CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 septembre 2013, n° 11-17720
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Texier (SA)
Défendeur :
Design Sportswears (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Baechlin, Azincourt, Bernabe, Tremolet
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société Design Sportswears, qui exerce son activité de vente de prêt-à-porter féminin sous l'enseigne Gérard Darel, a confié à la société Texier la fabrication d'articles de maroquinerie à titre de façonnier, entre la fin de l'année 2005 et une partie de l'année 2008, au cours de laquelle elle a cessé ses commandes.
Considérant qu'elle avait été victime d'une rupture brutale des relations commerciales, la société Texier a fait assigner, par acte du 16 octobre 2009, la société Design Sportswears en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement prononcé le 23 septembre 2011, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit qu'en rompant brutalement, sans préavis ni écrit ni oral, les relations établies avec la société Texier, la société Design Sportswears exerçant sous l'enseigne "Darel Gérard" a contrevenu aux dispositions de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce ;
- condamné la SAS Design Sportswears exerçant sous l'enseigne "Darel Gérard" à payer à la SA Texier la somme de 90 250 et débouté la SA Texier de ses autres demandes d'indemnisation ;
- condamné la SAS Design Sportswears exerçant sous l'enseigne "Darel Gérard" à payer à la SA Texier à la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires aux présentes dispositions.
Vu l'appel interjeté le 3 octobre 2011 par la société Texier contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 avril 2012 par la société Texier par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a caractérisé l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre la société Texier et la société Design Sportswears à l'initiative et imputable à la société Design Sportswears exerçant sous l'enseigne Gérard Darel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a sur le principe fait droit aux demandes d'indemnisation des préjudices résultant pour la société Texier de cette rupture brutale des relations commerciales établies dont est l'auteur la société Design Sportswears ;
Cependant,
- réformer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice économique de la société
Texier à une période de préavis de trois mois et ainsi à la somme de 90 250 ;
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Texier de ses autres demandes d'indemnisation ;
Statuant de nouveau,
- condamner la société Design Sportswears au paiement de la somme de 427 649 (quatre cent vingt-sept mille six cent quarante-neuf euros) et au minimum à la somme de 220 564,42 (deux cent vingt mille cinq cent soixante-quatre euros et quarante-deux cents) à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice économique résultant pour la société Texier de cette rupture brutale des relations commerciales ;
- condamner la société Design Sportswears au paiement de la somme de 273 378,06 (deux cent soixante-treize mille trois cent soixante-dix-huit euros et six cents) à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice social résultant pour la société Texier de cette rupture brutale des relations commerciales ;
- condamner la société Design Sportswears exerçant sous l'enseigne Gérard Darel à reprendre possession des stocks des articles de cuir dédiés en contrepartie du règlement de la somme de 26 281,23 HT (vingt-six mille cent quatre-vingt-un euros et vingt-trois cents HT) ;
- condamner la société Design Sportswears exerçant sous l'enseigne Gérard Darel au paiement de la somme de 20 000 (vingt mille euros) au titre de l'article 700 du CPC ;
- assortir les condamnations au titre des dommages et intérêts accordés à la société Texier en réparation de ses préjudices des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, et jusqu'à parfait paiement ;
- prononcer la capitalisation des intérêts sur l'ensemble des sommes mises à la charge de la société Design Sportswears.
La société Texier soutient que la société Design Sportswears a rompu brutalement et totalement les relations commerciales établies, au sens de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, en ne respectant aucun délai de préavis écrit, ni oral, et alors même que la société Design Sportswears l'a laissée croire légitimement à la poursuite de ces relations commerciales, ce qui l'a, au surplus, empêchée d'organiser sa reconversion.
Elle fait valoir qu'elle a subi un préjudice économique, faute de délai de préavis, et un préjudice social tenant aux coûts financiers liés aux licenciements et départs volontaires d'une partie de ses salariés. Elle demande en outre la condamnation de la société Design Sportswears à reprendre les stocks dédiés moyennant le règlement de la somme de 26 281,23 euros.
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 mars 2012 par la société Design Sportswears par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par la 16e chambre du Tribunal de commerce de Paris en date du 23 septembre 2011 en ce qu'il a dit qu'en rompant brutalement, sans préavis ni écrit ni oral, les relations établies avec la SA Texier, la SAS Design Sportswears exerçant sous l'enseigne Gérard Darel a contrevenu aux dispositions de l'article L. 442-6-5 du Code de commerce ;
- l'infirmer en ce qu'il a, en conséquence, condamné la SAS Design Sportswears exerçant sous l'enseigne Gérard Darel à payer à la SA Texier la somme de 90 250 euros outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SA Texier de ses autres demandes d'indemnisation ;
Et statuant de nouveau,
- dire et juger que la SAS Design Sportswears et la société Texier n'ont jamais entretenu de relations commerciales établies ;
- dire et juger que la cessation des commandes de la SAS Design Sportswears était prévisible, et qu'elle n'avait dès lors aucun caractère brutal.
- dire et juger que les négligences fautives de la société Texier, notamment les retards de livraison, ont contribué à écourter les échanges commerciaux ponctuels intervenus avec la SAS Design Sportswears Gérard Darel ;
En tout état de cause,
- dire et juger que la société Texier n'apporte aucune justification aux préjudices qu'elle prétend avoir subi du fait de la cessation des commandes de la SAS Design Sportswears Gérard Darel ;
- dire et juger que le préjudice économique prétendument subi par la société Texier ne saurait être évalué en fonction de son chiffre d'affaires, mais uniquement en fonction de sa marge brute.
En conséquence,
- débouter la société Texier de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la société Texier à régler à la SAS Design Sportswears Gérard Darel la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
La société Design Sportswears soutient que la société Texier n'a pas apporté la preuve d'une quelconque faute qui lui aurait causé directement un préjudice en ce qu'il n'a jamais existé de relations commerciales établies entre elles. Elle précise que la cessation de ses commandes était prévue, que celles-ci n'étaient pas faites pour s'inscrire dans la durée et qu'elles ont été constamment entravées par les carences de la société Texier.
La société Design Sportswears fait valoir ensuite que la société Texier ne démontre pas la preuve d'un quelconque préjudice, ce qui traduit une mauvaise foi de sa part et des demandes injustifiées.
Elle considère, concernant le préjudice économique, que la baisse d'activité de la société Texier est due à une mauvaise gestion commerciale s'ajoutant au contexte de la crise économique de l'année 2008.
La société Design Sportswears prétend enfin que la société Texier n'a pas prouvé le lien de causalité entre la faute et le préjudice qu'elle invoque.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
L'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, dont se prévaut la société Texier énonce que : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...). Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".
Il convient donc, en l'espèce, d'examiner si une relation commerciale établie s'est instaurée entre les sociétés Design Sportswears et Texier, dans l'affirmative, si la rupture a été brutale, puis, quelle aurait dû être la durée du préavis au regard, notamment, de la durée de la relation commerciale et des usages du commerce.
Sur l'existence de relations commerciales établies entre les sociétés Design Sportswears et Texier et la rupture
La relation commerciale établie visée par les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° se caractérise comme étant régulière, significative et stable sur une certaine durée.
Selon la société Texier les montants de commandes ont été les suivants :
2005 : - 1 497 pièces pour la saison automne-hiver
2006 : - 10 400 pièces pour la saison automne-hiver / - 4 579 pièces pour la saison Printemps-été
2007 : - 9 030 pièces pour la saison automne-hiver / - 4 778 pièces pour la saison Printemps-été
2008 : - 4 270 pièces pour la saison Printemps-été
Les données émanant de la société Design Sportswears sont différentes à la marge, mais ne démentent pas le mouvement important de hausse entre les années 2005 et 2006, pour amorcer une légère baisse 2007 et un arrêt en 2008, année pour laquelle elle indique avoir commandé 300 pièces pour la saison automne-hiver 2008-2009.
Il n'est pas contesté entre les parties qu'elles sont entrées en contact à la fin de l'année 2005, la société Texier livrant à la société Design Sportswears 1 497 sacs. Contrairement à ce que soutient cette dernière, aucun des échanges produits ne permet de constater qu'elle aurait alors précisé à la société Texier que leur relation n'était pas amenée à durer et qu'elle ne recourait à elle que de façon ponctuelle, dans l'attente de l'installation d'un futur fournisseur en Chine, ou pour pallier des creux de fabrication. Le courriel du 21 septembre 2005, par lequel M. Gerbi de la société Design Sportswears, invite Mme Cohen à prendre contact avec la société Texier, qui ne précise rien du contenu d'une conversation téléphonique, qui aurait été passée entre le tanneur dénommé Jacques-Yves et M. Texier, ne prouve nullement que M. Texier aurait été informé de ce que les commandes, qui lui seraient passées par la société Design Sportswears, ne le seraient que pour une courte durée.
Le fait que la société Design Sportswears ait eu recours à d'autres fabricants, pendant la période considérée et que la société Texier l'ait su, n'empêchait pas celle-ci de pouvoir compter sur une certaine stabilité des commandes, puisque, pendant deux ans, les commandes s'étaient succédées dans un flux continu. De même, le fait que les deux sociétés aient pu se trouver en concurrence sur le marché de la vente de sacs, n'était pas de nature à laisser envisager à la société Texier que la relation ne durerait pas, dès lors que cette situation n'avait pas constitué un obstacle pour que la société Design Sportswears fasse appel à elle pour la fabrication d'un produit phare de ses collections et, qu'en tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces que cette question ait jamais été évoquée entre les deux partenaires.
Sur ce point, le fait que, dans un courriel du 22 mars 2006, la personne prénommée Fabienne de la société Texier ait indiqué à Mme Deschamps de la société Design Sportswears, au sujet de la fabrication des housses qui devaient emballer les sacs, "Il est évident que si nous partions sur des quantités plus importantes, à condition de connaître vos besoins dans les six mois à venir, nous obtiendrions des prix plus attractifs", démontre qu'à cette date, qui se situe au début des relations commerciales entre les deux sociétés, la société Texier interrogeait la société Design Sportswears sur ses projets pour les six mois à venir, mais ne donne aucune indication sur ce qu'elle a pu raisonnablement envisager dans la suite de la relation. Il convient à ce sujet de relever qu'il n'est pas établi que la société Texier se serait plainte de l'absence totale de prévisibilité des commandes et du peu de quantité de marchandises mis en fabrication à la demande de la société Design Sportswears. Le courriel adressé le 29 mars 2007, par Fabienne de la société Texier à M. Voisin de la société Design Sportswears, demandant si le stock de tissu doublure en couleur grise et marron foncée devait être conservé pour les productions hiver 2007 et 2008, ne démontre pas non plus que la société Texier aurait envisagé qu'elle pourrait ne pas avoir à fournir la société Design Sportswears pour cette saison, puisque celle-ci pouvait, s'agissant d'un accessoire de mode, décider de changer de catégorie ou de couleur de tissu pour les doublures de ses sacs à la saison suivante. Il convient à ce sujet de relever que la société Design Sportswears ne démontre pas qu'elle aurait répondu à ce courriel en émettant un doute sur la continuité des commandes qui se succédaient, alors, depuis plus d'un an et qu'elle aurait alerté la société Texier de ce qu'elle pourrait ne plus avoir recours à ses services. Elle ne démontre, de plus, pas davantage que la société Texier aurait fait passer la fabrication de ses propres produits avant celle des commandes de la société Design Sportswears et qu'elle aurait eu à se plaindre de non-respect de délais de livraison, auxquels la société Texier se serait engagée.
Par ailleurs, il importe peu que les commandes de la société Design Sportswears auprès de la société Texier auraient concerné des réassorts d'un faible montant par rapport aux quantités globales fabriquées pour elle, par d'autres façonniers, dès lors qu'au regard des montants de commandes de la société Design Sportswears, de leur régularité et de leur stabilité pendant deux années, la société Texier, à laquelle aucun avertissement, ni aucune réserve, n'avaient été adressées, pouvait légitimement s'attendre à une certaine durée de la relation commerciale ainsi instaurée.
La société Design Sportswears ne contredit pas le fait invoqué par la société Texier qu'elle aurait, sans l'avertir de sa décision, arrêté toute commande à partir de la fin de l'année 2008. Il ressort des pièces produites que la société Design Sportswears aurait laissé son fournisseur dans l'expectative et l'espérance de commandes, puisqu'à la suite d'une demande de prix effectuée par elle, dans un courriel du 16 septembre 2008, et des offres transmises en retour, le lendemain, par la société Texier, puis de nouvelles offres à un prix moindre pour liquider les stocks de matières premières par celle-ci, la société Design Sportswears a fini par répondre le 12 décembre 2008, au sujet du stock de cuir : "(...) Comme je vous l'avais annoncé au téléphone, pour l'instant, compte tenu du choix des coloris nos boutiques n'ont aucun besoin. Nous en avons bien pris note et nous ne manquerons pas de revenir vers vous un peu plus tard".
En dépit de cette affirmation qui laissait sa partenaire attendre de nouvelles commandes, elle n'en a plus passé aucune.
La société intimée fait valoir qu'elle n'a pas rompu la relation commerciale, mais qu'elle a diminué progressivement ses commandes. Ce mode de rupture n'est cependant pas conforme à ce qu'exige l'article L. 442,6, I, 5° du Code de commerce, qui précise que le préavis doit être écrit, proportionné, notamment, à la durée de la relation commerciale et, enfin, être conforme aux usages du commerce. N'ayant ainsi adressé aucun préavis écrit, avant la rupture de la relation commerciale, la société Design Sportswears s'est rendue responsable d'une rupture brutale. Elle ne saurait, à ce sujet, invoquer le fait que la société Texier n'aurait pas respecté les délais de livraison, ou qu'elle aurait été incapable de lui assurer les délais qu'elle demandait. En effet, elle invoque à cet égard soit des ajustements datant de 2005, normaux et admissibles au début d'une relation commerciale, soit une annulation de neuf commandes au motif que les livraisons ne pourraient intervenir qu'en avril 2008, effectuée par courriel du 9 novembre 2007, c'est-à-dire dans un délai permettant parfaitement à la société Design Sportswears de s'adresser à un autre façonnier, soit un courriel du 18 février 2008, signalant une difficulté dans une livraison concernant la pause d'illets métalliques, qui n'apparaît pas s'être reproduite à la suite de ce signalement. Seul un courriel parmi ceux invoqués, reproche un défaut de livraison dans les délais fixés, mais il y a été répondu le lendemain, par l'envoi des pièces réclamées. De plus, cette réponse permet de constater que si, à cette période, des délais prévisionnels n'ont pas été respectés, la société Design Sportswears en était avertie et en était en partie responsable, puisqu'elle a maintenu les délais initiaux, en dépit de difficultés de livraison des cuirs, dont elle avait elle-même demandé le renvoi au fournisseur en raison de leur mauvaise qualité. En tout état de cause, cet échange ne permet pas de constater que la société Texier aurait commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles justifiant une rupture sans préavis. Enfin, si les capacités de fabrication et de livraison lui disconvenaient, elle pouvait parfaitement rompre leurs relations, mais dans le respect des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce soit en lui adressant un préavis écrit, lui permettant de réorienter sa production.
A ce sujet il convient, enfin, de relever que la contestation par la société Texier de ce que son adversaire ne peut justifier la rupture par les délais de livraison, ne constitue nullement une reconnaissance de "son incapacité à respecter les délais fixés".
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'une relation commerciale s'était établie entre les sociétés Texier et Design Sportswears, entre la fin de l'année 2005 et la fin de l'année 2008, et que cette relation commerciale établie avait été brutalement rompue par la société Design Sportswears.
Sur le délai de préavis
La société Texier soutient que le préavis qui aurait dû lui être accordé ne pouvait, "conformément aux usages" dépasser six mois.
Outre qu'elle ne produit aucune justification des usages qu'elle revendique, il convient de relever que la relation commerciale a duré trois ans et que compte tenu de cette durée, ainsi que du caractère ouvert du marché concerné, et de la part que représentaient les commandes de la société Design Sportswears dans le chiffre d'affaires de la société Texier, soit, selon ses propres indications, entre 6 et 10 %, le préavis raisonnable pour lui permettre de réorienter son offre aurait dû être de trois mois, ainsi que l'a retenu le tribunal.
Sur le préjudice de la société Texier
Il convient sur ce point de rappeler que le préjudice indemnisable au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce est celui qui résulte du défaut de respect d'un préavis. Il est donc équivalent au bénéfice qu'aurait pu réaliser l'entreprise victime de la rupture brutale pendant la durée du préavis, préjudice qui se traduit par la perte de marge brute pour la durée équivalente.
La société Texier ne saurait, dans ces conditions, demander réparation d'une perte de chiffre d'affaires, ni du coût des licenciements et primes de départ à la retraite accordées à 12 salariés, dont le versement ne peut être l'effet de la rupture d'une relation commerciale qui a duré trois ans et qui représentait au maximum 10 % de son chiffre d'affaires, quelles que soient sur ce point les déclarations du comité d'entreprise ou de la direction de la société à cet égard.
Il résulte des données de la société Texier, non contestées par la société Design Sportswears que le chiffre d'affaires réalisé entre elles a représenté, pour les trois années de leur relation commerciale : 1 056 369,50 euros en 2006, 1 059 206,93 euros en 2007 et 355 139,70 euros en 2008, soit une moyenne mensuelle de 68 631 euros. La société Design Sportswears ne conteste pas que la marge brute réalisée par la société Design Sportswears ait été de 42,98 %, ainsi qu'il est attesté par l'expert-comptable de celle-ci. La marge brute mensuelle s'établit donc, au regard de ces éléments, à la somme de 29 497,60 euros. Ainsi, le préjudice subi par la société Texier s'élève à la somme de 88 492,81 euros et le jugement sera réformé sur ce point.
La société Texier demande par ailleurs la reprise contre remboursement, concernant le seul stock de cuir. Cependant, contrairement à ce qu'elle prétend, elle a parfaitement la possibilité d'utiliser ce stock à des façonnages de fournitures autres que celles destinées à la société Design Sportswears. En tout état de cause, elle ne produit aucun élément justificatif de la valeur de ce stock et le jugement qui a rejeté sa demande sur ce point doit être confirmé.
Sur les frais irrépétibles
Il n'y a pas lieu au regard de l'ensemble de ce qui précède à prononcer de condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les demandes des parties sur ce point seront rejetées.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Paris le 23 septembre 2011, sauf en ce qu'il a condamné la société Design Sportswears à payer à la société Texier la somme de 90 250 euros ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne société Design Sportswears à payer à la société Texier la somme de 88 492,81 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt ; Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Texier aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.