CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 13 septembre 2013, n° 11-20659
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Navyl (SARL), Asas
Défendeur :
Feiyue (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Fromantin, Bachelez, Baechlin, Ruffin
La société Feiyue a pour activité, au vu de son extrait d'immatriculation au Tribunal de commerce de Paris, l'importation, l'exportation, la représentation et la commercialisation de tous produits et articles, notamment accessoires informatiques, électroniques, téléphoniques et articles textiles et maroquinerie en provenance et à destination de tous pays.
Elle commercialise en France depuis 2006 en France des chaussures de sport sous la marque "Feiyue", revendiquant s'être inspirée d'une chaussure en toile légère, portée traditionnellement dans les années 1920 qu'elle a redessinée pour lui donner une apparence plus stylisée et l'adapter à la mode urbaine.
La société Feiyue est notamment devenue titulaire des marques suivantes :
- la marque française semi-figurative n° 06 3 426 388 déposée en couleurs le 2 mai 2006 en classe 25 notamment pour désigner les produits suivants : "vêtements (habillement), chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chapellerie", ainsi représentée :
- la marque figurative française n° 06 3 426 391 représentant le profil d'une chaussure déposée le 2 mai 2006 en classe 25 pour désigner les 'chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques)', ainsi représentée :
Elle expose s'être aperçue en mars 2010 des dépôts de marques françaises suivants au nom de la société Universelle et de Monsieur Abdul Naim Asas :
- demande d'enregistrement de marque française semi-figurative Tora Bora n° 10 3703840 déposée le 12 janvier 2010 et publiée le 19 février 2010 notamment en classe 25 pour désigner les "vêtements chaussures, chapellerie, chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures ; (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements", ainsi représentée :
- demande d'enregistrement de marque française semi-figurative Feiyue Sport n° 10 3703456 déposée le 9 janvier 2010 et publiée le 12 février 2010 en classe 25 pour désigner les "Vêtements, chaussures, chapellerie ; Chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements", ainsi représentée :
Par lettres recommandées en date du 19 mars 2010, la société Feiyue a mis en demeure la société Universelle et de Monsieur Abdul Naim Asas de retirer ces demandes d'enregistrement et de cesser l'utilisation de ces signes à titre de marque, dénomination sociale, nom de domaine ou tout autre signe distinctif.
Par un courrier en date du 13 avril 2010 à entête de la société Universelle, ayant une activité d'import-export, achat, vente de linge de maison, tissus, pièces détachées de voiture, vêtement de prêt à porter, matériel de bâtiment, édition et publicité, vente ambulante de vêtement, maroquinerie, et signé par Monsieur Abdul Naim Asas, les déposants ont indiqué procéder au retrait de la demande d'enregistrement de la marque française Feiyue Sport et au retrait des deux chevrons de la demande d'enregistrement de la marque Tora Bora.
Cependant, le 19 avril 2010, la Brigade des douanes de Paris Nord a informé la société Feiyue que 420 paires de chaussures présumées contrefaire ses droits de propriété intellectuelle faisaient l'objet d'une retenue.
L'importateur des marchandises, expédiées par la société Shanghai Shanglong Shoes, était la société Universelle située [...] et le destinataire la société Navyl située [...].
Le 28 avril 2010, les douanes ont remis à la société Feiyue des échantillons des marchandises litigieuses placés sous scellés douaniers.
Par ordonnance rendue sur requête en date du 28 avril 2010, la société Feiyue a été autorisée à faire procéder à une saisie-contrefaçon au sein de la société Universelle, laquelle a été effectuée le 29 avril 2010. Le gérant de cette société a indiqué à l'huissier qu'il ne détenait aucun des produits argués de contrefaçon, lesquels avaient été saisis par les douanes, et a remis un contrat de distribution établi, d'après lui, par le titulaire de la marque chinoise ainsi qu'un contrat de licence.
C'est dans ces conditions que par actes en date du 30 avril 2010, la société Feiyue a fait assigner en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale la société Universelle, Monsieur Abdul Naim Asas et la société Navyl devant le Tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement en date du 30 septembre 2011 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- rejeté la demande de nullité des marques françaises pour dépôt frauduleux,
- déclaré irrecevable la demande de nullité fondée sur l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle,
- dit qu'en déposant la marque française Feiyue Sport n° 10 3703456, Monsieur Asas et la société Universelle ont commis des actes de contrefaçon de la marque française Feiyue n° 06 3 426 388 au préjudice de la société Feiyue,
- dit que les sociétés Universelle et Navyl en important et détenant des baskets se sont rendues coupables de contrefaçon des marques françaises n° 06 3 426 391 et 06 3 426 388 dont est titulaire la société Feiyue,
- dit que les sociétés Universelle et Navyl ont commis des actes de concurrence déloyale, distincts des actes de contrefaçon, au préjudice de la société Feiyue,
- condamné in solidum Monsieur Asas et la société Navyl à payer à la société Feiyue la somme de 5 000 euros au titre de l'atteinte portée à la marque française Feiyue n° 06 3 426 388,
- condamné in solidum les sociétés Universelle et Navyl à payer à la société Feiyue la somme de 40 000 euros en réparation de son entier préjudice au titre de la contrefaçon de ses marques françaises n° 06 3 426 391 et 06 3 426 388 et de la concurrence déloyale,
- interdit aux sociétés Universelle et Navyl l'importation, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de baskets portant atteinte aux marques françaises n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,
- dit que l'astreinte commencera à courir passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement et ce, pendant une durée de trois mois,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- débouté la société Feiyue de l'ensemble de ses autres demandes,
- condamné in solidum les sociétés Universelle, Navyl et Monsieur Asas aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
- condamné in solidum les sociétés Universelle, Navyl et Monsieur Asas à payer à la société Feiyue la somme de 8 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Universelle a été déclarée en liquidation judiciaire selon jugement du Tribunal de commerce de Pontoise en date du 17 octobre 2011.
La société Navyl et Monsieur Abdul Naim Asas ont interjeté appel du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 30 septembre 2011 par déclaration du 18 novembre 2011.
Par dernières écritures signifiées le 18 juin 2012, la société Navyl et Monsieur Abdul Naim Asas demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 30 septembre 2011 en ce qu'il a débouté la société Feiyue de sa demande du chef de contrefaçon de la marque Tora Bora n° 103 703 840, jugé qu'aucun fait de concurrence déloyale n'est établi par la mauvaise qualité des produits incriminés ni par la reprise de la gamme de couleurs, jugé mal fondées les demandes du chef du parasitisme et au titre du droit à l'information et débouté la société Feiyue de ses demandes de rappels de marchandises et de publication,
- infirmer ledit jugement pour le surplus de ses dispositions,
- dire et juger que les demandes d'enregistrement de marques françaises semi-figuratives "Tora Bora" n° 10 3703840 et "Feiyue Sport" n° 10 3703456 ne constituent pas l'imitation de la marque antérieure "Feiyue" n° 06 3 426 388,
- dire et juger qu'ils sont recevables à agir en nullité des marques n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391 invoquées par la société Feiyue, pour indisponibilité des signes déposés et dépôts frauduleux,
- dire et juger que les marques n° 06 3426388 et n° 06 3426391sont nulles pour atteinte aux droits d'auteur antérieurs détenus sur la représentation d'un double chevron et en raison du caractère frauduleux de leur dépôt à la date du 2 mai 2006,
- dire et juger, en tout état de cause, qu'aucun acte de contrefaçon ne saurait être imputable aux sociétés Universelle (sic) et Navyl, ainsi qu'à Monsieur Abdul Naim Asas,
- débouter la société Feiyue de l'ensemble de ses demandes et prétentions du chef de contrefaçon de marques,
- constater le retrait des demandes d'enregistrement litigieuses et l'absence de tout préjudice subi par la société Feiyue,
- dire qu'il n'y pas lieu à indemnisation du fait des dépôts et subsidiairement réduire le quantum des condamnations prononcées par le tribunal de ce chef,
-réduire le quantum des condamnations prononcées par le tribunal du fait de l'importation et de la détention des produits litigieux saisis,
- constater que la société Feiyue ne justifie, au titre des prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire allégués, d'aucun fait distinct de ceux allégués au titre de la contrefaçon de ses marques n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391,
- dire et juger que les prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés par la société Feiyue aux sociétés Universelle (sic), Navyl et à Monsieur Abdul Asas ne sont pas caractérisés,
- dire et juger, en tout état de cause, que les sociétés Universelle (sic), Navyl et Monsieur Abdul Asas ne se sont rendus coupables d'aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de la demanderesse,
- débouter la société Feiyue de l'intégralité de ses demandes du chef de concurrence déloyale et parasitaire,
à titre subsidiaire,
- constater que la société Feiyue ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue des préjudices invoqués,- réduire le quantum des condamnations du chef de concurrence déloyale par le tribunal,
en tout état de cause,
- condamner la société Feiyue à leur verser la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers de première instance et d'appel.
L'affaire, initialement distribuée pôle 5 chambre 1 a fait l'objet d'une redistribution au pôle 5 chambre 2 le 1er août 2012.
Par dernières écritures signifiées le 20 mars 2013, la société Feiyue entend voir :
- déclarer la société Navyl et Monsieur Abdul Naim Asas irrecevables, à tout le moins mal fondés, en leur appel,
- la déclarer recevable et fondée en toutes ses demandes,
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 30 septembre 2011 en ce qu'il a débouté la société Navyl et Monsieur Abdul Naim Asas de toutes leurs demandes, et notamment de leurs demandes en nullité des marques françaises n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391, et déclaré que la société Navyl et Monsieur Asas se sont rendus coupables d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale en déposant la marque française n° 10 3703456 et en important, détenant et commercialisant les chaussures litigieuses,
- infirmer ledit pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que le dépôt par Monsieur Abdul Naim Asas de la demande d'enregistrement de marque française Tora Bora n° 10 3703840 pour désigner les produits en classe 25 constitue un acte de contrefaçon par imitation, en application des articles L. 713-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, de la marque française Feiyue n° 06 3 426 388 dont elle est titulaire,
- ordonner à la société Navyl et à Monsieur Asas de communiquer tous les documents ou informations en sa possession, et notamment des factures, permettant d'identifier les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits litigieux ainsi que des grossistes et des détaillants et d'autre part, les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, et ce sous astreinte in solidum de 500 euros par jour de retard,
- interdire à la société Navyl et à Monsieur Asas l'importation, la détention, la distribution, l'offre à la vente et la vente de produits portant atteinte aux marques françaises n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391, et ce, sous astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de (l'arrêt) à intervenir, la cour se réservant le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées,
- condamner in solidum la société Navyl et Monsieur Asas à lui verser :
- la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice commercial subi par elle du fait des actes de contrefaçon,
- la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée aux marques françaises n° 06 3 426 388 et n° 06 3 426 391 dont elle est titulaire,
- la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle du fait des actes de contrefaçon,
- la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- ordonner à titre de complément de dommages et intérêts, la publication du jugement du Tribunal de grande instance de Paris avent mention de l'arrêt à intervenir en entier ou par extrait dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais exclusifs et avancés et in solidum de la société Navyl et de Monsieur Asas, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 25 000 euros HT, et ce, sous astreinte in solidum de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jour à compter de la réception du bon à tirer,
- condamner in solidum Monsieur Abdul Naim Asas et la société Navyl à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum Monsieur Abdul Naim Asas et la société Navyl aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant qu'il y a lieu au préalable de relever que la société Universelle, qui a, selon les écritures des appelants, été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Pontoise en date du 17 octobre 2011, n'est pas partie à la procédure d'appel qui a été initiée par la société Navyl et par Monsieur Abdul Naim Asas ; qu'en conséquence les demandes formées au nom de cette société ne sont pas recevables ;
Que par ailleurs ni la recevabilité de l'appel ni la recevabilité à agir de la société Feiyue n'étant contestée, il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points ;
Sur la nullité du dépôt des marques n° 06 3 426 38 et n° 06 3 426 391 :
* sur le fondement de droits antérieurs :
Considérant que selon l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment aux droits d'auteur (...) ;
Que selon l'alinéa 3 de l'article L. 714-3 du même Code, seul le titulaire de ces droits antérieurs peut agir en nullité sur ce fondement ;
Or en l'espèce pour conclure à l'infirmation du jugement sur ce point les appelants invoquent des droits d'auteur antérieurs sur 'la représentation stylisée d'un double chevron apposé sur l'empeigne de chaussures' détenus par la société Shanghai Shenlong Shoes, tiers à la procédure, et dont la société Universelle aurait été "l'exploitant exclusif", et se prévalent d'un pouvoir spécialement consenti à la société Universelle par cette société chinoise afin de défendre les intérêts de cette dernière sur le territoire français ;
Considérant cependant, outre le fait qu'il a été dit que la société Universelle n'est pas partie à la procédure d'appel et que c'est donc en vain que les appelants se prévalent d'un quelconque pouvoir de cette dernière pour agir aux lieu et place d'une société chinoise, ni la société Navyl ni Monsieur Asas ne prétendent ni a fortiori ne démontent être titulaires de droits d'auteur sur "un double chevron apposé sur l'empeigne de chaussures" antérieurs aux marques opposées ;
Que le jugement qui a déclaré irrecevable la demande en nullité de ce chef mérite donc confirmation ;
* sur le fondement de la fraude :
Considérant que poursuivant leur demande de nullité des marques opposées, les appelants font valoir que les dépôts de celles-ci ont été réalisés en fraude "des sociétés chinoises précitées" sur la "dénomination originale Feiyue" ainsi que sur les éléments caractéristiques du modèle de baskets traditionnelles chinoises Feiyue ;
Considérant que si l'action en nullité d'un enregistrement d'une marque, limitativement ouverte par l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, n'exclut pas que cette action puisse être engagée par tout tiers intéressé sur le fondement de la fraude, encore faut-il que celle-ci soit caractérisée au jour du dépôt soit en l'espèce en mai 2006 ;
Or le tribunal a relevé par une juste analyse que la cour adopte qu'à cette date il n'existait aucune volonté de la société Universelle ni de Monsieur Asas de commercialiser sur le marché français des baskets en toile chinoises puisque le contrat de licence portant sur la marque chinoise dont se prévaut l'appelant a été conclu postérieurement le 3 décembre 2009 ;
Que par ailleurs, il résulte des différentes pièces versées aux débats, traduites du chinois, censées établir les droits de la société Shanghai Shenglong Shoes sur la dénomination Feiyue en Chine et faisant état d'un différend entre cette société et la société intimée, que si des négociations ont bien été entreprises entre la société Feiyue et les sociétés Shanghai Shenglong Shoes et Shanghai Dafu Rubber, elles l'ont été en 2008 et en 2009 concernant une éventuelle coopération pour la fabrication et la commercialisation des chaussures en Chine, et à supposer que la société Shanghai Dafu Rubber soit "le propriétaire de la marque Feiyue originelle", ces documents ne justifient pas plus une quelconque intention d'exploitation des signes litigieux en France, ni même d'une exploitation en Chine, de la marque Feiyue, antérieurement aux dépôts des marques françaises opposées ;
Que par ailleurs le "livre interne" édité par la société Shanghai Dafu Rubber Co et la "traduction libre de sa date figurant sur la première page du livre produit en pièce n° 31",dont la provenance est ignorée et le contenu incertain, ne permettent pas davantage d'établir la fraude invoquée ;
Qu'enfin la société Feiyue ne revendiquant aucun droit sur un quelconque modèle déposé, c'est à bon droit que le tribunal s'est effectivement "cru dispensé de répondre sur ce moyen", lequel consistait sans doute à contester la nouveauté dudit modèle ;
Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Navyl et Monsieur Asas de leur demande en nullité des marques enregistrées sous les n° 06 3 426 38 et 06 3 426 391 ;
Sur la contrefaçon :
Considérant qu'il a été dit que la société Universelle et de Monsieur Abdul Naim Asas ont procédé le 12 janvier 2010 au dépôt de la marque française semi-figurative Tora Bora enregistrée sous le n° 10 3703840 pour désigner notamment en classe 25 des chaussures et le 9 janvier 2010 au dépôt de la marque française semi-figurative Feiyue Sport enregistrée sous le n° 10 3703456 pour désigner en classe 25 notamment les chaussures ;
Considérant par ailleurs que la Brigade des Douanes de Paris Nord a procéder le 19 avril 2010 à la mise en retenue, conformément à l'article L. 716-8 du Code de la propriété intellectuelle de 420 paires de chaussures présumées contrefaire la marque Feiyue et destinées à la société Navyl ;
Qu'il résulte du procès-verbal de la BSI Paris Nord en date du 29 avril 2010 ainsi que des photographies annexées à la procédure, que ces chaussures comportent la mention Feiyue sur la languette et sur la semelle intérieure ; que sur les côtés extérieurs des chaussures sont présents des chevrons blanc et rouge, que le modèle de chaussures est une copie d'un modèle existant, que la semelle extérieure est striée et comporte le logo rouge Feiyue et que les boites en carton contenant les paires de chaussures présentent la mention "Feiyue" ;
Considérant que les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon ;
Qu'il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné ;
Considérant que les produits visés par les marques en cause sont identiques s'agissant de chaussures ;
Que l'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Que d'un point de vue visuel, la marque Feiyue n° 06 3 426 388 dont est titulaire la société Feiyue est composée du mot "Feiyue" inscrit en lettres minuscules grasses précédées de deux chevrons, de droite à gauche, bleus et rouges, séparés par un espace blanc, encastrés l'un dans l'autre, la pointe vers la gauche, et suivies d'un point carré ;
Que la demande d'enregistrement de la marque Tora Bora se caractérise par deux signes composés chacun de deux chevrons encastrés l'un dans l'autre, l'un bleu et rouge et l'autre gris et rouge, et au-dessous desquels se trouve la dénomination Tora Bora ; que cette marque se lit Tora Bora Tora Bora ;
Que la demande d'enregistrement de la marque Feiyue Sport est composée de deux chevrons rouges et bleus situés à droite d'un cercle dans lequel figure les mots Feiyue Sport et en haut à gauche, trois séries de trois traits arrondis évoquant des ailes ; que cette marque se lit Feiyue Sport ;
Que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a considéré que le signe Feiyue signifierait en chinois "voler et traverser" et serait employé dans cette langue pour symboliser la dualité de l'élévation du corps et de l'esprit mais n'aura pas de sens immédiat pour le consommateur français qui percevra tout au plus son origine asiatique ;
Que les termes Tora Bora évoquent dans un jeu de mot à la fois la bible et les îles ;
Considérant que si les signes Feiyue et Tora Bora ont en commun des chevrons, ceux-ci sont, dans la marque première, tournés vers la gauche et mettent en valeur l'élément verbal Feiyue tels des guillemets alors que dans la marque Tora Bora les chevrons évoquent deux flèches en mouvement tournées vers la droite et se situent au-dessus de l'élément verbal ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que nonobstant l'identité des produits concernés, la faible similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble exclut tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de contrefaçon de la marque Feiyue n° 06 3 426 388 par le dépôt de la marque Tora Bora n° 10 3703840 ;
Considérant en revanche, s'agissant du dépôt de la marque Feiyue Sport que celle-ci reprend deux chevrons rouge et bleu et la dénomination Feiyue suivie de la mention Sport purement descriptive ;
Que l'identité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne qui sera amené à attribuer aux produits proposés une origine commune ;
Que la contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée de par le dépôt de la marque n° 10 3703456, en lui-même contrefaisant peu importe la date de son retrait, et le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que les chaussures noires bases et blanches montantes saisies par les douanes comportent sur le côté un double chevron blanc et rouge, pointe vers la droite ; sur la semelle intérieure est reproduit le signe Feiyue, et sur la languette est apposée une étiquette qui reprend en partie la marque Feiyue Sport et comprend des inscriptions en chinois apposées en haut et en bas d'un cercle surmonté de trois séries de trois traits arrondis ;
Qu'il résulte de ces éléments que l'identité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui, conforté par les inscriptions en chinois sera amené à attribuer aux produits proposés une origine commune ;
Que la contrefaçon par imitation de la marque n° 06 3 426 388 est ainsi caractérisée de par l'importation et la détention des marchandises mises en retenue par les douanes le 19 avril 2010 ;
Que le jugement sera donc également confirmé de ce chef ;
Considérant que la marque n° 06 3 426 391 reproduit le dessin d'une chaussure de sport à bouts arrondis recouverts de caoutchouc dont la distinctivité, au demeurant non contestée, résulte de l'apposition de deux chevrons et de la dénomination Feiyue ;
Que les chaussures saisies comportent la dénomination Feiyue ainsi que des chevrons ; qu'elles constituent la reproduction quasi identique du signe complexe protégé, les quelques différences relevées quant à la hauteur de la chaussure ou au positionnement de l'élément verbal n'étant pas de nature à écarter la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble, laquelle entraîne un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui sera amené à attribuer aux produits proposés une origine commune ;
Que la contrefaçon de la marque n° 06 3 426 391 est donc également caractérisée de par l'importation et la détention des chaussures objets de la retenue douanière du 19 avril 2010 ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
Considérant que c'est par une juste analyse que la cour adopte que le tribunal a considéré que les chaussures "Feiyue Lo" et "Feiyue Hi" commercialisées par la société Feiyue se caractérisent par une semelle beige crantée, visible même lorsque les chaussures sont portées, et au centre de laquelle figure une pastille rouge, et que la reprise de ces éléments par les appelants selon le même agencement, associée à l'imitation des marques opposées, ne procède pas de l'exercice de la libre concurrence mais traduit une volonté délibérée d'entretenir la confusion dans l'esprit du public entre les produits en cause et constitue dès lors un acte de concurrence déloyale alors qu'en revanche aucune faute n'est caractérisée par la mauvaise qualité des produits incriminés qui n'est pas suffisamment établie, ni par la reprise de la gamme de couleurs, noire et blanche, qui est banale dans le domaine considéré ;
Considérant enfin que la société Feiyue justifie de l'importance de ses investissements publicitaires relatifs aux modèles de chaussures en cause, par la production d'articles et de presse et d'attestations comptables ; que la société Navyl, qui ne justifie quant à elle d'aucun élément de nature à établir ses propres efforts de création et de promotion des modèles incriminés, a ainsi manifesté sa volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société Feiyue pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par ses modèles de chaussures ;
Qu'il s'ensuit que la société Feiyue est bien fondée à invoquer des actes de parasitisme commis à son encontre par la société Navyl ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que la cour trouve en la cause les éléments suffisants pour allouer à la société Feiyue la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi du fait des dépôts par Monsieur Asas et la société Navyl de la marque française Feiyue Sport n° 10 3703456 ;
Concernant qu'il résulte des procès-verbaux établis par l'administration des douanes que 420 paires de chaussures ont été saisies réellement et 900 ont fait l'objet d'une saisie fictive ; que par ailleurs la valeur unitaire sur le marché authentique est de 50 euros ;
Qu'en considération de ces éléments, il convient d'allouer à la société Feiyue, qui ne saurait invoquer des faits de contrefaçon étrangers au présent litige pour évaluer son préjudice, la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice commercial, et ce sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de communication de pièces supplémentaires, la provenance des chaussures incriminées étant en l'espèce suffisamment déterminée ;
Que les atteintes portées aux marques dont la société Feiyue est titulaire seront justement réparées par l'octroi à cette dernière de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, le surplus des demandes, notamment le préjudice moral également invoqué et qui résulterait selon elle de l'atteinte portée à la réputation et à l'image de la marque Feiyue étant rejeté, faute de démonstration d'un tel préjudice qui se distinguerait des atteintes portées aux marques opposées qui sont déjà indemnisées ;
Considérant que le préjudice de la société Feiyue résultant des actes de concurrence déloyale ci-dessus caractérisés sera réparé par l'octroi de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et le jugement confirmé de ce chef ;
Que la société Navyl sera en outre condamnée à payer à la société Feiyue la somme de 5 000 euros au titre du parasitisme ;
Qu'il convient enfin, à titre de complément d'indemnisation, d'autoriser la publication du dispositif du présent jugement selon les modalités précisées au dispositif ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il y a lieu de condamner in solidum la société Navyl et Monsieur Asas parties perdantes, aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Qu'en outre, ils doivent être condamnés sous la même solidarité à verser à la société Feiyue, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 10 000 euros.
Par ces motifs : Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 30 septembre 2011 en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Dit que la société Navyl a en outre commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Feiyue. Condamne en outre la société Navyl à payer à la société Feiyue la somme de 5 000 euros au titre du parasitisme. Autorise la publication du dispositif du jugement du Tribunal de grande instance de Paris avent mention du présent arrêt dans trois journaux ou revues au choix de la société Feiyue et aux frais in solidum et avancés de la société Navyl et de Monsieur Asas, sans que le coût global de chacune de ces publications ne puisse excéder la somme de 4 000 euros HT, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de signification de la présente décision. Condamne in solidum Monsieur Abdul Naim Asas et la société Navyl à payer à la société Feiyue la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne in solidum Monsieur Abdul Naim Asas et la société Navyl aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.