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Décisions

CA Aix-en-Provence, premier président, 5 septembre 2013, n° 12-12290

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Sita Sud (SA)

Défendeur :

Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gardin-Charpentier

Avocat :

Me Ledoux

TGI Marseille, JLD, du 23 mai 2012

23 mai 2012

Vu l'ordonnance juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille en date du 23 mai 2012, notifiée le 19 juin 2012,

Vu l'appel de cette ordonnance formé par la société Sita Sud, par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Marseille le 26 juin 2012, transmis à la cour d'appel le 27 juin 2012 et enregistré le même jour,

Vu les conclusions déposées par l'appelante le 26 février 2013 pour demander l'infirmation de la décision et par conséquent l'annulation du procès-verbal dressé par les enquêteurs lors des opérations de visites et de saisies du 19 juin 2012 et la condamnation in solidum de la DIRECCTE et de la DGCCRF à payer à la société Sita Sud 3 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.

Vu le mémoire du ministère de l'Economie et des Finances représenté par la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence et de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE), pôle concurrence, consommation répression des fraudes et métrologie en date du 30 mai 2013, pour demander de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille et de condamner l'appelante aux dépens.

Vu les conclusions en réplique de la société Sita Sud en date du 5 juin 2013 qui maintient ses précédentes demandes.

Vu les observations écrites du parquet général qui sollicite la confirmation de la décision querellée,

Entendu les représentants des deux parties à l'audience en leurs observations orales conformes aux écrits déposés et communiqués.

SUR CE,

La demande en nullité de l'ordonnance du 23 mai 2012 est fondée sur l'allégation de l'absence d'indices sérieux quant à la participation de la société Sita Sud à une entente anticoncurrentielle.

Cette ordonnance a fait suite à une requête déposée le 11 mai 2012 par la DIRECCTE et a été suivie d'une ordonnance rendue le 8 juin 2013 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance d'Avignon, sur commission rogatoire du juge des libertés et de la détention de Marseille.

Aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel n'est invoqué ; celui-ci a été effectué dans les formes et délais prescrits par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de sorte qu'il sera déclaré recevable. Aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ; lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du Code de commerce en train de se commettre, la demande d'autorisation de visite peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée.

En l'espèce, il est constant que les infractions invoquées n'étaient pas en train de se commettre puisque les procédures de passation des douze marchés visés étaient achevées et que les douze marchés visés étaient effectifs à la date de la requête.

L'autorisation de visite domiciliaire ne peut donc être accordée qu'après un examen des éléments de fait in concreto qui caractérisent l'existence de tels indices faisant présumer des pratiques dites anticoncurrentielles prohibées par le livre IV du Code de commerce et notamment les articles L. 420-1 points 1, 2 et 4 et par l'article 101 du traité de fonctionnement de Union européenne, pratiques susceptibles d'être relevées dans le secteur de la collecte et du traitement des déchets.

C'est donc à tort que la société Sita Sud énonce que l'autorisation ne peut être accordée "qu'en présence d'indices particulièrement troublants de ces pratiques" puisque la décision ayant retenu une telle formulation (Cour d'appel de Paris du 17 juin 2010) a été cassée par arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2012 retenant que le juge avait ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas.

La requête de la DIRECCTE se fondait sur l'analyse de 12 dossiers de marchés publics pour solliciter l'autorisation de visites dans quinze entreprises, dans le secteur de la collecte et du traitement des déchets dans la région Provence Alpes Côte d'Azur, dont quatre ont reçu une candidature de la société Sita Sud :

1- marché passé par la communauté d'agglomération du pays d'Aix (secteur Nord-Ouest),

2 et 3 - marchés passés en plusieurs lots par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole : collecte des résidus des communes des secteurs Est et Ouest, collecte des résidus des communes de Châteauneuf les Martigues, Marignane et Sausset les Pins,

4 - marché passé par la ville d'Hyères.

Pour le marché 1, il est retenu que la société Sita Sud avait retiré un dossier de consultation mais n'a pas répondu à l'appel d'offres tandis qu'une seule offre particulièrement élevée a été reçue de la société Silim Environnement, précédent titulaire, de sorte que la collectivité a relancé le marché en procédure négociée et a retenu la candidature de Sita Sud, de Coved et de Silim Environnement et qu'au final seules Sita Sud et Silim Environnement ont fait une offre ; mais l'offre de prix de Sita Sud est restée extrêmement élevée (+ 40,80 % par rapport à l'estimation) et n'a été que peu modifiée (+ 37,38 % par rapport à l'estimation). L'Administration a donc pu mettre en évidence que le faible effort financier de Sita Sud pouvait viser à reconduire le titulaire sortant.

Pour les marchés 2, Sita Sud a retiré un dossier mais n'a pas fait d'offre pour le secteur ouest et a fait une offre pour le secteur est, en dessous de l'estimation mais nettement plus onéreuse néanmoins que celle de l'attributaire. De plus, le nombre important des offres techniques non conformes reçus de la part des prestataires sortants rend les candidatures douteuses dans leur ensemble.

Pour le marché 3, la société Sita Sud n'a candidaté que pour 2 des 3 lots avec des offres très largement excessives par rapport aux estimations et à celles des autres sociétés (+ 77 %).

Pour le marché 4 lancé sous la forme du dialogue compétitif, la société Sita Sud a renoncé en refusant de procéder à un ajustement de son offre entre la 2e et la 3e étape du dialogue.

Les explications avancées de Sita Sud sur ses prix plus élevés que des sociétés indépendantes résultant de la politique d'investissement du groupe pour accroitre son niveau de qualité et assurer le respect effectif de l'ensemble des normes de sécurité et d'environnement ne permettent pas de combattre les données de fait relevées par la DIRECCTE, alors que les autres sociétés sont soumises au respect des mêmes normes et que la mention d'un choix de secteurs géographiques d'intervention répartis entre elle et Silim Environnement tels qu'ils sont explicités ne font que renforcer les indices d'entente anticoncurrentielles.

C'est exactement que l'Administration a retenu que ces différents cas visés dans sa requête ne doivent pas être pris en considération isolément mais que les présomptions d'ententes apparaissent lors de la mise en perspective de l'ensemble de ces agissements ou abstentions et au regard aussi des réponses ou non réponses des autres sociétés visées, ce qui constitue un faisceau d'indices de pratiques anticoncurrentielles, même s'il n'est pas relevé de pratiques douteuses s'agissant d'offres techniques non conformes de la part de Sita Sud.

La référence par l'appelante à l'ordonnance de la Cour d'appel de Metz en date du 23 septembre 2011 sur la définition des présomptions admissibles à titre de preuve en matière civile, selon l'article 1353 du Code civil, doit être écartée, dès lors que l'article 450-4 du Code de commerce est autonome et qu'il ne revient pas au juge des libertés et de la détention de considérer si les indices concrets relevés dans la requête et les pièces annexées permettent, de prouver par présomptions suffisantes l'existence des pratiques anticoncurrentielles ; ces indices doivent seulement constituer des présomptions qu'il ne revient pas au juge des libertés et de la détention de caractériser au sens de l'article 1353 du Code civil pour prendre valeur de preuve ; le juge des libertés et de la détention doit seulement apprécier si ces indices laissent présumer des pratiques prohibées justifiant d'autoriser par des investigations telles que les visites domiciliaires dans les lieux visés dans la requête, la recherche d'autres éléments concrets qui ne sont pas librement accessibles à l'Administration. Il s'induit de l'article 450-4 du Code de commerce que les présomptions mises en évidence dans la requête par les indices concrets ne sont pas à apprécier comme constituant ou non, à ce stade, des preuves suffisantes d'une pratique prohibée, sinon l'autorisation de visite domiciliaire n'aurait pas lieu d'être sollicitée.

Il importe que le juge des libertés et de la détention, puis la cour d'appel dans le cadre du débat contradictoire, apprécie seulement si les indices concrets peuvent constituer des présomptions qui rendent légitimes les investigations sollicitées pour recueillir des indices supplémentaires dans le cadre de la recherche d'éléments de preuve.

La conjonction des informations concernant notamment la société Sita Sud mises en évidence par les termes de la requête et les pièces annexées justifient de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention.

La demande d'annulation de l'ordonnance du 23 mai 2012 sera donc rejetée ainsi que les demandes subséquentes.

Vu les articles et 696 et 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Déclarons l'appel de la société Sita Sud recevable et mal fondé, Confirmons l'ordonnance déférée rendue le 23 mai 2012 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Marseille, Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Disons que les dépens seront à la charge de l'appelante.