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Décisions

ADLC, 20 septembre 2013, n° 13-D-18

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques de Visa relevées dans le secteur des cartes de paiement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Sarah Subrémon, de M. Cédric Nouël de Buzonnière, l'intervention de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par M. Bruno Lasserre, président, Mmes Elizabeth Flüry-Hérard, Claire Favre ainsi que MM. Patrick Spilliaert, Emmanuel Combe, vice-présidents.

ADLC n° 13-D-18

20 septembre 2013

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 27 février 2009 sous le numéro 09-0017F, par laquelle la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD) a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques relatives aux commissions interbancaires appliquées aux différents moyens de paiement en France ; Vu la décision du 2 février 2011 par laquelle la rapporteure générale a procédé à la disjonction, au sein du dossier 09-0017F-10-0008F, de la partie relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes bancaires "CB" et à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0012 F ; Vu la décision du 12 juillet 2011 par laquelle la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012 F la partie de cette affaire relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes de paiement et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0053 F ; Vu la décision du 17 septembre 2012 par laquelle la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012F la partie de cette affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement Visa et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de la présente procédure sous la référence 12-0078 F ; Vu les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions de secret des affaires n° 13-DSA-16 du 15 janvier 2013, n° 13-DSA-17 du 15 janvier 2013, n° 13-DSA-43 du 31 janvier 2013, n° 13-DSA-49 du 7 février 2013, n° 13-DSA-107 du 25 mars 2013 et n° 13-DSA-180 du 11 juin 2013 ; Vu les décisions de déclassement n° 13-DECR-14 du 28 mars 2013, n° 13-DECR-15 du 29 mars 2013 et n° 13-DEC-18 du 28 mars 2013 ; Vu la proposition d'engagements du 17 avril 2013 des sociétés Visa France et Visa Europe (ci-après Visa) ; Vu les réponses au test de marché présentées par Eurocommerce, le Groupement des Cartes Bancaires, la Fédération Bancaire Française, le Conseil du Commerce de France, La Banque Postale, la FCD et l'Association pour la Défense des Utilisateurs de Moyens de Paiement Européens ; Vu la proposition révisée d'engagements de Visa du 18 septembre 2013 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale, le commissaire du Gouvernement et les représentants de Visa et de la FCD entendus lors de la séance du 11 juillet 2013 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. PROCÉDURE

1. L'Autorité de la concurrence a été saisie, le 27 février 2009 d'une plainte de la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (ci-après, la FCD), enregistrée sous le numéro 09-0017 F, contre des pratiques relatives aux commissions interbancaires appliquées aux différents moyens de paiement utilisés en France. La saisissante dénonce, en particulier, des pratiques anticoncurrentielles liées à la création et à la mise en œuvre de commissions interbancaires multilatérales ou de commissions multilatérales d'interchange (ci-après "CMI") appliquées aux opérations par les cartes Visa émises en France. Elle demande également la suppression des clauses de non-discrimination et de la règle d'honorer toutes les cartes imposées par Visa.

2. La saisine de la FCD avait à l'origine un champ plus large et concernait les commissions interbancaires applicables à l'ensemble des moyens de paiement, à l'exception du chèque, ainsi que certaines clauses contractuelles imposées par les systèmes de cartes de paiement.

3. Par décision du 3 mai 2010, la rapporteure générale a joint le dossier 09-0017 F au dossier 10-0008 F. Ce dernier dossier était relatif à une saisine du Conseil du Commerce de France (ci-après, CdCF) relatif à des pratiques du seul Groupement des Cartes Bancaires (ci-après, GIE CB).

4. Par décision du 2 février 2011, la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 09-0017 F - 10-0008 F la partie de cette affaire relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes bancaires "CB" et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0012 F. Le dossier 09-0017 F - 10-0008 F a été clos par la décision n° 11-D-11 par laquelle l'Autorité de la concurrence a accepté et rendu obligatoires les engagements proposés par le GIE CB.

5. Par décision du 17 septembre 2012, la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012 F la partie de cette affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement Visa, qui a été enregistrée sous le numéro 12-0078 F, ainsi que la partie de l'affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement MasterCard, enregistrée sous le numéro 12-0077 F.

6. La présente procédure concerne les CMI fixées par Visa et appliquées ou liées aux opérations domestiques par carte de paiement Visa en France.

B. LES PRATIQUES DÉNONCÉES PAR LA SAISISSANTE

7. Selon la FCD, les CMI constituent des ententes anticoncurrentielles qui restreignent, par leur objet et par leurs effets, la concurrence sur le marché des services d'encaissement. Ces commissions établiraient notamment des prix planchers sur ce marché ce qui ferait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant, en l'espèce, leur hausse.

8. S'agissant des clauses imposées par les systèmes de paiement par carte, et en particulier la règle d'honorer toutes les cartes, la FCD rappelle que, dans la décision du 19 décembre 2007, MasterCard (1), la Commission européenne a estimé que ce type de clause a notamment pour effet d'empêcher "les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits MasterCard reconnaissables alors qu'ils acceptent d'autres cartes ou d'autres produits MasterCard différents. [Cette] obligation garantit aux émetteurs de cartes MasterCard la possibilité d'émettre plusieurs types de cartes, générant des commissions d'interchange différentes, en étant certains que les commerçants et les acquéreurs seront tenus d'accepter tous les produits" (§ 508). Ainsi, "la fonctionnalité concernant l'obligation d'honorer tous les produits renforce les effets restrictifs des CMI de MasterCard sur la concurrence par les prix entre les banques acquéreuses" (§ 509).

9. Dès lors que les commerçants payent des commissions plus ou moins élevées selon le type de carte Visa qui leur est présenté, l'analyse de la Commission européenne serait, selon la FCD, transposable au cas d'espèce. La saisissante demande à l'Autorité que ces clauses soient supprimées.

10. Enfin, la fédération à l'origine de la saisine considère que ces pratiques ne peuvent obtenir le bénéfice d'une exemption dans la mesure où les conditions cumulatives d'application ne seraient pas réunies, en particulier celle portant sur la nécessité des commissions interbancaires sur les paiements pour le fonctionnement d'un système de paiement ouvert.

C. LE SECTEUR ET LES ACTEURS CONCERNÉS

11. La carte de paiement, apparue à la fin des années 1960 en France, est un moyen de paiement très utilisé en France. En 2011, 8,2 milliards de transactions ont été effectuées par carte, ce qui représente près de 46 % des paiements scripturaux réalisés en France. En valeur, les transactions par carte représentaient quasiment 400 milliards d'euros en 2011. L'usage de la carte continue à se développer aujourd'hui, bien que les taux de croissance soient inférieurs à ceux des années 1980 ou même 1990. Ce développement se fait principalement au détriment du chèque, dont la part en volume est passée de 50 % en 1996 à 37 % en 2000, et à peine 17 % en 2011 (2).

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>

Source : Banque de France.

12. Les cartes Visa concernées par la présente affaire fonctionnent au sein d'un système quadripartite, c'est-à-dire qu'elles impliquent, outre le système de paiement, quatre acteurs : le débiteur, sa banque, le bénéficiaire et la banque de ce dernier, dite banque acquéreur.

13. Il convient dès lors de décrire le schéma global de fonctionnement de ce type de système (1), avant de présenter plus précisément les systèmes de paiement par carte actifs en France (2), la situation de Visa en France (3) et de préciser le cadre légal européen (4).

1. LE SYSTÈME QUADRIPARTITE

14. Le schéma suivant présente les différents acteurs impliqués dans une opération de paiement :

Le système "quatre coins" de Visa

<EMPLACEMENT SCHEMA>

15. Ainsi que l'expliquait la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques du GIE CB, ce type de système met en jeu trois niveaux d'interactions :

- entre le système de paiement et les banques : la plate-forme que constitue le système de paiement fournit un ensemble de services aux banques, tant celle du porteur que celle de l'accepteur. En particulier, la plate-forme dispose d'un réseau permettant le traitement des opérations de paiement par carte. Pour assurer son fonctionnement, le système de paiement coordonne les pratiques de ses membres en fixant des normes et protocoles communs ;

- entre les deux banques parties au paiement : ces banques font transiter sur le réseau du système de paiement des données sur les transactions par carte (en vue de l'autorisation du paiement par exemple) et procèdent in fine au transfert des fonds via ce réseau ;

- entre les banques et leurs clients :

* entre la banque du porteur et le titulaire de la carte : la banque met à disposition de son client une carte permettant au porteur d'effectuer des achats dans un réseau de commerçants acceptant ce type de carte, et signe avec son client un contrat porteur. Elle peut aussi fournir des services supplémentaires qui ne sont pas strictement liés aux opérations de paiement, comme les fonctions de crédit. Les cartes Visa donnent par exemple accès à un service de retrait d'espèces dans les distributeurs à billets (DAB) et contiennent certains produits assurantiels ;

* entre la banque acquéreur et l'accepteur : la banque gère pour le compte de son client les encaissements par carte. Pour cela, la banque doit fournir à son client un terminal de paiement, qui peut être loué ou vendu. Les relations entre la banque acquéreur et l'accepteur sont contractualisées dans un contrat dit "contrat acquéreur", dont certaines clauses types peuvent être imposées par le système de paiement.

16. Ces différentes interactions donnent lieu au paiement de frais :

- s'agissant des relations entre banques et systèmes de paiement, ces derniers facturent généralement des redevances et des cotisations aux banques. Ils perçoivent notamment des frais pour le traitement des paiements ou retraits par carte, ou pour l'émission de cartes ;

- s'agissant des relations entre le porteur et sa banque, cette dernière perçoit en règle générale une cotisation annuelle forfaitaire permettant au porteur de disposer d'une carte et de l'utiliser autant qu'il le souhaite (avec toutefois une contrainte sur des montants plafonds d'achat ou de retraits par période). Pour les opérations de retraits d'espèces dans les automates bancaires, les porteurs peuvent se voir facturer un montant fixe par retrait effectué en dehors du réseau d'automates de leur banque, en particulier lorsque ces retraits dépassent un certain volume mensuel ;

- s'agissant des relations entre commerçants et banques acquéreurs, ces dernières facturent le plus souvent aux commerçants une commission par transaction pour l'acceptation des cartes de paiement. Ces commissions peuvent soit correspondre à un pourcentage donné de la valeur de la transaction, avec éventuellement un minimum fixe de perception, soit être constituées d'une part fixe et d'une part variable fonction du montant de l'encaissement.

2. LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE PAIEMENT EN FRANCE

a) Le système "CB"

17. Historiquement en France, la plus grande partie des cartes de paiement portent le logo du GIE CB. Selon le rapport sur "les cartes de retrait et de paiement dans le cadre du SEPA" réalisé par Hervé Sitruk pour le Comité consultatif du secteur financier en janvier 2009 (3), le système CB a longtemps été considéré comme le système "national" par son caractère interbancaire, ouvert à toutes les banques en France et constitue "le système de référence en France", par son développement et son fonctionnement. Le système CB est en effet décentralisé, il définit les règles opérationnelles entre les banques. Les fonctions commerciales sont dévolues aux banques, la fonction de compensation est assurée par le système STET, qui assure également la compensation de tous les autres instruments de paiement ; le réseau de transport des autorisations des opérations de retrait et de paiement par carte, l'e-RSB, est destiné à être filialisé comme le sont déjà d'autres activités techniques.

18. De plus, en France, l'acceptation des cartes CB est garantie pour toutes les cartes interbancaires CB en vertu de l'accord dit "d'interbancarité" conclu en 1984 qui permet aux cartes CB émises par une banque d'être acceptées chez les commerçants d'une autre banque affiliée au même système, donc chez tous les commerçants affiliés CB.

19. Selon le GIE CB, environ 60 millions de cartes portent un logo "CB". La très grande majorité de ces cartes sont cobadgées avec un autre système de paiement (Visa ou MasterCard) ; il ne reste aujourd'hui qu'environ 450 000 cartes "CB only" (sur lesquelles ne figure ni le logo Mastercard ni le logo Visa) (4).

20. En termes d'utilisation des cartes par système, plus de 80% des transactions par carte sont réalisées dans le système CB.

b) Les systèmes internationaux présents en France

21. Les principaux systèmes internationaux à "quatre coins" présents en France sont les systèmes Visa et Mastercard.

22. Si la plupart des cartes émises en France par les banques portent le double logo CB-Visa ou CB-MasterCard, certaines cartes de systèmes quadripartites émises en France ne portent que le logo MasterCard ou que le logo Visa. On parle alors de cartes MasterCard ou Visa "only". Elles ne représentent encore toutefois qu'une proportion modeste des cartes en circulation. Ainsi, [2-5] millions de cartes MasterCard only sont en circulation en France. Moins d'un million de cartes Visa only sont en circulation en France, majoritairement des cartes prépayées selon Visa (5).

23. Comme a pu l'expliquer le GIE CB à l'occasion de son audition, Visa et MasterCard se sont développés en France grâce aux accords dits de "cobadging" datant des années 1980. Ces accords "ont permis aux détenteurs de cartes "CB" "cobadgées" d'effectuer des transactions dans ces autres systèmes, dont les points d'acceptation sont très développés à l'étranger. L'accord de "cobadging" comporte deux règles principales. D'une part, toutes les cartes émises par les membres des systèmes Visa et MasterCard sont acceptées dans les points d'acceptation "CB". D'autre part, le GIE "CB" autorise ses membres à émettre des cartes "CB" portant les logos Visa ou MasterCard, qui pourront être utilisées pour régler des transactions hors du système "CB", en particulier à l'étranger" (6).

24. Depuis 2009 et le "déliassage" décidé par le GIE CB, les commerçants n'ont plus l'obligation, en acceptant les cartes CB, d'accepter aussi les cartes Visa et MasterCard. En pratique toutefois, la plus grande partie des accepteurs CB acceptent aussi les cartes Visa et MasterCard. Comme a pu l'expliquer BNP Paribas, "BNP Paribas travaille à l'élaboration de contrats d'acceptation distincts par système de paiement mais n'a reçu, à ce jour, aucune demande de ses clients commerçants visant à n'accepter que des cartes CB, Visa ou Mastercard" (7). De fait, les commerçants qui acceptent les cartes CB acceptent dans leur très grande majorité les cartes Visa et MasterCard : BNP Paribas "estime entre 1 et 3 % les cas d'utilisation d'une carte pour lesquels le client ne pourrait utiliser une carte Visa only ou MasterCard only" (8).

25. D'un point de vue technique, Visa et MasterCard sont connectés au réseau du GIE CB pour récupérer les transactions des porteurs étrangers et s'acquittent à ce titre de certains frais leur permettant de se connecter au e-RSB.

26. Pour toutes les transactions réalisées au moyen d'une carte cobadgée avec CB, MasterCard ou Visa perçoit des frais ("scheme fees") auprès des banques. Ces frais correspondent à une contribution des banques aux coûts de fonctionnement du système MasterCard ou du système Visa, y compris les coûts de promotion des marques de ces systèmes.

27. American Express (ci-après, "Amex") est également un acteur important en France qui fonctionne selon un schéma tripartite sans l'intervention d'établissements financiers. Ces cartes de paiements sont émises et les transactions gérées directement par Amex.

28. Selon les estimations de Visa, les CMI de Visa ne s'appliqueraient que pour une proportion très réduite des transactions par carte, inférieure à 0,1 % (9).

c) Les systèmes de cartes accréditives ou privatives

29. Aux côtés des cartes universelles que sont les cartes CB, MasterCard, Visa ou Amex, il existe également des cartes accréditives ou privatives. Comme l'explique la Banque de France (10), les cartes privatives sont en général acceptées dans un nombre restreint de commerces, et sont distribuées par des sociétés financières, généralement filiales de banques, mais aussi parfois de groupes commerciaux, tels des grandes enseignes ou des grands distributeurs. Les cartes accréditives sont des cartes bancaires ou non bancaires émises par des réseaux généralement internationaux ; elles permettent de payer, et éventuellement de retirer de l'argent, ces opérations étant associées à une ligne de crédit.

3. LA POSITION DE VISA EN FRANCE

30. La proportion des transactions domestiques sur lesquelles les règles définies par Visa s'appliquent, notamment les commissions interbancaires, est aujourd'hui inférieure à 0,1 %. Toutefois, ce chiffre n'est pas représentatif de l'influence de Visa sur le marché des cartes de paiement en France.

31. En premier lieu, en France, 38 millions de cartes portent la marque Visa. La plus grande partie de ces cartes (plus de 95 %) sont cobadgées avec la marque CB, qui est portée par environ 60 millions de cartes. Avec son parc de cartes cobadgées, Visa représente un acteur essentiel des paiements en France. A l'heure actuelle, les transactions domestiques réalisées avec les cartes cobadgées avec CB sont, dans leur quasi-totalité, opérées par le GIE Cartes Bancaires. Ceci est cependant susceptible de changer, puisque le porteur comme le commerçant pourraient, pour les cartes cobadgées, décider d'utiliser la fonction Visa de la carte plutôt que la fonction CB.

32. En pratique, aujourd'hui, le choix du système de paiement utilisé pour les cartes cobadgées est fait par le couple commerçant/banque acquéreur, comme a pu l'expliquer le Crédit Mutuel-CIC lors de son audition (11). A titre d'illustration dans son procès-verbal d'audition (12), la FCD a évoqué l'expérience d'un de ses membres qui a demandé à ce que les transactions de faibles montants, pour lesquelles la commission d'interchange MasterCard est réduite par rapport à la commission d'interchange du GIE CB, soient orientées vers MasterCard. Si cette expérience a rencontré des difficultés techniques, du fait que les banques ont historiquement toujours fait opérer les transactions domestiques par cartes cobadgées par CB plutôt que par MasterCard ou Visa et ont configuré leurs systèmes en conséquence, elle est révélatrice d'un biais par lequel Visa pourrait rapidement se développer en France. En effet, les difficultés techniques évoquées par la FCD pourraient être solutionnées par des adaptations de certains outils de Visa et des banques (13).

33. A l'avenir, le choix de la marque utilisée pour une carte cobadgée pourrait être fait par le porteur de la carte lui-même. L'article 8 du projet de règlement de la Commission européenne (14) sur les commissions d'interchange pour les transactions par cartes prévoit en effet que lorsqu'un moyen de paiement offre le choix entre différentes marques, la marque utilisée doit être déterminée par le payeur au point de vente.

34. En parallèle de ces cartes cobadgées, [500 000 - 1 000 000] de cartes Visa portent le seul logo Visa, ce qui représente [1-2]% des cartes universelles en circulation. Pour ces cartes Visa only, Visa participe au traitement des opérations de paiement ou de retrait. Ce sont les règles Visa qui s'appliquent systématiquement, en ce compris les éventuelles commissions interbancaires applicables. Le nombre de cartes Visa only est en progression constante. Certaines banques "traditionnelles" commencent à émettre des cartes Visa only, en particulier pour les cartes dites commerciales (cartes de société) (15).

35. Pour chaque modèle de carte (Electron, Premier, Infinite, etc.), Visa définit un tronc commun de services que les banques émettrices doivent rendre aux porteurs de ces cartes. Cela permet au consommateur de choisir et d'identifier les principaux services associés à chaque type de cartes. Chaque banque reste cependant en mesure de personnaliser les services des cartes qu'elle émet au-delà du tronc commun de services.

36. Pour faciliter et étendre le paiement par carte, Visa propose certaines innovations. Visa a ainsi développé un "wallet", outil permettant de simplifier le paiement, en particulier par Internet, via les PC, les tablettes ou les téléphones portables. Le "wallet" contient les données de plusieurs cartes de paiement du consommateur. Il peut contenir plusieurs cartes (toutes les cartes de paiement seront acceptées, ex : MasterCard, Visa ou Amex), éventuellement émises par des banques différentes. A chaque transaction, le consommateur pourra choisir son moyen/sa carte de paiement, aucune carte n'étant privilégiée (16). Visa tend également à développer le paiement sans contact en point de vente afin "d'aider le développement de la carte pour les paiements de petits montants, qui sont aujourd'hui principalement effectués par cash, et d'apporter une contribution à la lutte contre l'économie "grise" (17). Le "sans contact" est utilisable sans saisie de Code et donc sans authentification du porteur pour un montant de transaction généralement de moins de 20 € (18).

37. L'ensemble de ces innovations illustrent la puissance de Visa, système mondial reconnu, qui contrôle la plupart des normes et maîtrise tous les aspects du développement d'un système de paiement par carte interopérable régionalement ou mondialement. A titre d'exemple, EMV est depuis 1995 le standard international des cartes de paiement (cartes à puce) et tire son nom des organismes fondateurs et toujours actionnaires : Europay International (absorbé par Mastercard en 2002), MasterCard International et Visa International rejoints par JCB international et American Express au sein de l'organisme de gouvernance EMVCo (basé aux États-Unis). Les normes techniques et fonctionnelles "sans contact" sont des normes Visa et MasterCard.

4. LE CADRE LÉGAL

38. A côté des dernières réglementations en matière d'harmonisation des services de paiement (SEPA, directive sur les services de paiement) et de la monnaie électronique, la Commission européenne a publié en juillet 2013 un projet de règlement sur les commissions d'interchange pour les paiements par carte (19).

39. Le projet de règlement constate la grande variété de niveaux de frais liés aux moyens de paiement ainsi que les fortes différences en termes de régulation entre les différents Etats membres. Il considère que certaines règles ou pratiques des systèmes de paiement s'opposent au développement d'un marché intégré et efficace des moyens de paiement en Europe.

40. Parmi les pratiques en cause figurent les CMI payées à chaque transaction par la banque du commerçant à la banque du porteur de carte. Selon le projet de règlement, ces commissions entre banques seraient répercutées aux commerçants, qui eux-mêmes les refactureraient aux consommateurs dans leurs prix de détail. La concurrence entre systèmes de paiement viserait en pratique à développer l'émission des cartes et tendrait à augmenter, plutôt qu'à diminuer, les CMI qui sont une source de revenus pour les banques émettrices. Ces dernières auraient donc intérêt à choisir d'émettre les cartes des systèmes de paiement qui proposent les CMI les plus élevées. Les systèmes de paiement mettraient en outre en place certaines mesures rendant l'application de ces frais incontournable.

41. Par ailleurs, certaines règles imposées par les systèmes de paiement tendraient à limiter la transparence des prix sur le marché, tant pour les commerçants que pour les consommateurs. En particulier, les commerçants seraient empêchés d'encourager les consommateurs à utiliser les cartes qui conduisent à l'application de frais plus faibles pour eux ; de même, les commerçants se verraient dans l'obligation d'accepter un ensemble de cartes, y compris certaines qui conduisent à l'application de CMI particulièrement élevées. Au final, cet ensemble de règles imposées par les systèmes de paiement limiterait la capacité des clients à favoriser la réduction des frais et impliquerait qu'en pratique les consommateurs les moins aisés subventionnent les moyens de paiement des plus riches. Il pourrait également nuire au lancement de systèmes de cartes à bas coût et d'autres systèmes de paiement.

42. Le projet de règlement européen entend libéraliser et réglementer les commissions d'interchange applicables aux opérations transfrontalières et, à l'issue d'une période transitoire, aux opérations domestiques. Ce projet comprend deux parties : la première présente les règles relatives aux commissions d'interchange, la deuxième contient des dispositions relatives aux règles commerciales qui seront applicables à toutes les catégories d'opérations par carte.

43. Le projet de règlement prévoit qu'à l'issue de la période transitoire, les opérations de paiement par carte de débit consommateurs (transfrontalières et nationales) se verront appliquer une commission d'interchange maximale de 0,20 % de la valeur de l'opération et que les opérations de paiement par carte de crédit consommateurs (transfrontalières et nationales) se verront appliquer une commission d'interchange maximale de 0,30 % de la valeur de l'opération.

44. Concomitamment à ces initiatives règlementaires, la Commission européenne et les autorités nationales de la concurrence continuent d'adopter des décisions interdisant tout arrangement particulier entre opérateurs bancaires portant sur les CMI en vertu des règles européennes de concurrence ou acceptent des engagements visant à plafonner le niveau de ces CMI dans le cadre de procédures négociées (20).

45. En matière de services de paiements par cartes bancaires, l'Autorité a estimé, dans l'affaire n° 11-D-11, que la procédure pouvait être close en contrepartie d'engagements crédibles et vérifiables négociés avec le GIE CB. Dans sa décision, l'Autorité a estimé que "les commissions interbancaires multilatérales du GIE sont des plafonds qui s'appliquent en principe par défaut (...) et qu'il n'était pas exclu que les montants déterminés par le GIE soient systématiquement appliqués par les établissements, les commissions devant alors être considérées comme des commissions interbancaires fixes". L'Autorité précise que "la fixation en commun d'un montant unique pour chacune des commissions interbancaires est donc susceptible de créer une charge financière identique pour tous les établissements, et de les priver de la possibilité de déterminer ce montant de façon autonome". Au terme de cette décision, l'Autorité a conclu que "la CIP (21) est susceptible de restreindre la concurrence, et pourrait donc être considérée comme contraire aux règles communautaires et nationales prohibant les ententes".

46. Toutefois, l'Autorité a également indiqué que le montant des CMI devait être contrôlé, afin d'éviter que les systèmes de cartes ne puissent tirer parti d'une éventuelle réticence des commerçants à refuser les paiements par carte par crainte de voir leurs concurrents capter leur clientèle s'ils refusent de les accepter.

47. Dans sa décision, l'Autorité a privilégié, pour l'analyse du montant de la CMI, la référence au test d'indifférence du commerçant (cf. infra, § § 172-176), se référant notamment, pour justifier ce choix, aux décisions de la Commission européenne en la matière. Depuis le 1er octobre 2011 et pour une durée de quatre ans, la CIP a été réduite à 0,28 % + TBTB, le TBTB (Taux Bilatéral de Transactions Bloquées) étant une composante définie par couple de banques et correspondant au taux de transactions fraudées. Le TBTB valait en moyenne 0,04 %, ce montant devant cependant être revu à la baisse par suite d'une modification du mode de calcul du TBTB applicable au plus tard le 1er janvier 2013. Les premiers éléments fournis par le GIE CB indiquent que les modifications apportées au calcul du TBTB le conduisent à une valeur moyenne de l'ordre de 0,01 % à la date de la présente décision.

48. La procédure impliquant le GIE CB a également eu pour résultat une révision des commissions interbancaires appliquées aux retraits par carte et à des opérations exceptionnelles, telles la capture de carte ou les demandes de documentation. Pour ces commissions, l'Autorité a estimé que, si leur fixation multilatérale pouvait constituer une restriction de concurrence, elles pouvaient être justifiées par des économies de coûts de transaction. Elle a accepté que ces commissions répondant à une logique de service entre banques soient fixées en se référant aux coûts supportés par les banques, et plus précisément aux coûts de la banque la plus efficace.

49. La question des commissions interbancaires, et en particulier des commissions appliquées aux opérations de paiement, continue de faire l'objet de contentieux entre la Commission européenne et les divers systèmes de paiement. En particulier, la Commission a actuellement un dossier ouvert sur les cartes de crédit Visa.

D. LES PRATIQUES EN CAUSE

50. Les commissions d'interchange fixées par Visa sont appliquées soit de façon systématique, à l'occasion des paiements ou des retraits par carte "Visa only", ou par carte cobadgée Visa-CB pour laquelle la fonction Visa est utilisée, soit de façon occasionnelle, à l'occasion d'une opération exceptionnelle (capture de carte, demande de documentation, etc.).

1. LES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMISSIONS QUI FONT L'OBJET DE LA PRÉSENTE PROCÉDURE

51. Les cartes Visa émises en France revêtent deux fonctions principales : celle de paiement et celle de retrait d'espèces. Ces opérations peuvent induire des prestations particulières et non systématiques. A ces différentes opérations sont associés des montants de commission différents.

a) Organes fixant les commissions multilatérales d'interchange

52. La fixation des tarifications interbancaires et les décisions liées à la création de nouvelles commissions est du ressort de Visa France sous le contrôle de Visa Europe. Dans son procès-verbal d'audition, les représentants de Visa ont indiqué que les "niveaux d'interchange sont fixés par Visa France et plus précisément par le Conseil d'Administration de l'association Visa France, qui comprend 10 membres élus + 3 représentants du management de Visa Europe. Toutes les décisions de l'association sont prises à la majorité des deux tiers, les représentants du management de Visa Europe ne disposent donc pas d'une minorité de blocage. Les statuts prévoient que si une décision est prise contre l'avis du management de Visa Europe et lui paraît contradictoire avec la politique générale de l'entreprise, celui-ci peut demander que la décision soit présentée au "Board" de Visa Europe Ltd pour être confirmée avant d'être mise en œuvre. Le board de Visa Europe Ltd est lui aussi composé majoritairement de représentants des banques" (22).

b) Détermination des commissions d'interchange Visa en France

53. L'interchange sur les paiements vise, selon Visa, "à équilibrer un marché biface et à s'assurer que les acteurs des deux faces (émetteurs, acquéreurs) réalisent le bon degré d'investissement, au bénéfice de l'ensemble du système et des consommateurs" (23).

54. Visa a expliqué que, s'agissant des commissions appliquées aux paiements, les taux d'interchange avaient été fixés "originellement en référence à la CIP du GIE CB (qui équivalait à environ 0,47 % du montant de la transaction, décomposés en une part fixe et une part variable)" (24), tout en précisant que "il n'y avait pas d'enjeu compte tenu du fait que l'interchange domestique adopté par Visa France ne s'applique que dans des cas hyper marginaux" (25).

55. Dans son procès-verbal (26) du 22 novembre 2012, Visa a indiqué que "compte tenu du nombre de cartes "Visa only" très limité, Visa Europe n'a pas à ce jour révisé ces commissions d'interchange. Elles n'ont pas été revues depuis leur création, et par conséquent pas après la décision d'engagements concernant le GIE CB" (27).

56. Visa a, par ailleurs, précisé, s'agissant des retraits "qu'aucune étude de coût spécifique n'a été réalisée concernant les retraits pour le marché français étant donné le faible nombre de retraits effectués avec des cartes Visa only sur ce marché". (28)

c) Le niveau de ces commissions

57. Les commissions interbancaires de Visa sont, pour les paiements, différenciées par types de cartes et par types de transaction (le principal type de transactions correspond à la catégorie "Chip", c'est-à-dire en présence de la carte et en point de vente). Elles comportent une part fixe et/ou une part variable :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

58. Visa différencie ses taux en fonction du niveau de sécurité des paiements : "pour les paiements "chip and pin", les commissions sont plus faibles. En effet, le niveau élevé de sécurité de ces transactions justifie un taux d'interchange inférieur à celui des transactions ne présentant pas des garanties de sécurité identiques. Les écarts de taux visent par ailleurs à inciter les opérateurs à orienter les transactions vers les modes les plus sécurisés" (29).

59. S'agissant des autres commissions interbancaires, Visa a indiqué (30) fixer des commissions sur les retraits DAB ainsi que sur des opérations exceptionnelles (capture de cartes, demande de documentation, etc.), à faible volumétrie. La plupart de ces commissions ne comportent qu'une part fixe mais certaines peuvent également comporter une part variable en fonction du montant de l'opération :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

2. LA CLAUSE DITE "HONOUR ALL CARDS" (HONORER TOUTES LES CARTES) FIGURANT DANS LES CONTRATS D'ACCEPTATION VISA

60. Cette clause fait partie des clauses que Visa impose aux banques acquéreurs d'inscrire dans les contrats d'acceptation pour les commerçants. Selon la règle de Visa, le commerçant s'engage à accepter toutes les cartes Visa et/ou Visa Electron et/ou V-Pay (31) pour le paiement de biens ou de prestations de services offerts à sa clientèle. En d'autres termes, le commerçant ne peut discriminer entre les différents types de cartes Visa ou entre les différentes cartes Visa Electron ou entre les différentes cartes V-Pay dès lors qu'il a signé un contrat d'acceptation Visa avec sa banque.

61. Dans son procès-verbal d'audition du 28 novembre 2012, la FCD conteste ces clauses qui sont imposées à ses adhérents et précise que cette clause provient historiquement des accords de cobadging conclus entre le GIE CB et les systèmes de paiement internationaux.

62. La FCD affirme que "les commerçants ne peuvent, en effet, pas, à ce jour, gérer le coût du paiement par carte Visa et MasterCard au vu de leurs différents prix : ils sont contraints, en application de la clause honor all cards d'accepter toutes les cartes, quelle que soit la commission générée par la carte en question et qui leur sera répercutée" (32).

3. PÉRIODE DES PRATIQUES

63. Dans son procès-verbal (33) du 22 novembre 2012, Visa a indiqué que les commissions d'interchange fixées par Visa France étaient entrées en vigueur le 1er novembre 2010.

II. L'évaluation préliminaire

64. L'évaluation préliminaire des services d'instruction a été portée à la connaissance de Visa le 4 avril 2013 sous la forme d'un procès-verbal conformément à l'article R. 464-2 du Code de commerce et du point 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence. Seront successivement présentés : le marché concerné (a) et les préoccupations de concurrence identifiées (b).

A. LE MARCHÉ CONCERNÉ

1. MARCHÉ DE PRODUITS

65. La définition du marché pertinent a déjà été analysée dans la décision n° 11-D-11 relative aux pratiques mises en œuvre par le GIE CB (§ § 88-94).

66. Ainsi, s'agissant du marché de produits, il apparaît que les autres moyens de paiement, tels que les chèques, les espèces, les virements et les prélèvements, ne constituent pas des substituts étroits aux cartes de paiement.

67. Compte tenu des relations entre acteurs au paiement évoquées précédemment (cf. § 16), trois marchés peuvent être définis s'agissant de la fonction de paiement de la carte :

a. un marché amont sur lequel les systèmes de paiement se font concurrence pour affilier les établissements de crédit ou de paiement et leur fournir des services, notamment pour le traitement des transactions par carte ;

b. deux marchés aval, l'un de l'émission des cartes de paiement sur lequel les établissements de crédit ou de paiement se font concurrence pour distribuer des cartes de paiement et fournir des services associés, l'autre de l'acquisition sur lequel ces mêmes offreurs se font concurrence pour traiter les encaissements des commerçants, et éventuellement des services associés.

68. Les deux marchés aval sont en réalité interdépendants. Le marché de la carte de paiement est un marché biface, qui se caractérise par des externalités de réseau. Ainsi, détenir une certaine carte de paiement a d'autant plus de valeur ajoutée pour un porteur que le réseau de commerçants acceptant cette carte est étendu. Réciproquement, l'acceptation d'un type de carte est d'autant plus incontournable pour un commerçant que le nombre de porteurs de ce type de carte est élevé.

69. Ces distinctions correspondent à la pratique constante de la Commission européenne (décisions du 8 décembre 2010, Visa MIF, aff. COMP/D-1-39.398, du 19 décembre 2007, aff. COMP/34.759, Mastercard et du 24 juillet 2002, aff. COMP/29.373, Visa II).

70. Par ailleurs, dans sa fonction de retrait, deux marchés peuvent être distingués :

a. un marché amont sur lequel se font concurrence les systèmes de paiement pour l'affiliation des établissements de crédit ou de paiement ;

b. un marché aval sur lequel se font concurrence les établissements de crédit ou de paiement pour la distribution des cartes ayant une fonction de retrait auprès des consommateurs.

71. La question d'une segmentation fine des cartes de paiement par type de système de paiement (quadripartite ou tripartite), voire par système de paiement, ou en fonction du type de porteurs (cartes consommateurs et cartes commerciales) n'a pas été tranchée, faute de nécessité pour l'Autorité de le faire au vu de la nature des pratiques en cause.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

72. Dans la présente affaire, les transactions concernées correspondent aux seules transactions domestiques, auxquelles s'appliquent des commissions multilatérales d'interchange spécifiques. Ainsi, le marché géographique qui peut être pris en considération est le marché national.

B. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

73. L'évaluation préliminaire a considéré que Visa aurait mis en œuvre des pratiques susceptibles de revêtir la qualification d'entente anticoncurrentielle prohibée par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, TFUE). Ces pratiques reposeraient sur une décision d'associations d'entreprises (1). Visa aurait ainsi fixé des CMI constituant des prix planchers et faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant, en l'espèce, leur hausse (2). Au final, l'évaluation préliminaire a considéré qu'une CMI sur les opérations de paiement pouvait être justifiée si elle permettait concrètement de favoriser l'usage de la carte, moyen de paiement efficace. Son niveau doit cependant rester raisonnable afin que l'ensemble des acteurs bénéficient de l'utilisation plus large de la carte de paiement (3). Enfin, les contrats d'acceptation de Visa comporteraient une clause particulière dite "d'honorer toutes les cartes" qui aurait pour conséquence d'empêcher les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits Visa (4).

1. CES PRATIQUES REPOSERAIENT SUR UNE DÉCISION D'ASSOCIATIONS D'ENTREPRISES

74. Les commissions d'interchange de Visa sur les paiements sont fixées par Visa France qui est "une association relevant de la loi de 1901, qui constitue la National Organisation française. Ses sociétaires sont Visa Europe et les Membres Principaux (Principal Members) français de Visa Europe. Elle a été constituée en mai 2010 à la suite de l'adhésion directe à Visa Europe des Membres français et au retrait de la licence de Group Member du GIE Carte Bleue (au travers duquel les banques françaises participant au système Visa adhéraient précédemment à Visa Europe)" (34).

75. S'agissant des autres commissions interbancaires (retrait, capture, demande de documentation, etc.) de Visa, elles sont fixées centralement et non spécifiquement pour la France par le conseil d'administration de Visa Europe qui est "une association à but non lucratif, détenue par plus de 3 000 banques et établissements de paiement européens membres, présents dans 36 pays" (35).

76. Il s'en déduit que les pratiques de fixation de commissions interbancaires multilatérales de Visa sont susceptibles d'être considérées comme des décisions d'association d'entreprises.

2. ANALYSE DES CMI

a) CMI sur les paiements

77. Les CMI ont été évaluées au regard de l'article 101 du TFUE dans le cadre d'investigations récentes sur les marchés des cartes de paiement au plan européen (36) et par l'Autorité de la concurrence dans les décisions n° 11-D-11 et n° 12-D-17 précitées. De plus, le Tribunal de l'Union européenne a, dans un arrêt du 24 mai 2012 (37), confirmé l'analyse produite par la Commission européenne dans sa décision MasterCard du 19 décembre 2007. Cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de justice de l'Union.

Eventuel objet restrictif de concurrence

78. Par sa nature même de commission liée à une opération de paiement, une CMI influe sur les conditions concurrentielles des deux faces du marché de la carte, et notamment sur les prix finaux.

79. Sur le marché de l'acquisition, les CMI constituent un élément de coût commun pour les banques acquéreurs, qui s'ajoute aux frais qu'elles supportent pour le traitement proprement dit de l'encaissement. Ce coût supplémentaire est susceptible d'être pris en compte par les banques dans leurs tarifs auprès des commerçants et de se traduire par un prix plancher pour la facturation des commerçants par les banques acquéreurs. Plusieurs banques ont reconnu la répercussion des CMI ou de leur évolution sur la tarification des commerçants (cf. infra).

80. Le lien entre tarification interbancaire et tarification des commerçants est clairement reconnu par Visa, qui décrit les commissions d'interchange comme "des outils [à disposition des] banques pour transmettre des incitations à leurs clients, libre à elles de les retransmettre ou non (...) Ces commissions ont un impact sur les incitations économiques des différents acteurs (émetteurs, acquéreurs) du "marché biface" à s'impliquer dans le système et à se concurrencer. Leur niveau est donc susceptible d'influer sur le niveau des prix et des services pour les consommateurs" (38) (soulignement ajouté).

81. Il est donc apparent que, à l'image de ce que la Commission avait relevé dans sa décision Visa-MIF du 8 décembre 2010 (39), par laquelle elle avait accepté des engagements de réduction des commissions d'interchange appliquées aux transactions transfrontières et certaines transactions domestiques par carte de débit, les CMI ont le potentiel de fixer tout ou partie des prix facturés aux commerçants pour les services d'acquisition. Elles sont dès lors susceptibles de constituer des restrictions de concurrence par objet, qui pourraient tomber sous le coup de l'article 101, paragraphe 1, sous a) du TFUE : celui-ci prévoit expressément que constituent des restrictions de concurrence les mesures qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente.

82. Il faut par ailleurs relever que, dès lors que toutes les banques ont à la fois une activité à l'émission et à l'acquisition, aucune d'elles ne se trouve lésée par la fixation de montants élevés de CMI dans la mesure où elles perçoivent la CMI lorsqu'elles agissent en tant que banques émettrices et répercuteraient les commissions auprès de leurs clients lorsqu'elles agissent en tant que banques acquéreurs. Le plancher de prix pour les commerçants permettrait ainsi de garantir au circuit bancaire une rémunération minimale pour chaque transaction, ce qui renforce l'importance de l'atteinte à la concurrence que ces pratiques sont de nature à causer par leur objet même, et donc les préoccupations de concurrence qu'elles suscitent.

Eventuel effet restrictif de concurrence

83. L'effet des CMI sur les tarifs commerçants n'est pas seulement théorique. Il a été démontré précédemment par la Commission européenne dans sa décision MasterCard, qui a retenu que les CMI de MasterCard avaient un effet restrictif sur la concurrence entre banques acquéreuses (40) du fait qu'elles créaient un prix plancher pour les frais facturés par les banques acquéreurs aux commerçants pour leurs encaissements par carte MasterCard.

84. Au niveau français, dans sa décision n° 11-D-11 par laquelle elle a accepté les engagements du GIE CB, l'Autorité de la concurrence avait expliqué que l'évaluation préliminaire des pratiques en cause avait examiné les conditions tarifaires d'encaissement des commerçants et conclu que la commission interbancaire systématique appliquée aux paiements par carte était "susceptible de créer un prix plancher sur le marché de l'acquisition" (41).

85. Dans le cas présent, de nombreux éléments du dossier tendent à montrer l'effet des CMI sur les tarifs des commerçants.

86. Ainsi, la FCD précise dans son procès-verbal d'audition qu'"Il est globalement clair que les interchanges nous sont refacturés comme ils le sont systématiquement dans le cas des encaissements par carte, quel que soit le système".

87. Plusieurs établissements financiers admettent l'impact de ces commissions dans la fixation des tarifs bancaires. Ainsi le Crédit Mutuel-CIC indique dans son procès-verbal d'audition que "Dans notre tarification vis-à-vis des commerçants, nous sommes tout à fait transparents. Les tarifs sont fixés en référence aux interchanges. En réponse aux appels d'offres des grands comptes, il n'est pas rare que les propositions tarifaires soient exprimées sous la forme "commission d'interchange + X", les banques se faisant concurrence sur les commissions appliquées aux commerçants" (42).

88. BNP Paribas reconnaît également cet effet sur la tarification des commerçants. En effet, cette banque indique être préoccupée s'agissant de CB au sujet de l'interchange sur les transactions de petits montants : "les consommateurs souhaitent pouvoir utiliser leurs cartes bancaires librement partout, y compris pour des petits montants. Les commerçants souhaitent pour leur part des frais raisonnables sur ces transactions, ce qui favoriserait la suppression ou l'abaissement des seuils d'acceptation des cartes et contribuerait à réduire l'usage des espèces. Visa et MasterCard se sont adaptés (43), mais pas le GIE CB" (44). BNP attend donc du GIE CB qu'il prévoie la même chose que MasterCard, à savoir un taux réduit sur les transactions de faibles montants, afin que les commerçants aient des frais "raisonnables", et donc réduits, sur ce type d'encaissement. Autrement dit, BNP Paribas considère qu'une baisse de l'interchange aurait un impact direct, à la baisse, sur la tarification des commerçants.

89. Enfin, S2P, banque filiale de Carrefour qui émet des cartes MasterCard only en France, a déclaré lors de son audition qu'"il [était] très rare de négocier des niveaux de tarification en-dessous du niveau de l'interchange." (45)

90. Par conséquent, les CMI, qui sont susceptibles de constituer un prix plancher pour la tarification des encaissements par carte, pourraient constituer des restrictions de concurrence par effet selon l'évaluation préliminaire.

b) Autres commissions

91. La plupart des autres commissions interbancaires, commission systématique appliquée aux retraits ou commissions portant sur des opérations exceptionnelles (demandes de documentation, capture de carte, etc.), sont destinées à rémunérer la banque prestataire du service correspondant, ou à imputer le coût de certaines opérations à la banque qui en est responsable. L'existence de tels transferts interbancaires ne pose en tant que telle pas de question, puisque ces commissions soit s'inscrivent dans une logique de services rendus par une banque à une autre, soit ont pour objectif d'imputer à une banque le coût des conséquences d'une erreur si elle ou son client est responsable du fait à l'origine de l'exécution de la prestation en question.

92. En revanche, le caractère multilatéral de la fixation des commissions autres que les CMI est susceptible de caractériser une restriction de concurrence dans la mesure où les banques fixent en commun des montants uniformes de commissions interbancaires indépendamment de leurs propres coûts de revient. Ces montants uniformes sont eux aussi particulièrement susceptibles d'influencer les tarifs des clients des banques pour ces opérations de paiement exceptionnelles.

c) Conclusion

93. Au final, selon l'évaluation préliminaire, l'ensemble des autres commissions fixées par Visa sont susceptibles d'être considérées comme restrictives de concurrence. Pour autant, l'évaluation préliminaire a consacré une partie aux éventuelles justifications de ces pratiques.

3. ELÉMENTS DE JUSTIFICATION DES COMMISSIONS INTERBANCAIRES

94. De façon générale, l'examen de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationale ou communautaire montre que des CMI ont pu être justifiées sous certaines conditions. Dans ses décisions n° 11-D-11 et 12-D-17 relatives aux commissions interbancaires appliquées respectivement aux opérations par cartes CB et aux moyens de paiement scripturaux autres que la carte et le chèque (prélèvement, TIP, télérèglement, virement, lettre de change), l'Autorité de la concurrence a opéré une distinction entre les commissions à l'opération sur les paiements et les autres commissions. Cette distinction est fondée sur le constat que les CMI sont appliquées aux opérations de paiement, service qui, par nature, profite à deux acteurs, le porteur de carte et le commerçant, tandis que les autres commissions répondent à une logique de service bénéficiant à un seul acteur (le porteur dans le cas d'un retrait) ou induite par un seul acteur (la capture de carte est, de façon générale, imputable au porteur de carte ; il est donc logique que la banque du commerçant ou celle gérant le DAB soit indemnisée pour les frais qu'elle encourt du fait de cette capture).

95. S'agissant des CMI sur les opérations de paiement, Visa a présenté au cours de la procédure des éléments pouvant justifier, selon lui, leur principe et la logique de leur niveau.

96. Selon Visa, les CMI ont été fixées en France en référence à celle fixée par le GIE CB. Visa explique en outre que "le principe de la commission [d'interchange] c'est d'internaliser les externalités positives ou négatives, et de prendre en compte l'asymétrie des coûts entre banques émettrice et banque acquéreur. Si elles sont trop fortes, cela déséquilibre le marché en fonction de la face du marché qui se développe. Par définition, le système ne peut se développer que si l'interchange est à un niveau correct, sinon le développement ne se ferait pas de façon équilibrée ni optimale. Les commissions d'interchange visent ainsi à équilibrer un marché biface et à s'assurer que les acteurs des deux faces (émetteurs, acquéreurs) réalisent le bon degré d'investissement, au bénéfice de l'ensemble du système et des consommateurs" (46).

97. L'évaluation préliminaire a tout d'abord relevé que la Commission européenne a déjà eu l'occasion d'affirmer que les CMI n'étaient pas indispensables au fonctionnement d'un système de paiement par cartes, et ce tant dans la décision MasterCard de décembre 2007 que dans la décision Visa-MIF de décembre 2010.

98. Ensuite, l'évaluation préliminaire s'est montrée réservée sur la logique d'une commission d'interchange fondée sur les coûts des banques, et notamment sur ceux des banques émettrices. En effet, si la CMI a pour objet de rémunérer l'ensemble des coûts de la banque émettrice, elle revient à faire payer à un seul couple banque/client (en l'occurrence, le couple banque acquéreur/commerçant), l'ensemble de la prestation de paiement. Or, cela ne paraît pas justifié dans son principe, puisque, comme cela a été rappelé, le service de paiement par carte présente une valeur ajoutée tant pour le porteur de cartes, qui peut acheter des biens et services de manière pratique et relativement sécurisée, que pour le commerçant, qui peut procéder à des encaissements de façon dématérialisée et en disposant d'une garantie de paiement.

99. Néanmoins, selon l'évaluation préliminaire, une CMI peut présenter certaines vertus, et notamment celle d'encourager l'utilisation de la carte de paiement, qui est un moyen de paiement relativement efficace par rapport aux espèces ou aux chèques, ses alternatives les plus courantes. En effet, les CMI constituent des revenus pour les banques de porteurs. Si ces dernières répercutent les CMI à leurs clients via des tarifs à l'opération ou des cotisations annuelles réduits, elles encouragent les payeurs à détenir et utiliser une carte. Cependant, afin que la CMI ne dissuade pas les commerçants d'accepter la carte et afin que les commerçants puissent également retirer une valeur ajoutée de l'utilisation de ce moyen de paiement, le niveau de la CMI ne doit pas dépasser un seuil correspondant à l'indifférence du commerçant entre la carte et des moyens de paiement alternatifs. Une telle CMI répond alors au test dit de l'indifférence du commerçant ou test du touriste, qui a fait l'objet de plusieurs articles académiques, notamment du Professeur Tirole (47).

100. La décision n° 11-D-11 de l'Autorité, relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE CB, avait expliqué l'intérêt de ce test pour encourager l'utilisation de la carte et participer au développement des systèmes de carte les plus efficaces (48). Si l'Autorité ne disposait pas en 2011 d'éléments complets permettant d'apprécier le niveau de CMI entraînant l'indifférence du commerçant, elle avait fait état d'une étude sur une grande enseigne du commerce selon laquelle "le niveau de frais bancaires liés à l'acceptation de la carte ne devrait pas dépasser 0,19 % du montant de la transaction (selon l'enseigne de la FCD) ou 0,28 % (selon la critique du GIE)" (49).

101. Au final, une CMI sur les opérations de paiement peut être justifiée si elle permet concrètement de favoriser l'usage de la carte, moyen de paiement efficace. Son niveau doit cependant rester raisonnable afin que l'ensemble des acteurs bénéficient de l'utilisation plus large de la carte de paiement.

102. S'agissant des autres commissions que les CMI sur les paiements, il a été vu précédemment que le principe de commissions interbancaires sur les opérations de retrait et les opérations exceptionnelles ne prêtait pas à discussion, mais que l'unicité de leur niveau posait question, puisqu'elle revenait à ignorer les différences de coût et d'efficacité entre banques pour le traitement d'un même type d'opérations.

103. La fixation d'un niveau unique de commission interbancaire présente l'intérêt de limiter les coûts de transaction entre banques, puisque les banques n'ont plus besoin de négocier avec chacun des autres membres du système de paiement le niveau de la commission interbancaire pour chacune des opérations.

104. C'est du reste cette justification qui avait été retenue dans la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques du GIE CB, où l'Autorité avait expliqué que "la perception d'une commission interbancaire apparaît justifiée pour ce type d'opérations, dès lors qu'un lien d'obligation est clairement identifiable. C'est notamment le cas des commissions interbancaires liées aux retraits d'espèces (qu'ils soient effectués dans un automate ou un guichet). Pour ces opérations, la banque gestionnaire du distributeur ou du guichet avance les espèces demandées par le client d'une autre banque et supporte d'autres coûts, tels que les coûts de fonctionnement et de maintenance du DAB pour les retraits DAB ou les coûts de personnel pour les retraits guichets. Ce service doit donc être rémunéré par la banque du porteur. En définitive, que la commission soit exceptionnelle ou systématique, lorsqu'un lien d'obligation peut être caractérisé, le caractère multilatéral des commissions interbancaires peut être justifié par le souci de limiter les coûts de transaction pour les banques".

105. La légitimité du principe de commissions multilatérales pour les opérations exceptionnelles a également été reconnue dans le règlement (UE) n° 260-2012 du Parlement européen et du Conseil pour ce qui concerne les prélèvements et les virements SEPA.

106. Toutefois, que ce soit dans la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence ou dans le règlement (UE) n° 260-2012, il a été précisé que le caractère justifiable des commissions interbancaires autres que les CMI sur les paiements était conditionné au respect de plusieurs conditions. En particulier, ces commissions doivent être payées par la banque qui est, ou dont le client est, à l'origine de la prestation induisant le paiement de la commission interbancaire ; elles doivent être proportionnées aux coûts des banques, et être fixées en référence au coût de la banque présentant le meilleur rapport coût-efficacité, et ce afin d'éviter que le caractère collectif de la fixation des commissions interbancaires se traduise par une facturation plus élevée des utilisateurs de moyens de paiement.

107. Au final, les commissions autres que les CMI sur les paiements peuvent être, selon l'évaluation préliminaire, justifiées dans leur principe. Il convient cependant de vérifier que leur niveau est fixé en prenant en référence les coûts de la banque la plus efficace.

4. ANALYSE DES CLAUSES CONTRACTUELLES IMPOSÉES PAR LES SYSTÈMES DE PAIEMENT

AUX COMMERÇANTS

108. Ainsi qu'il a été précisé, Visa prévoit que les contrats d'acceptation passés entre l'acquéreur et sa banque doivent comporter une clause obligeant l'acquéreur à accepter toutes les cartes Visa et/ou Visa Electron et/ou V-Pay, clause dite d'honorer toutes les cartes.

109. Dans sa décision du 19 décembre 2007, MasterCard, la Commission européenne a estimé que ce type de clause a notamment pour effet d'empêcher "les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits MasterCard reconnaissables alors qu'ils acceptent d'autres cartes ou d'autres produits MasterCard différents. [Cette] obligation garantit aux émetteurs de cartes MasterCard la possibilité d'émettre plusieurs types de cartes, générant des commissions d'interchange différentes, en étant certains que les commerçants et les acquéreurs seront tenus d'accepter tous les produits" (50).

110. En conséquence, "la fonctionnalité concernant l'obligation d'honorer tous les produits renforce les effets restrictifs des CMI de MasterCard sur la concurrence par les prix entre les banques acquéreuses". (51)

111. De même dans sa décision du 8 décembre 2010, Visa MIF, la Commission européenne a considéré que la règle imposant l'obligation d'accepter toutes les cartes ("Honour All Cards Rule" ou "HACR") renforce l'effet restrictif de concurrence des CMI sur les paiements. (52)

112. Ainsi, les commissions interbancaires ayant vocation à être répercutées sur la facturation des commerçants, la règle imposant l'obligation d'honorer toutes les cartes fait obstacle à la capacité des commerçants de gérer le coût de leurs paiements au vu de leurs différents prix, augmentant de ce fait les effets restrictifs de ces commissions.

113. A la différence des commissions fixées par le GIE CB, la commission interbancaire de Visa lors du paiement par carte dépend dans son montant du type de carte utilisé par le porteur. La facturation des services au commerçant et à l'accepteur est donc susceptible d'être différenciée selon le type de carte utilisé. Dans ce contexte particulier, la règle d'honorer toutes les cartes a une incidence financière pour le commerçant et l'accepteur, et l'analyse de la Commission européenne paraît directement transposable à la présente espèce.

III. Mise en œuvre de la procédure d'engagements

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR VISA

114. Pour répondre aux préoccupations de concurrence, Visa a soumis le 17 avril 2013 à l'Autorité de la concurrence des propositions d'engagements. Une synthèse des préoccupations de concurrence et les engagements proposés par Visa ont été mis en ligne le 6 mai 2013 sur le site Internet de l'Autorité afin de recueillir les observations des éventuels tiers intéressés.

115. Dans cette première proposition, Visa a proposé de réviser le montant des commissions interbancaires liées à l'utilisation des cartes consommateurs dans leur fonction de paiement uniquement. Visa a ainsi proposé de réduire les CMI applicables aux paiements à un niveau, en moyenne pondérée annuelle, inférieur ou égal à 0,33 % du montant de la transaction. Visa a proposé de s'engager pour 4 ans.

116. S'agissant des autres commissions (commission de retrait et commissions exceptionnelles), Visa a précisé "à titre déclaratif qu'il n'exist[ait], au jour des présents engagements, aucun projet visant à mettre en œuvre de quelque manière que ce soit une hausse du niveau de ces commissions".

B. LES OBSERVATIONS RECUEILLIES LORS DU TEST DE MARCHÉ

117. Les engagements proposés par Visa ont été mis en ligne le 6 mai 2013. Le 6 juin 2013, les 7 entreprises et associations suivantes ont présenté leurs observations :

- EuroCommerce ;

- GIE CB ;

- Fédération Bancaire Française (FBF) ;

- CdCF ;

- La Banque Postale ;

- FCD (saisissant du dossier) ;

- Association pour la Défense des Utilisateurs des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE).

118. Les principaux commentaires et observations reçus dans le cadre du test de marché sont présentés ci-dessous.

1. SUR LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE QUI SUBSISTERAIENT

119. Selon le GIE CB, l'offre de Visa ne ferait pas disparaître les problèmes de concurrence qui pourraient exister sur le marché des systèmes de paiement. Le GIE CB attire ainsi l'attention sur la flexibilité tarifaire supérieure dont disposerait Visa par rapport à CB, ainsi que sur d'éventuelles stratégies d'encerclement par Visa qui pourrait renforcer la situation de dépendance de leurs membres ou clients. Ces derniers pourraient, selon le GIE CB, craindre des augmentations, à terme, de leurs frais d'émission de carte ou de traitement des opérations.

120. De façon plus générale, le GIE CB insiste sur la nécessité qu'il y a à ne pas introduire de désavantage concurrentiel pour lui-même vis-à-vis de Visa. Le GIE CB se réserve la possibilité de demander une révision de ses engagements si les conditions pour Visa lui offraient des avantages, en particulier en termes de champ des cartes couvertes, de niveaux des commissions interbancaires, de portée ou de durée des engagements.

2. SUR LE CHAMP DES CARTES OU DES OPÉRATIONS DE PAIEMENT COUVERTES

121. Eurocommerce, l'ADUMPE, le CdCF et la FCD contestent que les cartes professionnelles, également dites cartes commerciales, ne soient pas inclues dans le champ des engagements proposés par Visa. Selon ces entités, il n'y aurait pas de justification à une telle exclusion. L'ADUMPE considère notamment que cette exclusion se fait au détriment des commerçants qui sont contraints d'accepter ces cartes commerciales du fait de la règle d'honorer toutes les cartes.

122. Le CdCF comme la FCD souhaitent que les engagements de Visa sur les CMI sur les paiements précisent qu'ils couvrent l'ensemble des opérations de paiement, en point de vente comme à distance.

3. SUR LES CMI APPLIQUÉES AUX PAIEMENTS

a) Principe de ces commissions

123. La FCD considère que Visa n'a pas démontré que les CMI appliquées aux paiements répondaient aux conditions d'exemption. Or, cela serait une étape indispensable avant de pouvoir discuter du niveau de ces commissions. La FCD considère que l'évaluation préliminaire admet sans la prouver une prétendue supériorité de la carte sur les autres moyens de paiement pour les commerçants, que contredirait une étude d'Auchan sur les coûts et charges induits par différents moyens de paiement. De plus, l'évaluation préliminaire n'analyserait pas les trois conditions de l'exemption relatives au caractère indispensable de la restriction, au partage du progrès économique avec les consommateurs et à l'absence d'élimination de la concurrence sur une part substantielle des biens et services. La FCD estime qu'il n'a pas été démontré que les cotisations acquittées par les porteurs ne couvraient pas déjà les coûts des banques émettrices ni que les CMI étaient répercutées aux porteurs. Pour ces différentes raisons, l'évaluation préliminaire rejetterait à tort sa demande visant à la prohibition des CMI.

124. Le GIE CB considère que les commissions interbancaires sur les paiements sont justifiées, notamment pour couvrir les coûts des services rendus par la banque émettrice à la banque acquéreur, et qu'elles sont nécessaires pour que perdurent des systèmes 4 points.

125. La FBF insiste sur le caractère indispensable des CMI pour assurer la pérennité d'un système de paiement universel que consommateurs, commerçants et pouvoirs publics plébisciteraient.

126. La Banque Postale, qui estime que les engagements proposés par Visa répondent globalement aux préoccupations de concurrence, justifie le principe des CMI par la nécessité de répartir les coûts entre banques et de prendre en compte le caractère biface du marché. En particulier, l'élasticité prix des consommateurs serait bien supérieure à celle des commerçants. Les CMI seraient donc efficaces pour encourager l'utilisation de la carte de paiement. La Banque Postale estime que les CMI sont indispensables et proconcurrentielles.

Elles ne seraient en aucun cas des restrictions de concurrence par objet.

b) Eléments pour apprécier le montant des CMI

127. Le GIE CB ne voit pas de justification associée aux montants proposés par Visa. Il déplore notamment l'absence de liste de postes des coûts pris en compte pour fonder les niveaux de commissions proposés. Par ailleurs, le GIE CB conteste la pertinence de la référence au test d'indifférence pour apprécier le montant des CMI.

128. La FCD exprime également des réserves sur la pertinence du test d'indifférence, du fait que ce test ne prend pas en compte les progrès technologiques liés aux cartes de paiement et donnerait donc aux banques une rente prélevée sur les commerçants.

129. L'ADUMPE considère que Visa n'a pas donné d'élément justifiant le calcul des CMI et regrette cette absence d'élément objectif et transparent. Cette critique sur l'absence de transparence est également présente dans la contribution de la FCD qui considère que les propositions d'engagements ne réduisent pas l'opacité qui existerait aujourd'hui.

130. A l'inverse, La Banque Postale se déclare en faveur d'une appréciation du niveau des CMI en référence au test d'indifférence du commerçant.

c) Montant des CMI

131. Selon le GIE CB, le taux proposé par Visa doit être comparé à celui que lui-même a adopté dans ses engagements rendus obligatoires à l'issue de la procédure devant l'Autorité (0,28 %+TBTB, ce dernier atteignant aujourd'hui un montant moyen de l'ordre de 0,01 %). Dans ce cadre, les taux figurant dans les propositions d'engagements seraient trop élevés et pourraient créer des distorsions de concurrence selon le GIE CB.

132. La Banque Postale estime aussi que la référence en termes de montant des CMI doit être le niveau retenu par le GIE CB, faute de données suffisamment complètes pour appliquer le test d'indifférence du commerçant. Elle en tire cependant des conséquences différentes. Elle observe que les montants proposés par Visa sont inférieurs aux montants des coûts des banques tels qu'évalués par une étude de coût effectuée par un cabinet d'économistes à la demande du GIE CB en 2011. La faible différence entre les taux proposés et celui du GIE CB ne serait, selon La Banque Postale, pas susceptible d'avoir un effet sur le marché des cartes bancaires. Elle considère que le niveau proposé est donc adéquat.

133. La FBF indique que des montants trop faibles, voire nuls, de CMI pourraient conduire les prestataires de paiement à mettre un terme à l'interbancarité. Ils pourraient également se traduire par des frais accrus pour les consommateurs, ou des services dégradés pour les porteurs. De telles évolutions auraient été constatées en Espagne ou en Australie. En outre, des commissions insuffisantes pourraient conduire à une limitation des investissements et donc de la sécurité et des innovations en matière de moyens de paiement. Cela pourrait avoir pour effet pervers le développement de moyens de paiement plus coûteux ou qui offrent moins de possibilités pour tracer les transactions et lutter contre le blanchiment. La FBF invite à ce que toute mesure pouvant affecter le modèle économique des paiements par carte soit précédée d'une étude sur l'ensemble des moyens de paiement afin de comparer leurs coûts directs ou indirects, leur sécurité et leur facilité d'utilisation.

134. A l'instar de la FBF, La Banque Postale souligne que les expériences étrangères en Australie et en Espagne témoigneraient des risques qu'il y a à limiter excessivement les CMI. Elle ajoute avoir été, pour sa part, contrainte de commencer à facturer les retraits en dehors de son réseau pour compenser les moindres recettes de CMI suite aux engagements pris par le GIE CB en 2011.

135. Toutes les associations de commerçants estiment que le taux proposé par Visa devrait être revu à la baisse.

136. Le CdCF estime que la référence au taux adopté par le GIE CB est pertinente. Il invite cependant à la compléter d'une référence aux taux adoptés par Visa et MasterCard sur les opérations transfrontalières et sur les opérations domestiques dans certains pays à la suite de procédures devant la Commission européenne.

137. Eurocommerce, l'ADUMPE et la FCD soulignent que les taux sur lesquels Visa et MasterCard ont pu s'engager au niveau européen sont certes des références, mais plutôt des maxima. En effet, ces organisations soulignent que les paiements transfrontières sont en général plus coûteux et plus fraudés. Pour la FCD et Eurocommerce, le taux de référence devrait être de 0,20 %, compte tenu du fait que la majorité des cartes en France seraient des cartes de débit. La FCD ajoute que ce taux serait cohérent avec ce qui ressort de l'exploitation de l'étude Auchan, selon laquelle l'écart de coûts entre un encaissement par carte et par espèces pour Auchan serait de 0,19 % à l'avantage de la carte (en excluant les frais bancaires liés aux encaissements par carte), ce qui plaiderait pour un niveau de CMI de l'ordre de 0,19 % en appliquant le test d'indifférence du commerçant.

4. SUR L'ABSENCE D'ENGAGEMENT SUR LA RÈGLE D'HONORER TOUTES LES CARTES

138. Eurocommerce fait part de son incompréhension vis-à-vis de l'absence d'engagement de Visa sur la règle d'honorer toutes les cartes, étant donné que cette règle était visée dans les préoccupations de concurrence.

139. L'ADUMPE fait part du même sentiment et ajoute que c'est un fait préjudiciable dans la mesure où cela pourrait nuire à la portée des engagements. Du fait de cette règle, Visa pourrait ainsi continuer à imposer aux commerçants l'acceptation des cartes commerciales pour lesquelles il n'a pas proposé d'engagements. L'ADUMPE craint également que Visa ne cherche à modifier la répartition des types de cartes émis en favorisant l'émission de cartes commerciales au détriment des cartes consommateurs.

140. La FCD considère pour sa part qu'en l'absence d'engagements proposés sur la règle d'honorer toutes les cartes, la procédure contentieuse devrait reprendre son cours la concernant.

5. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS SUR LES COMMISSIONS DE RETRAIT DAB

141. Le GIE CB déplore que Visa ne propose aucun engagement sur les commissions de retrait alors que cette commission était identifiée dans les préoccupations de concurrence et que le GIE CB s'était pour sa part engagé devant l'Autorité sur une commission similaire (la CIR).

6. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS SUR LES COMMISSIONS EXCEPTIONNELLES

142. Eurocommerce, le GIE CB et l'ADUMPE ne comprennent pas que Visa ne propose pas d'engagements sur les commissions exceptionnelles, pourtant identifiées dans les préoccupations de concurrence.

143. L'ADUMPE relève en outre que la faiblesse des volumes en question n'est pas de nature à justifier l'absence d'effet anticoncurrentiel et donc l'absence d'engagements.

144. Le FCD conteste pour sa part le critère que Visa semble avancer pour justifier son absence d'engagements sur ces commissions, à savoir le fait qu'elles soient fixées par d'autres entités que Visa France (à savoir Visa Europe ou Visa Inc.).

145. Enfin, la FCD constate l'absence d'engagements sur les commissions exceptionnelles et en déduit que la procédure contentieuse devrait reprendre son cours s'agissant de ces commissions.

7. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS

146. La durée des engagements proposés par Visa n'a pas soulevé de commentaire autre que celui de La Banque Postale, selon laquelle le terme des engagements de Visa pourrait être fixé en octobre 2015, de manière concomitante avec la fin des engagements du GIE CB. Cela permettrait d'appliquer de façon identique pour tous les systèmes de paiement les résultats que pourrait obtenir le comité de pilotage créé par l'Autorité pour mesurer les coûts d'encaissement par divers moyens de paiement.

8. SUR LA PUBLICITÉ DES ENGAGEMENTS

147. Eurocommerce souhaiterait que les engagements prévoient des mesures de publicité permettant d'expliquer aux commerçants le calcul du montant des CMI.

148. Le CdCF envisage également l'ajout de mesures de publicité aux engagements afin de participer à la bonne information des commerçants.

149. L'ADUMPE appelle aussi de ses vœux de telles mesures, et propose que Visa publie sur son site la décision de l'Autorité qui accepterait ses engagements amendés, ainsi que l'envoi d'une lettre d'information aux commerçants qui acceptent les cartes Visa. Par ailleurs, l'ADUMPE souhaiterait que Visa publie sur son site Internet les CMI qu'elle définit, comme le GIE CB l'a fait en France et comme Visa et MasterCard eux-mêmes l'ont fait s'agissant des CMI sur les transactions transfrontières.

150. Quant à la FCD, elle considère que Visa pourrait créer des pages Internet qui donneraient les montants détaillés des CMI.

9. SUR LES MODALITÉS DE SUIVI DES ENGAGEMENTS

151. Le CdCF invite à compléter les engagements de mesures de suivi et s'interroge sur ce qu'il se passera à l'issue des périodes d'engagements.

152. Eurocommerce propose que soit incluse une clause de rendez-vous dans les engagements. On retrouve cette proposition dans la contribution de la FCD et de l'ADUMPE. Cette dernière souhaiterait que le rendez-vous se fasse en présence de toutes les parties prenantes afin de pouvoir, si nécessaire, prendre des mesures complémentaires aux engagements rendus obligatoires.

153. Eurocommerce, l'ADUMPE et la FCD considèrent que les engagements devraient prévoir un mandataire qui vérifierait le respect des engagements. Tous soulignent que c'est ce qui a été fait dans certaines procédures communautaires impliquant ces systèmes de paiement.

C. LES MODIFICATIONS DES ENGAGEMENTS PROPOSÉES PAR VISA

154. Au regard des observations formulées et des débats en séance, Visa a modifié les engagements proposés. Plusieurs améliorations ont été apportées à cette proposition, dont la version définitive figure en annexe 1 de la présente décision.

155. Les modifications effectuées postérieurement au test de marché sont les suivantes :

- la moyenne des CMI sur les paiements domestiques est ramenée à 0,28 % ;

- le champ des opérations couvertes est précisé (ajout de la définition des transactions domestiques, seules concernées par la présente procédure, et des cartes commerciales, non incluses dans les engagements) ;

- un engagement a été ajouté s'agissant de la commission sur les retraits DAB, réduite à 0,55 € ;

- les commissions exceptionnelles ne sont pas modifiées dans leurs montants ; en revanche, dans le cas où Visa aurait un projet d'augmentation du niveau de ces commissions, des justifications économiques adéquates devraient être apportées à l'Autorité avant toute mise en œuvre d'un tel projet ;

- la publication de l'ensemble des commissions interbancaires de Visa pour les transactions domestiques est ajoutée ;

- la date d'entrée en vigueur (1er novembre 2013) est précisée ;

- un engagement sur la remise d'un rapport annuel détaillé à l'Autorité sur l'exécution des engagements est ajouté ;

- la clause de révision a été reformulée.

IV. Discussion

156. Selon les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, l'Autorité de la concurrence peut "accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L.420-2 et 420-5".

A. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

157. Les comportements des entreprises sont soumis aux règles du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prohibant les ententes anticoncurrentielles simultanément aux règles nationales, à la condition que les pratiques incriminées soient de nature à affecter sensiblement le commerce entre les États membres.

158. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne a indiqué que "les ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l'entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité" (point 78).

159. Ces lignes directrices précisent également que "la notion de "commerce" n'est pas "limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l'établissement".

160. Enfin, l'article 101 du TFUE n'exige pas que les accords visés à cette disposition aient affecté sensiblement les échanges intracommunautaires, mais qu'il soit établi que ces accords soient de nature à avoir un tel effet (53).

161. En l'espèce, ces pratiques couvrent l'ensemble du territoire national, partie substantielle du marché européen. Elles portent à titre principal sur la fixation de CMI appliquées à diverses opérations par cartes de paiement Visa émises en France. Ce comportement est aggravé par le fait qu'elles sont mises en œuvre par une société d'envergure internationale dont l'activité économique est susceptible d'avoir une influence sur les courants d'échanges entre États membres.

162. Au surplus, s'agissant de l'activité bancaire relative aux moyens de paiement, il doit être tenu compte de la réglementation européenne et nationale tendant à mettre en place le marché unique bancaire et du nouveau projet de règlement européen sur les commissions d'interchange pour les paiements par carte. Ainsi, progressivement, les différents moyens de paiement sont appelés à avoir une dimension européenne.

163. A cet égard, doit être prise en compte la circonstance que les cartes Visa "only" émises en France sont déjà des moyens de paiement transfrontières qui, par définition, peuvent être utilisés par les titulaires de carte non seulement dans le pays où ces cartes de paiement sont émises, mais aussi dans d'autres pays, soit pour effectuer des achats auprès de commerçants soit pour retirer de l'argent.

164. De telles pratiques, si elles étaient avérées, seraient donc de nature à modifier la structure de la concurrence sur le marché français des cartes de paiement.

165. En l'espèce, les pratiques en cause paraissent donc susceptibles d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire. Elles doivent, en conséquence, faire l'objet d'une appréciation au regard non seulement du droit national, mais aussi du droit européen de la concurrence.

B. SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENTS

166. La FCD considère que les commissions exceptionnelles ainsi que la règle d'honorer toutes les cartes n'ont pas été traitées dans l'offre d'engagements initiale de Visa, et que cela justifie la reprise de la procédure contentieuse sur ces points.

167. Les propositions révisées de Visa ont cependant prévu des engagements sur les commissions exceptionnelles. En outre, s'agissant de la règle d'honorer toutes les cartes, l'Autorité prend acte du fait que la règle actuelle permet l'acceptation séparée des cartes Visa, des cartes Visa Electron et des cartes V-Pay et que, par ailleurs, le projet de règlement européen du 24 juillet 2013 sur les commissions d'interchange sur les transactions par carte envisage la modification de cette règle pour l'ensemble des systèmes de paiement opérant en Europe.

C. SUR L'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR VISA

1. SUR LE CHAMP DES CARTES OU DES OPÉRATIONS DE PAIEMENT COUVERTES

168. Malgré les demandes répétées, en séance, de la saisissante, du commissaire du gouvernement et des services d'instruction d'inclure les cartes commerciales dans le champ des cartes couvertes par les engagements, Visa s'y est opposé en considérant qu'une telle inclusion limiterait son attractivité sur ce segment de marché et sa capacité à concurrencer en particulier Amex.

169. Par ailleurs, à la demande de l'Autorité, Visa a accepté de préciser dans les engagements la définition des opérations domestiques sur lesquelles portent les engagements.

170. Les engagements révisés de Visa précisent donc désormais le champ matériel et géographique des cartes concernées mais excluent les cartes commerciales. Aux termes des engagements de Visa, ces dernières sont définies comme les cartes "identifiées comme telles remises par des entreprises, y compris des personnes physiques exerçant une activité indépendante, ou des organismes à leurs personnels pour assurer le règlement de leurs dépenses professionnelles".

171. L'Autorité constate que les engagements proposés par Visa ne répondent pas aux préoccupations de concurrence identifiées s'agissant des cartes commerciales.

2. SUR LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX CMI SUR LES PAIEMENTS

172. La FCD a dénoncé le principe même des CMI sur les paiements et considéré que Visa n'avait pas démontré que les conditions d'une exemption étaient réunies. Elle a ajouté que la supériorité de la carte sur les autres moyens de paiement n'était pas démontrée et qu'il n'était pas plus démontré que les frais facturés aux porteurs de carte ne couvriraient pas, à eux seuls, les coûts des banques émettrices.

173. Il résulte cependant des éléments au dossier que la carte présente certains avantages pour les commerçants. Les paiements par carte sont garantis, alors que les chèques peuvent rester impayés. L'étude Auchan produite par la FCD en annexe de sa contribution au test de marché démontre en outre qu'à panier comparable, le coût de traitement (hors frais bancaire) d'un encaissement par carte est inférieur à celui d'un encaissement en espèces ou en chèque.

174. Par ailleurs, comme l'avait expliqué la décision n° 11-D-11 sur le GIE CB à son paragraphe 308, une CMI sur les paiements, en constituant une recette pour les banques émettrices, ne peut que diminuer la facturation des porteurs et ainsi encourager les consommateurs à détenir et utiliser une carte, moyen de paiement relativement efficace par rapport à ses alternatives les plus communes que sont les espèces et les chèques.

175. S'agissant de la référence à utiliser pour apprécier le niveau des CMI sur les paiements, il convient d'observer que les CMI sur les paiements ne peuvent participer à la promotion du moyen de paiement efficace qu'est la carte que si ces commissions ne rendent pas la carte plus onéreuse pour les commerçants que les autres moyens de paiement. Dans le cas contraire, ces commissions pourraient dissuader les commerçants d'accepter la carte de paiement, ce qui irait à l'encontre du développement de la carte.

176. C'est pour répondre à ces différentes contraintes - encourager les consommateurs à détenir et utiliser une carte de paiement sans dissuader les commerçants d'accepter la carte - que l'Autorité a choisi d'apprécier le montant des CMI proposées en privilégiant la méthode dite du test d'indifférence du commerçant. Cette méthode consiste à comparer, pour les commerçants, les bénéfices transactionnels des commerçants du fait de l'utilisation des cartes plutôt que des espèces, le seul moyen de paiement que les commerçants soient tenus d'accepter, ou des chèques. Elle permet de s'assurer que le coût total d'un encaissement par carte pour les commerçants, y compris les frais bancaires qui prennent en compte la CMI, n'est pas supérieur au coût des alternatives à la carte, ce qui garantit que les commerçants ne sont pas dissuadés d'accepter la carte.

177. La FCD a versé au dossier une étude sur le coût des moyens de paiement pour Auchan. Selon cette étude, qui a effectué en particulier une comparaison à "paniers égaux" (pour un même montant de transaction, correspondant en l'occurrence au montant moyen d'encaissement par carte), le coût d'un encaissement espèces pourrait être estimé à 0,52 % du montant de la transaction tandis que le coût d'un encaissement par carte, hors frais bancaires, serait de 0,333 %. Ces résultats avaient déjà été présentés dans la procédure impliquant le GIE CB, qui avait présenté certaines critiques et conclu que le coût d'un paiement en espèces en pourcentage du montant du paiement serait probablement voisin de 0,61 %. Autrement dit, le niveau d'indifférence pour ce commerçant conduit à des frais bancaires de l'ordre de 0,19 % du montant de la transaction (selon les chiffres d'Auchan) ou de 0,28 % (selon la critique du GIE CB).

178. Bien que ces éléments soient limités à une seule enseigne et ne puissent être considérés comme représentatifs de la situation générale des commerçants, ils sont à rapprocher des niveaux de CMI prévus par le projet de règlement du 24 juillet 2013 (0,20 % pour les paiements par cartes de débit, 0,30 % pour les paiements par cartes de crédit (54)).

179. Au final, le niveau de 0,28 % proposé par Visa est proche du niveau accepté par l'Autorité dans sa décision du GIE CB de 0,28 % + TBTB (Taux Bilatéral de Transactions Bloquées, dont la valeur moyenne au dernier trimestre 2012 et au premier trimestre 2013 était de l'ordre de 0,01 %) et conforme aux résultats de l'étude Auchan. Ce niveau est enfin cohérent avec les niveaux de CMI acceptés par la Commission européenne et proposés dans le projet de règlement européen du 24 juillet 2013 compris dans une fourchette de 0,20 - 0,30 %. Par conséquent, ce niveau est considéré comme acceptable.

3. SUR L'ENGAGEMENT PROPOSÉ POUR LA COMMISSION SUR LES RETRAITS DAB

180. L'Autorité accepte l'idée que la commission interbancaire sur les retraits DAB répond à une logique d'indemnisation de service. En effet, lorsqu'une banque sert, par l'intermédiaire d'un de ses DAB, un retrait à un porteur d'une autre banque, elle rend indéniablement un service à la banque du porteur et au porteur lui-même. Dès lors, il est logique que le couple banque/client ayant initié la prestation et en bénéficiant supporte une tarification pour ce service.

181. S'agissant du niveau proposé par Visa, il apparaît légèrement inférieur à celui adopté par le GIE CB, qui avait été considéré comme compatible avec le critère du meilleur rapport coût-efficacité. Il en résulte que l'engagement proposé par Visa de réduire à 0,55 € le montant de la commission applicable aux retraits DAB est acceptable.

4. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS POUR LES AUTRES COMMISSIONS

182. Les autres commissions définies par Visa et appliquées ou liées aux opérations domestiques par carte Visa correspondent soit à la rémunération d'un service (retrait par carte au guichet) soit à la rémunération de prestations demandées par la banque émettrice à la banque acquéreur (demandes de documentation) ou induites par le couple porteur/banque émettrice (capture de carte).

183. Pour l'ensemble de ces commissions, les niveaux proposés par Visa sont inférieurs à ceux proposés par le GIE CB pour des commissions équivalentes. En outre, Visa propose de se rapprocher de l'Autorité si un projet de hausse de ses commissions se fait jour en apportant les justifications économiques adéquates. Si un tel projet est mis en œuvre alors que les justifications apportées sont jugées insuffisantes par l'Autorité, cette dernière pourra ouvrir une procédure en non-respect d'engagements.

184. Compte tenu de ces différents éléments, l'Autorité accepte les engagements de Visa sur ces commissions.

5. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS

185. L'Autorité considère que la durée de 4 ans proposée par Visa est conforme à la durée habituellement acceptée par l'Autorité dans une procédure d'engagements.

6. SUR LA PUBLICITÉ DES ENGAGEMENTS

186. Visa s'est engagé à publier l'ensemble des commissions interbancaires qu'il fixe pour les opérations domestiques sur son site Internet. Dans le cadre du test de marché, plusieurs contributions ont considéré ces modalités d'informations insuffisantes.

187. L'Autorité considère toutefois que les mesures proposées par Visa, qui s'ajoutent à ses propres mesures d'information, et notamment à la publication de la présente décision sur son site Internet, sont suffisantes pour assurer la transparence des engagements proposés, qui visent les seules commissions interbancaires appliquées aux transactions par carte bancaire, et non les commissions appliquées par les banques aux commerçants. Elle relève que les associations de commerçants sont libres de mettre en œuvre des mesures de publicité supplémentaires auprès de leurs adhérents.

7. SUR LES MODALITÉS DE SUIVI DES ENGAGEMENTS

188. Plusieurs contributions au test de marché ont souligné la nécessité d'un mandataire pour suivre la mise en œuvre des engagements et s'assurer de leur exécution.

189. Toutefois, compte tenu de la nature des engagements pris, l'Autorité a considéré que des rapports annuels de Visa sur l'exécution de ses engagements étaient suffisants. Ces rapports devront être suffisamment détaillés pour permettre de justifier, en particulier, du respect des taux plafonds pour les CMI sur les paiements. Visa a proposé de fournir au plus trois mois après la date anniversaire de l'entrée en vigueur des engagements de tels rapports détaillés. L'Autorité considère que cet engagement est acceptable.

8. SUR LES POSSIBILITÉS DE RÉVISION DES ENGAGEMENTS

190. La FCD a souligné en séance la nécessité que la révision des engagements puisse se faire aussi bien à la demande du saisissant qu'à celle de Visa.

191. S'agissant des demandes de révision des engagements, le point 46 du communiqué de procédure sur les engagements rappelle que plusieurs acteurs peuvent demander, sous certaines conditions, la révision des engagements souscrits : le saisissant, le ministre de l'économie ou toute autre entreprise ayant intérêt à agir (dont, dans le cas présent, Visa). Si les engagements de Visa évoquent la possibilité pour elle-même de demander la révision des engagements qu'elle a souscrits, cela ne saurait exclure la possibilité que d'autres entités demandent une telle révision. En outre, l'Autorité souligne que le fait de demander une révision ne saurait garantir que cette révision des engagements soit accordée. Lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, l'Autorité apprécie les éléments de droit et de fait qui sont avancés pour motiver la demande de révision afin de se prononcer sur une telle révision. En tout état de cause, il ne saurait y avoir d'automaticité dans la révision des engagements souscrits.

192. Toutefois, en l'espèce, compte tenu du cadre juridique particulier de cette affaire et des contentieux encore en cours, l'Autorité a accepté qu'une révision des engagements puisse être demandée dans le cas où l'Autorité de la concurrence ou la Commission européenne enverrait une notification de griefs ou une évaluation préliminaire concernant les cartes commerciales de Visa. Dans un tel cas, l'Autorité analyserait en particulier le champ des opérations concernées par cette procédure ainsi que les éventuels liens entre les différents types de cartes (par exemple via la règle d'honorer toutes les cartes) pour apprécier si les engagements de Visa doivent être révisés.

193. En conclusion, l'Autorité considère que les engagements de Visa tels qu'améliorés, précisés et formalisés dans leur version finale, répondent aux préoccupations de concurrence identifiées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter ces engagements, de les rendre obligatoires et de clore la procédure s'agissant des pratiques concernant les cartes consommateurs.

DECISION

Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par Visa qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : L'affaire enregistrée sous le numéro 12-0078F est close en tant qu'elle concerne les cartes consommateurs de Visa.

Notes :

1 Décisions de la Commission européenne : affaires COMP/34.579 MasterCard et COMP/36.518 EuroCommerce.

2 Source : données Banque de France.

3 http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/autres/cartes_sepa.htm

4 Procès-verbal d'audition du Groupement des Cartes Bancaires, cote 293 (cote 354 VNC).

5 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1044 (1390 VNC).

6 Procès-verbal d'audition du Groupement des Cartes Bancaires, cote 296 (cote 357 VNC).

7 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas, cote 401 (cote 1015 VNC).

8 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas, cote 399 (cote 1013 VNC).

9 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1044 (1390 VNC).

10 http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/telechar/autres/rapport_cartes_SEPA.pdf

11 Procès-verbal d'audition du Crédit Mutuel-CIC du 29 novembre 2012 : "une priorité est aujourd'hui donnée dans le terminal de paiement pour que les transactions domestiques soient par défaut des transactions CB et en pratique, c'est le client/commerçant et la banque acquéreur qui décident d'envoyer les flux d'encaissement vers CB plutôt que vers MasterCard ou vers Visa"11 (cote 387).

12 Procès-verbal d'audition de la FCD du 28 novembre 2012, cote 1038-1039.

13 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1047 (1378 VNC).

14 Proposition de règlement du parlement européen et du Conseil relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0550:FIN:FR:PDF).

15 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1044 (cote 1390 VNC).

16 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cotes 1045-1046.

17 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1046.

18 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1046.

19 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0550:FIN:FR:PDF

20 Décisions de la Commission européenne Visa et MasterCard, décisions de certaines autorités de concurrence comme l'autorité italienne.

21 La CIP, ou Commission Interbancaire de Paiement, est la commission payée à chaque opération de paiement par la banque du commerçant à la banque du porteur. Elle est définie par le Groupement des Cartes Bancaires, GIE dont le comité de direction réunit les principales banques actives en France.

22 Procès-verbal d'audition de Visa cote 1048 (cote 1379 VNC).

23 Procès-verbal d'audition de Visa, cote 1050 (cote 1381 VNC).

24 Procès-verbal d'audition de Visa cote 1050 (cote 1381 VNC).

25 Procès-verbal d'audition de Visa cote 1049 (cote 1380 VNC).

26 Procès-verbal d'audition de Visa, cote 1049 (cote 1380 VNC).

27 Procès-verbal d'audition de Visa, cotes 1042 à 1053 (cotes 1373 à 1383 VNC et 1390-1391 VNC).

28 Procès-verbal d'audition de Visa, cote 1050 (cote 1381 VNC).

29 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1049 (cote 1380 VNC).

30 Cote 1402.

31 Cote 138 "Visa Europe exige aussi d'une banque acquéreuse, qui conclut un contrat avec un commerçant afin que ce dernier accepte un produit de la marque Visa (à savoir les produits Visa, Visa Electron ou V PAY) qu'elle s'assure que le commerçant acceptera l'ensemble des cartes de l'une des marques particulières de Visa (c'est-à-dire les marques Visa, Visa Electron et V PAY) qui lui sont présentées. Cette règle est appelée "obligation d'honorer toutes les cartes" ("Honour All Cards Rule" ou "HACR")''. Ainsi, un commerçant qui s'est engagé à accepter le seul produit V PAY (et qui ne s'est pas simultanément obligé à accepter les produits Visa ou Visa Electron) est en droit de refuser une carte Visa ou une carte Visa Electron. La règle HACR doit être mise en œuvre par les commerçants quels que soient la nature de la transaction, l'identité de l'émetteur, le type de carte utilisé ou les caractéristiques personnelles du porteur de la carte."

32 Procès-verbal d'audition de la FCD, cote 1036.

33 Procès-verbal d'audition de Visa, cote 1048 (cote 1379 VNC).

34 Cote 175.

35 Cote 1043.

36 Voir en particulier les affaires COMP/34.579 MasterCard, COMP/29.373 Visa International, COMP/39.398 Visa MIF - qui a rendu obligatoires des engagements de Visa sur ses CMI appliquées aux transactions transfrontières et à certaines transactions domestiques par carte de débit.

37 Arrêt dans l'affaire T-111-08 MasterCard, Inc e.a./ Commission.

38 Procès-verbal d'audition de Visa, cotes 1049-1050 (cotes 1381-1382 VNC).

39 Décision Visa MIF du 8 décembre 2010, § 21 : "une des préoccupations exprimées dans la communication des griefs a trait au fait que les CMI ont pour objet et elles ont également pour effet de restreindre de façon appréciable la concurrence sur les marchés de l'acquisition au détriment des commerçants et, indirectement, de leurs clients. Il est apparu que les CMI gonflaient la base sur laquelle les acquéreurs se fondent pour fixer les commissions de service imposées aux commerçants, en créant un important élément de coût commun à l'ensemble des acquéreurs. L'avis exprimé à titre préliminaire par la Commission est que les CMI de Visa Europe ne sont pas objectivement nécessaires. L'effet restrictif sur les marchés de l'acquisition est encore renforcé (...) par d'autres règles et pratiques du réseau, notamment la règle imposant l'obligation d'accepter toutes les cartes ("Honour All Cards Rule" ou "HACR"), la règle de non-discrimination ("NDR"), la pratique du prix moyen unique ("blending") et l'application, aux acquéreurs transfrontières, de CMI différentes de celles appliquées aux acquéreurs domestiques."

40 Voir la décision de la Commission européenne précitée, MasterCard, partie 7.2.

41 Idem, § 130.

42 Procès-verbal d'audition du Crédit Mutuel-CIC du 29 novembre 2012, cote 388.

43 MasterCard a notamment introduit un taux d'interchange réduit pour ces paiements.

44 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas du 3 décembre 2012, cote 400 (cote 1061 VNC).

45 Procès-verbal d'audition de S2P du 23 octobre 2012, cote 287.

46 Procès-verbal d'audition de Visa du 22 novembre 2012, cote 1050.

47 J.-C. Rochet et J. Tirole (2008), "Must-take cards and the Tourist Test" http://idei.fr/doc/wp/2008/must_take_cards.pdf

J. Tirole (2011) "Payment card regulation and the use of economic analysis in antitrust" (http://idei.fr/doc/by/tirole/tsenotes4.pdf).

48 Décision n° 11-D-11 du 7 juillet 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Cartes Bancaires, § 158.

49 Décision précitée, § 333.

50 Décision de la Commission européenne du 19 décembre 2007, aff. COMP 34.359/36.518/38.580, § 508.

51 Op.cit., § 509.

52 Décision de la Commission européenne du 8 décembre 2010 relative à une procédure d'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/D-1-39.398 - Visa MIF), § 21.

53 Les paiements par cartes à débit différé correspondent pour l'essentiel à des paiements par cartes de crédit selon la terminologie du projet de règlement (cf. article 2 (5) du projet de règlement).

54 Les paiements par cartes à débit différé correspondent pour l'essentiel à des paiements par cartes de crédit selon la terminologie du projet de règlement (cf. article 2 (5) du projet de règlement).

AFFAIRE 12-0078 F

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ENGAGEMENTS PROPOSES PAR VISA EUROPE ET VISA FRANCE

Dans le cadre de l'affaire 12-0078 F relative au secteur des cartes de paiement, par procès-verbal en date du 4 avril 2013, les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ont remis aux conseils de Visa Europe et Visa France ("Visa") leur évaluation préliminaire concernant les pratiques en cause.

Comme suite au test de marché et à la séance ayant eu lieu devant l'Autorité de la concurrence, Visa, qui ne reconnaît en rien l'existence de pratiques ou d'accords anticoncurrentiels, s'engage, sur le fondement des articles L. 464-2 et R. 464-2 du Code de commerce, à mettre en œuvre les mesures décrites ci-après.

En particulier, les engagements proposés par Visa n'impliquent aucune constatation ou reconnaissance d'une quelconque violation du droit de la concurrence ou du bien-fondé des plaintes soumises à l'Autorité de la concurrence par les saisissantes.

La présente offre d'engagements, et en particulier la réduction du niveau de commission multilatérale d'interchange, a été présentée spécifiquement eu égard au champ des cartes concernées qui exclut les cartes commerciales (1) et à l'absence de tout changement de la règle dite d'honorer toutes les cartes.

1. ENGAGEMENTS DE VISA AUX FINS DE PERMETTRE A L'AUTORITE DE LA CONCURRENCE DE METTRE UN TERME A LA PROCEDURE OUVERTE A SON ENCONTRE

a. Commissions multilatérales d'interchange

Visa s'engage à modifier ses taux de commissions multilatérales d'interchange applicables aux transactions domestiques (2) de sorte que leur moyenne (3) ne dépasse pas 0,28 %.

Ce plafond de la moyenne s'appliquera aux paiements réalisés par des cartes consommateurs (4), les cartes commerciales étant exclues de l'engagement.

Dans cette limite, Visa demeurera libre de déterminer la nature et le niveau des diverses composantes de ses commissions de cartes consommateurs pour autant que leur moyenne respecte le plafond ci-dessus.

b. Commissions interbancaires sur les opérations de retrait d'espèces aux distributeurs automatiques

Visa s'engage à réduire la commission interbancaire sur les opérations domestiques de retrait d'espèces aux distributeurs automatiques en France, en portant celle-ci au niveau de 0,55 euro.

c. Mise en œuvre

Les présents engagements sont souscrits pour une durée de 48 mois, soit 4 ans, à partir de leur entrée en vigueur, laquelle interviendra le 1er novembre 2013.

Pendant la durée des engagements. Visa adressera, trois mois après la fin de chaque période annuelle du 1er novembre au 31 octobre de l'année suivante, un rapport détaillé confidentiel à l'Autorité de la concurrence sur la mise en œuvre des engagements durant la période annuelle précédente.

En cas de changement significatif des circonstances pertinentes pour apprécier le caractère approprié de ces engagements, il est entendu que Visa pourra saisir sans délai l'Autorité de la concurrence d'une demande de révision ou de suppression des présents engagements en application du point 46 du communiqué de procédure ou dans le cas où l'Autorité de la concurrence adresserait une notification de griefs ou une évaluation préliminaire à Visa relative en tout ou partie aux cartes commerciales ou si la Commission européenne adresse un document équivalent relatif à la France ou incluant cette dernière.

2. AUTRES COMMISSIONS

S'agissant des opérations exceptionnelles de capture de cartes, demande de documentation et retrait d'espèces en guichet, Visa déclare que :

- les niveaux actuels de ces commissions sont déjà très inférieurs aux niveaux acceptés par l'Autorité dans la décision GIE CB du 7 juillet 2011 ;

- les volumes d'opérations concernées par ces commissions sont absolument insignifiants et parfois même nuls ;

- il n'existe aucun projet visant à mettre en œuvre de quelque manière que ce soit une hausse du niveau de ces commissions.

Si un projet de hausse du niveau de ces commissions se faisait jour pendant la durée des présents engagements. Visa s'engage à se rapprocher de l'Autorité avant toute mise en œuvre en apportant des justifications économiques adéquates.

3. PUBLICATION

Visa publiera sur son site internet les niveaux des commissions faisant l'objet des présents engagements ou déclarations.

<Signatures>

Notes :

1 Les cartes commerciales sont les cartes de paiement identifiées comme telles remises par des entreprises, y compris des personnes physiques exerçant une activité indépendante, ou des organismes à leurs personnels pour assurer le règlement de leurs dépenses professionnelles.

2 Les transactions domestiques sont définies comme étant les transactions effectuées par un porteur d'une carte émise en France auprès d'un commerçant situé en France.

3 Moyenne pondérée annuelle pour l'ensemble des commissions multilatérales d'interchange concernées, calculée comme le résultat de la division du montant total des commissions payées au cours d'une période donnée par le montant total des transactions afférentes. Le calcul sera réalisé sur la période allant du 1er novembre au 31 octobre de l'année suivante.

4 Qu'il s'agisse de transactions face-à-face ou à distance.