CA Montpellier, 2e ch., 17 septembre 2013, n° 12-05690
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Arès (SARL)
Défendeur :
Naja Immobilier Urbain (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
Mme Olive, M. Prouzat
Avocats :
Mes Salvignol Guilhem, Salles, Monestier, Arpaillange
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société à responsabilité limitée Arès, exploitant un magasin de prêt-à-porter à Rodez sous l'enseigne Arlène, a signé, le 20 septembre 2006, avec la société Naja Mobilier Urbain (société Naja) un contrat de location de mobilier urbain pour le fléchage publicitaire de son enseigne.
La durée irrévocable de ce contrat a été fixée à 4 ans à compter de la pose du mobilier urbain. Il était prévu que, sans dénonciation de la part du locataire dans le délai de 3 mois précédant le terme par lettre recommandée avec accusé de réception, le contrat serait renouvelé par tacite reconduction pour une période égale.
La pose du panneau publicitaire a été réalisée le 22 décembre 2006.
La société Arès s'est acquittée des loyers convenus.
Le 1er février 2011, la société Naja a émis une facture de 5 234,87 euros correspondant à l'annuité 2011.
Par courrier du 11 février 2011, la société Arès a indiqué que la tacite reconduction, certes mentionnée dans le contrat, ne lui avait pas été précisée oralement lors de la signature et qu'il s'agissait d'une méthode abusive à laquelle elle entendait se soustraire d'autant que sa gérante âgée de 66 ans envisageait la vente du fonds de commerce et ne souhaitait pas reconduire le contrat.
En réponse du 18 février 2011, la société Naja a rappelé les termes du contrat relativement au renouvellement tacite du contrat de location et a vainement mis en demeure la société Arès de s'acquitter de l'annuité 2011, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2011.
La société Naja a assigné la société Ares, par exploit du 26 août 2011, devant le Tribunal de commerce de Perpignan afin d'obtenir paiement de la somme de 5 298,78 euros, au titre de la facture et des frais d'impayés, outre intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2011.
Par jugement contradictoire du 3 juillet 2012, le tribunal a fait droit aux demandes de la société Naja et lui a alloué la somme de 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Arès a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, demandant à la cour de rejeter les demandes de la société Naja au visa de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ou de la condamner à lui payer des dommages et intérêts du même montant. Subsidiairement, elle invoque le défaut de consentement à la clause de reconduction tacite incluse dans les conditions générales du contrat de location, et très subsidiairement, demande que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts de la société Naja. Reconventionnellement, elle réclame une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que :
- la clause de reconduction tacite pour une durée de 4 ans est abusive puisqu'elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens des dispositions de l'article L. 443-6-I-2° [sic] du Code de commerce résultant de la loi de modernisation du 4 août 2008, applicable en l'espèce, puisque le litige porte sur le nouveau contrat renouvelé le 22 décembre 2010 ;
- la société Naja a engagé sa responsabilité et doit réparer le préjudice qu'elle subit soit par le rejet de ses prétentions soit par l'octroi de dommages et intérêts équivalant à la somme réclamée ;
- le recto du contrat de location qu'elle a signé mentionne au titre des conditions particulières qui prévalent sur les conditions générales, la durée irrévocable de 4 ans et ne fait aucune allusion à une reconduction pour la même durée ; la seule signature apposée sous la mention "acceptation client conditions générales au verso" ne suffit pas à prouver la réalité du consentement donné au titre de la clause de reconduction tacite rédigée en petits caractères peu lisibles et insérée dans un chapitre sans aucun rapport avec la durée ("type de contrat") ;
- il n'est pas indiqué qu'elle a pris connaissance de toutes les conditions générales ;
- si la société Naja avait été de bonne foi, elle aurait dû lui rappeler, avant le terme, sa faculté de dénonce pour éviter la reconduction ;
- la société Naja n'a pas correctement rempli ses obligations puisqu'elle n'a pas proposé une adaptation des publicités insérées dans le panneau publicitaire, ce qui fonde la résiliation du contrat, à titre subsidiaire.
La société Naja Mobilier Urbain a conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle réplique que :
- les clauses de tacite reconduction insérées dans les contrats entre professionnels sont valables et ne sont pas abusives dans la mesure où leur exécution ne crée pas un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- l'encadrement de ces clauses prescrit par l'article L. 136-1 du Code de la consommation dans les contrats entre professionnels et consommateurs, ne s'applique pas aux contrats entre sociétés commerciales ;
- en tout état de cause, ces clauses sont valables et leur validité ne saurait être remise en cause ;
- la société Arès a accepté expressément les conditions générales figurant au verso du contrat en apposant sa signature sous la mention d'une telle acceptation ;
- le consentement n'a pas été vicié ;
- sa demande en paiement est bien fondée, faute de dénonciation du contrat initial dans les trois mois avant le terme ;
- elle est bailleresse d'emplacement publicitaire, et la société Arès, locataire annonceur, est seule responsable et maître du message publicitaire, de son changement ou de sa suppression ;
- il est stipulé que c'est à la demande de l'annonceur, qu'elle peut supprimer ou procéder au changement partiel ou total du message publicitaire, aux frais de celui-ci ;
- elle n'est ni publicitaire ni conseiller en communication et la décision de changement du message inséré dans le panneau publicitaire loué incombait à la société Arès, qui n'a fait aucune demande en ce sens pendant 4 ans ;
- la résiliation du contrat ne saurait donc être prononcée ;
- la société Arès s'est délibérément soustraite à son obligation de paiement et doit donc l'indemniser à ce titre.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 29 mai 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'application des dispositions de l'article L. 443-6-I-2° [sic] du Code de commerce issues de la loi du 4 août 2008
Le contrat de location de mobilier urbain du 20 septembre 2006, à effet du 22 décembre 2006, stipule en son article 2 qu'il est renouvelable et conclu pour une durée irrévocable de quatre ans et que, sauf dénonciation trois mois avant l'expiration, par l'une ou l'autre partie, il se trouve automatiquement renouvelé par tacite reconduction pour une période égale.
Il est acquis que ni la société Arès ni la société Naja n'ont dénoncé le contrat avant le 22 septembre 2010.
La société Arès soutient que la clause susvisée serait abusive et engagerait la responsabilité de la société Naja sur le fondement des dispositions légales susvisées, en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L'application du texte issue de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, au contrat renouvelé à compter du 22 décembre 2010, n'est plus discutée en cause d'appel.
Dans la mesure où la faculté de mettre un terme au contrat appartient de façon égale à chaque partie et qu'il se reconduit aux conditions antérieures, il n'apparaît pas que les modalités de la reconduction caractérisent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations du bailleur du mobilier urbain et de l'annonceur. Il n'existe en outre aucun rapport de dépendance de la société Arès vis-à-vis de la société Naja.
La responsabilité de la société Naja ne peut donc pas être recherchée, de ce chef.
Sur la bonne foi contractuelle et l'opposabilité de la clause de reconduction tacite
La société Arès fait valoir qu'elle n'a pas donné son consentement à la clause de reconduction tacite et, qu'en tout état de cause, la société Naja a manqué à son obligation loyale d'exécution du contrat en ne lui rappelant pas avant le terme, la faculté de dénonce afin d'éviter le renouvellement de celui-ci.
Sur ce dernier point, la cour rappelle que les dispositions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation qui impose une obligation d'information au professionnel prestataire de services envers le consommateur, sur la possibilité de ne pas reconduire le contrat, ne concernent pas les contrats conclus entre les sociétés commerciales.
Dès lors, la société Arès qui a souscrit le contrat de location de mobilier urbain pour les besoins de son activité professionnelle ne peut pas invoquer utilement la déloyauté de la société Naja, au titre d'un défaut d'information sur les modalités de non-reconduction du contrat.
Le contrat composé de quatre pages recto-verso contient les conditions particulières mentionnant notamment la durée de 48 mois du contrat et les conditions générales de vente qui stipulent à l'article 2, en caractères lisibles, que le contrat est renouvelable par tacite reconduction, à défaut de dénonciation dans les trois mois précédant son terme.
La gérante de la société Arès a apposé sa signature au-dessous de la mention suivante "Acceptation Client conditions générales au verso".
Une telle mention établit que la société Arès a nécessairement pris connaissance des conditions générales du contrat puisqu'elle les a acceptées expressément, étant observé que l'assertion "acceptation client" est imprimée en lettres majuscules.
Elle ne saurait invoquer valablement l'inopposabilité et le défaut d'adhésion aux conditions générales et par suite, à la clause de renouvellement du contrat par tacite reconduction.
Le fait que cette clause figure sous le titre "Type de contrat" et que la feuille tarifaire ainsi que la facture de la première annuité mentionne la durée de 48 mois, sans référence à la reconduction du contrat, ne saurait caractériser l'existence de manœuvres destinées à tromper la société Arès et à lui faire croire que le contrat expirerait en décembre 2010, sans nécessité de dénonce préalable.
Le consentement de la société Arès n'a pas été vicié et les moyens développés, sur ce point, ont été justement rejetés par le premier juge.
Sur la demande de résiliation du contrat
La société Arès n'apporte pas la preuve lui incombant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations mises à la charge de la société Naja qui, en sa qualité de bailleresse, devait mettre à la disposition de l'annonceur un mobilier urbain en bon état d'entretien durant la durée de la location. La société Arès, en sa qualité d'annonceur, devait fournir le message publicitaire à insérer dans le panneau publicitaire. L'initiative du changement ou de la suppression de celui-ci, lui incombait et les frais entraînés par la dépose devaient faire l'objet d'une facturation supplémentaire. La société Arès n'a pas sollicité de prestations complémentaires au titre d'une publicité personnalisée soumise à devis préalable.
La mauvaise exécution alléguée n'est pas établie.
Sur la demande en paiement de la société Naja
A défaut de dénonciation du contrat dans les trois mois précédant son terme, la société Arès est bien redevable de l'annuité exigible à compter du 22 décembre 2010, outre les frais de gestion prévus contractuellement, d'un montant global de 5 298,78 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2011, en application de l'article 1153 du Code civil.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes
La société Naja ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le paiement, réparé par les intérêts moratoires et la participation forfaitaire aux frais de gestion, susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation complémentaire.
Sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre partie en cause d'appel.
La société Arès, succombant en son appel, supportera la charge des dépens d'appel.
Les frais afférents à la procédure d'injonction de payer initiée par la société Naja le 23 mai 2011 ayant abouti à une caducité, ne sauraient être compris dans les dépens de première instance et mis à la charge de la société Arès.
La demande faite en ce sens par la société Naja sera rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris ; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre partie ; Déboute la société Naja de sa demande d'intégration aux dépens des frais de la procédure d'injonction de payer engagée le 23 mai 2011 ; Condamne la société Arès aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.