œuvre simultanément, son amplitude n'aurait pas été similaire et, enfin, l'alignement de petits opérateurs comme les requérantes sur les modifications des prix d'opérateurs plus importants sur le marché ne constituerait manifestement pas, en l'absence de tout échange d'informations, une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE.
368 Dans sa déclaration, M. V. C. aurait déclaré à ce propos :
" En ce qui concerne les montants presque identiques et le terme similaire lors de leur adoption (au point 315 de la décision de la Commission [...]), ils ne nécessitent pas un accord antérieur entre les concurrents, en tout état de cause pas avec Galp, parce que, ainsi que je l'ai expliqué ci-dessus, le marché et l'administration ne tiendraient pour un maximum que la hausse mise en œuvre par Repsol et aux mêmes dates et les autres sociétés s'y conformeraient. "
369 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
370 Dans le cadre de l'examen du présent moyen, il convient de déterminer si le rapprochement, d'une part, des déclarations des demandeurs de clémence qui résultent de leurs demandes de clémence, de leurs réponses aux demandes de renseignements et des déclarations de leurs salariés et, d'autre part, des documents contemporains des faits litigieux permet de constater la participation des requérantes aux activités de coordination des prix.
371 S'agissant des déclarations des demandeurs de clémence, en premier lieu, ainsi qu'il ressort des considérants 294 et 295 de la décision attaquée, aussi bien Repsol que PROAS ont reconnu dans leurs demandes de clémence l'existence d'activités de coordination des prix sur le marché espagnol du bitume et admis être convenues sans interruption de 1991 à 2002 entre elles et, dans une moindre mesure, avec BP, des modifications du prix du bitume et de la date de leur mise en vigueur.
372 En deuxième lieu, ainsi qu'il ressort des considérants 296 et 305 à 307 de la décision attaquée, Repsol et PROAS ont déclaré que les accords sur les variations de prix et la date de leur exécution avaient été communiqués aux autres entreprises et que celles-ci suivaient plus ou moins les variations de prix ainsi convenues.
373 Comme l'indique la note en bas de page n° 339 de la décision attaquée, la description des activités de coordination des prix présentée dans cette décision repose, notamment, sur la demande de clémence de Repsol, sur sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements ainsi que sur la demande de clémence de PROAS et ses réponses des 7 avril et 9 mai 2006 à des demandes de renseignements. Or, ces pièces, auxquelles la décision attaquée se réfère à de nombreuses reprises (notamment, aux considérants 296 et 305 à 307 mentionnés au point 372 ci-dessus), concourent à établir la participation des requérantes à la coordination des prix.
374 En effet, il résulte de la demande de clémence de Repsol que les modifications de prix étaient habituellement décidées au cours de réunions bilatérales entre les chefs de la direction commerciale de Repsol et de PROAS, puis portées à la connaissance des autres acteurs du marché, au cours de réunions bilatérales ou par téléphone, mais pas par écrit.
375 De plus, dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, Repsol a répondu ce qui suit à la question de savoir comment les autres acteurs du marché étaient informés de la modification des prix :
" L'information était communiquée au cours de réunions bilatérales ou par téléphone, mais pas par écrit.
[...]
Une fois adoptée, la décision de modifier les prix était communiquée aux autres opérateurs par les responsables commerciaux ou par les responsables des ventes de PROAS et de Repsol. Au fil des ans, cette communication s'est effectuée de diverses manières selon les opérateurs alors en activité et le personnel de chaque entreprise, mais en général elle s'effectuait au cours de réunions ou par téléphone, mais pas par écrit. "
376 Dans la même réponse, Repsol a encore déclaré que les modifications de prix ont été communiquées aux opérateurs alors en activité de 1991 à 2002 et cité MM. V. C. et C. B. F., salariés des requérantes, au nombre des directeurs commerciaux ou responsables des ventes destinataires de ces communications.
377 Ainsi, lorsque Repsol renvoie, dans sa demande de clémence ou dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, aux autres acteurs ou opérateurs du marché, elle fait référence, notamment, aux requérantes.
378 En ce qui concerne PROAS, dans sa réponse du 7 avril 2006 à une demande de renseignements, elle indique que les autres acteurs du marché ont été informés des variations de prix depuis les débuts de l'entente jusqu'en 2002 et qu'ils suivaient la variation de prix convenue.
379 PROAS a également précisé, dans la réponse susmentionnée, que les accords bilatéraux entre Repsol et PROAS ou entre Repsol et BP représentaient une modalité rapide et souple de fonctionnement de la table de l'asphalte, étant donné que les autres membres étaient informés de ces accords et s'alignaient sur les accords convenus entre Repsol et PROAS, une fois que ceux-ci leur avaient été communiqués par téléphone.
380 Toujours dans ladite réponse, PROAS, tout comme Repsol dans ses propres déclarations, a cité M. V. C., salarié des requérantes, au nombre des salariés des autres acteurs du marché auxquels les modifications de prix étaient communiquées.
381 Ainsi, lorsque PROAS renvoie, dans sa réponse du 7 avril 2006, aux autres acteurs du marché ou aux autres membres de la table de l'asphalte, elle fait référence, notamment, aux requérantes.
382 En troisième lieu, Repsol a expliqué dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements que les gestionnaires commerciaux des autres fournisseurs de bitume possédant une part de marché plus petite, y compris les requérantes, contactaient normalement Repsol et PROAS à chaque augmentation importante des prix du pétrole, pour solliciter un accord sur les augmentations de prix, étant donné que leur position logistique inférieure rendait leurs marges plus sensibles aux variations de coûts.
383 De même, dans ses réponses du 7 avril 2006 et du 9 mai 2006 à des demandes de renseignements, PROAS a confirmé que tous les opérateurs du marché, y compris les requérantes, avaient pris l'initiative, à différentes occasions, de demander des augmentations de prix.
384 Dans sa réponse du 9 mai 2006 susmentionnée, PROAS a ajouté que, dans le cadre des discussions relatives aux augmentations de prix, les requérantes assumaient exactement le même rôle que Repsol et que PROAS en ce qui concerne les initiatives prises en vue d'une modification des prix, même si Repsol avait le dernier mot.
385 La circonstance que Repsol et PROAS n'aient pas mentionné immédiatement, dans leur demande de clémence, l'existence de ces initiatives prises par les requérantes n'est pas susceptible de mettre en cause la valeur probante de leurs déclarations concordantes.
386 Les différentes déclarations auto-incriminantes mentionnées ci-dessus sont suffisamment précises et concordantes pour établir que les requérantes ont participé, y compris parfois activement, aux accords de coordination des prix jusqu'en 2002.
387 S'agissant des documents contemporains des faits litigieux, l'existence d'une coordination des prix est attestée, notamment, par des documents contemporains produits par BP (considérants 310 et 313 de la décision attaquée).
388 Surtout, la participation des requérantes aux activités de coordination des prix des membres du cartel est établie par un échange de courriels, internes aux requérantes, entre MM. V. C et L. F., en date des 18 et 19 octobre 2000, dont il est constant qu'il est rédigé ainsi :
" Se han iniciado los movimientos de incrementos de tarifas, en distintas zonas. PROAS está comunicando, con aplicación a partir de la próxima semana, aumentos de 3.000 a 3.300 Pts/Tm. según cliente, en la zona de Extremadura y Andalucía.
Repsol ha comunicado aumentos de tarifas para exportación a Francia y en la zona de Cataluña de 2.500 Pts/Tm. No tenemos constancia de comunicación escrita al resto, aunque suponemos no tardará en seguir los pasos de PROAS.
BP está comunicando por la zona centro, subidas de 2.500 Pts/Tm.
En función de nuestras disponibilidades en cada zona y del posible interés de captación de nuevos pedidos en la zona sur, quedamos pendientes de conocer los criterios a seguir en los incrementos a comunicar a los clientes para la próxima semana. "
" [V. C.], para subir los precios de todos los clientes de 3 000 a 3 500 Pts dependiendo del transporte, a partir del 23/10. [...] "
389 Au considérant 314 de la décision attaquée, cet échange est reproduit en langue anglaise dans les termes suivants :
" Movements of price increases have begun in various areas. PROAS is communicating, with application as from next week, an increase of 3,000 to 3,300 Pts/Mt depending on the client in the area of Extremadura and Andalucia.
Repsol has communicated an increase of tariffs for export to France and in the area of Cataluna of 2, 500 Pts/Mt. We have not seen written communications to the rest, although we suppose that it will soon follow PROAS' steps.
BP is communicating, for the Central area, an increase of 2,500 Pts/Mt.
In the light of our availability in each area and of a possible interest in obtaining new orders in the Southern area, we await criteria to follow in the [price] increases to communicate to customers next week. "
" [V. C.], increase prices for all customers from 3,000 to 3,500 Pts depending on transport, as from 23/10. [...] "
(" Les mouvements d'augmentations de prix ont commencé dans différents secteurs. PROAS communique une augmentation, prenant effet dès la semaine prochaine, de 3 000 à 3 300 Pts/Tm en fonction du client, dans les régions d'Estrémadure et d'Andalousie.
Repsol a communiqué une augmentation des tarifs à l'export vers la France, ainsi que dans la région de la Catalogne, de 2 500 Pts/Tm. Nous n'avons pas encore lu de communications écrites pour le reste, bien que nous supposons qu'elles suivront bientôt les démarches de PROAS.
BP communique, pour les régions du Centre, une augmentation de 2 500 Pts/Tm.
À la lumière de notre disponibilité dans chaque région et grâce à un intérêt possible à obtenir de nouvelles commandes dans la région du Sud, nous attendons les critères à suivre lors des augmentations [de prix] à communiquer aux clients la semaine prochaine. "
" [V. C.], augmentations de prix pour tous les clients de 3 000 à 3 500 Pts selon le transport, à partir du 23.10. [...] ")
390 En premier lieu, cet échange de courriels internes des requérantes révèle que Repsol, PROAS et BP ont indiqué qu'elles entendaient appliquer des hausses de prix. Or, non seulement ces hausses de prix sont concomitantes, mais elles portent sur une augmentation du même ordre de grandeur.
391 Ce parallélisme des augmentations de prix constitue, ainsi que la Commission le soutient, une indication sérieuse, à tout le moins, d'une pratique concertée, en particulier lorsque les mêmes opérateurs mènent simultanément d'autres activités collusoires. Or, l'existence d'une répartition du marché entre ces trois entreprises n'a pas été contestée par les requérantes et l'existence, entre elles, d'un partage de clientèle (incluant les requérantes) a été établie dans le cadre de l'examen du précédent moyen. Aussi faut-il considérer qu'il existait une coordination des prix entre Repsol, PROAS et BP, laquelle n'est d'ailleurs pas contestée par les requérantes.
392 Par suite, le simple fait que les requérantes aient eu connaissance de manière aussi précise, exhaustive et instantanée des accords de prix décidés dans le cadre de l'entente est un indice fort du fait qu'elles étaient informées directement de ces accords par les membres de l'entente et non, comme elles le soutiennent, par des clients, et ce d'autant plus que, si les clients des requérantes, dans l'espoir de voir celles-ci baisser leurs prix, pourraient avoir eu intérêt à les informer d'une baisse des prix décidée par les autres entreprises du marché, ils n'auraient eu en revanche aucun intérêt à leur communiquer une augmentation des prix de leurs concurrents.
393 Les requérantes soutiennent pourtant, pour démontrer que les informations en cause dans le premier courriel proviennent de clients et non des autres membres de l'entente, que l'expression " según cliente ", qui apparaît au début dans l'original du premier courriel, a été traduite à tort dans la décision attaquée par " depending on the client " alors qu'elle aurait dû l'être par " according to a customer ", cet extrait dudit courriel devant alors être traduit ainsi :
" PROAS is communicating, with application as from next week, an increase of 3,000 to 3,300 Pts/Mt according to a customer, in the area of Extremadura and Andalucia. "
(" PROAS communique une augmentation, prenant effet dès la semaine prochaine, de 3 000 à 3 300 Pts/Tm d'après un client, dans les régions d'Estrémadure et d'Andalousie. ")
394 Cependant, cet argument ne saurait être retenu.
395 Tout d'abord, l'expression " según cliente " n'est employée qu'en ce qui concerne PROAS et non en ce qui concerne les deux autres membres de l'entente, pour lesquels il est simplement indiqué qu'ils communiquent ou ont communiqué un prix. Par suite, l'argument des requérantes ne saurait s'appliquer, au mieux, qu'à la hausse de prix de PROAS, à l'exclusion des deux autres hausses communiquées par Repsol et par BP.
396 En outre, cet argument ne peut pas s'appliquer non plus à la hausse des prix de PROAS. En effet, c'est seulement pour PROAS qu'une fourchette de prix est donnée (" de 3 000 à 3 300 Pts/Tm "). Pour Repsol et BP c'est un montant fixe qui apparaît (" 2 500 Pts/Tm "). Dans le même temps, c'est seulement dans le cas de PROAS que l'expression " según cliente " est utilisée. Or, si cette expression est traduite par " depending on the client " (" en fonction du client "), son emploi permet d'expliquer le recours à une fourchette de prix et non à un montant fixe : une fourchette de prix n'est utilisée que quand le prix varie en fonction du client.
397 Cette interprétation est confirmée par le libellé du courriel de réponse, seule autre partie de cet échange où apparaît également une fourchette de prix. En effet, il ressort de cette réponse que la modulation de prix doit être appliquée en fonction du client afin de répercuter les coûts de transport qui varient selon le lieu d'établissement de celui-ci. L'usage d'une fourchette de prix ne se justifie donc que lorsqu'il est fait référence à une variation du prix en fonction du client.
398 C'est donc à tort que les requérantes prétendent que la traduction, dans la décision attaquée, de l'expression " según cliente " par " depending on the client " est erronée.
399 Ainsi, l'argument tiré par les requérantes du fait qu'elles ont eu connaissance des hausses de prix de PROAS, de Repsol et de BP par leurs clients ne saurait être retenu.
400 Cette conclusion ne peut être remise en cause par la référence que font les requérantes à une télécopie, produite au cours de l'audition du 12 décembre 2006, laquelle émanait d'un de leurs clients et signalait une baisse des prix de Repsol.
401 En effet, cette télécopie ne présente aucun lien substantiel avec l'échange de courriels susmentionné, puisqu'elle fait référence à une baisse de prix et non à une hausse de prix. De plus, les requérantes n'ont établi aucun lien temporel avec cet échange de courriels. La télécopie en cause n'est dès lors pas susceptible d'établir que les requérantes auraient pris connaissance par l'intermédiaire de leurs clients des hausses de prix mentionnées dans les courriels des 18 et 19 octobre 2000.
402 Par ailleurs, cette unique télécopie ne saurait démontrer qu'il était d'usage que les requérantes soient informées dans le détail et sans délai par leurs clients des variations de prix qui allaient être appliquées par leurs concurrents.
403 En deuxième lieu, il ressort du texte du second courriel que les requérantes ont prévu d'augmenter leurs prix dès le lundi 23 octobre 2000, date indiquée par M. L. F., à la suite de la hausse de prix communiquée par Repsol, BP et PROAS et à raison d'une majoration quasiment identique à celle de cette dernière.
404 Enfin et en troisième lieu, selon le considérant 315 de la décision attaquée, non contesté sur ce point par les requérantes, celles-ci ont effectivement augmenté leurs prix à la même date ou à quelques jours de différence par rapport aux quatre autres entreprises pour lesquelles la Commission a retenu une participation à l'entente et selon une augmentation du même ordre de grandeur.
405 Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que la déclaration de M. V. C., selon laquelle Petrogal n'aurait jamais été impliquée dans des accords de prix, à la supposer recevable en dépit du fait qu'elle a été établie le 6 décembre 2007, soit postérieurement à la décision attaquée, n'est en tout état de cause pas susceptible de contredire les éléments de preuve non contemporains et contemporains des faits analysés ci-dessus, lesquels ont été avancés par la Commission au soutien de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix.
406 En conséquence, il se déduit des déclarations auto-incriminantes concordantes des demandeurs de clémence, corroborées par l'échange de courriels internes des requérantes des 18 et 19 octobre 2000, que les requérantes ont participé, y compris parfois activement, aux accords de coordination des prix jusqu'en 2002.
407 La Commission ne peut donc être considérée comme ayant illégalement constaté, dans la décision attaquée, la participation des requérantes à la coordination des prix entre les membres de l'entente et ce jusqu'en 2002.
408 Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
Sur le sixième moyen, pris de l'illégalité affectant le constat de la durée de la participation des requérantes à l'infraction
Arguments des parties
409 Les requérantes font valoir que, en fixant erronément, au considérant 483 de la décision attaquée, le terme de leur participation à l'entente au 1er octobre 2002, la Commission a violé l'article 81, paragraphe 1, CE, l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003.
410 Non seulement les éléments de preuve non contemporains des faits seraient inexacts, vagues et imprécis en ce qui concerne la durée de la participation des requérantes à l'infraction, mais il n'existerait pas le moindre élément de preuve contemporain des faits faisant ressortir qu'elles ont eu à compter de mars 1998 des contacts avec PROAS, Repsol ou BP en ce qui concerne un quota ou les composantes des infractions alléguées aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée.
- Défaut manifeste de précision et de concordance des éléments de preuve non contemporains des faits
411 Les requérantes relèvent que, comme il ressort du considérant 478 de la décision attaquée, Repsol a confirmé dans sa demande de clémence le fonctionnement ininterrompu de l'entente avec la participation des requérantes " de 1994-1995 à octobre 2002 ". Toutefois, cette déclaration serait à la fois inexacte et générale et ne serait pas confirmée par les éléments contemporains des faits exposés ci-après.
412 En outre, la Commission aurait repris sans esprit critique, aux considérants 232 et 478 de la décision attaquée, la déclaration encore plus générale et imprécise émise au cours de l'audition du 12 décembre 2006 par M. J. L. F., salarié de PROAS, qui avait affirmé avoir participé dans les locaux des requérantes à des réunions régulières avec M. V. C., salarié des requérantes, et M. A. G., salarié de Repsol. Dès lors qu'elle ne concerne pas spécifiquement la période ni l'objet des réunions, la déclaration de M. J. L. F. serait dépourvue de valeur probante.
413 Dans sa déclaration du 6 décembre 2007, M. V. C. aurait affirmé :
" J'ai lu au considérant 232 de la décision de la Commission [...] comment, apparemment, M. J. L. F., de PROAS, déclare avoir rencontré dans nos locaux M. A. G., de Repsol. Contrairement à cette affirmation, ces réunions se tenaient généralement dans les locaux de CEPSA-PROAS, rue Cartagena, et, de manière beaucoup plus irrégulière, dans nos anciens bureaux de la rue Santa Engracia. "
- Absence d'éléments contemporains des faits établissant la participation des requérantes à l'infraction à compter de mars 1998
414 Les requérantes considèrent qu'aucun des documents, notes, procès-verbaux, courriels et tableaux relatifs à la période allant de 1998 à 2002 ne révélerait leur implication dans une coopération avec Repsol, PROAS ou BP aux fins d'un quota ou d'autres composantes de l'infraction mentionnées aux considérants 3, 335 et 373 de la décision attaquée.
415 Les requérantes relèvent en premier lieu que la Commission mentionne au considérant 232 de la décision attaquée une note d'agenda de PROAS, jointe en annexe B. 2 du mémoire en défense, censée se rapporter à une réunion du 11 décembre 1997 entre PROAS et les requérantes :
" 213
11 décembre 1997
Repas avec pers, nous avons déjà le contrat signé, quand ils paient, le 15, appeler le 11 pour confirmer la quantité.
Le 10 après-midi PTT Galp-Nynäs
Pers coup d'œil inventaire émulsion "
416 La Commission semblerait laisser entendre que les requérantes sont convenues au cours de cette réunion avec PROAS d'un volume de ventes pour l'exercice suivant. La référence au PTT (le 10 après-midi PTT Galp-Nynäs) serait toutefois trop ambiguë pour pouvoir constituer un élément de preuve d'une réunion collusoire.
417 Les requérantes soutiennent en deuxième lieu que le procès-verbal dressé par PROAS de la réunion du 17 septembre 1998 ayant eu lieu entre Repsol, PROAS et les requérantes, évoqué aux considérants 236 et 242 de la décision attaquée et joint en annexe B. 3 du mémoire en défense, ne démontre pas la participation des requérantes en 1998 à des contacts collusoires avec PROAS et Repsol, mais le comportement parfaitement indépendant que les requérantes ont manifesté à partir de mars 1998, ainsi que le démontre la déclaration suivante de M. C. B. F., salarié des requérantes, inscrite au procès-verbal par PROAS :
" C. B. F. : [a]près une année, elles attendent la réponse des autres sociétés au sujet de la révision de toutes les branches commerciales pour le marché ibérique.
Pour leur part, elles déclarent qu'elles ne tiennent pas à compliquer la situation sur le marché, mais que aussi longtemps qu'elles ne reçoivent pas de réponse à la proposition d'accord général, elles en resteront aux positions qu'elles tiennent pour les plus appropriées. "
418 Les raisons invoquées par la Commission aux considérants 238 et 239 de la décision attaquée pour qualifier ce document de preuve de la participation des requérantes aux discussions sur le partage du marché en 1998 seraient dépourvues aussi bien de pertinence que de fondement. D'une part, il ne ressortirait pas du procès-verbal que la proposition alléguée se rapportait à l'une quelconque des composantes de l'infraction. D'autre part, il se déduirait de cette pièce que les requérantes ont adopté à partir de 1998 une conception autonome et unilatérale de leurs ventes sur le marché en cause en y commercialisant effectivement une quantité de bitume nettement supérieure au tonnage de 48 000 Tm alloué par PROAS, Repsol et BP.
419 Les requérantes auraient clairement précisé aux membres de l'entente en mars 1998, puis lors de la réunion du 17 septembre 1998, qu'elles mettaient désormais un terme aux contacts entretenus avec Repsol et PROAS aux fins de la répartition des volumes de ventes. M. V. C. aurait affirmé à ce propos dans sa déclaration du 6 décembre 2007 :
" Depuis le début de l'année 1998, nous avons trouvé de nouveaux clients importants, des contrats de distribution ont été conclus avec Probisa, avec des importateurs et des distributeurs tels qu'Alibesa, Dictepesa et Bitumat et, par conséquent, il était absurde de continuer à respecter le volume de ventes attribué. Au cours des premiers mois de 1998, nous avons communiqué notre décision de mettre fin à notre relation avec Repsol et avec PROAS et, en conséquence, au cours de la réunion qui s'est tenue le 17 septembre 1998, il a été précisé très clairement tant à Repsol qu'à PROAS que nous ne respecterions plus les volumes de ventes que les deux sociétés tenaient à nous imposer et, par conséquent, que nous communiquions les chiffres réels de nos ventes, bien supérieurs au quota fixé, afin de prouver que notre participation avait perdu tout intérêt. "
420 Au considérant 238 de la décision attaquée, la Commission relèverait également que, selon le procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998, les requérantes ont communiqué à PROAS un " état succinct du chiffre d'affaires ". En l'absence de toute précision concrète au sujet du contenu du chiffre d'affaires en cause, le procès-verbal ne constituerait pas un élément de preuve étayant la conclusion de la Commission selon laquelle il vise, au sens du considérant 130, sous f), de la décision attaquée, la phase " [de la] communication d'informations à Nynäs et aux requérantes et de la négociation avec celles-ci des volumes de ventes ".
421 Les requérantes relèvent en troisième lieu que le considérant 247 de la décision attaquée renvoie aux annotations, reproduites à l'annexe B. 4 du mémoire en défense, portées en ces termes sur l'agenda d'un membre du personnel des ventes de PROAS :
" 14 janvier 1999
Réunion avec RPA [Repsol] à 10 h. chez PS [PROAS] et à 12 h. avec GALP
Jeudi avec Nynäs "
422 Les requérantes contestent la déclaration très générale faite par PROAS dans ses réponses des 18 novembre 2005 et 7 avril 2006 aux demandes de renseignements de la Commission et selon laquelle ces deux réunions auraient eu pour objet l'examen des questions relatives au marché et, en particulier, les projets de Nynäs et des requérantes dans leur zone d'influence respective. Les requérantes n'auraient conservé aucune trace de cette réunion et nieraient qu'elle ait eu lieu. Dans sa réponse du 7 avril 2006 à une demande de renseignements, PROAS présumerait [en espagnol : " Suponemos "] que cette réunion aurait pu avoir lieu et que l'ordre du jour aurait pu avoir pour objet l'analyse des projets des requérantes.
423 Il n'existerait aucun élément révélant la tenue d'une réunion à laquelle PROAS ou Repsol, d'une part, et les requérantes, d'autre part, auraient participé en 2000 et 2001 et la Commission ne soutiendrait pas que de tels éléments de preuve existent.
424 Les requérantes rappellent en quatrième lieu que, selon la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée, Repsol a rapporté dans sa demande de clémence et dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements que, vers le mois d'avril 2002, Repsol et PROAS ont rencontré ensemble M. T. S. B., de Nynäs, et M. V. C., salarié des requérantes, afin de les informer et de discuter séparément avec chacun d'eux " du marché dans leur zone [géographique], des tonnes, des clients et de la répartition [du marché] ".
425 Cette réunion semblerait être la même qu'une des réunions visées dans une mention portée à la date du 17 avril 2002 sur l'agenda d'un membre du personnel des ventes de PROAS (considérant 273 de la décision attaquée et annexe B. 5 du mémoire en défense). Cette note mentionnerait comme suit les dates de plusieurs réunions et le nom des requérantes :
" - Réunions
- 09 - 04 - 02 RPA/GALP (Meliá Castilla)
- 11 - 04 - 02 RPA/CEPSA/GALP (H. Orense)
- [...] "
426 En réponse à une demande de renseignements, PROAS aurait déclaré que ces réunions regroupaient des participants à la table de l'asphalte, dont les " participants habituels ". Cette déclaration aurait un caractère général et ne préciserait ni les participants ni l'objet des réunions.
427 À propos des réunions tenues à l'hôtel Orense en février, mars, avril et mai 2002 entre Repsol et PROAS, Repsol aurait indiqué en termes très généraux que ces deux sociétés avaient également organisé des réunions distinctes avec BP, Nynäs et les requérantes au cours de la même période.
428 La déclaration émise par M. J. B., de Repsol, au cours de l'audition du 12 décembre 2006 et citée par la Commission au considérant 275 de la décision attaquée, selon laquelle les représentants de Repsol, de PROAS et des requérantes se seraient rencontrés le 11 avril 2002 " afin de s'entretenir des tonnages à attribuer aux requérantes ", ne pourrait servir d'élément de preuve à charge. Cette déclaration ne serait pas plausible, puisque, comme Repsol l'a signalé elle-même, il aurait toujours été constamment alloué aux requérantes un " quota de 48 000 Tm " (considérant 154 de la décision attaquée).
429 Dans sa déclaration du 6 décembre 2007, M. V. C. aurait clairement confirmé qu'aucune discussion relative à la répartition des volumes de ventes n'a eu lieu à partir de mars 1998, que ce soit avec PROAS ou avec Repsol :
" En ce qui concerne les réunions qui se sont tenues à partir de mars 1998, à l'exception de septembre 1998, je n'ai pas le moindre souvenir qu'elles se soient jamais renouvelées avec la participation des trois sociétés.
Il est exact que nous n'avons cessé d'avoir des réunions avec le personnel de Repsol, MM. J. B., A. G. et J. F. M., ce qui tient essentiellement à la présence de membres du conseil de Galp se rendant de Lisbonne aux bureaux de Repsol, pour traiter des modalités de préparation et de surveillance des accords d'échange de produits au Portugal et en Espagne. Pour ce qui me concerne, j'ai participé sporadiquement à des réunions bilatérales tant avec M. J. B. qu'avec M. A. G., de Repsol, au cours desquelles, après avoir préparé les dossiers administratifs et analysé les volumes échangés, nous avons discuté essentiellement des restrictions commerciales qui nous étaient imposées par Repsol, alors que celle-ci nous fournissait une production provenant de ses raffineries de Puertollano et de la Corogne. "
430 Les requérantes reprochent en cinquième lieu à la Commission d'avoir, aux considérants 278 et 490 de la décision attaquée, qualifié de preuve de leur participation aux accords de partage du marché le courriel du 29 août 2002 envoyé par M. J. T. M., de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España), à M. C. B. F., de Petróleos de Portugal, et reproduit au considérant 278 de la décision attaquée.
431 Au considérant 278 de la décision attaquée, la Commission aurait, à tort, considéré ce document comme la preuve qu'un des buts de la stratégie commerciale des requérantes pour le bitume de pénétration en Espagne était d'éviter une guerre avec un concurrent et qu'elles avaient pris des mesures pour mettre cette stratégie en pratique.
432 Premièrement, la Commission aurait méconnu dans la décision attaquée le fait que M. J. T. M. n'a jamais été responsable du secteur du bitume des requérantes, comme le confirment les déclarations formulées par M. C. B. F., salarié de Petróleos de Portugal, son supérieur hiérarchique, par Bitumat, l'un des plus importants clients des requérantes, par M. J. T. M. lui-même et par M. V. C., respectivement jointes en annexes A.9, A.10, A.11 et A.12 de la requête. L'affirmation, au considérant 133 de la décision attaquée, selon laquelle M. J. T.M. était l'un des représentants des requérantes aux prétendues discussions sur le partage du marché serait infondée. Il se pourrait que la Commission ait confondu M. J. T. M. avec son père, qui, au moins à l'époque des faits, était responsable du bitume auprès de CEPSA/PROAS. Pour sa part, M. C. B. F. n'aurait pas été responsable du secteur bitume des requérantes, car il aurait dirigé en réalité la " direction clientèle " (grossiste) des requérantes.
433 Deuxièmement, le texte du courriel ferait lui-même également clairement ressortir qu'il ne concerne pas le bitume de pénétration. En fait, la Commission aurait omis au considérant 278 de la décision attaquée de citer le passage suivant du paragraphe cité :
" Il faut tirer au clair la situation avec Bitumat pour qu'elle cesse de pénétrer notre marché, parce qu'en définitive elle nous a obligés à baisser [beaucoup] notre prix afin de récupérer le client des conserves de tomate, [Carcesa]. "
434 Carcesa serait un producteur de tomates et ne serait donc certainement pas un demandeur de bitume de pénétration. En outre, le courriel aurait été envoyé à un représentant de CEPSA, qui n'exerçait pas d'activité dans le secteur du bitume de pénétration. Le fait que le courriel donne à penser que la réunion a eu lieu avec un représentant de CEPSA, et non de PROAS, filiale de CEPSA responsable du bitume, constituerait un autre élément révélateur de ce que le courriel ne concerne pas le bitume de pénétration.
435 En utilisant au point 23 du mémoire en défense les termes " et/ou " lorsqu'elle reproche aux requérantes de ne pas avoir " donné d'autres explications plausibles du courriel, qui fournirait lui-même des preuves très 'incriminantes' de pratiques anticoncurrentielles sur les marchés du bitume et/ou d'autres produits ", la Commission reconnaîtrait elle-même qu'il est douteux que le courriel se rapporte au bitume.
436 Troisièmement, les requérantes soutiennent avoir fourni une explication plausible du courriel en affirmant qu'il semble se rapporter à un accord d'échange entre les requérantes et CEPSA en ce qui concerne certains autres produits, peut-être du carburant. Le courriel concernerait des accords d'échange existant entre CEPSA et les requérantes et portant sur des produits autres que le bitume de pénétration et non l'échange de chiffres de ventes de bitume de pénétration, comme la Commission le laisse entendre.
437 Ainsi qu'il ressort très clairement du texte de la demande de renseignements de la Commission du 6 février 2004 reproduite à l'annexe C. 1 de la réplique, le titre " II. Produit " ne concernerait que le bitume (voir, par exemple, le point 2.1, " prière de définir le bitume "). Le titre " III. Marché ", qui comprend la question posée au point 3.2 sur les accords d'échange, serait précédé d'une question relative à l'évolution du marché du bitume (la question posée au point 3.1) et suivi d'une question relative aux caractéristiques du marché du bitume.
438 Cette demande de renseignements ne concernant à l'évidence que le bitume, les requérantes auraient donc expliqué dans leur réponse à la question posée au point 3.2, figurant en annexe B.8 du mémoire en défense et au considérant 278 de la décision attaquée, que, en ce qui concerne le bitume, elles ne procédaient à la conclusion d'accords d'échange que pour le bitume de pénétration, sans affirmer pour autant qu'elles ne concluaient pas d'accords d'échange de produits autres que le bitume de pénétration en dehors du secteur du bitume. La Commission n'aurait pas été en droit, en se fondant sur la réponse des requérantes à cette demande, d'exclure la possibilité que le courriel en question concernait des produits autres que le bitume de pénétration.
439 Il serait illogique que la Commission déclare au considérant 278 de la décision attaquée que, les requérantes ayant signalé avoir conclu des accords d'échange ne portant que sur certains types de bitume, le courriel doive concerner le bitume de pénétration. En fait, la Commission aurait omis d'envisager que les requérantes avaient pu conclure des accords d'échange étrangers au marché en cause, pratique normale et saine dans le secteur.
440 Les requérantes estiment en sixième lieu que les tableaux établis par Repsol et par PROAS, apparemment de façon séparée, de 1999 à 2002, et évoqués aux considérants 243, 246, 249 à 256, 259 à 262, 265, 267, 270, 271, 277 et 281 à 289 de la décision attaquée, ne constituent pas la preuve d'une quelconque concertation des requérantes avec les membres de la table de l'asphalte. En effet, la seule élaboration par PROAS et par Repsol, apparemment au niveau interne et individuel, de tableaux mentionnant les requérantes et d'autres importateurs ainsi que les volumes de ventes pour ces entreprises ne démontrerait pas que les requérantes, d'autres importateurs et des distributeurs non destinataires de la décision attaquée aient activement coopéré avec les participants à la table de l'asphalte.
441 Le fait que le tableau de PROAS intitulé " Mercasfa 2000 " évoqué au considérant 252 de la décision attaquée contient la déclaration selon laquelle " BP n'est pas intéressée [, e]lle dit Galp " n'établirait pas une implication quelconque des requérantes. L'absence d'intérêt de BP au projet ferait apparaître que PROAS et BP négociaient entre elles au sujet du marché. L'expression " elle dit Galp " pourrait expliquer pourquoi BP ne s'intéressait pas à ce projet : les requérantes auraient apparemment déjà reçu la commande pour le projet en cause.
442 De plus, le tableau comporterait un grand nombre d'allusions à d'autres importateurs et opérateurs telles que celle exprimée dans l'expression " n'intéresse pas BP[, i]ntéresse Afixa ".
443 La référence aux requérantes ne pourrait donc pas être utilisée comme preuve pour démontrer que les participants à la table de l'asphalte informaient les requérantes d'un quota ou négociaient avec elles à ce sujet.
444 Si PROAS et Repsol étaient en mesure d'établir les tableaux sans la coopération ou la participation d'autres opérateurs non membres de l'entente, la Commission ne pourrait qualifier ces tableaux d'éléments de preuve de la participation des requérantes à l'infraction.
445 Enfin et en septième lieu, les requérantes soulignent que plusieurs documents du dossier de la Commission confirment que les requérantes ont arrêté une stratégie entièrement autonome et unilatérale sur le marché. PROAS aurait constaté en 1998 que les " [requérantes avaie]nt livré en dehors de ce qui leur rev[enai]ent dans les PTT ". Par ailleurs, les requérantes auraient démontré avoir écoulé sur le marché espagnol, à compter de 1998, une quantité de bitume bien supérieure au tonnage de 48 000 Tm alloué.
446 Selon une note interne de Nynäs de 1999 :
" Les requérantes transforment leur organisation interne en une structure plus segmentée et considèrent les marchés espagnol et portugais comme un marché ibérique unique. Leur comportement sur le marché est beaucoup plus agressif et elles tiennent à gagner une part de marché dans la branche du bitume dans les deux pays. "
447 En réponse à une question de la Commission concernant les références aux requérantes ainsi qu'à Nynäs figurant dans un tableau de 2002, PROAS aurait expressément déclaré : " Non, au cours de cette année, ni Nynäs ni les requérantes n'ont participé à la table [de l'asphalte]. " En l'absence de toute autre information précise communiquée par PROAS au sujet de la participation des requérantes, la Commission ne pourrait se borner à constater le caractère erroné de cette déclaration au considérant 489 de la décision attaquée. Il s'ensuivrait que les requérantes n'ont pas entretenu en 2002 de contacts avec la table de l'asphalte.
448 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
449 Dans le cadre du présent moyen, les requérantes contestent avoir participé à l'entente à compter de mars 1998. Il convient donc d'examiner successivement pour chacune des composantes de l'entente si la participation des requérantes à celle-ci est établie. Cet examen portera dans un premier temps sur la coordination des prix puis, dans un second temps, sur la répartition du marché et le partage de la clientèle. En ce qui concerne ce dernier groupe de comportements infractionnels, il résulte déjà de l'examen du troisième moyen qu'il n'est pas établi dans la décision attaquée que les requérantes aient été impliquées dans le système de surveillance de l'application des accords de répartition du marché et de partage de la clientèle et dans le mécanisme de compensation relatif à ces accords.
450 S'agissant de la coordination des prix, ainsi qu'il résulte de la réponse apportée au moyen précédent, la Commission n'a pas illégalement retenu la participation des requérantes aux activités de coordination des prix.
451 Il s'en déduit au contraire que les requérantes ont participé, y compris parfois activement, aux accords de coordination des prix jusqu'en 2002.
452 En particulier, elles ont été informées par Repsol et PROAS, conjointement ou séparément, au cours de réunions bilatérales ou par téléphone, des décisions de modification des prix préalablement convenues entre ces deux dernières entreprises.
453 Même si la dernière modification des prix à laquelle la décision attaquée fait référence est une modification d'avril 2002 qui a été mise en œuvre à compter du 1er juin 2002, il résulte du considérant 482 de la décision attaquée que Repsol et PROAS ont affirmé de façon concordante dans leurs demandes de clémence respectives que les discussions sur les prix ont cessé en octobre 2002 à la suite des vérifications effectuées par la Commission.
454 En l'absence de tout élément de preuve ou indice révélant, après juin 2002, une volonté déclarée des requérantes de se distancer de la coordination des prix ou un comportement des requérantes déterminé indépendamment de leur participation à cette coordination, c'est à juste titre que la Commission a considéré que leur participation s'était poursuivie jusqu'au mois d'octobre 2002, date à laquelle la Commission estime que l'entente a pris fin, ce qui coïncide avec la réalisation des premières vérifications (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T-59-99, Rec. p. II-5257, point 193).
455 À cet égard, il convient de rappeler que le fait que la preuve de l'existence d'une infraction n'a pas été apportée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l'infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu'une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C-113-04 P, Rec. p. I-8831, point 169).
456 Il y a donc lieu de conclure que la participation des requérantes aux accords sur les prix a été établie jusqu'en octobre 2002.
457 S'agissant de la répartition du marché et du partage de la clientèle, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, ainsi qu'il a été constaté lors de l'examen du quatrième moyen, la participation des requérantes à la répartition de la clientèle est établie.
458 Or, un certain nombre d'éléments permettant d'aboutir à cette conclusion concernait une participation des requérantes postérieure à février 1998, tels que les déclarations de Repsol rapportées aux points 318 et 324 ci-dessus ou les documents contemporains des faits mentionnés aux points 332 et 333 ci-dessus. Cela permet donc d'établir une participation des requérantes à la répartition de la clientèle postérieure à février 1998.
459 De manière plus large, le constat de la participation des requérantes, après le mois de février 1998, aux accords annuels de répartition du marché, qu'il s'agisse de l'attribution de volumes ou du partage de la clientèle, repose sur des déclarations concordantes de Repsol et de PROAS reproduites, notamment, aux points 4.1, 4.2 et 4.3 de la décision attaquée.
460 Ainsi, Repsol a déclaré dans sa demande de clémence que le fonctionnement de l'entente incluant la participation des requérantes a duré de " 1994-1995 au mois d'octobre 2002 " (considérant 478 de la décision attaquée).
461 Par ailleurs, Repsol et PROAS ont affirmé de façon concordante dans leur demande de clémence respective que les accords de partage du marché ont cessé en octobre 2002 à la suite des vérifications effectuées par la Commission (considérant 482 de la décision attaquée).
462 Enfin, à propos d'un tableau comportant la mention " Marché de Nynäs année 2001 " présenté par Repsol le 20 avril 2004 dans le cadre de sa demande de clémence, M. J. B., directeur commercial de Repsol pour le bitume, a déclaré au cours de l'audition du 12 décembre 2006 - déclaration dont les requérantes n'ont pas établi, ni même allégué, l'absence de crédibilité sur ce point - que, lorsqu'il a rejoint l'unité du bitume de Repsol en février 2001, l'étude de marché était déjà prête et que l'heure de négocier avec Nynäs et avec Petrogal était venue (considérants 265 et 266 de la décision attaquée).
463 La participation des requérantes aux accords annuels de répartition du marché de mars 1998 au 1er octobre 2002 est par ailleurs corroborée par des éléments de preuve contemporains des faits.
464 En premier lieu, il se déduit de la mention, dans l'agenda de l'un des membres du personnel des ventes de PROAS, à la date du 17 septembre 1998, d'une réunion incluant les requérantes, ainsi que de la réponse du 18 novembre 2005 de PROAS à une demande de renseignements, que M. V. C., chef des ventes de bitume de Galp Energía España, et M. C. B. F., salarié de Petróleos de Portugal, ont rencontré dans les locaux des requérantes les représentants de Repsol et des membres du personnel des ventes de PROAS (considérant 236 de la décision attaquée).
465 Il convient à cet égard de rappeler que, selon la réponse de Repsol du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, MM. V. C. et C. B. F. ont été, respectivement, les représentants de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España) et de Petróleos de Portugal, auxquels les accords de modifications de prix convenues entre Repsol, PROAS, puis BP, ont été communiqués à différentes périodes par Repsol et PROAS, conjointement ou séparément (considérant 305 de la décision attaquée). La participation de ces personnes, impliquées par ailleurs dans l'entente, à une réunion avec les représentants de Repsol et de PROAS, c'est-à-dire les entreprises qui ont été qualifiées de " meneurs " de l'entente dans la décision attaquée, ce que les requérantes ne contestent pas, constitue un indice de ce que l'objet de cette réunion concernait l'entente.
466 De plus, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998, procès-verbal dressé par PROAS et reproduit au considérant 236 de la décision attaquée, que les requérantes attendaient une réponse des deux autres entreprises à une proposition d'accord général sur la révision de l'ensemble des secteurs d'activité du marché ibérique et que, aussi longtemps qu'elles n'auraient pas de réponse, elles continueraient à prendre les positions qu'elles jugeraient les plus commodes. En outre, les requérantes ont présenté à leurs concurrents, au cours de cette réunion, des informations sur leurs chiffres de ventes de bitume permettant à ceux-ci de constater qu'elles avaient vendu au-delà de ce qui leur revenait en vertu du PTT (considérant 242 de la décision attaquée).
467 La référence dans le procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 à une proposition d'accord général faite aux deux principaux concurrents des requérantes et pour laquelle celles-ci attendaient une réponse ainsi que la communication, au cours de cette réunion, d'informations concernant les chiffres de ventes de bitume des requérantes indiquent que les discussions menées par les trois entreprises au cours de ladite réunion se rapportaient à une négociation portant sur le partage du marché du bitume.
468 Enfin, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 que les requérantes " affirm[aient] ne pas vouloir compliquer les conditions du marché ". Une telle affirmation conduit à considérer qu'elles n'entendaient pas mettre fin à leur participation à l'entente, mais négocier une nouvelle répartition du marché plus avantageuse pour elles.
469 Ainsi, à défaut de preuve contraire, il y a lieu de constater que les requérantes participaient encore aux accords de répartition du marché après la réunion du 17 septembre 1998.
470 À cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le dépassement substantiel par celles-ci de leur quota annuel de 48 000 Tm à partir de 1998 tout comme la déclaration de Nynäs de 1999 relative au comportement beaucoup plus " agressif " des requérantes ne sont pas de nature à mettre en cause cette participation.
471 En effet, au considérant 336 de la décision attaquée il est indiqué que le " système global " impliquant l'ensemble des composantes de l'infraction " consiste en un accord entre entreprises conformément à l'article 81 [CE] dans le sens où, durant les réunions bilatérales et multilatérales des membres de l'entente, les entreprises concernées ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée ". La Commission a ajouté, au même considérant, que " ce comportement consistait, pour l'essentiel, à suivre un système de partage des volumes et des clients préconçu, une coordination des prix et [à] s'abstenir d'une concurrence en ce qui concerne les clients attribués entre les autres concurrents participants ".
472 Par suite et même si, par ailleurs, la Commission a estimé que certains comportements, comme l'échange régulier d'informations sur le volume des ventes entre les entreprises et les contacts directs ou indirects en matière de coordination des prix, relevaient plutôt de la qualification de " pratiques concertées " au sens de l'article 81 CE (considérant 339 de la décision attaquée), il n'en demeure pas moins qu'elle a considéré que l'entente pouvait être qualifié d'" accord ", au sens de l'article 81 CE, en ce qu'elle avait comporté, notamment, des réunions bilatérales concernant le partage des volumes.
473 Or, la qualification d'" accord " s'appliquant aux réunions bilatérales répartissant le marché et, donc, fixant le quota annuel de ventes de bitume n'est pas contestée, en tant que telle, par les requérantes.
474 Il convient de rappeler que, en matière d'accord, il suffit que la Commission démontre que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s'y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que cette participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 81, et la jurisprudence citée).
475 En l'espèce, une telle démonstration n'est pas apportée par les requérantes. En effet, le non-respect par les requérantes de leur quota de ventes de bitume ou leur comportement commercial plus " agressif " ne constituent pas des arguments pertinents à cet égard, puisqu'ils ne permettent pas d'établir que les requérantes auraient indiqué à leurs concurrents qu'elles participaient aux réunions de répartition du marché dans une optique différente et qu'elles s'opposaient aux accords qui en résultaient.
476 À supposer même que les réunions bilatérales concernant le partage des volumes doivent être qualifiées de pratiques concertées et non d'accords, l'argument des requérantes ne permet pas non plus d'établir que leur comportement sur le marché aurait été adopté indépendamment des contacts qu'elles avaient eu avec leurs concurrentes, contacts dont l'objet anticoncurrentiel a été établi.
477 En deuxième lieu, les considérants 246, 249, 254 et 270 mentionnent des tableaux préparatoires internes élaborés par PROAS ou par Repsol, découverts au cours des vérifications des 1er et 2 octobre 2002 ou produits au titre d'une demande de clémence, lesquels comportent une estimation par province, par client ou par projet, des volumes de bitume requis pour les exercices 1999, 2000 et 2002, ainsi que les noms des fournisseurs de ces volumes, au nombre desquels figurent les requérantes.
478 Ainsi, un tableau interne découvert dans les locaux de PROAS au cours des inspections des 1er et 2 octobre 2002 fait apparaître pour l'année 1999 l'attribution, notamment aux requérantes, de volumes de ventes par province (considérant 246 de la décision attaquée).
479 De plus, dans sa réponse du 7 avril 2006 à une demande de renseignements, PROAS a confirmé, s'agissant d'un tableau relatif à l'exercice 2000, que la mention, dans les cases de la colonne intitulée " Attribué ", du nom de l'un ou l'autre des cinq fournisseurs de bitume membres de l'entente, à savoir Repsol, PROAS, BP, Nynäs et les requérantes, était déterminée par accord convenu à la table de l'asphalte en présence des participants habituels (considérant 249 de la décision attaquée).
480 Il convient à cet égard de rappeler que la référence aux " participants habituels " de la table de l'asphalte renvoie aux requérantes, puisque PROAS mais aussi Repsol les considèrent, dans les réponses concordantes qu'elles ont apportées le 9 mai 2006 à une demande de renseignements, comme des participants actifs de la table de l'asphalte, en raison de la négociation active des volumes et des clients leur revenant dans leur zone d'influence qu'elles ont menée avec Repsol et avec PROAS, à partir d'une proposition préalablement convenue entre Repsol et PROAS, puis adaptée pour tenir compte de leurs demandes (considérants 139 et 140 de la décision attaquée). Cette notion de " participants habituels " est d'ailleurs à distinguer de la notion de " membres permanents " telle qu'elle ressort du considérant 126 de la décision attaquée, cette dernière renvoyant seulement à Repsol, PROAS et BP, lesquelles participaient de manière plus systématique aux différentes composantes de l'infraction.
481 Par ailleurs, le document intitulé " PTT année 2000 en voie d'élaboration ", présenté par Repsol le 20 avril 2004 dans le cadre de sa demande de clémence, contient des tableaux qui comportent trois colonnes intitulées " client ", " projet " et " consommation " et font apparaître les membres de l'entente auxquels les projets sont attribués par des chiffres, dont le chiffre sept, qui renvoie aux requérantes (considérant 254 de la décision attaquée).
482 Enfin, plusieurs tableaux préparatoires portant sur l'exercice 2002, découverts au cours des vérifications dans les locaux de PROAS, citent les requérantes au nombre des fournisseurs susceptibles de livrer les volumes estimés nécessaires et répartis par province, client ou projet de travaux. PROAS a précisé, dans la réponse du 18 novembre 2005 à une demande de renseignements, que les informations en cause étaient ensuite vérifiées avec Repsol dans le cadre de la table de l'asphalte (considérant 270 de la décision attaquée).
483 Appréciés au regard de l'ensemble des éléments de preuve avancés par la Commission, il y a lieu de considérer que ces différents tableaux concourent à démontrer que les requérantes ont participé aux accords annuels successifs de répartition du marché en cause et du partage de clientèle au cours de la période postérieure à février 1998.
484 De plus, ainsi qu'il a déjà été dit précédemment concernant le moyen relatif à la répartition de la clientèle, la circonstance que les tableaux mentionnés ci-dessus aient été établis par Repsol ou par PROAS ne leur retire pas toute valeur probante, et ce d'autant plus que certains d'entre eux ont été collectés lors des vérifications effectuées les 1er et 2 octobre 2002.
485 En troisième lieu, un ensemble d'indices concordants permet de conclure qu'au cours du mois d'avril 2002 les requérantes ont participé à au moins une réunion relative à la répartition du marché et au partage de la clientèle.
486 En effet, il se déduit de la note en bas de page n° 95 de la décision attaquée que, dans sa demande de clémence et dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, Repsol a confirmé avoir rencontré en compagnie de PROAS, " vers le mois d'avril 2002 ", Nynäs, en la personne de M. T. S. B., et les requérantes, représentées par M. V. C., pour les informer et discuter séparément avec chacune d'entre elles " du marché dans leur zone [géographique], des tonnes, des clients et de la répartition [du marché] ".
487 L'argument des requérantes relatif au défaut de caractère probant de cette déclaration a déjà été écarté dans le cadre de l'examen du moyen relatif au partage de la clientèle.
488 De plus, dans sa réponse du 9 mai 2006 à une demande de renseignements, Repsol a confirmé que les réunions tenues entre elle et PROAS de novembre 2001 à mars 2002 pour convenir de la taille du marché et d'une première attribution de clients avaient été suivies en avril 2002 de réunions avec BP, puis Nynäs et, enfin, les requérantes, afin de négocier l'attribution de clientèle dans la zone d'influence respective de chacune d'elles (considérant 136 et note en bas de page n° 102 de la décision attaquée).
489 Enfin, les déclarations de Repsol sont confirmées par la mention portée à la date du 17 avril 2002 dans l'agenda d'un membre du personnel des ventes de PROAS d'une réunion le 9 avril 2002 entre les requérantes et Repsol et d'une réunion le 11 avril 2002 entre les requérantes, d'une part, et Repsol et CEPSA, d'autre part (considérant 273 de la décision attaquée).
490 Dans sa réponse du 18 novembre 2005 à une demande de renseignements, PROAS a qualifié la réunion Repsol-Galp du 9 avril 2002 et la réunion Repsol-CEPSA-Galp du 11 avril 2002 de réunions de la table de l'asphalte en présence des " participants habituels ", expression qui doit s'entendre comme faisant référence y compris aux requérantes, ainsi qu'il a été constaté précédemment.
491 M. J. B., directeur des ventes du bitume de Repsol depuis 2000, a confirmé, par une déclaration tenue au cours de l'audition du 12 décembre 2006, qu'une réunion avait eu lieu le 11 avril 2002 entre Repsol, PROAS et les requérantes afin de discuter du tonnage à leur attribuer dans la perspective des accords de répartition du marché pour 2002 (considérant 275 de la décision attaquée).
492 Pour contester cette déclaration, les requérantes se prévalent de la déclaration de M. V. C., directeur des ventes de bitume de Petrogal Española (actuellement Galp Energía España) au moment des faits litigieux, déclaration jointe en annexe A.12 de la requête.
493 Cependant, dans sa déclaration, M. V. C. a indiqué qu'il n'avait " pas le moindre souvenir " que des réunions auxquelles participaient dans le même temps les requérantes, Repsol et PROAS aient eu lieu après mars 1998 (à l'exception de septembre 1998).
494 Ce témoignage, émanant de surcroît d'un ancien membre du personnel des requérantes, n'est pas de nature, à lui seul, à faire perdre toute crédibilité à la déclaration de M. J. B.
495 Par ailleurs, les requérantes soutiennent que la déclaration de M. J. B. rapportant la tenue le 11 avril 2002 d'une réunion qui aurait duré une journée entière n'est pas plausible, puisque le quota des requérantes est resté stable au cours du temps.
496 Cependant, il n'est pas exclu que le maintien du quota des requérantes à un niveau qu'elles estimaient trop bas, ainsi que cela ressort du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 analysé plus haut dans le cadre du présent moyen, ait pu susciter des discussions prolongées avec Repsol et PROAS.
497 Les requérantes n'ont donc pas établi l'absence de crédibilité de la déclaration de M. J. B.
498 Il convient de considérer que les déclarations auto-incriminantes de Repsol et de PROAS, la mention de réunions incluant les requérantes en date des 9 et 11 avril 2002 portée dans l'agenda d'un membre du personnel des ventes de PROAS et la déclaration auto-incriminante de M. J. B. du 12 décembre 2006 constituent un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants démontrant, à défaut d'autre explication plausible de la part des requérantes, que, au cours du mois d'avril 2002, les requérantes ont participé à au moins une réunion relative à la répartition du marché ainsi qu'au partage de la clientèle.
499 Cette conclusion n'est pas remise en cause par l'affirmation de PROAS selon laquelle les requérantes n'auraient pas participé à la table de l'asphalte en 2002, telle qu'elle ressort du considérant 489 de la décision attaquée.
500 En effet, la notion de " participation à la table de l'asphalte " est susceptible d'avoir une pluralité de significations lorsqu'elle est utilisée par les membres de l'entente.
501 Ainsi qu'il a été dit plus haut, il convient de distinguer la notion de " participants habituels ", qui inclut, notamment, les requérantes, de celle de " membres permanents " telle qu'elle ressort du considérant 126 de la décision attaquée, cette dernière renvoyant seulement à Repsol, PROAS et BP.
502 Par suite, en l'absence de précisions apportées par les requérantes sur le contexte dans lequel l'affirmation de PROAS a été portée et donc sur la signification réelle de celle-ci, sa valeur probante est des plus limitées pour établir que les requérantes n'auraient participé, au cours de l'année 2002, en aucune manière à l'entente, alors même que l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés plus haut concourent à démontrer que les requérantes ont discuté, y compris en 2002, avec Repsol et PROAS, de l'accord annuel de partage du marché en cause.
503 Les accords de répartition du marché entre les membres de l'entente ayant une périodicité annuelle, les requérantes peuvent donc être regardées comme ayant participé à l'accord annuel de répartition du marché en 2002 pendant toute la durée de sa mise en œuvre au titre de cet exercice, soit jusqu'au terme de l'infraction fixé au 1er octobre 2002 par la Commission.
504 Il résulte de ce qui précède que les déclarations convergentes formulées par Repsol et par PROAS, corroborées par l'ensemble des documents contemporains des faits litigieux analysés ci-dessus, constituent un faisceau suffisamment précis et cohérent d'éléments de preuve démontrant que les requérantes ont participé aux accords de répartition du marché et de partage de la clientèle jusqu'au 1er octobre 2002.
505 En effet, ainsi qu'il a été dit plus haut, le fait que la preuve de l'existence d'une infraction n'a pas été apportée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l'infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu'une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants. Dans le cadre d'une infraction s'étendant, comme en l'espèce, sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l'entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l'existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s'inscrivent dans le cadre d'une infraction à caractère unique et continu (arrêt Technische Unie/Commission, précité, point 169). Or, tel est le cas en l'espèce.
506 En conséquence, la Commission n'a pas méconnu l'article 81, paragraphe 1, CE en constatant que les requérantes avaient participé, jusqu'au 1er octobre 2002, tant aux accords annuels de répartition du marché et de partage de la clientèle (à l'exclusion du système de surveillance et du mécanisme de compensation) qu'à la coordination des prix.
507 À titre surabondant, il convient de mentionner le fait que, au considérant 278 de la décision attaquée, la Commission se fonde, pour établir la participation des requérantes à l'infraction, sur l'extrait d'un courriel du 29 août 2002 adressé à M. C. B. F., salarié de Petróleos de Portugal, par M. J. T. M., salarié de Petrogal Española (devenue Galp Energía España).
508 L'extrait de ce courriel est libellé ainsi :
" Le 20 septembre prochain, j'aurai une réunion avec CEPSA pour clarifier la situation du marché et ne pas entrer en guerre. J'aimerais savoir ce que nous pourrions négocier, s'ils sont ou non obligés de nous donner des tonnes, et combien de tonnes. Il conviendrait d'avoir une réunion avec Repsol, mais je ne connais ni leur situation au Portugal, ni le montant de l'échange. "
509 Ce courriel mentionne les deux principales entreprises participant à l'entente, celles par ailleurs avec lesquelles il est établi que Petrogal a eu des contacts répétés dans le cadre de cette entente. De plus, il est question dans ce courriel, d'une part, d'éviter une " guerre " avec au moins l'une de ces deux entreprises et, d'autre part, de négocier avec elle, négociation se réalisant par le fait de " donner " des tonnes d'un produit non identifié expressément dans le courriel.
510 Dans un contexte où, ainsi qu'il a été dit plus haut, les requérantes peuvent être regardées comme ayant participé aux accords annuels de répartition du marché jusqu'en octobre 2002, un tel courriel peut, a priori, être considéré comme un élément probant venant confirmer cette participation.
511 Cependant, les requérantes allèguent en substance, d'une part, que ce courriel concerne des accords d'échange conclus avec CEPSA-PROAS en dehors du secteur du bitume et, d'autre part, que les salariés concernés par ce courriel, en particulier M. J. T. M., n'étaient pas impliqués dans le secteur du bitume.
512 Il convient d'examiner successivement ces deux allégations.
513 Premièrement, les explications des requérantes sur l'objet " réel ", selon elles, de ce courriel, demeurent trop vagues, imprécises et hypothétiques pour pouvoir constituer une explication alternative plausible du courriel en cause. Ainsi, elles indiquent que ce courriel " semble se rapporter à un accord d'échange entre Petrogal et CEPSA en ce qui concerne certains autres produits, peut-être du carburant ". Si, à cette date, les requérantes négociaient avec CEPSA l'adoption ou la mise en œuvre d'accords d'échange en dehors du secteur du bitume, elles devraient être en mesure d'apporter plus de précisions et d'étayer celles-ci par des pièces probantes. Or, tel n'est pas le cas.
514 Deuxièmement, les requérantes ne sont pas fondées à dénier à leurs deux salariés toute responsabilité dans le secteur du bitume.
515 En effet, à supposer même que, comme le soutiennent les requérantes, M. J. T. M. n'ait jamais été impliqué dans des questions concernant le bitume ou le commerce des produits bitumineux, s'agissant de M. C. B. F., Repsol indique, dans sa réponse du 5 avril 2006 à une demande de renseignements, que celui-ci était l'un des représentants des requérantes auxquels étaient communiquées les modifications des prix du bitume convenues entre Repsol et PROAS. Il est, par ailleurs, constant que M. C. B. F. a représenté les requérantes avec M. V. C. à la réunion de discussion sur la répartition du marché tenue le 17 septembre 1998 avec Repsol et PROAS et évoquée au considérant 236 de la décision attaquée.
516 Il résulte de ce qui précède que la Commission a pu estimer à bon droit au considérant 278 de la décision attaquée qu'il ressortait du courriel en cause que les requérantes jugeaient la tenue d'une réunion avec Repsol opportune et qu'une réunion avait effectivement été programmée avec CEPSA-PROAS pour une date précise, avec un objectif clair dans le contexte des accords d'échange : clarifier la situation du marché et ne pas " entrer en guerre " avec PROAS.
517 La Commission en a donc correctement déduit que ce courriel apportait la preuve qu'un des buts de la stratégie commerciale des requérantes pour le bitume de pénétration en Espagne était d'éviter une guerre avec un concurrent et qu'elles avaient pris des mesures pour mettre cette stratégie en pratique.
518 Dans ces conditions, la Commission a pu considérer le courriel du 29 août 2002 comme un élément de preuve supplémentaire de la participation des requérantes aux accords de partage du marché en 2002.
519 Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité affectant le constat de la durée de la participation des requérantes à l'infraction doit être écarté.
Sur les conséquences à tirer du caractère fondé du troisième moyen
520 Le troisième moyen a été accueilli compte tenu de l'absence de preuve, dans la décision attaquée, de la participation des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation et, plus largement, de l'absence d'éléments, dans la décision attaquée, permettant de retenir la responsabilité des requérantes au titre de ces deux composantes de l'infraction.
521 Il convient de déterminer les conséquences, en matière d'annulation, de l'illégalité ainsi commise par la Commission.
522 Il y a lieu de rappeler, d'une part, que le seul fait qu'il considère fondé un moyen invoqué par la partie requérante au soutien de son recours en annulation ne permet pas au Tribunal d'annuler automatiquement l'acte attaqué dans son intégralité. En effet, une annulation intégrale ne saurait être retenue lorsqu'il apparaît de toute évidence que ledit moyen, visant uniquement un aspect spécifique de l'acte contesté, n'est susceptible d'asseoir qu'une annulation partielle (arrêt de la Cour du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C-295-07 P, Rec. p. I-9363, point 104).
523 D'autre part, conformément à une jurisprudence constante, l'annulation partielle d'un acte communautaire n'est possible que pour autant que les éléments dont l'annulation est demandée soient détachables du reste de l'acte. Il n'est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l'annulation partielle d'un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (voir arrêt Commission/Département du Loiret, précité, points 105 et 106, et la jurisprudence citée).
524 Ainsi, en matière d'infractions prévues à l'article 81 CE, dans le cas où la Commission a adopté une décision retenant la responsabilité d'une entreprise en raison d'une infraction unique et continue incluant plusieurs comportements, le constat de la participation de cette entreprise à l'un de ces comportements est détachable du reste de la décision dans la mesure où les autres comportements retenus dans la décision constituent, à eux seuls, une violation de l'article 81 CE.
525 Par suite, lorsqu'une entreprise peut être tenue pour responsable de certains des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais que tel n'est pas le cas pour d'autres comportements anticoncurrentiels, parce que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que cette entreprise avait connaissance de ces autres comportements anticoncurrentiels adoptés par les autres participants à l'entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, le juge de l'Union doit se limiter à prononcer l'annulation partielle de la décision attaquée (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, point 50).
526 Cependant, pour qu'une annulation, même partielle, soit possible, encore faut-il que le comportement pour lequel la responsabilité de l'entreprise n'est pas établie soit suffisamment dissociable de chacun des autres comportements infractionnels retenus dans la décision de la Commission afin de pouvoir faire l'objet d'une constatation autonome, et ce sans qu'il soit pour autant nécessaire que ce comportement constitue, à lui seul, une violation de l'article 81 CE.
527 De plus, les différentes composantes de l'infraction unique et continue retenue par la Commission, en particulier celles pour lesquelles la responsabilité de l'entreprise n'est pas établie, doivent être identifiées de façon suffisamment claire dans la décision attaquée afin de permettre la division de celle-ci (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, point 46).
528 En l'espèce, ainsi qu'il a été dit dans le cadre de l'examen du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, il ressort clairement de ladite décision que l'infraction unique et continue retenue par la Commission comprend différentes composantes.
529 Ces différents comportements infractionnels ou composantes sont, ainsi qu'il ressort des considérants 3 et 373 de la décision attaquée, les suivants :
- l'établissement de quotas de ventes ;
- la répartition des volumes de produit et des clients entre chaque participant à l'entente, sur la base de ces quotas ;
- le contrôle de la mise en œuvre du partage du marché et des clients, au moyen d'échanges d'informations sur les volumes de ventes ;
- la création d'un mécanisme de compensation destiné à corriger les écarts survenus par rapport au partage du marché et des clients convenu ;
- l'accord sur la modification des prix du bitume et la date d'application des nouveaux prix ;
- la participation à des réunions régulières et à d'autres contacts afin de convenir des restrictions à la concurrence exposées ci-dessus et de les mettre en œuvre ou de les modifier en fonction des besoins.
530 Ainsi, dans la décision attaquée, le système de surveillance et le mécanisme de compensation sont chacun identifiables en tant que composante distincte des autres composantes de l'infraction.
531 De plus, le point 2.1.1.3.1 de la décision attaquée, intitulé " Contrôle des accords de partage de marché ", est consacré spécifiquement au système de surveillance, de même qu'un autre point de la décision attaquée, le point 2.1.1.3.2, intitulé " Mécanisme de compensation ", est consacré spécifiquement au mécanisme de compensation.
532 Par suite, la décision attaquée permet de distinguer et, si besoin, d'isoler ces deux composantes des autres comportements infractionnels.
533 Par ailleurs, le système de surveillance et le mécanisme de compensation sont suffisamment dissociables des autres comportements infractionnels retenus dans la décision attaquée et pouvaient donc valablement faire l'objet d'une constatation autonome par la Commission.
534 Enfin, il résulte de l'examen des différents moyens en annulation que, si la Commission a retenu à tort la responsabilité des requérantes s'agissant du système de surveillance et du mécanisme de compensation, il n'est pas établi qu'elle ait retenu de manière erronée la responsabilité des requérantes s'agissant des autres composantes de l'infraction.
535 Or, les autres composantes de l'infraction constituent en elles-mêmes une violation de l'article 81 CE, ce qui rend le constat de la participation des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation détachable du reste de la décision.
536 Il résulte de ce qui précède que l'article 1er de la décision attaquée doit être annulé en ce qu'il constate l'implication des requérantes dans un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché espagnol du bitume, dans la mesure où cet ensemble comprend, d'une part, le système de surveillance de la mise en œuvre des accords de partage du marché et de la clientèle et, d'autre part, le mécanisme de compensation destiné à rectifier les écarts survenus par rapport aux accords de répartition des marchés et de la clientèle.
537 Il y a lieu d'annuler dans la même mesure l'article 3 de la décision attaquée en ce qu'il oblige les requérantes à mettre fin à l'infraction telle que constatée à l'article 1er et à s'abstenir de répéter tout acte ou comportement visé à cet article ou ayant un objet ou un effet similaire.
538 Le surplus de conclusions en annulation de l'article 1er et de l'article 3 de la décision attaquée doit en revanche être rejeté.
539 En outre, il convient de rappeler que la Cour a également jugé, en matière d'annulation partielle d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue, d'une part, que l'entreprise en cause devait avoir été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu'il lui était également reproché chacun des comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et, d'autre part, que ladite décision devait être suffisamment claire à cet égard (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, point 46).
540 Par suite, en premier lieu, il convient, alors même que les requérantes n'ont invoqué aucune méconnaissance des droits de la défense, de s'assurer d'office que la première condition supplémentaire prévue par la Cour afin de permettre de diviser une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue est remplie, et ce sans qu'il soit nécessaire que les parties se soient prononcées à cet égard (voir, en ce sens, arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, précité, points 46 et 49 ; arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Verhuizingen Coppens/Commission, T-210-08, Rec. p. II-3713).
541 Or, il y a lieu de constater que les requérantes ont été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de connaître chacune des différentes composantes de l'infraction qui leur était reprochée et de se défendre sur ce point, ainsi qu'il ressort des points 2.2.1.3 et 2.2.1.4 de la décision attaquée et, notamment, des considérants 344, 346, 348 et 352 de ladite décision qui y figurent.
542 En second lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la décision attaquée fait suffisamment apparaître le système de surveillance et le mécanisme de compensation comme étant des composantes autonomes. Elle permet donc de comprendre que chacune de ces deux composantes, en tant que telle, est reprochée aux participants à l'entente et, notamment, aux requérantes.
543 Les conditions supplémentaires prévues par la Cour pour qu'une annulation partielle d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue soit envisageable sont donc remplies en l'espèce.
2. Sur les conclusions présentées, à titre principal, en annulation de l'article 2 de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, en réformation du montant de l'amende
544 Les requérantes développent trois moyens par lesquels elles reprochent à la Commission d'avoir respectivement constaté qu'elles n'avaient pas joué un rôle exclusivement passif dans l'infraction, rejeté leur argument selon lequel elles n'avaient pas mis en œuvre l'entente et, enfin, refusé de leur accorder une réduction du montant de l'amende à raison d'un taux supérieur au taux de 10 % accordé par la décision attaquée, afin de tenir compte de leur participation limitée à l'infraction.
545 Ces moyens sont expressément invoqués au soutien de conclusions en annulation de l'article 2 de la décision attaquée, lequel porte sur l'amende ou, à titre subsidiaire, au soutien de conclusions en réformation du montant de l'amende.
546 Or, il convient de rappeler que le juge de l'Union est habilité à exercer sa compétence de pleine juridiction lorsque la question du montant de l'amende est soumise à son appréciation (arrêt Groupe Danone/Commission, précité, point 62).
547 Par suite, les requérantes, qui contestent spécifiquement, par les moyens en cause, l'amende qui leur est infligée et non la décision attaquée dans son ensemble ou les seuls articles du dispositif de celle-ci qui ne concernent pas l'amende, doivent être regardées comme présentant des conclusions en réformation, et ce malgré l'emploi dans leurs écrits du terme " annulation ".
548 À cet égard, il convient de relever que, dans l'arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, précité, la Cour, alors même que le requérant, dans cette affaire, concluait, à titre principal, à l'annulation des articles 1er et 2 de la décision qu'il contestait, articles relatifs, respectivement, à la constatation de l'infraction et à l'amende, et, seulement à titre subsidiaire, à la réduction de cette amende (point 10 de l'arrêt), a annulé partiellement l'article 1er et, sans annuler l'article 2, a, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, réduit le montant de l'amende.
Sur le septième moyen, pris de l'illégalité affectant le constat selon lequel les requérantes n'ont pas joué un rôle exclusivement passif dans l'infraction
Arguments des parties
549 Les requérantes font observer que, au considérant 539 de la décision attaquée, la Commission présume à tort et sans apporter le moindre élément de preuve qu'elles ont participé à la table de l'asphalte, alors qu'elles ont démontré le contraire aux points 3.54 à 3.56 de la requête. Les requérantes n'auraient manifestement participé à l'élaboration d'aucun des accords dont la Commission prétend constater l'existence dans la décision attaquée et la Commission ne l'aurait pas non plus soutenu dans cette décision.
550 Contrairement à ce qu'affirme la Commission au considérant 539 susmentionné, la participation des requérantes à des négociations annuelles ou tout au moins à des échanges de vues annuels quels qu'ils soient ne serait nullement établie. Les considérants 232, 247, 265 et 273 auxquels la Commission renvoie au point 90 de son mémoire en défense ne mentionneraient que des annotations sur des agendas et un tableau interne de PROAS et de Repsol, qui ne constitueraient manifestement pas la preuve de négociations d'un volume impliquant les requérantes. Il n'y aurait pas eu de négociation puisqu'il ressort clairement de la décision attaquée que Repsol et PROAS ont toujours attribué 48 000 Tm par an aux requérantes.
551 La Commission ne produirait aucun élément de preuve démontrant la moindre participation des requérantes à l'organisation, à l'administration ou au financement des réunions en cause. Elle omettrait de préciser quand ces réunions avec Repsol ou PROAS dans les propres bureaux des requérantes sont censées avoir eu lieu. Les requérantes démentent également que ces réunions aient eu lieu. Les vagues accusations de M. J. L. F. auraient été réfutées par les requérantes aux points 3.35 à 3.40 de la requête.
552 Les deux exemples explicites mentionnés par la Commission ne pourraient servir d'élément de preuve de la participation active des requérantes à l'infraction. D'une part, le procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 établi par PROAS prouverait que les requérantes avaient cessé de participer à l'accord de partage du marché entre Repsol, PROAS et BP. D'autre part, le courriel interne des requérantes du 29 août 2002, qui ne concerne pas le bitume, aurait visé à éviter un conflit entre les requérantes et CEPSA et n'aurait trait à aucune forme d'arrangement en matière de partage du marché ou de coordination des prix.
553 Au contraire, la participation des requérantes à l'infraction se serait limitée à quelques contacts officieux noués avec les deux opérateurs dominants, Repsol et PROAS, au cours desquels PROAS a indiqué aux requérantes que les participants à la table de l'asphalte leur avaient alloué un volume de ventes annuel de 48 000 Tm. La participation des requérantes à l'entente n'aurait concerné que la connaissance de ce quota, qu'elles auraient plus ou moins respecté de 1995 à mars 1998, parce qu'elles y avaient un intérêt commercial.
554 Elles auraient toutefois cessé de le faire à partir de mars 1998 et l'auraient déclaré expressément à Repsol et à PROAS, notamment en mars 1998 et au cours de la réunion du 17 septembre 1998. Même en considérant avec la Commission que les requérantes ne peuvent être regardées comme ayant pris leurs distances à l'égard des membres de la table de l'asphalte, il ressortirait clairement de la décision attaquée que, au moins à partir de mars 1998, le rôle des requérantes ne pouvait passer raisonnablement pour actif.
555 La Commission aurait mal apprécié la participation prétendue des requérantes aux activités de coordination des prix. La déclaration très générale formulée au paragraphe 90 du mémoire en défense constituerait un aveu implicite de l'impossibilité dans laquelle la Commission se trouve d'étayer l'argument exposé au considérant 539 de la décision attaquée, argument selon lequel les requérantes auraient demandé ou connu les modifications des prix et accepté de les appliquer conjointement avec leurs concurrents. Comme les requérantes l'ont exposé au point 3.6 de la réplique, BP n'aurait jamais allégué dans sa demande de clémence que les requérantes avaient participé à la coordination de prix et aucun des documents présentés par BP n'aurait révélé une telle implication.
556 La Commission aurait elle-même estimé que les requérantes n'avaient pas participé à " tous les aspects d'un système anticoncurrentiel ". Au considérant 543 de la décision attaquée, la Commission s'interrogerait sur le point de savoir si les requérantes ont participé en fait au mécanisme de compensation ou à toutes les phases des discussions débouchant sur l'accord annuel de partage du marché. Au même considérant, la Commission déclarerait, en méconnaissance de la charge de la preuve, " [n'avoir] découvert aucun élément de preuve démontrant que les requérantes [s'étaient] efforcées de prendre leurs distances par rapport au comportement illégal ou de ne pas l'exploiter à leur avantage ". Comme il ressort clairement de la jurisprudence, un tel critère ne serait pas décisif pour se prononcer sur le point de savoir si une entreprise a joué un rôle passif.
557 Comme les requérantes n'ont pris part à aucune des réunions de la table de l'asphalte ni à l'élaboration des accords présumés, la Commission aurait dû constater qu'elles n'ont joué qu'un rôle passif. En conséquence, le refus opposé aux requérantes au considérant 545 de la décision attaquée de n'accorder aucune réduction de l'amende en raison de leur rôle exclusivement passif, à tout le moins de mars 1998 à octobre 2002, serait manifestement injustifié.
558 La Commission soutient que le présent moyen doit être écarté.
Appréciation du Tribunal
559 Au soutien du présent moyen, les requérantes se prévalent, au point 3.144 de la requête, des dispositions du point 3, premier tiret, des lignes directrices de 1998.
560 Or, ces dispositions prévoient une diminution du montant de l'amende au titre des circonstances atténuantes en cas de " rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction ", lequel implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 167).
561 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de sa participation aux réunions par rapport à celles des autres membres de l'entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 252, et la jurisprudence citée).
562 Cependant, le point 3, premier tiret, des lignes directrices n'ouvrant droit à une diminution du montant de l'amende à titre de circonstance atténuante qu'en cas de rôle " exclusivement " passif ou suiviste de l'entreprise concernée dans la réalisation de l'infraction, il ne suffit pas que cette entreprise ait adopté un " profil bas " seulement pendant certaines périodes de l'entente, ou à l'égard de certains accords de l'entente (arrêt Jungbunzlauer/Commission, précité, point 254).
563 Au contraire, au regard du libellé du point 3, premier tiret, des lignes directrices, la reconnaissance d'un rôle passif implique que l'entreprise en cause se soit limitée, tout au long de sa participation à l'infraction, à adopter un " profil bas ".
564 Ainsi, le fait que d'autres entreprises aient pu être plus actives n'implique pas automatiquement qu'une entreprise ait eu un rôle exclusivement passif ou suiviste, car seule la passivité totale de cette dernière pourrait entrer en ligne de compte (arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109-02, T-118-02, T-122-02, T-125-02, T-126-02, T-128-02, T-129-02, T-132-02 et T-136-02, Rec. p. II-947, point 611).
565 En l'espèce, en premier lieu, il résulte de l'examen des quatrième et sixième moyens en annulation que les requérantes ont participé aux accords de répartition du marché et de partage de la clientèle.
566 À cet égard, il ressort des réponses concordantes que Repsol et PROAS ont apportées le 9 mai 2006 à une demande de renseignements que les requérantes négociaient activement, avec elles, les volumes et les clients leur revenant dans leur zone d'influence à partir d'une proposition préalablement convenue entre Repsol et PROAS, puis adaptée pour tenir compte de leurs demandes (considérants 139 et 140 de la décision attaquée).
567 En deuxième lieu, il résulte de l'examen du cinquième moyen que les requérantes ont participé, y compris parfois activement, à la coordination des prix avec d'autres membres de l'entente.
568 En troisième lieu, ainsi qu'il a été constaté lors de l'examen du sixième moyen, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 que les requérantes entendaient, en présentant au cours de cette réunion à leurs concurrents des informations sur leurs chiffres de ventes de bitume permettant à ceux-ci de constater qu'elles avaient vendu au-delà de ce qui leur revenait en vertu du PTT, négocier une nouvelle répartition du marché plus avantageuse pour elles. Il s'agit là d'un comportement qui ne saurait être qualifié de " passif ".
569 Compte tenu des éléments qui viennent d'être rapportés, les requérantes ne peuvent être regardées comme ayant eu un rôle " exclusivement " passif ou suiviste dans la réalisation de l'infraction en cause.
570 Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à la Commission d'avoir constaté qu'elles n'avaient pas joué un rôle exclusivement passif dans l'infraction ni, par conséquent, de ne leur avoir accordé aucune réduction de l'amende au titre du point 3, premier tiret, des lignes directrices de 1998.
571 Au regard de ce qui précède, la Commission n'ayant commis aucune erreur, il convient d'écarter le moyen comme non fondé.
Sur le huitième moyen, pris de l'illégalité du refus de la Commission de reconnaître la non-application effective de l'entente par les requérantes
Arguments des parties
572 Les requérantes relèvent que la Commission a refusé, aux considérants 546 à 553 de la décision attaquée, de les admettre au bénéfice de la circonstance atténuante tenant à la non-application effective de l'entente.
573 La Commission aurait commis deux erreurs manifestes d'appréciation en affirmant, au considérant 551 de la décision attaquée, que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer avoir, au cours de la période de leur participation à l'entente, évité en fait de mettre en œuvre les accords infractionnels en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, manifestement et gravement violé les obligations concernant la mise en œuvre de l'entente au point d'en perturber le fonctionnement même.
574 En premier lieu, la Commission aurait, à tort, fait reposer sur les requérantes la charge de la preuve de la non-application de l'entente. Une entreprise qui, comme les requérantes, a joué un rôle à ce point secondaire sur le marché en cause, ne pourrait être invitée à produire des éléments de preuve de cette nature. Il serait donc exclu qu'une action des requérantes, quelle qu'elle soit, ait pu perturber l'organisation du marché.
575 En deuxième lieu, les requérantes auraient clairement précisé, dans leur réponse à la communication des griefs et au point 3.130 de la requête, qu'elles n'ont pas appliqué les accords de partage du marché. Au moins de mars 1998 à octobre 2002, les requérantes auraient livré une quantité beaucoup plus élevée de bitume que celle que, selon la Commission, Repsol et PROAS leur auraient allouée.
576 Comme il a été exposé au point 3.139 de la requête, d'autres membres de l'entente auraient reconnu que les requérantes avaient arrêté une stratégie pleinement autonome et unilatérale sur le marché en cause au cours de cette période. Dans cette mesure, les requérantes se seraient " effectivement soustraites à l'application du quota en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ".
577 En soutenant, dans ce contexte, que le volume de ventes attribué aux requérantes était " flexible ", la Commission admettrait en fait qu'elle ne peut établir qu'elles l'ont appliqué à partir de 1998.
578 La Commission n'aurait donc pas pu conclure au considérant 553 de la décision attaquée que les requérantes étaient restées en défaut de prouver qu'elles n'avaient pas appliqué les accords de l'entente. La Commission aurait, de ce fait, violé l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003 et le point 3 des lignes directrices de 1998.
Appréciation du Tribunal
579 À titre liminaire, il convient d'indiquer que, au soutien du présent moyen, les requérantes se prévalent, au point 3.144 de la requête, des dispositions du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices de 1998.
580 Dans le cadre de ces dispositions, la " non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles " apparaît comme étant une des circonstances atténuantes dont le bénéfice peut être reconnu aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles.
581 Toutefois, la Commission n'est tenue de reconnaître l'existence d'une circonstance atténuante du fait de l'absence de mise en œuvre d'une entente que si l'entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu'elle s'est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu'elle n'a pas adhéré à l'accord en apparence et, de ce fait, incité d'autres entreprises à mettre en œuvre l'entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d'une entente illicite et bénéficier ensuite d'une réduction de l'amende au motif qu'elles n'avaient joué qu'un rôle limité dans la mise en œuvre de l'infraction, alors que leur attitude a incité d'autres entreprises à se comporter d'une manière plus nuisible à la concurrence (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44-00, Rec. p. II-2223, point 277, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, point 491).
582 En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement des requérantes puisse s'analyser en une non-application effective de l'entente au sens de la jurisprudence citée au point précédent.
583 En effet, les requérantes reconnaissent elles-mêmes avoir respecté du 31 janvier 1995 à mars 1998 le quota de 48 000 Tm leur revenant au terme de la négociation de chaque accord annuel de répartition du marché.
584 De plus, il résulte de l'examen des quatrième et sixième moyens en annulation que, jusqu'au 1er octobre 2002, les requérantes ont participé aux accords de répartition du marché et de partage de la clientèle.
585 À cet égard, ainsi qu'il a été constaté lors de l'examen du sixième moyen, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 septembre 1998 que les requérantes entendaient, en présentant au cours de cette réunion à leurs concurrents des informations sur leurs chiffres de ventes de bitume permettant à ceux-ci de constater qu'elles avaient vendu au-delà de ce qui leur revenait en vertu du PTT, négocier une nouvelle répartition du marché plus avantageuse pour elles.
586 Dans ce contexte, ni le dépassement substantiel par les requérantes de leur quota de 48 000 Tm à partir de 1998, ni la reconnaissance par d'autres membres de l'entente du comportement beaucoup plus " agressif " des requérantes, ne sont de nature à démontrer que les requérantes se sont clairement et de manière considérable opposées à la mise en œuvre de l'entente, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu'elles n'ont pas adhéré à l'accord en apparence et, de ce fait, incité d'autres entreprises à mettre en œuvre l'entente en cause.
587 Le comportement des requérantes peut d'autant moins s'analyser en une opposition à la mise en œuvre de l'entente que, ainsi qu'il résulte de l'examen du cinquième moyen, jusqu'au 1er octobre 2002, les requérantes ont par ailleurs continué à participer, y compris parfois activement, à une autre des composantes de l'entente, la coordination des prix.
588 Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à la Commission d'avoir refusé de reconnaître la non-application effective de l'entente par les requérantes au titre de circonstance atténuante, ni, par conséquent, de ne leur avoir accordé aucune réduction de l'amende au titre du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices de 1998.
589 Au regard de ce qui précède, la Commission n'ayant commis aucune erreur, il convient d'écarter le moyen comme non fondé.
Sur le neuvième moyen, pris de l'absence de réduction de l'amende malgré la participation très limitée des requérantes à l'infraction
Arguments des parties
590 Les requérantes estiment que la réduction de 10 % du montant de l'amende que leur a accordée la décision attaquée est trop faible eu égard au caractère négligeable de leur participation à l'entente.
591 Elles n'auraient pas été parties à la répartition de la clientèle, au système de surveillance et au mécanisme de compensation. Pendant une période limitée elles auraient accepté un volume de ventes annuel limité à 48 000 Tm. Un tel montant n'aurait même pas été, de l'avis de Repsol, un montant " très rigide " et aurait même constitué, selon la Commission elle-même, un montant " flexible ".
592 Même s'il fallait reconnaître que les requérantes ne se sont pas clairement distanciées elles-mêmes de la table de l'asphalte en mars 1998, il ressortirait à l'évidence de leurs chiffres de ventes afférents à la période allant de 1998 à 2002 qu'il n'y a eu aucun rapport entre le volume de ventes escompté et leur chiffre d'affaires effectif.
593 Même en cas de rejet du moyen pris de l'illégalité du constat de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix, il ne serait pas établi que leur participation prétendue à ces arrangements aurait eu la moindre influence sur la stratégie de prix de Repsol et de PROAS.
594 Compte tenu de ce que les requérantes n'ont joué qu'un rôle accessoire dans l'entente et qu'elles n'ont pas respecté non plus les arrangements au titre de l'entente, elles auraient dû bénéficier d'une contrepartie sous la forme d'une réduction sensiblement plus élevée que la réduction de 10 % consentie par la décision attaquée. La Commission aurait, de ce fait, violé l'article 23, paragraphe 3, du règlement nº 1-2003 et le point 3 des lignes directrices. Il s'ensuivrait l'annulation de l'article 2 de la décision attaquée, à tout le moins en ce qu'il concerne les requérantes, ou, subsidiairement, la réduction du montant de l'amende infligée.
Appréciation du Tribunal
595 Tout d'abord, il convient de préciser que, en indiquant que la réduction de 10 % qui leur était appliquée était trop faible compte tenu de leur participation très restreinte à l'infraction et en critiquant ainsi, implicitement, mais nécessairement, le caractère proportionné de l'amende, les requérantes ont suffisamment précisé, contrairement à ce que soutient la Commission, la base juridique de leur demande en réduction de l'amende.
596 Ensuite, en premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il résulte de la réponse apportée au quatrième moyen que celles-ci ont participé aux accords annuels de partage de la clientèle.
597 En deuxième lieu, comme il a été constaté dans le cadre de l'examen du huitième moyen, le dépassement substantiel du quota de ventes revenant aux requérantes n'est pas, à défaut d'une opposition affirmée de leur part à la mise en œuvre de l'entente, susceptible de permettre aux requérantes de bénéficier d'une réduction de l'amende au titre de la non-application effective de l'accord.
598 En troisième lieu, la Commission s'est fondée sur le fait que des accords horizontaux de partage du marché et des activités de coordination des prix constituaient, par leur nature même, des infractions pouvant être qualifiées de " très graves " (considérant 500 de la décision attaquée) pour conclure, indépendamment de la question de savoir si l'entente avait produit un effet mesurable sur le marché en cause, au caractère de très grande gravité de l'infraction (considérant 509 de la décision attaquée).
599 Or, il résulte des réponses respectivement apportées aux quatrième, cinquième et sixième moyens en annulation que les requérantes ont effectivement participé à des accords de partage du marché (en ce, inclus le partage de la clientèle) ainsi qu'à des activités de coordination des prix. De plus, la qualification d'infraction " très grave " retenue par la Commission n'a pas été contestée par les requérantes.
600 Ensuite, il n'est pas contesté par les requérantes, s'agissant de l'étendue géographique de l'infraction, que cette dernière se rapporte au bitume de pénétration vendu en Espagne (à l'exception des îles Canaries).
601 Or, il ressort de la jurisprudence qu'un marché géographique de dimension nationale correspond à une partie substantielle du marché commun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322-81, Rec. p. 3461, point 28 ; arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale/Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 176, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 150).
602 Enfin, ainsi qu'il ressort du considérant 67 de la décision attaquée, il est constant que la valeur totale du marché espagnol du bitume de pénétration a représenté 286 400 000 euros en 2001, dernière année complète de l'infraction en cause. De plus, il résulte du même considérant que les ventes de Petrogal concernant le bitume espagnol étaient en 2001 de 13 000 000 euros.
603 Au regard de ces montants ainsi que de la gravité de l'infraction et de l'étendue du marché géographique concerné, et compte tenu également de la durée de la participation des requérantes à l'infraction, soit plus de sept ans pour Galp Energía España (anciennement Petrogal Española) et Petróleo de Portugal, et plus de trois ans pour Galp Energia, SGPS, les montants des amendes appliqués aux requérantes, fixés à 8 662 500 euros pour Galp Energía España et Petróleos de Portugal, et à 6 435 000 euros pour Galp Energia, SGPS, n'apparaissent pas disproportionnés alors même que n'a été pris en compte par la Commission ni le fait que les ventes réelles des requérantes dépassaient substantiellement le quota qui leur était attribué en vertu des accords de répartition du marché, ni l'impact concret de l'entente sur le marché en cause.
604 Ainsi, la Commission a pu valablement retenir les montants d'amende mentionnés au point précédent sans devoir prendre en compte l'absence alléguée d'influence sur la stratégie de prix de Repsol et de PROAS de la participation des requérantes aux activités de coordination des prix, c'est-à-dire l'absence d'impact concret sur le marché de la participation des requérantes à ces activités.
605 Les requérantes indiquent par ailleurs qu'elles n'étaient pas parties à l'entente s'agissant du système de surveillance et du mécanisme de compensation, ce dont elles se prévalent pour contester l'amende.
606 À cet égard, ainsi qu'il a été constaté dans le cadre de l'examen du troisième moyen, non seulement la Commission, dans la décision attaquée, n'a pas établi la participation des requérantes à ces deux composantes de l'infraction, mais elle n'a pas fait état d'éléments suffisants pour lui permettre de retenir leur responsabilité au titre de celles-ci.
607 Cependant, il se déduit de la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C. mentionnée au point 294 ci-dessus, selon laquelle " à un certain moment, [M. V. C. a] constaté l'existence d'un certain type de mécanisme de compensation auquel participaient les membres de la table de négociation sur l'asphalte ", que les requérantes avaient connaissance du mécanisme de compensation.
608 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort du considérant 190 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, le mécanisme de compensation ne pouvait exister sans un mécanisme de surveillance dont il était le corollaire.
609 De plus, les requérantes ont elles-mêmes indiqué au point 3.92 de la requête que le mécanisme de compensation, destiné à corriger tout écart survenu par rapport aux accords de répartition du marché, faisait partie intégrante du système de surveillance.
610 Par suite, il se déduit de la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C. que les requérantes pouvaient raisonnablement prévoir l'existence du système de surveillance et étaient prêtes à en accepter le risque.
611 En conséquence, cette déclaration, si elle devait être prise en compte, permettrait de retenir la responsabilité des requérantes, d'une part, au titre du mécanisme de compensation du fait de la connaissance que les requérantes avaient de ce mécanisme et, d'autre part, au titre du système de surveillance du fait de son caractère prévisible pour les requérantes.
612 À cet égard, il convient de relever que la Commission se prévaut de cette déclaration dans ses écrits.
613 Cependant, elle ne s'est pas fondée, dans la décision attaquée, sur la connaissance que les requérantes auraient eu du système de surveillance et du mécanisme de compensation ou sur leur caractère prévisible pour retenir la responsabilité des requérantes au titre de ces deux composantes.
614 Or, ainsi qu'il a été dit dans le cadre de l'examen du troisième moyen, il n'appartient pas au Tribunal de substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation erronée retenue par la Commission (arrêt DIR International Film e.a./Commission, précité, point 38 ; arrêt Commission/Meierhofer, précité, point 59).
615 Néanmoins, cette impossibilité de prendre en considération la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C., retenue dans le cadre du contrôle de légalité, ne vaut pas dans le cadre de la compétence de pleine juridiction.
616 En effet, la compétence de pleine juridiction habilite le Tribunal à réformer l'acte attaqué en tenant compte de toutes les circonstances de faits invoquées par les parties (voir arrêts de la Cour Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 692, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C-534-07 P, Rec. p. I-7415, point 86).
617 Or, en prenant en compte, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, la connaissance que les requérantes avaient de certaines composantes de l'infraction, le Tribunal se borne à déterminer le montant approprié de l'amende qui doit être appliqué, en se fondant sur l'ensemble des éléments du dossier ayant fait l'objet d'un débat contradictoire entre les parties au litige.
618 Par suite, l'impossibilité pour la Commission d'obtenir une substitution de motifs dans le cadre du contrôle de légalité ne s'oppose pas à la prise en compte par le Tribunal, dans le cadre de l'examen du présent grief, de la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C., laquelle permet d'établir la connaissance que les requérantes avaient d'une des composantes de l'infraction.
619 De plus, l'appréciation du caractère approprié du montant des amendes peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision n'est pas comme telle requise en vertu de l'obligation de motivation prévue à l'article 296 TFUE (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C-248-98 P, Rec. p. I-9641, point 40).
620 Tel est le cas, notamment, des éléments relatifs à l'imputation à une entreprise de certains comportements infractionnels au titre d'une période donnée (voir arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T-132-07, non encore publié au Recueil, points 209, 211 et 213, et la jurisprudence citée).
621 Il n'est pas exclu non plus que des éléments complémentaires d'information puissent concerner le constat de l'infraction.
622 En effet, la compétence de pleine juridiction, qui permet au Tribunal de prendre en compte de tels éléments, peut être exercée quand bien même le grief invoqué porterait sur le constat de l'infraction, puisqu'un tel grief est susceptible, s'il est fondé, de modifier le montant de l'amende.
623 Au demeurant, la mise en œuvre par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, y compris lorsqu'est en cause le constat de l'infraction, peut lui permettre de réduire le montant d'une amende alors même qu'une annulation, même partielle, de la décision contestée ne serait pas possible. Tel est le cas, par exemple, lorsque, bien que certains des éléments sur lesquels s'est fondée la Commission pour retenir la participation du requérant à l'infraction ne sont pas établis, cette constatation n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision contestée, mais seulement la réduction du montant de l'amende, pour tenir compte du caractère moins actif ou régulier de la participation du requérant.
624 Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au Tribunal, en l'espèce, de prendre en compte, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, la déclaration du 6 décembre 2007 de M. V. C.
625 Or, compte tenu de cette déclaration, il y a lieu de constater que les requérantes avaient connaissance de la participation des autres membres de l'entente au mécanisme de compensation et qu'elles pouvaient également prévoir la participation des autres membres de l'entente au système de surveillance.
626 Elles peuvent donc être tenues pour responsables au titre de ces deux composantes de l'infraction (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-02 P, Rec. p. I-4125, point 83).
627 C'est au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent qu'il convient de déterminer si et dans quelle mesure les montants des amendes infligées aux requérantes doivent être modifiés.
628 Il y a lieu ici de rappeler que la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l'Union par l'article 31 du règlement n° 1-2003 l'habilite, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l'amende ou l'astreinte infligée lorsque la question du montant de celles-ci est soumise à son appréciation (arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, précité, points 61 et 62). Dans ce cadre, il importe de relever que le juge de l'Union est libre de déterminer le montant de l'amende qu'il estime approprié selon la méthodologie de son choix, dès lors que cela n'entraîne pas de discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 101, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Prym et Prym Consumer/Commission, précité, point 112 ; du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P, et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 255, et du 12 novembre 2009, Carbone-Lorraine/Commission, C-554-08 P, non publié au Recueil, point 72).
629 En l'espèce, le Tribunal considère qu'il est approprié d'appliquer la méthodologie suivie par la Commission dans la décision attaquée.
630 Étant donné que les requérantes peuvent être tenues pour responsables du système de surveillance et du mécanisme de compensation, ainsi que de l'ensemble des autres comportements infractionnels, il n'y a pas lieu de modifier le montant de départ de l'amende (voir point 72 ci-dessus).
631 Ensuite, en l'absence d'erreurs relatives à l'appréciation de la capacité économique effective des requérantes à causer un préjudice grave à la concurrence et à la durée de leur participation à l'infraction, les montants des amendes calculés, avant la prise en compte de la réduction au titre des circonstances atténuantes, peuvent être repris sans modification, soit, d'une part, 9 625 000 euros pour Galp Energía España et Petróleos de Portugal et, d'autre part, 7 150 000 euros pour Galp Energia, SGPS.
632 En revanche, il y a lieu d'augmenter la réduction de l'amende appliquée aux requérantes par la Commission au titre des circonstances atténuantes.
633 En effet, au considérant 567 de la décision attaquée, la Commission s'est fondée, notamment, sur une participation moins régulière ou moins active des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation pour accorder une réduction d'amende de 10 %.
634 Or, s'il est établi que les requérantes avaient connaissance de l'existence du mécanisme de compensation et qu'elles pouvaient prévoir l'existence du système de surveillance (voir point 625 ci-dessus), aucun élément de la décision attaquée (voir point 272 ci-dessus) ou du dossier ne permet d'établir qu'elles ont participé à ces deux composantes de l'infraction.
635 Dans ces conditions, le Tribunal, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, décide que l'illégalité que la Commission a commise en retenant la participation des requérantes au système de surveillance et au mécanisme de compensation emporte, malgré le fait que les requérantes avait connaissance du mécanisme de compensation et pouvaient raisonnablement prévoir l'existence du système de surveillance, une réduction supplémentaire de l'amende, à hauteur de 4 % du montant de celle-ci, cette réduction venant ainsi s'ajouter à la réduction de 10 % déjà accordée dans la décision attaquée.
636 Il y a donc lieu d'accueillir partiellement le neuvième moyen et de décider une réduction plus importante de l'amende à concurrence d'un pourcentage total de 14 % du montant de celle-ci.
637 Par suite, le montant de l'amende infligée à Galp Energía España (anciennement Petrogal Española) et à Petróleos de Portugal est fixé à 8 277 500 euros, tandis que le montant de l'amende infligée à Galp Energia, SGPS est fixé à 6 149 000 euros.
3. Sur la demande de mesures d'instruction
Arguments des parties
638 Les requérantes font observer que la Commission cite, chaque fois qu'elle l'estime opportun, la déclaration du 6 décembre 2007 jointe en annexe A. 12 de la requête, émise par M. V. C., mais remet par ailleurs en cause cette même déclaration. Les requérantes invitent donc le Tribunal à entendre l'intéressé sous serment.
639 Pour autant que le Tribunal nourrisse des doutes sur la question de savoir si M. J. T. M. était leur responsable du bitume, les requérantes invitent le Tribunal à entendre sous serment MM. C. B. F., J. M. D. et J. T. M., auteurs respectifs des déclarations jointes en annexes A.9., A.10. et A.11 de la requête.
640 La Commission conclut au rejet de la demande de mesures d'instruction.
Appréciation du Tribunal
641 Au terme de l'examen des différents moyens, le Tribunal ayant été en mesure de statuer sur le recours à partir des conclusions, moyens et arguments développés au cours des procédures écrite et orale ainsi qu'au vu des documents déposés par les parties au cours de l'instance, il y a lieu de rejeter la demande de mesure d'instruction présentée par les requérantes.
Sur les dépens
642 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) L'article 1er de la décision C (2007) 4441 final de la Commission, du 3 octobre 2007, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (affaire COMP-38.710 -Bitume Espagne), est annulé en tant qu'il constate l'implication de Galp Energía España, SA, de Petróleos de Portugal (Petrogal), SA, et de Galp Energia, SGPS, SA, dans un ensemble d'accords et de pratiques concertées sur le marché espagnol du bitume, dans la mesure où cet ensemble comprend, d'une part, le système de surveillance de la mise en œuvre des accords de partage du marché et de la clientèle et, d'autre part, le mécanisme de compensation destiné à rectifier les écarts survenus par rapport aux accords de répartition du marché et de la clientèle.
2) L'article 3 de la décision C (2007) 4441 final est annulé en tant qu'il oblige Galp Energía España, Petróleos de Portugal (Petrogal) et Galp Energia, SGPS à mettre fin à l'infraction telle que constatée à l'article 1er de ladite décision et à s'abstenir de répéter tout acte ou comportement visé à cet article ou ayant un objet ou un effet similaire, dans la mesure où cette infraction comprend, d'une part, le système de surveillance de la mise en œuvre des accords de partage du marché et de la clientèle et, d'autre part, le mécanisme de compensation destiné à rectifier les écarts survenus par rapport aux accords de répartition du marché et de la clientèle.
3) Le montant de l'amende infligée à Galp Energía España et à Petróleos de Portugal (Petrogal), à l'article 2 de la décision C (2007) 4441 final, est fixé à 8 277 500 euros, tandis que le montant de l'amende infligée à Galp Energia, SGPS, à l'article 2 de la décision C (2007) 4441, est fixé à 6 149 000 euros.
4) Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
5) Chaque partie supportera ses propres dépens.