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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 septembre 2013, n° 11-22934

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Omnitrade (SARL)

Défendeur :

Poweo Direct Energie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Hardouin, Gallone, de La Taille, Troncin

T. com. Paris, 15e ch., du 22 nov. 2011

22 novembre 2011

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

Le litige entre la société Omnitrade et la société Direct Energie est né en raison de la résiliation par cette dernière, par courrier recommandé en date du 2 décembre 2009, du contrat de courtage pour la fourniture d'électricité, de gaz et de services associés, conclu les 2 et 9 juin 2009 (ci-après le "contrat").

Cette résiliation est intervenue au motif que la société Omnitrade n'aurait pas réalisé les objectifs contractuels convenus et ce, en application de l'article 17.4 du contrat qui prévoit que le fournisseur aura la possibilité, à tout moment après l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la prise d'effet du contrat, de résilier le contrat de plein droit moyennant un préavis de trente jours et par recommandé avec accusé de réception dans le cas où le courtier n'atteindrait pas le seuil de trois mille bulletins de souscription par trimestre (le trimestre étant défini comme une période de trois mois calendaires consécutifs précédant le constat par le fournisseur de l'atteinte ou non du seuil susvisé).

La société Direct Energie, considérant que la société Omnitrade n'a pas atteint le seuil minimum contractuel fixé par cet article 17.4, a donc mis en œuvre son droit à résiliation et mis un terme au contrat avec un préavis de trente jours.

La société Omnitrade a assigné la société Direct Energie devant le Tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi suite à la rupture brutale des relations commerciales entre les parties. Cette dernière a formé une demande reconventionnelle de condamnation de la société Omnitrade au paiement d'une somme de 26 847 € TTC au titre d'un trop-perçu.

Par jugement en date du 7 mars 2011, cette juridiction s'est déclarée incompétente et le Tribunal de commerce de Paris a été saisi de l'affaire.

Par jugement prononcé le 22 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Omnitrade de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Omnitrade à verser à la société Direct Energie la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 22 décembre 2011 par la société Omnitrade contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juillet 2012 par la société Omnitrade par lesquelles il est demandé à la cour de :

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 22 novembre 2011 dans ses entières dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Direct Energie de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Omnitrade au paiement d'une somme de 26 847 € TTC au titre d'un prétendu trop-perçu.

Statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il existait une relation commerciale établie entre les parties ;

- dire et juger que la société Direct Energie a rompu la relation commerciale établie par les parties ;

- dire et juger que cette rupture de la relation commerciale établie entre les parties présente un caractère brutal ;

- dire et juger que la société Omnitrade n'a commis aucune faute de nature à la priver du bénéfice d'un délai de préavis suffisant ;

- dire et juger que la société Direct Energie a rompu de façon anticipée et fautive le contrat à durée déterminée de la société Omnitrade ;

- dire et juger qu'un délai de préavis d'un an aurait dû être respecté ;

- dire et juger que les circonstances de la rupture du contrat de la société Omnitrade sont en tout état de cause constitutives d'un abus de la part de la société Direct Energie ;

- dire et juger que la société Direct Energie s'est rendue coupable de pratiques restrictives de concurrence à l'égard de la société Omnitrade ;

- condamner la société Direct Energie à payer à la société Omnitrade la somme de 570 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale et abusive de la relation commerciale entre les parties ;

- condamner la société Direct Energie à payer à la société Omnitrade la somme de 300 000 € à titre de dommages-intérêts au titre des pratiques restrictives exercées à son encontre ;

- ordonner la désignation d'un expert qui aura la qualité d'expert-comptable et sera assisté d'un sapiteur, expert en informatique, avec pour mission de :

- se rendre sur place au siège de la société Direct Energie sis 2 bis rue Louis Armand 75015 Paris Cedex 15 ou en tout autre lieu lui permettant d'accomplir sa mission ;

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission ;

- examiner l'ensemble des bons de souscription saisis par la société Omnitrade dans la base de données désignée à cet effet par la société Direct Energie et vérifier que ces contrats ont bien fait l'objet du processus prévu dans les contrats de la société Omnitrade et que tous les bons de souscription valides ont bien donné lieu à rémunération ;

- dresser une liste des bons de souscription transmis par la société Omnitrade n'ayant pas suivi le processus de validation prévu au contrat ou n'ayant pas été validés et examiner et dire les raisons pour lesquelles ils ne l'ont pas été ;

- dresser une liste des bons de souscription non validés qui ont finalement donné lieu à un contrat entre la société Direct Energie et le client concerné et les valoriser ;

- fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices subis.

- condamner la société Direct Energie à communiquer, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir, à la société Omnitrade le nombre exact de BS valides parmi les BS signés par son intermédiaire avant le 7 janvier 2010 mais reçus après le 22 janvier 2010 par la société Tessi.

- condamner la société Direct Energie à payer, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir, à la société Omnitrade la rémunération qui lui est due au titre des bons de souscription valides souscrits par son intermédiaire et reçus par la société Tessi après le 22 janvier 2010 ;

- condamner la société Direct Energie à payer à la société Omnitrade la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Omnitrade soutient, tout d'abord, qu'elle a été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies. Elle prétend à ce titre que la société Direct Energie ne pouvait pas se prévaloir de la clause contractuelle de résiliation unilatérale pour non-atteinte de l'objectif avant la fin du premier trimestre suivant l'expiration de la période d'essai, sur la base des résultats qui auraient été obtenus du 2 octobre 2009 au 2 janvier 2010, de sorte que la clause résolutoire ayant justifié la rupture du lien contractuel n'était pas applicable en l'espèce.

La société Omnitrade soutient ensuite que, si la clause résolutoire avait été applicable, ses effets auraient été paralysés aux motifs qu'elle n'a pas été mise en œuvre de bonne foi par la société Direct Energie et que la législation d'ordre public relative à la rupture de relations commerciales établies prévaut sur ses termes.

Pour la société Omnitrade, la mauvaise foi de la société Direct Energie est caractérisée par l'incohérence de la rupture, la tolérance dont la société Direct Energie a fait preuve, le caractère irréaliste des objectifs et enfin par le caractère fallacieux des motifs de la rupture.

Par ailleurs, elle considère qu'il existe une relation commerciale établie entre les parties de nature à justifier l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, lequel prévoit que la faculté de résiliation sans préavis ne peut être exercée en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure, l'application de cette disposition nécessitant la démonstration d'un comportement gravement fautif, qui n'a pas été démontré par la société Direct Energie.

De surcroît, la société Omnitrade estime que la société Direct Energie a agi avec brutalité en rompant les relations commerciales dans la mesure où la rupture avec un délai de trente jours est intervenue de façon imprévisible, soudaine et violente. Elle demande l'indemnisation du gain manqué et de la perte subie.

Elle fait valoir que ses relations avec la société Direct Energie étaient soumises à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en lui imposant des conditions particulières d'exécution du contrat, en y insérant des obligations d'exclusivité et de non-concurrence post-contractuelle, en multipliant les contrats et les périodes d'essai ainsi qu'en augmentant le volume minimum de bons de souscription à atteindre, rendant cet objectif irréaliste.

La société Omnitrade prétend, enfin, que des sommes lui sont dues par la société Direct Energie et qu'à l'inverse, cette dernière n'est pas fondée à se prétendre créancière d'une quelconque somme.

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 mai 2013 par la société Poweo Direct Energie par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Omnitrade de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Direct Energie la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Le réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamner la société Omnitrade à verser à la société Direct Energie la somme de 26 487 € au titre d'un trop-perçu ;

- condamner la société Omnitrade à verser à la société Direct Energie la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Direct Energie considère, tout d'abord, qu'au vu de l'article 17.4 du contrat de courtage, elle était fondée à le résilier par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un délai de préavis d'un mois, pour inexécution contractuelle de la société Omnitrade.

Elle prétend, en outre, qu'en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la société Omnitrade ne pouvait pas se prévaloir d'un délai de préavis plus long puisqu'elle avait manqué à son obligation contractuelle. En effet, elle rappelle que ce texte ne fait pas obstacle à la résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations.

A ce titre, la société Direct Energie affirme d'une part que la relation entre les parties ne constitue pas une relation commerciale établie au sens de ce texte et d'autre part, que même si la relation entre les parties était qualifiée de relation commerciale établie, la résiliation du contrat de courtage ne constituerait pas une rupture brutale.

Elle soutient, par ailleurs, que la société Omnitrade ne démontre pas d'abus dans le droit de résilier le contrat en raison de la non-atteinte des objectifs contractuels. Elle ajoute qu'elle n'a mis un terme au contrat que lorsqu'elle a constaté que la société Omnitrade était incapable d'en exécuter correctement les termes, y compris en bénéficiant de mesures commerciales incitatives.

Elle fait valoir qu'aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties n'est caractérisé en l'espèce, la société Omnitrade ne s'étant pas trouvée en état de dépendance économique vis-à-vis d'elle et qu'elle n'a pas soumis ou tenté de soumettre la société Omnitrade à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La société Direct Energie considère également que la société Omnitrade ne justifie, ni du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies, ni de celui résultant de la soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, qu'elle aurait prétendument subis.

La société Direct Energie estime, enfin, que la société Omnitrade est débitrice de certaines sommes à son égard.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

La société Direct Energie, créée en 2003, est spécialisée dans la production et la distribution d'énergie. Elle a signé avec la société Omnitrade, créée le 30 janvier 2008, trois contrats de courtage pour la fourniture d'électricité et de services associés. Les deux premiers ont été signés, respectivement le 4 février 2008, pour une durée d'un an avec une période d'essai de 4 mois, et le 9 février 2009, également assorti d'une période d'essai de 4 mois. Puis, un troisième contrat a été signé le 2 juin 2009, avec une nouvelle période d'essai de 4 mois. C'est ce contrat qui a été résilié par la société Direct Energie par LRAR du 2 décembre 2009.

Cette résiliation était motivée par le non-respect par l'appelante de son obligation de faire souscrire un nombre minimum de 3 000 bulletins de souscription (BS) nets par trimestre, en application de l'article 17.4 du contrat qui dispose : "les Parties conviennent que le Fournisseur aura la possibilité, à tout moment, après l'expiration d'un délai de 4 mois à compter de la prise d'effet du présent Contrat, de résilier le Contrat de plein droit moyennant un préavis de 30 jours et par recommandé avec accusé de réception, dans le cas où le Courtier n'atteindrait pas le seuil de 3 000 BS par trimestre (le trimestre étant défini comme une période de trois mois calendaires consécutifs précédent le constat par le Fournisseur de l'atteinte ou non du seuil susvisé)".

Sur l'application de la clause résolutoire

La société Omnitrade soutient que la clause susvisée n'était pas applicable et, qu'en tout état de cause, elle n'aurait pas été mise en œuvre de bonne foi par la société Direct Energie.

C'est à tort que la société Omnitrade soutient que cette clause ne pouvait être appliquée qu'après l'expiration de la période d'essai et sur la base des résultats obtenus durant une période de trois mois après ladite période, soit seulement après l'expiration du premier trimestre suivant la fin de la période d'essai. En effet, la clause est claire et ne nécessite aucune interprétation lorsqu'elle indique que, passé le délai de 4 mois après la prise d'effet du contrat, la résiliation peut intervenir à tout moment, par référence aux résultats obtenus au cours d'un trimestre. Il n'est pas dit que ce trimestre de référence ne peut commencer qu'à l'issue de la période d'essai de 4 mois.

Autrement dit, à l'issue de la période d'essai, la société Direct Energie pouvait à tout moment constater le nombre de BS réalisé pendant le trimestre précédent et vérifier si le minimum contractuellement prévu avait ou non été atteint.

La lettre de résiliation datant du 2 décembre 2009, il y avait lieu de prendre en considération les BS nets réalisés par la société Omnitrade durant les mois de septembre, octobre et novembre 2009.

Les parties ne sont pas d'accord sur les chiffres concernant cette période :

- selon la société Omnitrade, a été réalisé un total de 2 677 BS nets, soit 312 en septembre, 819 en octobre et 1 546 en novembre 2009;

- selon la société Direct Energie, a été réalisé un total de 2 128 BS nets, soit 252 en septembre, 652 en octobre et 1 224 en novembre 2009.

Les chiffres avancés par l'appelante sont manifestement exacts car le tableau présenté en pièce n° 26 s'appuie sur l'extrait de compte général de la société Omnitrade, issu de sa comptabilité, présenté en pièce n° 11. Au contraire, le tableau présenté par la société Direct Energie en pièce n° 5 ne se fonde sur aucune pièce officielle. Il convient de prendre en compte les chiffres de la société Omnitrade, et ce d'autant plus qu'elle fait observer, à juste titre, que le 2 décembre 2009, la société Direct Energie n'avait pas nécessairement connaissance de tous les bons de souscription nets.

Quoiqu'il en soit, il est constant que la société Omnitrade n'avait pas atteint le minimum contractuellement prévu de 3 000 BS nets, même si elle n'en était pas très loin, avec un total réalisé de 2 677 BS nets. Il faut relever à ce propos que, sur les 6 autres courtiers, dont les résultats ont été analysés dans l'attestation de l'expert-comptable de la société Direct Energie du 27 octobre 2010, 3 n'atteignent pas non plus le minimum de 3 000 BS nets.

Il est donc acquis que, sur le fondement contractuel, la société Direct Energie pouvait résilier le contrat, comme elle l'a fait par LRAR du 2 décembre 2009.

Mais, la société Omnitrade entend se prévaloir de la législation relative à la rupture brutale des relations commerciales établies pour dire qu'un délai de préavis suffisant n'a pas été respecté.

Sur l'application de la législation relative à la rupture brutale des relations commerciales établies

Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels".

Il est précisé que "les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".

La société Direct Energie ne peut sérieusement soutenir qu'il n'existerait pas en l'espèce de relations commerciales établies alors que les parties ont collaboré de façon continue et permanente du 4 février 2008 au 2 décembre 2009 soit pendant deux années, peu important que ce soit au travers de trois contrats, dès lors qu'ils se sont succédés sans interruption, caractérisant des relations commerciales stables, habituelles et durables.

La société Direct Energie ne saurait tirer argument de ce qu'elle a, à trois reprises, imposé à sa cocontractante des périodes d'essai conséquentes, pour dire que l'appelante connaissait l'absence de pérennité de la relation. La société Omnitrade s'est opposée, par LRAR du 25 mai 2009, à la troisième période d'essai mise en place, en relevant que, sur le fond, rien ne change d'un contrat à l'autre et qu'il y a une simple "actualisation des produits ou rémunérations, ce qui met en évidence la caducité de cette dite "période d'essai". Elle ajoutait : "le renouvellement systématique des contrats, associé à des périodes d'essai, sont en contradiction avec votre demande constante de développement. En effet, comment asseoir une stratégie de développement pérenne sur une collaboration où la performance n'est pas reconnue et où la confiance n'est pas intégrée dans la relation". Elle n'a eu cependant d'autre choix que de signer le contrat du 2 juin 2009 pour pouvoir poursuivre sa collaboration commerciale avec l'intimée.

Par ailleurs, les clauses de résiliation de plein droit que les parties ont pu stipuler dans leur contrat ne font pas échec à l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, s'agissant de faire respecter l'ordre public économique. Le juge n'est pas tenu par le préavis défini contractuellement et garde toute latitude pour apprécier, d'une part, l'existence d'une inexécution par l'une des parties de ses obligations, d'autre part, si la durée du préavis est suffisante ou raisonnable.

La société Direct Energie fait valoir que la rupture n'a pas été imprévisible, soudaine et violente car la société Omnitrade n'ignorait pas le risque encouru en cas de non-respect par elle de l'objectif de 3 000 BS nets, à savoir la résiliation à tout moment avec un préavis de 30 jours.

Mais, force est de constater que, lors de l'exécution des contrats successifs, la société Direct Energie n'a jamais mis fin à l'une des périodes d'essai, laissant donc l'appelante espérer la poursuite du contrat, nonobstant la non-réalisation de l'objectif fixé. Ainsi, le troisième contrat a-t-il été consolidé à l'expiration de sa période d'essai, à savoir le 2 octobre 2009, soit 2 mois avant sa rupture.

Au surplus l'objectif avait été augmenté, passant de 1 500 BS, dans le premier contrat, à 3 000 BS dans les suivants, démontrant ainsi le caractère incitatif de cet objectif. La société Direct Energie ne peut arguer de ce que cette augmentation de l'objectif serait dûe à l'extension de ses offres à la fourniture de gaz, alors que l'article 17.4 du contrat stipule que la souscription d'un contrat électricité donne lieu à la comptabilisation d'un BS, la souscription d'un contrat électricité + gaz ne donne lieu à la comptabilisation que d'un BS et la souscription d'un contrat gaz ne donne lieu à la comptabilisation d'aucun BS.

La société Omnitrade n'a jamais été alertée sur une quelconque insuffisance de ses résultats alors que les engagements quantitatifs n'avaient pas toujours été respectés, la société Direct Energie l'ayant même, au contraire, régulièrement félicitée pour les résultats obtenus, notamment par le versement d'une prime, alors pourtant que les objectifs de vente fixés n'étaient pas atteints. La société Omnitrade a même, postérieurement à la rupture de son contrat, perçu une prime de "volume" au titre des ventes réalisées au cours du dernier trimestre 2009, qui a pourtant été la période prise en compte par la société Direct Energie pour rompre son contrat.

Au demeurant, la résiliation du contrat est intervenue alors, qu'aux mois de novembre et décembre 2009, le volume de bons de souscription transmis par la société Omnitrade avait plus que doublé. Il faut également noter que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé a été en constante et importante augmentation, passant de 393 912 € en 2008 à 666 848 € en 2009.

La société Omnitrade soutient également que l'objectif n'a pas été fixé de manière raisonnable. Elle fait valoir, à juste titre, qu'il était le même pour tous les courtiers, quel que soit sa taille, son ancienneté et le nombre de ses commerciaux, qu'au moins 14 autres courtiers ont vu leur contrat rompu pour non-atteinte de cet objectif et, qu'à l'inverse, la société Direct Energie n'a pas rompu le contrat de plusieurs courtiers n'ayant pourtant pas atteint systématiquement l'objectif ou dont les résultats étaient nettement inférieurs aux siens.

Il s'induit de l'ensemble de ces éléments que le manquement contractuel allégué par l'intimée n'est pas de nature à justifier la rupture brutale des relations commerciales entre les parties, la non-réalisation d'un objectif contractuel, dans les circonstances ci-dessus décrites, n'étant pas suffisante pour priver l'appelante d'un préavis adapté.

Il apparaît en réalité que, comme l'a justement relevé la société Omnitrade, la société Direct Energie a voulu limiter sa force de vente externalisée, en se séparant d'un nombre important de courtiers, sans avoir à payer d'indemnité de rupture, tout en continuant à bénéficier de la clientèle apportée, par rapport à laquelle ceux-ci avaient une obligation de non-concurrence.

Il convient de rappeler que le fournisseur ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

Pour évaluer le préavis dont aurait dû bénéficié la société Omnitrade, il y a lieu de prendre en considération la durée de la relation commerciale, soit environ deux ans, et le fait que l'obligation de non-concurrence post-contractuelle et la clause de propriété des données collectées prévues au contrat lui interdisaient de distribuer tout produit entrant en concurrence avec ceux de la société Direct Energie pendant une durée d'un an après la résiliation du contrat.

Au vu de ces éléments, un préavis de quatre mois aurait permis à la société Omnitrade de se réorganiser, en réorientant ses investissements vers une nouvelle clientèle. La société Direct Energie lui ayant octroyé, dans la lettre de rupture du 2 décembre 2009, un préavis d'un mois, la société Omnitrade doit être indemnisée pour l'absence de préavis d'une durée de trois mois.

A ce propos, la société Omnitrade ne saurait tirer argument de sa réclamation formée, début décembre 2009, auprès de l'intimée s'agissant de l'envoi par celle-ci de bons de souscriptions vierges, alors que le nombre de souscription qu'elle a finalement réalisées en décembre 2009, dément une carence en bons de souscription vierges.

C'est traditionnellement la perte de marge brute subie pendant la période de préavis qui est indemnisée. En l'espèce, il convient de prendre en considération le chiffre d'affaires moyen réalisé par la société Omnitrade avec la société Direct Energie pendant la durée de la relation contractuelle, soit 530 380 € (393 912 € en 2008 et 666 848 € en 2009 = 1 060 760 € / 2). L'expert-comptable de la société Omnitrade atteste, dans un document du 27 juin 2010, d'une marge brute équivalente à 47,61 % du chiffre d'affaires. La société Direct Energie ne formule qu'une contestation de pure forme de ce taux, de sorte qu'il convient de l'appliquer au chiffre d'affaires annuel moyen, pour aboutir à une indemnisation qui serait, pour un préavis d'un an, de 530 380 x 47,61 % = 252 513,92 €, soit pour trois mois la somme de 63 128,48 €.

Il doit encore être précisé que le contrat en cause n'était pas un contrat à durée déterminée puisque son article 16 stipule une faculté de tacite reconduction à l'issue de la première période contractuelle d'un an. Dès lors, la société Omnitrade ne peut réclamer une indemnité équivalente aux bénéfices qu'elle aurait réalisés si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, soit le 2 juin 2010, selon elle.

Les préjudices annexes allégués, soit le départ des commerciaux, les loyers des trois agences, les contrats d'assurance, l'application de l'obligation de non-concurrence contractuelle, ne sont pas liés à la brutalité de la rupture mais à la rupture elle-même et ne sont donc pas, à ce titre, indemnisables, la rupture de relations commerciales, même établies, étant admise, dans le cadre de la liberté du commerce, sous la seule réserve de permettre au cocontractant de se réorganiser.

Sur les pratiques restrictives de concurrence

Aux termes de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties".

La société Omnitrade prétend que la société Direct Energie l'a ainsi soumise à des obligations créant un tel déséquilibre :

- en lui imposant les conditions d'exécution de son contrat et, en particulier, les tarifs de ses propres prestations ainsi qu'en les modifiant unilatéralement, sans accepter la moindre négociation,

- en mettant à sa charge des obligations d'exclusivité et de non-concurrence post-contractuelle,

- en multipliant les contrats et les périodes d'essai,

- en augmentant unilatéralement le volume de bons de souscription à atteindre.

Il convient tout d'abord d'observer que la société Omnitrade soutient également qu'elle aurait été en état de dépendance économique vis-à-vis de la société Direct Energie. Or, s'il résulte effectivement de l'attestation déjà citée de l'expert-comptable de la société Omnitrade que l'essentiel de son chiffre d'affaires était réalisé avec l'intimée, elle disposait incontestablement de solutions alternatives puisque l'attestation fait état de la distribution de produits d'autres sociétés, dans le secteur de la télécommunication et des médias, tels que les sociétés Télé Câble Hebdo ou Pritxel.

La clause d'exclusivité figurant au contrat n'empêchait pas la société Omnitrade de se développer avec toute société ne commercialisant pas des offres similaires à celles de la société Direct Energie et, en tout état de cause, sur d'autres marchés que celui de l'énergie. Il lui appartenait de diversifier son activité, elle avait matériellement la possibilité de le faire.

S'agissant des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, il appartient au juge de contrôler s'il est mis à la charge de l'une des parties des engagements excessifs par rapport à ceux de l'autre.

En l'espèce, la société Omnitrade ne peut sérieusement reprocher à la société Direct Energie de lui avoir imposé des tarifs ou de les avoir modifiés unilatéralement, alors que ces tarifs sont liés aux conditions d'approvisionnement en énergie et que l'intimée ne peut laisser de liberté sur ce point à ses courtiers sauf à prendre le risque d'obérer son activité économique. Le fait d'opérer sur un marché de masse impose également un traitement uniforme des clients, notamment en matière de tarif et de facturation. Par ailleurs, la mise en place d'un système d'auto-facture hebdomadaire avec un délai de paiement de cinq jours, n'apparaît pas abusif et garantit au contraire à la société Omnitrade le paiement régulier de ses commissions.

S'agissant des obligations d'exclusivité et de non-concurrence post-contractuelle, l'insertion de telles clauses dans les contrats de courtage concernant le démarchage à domicile est classique et habituel.

La société Omnitrade ne peut prétendre que l'absence de réciprocité de ces clauses créerait un déséquilibre significatif, alors que si tel était le cas cela signifierait que la société Direct Energie devrait confier l'intégralité de la commercialisation de ses offres à l'appelante, ce qui n'aurait aucun sens. Au demeurant, ces obligations n'empêchaient pas, comme cela a déjà été relevé ci-dessus, la société appelante de diversifier ses activités et la clause de non-concurrence était limitée à 12 mois.

Quant à la clause relative à la collecte d'informations nominatives, elle est justifiée par l'engagement de la société Direct Energie vis-à-vis des consommateurs, qui ne l'y ont pas autorisée, à divulguer ou utiliser pour de la prospection commerciale les informations les concernant.

S'il est certain, comme cela a déjà été souligné, que la signature de trois contrats successifs, assortis à chaque fois d'une période d'essai de quatre mois, a mis la société Omnitrade dans une situation inconfortable, cela ne caractérise pas pour autant l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Enfin, si l'augmentation du nombre de bons de souscription à atteindre entre le premier contrat et les deux suivants a rendu l'objectif difficilement réalisable, la société Omnitrade n'explique pas en quoi il constituerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Surabondamment, l'ensemble des éléments avancés par l'appelante pour caractériser le déséquilibre significatif qui existerait dans les droits et obligations des parties, a également servi de fondement à son argumentation relative à la rupture brutale des relations commerciales établies, pour laquelle il a été fait droit à sa demande d'indemnisation. Or, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui pour lequel elle a été indemnisée, dans le cadre de la présente procédure.

Elle doit donc être déboutée de cette demande.

Sur les créances respectives invoquées par les parties

La société Omnitrade conteste le montant des commissions qui lui ont été versées, reprochant à la société Direct Energie d'avoir refusé de rémunérer les bons de souscription reçus par la société tierce chargée du contrôle des BS, la société Tessi, après le 22 janvier 2010.

Cependant, l'article 17.7 du contrat du 2 juin 2009, relatif aux conséquences de la résiliation, stipule in fine que pour les BS non encore rémunérés lors de la résiliation, "seuls ceux communiqués par le Courtier au Fournisseur dans un délai de 15 jours calendaires suivant la date de résiliation du Contrat ou le termes du Contrat, seront pris en compte pour déterminer le montant définitif des rémunérations dues au Courtier".

En outre, la société Direct Energie fait valoir à juste titre que ce délai est identique à celui qui s'imposait pendant toute la durée du contrat et était donc parfaitement connu de la société Omnitrade.

Dès lors que la société Direct Energie démontre qu'elle a bien réglé à la société Omnitrade les commissions dues correspondant au BS qui lui ont été transmis dans les délais impartis, celle-ci doit être déboutée tant de sa demande d'expertise que de sa demande de communication sous astreinte et de paiement d'une rémunération pour les BS signés par son intermédiaire avant le 7 janvier 2010 mais reçus après le 22 janvier 2010 par la société Tessi.

La société Direct Energie réclame, quant à elle, la condamnation de la société Omnitrade à lui payer la somme de 22 447 € HT au titre d'un trop-perçu.

Il résulte de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Direct Energie du 27 octobre 2010 qu'il a été relevé 301 BS collectés par Omnitrade rémunérés mais correspondant à des clients non activés et n'ayant pas fait l'objet de dé-rémunération. Ces BS représentent un montant de 22 447 € HT, soit 26 847 € TTC.

Le montant erroné figurant sur la facture de rémunération du 8 mars 2010 n'est pas opposable à la société Direct Energie qui ne disposait pas, au moment de son établissement, de l'ensemble des informations nécessaires. Il s'agit d'une créance liquide, certaine et exigible, de sorte qu'il convient de condamner la société Omnitrade à verser à la société Direct Energie cette somme de 26 847 €.

Il y a lieu d'ordonner la compensation à due concurrence entre les montants respectivement dus par les parties.

L'appel étant, au moins pour partie justifié, les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société Direct Energie.

L'équité commande d'allouer à la société Omnitrade une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Et, adoptant ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Condamne la société Poweo Direct Energie à payer à la société Omnitrade la somme de 63 128,48 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties, Condamne la société Omnitrade à payer à la société Poweo Direct Energie la somme de 26 847 € au titre d'un trop perçu, Ordonne la compensation à due concurrence entre les montants respectivement dus par les parties, Déboute les parties de leurs plus amples fins moyens et conclusions, Condamne la société Poweo Direct Energie à payer à la société Omnitrade la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Poweo Direct Energie aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.