CA Basse-Terre, 1re ch. civ., 9 septembre 2013, n° 12-00129
BASSE-TERRE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Pharm'up (SARL)
Défendeur :
Lytess (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pierre
Conseillers :
Mmes Cabannes, Prigent
Avocats :
Mes Coppet, Lepeltier, Bouget
Exposé du litige
Faits et procédure
Suivant jugement rendu le 6 janvier 2012 et auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales des parties, le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, saisi par assignation de la SARL Pharm'up, société spécialisée dans la distribution de produits de pharmacie et de parapharmacie, délivrée le 16 mars 2010 à la SA Lytess, société créant, fabriquant et commercialisant des produits et vêtements cosmétotextiles, en paiement notamment de diverses sommes à titre d'indemnité à la suite de la rupture brutale de l'accord de distribution exclusive dans les DOM-TOM, a :
- débouté la SARL Pharm'up de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamné la SARL Pharm'up à payer à la SA Lytess la somme de 38 308,11 , représentant le solde impayé des dernières commandes, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement outre celle de 1 000 au titre d'article 700 du Code de procédure civile
- assorti le jugement de l'exécution provisoire
- condamné la demanderesse aux entiers dépens.
Par déclaration reçue par voie électronique le 23 janvier 2012, la SARL Pharm'up a interjeté appel de cette décision.
Suivant ordonnance rendue le 18 mars 2013 et communiquée aux avocats, la clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée.
Suivant arrêt rendu le 29 avril 2013, cette cour, infirmant l'ordonnance rendue le 5 novembre 2012 par le conseiller chargé de la mise en état, a déclaré recevable la constitution de la société Lytess.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 19 avril 2012, la société Pharm'up demande à la cour vu l'article L. 442-6-5° du Code de commerce :
- de déclarer son appel recevable et bien fondé
- d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions
statuant à nouveau
- de constater l'existence des relations commerciales établies entre la société Lytess et la société Pharm'up
- de constater les efforts de développement et de mise en place de la marque Lytess par la société Pharm'up aux Antilles
- de constater l'absence de préavis écrit préalablement à la rupture
- de constater le refus de reprise des stocks invendus par la société Lytess
- de dire que la rupture intervenue est une rupture brutale des relations commerciales
par suite
- de condamner la société Lytess à payer à la société Pharm'up la somme de 272 155,28 correspondant à une indemnisation au titre de la rupture abusive et représentant six mois de marge brute
- de condamner la société Lytess à payer à la société Pharm'up la somme de 120 000 correspondant à la valeur du stock d'invendus
- d'ordonner la compensation entre la somme de 38 000 correspondant aux factures mises à la charge de la société Pharm'up et celle de 120 000 correspondant au montant du stock des invendus resté en sa possession
- de la condamner à lui payer la somme de 3 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 18 juin 2012, la société Lytess demande à la cour vu les articles 1134, 1582, 1604 et 1650 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré
- de débouter la société Pharm'up de l'ensemble de ses demandes
- de la condamner à lui payer la somme de 5 000 à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, celle de 6 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Discussion
LA COUR constate que, à la suite de son appel général, la société Pharm'up ne conteste plus les dispositions du jugement déféré relatif à sa condamnation au paiement à la société Lytess de la somme de 38 308,11 au titre des marchandises impayées reçues de cette dernière.
La décision déférée sera par conséquent confirmée de ce chef.
Sur les relations commerciales
Aux termes des pièces soumises aux débats, aucun contrat écrit de concession ni non plus de distribution exclusive n'est produit par l'une ou l'autre des parties.
Il résulte en revanche des messages électroniques échangés les 4 mai 2008, 31 mai 2008 et 24 octobre 2008 par M. Philippe Andrieu, président-directeur général de la société Lytess, adressé notamment à M. Éric Sandillon, directeur général de la société Pharm'up, ou encore adressé le 29 mai 2008 par le responsable commercial de la société Lytess à un éventuel acquéreur de ses produits en Polynésie française, que la société Lytess a accordé la distribution à la seule société Pharm'up sur l'ensemble des DOM-TOM.
Cet engagement est corroboré par la lecture du courrier en date du 30 mars 2009, toujours adressé par M. Andrieu à M. Sandillon, qui précise que la société Lytess a décidé "de travailler en parallèle avec un autre distributeur".
Mais, la cour constate également, comme le premier juge, qu'en contrepoint de cette relation privilégiée et apparemment unique, il n'existait ni clause d'exclusivité ni clause d'approvisionnement exclusif ni clause de non-concurrence.
C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a écarté l'existence d'un contrat de distribution exclusive au bénéfice de la société Pharm'up.
Sur la rupture des relations commerciales
Après avoir informé le 30 mars 2009 son partenaire de sa volonté "de travailler en parallèle avec un autre distributeur", la société Lytess, par courrier du 22 avril 2009 intitulé "Lettre-circulaire destiné aux grossistes et clients Guadeloupe & Saint-Martin, Martinique, Guyane, Île de la Réunion" et signée de M. Andrieu, son président, invita M. Sandillon, directeur de la société Pharm'up, à passer ses commandes à l'agence désormais dépositaire des produits de marque Lytess et ce à compter du 1er août 2009.
À cet égard, au vu du grand livre de tiers de la société Pharm'up, corroboré par les factures également produites aux débats, le dépassement de la garantie à la somme de 40 000 lors de la passation des commandes à compter du mois d'avril 2009 ne constitue manifestement qu'un prétexte à l'abandon programmé des relations commerciales privilégiées existant entre les parties.
En effet, il est établi que les encours accordés par la société Lytess représentaient des sommes largement supérieures à ce montant tout au long de l'année 2008.
Il en est de même de l'évocation d'objectifs non atteints par la société Pharm'up alors qu'il est établi que les encours ont représenté plus de 680 000 de juillet 2008 à avril 2009, montant bien supérieur aux objectifs de 360 000 envisagés par les partenaires.
Ainsi, en à peine plus d'un mois, de seul distributeur des produits de la marque Lytess dans les DOM-TOM et partenaire privilégié de la société éponyme en passant par l'étape de co-distributeur, la société Pharm'up est devenue un simple client de cette dernière contraint de s'approvisionner auprès d'un dépositaire désigné par la société Lytess sans garantie du maintien des conditions initialement engagées, faute de précision dans le courrier daté du 22 avril 2009.
La société Lytess est par conséquent seule responsable de la modification radicale et unilatérale des relations commerciales existant entre les parties.
Certes, un préavis de trois mois était accordé à la société Pharm'up pour tirer toutes conséquences éventuelles des modifications radicales et unilatérales des relations commerciales jusqu'alors existant entre les parties.
Cependant, au regard de l'enthousiasme manifesté par la société Lytess au sujet des résultats obtenus par la société Pharm'up, résultant des messages électroniques rappelés ci-dessus, mais aussi du montant des encours accordés, cette dernière pouvait légitimement croire à l'existence de relations commerciales durables à la mesure de ses propres engagements et investissements au soutien des produits de la marque Lytess et des résultats incontestables obtenus.
Dans ces conditions, au vu des éléments produits par les parties, il y a lieu de réparer le préjudice résultant de cette rupture brutale des relations commerciales existant entre les parties par l'allocation de la somme de 60 000 .
La décision déférée sera par conséquent infirmée de ce chef.
Sur le stock
Faute de clause de reprise du stock, la société Pharm'up est restée propriétaire du stock existant dont la preuve n'est pas rapportée qu'il n'était pas vendable.
C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a écarté l'indemnisation sollicitée de ce chef.
La décision sera confirmée de ce chef.
Sur l'article 32-1 du Code de procédure civile
L'action engagée par l'appelante n'étant ni dilatoire ni abusive, il n'y a pas lieu d'envisager de prononcer une quelconque amende civile à son encontre.
Sur les dommages et intérêts
L'intimée ne rapporte pas davantage devant la cour la preuve du préjudice résultant pour elle de l'action engagée par l'appelante.
La décision déférée sera confirmée de ce chef et il y sera également ajouté.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Sur les dépens
L'intimée succombant principalement supportera les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : Infirme partiellement le jugement rendu le 6 janvier 2012 par le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, Statuant à nouveau; Condamne la société anonyme Lytess à payer la somme de 60 000 à la société à responsabilité limitée Pharm'up à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales; Confirme la décision entreprise pour le surplus, Y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Dit n'avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Lytess aux dépens.