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Décisions

ADLC, 20 septembre 2013, n° 13-D-17

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques de MasterCard relevées dans le secteur des cartes de paiement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Sarah Subrémon, de M. Cédric Nouël de Buzonnière, l'intervention de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par M. Bruno Lasserre, président, Mmes Elizabeth Flüry-Hérard, Claire Favre ainsi que MM. Patrick Spilliaert, Emmanuel Combe, vice-présidents.

ADLC n° 13-D-17

20 septembre 2013

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 27 février 2009 sous le numéro 09-0017 F, par laquelle la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD) a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques relatives aux commissions interbancaires appliquées aux différents moyens de paiement en France ; Vu la décision du 2 février 2011 par laquelle la rapporteure générale a procédé à la disjonction, au sein du dossier 09-0017 F - 10-0008 F, de la partie relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes bancaires "CB" et à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0012 F ; Vu la décision du 12 juillet 2011 par laquelle la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012 F la partie de cette affaire relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes de paiement et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0053 F ; Vu la décision du 17 septembre 2012 par laquelle la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012 F la partie de cette affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement MasterCard et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de la présente procédure sous la référence 12-0077 F ; Vu les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions de secret des affaires n° 13-DSA-14 du 15 janvier 2013, n° 13-DSA-15 du 15 janvier 2013, n° 13-DSA-42 du 31 janvier 2013, n° 13-DSA-48 du 7 février 2013 et n° 13-DSA-179 du 11 juin 2013 ; Vu les décisions de déclassement n° 13-DECR-13 du 28 mars 2013, n° 13-DEC-17 du 28 mars 2013 et n° 13-DEC-19 du 29 mars 2013 ; Vu la proposition d'engagements du 3 mai 2013 de MasterCard Incorporated, MasterCard International Incorporated, MasterCard Europe SPRL, et MasterCard France SAS (collectivement dénommées ci-après "MasterCard") ; Vu les réponses au test de marché présentées par Eurocommerce, le Groupement des Cartes Bancaires, la Fédération Bancaire Française, le Conseil du Commerce de France, La Banque Postale, la FCD et l'Association pour la Défense des Utilisateurs de Moyens de Paiement Européens ; Vu la proposition révisée d'engagements de MasterCard du 19 septembre 2013 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale, le commissaire du Gouvernement et les représentants de MasterCard et de la FCD entendus lors de la séance du 11 juillet 2013 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. PROCÉDURE

1. L'Autorité de la concurrence a été saisie, le 27 février 2009 d'une plainte de la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (ci-après, la FCD), enregistrée sous le numéro 09-0017 F, contre des pratiques relatives aux commissions interbancaires appliquées aux différents moyens de paiement utilisés en France. La saisissante dénonce, en particulier, des pratiques anticoncurrentielles liées à la création et à la mise en œuvre de commissions interbancaires multilatérales ou de commissions multilatérales d'interchange (ci-après "CMI") appliquées aux opérations par les cartes MasterCard émises en France. Elle demande également la suppression des clauses de non-discrimination et de la règle d'honorer toutes les cartes imposées par MasterCard.

2. La saisine de la FCD avait à l'origine un champ plus large et concernait les commissions interbancaires applicables à l'ensemble des moyens de paiement, à l'exception du chèque, ainsi que certaines clauses contractuelles imposées par les systèmes de cartes de paiement.

3. Par décision du 3 mai 2010, la rapporteure générale a joint le dossier 09-0017 F au dossier 10-0008 F. Ce dernier dossier était relatif à une saisine du Conseil du Commerce de France (ci-après, CdCF) relatif à des pratiques du seul Groupement des Cartes Bancaires (ci-après, GIE CB).

4. Par décision du 2 février 2011, la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 09-0017 F - 10-0008 F la partie de cette affaire relative aux pratiques autres que celles concernant les cartes bancaires "CB" et procédé à l'ouverture d'un nouveau numéro d'enregistrement pour l'instruction de cette partie distincte sous la référence 11-0012 F. Le dossier 09-0017 F - 10-0008 F a été clos par la décision n° 11-D-11 par laquelle l'Autorité de la concurrence a accepté et rendu obligatoires les engagements proposés par le GIE CB.

5. Par décision du 17 septembre 2012, la rapporteure générale a disjoint de l'affaire 11-0012 F la partie de cette affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement MasterCard, qui a été enregistrée sous le numéro 12-0077 F, ainsi que la partie de l'affaire relative aux pratiques concernant les cartes de paiement Visa, enregistrée sous le numéro 12-0078 F.

6. La présente procédure concerne les CMI fixées par MasterCard et appliquées ou liées aux opérations domestiques par carte de paiement MasterCard en France.

B. LES PRATIQUES DÉNONCÉES PAR LA SAISISSANTE

7. Selon la FCD, les CMI constituent des ententes anticoncurrentielles qui restreignent, par leur objet et par leurs effets, la concurrence sur le marché des services d'encaissement. Ces commissions établiraient notamment des prix planchers sur ce marché ce qui ferait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant, en l'espèce, leur hausse.

8. S'agissant des clauses imposées par les systèmes de paiement par carte, et en particulier la règle d'honorer toutes les cartes, la FCD rappelle que, dans la décision du 19 décembre 2007, MasterCard (1), la Commission européenne a estimé que ce type de clause a notamment pour effet d'empêcher "les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits MasterCard reconnaissables alors qu'ils acceptent d'autres cartes ou d'autres produits MasterCard différents. [Cette] obligation garantit aux émetteurs de cartes MasterCard la possibilité d'émettre plusieurs types de cartes, générant des commissions d'interchange différentes, en étant certains que les commerçants et les acquéreurs seront tenus d'accepter tous les produits" (§ 508). Ainsi, "la fonctionnalité concernant l'obligation d'honorer tous les produits renforce les effets restrictifs des CMI de MasterCard sur la concurrence par les prix entre les banques acquéreuses" (2) (§ 509).

9. Dès lors que les commerçants payent des commissions plus ou moins élevées selon le type de carte MasterCard qui leur est présenté, l'analyse de la Commission européenne serait, selon la FCD, transposable au cas d'espèce. La saisissante demande à l'Autorité que ces clauses soient supprimées.

10. Enfin, la fédération à l'origine de la saisine considère que ces pratiques ne peuvent obtenir le bénéfice d'une exemption dans la mesure où les conditions cumulatives d'application ne seraient pas réunies, en particulier celle portant sur la nécessité des commissions interbancaires sur les paiements pour le fonctionnement d'un système de paiement ouvert.

C. LE SECTEUR ET LES ACTEURS CONCERNÉS

11. La carte de paiement, apparue à la fin des années 1960 en France, est un moyen de paiement très utilisé en France. En 2011, 8,2 milliards de transactions ont été effectuées par carte, ce qui représente près de 46 % des paiements scripturaux réalisés en France. En valeur, les transactions par carte représentaient quasiment 400 milliards d'euros en 2011. L'usage de la carte continue à se développer aujourd'hui, bien que les taux de croissance soient inférieurs à ceux des années 1980 ou même 1990. Ce développement se fait principalement au détriment du chèque, dont la part en volume est passée de 50 % en 1996 à 37 % en 2000, et à peine 17 % en 2011 (3).

Evolution des paiements, en volume et en valeurs (1998 à 2010)

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE>

Source : Banque de France.

12. Les cartes MasterCard concernées par la présente affaire fonctionnent au sein d'un système quadripartite, c'est-à-dire qu'elles impliquent, outre le système de paiement, quatre acteurs : le débiteur, sa banque, le bénéficiaire et la banque de ce dernier, dite banque acquéreur.

13. Il convient dès lors de décrire le schéma global de fonctionnement de ce type de système (1), avant de présenter plus précisément les systèmes de paiement par carte actifs en France (2), la situation de MasterCard en France (3) et de préciser le cadre légal européen (4).

1. LE SYSTÈME QUADRIPARTITE

14. Le schéma suivant présente les différents acteurs impliqués dans une opération de paiement :

Le système "quatre coins" de MasterCard

<EMPLACEMENT SCHEMA>

15. Ainsi que l'expliquait la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques du GIE CB, ce type de système met en jeu trois niveaux d'interactions :

- entre le système de paiement et les banques : la plate-forme que constitue le système de paiement fournit un ensemble de services aux banques, tant celle du porteur que celle de l'accepteur. En particulier, la plate-forme dispose d'un réseau permettant le traitement des opérations de paiement par carte. Pour assurer son fonctionnement, le système de paiement coordonne les pratiques de ses membres en fixant des normes et protocoles communs ;

- entre les deux banques parties au paiement : ces banques font transiter sur le réseau du système de paiement des données sur les transactions par carte (en vue de l'autorisation du paiement par exemple) et procèdent in fine au transfert des fonds via ce réseau ;

- entre les banques et leurs clients :

- entre la banque du porteur et le titulaire de la carte : la banque met à disposition de son client une carte permettant au porteur d'effectuer des achats dans un réseau de commerçants acceptant ce type de carte, et signe avec son client un contrat porteur. Elle peut aussi fournir des services supplémentaires qui ne sont pas strictement liés aux opérations de paiement, comme les fonctions de crédit. Les cartes MasterCard donnent par exemple accès à un service de retrait d'espèces dans les distributeurs à billets (DAB) et contiennent certains produits assurantiels ;

- entre la banque acquéreur et l'accepteur : la banque gère pour le compte de son client les encaissements par carte. Pour cela, la banque doit fournir à son client un terminal de paiement, qui peut être loué ou vendu. Les relations entre la banque acquéreur et l'accepteur sont contractualisées dans un contrat dit "contrat acquéreur", dont certaines clauses types peuvent être imposées par le système de paiement.

16. Ces différentes interactions donnent lieu au paiement de frais :

- s'agissant des relations entre banques et systèmes de paiement, ces derniers facturent généralement des redevances et des cotisations aux banques. Ils perçoivent notamment des frais pour le traitement des paiements ou retraits par carte, ou pour l'émission de cartes ;

- s'agissant des relations entre le porteur et sa banque, cette dernière perçoit en règle générale une cotisation annuelle forfaitaire permettant au porteur de disposer d'une carte et de l'utiliser autant qu'il le souhaite (avec toutefois une contrainte sur des montants plafonds d'achat ou de retraits par période). Pour les opérations de retraits d'espèces dans les automates bancaires, les porteurs peuvent se voir facturer un montant fixe par retrait effectué en dehors du réseau d'automates de leur banque, en particulier lorsque ces retraits dépassent un certain volume mensuel ;

- s'agissant des relations entre commerçants et banques acquéreurs, ces dernières facturent le plus souvent aux commerçants une commission par transaction pour l'acceptation des cartes de paiement. Ces commissions peuvent soit correspondre à un pourcentage donné de la valeur de la transaction, avec éventuellement un minimum fixe de perception, soit être constituées d'une part fixe et d'une part variable fonction du montant de l'encaissement.

2. LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE PAIEMENT EN FRANCE

a) Le système "CB"

17. Historiquement en France, la plus grande partie des cartes de paiement portent le logo du GIE CB. Selon le rapport sur "les cartes de retrait et de paiement dans le cadre du SEPA" réalisé par Hervé Sitruk pour le Comité consultatif du secteur financier en janvier 2009 (4), le système CB a longtemps été considéré comme le système "national" par son caractère interbancaire, ouvert à toutes les banques en France et constitue "le système de référence en France", par son développement et son fonctionnement. Le système CB est en effet décentralisé, il définit les règles opérationnelles entre les banques. Les fonctions commerciales sont dévolues aux banques, la fonction de compensation est assurée par le système STET, qui assure également la compensation de tous les autres instruments de paiement ; le réseau de transport des autorisations des opérations de retrait et de paiement par carte, l'e-RSB, est destiné à être filialisé comme le sont déjà d'autres activités techniques.

18. De plus, en France, l'acceptation des cartes CB est garantie pour toutes les cartes interbancaires CB en vertu de l'accord dit "d'interbancarité" conclu en 1984 qui permet aux cartes CB émises par une banque d'être acceptées chez les commerçants d'une autre banque affiliée au même système, donc chez tous les commerçants affiliés CB.

19. Selon le GIE CB, environ 60 millions de cartes portent un logo "CB". La très grande majorité de ces cartes sont cobadgées avec un autre système de paiement (Visa ou MasterCard) ; il ne reste aujourd'hui qu'environ 450 000 cartes "CB only" (sur lesquelles ne figure ni le logo Mastercard ni le logo Visa) (5).

20. En termes d'utilisation des cartes par système, selon les estimations de MasterCard, 85 % des transactions par carte sont réalisés dans le système CB.

b) Les systèmes internationaux présents en France

21. Les principaux systèmes internationaux à "quatre coins" présents en France sont les systèmes Visa et Mastercard.

22. Si la plupart des cartes émises en France par les banques portent le double logo CB-Visa ou CB-MasterCard, certaines cartes de systèmes quadripartites émises en France ne portent que le logo MasterCard ou que le logo Visa. On parle alors de cartes MasterCard ou Visa "only". Elles ne représentent encore toutefois qu'une proportion modeste des cartes en circulation. Ainsi, sont en circulation en France [2-5] millions de cartes MasterCard only, et une volumétrie encore inférieure de cartes Visa only.

23. Comme a pu l'expliquer le GIE CB à l'occasion de son audition, Visa et MasterCard se sont développés en France grâce aux accords dits de "cobadging" datant des années 1980. Ces accords "ont permis aux détenteurs de cartes "CB" "cobadgées" d'effectuer des transactions dans ces autres systèmes, dont les points d'acceptation sont très développés à l'étranger. L'accord de "cobadging" comporte deux règles principales. D'une part, toutes les cartes émises par les membres des systèmes Visa et MasterCard sont acceptées dans les points d'acceptation "CB". D'autre part, le GIE "CB" autorise ses membres à émettre des cartes "CB" portant les logos Visa ou MasterCard, qui pourront être utilisées pour régler des transactions hors du système "CB", en particulier à l'étranger" (6).

24. Depuis 2009 et le "déliassage" décidé par le GIE CB, les commerçants n'ont plus l'obligation, en acceptant les cartes CB, d'accepter aussi les cartes Visa et MasterCard. En pratique toutefois, la plus grande partie des accepteurs CB acceptent aussi les cartes Visa et MasterCard. Comme a pu l'expliquer BNP Paribas, "BNP Paribas travaille à l'élaboration de contrats d'acceptation distincts par système de paiement mais n'a reçu, à ce jour, aucune demande de ses clients commerçants visant à n'accepter que des cartes CB, Visa ou Mastercard" (7). De fait, les commerçants qui acceptent les cartes CB acceptent dans leur très grande majorité les cartes Visa et MasterCard : BNP Paribas "estime entre 1 et 3 % les cas d'utilisation d'une carte pour lesquels le client ne pourrait utiliser une carte Visa only ou MasterCard only" (8).

25. D'un point de vue technique, Visa et MasterCard sont connectés au réseau du GIE CB pour récupérer les transactions des porteurs étrangers et s'acquittent à ce titre de certains frais leur permettant de se connecter au e-RSB.

26. Pour toutes les transactions réalisées au moyen d'une carte cobadgée avec CB, MasterCard ou Visa perçoit des frais ("scheme fees") auprès des banques. Ces frais correspondent à une contribution des banques aux coûts de fonctionnement du système MasterCard ou du système Visa, y compris les coûts de promotion des marques de ces systèmes.

27. American Express (ci-après, "Amex") est également un acteur important en France qui fonctionne selon un schéma tripartite sans l'intervention d'établissements financiers. Ces cartes de paiements sont émises et les transactions gérées directement par Amex. Amex disposerait ainsi, selon MasterCard, d'environ 1 million de cartes consommateurs et de 1,3 millions de cartes "professionnelles" (aussi dites cartes "commerciales") en France. Ces cartes commerciales correspondent aux cartes émises auprès de sociétés.

28. Selon les estimations de MasterCard, les cartes privatives représentent 10 % des transactions par cartes de paiement, les cartes American Express 3 %, et les cartes MasterCard environ 0,7 % (9).

c) Les systèmes de cartes accréditives ou privatives

29. Aux côtés des cartes universelles que sont les cartes CB, MasterCard, Visa ou Amex, il existe également des cartes accréditives ou privatives. Comme l'explique la Banque de France (10), les cartes privatives sont en général acceptées dans un nombre restreint de commerces, et sont distribuées par des sociétés financières, généralement filiales de banques, mais aussi parfois de groupes commerciaux, tels des grandes enseignes ou des grands distributeurs. Les cartes accréditives sont des cartes bancaires ou non bancaires émises par des réseaux généralement internationaux ; elles permettent de payer, et éventuellement de retirer de l'argent, ces opérations étant associées à une ligne de crédit.

3. LA POSITION DE MASTERCARD EN FRANCE

30. La proportion des transactions domestiques sur lesquelles les règles définies par MasterCard s'appliquent, notamment les commissions interbancaires, est aujourd'hui limitée à environ 0,7 %. Toutefois, ce chiffre n'est pas représentatif de l'influence de MasterCard sur le marché des cartes de paiement en France.

31. En premier lieu, en France, 24 millions de cartes portent la marque MasterCard. La plus grande partie de ces cartes (plus de 85 %) sont cobadgées avec la marque CB, qui est portée par environ 60 millions de cartes. Avec son parc de cartes cobadgées, MasterCard représente un acteur essentiel des paiements en France. A l'heure actuelle, les transactions domestiques réalisées avec les cartes cobadgées avec CB sont, dans leur quasi-totalité, opérées par le GIE Cartes Bancaires. Ceci est cependant susceptible de changer, puisque le porteur comme le commerçant pourraient, pour les cartes cobadgées, décider d'utiliser la fonction MasterCard de la carte plutôt que la fonction CB.

32. En pratique, aujourd'hui, le choix du système de paiement utilisé pour les cartes cobadgées est fait par le couple commerçant/banque acquéreur, comme a pu l'expliquer le Crédit Mutuel-CIC lors de son audition (11). A titre d'illustration dans son procès-verbal d'audition (12), la FCD a évoqué l'expérience d'un de ses membres qui a demandé à ce que les transactions de faibles montants, pour lesquelles la commission d'interchange MasterCard est réduite par rapport à la commission d'interchange du GIE CB, soient orientées vers MasterCard. Si cette expérience a rencontré des difficultés techniques, du fait que les banques ont historiquement toujours fait opérer les transactions domestiques par cartes cobadgées par CB plutôt que par MasterCard ou Visa et ont configuré leurs systèmes en conséquence, elle est révélatrice d'un biais par lequel MasterCard pourrait rapidement se développer en France. En effet, les difficultés techniques évoquées par la FCD ont vocation à disparaître rapidement : les banques peuvent désormais recourir à des passerelles directes vers MasterCard pour utiliser ces systèmes de préférence à CB, si elles le souhaitent, et ainsi faire appliquer les interchanges MasterCard plutôt que ceux fixés par le GIE CB. MasterCard avait en effet précisé à cet égard qu'"au 31 décembre 2012, les banques devraient toutes avoir une connexion directe aux services MasterCard" (13).

33. A l'avenir, le choix de la marque utilisée pour une carte cobadgée pourrait être fait par le porteur de la carte lui-même. L'article 8 du projet de règlement de la Commission européenne (14) sur les commissions d'interchange pour les transactions par cartes prévoit en effet que lorsqu'un moyen de paiement offre le choix entre différentes marques, la marque utilisée doit être déterminée par le payeur au point de vente.

34. En parallèle de ces cartes cobadgées, [2-5] millions de cartes MasterCard portent le seul logo MasterCard, ce qui représente [4-7] % des cartes universelles en circulation. Pour ces cartes MasterCard only, MasterCard participe au traitement des opérations de paiement ou de retrait. Ce sont les règles MasterCard qui s'appliquent systématiquement, en ce compris les éventuelles commissions interbancaires applicables. Le nombre de cartes MasterCard "only" est en progression constante et relativement rapide. MasterCard a ainsi précisé que la seule banque de Carrefour avait émis environ [2-3] millions de cartes MasterCard only (15), tandis que d'autres banques filiales de groupe de distribution émettaient ce type de cartes. En outre, certaines banques "traditionnelles" commencent à émettre des cartes MasterCard only.

35. Pour chaque modèle de carte (Elite, Platinum, Gold, standard, Cirrus, Maestro), MasterCard définit un tronc commun de services que les banques émettrices doivent rendre aux porteurs de ces cartes. Cela permet au consommateur de choisir et d'identifier les principaux services associés à chaque type de cartes. Chaque banque reste cependant en mesure de personnaliser les services des cartes qu'elle émet au-delà du tronc commun de services.

36. MasterCard a aussi développé des cartes procurant des avantages commerciaux aux porteurs de cartes ("rewards"), dites cartes premium. Pour ces cartes, MasterCard a expliqué être en concurrence en particulier avec les systèmes trois points tels qu'Amex.

37. Pour faciliter et étendre le paiement par carte, MasterCard propose certaines innovations. MasterCard a ainsi développé un "wallet", outil permettant de simplifier le paiement, en particulier par Internet, via les PC, les tablettes ou les téléphones portables. Le "wallet" contient les données de plusieurs cartes de paiement du consommateur. Il peut contenir plusieurs cartes (toutes les cartes de paiement seront acceptées, ex : MasterCard, Visa ou Amex), éventuellement émises par des banques différentes. A chaque transaction, le consommateur pourra choisir son moyen/sa carte de paiement, aucune carte n'étant privilégiée. MasterCard tend également à développer le paiement sans contact en point de vente. L'objectif est de rendre le paiement par carte plus simple et plus rapide, et de favoriser le développement de la carte pour les paiements de petits montants. Le "sans contact" est utilisable sans saisie de Code et donc sans authentification du porteur pour un montant de transaction généralement de moins de 20 €.

38. L'ensemble de ces innovations illustrent la puissance de MasterCard, système mondial reconnu, qui contrôle la plupart des normes et maîtrise tous les aspects du développement d'un système de paiement par carte interopérable régionalement ou mondialement. A titre d'exemple, EMV est depuis 1995 le standard international des cartes de paiement (cartes à puce) et tire son nom des organismes fondateurs et toujours actionnaires : Europay International (absorbé par Mastercard en 2002), MasterCard International et Visa International rejoints par JCB international et American Express au sein de l'organisme de gouvernance EMVCo (basé aux États-Unis). Les normes techniques et fonctionnelles "sans contact" sont des normes Visa et MasterCard.

4. LE CADRE LÉGAL

39. A côté des dernières réglementations en matière d'harmonisation des services de paiement (SEPA, directive sur les services de paiement) et de la monnaie électronique, la Commission européenne a publié en juillet 2013 un projet de règlement sur les commissions d'interchange pour les paiements par carte (16).

40. Le projet de règlement constate la grande variété de niveaux de frais liés aux moyens de paiement ainsi que les fortes différences en termes de régulation entre les différents Etats membres. Il considère que certaines règles ou pratiques des systèmes de paiement s'opposent au développement d'un marché intégré et efficace des moyens de paiement en Europe.

41. Parmi les pratiques en cause figurent les CMI payées à chaque transaction par la banque du commerçant à la banque du porteur de carte. Selon le projet de règlement, ces commissions entre banques seraient répercutées aux commerçants, qui eux-mêmes les refactureraient aux consommateurs dans leurs prix de détail. La concurrence entre systèmes de paiement viserait en pratique à développer l'émission des cartes et tendrait à augmenter, plutôt qu'à diminuer, les CMI qui sont une source de revenus pour les banques émettrices. Ces dernières auraient donc intérêt à choisir d'émettre les cartes des systèmes de paiement qui proposent les CMI les plus élevées. Les systèmes de paiement mettraient en outre en place certaines mesures rendant l'application de ces frais incontournable.

42. Par ailleurs, certaines règles imposées par les systèmes de paiement tendraient à limiter la transparence des prix sur le marché, tant pour les commerçants que pour les consommateurs. En particulier, les commerçants seraient empêchés d'encourager les consommateurs à utiliser les cartes qui conduisent à l'application de frais plus faibles pour eux ; de même, les commerçants se verraient dans l'obligation d'accepter un ensemble de cartes, y compris certaines qui conduisent à l'application de CMI particulièrement élevées. Au final, cet ensemble de règles imposées par les systèmes de paiement limiterait la capacité des clients à favoriser la réduction des frais et impliquerait qu'en pratique les consommateurs les moins aisés subventionnent les moyens de paiement des plus riches. Il pourrait également nuire au lancement de systèmes de cartes à bas coût et d'autres systèmes de paiement.

43. Le projet de règlement européen entend libéraliser et réglementer les commissions d'interchange applicables aux opérations transfrontalières et, à l'issue d'une période transitoire, aux opérations domestiques. Ce projet comprend deux parties : la première présente les règles relatives aux commissions d'interchange, la deuxième contient des dispositions relatives aux règles commerciales qui seront applicables à toutes les catégories d'opérations par carte.

44. Le projet de règlement prévoit qu'à l'issue de la période transitoire, les opérations de paiement par carte de débit consommateurs (transfrontalières et nationales) se verront appliquer une commission d'interchange maximale de 0,20 % de la valeur de l'opération et que les opérations de paiement par carte de crédit consommateurs (transfrontalières et nationales) se verront appliquer une commission d'interchange maximale de 0,30 % de la valeur de l'opération.

45. Concomitamment à ces initiatives règlementaires, la Commission européenne et les autorités nationales de la concurrence continuent d'adopter des décisions interdisant tout arrangement particulier entre opérateurs bancaires portant sur les CMI en vertu des règles européennes de concurrence ou acceptent des engagements visant à plafonner le niveau de ces CMI dans le cadre de procédures négociées (17).

46. En matière de services de paiements par cartes bancaires, l'Autorité a estimé, dans l'affaire n° 11-D-11, que la procédure pouvait être close en contrepartie d'engagements crédibles et vérifiables négociés avec le GIE CB. Dans sa décision, l'Autorité a estimé que "les commissions interbancaires multilatérales du GIE sont des plafonds qui s'appliquent en principe par défaut (...) et qu'il n'était pas exclu que les montants déterminés par le GIE soient systématiquement appliqués par les établissements, les commissions devant alors être considérées comme des commissions interbancaires fixes". L'Autorité précise que "la fixation en commun d'un montant unique pour chacune des commissions interbancaires est donc susceptible de créer une charge financière identique pour tous les établissements, et de les priver de la possibilité de déterminer ce montant de façon autonome". Au terme de cette décision, l'Autorité a conclu que "la CIP (18) est susceptible de restreindre la concurrence, et pourrait donc être considérée comme contraire aux règles communautaires et nationales prohibant les ententes".

47. Toutefois, l'Autorité a également indiqué que le montant des CMI devait être contrôlé, afin d'éviter que les systèmes de cartes ne puissent tirer parti d'une éventuelle réticence des commerçants à refuser les paiements par carte par crainte de voir leurs concurrents capter leur clientèle s'ils refusent de les accepter.

48. Dans sa décision, l'Autorité a privilégié, pour l'analyse du montant de la CMI, la référence au test d'indifférence du commerçant (cf. infra, § § 189-193), se référant notamment, pour justifier ce choix, aux décisions de la Commission européenne en la matière. Depuis le 1er octobre 2011 et pour une durée de quatre ans, la CIP a été réduite à 0,28 % + TBTB, le TBTB (Taux Bilatéral de Transactions Bloquées) étant une composante définie par couple de banques et correspondant au taux de transactions fraudées. Le TBTB valait en moyenne 0,04 %, ce montant devant cependant être revu à la baisse par suite d'une modification du mode de calcul du TBTB applicable au plus tard le 1er janvier 2013. Les premiers éléments fournis par le GIE CB indiquent que les modifications apportées au calcul du TBTB le conduisent à une valeur moyenne de l'ordre de 0,01 % à la date de la présente décision.

49. La procédure impliquant le GIE CB a également eu pour résultat une révision des commissions interbancaires appliquées aux retraits par carte et à des opérations exceptionnelles, telles la capture de carte ou les demandes de documentation. Pour ces commissions, l'Autorité a estimé que, si leur fixation multilatérale pouvait constituer une restriction de concurrence, elles pouvaient être justifiées par des économies de coûts de transaction. Elle a accepté que ces commissions répondant à une logique de service entre banques soient fixées en se référant aux coûts supportés par les banques, et plus précisément aux coûts de la banque la plus efficace.

50. La question des commissions interbancaires, et en particulier des commissions appliquées aux opérations de paiement, continue de faire l'objet de contentieux entre la Commission européenne et les divers systèmes de paiement. En particulier, la Commission a annoncé en avril 2013 avoir ouvert un nouveau dossier concernant MasterCard.

D. LES PRATIQUES EN CAUSE

51. Les commissions d'interchange fixées par MasterCard sont appliquées soit de façon systématique, à l'occasion des paiements ou des retraits par carte "MasterCard only", ou par carte cobadgée MasterCard-CB pour laquelle la fonction MasterCard est utilisée, soit de façon occasionnelle, à l'occasion d'une opération exceptionnelle (capture de carte, demande de documentation, etc.).

1. LES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMISSIONS QUI FONT L'OBJET DE LA PRÉSENTE PROCÉDURE

52. Les cartes MasterCard émises en France revêtent deux fonctions principales : celle de paiement et celle de retrait d'espèces. Ces opérations peuvent induire des prestations particulières et non systématiques. A ces différentes opérations sont associés des montants de commission différents.

a) Organes fixant les commissions multilatérales d'interchange

53. S'agissant de MasterCard, la fixation des tarifications interbancaires et les décisions liées à la création de nouvelles commissions sont organisées en plusieurs étapes par MasterCard Europe. Les propositions émanent du département "interchange" de MasterCard qui travaille en collaboration avec les équipes locales, les départements produit, juridique, innovation, et le management européen.

54. Les grilles tarifaires publiées sur le site Internet de MasterCard confirment que ces décisions sont prises sous la responsabilité du département "Strategy and Régional Development Europe" (19) de MasterCard Europe puis par les services suivants : "Clearing Contact, Finance Contact, Marketing Contact, Opérations Contact".

b) Détermination des commissions d'interchange MasterCard en France

55. L'interchange sur les paiements est, selon MasterCard, "fondamental afin d'assurer une attractivité commerciale pour les émetteurs ainsi que les acquéreurs de cartes en France et, par conséquent, pour les consommateurs/titulaires de carte ainsi que les commerçants en France."

56. Dans son procès-verbal (20) du 1er octobre 2012, MasterCard a indiqué que "les interchanges domestiques sont revus régulièrement en fonction, notamment, d'une part des coûts des émetteurs et d'autre part, des taux d'interchange appliqués par la concurrence" et a précisé que les niveaux de ces commissions avaient été récemment actualisés en France (21).

57. MasterCard a indiqué dans un courrier du 30 janvier 2013 que "compte tenu du faible nombre d'acquéreurs et d'émetteurs de MasterCard en France, il n'existe pas d'étude spécifique des coûts réalisée pour la France. De ce fait, les taux sont déterminés sur la base d'études de coûts effectuées pour d'autres pays et/ou pour les transactions transfrontalières, en plus des considérations concurrentielles" (22).

c) Le niveau de ces commissions

58. Les commissions interbancaires de MasterCard sont déclinées par types de cartes et par types de transactions, qui sont les suivants :

- Chip and PIN : pour les transactions en point de vente avec composition du Code confidentiel ;

- Paypass : pour les paiements sans contact en point de vente (il existe 3 taux Paypass afin que MasterCard puisse inciter à l'utilisation de cette modalité de paiement) ;

- Enhanced electronic : ce taux s'applique très rarement, il correspond aux transactions manuelles avec piste de lecture et signature du porteur ;

- Base : pour les paiements sur Internet, lorsque ni le site ni l'émetteur n'ont mis en place d'élément de sécurité particulier de type 3D Secure, ou pour les paiements non sécurisés (tels que vente par correspondance, vente par téléphone, etc.) ;

- Merchant UCAF : pour les paiements sur Internet, lorsque le site a mis en place des éléments de 3D Secure (il existe deux niveaux de 3D Secure). Il s'agit alors de taux préférentiels pour les commerçants qui ont accepté d'investir pour améliorer la sécurité des paiements ;

- Full UCAF : lorsque le site et l'émetteur ont mis en place des éléments de 3D Secure.

59. Les commissions appliquées aux paiements comportent une part fixe et une part variable. Les taux actuels fixés par MasterCard pour les transactions domestiques en France sont les suivants (23) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

60. Les commissions interbancaires applicables aux retraits ne comprennent qu'une part fixe et sont les suivantes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

61. Dans un courrier versé au dossier, MasterCard a décrit le processus et les considérations qui ont été prises en compte pour faire évoluer les commissions interbancaires sur les transactions domestiques (24). Selon MasterCard, les nouveaux taux introduits le 12 octobre 2012 ont été adoptés en prenant en compte les considérations suivantes :

- "introduction d'un taux pour les paiements de faible valeur (<15 EUR) pour accroitre l'usage des cartes. Pour ce qui concerne la valeur moyenne des transactions estimée à 10 euros, le taux proposé pour les paiements de faible valeur ("Low Value Payment") par MasterCard apporterait une réduction de 0,05 EUR et 0,02 EUR par rapport respectivement au taux Chip ainsi que celui de Cartes Bancaires ("CB"). Grâce à ces incitations, les acquéreurs devraient être en mesure de passer des accords avec les commerçants qui n'acceptent pas les cartes pour les transactions de faibles valeurs. Ceci bénéficierait aux commerçants, aux acquéreurs et aux émetteurs dans la mesure où cela leur apportera des transactions supplémentaires et donc des revenus supplémentaires ;

- réduction des taux pour les supermarchés et les stations-service afin de permettre à MasterCard d'être plus compétitif sur ces commerces, du point de vue des acquéreurs ;

- présentation d'une nouvelle structure de taux PayPass, ainsi que d'un taux PayPass mobile spécifique pour soutenir et accélérer l'innovation des modes de paiements. Le système d'incitation pour PayPass est similaire à ce qui a été appliqué avec succès dans d'autres pays pour l'adoption de la norme EMV et PayPass, c'est-à-dire des taux plus bas pour les terminaux PayPass compatibles lorsqu'une carte non-PayPass est utilisée, et des taux plus élevés quand les cartes PayPass sont utilisées sur des terminaux non compatibles PayPass".

62. Dans ce contexte, l'approche adoptée par MasterCard viserait à soutenir leur stratégie mondiale d'un monde "sans espèces" ("world beyond cash"), en encourageant le déploiement de PayPass et l'utilisation des cartes comme moyen de paiement.

63. S'agissant des frais de service relatifs au DAB, MasterCard a indiqué ne pas disposer de données spécifiques sur les coûts des gestionnaires de DAB en France, mais précise à titre d'exemple que pour les transactions dans l'EEE, ces frais s'élèvent à 0,60 € par transaction.

64. Enfin, MasterCard a communiqué la liste et les montants des commissions interbancaires autres que celles appliquées systématiquement aux paiements et aux retraits. Celles-ci portent sur des opérations "exceptionnelles", à la faible volumétrie, telles que les captures des cartes (25) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

65. S'agissant des commissions pour capture de carte, MasterCard a précisé qu'il fallait distinguer la part revenant à la banque lorsqu'elle capture une carte dans un distributeur automatique de billets ou lorsqu'un de ses clients commerçants capture une carte et la lui remet et l'éventuelle prime versée au commerçant qui a capturé la carte. La part reçue et gardée par la banque se limite à 15 € et correspond aux frais de traitement de la capture. La prime versée au commerçant est reprise dans le tableau précédent.

2. LA CLAUSE DITE "HONOUR ALL CARDS" (HONORER TOUTES LES CARTES) FIGURANT DANS LES CONTRATS D'ACCEPTATION MASTERCARD

66. Cette clause fait partie des clauses que MasterCard impose aux banques acquéreurs d'inscrire dans les contrats d'acceptation pour les commerçants. Selon la règle de MasterCard, le commerçant s'engage à accepter toutes les cartes MasterCard et/ou Maestro (26) pour le paiement de biens ou de prestations de services offerts à sa clientèle. En d'autres termes, le commerçant ne peut opérer de discrimination entre les différentes cartes MasterCard ou entre les différentes cartes Maestro dès lors qu'il a signé un contrat d'acceptation MasterCard avec sa banque.

67. Dans son procès-verbal d'audition du 28 novembre 2012, la FCD conteste ces clauses qui sont imposées à ses adhérents et précise que cette clause provient historiquement des accords de cobadging conclus entre le GIE CB et les systèmes de paiement internationaux.

68. La FCD affirme que "les commerçants ne peuvent, en effet, pas, à ce jour, gérer le coût du paiement par carte Visa et MasterCard au vu de leurs différents prix : ils sont contraints, en application de la clause honour all cards d'accepter toutes les cartes, quelle que soit la commission générée par la carte en question et qui leur sera répercutée" (27).

3. PÉRIODE DES PRATIQUES

69. Dans son procès-verbal (28) du 1er octobre 2012, MasterCard a indiqué fixer "depuis 2006 des commissions d'interchange au plan domestique".

II. L'évaluation préliminaire

70. L'évaluation préliminaire des services d'instruction a été portée à la connaissance de MasterCard le 2 avril 2013 sous la forme d'un procès-verbal conformément à l'article R. 464-2 du Code de commerce et du point 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence. Seront successivement présentés : le marché concerné (a) et les préoccupations de concurrence identifiées (b).

A. LE MARCHÉ CONCERNÉ

1. MARCHÉ DE PRODUITS

71. La définition du marché pertinent a déjà été analysée dans la décision n° 11-D-11 relative aux pratiques mises en œuvre par le GIE CB (§ § 88-94).

72. Ainsi, s'agissant du marché de produits, il apparaît que les autres moyens de paiement, tels que les chèques, les espèces, les virements et les prélèvements, ne constituent pas des substituts étroits aux cartes de paiement.

73. Compte tenu des relations entre acteurs au paiement évoquées précédemment (cf. § 16), trois marchés peuvent être définis s'agissant de la fonction de paiement de la carte :

a. un marché amont sur lequel les systèmes de paiement se font concurrence pour affilier les établissements de crédit ou de paiement et leur fournir des services, notamment pour le traitement des transactions par carte ;

b. deux marchés aval, l'un de l'émission des cartes de paiement sur lequel les établissements de crédit ou de paiement se font concurrence pour distribuer des cartes de paiement et fournir des services associés, l'autre de l'acquisition sur lequel ces mêmes offreurs se font concurrence pour traiter les encaissements des commerçants, et éventuellement des services associés.

74. Les deux marchés aval sont en réalité interdépendants. Le marché de la carte de paiement est un marché biface, qui se caractérise par des externalités de réseau. Ainsi, détenir une certaine carte de paiement a d'autant plus de valeur ajoutée pour un porteur que le réseau de commerçants acceptant cette carte est étendu. Réciproquement, l'acceptation d'un type de carte est d'autant plus incontournable pour un commerçant que le nombre de porteurs de ce type de carte est élevé.

75. Ces distinctions correspondent à la pratique constante de la Commission européenne (décisions du 8 décembre 2010, Visa MIF, aff. COMP/D-1-39.398, du 19 décembre 2007, aff. COMP/34.759, Mastercard et du 24 juillet 2002, aff. COMP/29.373, Visa II).

76. Par ailleurs, dans sa fonction de retrait, deux marchés peuvent être distingués :

a. un marché amont sur lequel se font concurrence les systèmes de paiement pour l'affiliation des établissements de crédit ou de paiement ;

b. un marché aval sur lequel se font concurrence les établissements de crédit ou de paiement pour la distribution des cartes ayant une fonction de retrait auprès des consommateurs.

77. La question d'une segmentation fine des cartes de paiement par type de système de paiement (quadripartite ou tripartite), voire par système de paiement, ou en fonction du type de porteurs (cartes consommateurs et cartes commerciales) n'a pas été tranchée, faute de nécessité pour l'Autorité de le faire au vu de la nature des pratiques en cause.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

78. Dans la présente affaire, les transactions concernées correspondent aux seules transactions domestiques, auxquelles s'appliquent des commissions multilatérales d'interchange spécifiques. Ainsi, le marché géographique qui peut être pris en considération est le marché national.

B. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE

79. L'évaluation préliminaire a considéré que MasterCard aurait mis en œuvre des pratiques susceptibles de revêtir la qualification d'entente anticoncurrentielle prohibée par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, TFUE). Ces pratiques reposeraient sur une décision d'associations d'entreprises (1). MasterCard aurait ainsi fixé des CMI constituant des prix planchers et faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant, en l'espèce, leur hausse (2). Au final, l'évaluation préliminaire a considéré qu'une CMI sur les opérations de paiement pouvait être justifiée si elle permettait concrètement de favoriser l'usage de la carte, moyen de paiement efficace. Son niveau doit cependant rester raisonnable afin que l'ensemble des acteurs bénéficient de l'utilisation plus large de la carte de paiement (3). Enfin, les contrats d'acceptation de MasterCard comporteraient une clause particulière dite "d'honorer toutes les cartes" qui aurait pour conséquence d'empêcher les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits MasterCard (4).

1. CES PRATIQUES REPOSERAIENT SUR UNE DÉCISION D'ASSOCIATIONS D'ENTREPRISES

80. MasterCard Europe est une filiale de MasterCard Incorporated, une société de participations financières appartenant à MasterCard Worldwide. MasterCard Incorporated est une société anonyme privée selon le droit américain soumise aux autorités boursières américaines (SEC).

81. Les commissions interbancaires multilatérales ainsi que les clauses contractuelles qui font l'objet de la présente procédure sont fixées par MasterCard Europe.

82. Les décisions de MasterCard Europe fixant les commissions multilatérales d'interchange sont susceptibles de constituer des décisions d'une association d'entreprises au sens de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE. En effet, il découle de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (devenue Cour de justice de l'Union européenne) que l'existence d'une communauté d'intérêts, ou d'un intérêt commun, est un élément pertinent aux fins d'apprécier l'existence d'une décision d'association d'entreprises au sens de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45/85, Rec. p. 405, point 29). Dans le cas présent, les banques membres de MasterCard Europe ainsi que MasterCard lui-même partagent un intérêt commun en ce qui concerne les commissions sur les paiements et celles sur les retraits.

83. S'agissant en effet des commissions sur les paiements, les banques actives sur le marché de l'émission en France disposent d'un intérêt dans la fixation de CMI à un niveau élevé, puisque les CMI constituent un revenu pour ces banques. Le groupe Crédit Mutuel-CIC avait ainsi expliqué que "sur [son] activité de banque émettrice, il pourrait être avantageux d'émettre des cartes auxquelles sont associés des interchanges élevés. Cela permettrait de générer des revenus plus importants pour cette activité, revenus qui pourraient être utilisés à différentes fins, l'innovation, des tarifs plus réduits pour les porteurs, etc." (29) De même, BNP Paribas a affirmé qu'émettre des cartes dont l'interchange est élevé permettrait "de renforcer les revenus de l'activité d'émission". (30) Les banques actives sur le marché de l'acquisition, n'ont pas de divergence d'intérêt avec celles actives sur le marché de l'émission, puisqu'elles répercutent de façon générale les CMI dans leurs tarifs aux commerçants pour les encaissements (cf. infra), et qu'elles ne supportent donc pas de préjudice à ce que les CMI soient élevées. Par conséquent, l'ensemble des banques partagent un intérêt dans la fixation de CMI à un niveau élevé.

84. De même, MasterCard dispose d'un intérêt à ce que les CMI soient élevées. Comme l'expliquait le Tribunal de l'Union Européenne dans son arrêt MasterCard du 24 mai 2012 (31), les revenus que perçoit MasterCard des banques dépendent en particulier du nombre de transactions par carte MasterCard, qui lui-même est conditionné à "la volonté des banques de proposer des cartes MasterCard à leurs clients. Il est donc dans l'intérêt de l'organisation de paiement MasterCard de fixer des CMI à un niveau considéré comme attractif par les banques". (32)

85. Ce constat de la communauté d'intérêts entre MasterCard et ses membres avait été reconnu pour les commissions sur les paiements par le Tribunal dans son arrêt MasterCard en ces termes : "Dans la mesure où la fixation de CMI à un taux élevé contribue à un nombre plus élevé de transactions et, partant, a une incidence favorable sur les revenus de l'organisation de paiement MasterCard, il peut raisonnablement être conclu qu'il n'y a pas d'opposition d'intérêts entre les actionnaires de MasterCard et les banques". (33)

86. Par ailleurs, en ce qui concerne les commissions sur les retraits, les banques gérant des distributeurs automatiques de billets (DAB) ont intérêt à ce que les commissions qui leur sont versées par les banques des porteurs soient les plus élevées possible, puisqu'elles constituent leur rémunération pour le service de retrait. Les banques de porteurs sont, pour leur part, peu sensibles au niveau de ces commissions qui sont en général répercutées aux porteurs (cf. infra). Enfin, MasterCard peut avoir un intérêt à fixer des commissions sur les retraits élevées afin d'étendre le parc de DAB dans lesquels les porteurs peuvent utiliser une carte MasterCard et ainsi encourager la distribution des cartes MasterCard.

87. Pour les commissions sur les paiements comme pour celles sur les retraits, il apparaît donc que MasterCard et les banques ont des intérêts convergents.

88. L'évaluation préliminaire a donc conclu, à l'instar de la Commission européenne et du Tribunal de l'Union Européenne, qu'en dépit des changements survenus à la suite de l'introduction en bourse de MasterCard Inc., les pratiques de fixation de CMI de MasterCard étaient susceptibles d'être considérées comme des décisions d'association d'entreprises.

2. ANALYSE DES CMI

a) CMI sur les paiements

89. Les CMI ont été évaluées au regard de l'article 101 du TFUE dans le cadre d'investigations récentes sur les marchés des cartes de paiement au plan européen (34) et par l'Autorité de la concurrence dans les décisions n° 11-D-11 et n° 12-D-17 précitées. De plus, le Tribunal de l'Union européenne a, dans un arrêt du 24 mai 2012 (35), confirmé l'analyse produite par la Commission européenne dans sa décision MasterCard du 19 décembre 2007. Cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de Justice de l'Union.

Eventuel objet restrictif de concurrence

90. Par sa nature même de commission liée à une opération de paiement, une CMI influe sur les conditions concurrentielles des deux faces du marché de la carte, et notamment sur les prix finaux.

91. Sur le marché de l'acquisition, les CMI constituent un élément de coût commun pour les banques acquéreurs, qui s'ajoute aux frais qu'elles supportent pour le traitement proprement dit de l'encaissement. Ce coût supplémentaire est susceptible d'être pris en compte par les banques dans leurs tarifs auprès des commerçants et de se traduire par un prix plancher pour la facturation des commerçants par les banques acquéreurs. Plusieurs banques ont reconnu la répercussion des CMI ou de leur évolution sur la tarification des commerçants (cf. infra).

92. MasterCard a implicitement mais nécessairement reconnu ce lien entre tarification interbancaire et tarification des commerçants dans le document qu'il a transmis aux services de l'Autorité intitulé "Méthode appliquée par MasterCard pour déterminer les commissions d'interchange en France" (36). Dans ce document, MasterCard explique avoir diminué ses commissions d'interchange sur les paiements de faibles montants afin que les acquéreurs soient "en mesure de passer des accords avec les commerçants qui n'acceptent pas les cartes pour les transactions de faibles valeurs" (37). La diminution de taux sur ces transactions vise donc à limiter la facturation des commerçants afin que ceux-ci soient plus enclins à accepter des paiements de petits montants. Par ailleurs, MasterCard a prévu un taux d'interchange plus faible pour les transactions faites via un terminal Paypass afin de "compenser les investissements faits par les commerçants sur les terminaux Paypass alors qu'ils ne reçoivent pas encore tous les avantages de la transaction Paypass complète". La notion de compensation montre bien que MasterCard escompte que le taux d'interchange plus faible se traduise directement par une facturation du commerçant réduite.

93. Il est donc apparent que, à l'image de ce que la Commission avait relevé dans sa décision Visa-MIF du 8 décembre 2010 (38), par laquelle elle avait accepté des engagements de réduction des commissions d'interchange appliquées aux transactions transfrontières et certaines transactions domestiques par carte de débit, les CMI ont le potentiel de fixer tout ou partie des prix facturés aux commerçants pour les services d'acquisition. Elles sont dès lors susceptibles de constituer des restrictions de concurrence par objet, qui pourraient tomber sous le coup de l'article 101, paragraphe 1, sous a) du TFUE : celui-ci prévoit expressément que constituent des restrictions de concurrence les mesures qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente.

94. Il faut par ailleurs relever que, dès lors que toutes les banques ont à la fois une activité à l'émission et à l'acquisition, aucune d'elles ne se trouve lésée par la fixation de montants élevés de CMI dans la mesure où elles perçoivent la CMI lorsqu'elles agissent en tant que banques émettrices et répercuteraient les commissions auprès de leurs clients lorsqu'elles agissent en tant que banques acquéreurs. Le plancher de prix pour les commerçants permettrait ainsi de garantir au circuit bancaire une rémunération minimale pour chaque transaction, ce qui renforce l'importance de l'atteinte à la concurrence que ces pratiques sont de nature à causer par leur objet même, et donc les préoccupations de concurrence qu'elles suscitent.

Eventuel effet restrictif de concurrence

95. L'effet des CMI sur les tarifs commerçants n'est pas seulement théorique. Il a été démontré précédemment par la Commission européenne dans sa décision MasterCard, qui a retenu que les CMI de MasterCard avaient un effet restrictif sur la concurrence entre banques acquéreuses (39) du fait qu'elles créaient un prix plancher pour les frais facturés par les banques acquéreurs aux commerçants pour leurs encaissements par carte MasterCard.

96. Au niveau français, dans sa décision n° 11-D-11 par laquelle elle a accepté les engagements du GIE CB, l'Autorité de la concurrence avait expliqué que l'évaluation préliminaire des pratiques en cause avait examiné les conditions tarifaires d'encaissement des commerçants et conclu que la commission interbancaire systématique appliquée aux paiements par carte était "susceptible de créer un prix plancher sur le marché de l'acquisition". (40)

97. Dans le cas présent, de nombreux éléments du dossier tendent à montrer l'effet des CMI sur les tarifs des commerçants.

98. Ainsi, la FCD précise dans son procès-verbal d'audition qu'"Il est globalement clair que les interchanges nous sont refacturés comme ils le sont systématiquement dans le cas des encaissements par carte, quel que soit le système".

99. Plusieurs établissements financiers admettent l'impact de ces commissions dans la fixation des tarifs bancaires. Ainsi le Crédit Mutuel-CIC indique dans son procès-verbal d'audition que "Dans notre tarification vis-à-vis des commerçants, nous sommes tout à fait transparents. Les tarifs sont fixés en référence aux interchanges. En réponse aux appels d'offres des grands comptes, il n'est pas rare que les propositions tarifaires soient exprimées sous la forme "commission d'interchange +X", les banques se faisant concurrence sur les commissions appliquées aux commerçants". (41)

100. BNP Paribas reconnaît également cet effet sur la tarification des commerçants. En effet, cette banque indique être préoccupée s'agissant de CB au sujet de l'interchange sur les transactions de petits montants : "les consommateurs souhaitent pouvoir utiliser leurs cartes bancaires librement partout, y compris pour des petits montants. Les commerçants souhaitent pour leur part des frais raisonnables sur ces transactions, ce qui favoriserait la suppression ou l'abaissement des seuils d'acceptation des cartes et contribuerait à réduire l'usage des espèces. Visa et MasterCard se sont adaptés (42), mais pas le GIE CB" (43). BNP attend donc du GIE CB qu'il prévoie la même chose que MasterCard, à savoir un taux réduit sur les transactions de faibles montants, afin que les commerçants aient des frais "raisonnables", et donc réduits, sur ce type d'encaissement. Autrement dit, BNP Paribas considère qu'une baisse de l'interchange aurait un impact direct, à la baisse, sur la tarification des commerçants.

101. Enfin, S2P, banque filiale de Carrefour qui émet des cartes MasterCard only en France, a déclaré lors de son audition qu'"il [était] très rare de négocier des niveaux de tarification en-dessous du niveau de l'interchange." (44)

102. Par conséquent, les CMI, qui sont susceptibles de constituer un prix plancher pour la tarification des encaissements par carte, pourraient constituer des restrictions de concurrence par effet selon l'évaluation préliminaire.

b) Autres commissions

103. La plupart des autres commissions interbancaires, commission systématique appliquée aux retraits ou commissions portant sur des opérations exceptionnelles (demandes de documentation, capture de carte, etc.), sont destinées à rémunérer la banque prestataire du service correspondant, ou à imputer le coût de certaines opérations à la banque qui en est responsable. L'existence de tels transferts interbancaires ne pose en tant que telle pas de question, puisque ces commissions soit s'inscrivent dans une logique de services rendus par une banque à une autre, soit ont pour objectif d'imputer à une banque le coût des conséquences d'une erreur si elle ou son client est responsable du fait à l'origine de l'exécution de la prestation en question.

104. En revanche, le caractère multilatéral de la fixation des commissions autres que les CMI est susceptible de caractériser une restriction de concurrence dans la mesure où les banques fixent en commun des montants uniformes de commissions interbancaires indépendamment de leurs propres coûts de revient. Ces montants uniformes sont eux aussi particulièrement susceptibles d'influencer les tarifs des clients des banques pour ces opérations de paiement exceptionnelles.

105. Cet effet peut d'ailleurs être constaté dans le cas des commissions appliquées aux retraits DAB, même si les retraits sont vraisemblablement facturés par plusieurs biais.

106. En effet, les banques ne facturent pas tous les retraits déplacés (c'est-à-dire hors réseau de la banque ; c'est par nature sur ces seuls retraits que la commission interbancaire de retrait est appliquée) ou alors pas pour toutes les cartes. De façon générale, les retraits déplacés sont facturés directement pour les cartes MasterCard, à des tarifs voisin d'un euro (0,95 € pour S2P, 1 € pour la banque Casino ; seule la banque Accord fait exception en ne les facturant pas pour ces cartes). Pour les cartes de gamme plus haute (cartes Gold MasterCard), les retraits déplacés sont gratuits pour les trois principales banques émettant des cartes MasterCard only. Il est vraisemblable que les retraits déplacés pour ces dernières cartes soient facturés indirectement via la cotisation payée par le porteur, qui est nettement plus élevée que pour les cartes MasterCard "standard". Dès lors que la tarification des retraits déplacés est directe, il apparaît qu'elle est le plus souvent supérieure au niveau de la commission interbancaire sur les retraits (0,60 €).

c) Conclusion

107. Au final, selon l'évaluation préliminaire, l'ensemble des autres commissions fixées par MasterCard sont susceptibles d'être considérées comme restrictives de concurrence. Pour autant, l'évaluation préliminaire a consacré une partie aux éventuelles justifications de ces pratiques.

3. ELÉMENTS DE JUSTIFICATION DES COMMISSIONS INTERBANCAIRES

108. De façon générale, l'examen de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationale ou communautaire montre que des CMI ont pu être justifiées sous certaines conditions. Dans ses décisions n° 11-D-11 et 12-D-17 relatives aux commissions interbancaires appliquées respectivement aux opérations par cartes CB et aux moyens de paiement scripturaux autres que la carte et le chèque (prélèvement, TIP, télérèglement, virement, lettre de change), l'Autorité de la concurrence a opéré une distinction entre les commissions à l'opération sur les paiements et les autres commissions. Cette distinction est fondée sur le constat que les CMI sont appliquées aux opérations de paiement, service qui, par nature, profite à deux acteurs, le porteur de carte et le commerçant, tandis que les autres commissions répondent à une logique de service bénéficiant à un seul acteur (le porteur dans le cas d'un retrait) ou induite par un seul acteur (la capture de carte est, de façon générale, imputable au porteur de carte ; il est donc logique que la banque du commerçant ou celle gérant le DAB soit indemnisée pour les frais qu'elle encourt du fait de cette capture).

109. S'agissant des CMI sur les opérations de paiement, MasterCard a présenté au cours de la procédure des éléments pouvant justifier, selon lui, leur principe et la logique de leur niveau.

110. Selon MasterCard, les CMI sont fixées en prenant en compte plusieurs considérations portant notamment sur les conditions de marché (situation des concurrents, état d'évolution des cartes de paiement, etc.) et sur les coûts des banques, notamment des banques émettrices (investissements, coûts de sécurité et de lutte contre la fraude, garantie de paiement, financement de la période de paiement différé, coûts d'émission de la carte, etc.). (45)

111. L'évaluation préliminaire a tout d'abord relevé que la Commission européenne a déjà eu l'occasion d'affirmer que les CMI n'étaient pas indispensables au fonctionnement d'un système de paiement par cartes, et ce tant dans la décision MasterCard de décembre 2007 que dans la décision Visa-MIF de décembre 2010.

112. Ensuite, l'évaluation préliminaire s'est montrée réservée sur la logique d'une commission d'interchange fondée sur les coûts des banques, et notamment sur ceux des banques émettrices. En effet, si la CMI a pour objet de rémunérer l'ensemble des coûts de la banque émettrice, elle revient à faire payer à un seul couple banque/client (en l'occurrence, le couple banque acquéreur/commerçant), l'ensemble de la prestation de paiement. Or, cela ne paraît pas justifié dans son principe, puisque, comme cela a été rappelé, le service de paiement par carte présente une valeur ajoutée tant pour le porteur de cartes, qui peut acheter des biens et services de manière pratique et relativement sécurisée, que pour le commerçant, qui peut procéder à des encaissements de façon dématérialisée et en disposant d'une garantie de paiement.

113. Néanmoins, selon l'évaluation préliminaire, une CMI peut présenter certaines vertus, et notamment celle d'encourager l'utilisation de la carte de paiement, qui est un moyen de paiement relativement efficace par rapport aux espèces ou aux chèques, ses alternatives les plus courantes. En effet, les CMI constituent des revenus pour les banques de porteurs. Si ces dernières répercutent les CMI à leurs clients via des tarifs à l'opération ou des cotisations annuelles réduits, elles encouragent les payeurs à détenir et utiliser une carte. Cependant, afin que la CMI ne dissuade pas les commerçants d'accepter la carte et afin que les commerçants puissent également retirer une valeur ajoutée de l'utilisation de ce moyen de paiement, le niveau de la CMI ne doit pas dépasser un seuil correspondant à l'indifférence du commerçant entre la carte et des moyens de paiement alternatifs. Une telle CMI répond alors au test dit de l'indifférence du commerçant ou test du touriste, qui a fait l'objet de plusieurs articles académiques, notamment du Professeur Tirole. (46)

114. La décision n° 11-D-11 de l'Autorité, relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE CB, avait expliqué l'intérêt de ce test pour encourager l'utilisation de la carte et participer au développement des systèmes de carte les plus efficaces (47). Si l'Autorité ne disposait pas en 2011 d'éléments complets permettant d'apprécier le niveau de CMI entraînant l'indifférence du commerçant, elle avait fait état d'une étude sur une grande enseigne du commerce selon laquelle "le niveau de frais bancaires liés à l'acceptation de la carte ne devrait pas dépasser 0,19 % du montant de la transaction (selon l'enseigne de la FCD) ou 0,28 % (selon la critique du GIE)". (48)

115. Au final, une CMI sur les opérations de paiement peut être justifiée si elle permet concrètement de favoriser l'usage de la carte, moyen de paiement efficace. Son niveau doit cependant rester raisonnable afin que l'ensemble des acteurs bénéficient de l'utilisation plus large de la carte de paiement.

116. S'agissant des autres commissions que les CMI sur les paiements, il a été vu précédemment que le principe de commissions interbancaires sur les opérations de retrait et les opérations exceptionnelles ne prêtait pas à discussion, mais que l'unicité de leur niveau posait question, puisqu'elle revenait à ignorer les différences de coût et d'efficacité entre banques pour le traitement d'un même type d'opérations.

117. La fixation d'un niveau unique de commission interbancaire présente l'intérêt de limiter les coûts de transaction entre banques, puisque les banques n'ont plus besoin de négocier avec chacun des autres membres du système de paiement le niveau de la commission interbancaire pour chacune des opérations.

118. C'est du reste cette justification qui avait été retenue dans la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques du GIE CB, où l'Autorité avait expliqué que "la perception d'une commission interbancaire apparaît justifiée pour ce type d'opérations, dès lors qu'un lien d'obligation est clairement identifiable. C'est notamment le cas des commissions interbancaires liées aux retraits d'espèces (qu'ils soient effectués dans un automate ou un guichet). Pour ces opérations, la banque gestionnaire du distributeur ou du guichet avance les espèces demandées par le client d'une autre banque et supporte d'autres coûts, tels que les coûts de fonctionnement et de maintenance du DAB pour les retraits DAB ou les coûts de personnel pour les retraits guichets. Ce service doit donc être rémunéré par la banque du porteur. En définitive, que la commission soit exceptionnelle ou systématique, lorsqu'un lien d'obligation peut être caractérisé, le caractère multilatéral des commissions interbancaires peut être justifié par le souci de limiter les coûts de transaction pour les banques".

119. La légitimité du principe de commissions multilatérales pour les opérations exceptionnelles a également été reconnue dans le règlement (UE) n° 260-2012 du Parlement européen et du Conseil pour ce qui concerne les prélèvements et les virements SEPA.

120. Toutefois, que ce soit dans la décision n° 11-D-11 de l'Autorité de la concurrence ou dans le règlement (UE) n° 260-2012, il a été précisé que le caractère justifiable des commissions interbancaires autres que les CMI sur les paiements était conditionné au respect de plusieurs conditions. En particulier, ces commissions doivent être payées par la banque qui est, ou dont le client est, à l'origine de la prestation induisant le paiement de la commission interbancaire ; elles doivent être proportionnées aux coûts des banques, et être fixées en référence au coût de la banque présentant le meilleur rapport coût-efficacité, et ce afin d'éviter que le caractère collectif de la fixation des commissions interbancaires se traduise par une facturation plus élevée des utilisateurs de moyens de paiement.

121. Au final, les commissions autres que les CMI sur les paiements peuvent être, selon l'évaluation préliminaire, justifiées dans leur principe. Il convient cependant de vérifier que leur niveau est fixé en prenant en référence les coûts de la banque la plus efficace.

4. ANALYSE DES CLAUSES CONTRACTUELLES IMPOSÉES PAR LES SYSTÈMES DE PAIEMENT AUX COMMERÇANTS

122. Ainsi qu'il a été précisé, MasterCard prévoit que les contrats d'acceptation passés entre l'acquéreur et sa banque doivent comporter une clause obligeant l'acquéreur à accepter toutes les cartes "MasterCard" et/ou Maestro, clause dite d'honorer toutes les cartes.

123. Dans sa décision du 19 décembre 2007, MasterCard, la Commission européenne a estimé que ce type de clause a notamment pour effet d'empêcher "les commerçants et les acquéreurs de refuser certaines marques ou certains produits MasterCard reconnaissables alors qu'ils acceptent d'autres cartes ou d'autres produits MasterCard différents. [Cette] obligation garantit aux émetteurs de cartes MasterCard la possibilité d'émettre plusieurs types de cartes, générant des commissions d'interchange différentes, en étant certains que les commerçants et les acquéreurs seront tenus d'accepter tous les produits". (49)

124. En conséquence, "la fonctionnalité concernant l'obligation d'honorer tous les produits renforce les effets restrictifs des CMI de MasterCard sur la concurrence par les prix entre les banques acquéreuses". (50)

125. De même dans sa décision du 8 décembre 2010, Visa MIF, la Commission européenne a considéré que la règle imposant l'obligation d'accepter toutes les cartes ("Honour All Cards Rule" ou "HACR") renforce l'effet restrictif de concurrence des CMI sur les paiements. (51)

126. Ainsi, les commissions interbancaires ayant vocation à être répercutées sur la facturation des commerçants, la règle imposant l'obligation d'honorer toutes les cartes fait obstacle à la capacité des commerçants de gérer le coût de leurs paiements au vu de leurs différents prix, augmentant de ce fait les effets restrictifs de ces commissions.

127. A la différence des commissions fixées par le GIE CB, la commission interbancaire de MasterCard lors du paiement par carte dépend dans son montant du type de carte utilisé par le porteur. La facturation des services au commerçant et à l'accepteur est donc susceptible d'être différenciée selon le type de carte utilisé. Dans ce contexte particulier, la règle d'honorer toutes les cartes a une incidence financière pour le commerçant et l'accepteur, et l'analyse de la Commission européenne paraît directement transposable à la présente espèce.

III. Mise en œuvre de la procédure d'engagements

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR MASTERCARD

128. Pour répondre aux préoccupations de concurrence, MasterCard a soumis le 3 mai 2013 à l'Autorité de la concurrence des propositions d'engagements. Une synthèse des préoccupations de concurrence et les engagements proposés par MasterCard ont été mis en ligne le 6 mai 2013 sur le site Internet de l'Autorité afin de recueillir les observations des éventuels tiers intéressés.

129. Dans cette première proposition, MasterCard a proposé de réviser le montant des commissions interbancaires liées à l'utilisation des cartes consommateurs, selon les modalités suivantes :

- réduire les commissions interbancaires applicables aux paiements à un niveau, en moyenne pondérée annuelle, inférieur ou égal à 0,34 % du montant de la transaction (au lieu de 0,55 %) ;

- réduire la commission interbancaire applicable aux retraits DAB à 0,55 € au lieu de 0,60 € ;

- les engagements entreraient en vigueur au 1er jour du trimestre civil suivant la notification à MasterCard de la décision, avec un délai minimum de 2 mois entre la date de la notification et 1er jour du trimestre civil à compter duquel ils rentreraient en vigueur ;

- la durée des engagements serait de 4 ans pour les cartes dites standard (MasterCard Conseumer Standard, MasterCard Gold, Maestro, MasterCard Pre-paid et Maestro Pre-paid) et de 2 ans pour les cartes dites premium (MasterCard Platinum, MasterCard World, MasterCard World Black Edition et MasterCard World Elite) ;

- l'offre de MasterCard est soumise à la condition que Visa ne bénéficie pas de conditions plus avantageuses en termes de niveaux de commissions, de durée d'engagements ou de champ des transactions couvertes ;

- MasterCard considère qu'il pourra demander une révision de ses engagements dans plusieurs circonstances, en particulier si la CJUE fait droit à son pourvoi, si une législation européenne aux conditions moins contraignantes que celles des engagements était adoptée ou si CB faisait l'objet d'un traitement plus favorable.

B. LES OBSERVATIONS RECUEILLIES LORS DU TEST DE MARCHÉ

130. Les engagements proposés par MasterCard ont été mis en ligne le 6 mai 2013. Le 6 juin 2013, les 7 entreprises et associations suivantes ont présenté leurs observations :

- EuroCommerce ;

- GIE CB ;

- Fédération Bancaire Française (FBF) ;

- CdCF ;

- La Banque Postale ;

- FCD (saisissant du dossier) ;

- Association pour la Défense des Utilisateurs des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE).

131. Les principaux commentaires et observations reçus dans le cadre du test de marché sont présentés ci-dessous.

1. SUR LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE QUI SUBSISTERAIENT

132. Selon le GIE CB, l'offre de MasterCard ne ferait pas disparaître les problèmes de concurrence qui pourraient exister sur le marché des systèmes de paiement. Le GIE CB attire ainsi l'attention sur la flexibilité tarifaire supérieure dont disposerait MasterCard par rapport à CB, ainsi que sur d'éventuelles stratégies d'encerclement par MasterCard qui pourrait renforcer la situation de dépendance de leurs membres ou clients. Ces derniers pourraient, selon le GIE CB, craindre des augmentations, à terme, de leurs frais d'émission de carte ou de traitement des opérations.

133. De façon plus générale, le GIE CB insiste sur la nécessité qu'il y a à ne pas introduire de désavantage concurrentiel pour lui-même vis-à-vis de MasterCard. Le GIE CB se réserve la possibilité de demander une révision de ses engagements si les conditions pour MasterCard lui offraient des avantages, en particulier en termes de champ des cartes couvertes, de niveaux des commissions interbancaires, de portée ou de durée des engagements.

2. SUR LE CHAMP DES CARTES OU DES OPÉRATIONS DE PAIEMENT COUVERTES

134. Eurocommerce, l'ADUMPE, le CdCF et la FCD contestent que les cartes commerciales ne soient pas inclues dans le champ des engagements proposés par MasterCard. Selon ces entités, il n'y aurait pas de justification à une telle exclusion. L'ADUMPE considère notamment que cette exclusion se fait au détriment des commerçants qui sont contraints d'accepter ces cartes commerciales du fait de la règle d'honorer toutes les cartes.

135. Le GIE CB estime que le champ des opérations couvertes doit être précisément défini. Il considère que la notion de transaction domestique est insuffisante pour déterminer la nature de la transaction et la commission interbancaire qui s'y applique.

3. SUR LES CMI APPLIQUÉES AUX PAIEMENTS

a) Principe de ces commissions

136. La FCD considère que MasterCard n'a pas démontré que les CMI appliquées aux paiements répondaient aux conditions d'exemption. Or, cela serait une étape indispensable avant de pouvoir discuter du niveau de ces commissions. La FCD considère que l'évaluation préliminaire admet sans la prouver une prétendue supériorité de la carte sur les autres moyens de paiement pour les commerçants, que contredirait une étude d'Auchan sur les coûts et charges induits par différents moyens de paiement. De plus, l'évaluation préliminaire n'analyserait pas les trois conditions de l'exemption relatives au caractère indispensable de la restriction, au partage du progrès économique avec les consommateurs et à l'absence d'élimination de la concurrence sur une part substantielle des biens et services. La FCD estime qu'il n'a pas été démontré que les cotisations acquittées par les porteurs ne couvraient pas déjà les coûts des banques émettrices ni que les CMI étaient répercutées aux porteurs. Pour ces différentes raisons, l'évaluation préliminaire rejetterait à tort sa demande visant à la prohibition des CMI.

137. Le GIE CB considère que les commissions interbancaires sur les paiements sont justifiées, notamment pour couvrir les coûts des services rendus par la banque émettrice à la banque acquéreur, et qu'elles sont nécessaires pour que perdurent des systèmes 4 points.

138. La FBF insiste sur le caractère indispensable des CMI pour assurer la pérennité d'un système de paiement universel que consommateurs, commerçants et pouvoirs publics plébisciteraient.

139. La Banque Postale, qui estime que les engagements proposés par MasterCard répondent globalement aux préoccupations de concurrence, justifie le principe des CMI par la nécessité de répartir les coûts entre banques et de prendre en compte le caractère biface du marché. En particulier, l'élasticité prix des consommateurs serait bien supérieure à celle des commerçants. Les CMI seraient donc efficaces pour encourager l'utilisation de la carte de paiement. La Banque Postale estime que les CMI sont indispensables et proconcurrentielles. Elles ne seraient en aucun cas des restrictions de concurrence par objet.

b) Eléments pour apprécier le montant des CMI

140. Le GIE CB ne voit pas de justification associée aux montants proposés par MasterCard. Il déplore notamment l'absence de liste de postes des coûts pris en compte pour fonder les niveaux de commissions proposés. Par ailleurs, le GIE CB conteste la pertinence de la référence au test d'indifférence pour apprécier le montant des CMI.

141. La FCD exprime également des réserves sur la pertinence du test d'indifférence, du fait que ce test ne prend pas en compte les progrès technologiques liés aux cartes de paiement et donnerait donc aux banques une rente prélevée sur les commerçants.

142. L'ADUMPE considère que MasterCard n'a pas donné d'élément justifiant le calcul des CMI et regrette cette absence d'élément objectif et transparent. Cette critique sur l'absence de transparence est également présente dans la contribution de la FCD qui considère que les propositions d'engagements ne réduisent pas l'opacité qui existerait aujourd'hui.

143. A l'inverse, La Banque Postale se déclare en faveur d'une appréciation du niveau des CMI en référence au test d'indifférence du commerçant.

c) Montant des CMI

144. Selon le GIE CB, le taux proposé par MasterCard doit être comparé à celui que lui-même a adopté dans ses engagements rendus obligatoires à l'issue de la procédure devant l'Autorité (0,28 %+TBTB, ce dernier atteignant aujourd'hui un montant moyen de l'ordre de 0,01 %). Dans ce cadre, les taux figurant dans les propositions d'engagements seraient trop élevés et pourraient créer des distorsions de concurrence selon le GIE CB.

145. La Banque Postale estime aussi que la référence en termes de montant des CMI doit être le niveau retenu par le GIE CB, faute de données suffisamment complètes pour appliquer le test d'indifférence du commerçant. Elle en tire cependant des conséquences différentes. Elle observe que les montants proposés par MasterCard sont inférieurs aux montants des coûts des banques tels qu'évalués par une étude de coût effectuée par un cabinet d'économistes à la demande du GIE CB en 2011. La faible différence entre les taux proposés et celui du GIE CB ne serait, selon La Banque Postale, pas susceptible d'avoir un effet sur le marché des cartes bancaires. Elle considère que le niveau proposé est donc adéquat.

146. La FBF indique que des montants trop faibles, voire nuls, de CMI pourraient conduire les prestataires de paiement à mettre un terme à l'interbancarité. Ils pourraient également se traduire par des frais accrus pour les consommateurs, ou des services dégradés pour les porteurs. De telles évolutions auraient été constatées en Espagne ou en Australie. En outre, des commissions insuffisantes pourraient conduire à une limitation des investissements et donc de la sécurité et des innovations en matière de moyens de paiement. Cela pourrait avoir pour effet pervers le développement de moyens de paiement plus coûteux ou qui offrent moins de possibilités pour tracer les transactions et lutter contre le blanchiment. La FBF invite à ce que toute mesure pouvant affecter le modèle économique des paiements par carte soit précédée d'une étude sur l'ensemble des moyens de paiement afin de comparer leurs coûts directs ou indirects, leur sécurité et leur facilité d'utilisation.

147. A l'instar de la FBF, La Banque Postale souligne que les expériences étrangères en Australie et en Espagne témoigneraient des risques qu'il y a à limiter excessivement les CMI. Elle ajoute avoir été, pour sa part, contrainte de commencer à facturer les retraits en dehors de son réseau pour compenser les moindres recettes de CMI suite aux engagements pris par le GIE CB en 2011.

148. Toutes les associations de commerçants estiment que le taux proposé par MasterCard devrait être revu à la baisse.

149. Le CdCF estime que la référence au taux adopté par le GIE CB est pertinente. Il invite cependant à la compléter d'une référence aux taux adoptés par Visa et MasterCard sur les opérations transfrontalières et sur les opérations domestiques dans certains pays à la suite de procédures devant la Commission européenne.

150. Eurocommerce, l'ADUMPE et la FCD soulignent que les taux sur lesquels Visa et MasterCard ont pu s'engager au niveau européen sont certes des références, mais plutôt des maxima. En effet, ces organisations soulignent que les paiements transfrontières sont en général plus coûteux et plus fraudés. Pour la FCD et Eurocommerce, le taux de référence devrait être de 0,20 %, compte tenu du fait que la majorité des cartes en France seraient des cartes de débit. La FCD ajoute que ce taux serait cohérent avec ce qui ressort de l'exploitation de l'étude Auchan, selon laquelle l'écart de coûts entre un encaissement par carte et par espèces pour Auchan serait de 0,19 % à l'avantage de la carte (en excluant les frais bancaires liés aux encaissements par carte), ce qui plaiderait pour un niveau de CMI de l'ordre de 0,19 % en appliquant le test d'indifférence du commerçant.

4. SUR L'ABSENCE D'ENGAGEMENT SUR LA RÈGLE D'HONORER TOUTES LES CARTES

151. Eurocommerce fait part de son incompréhension vis-à-vis de l'absence d'engagement de MasterCard sur la règle d'honorer toutes les cartes, étant donné que cette règle était visée dans les préoccupations de concurrence.

152. L'ADUMPE fait part du même sentiment et ajoute que c'est un fait préjudiciable dans la mesure où cela pourrait nuire à la portée des engagements. Du fait de cette règle, MasterCard pourrait ainsi continuer à imposer aux commerçants l'acceptation des cartes commerciales pour lesquelles il n'a pas proposé d'engagements. L'ADUMPE craint également que MasterCard ne cherche à modifier la répartition des types de cartes émis en favorisant l'émission de cartes commerciales au détriment des cartes consommateurs.

153. La FCD considère pour sa part qu'en l'absence d'engagements proposés sur la règle d'honorer toutes les cartes, la procédure contentieuse devrait reprendre son cours la concernant.

5. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS SUR LES COMMISSIONS DE RETRAIT DAB

154. Le GIE CB déplore l'absence de précisions sur les coûts pris en compte pour fonder le niveau de la commission proposée par MasterCard.

155. Selon La Banque Postale, le niveau proposé par MasterCard est acceptable car similaire à celui proposé par le GIE CB.

6. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS SUR LES COMMISSIONS EXCEPTIONNELLES

156. Eurocommerce, le GIE CB et l'ADUMPE ne comprennent pas que MasterCard ne propose pas d'engagements sur les commissions exceptionnelles, pourtant identifiées dans les préoccupations de concurrence.

157. Enfin, la FCD constate l'absence d'engagements sur les commissions exceptionnelles et en déduit que la procédure contentieuse devrait reprendre son cours s'agissant de ces commissions.

7. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS

158. Le GIE CB, Eurocommerce, le CdCF, l'ADUMPE et la FCD font part de leur incompréhension devant l'existence de durées d'engagement différenciées par MasterCard en fonction du type de cartes. Ils estiment la distinction entre cartes premium et standard injustifiée et invitent à ce que les engagements de MasterCard soient pris pour une durée identique de 4 ans pour les deux types de cartes.

159. L'ADUMPE relève également qu'une telle distinction selon le type de cartes n'a jamais été prévue ni par Visa ni par MasterCard dans leurs engagements (ou simili engagements s'agissant de MasterCard) auprès de la Commission, ni par le GIE CB dans sa procédure devant l'Autorité.

160. Le GIE CB ajoute que cette distinction pourrait induire une distorsion de concurrence à son détriment.

161. La Banque Postale estime que le terme des engagements de MasterCard pourrait être fixé en octobre 2015, de manière concomitante avec la fin des engagements du GIE CB. Cela permettrait d'appliquer de façon identique pour tous les systèmes de paiement les résultats que pourrait obtenir le comité de pilotage créé par l'Autorité pour mesurer les coûts d'encaissement par divers moyens de paiement.

8. SUR LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DES ENGAGEMENTS

162. La FCD considère que l'entrée en vigueur des engagements de MasterCard est trop tardive. Elle ne s'explique pas le délai demandé par MasterCard entre la notification de la décision et l'entrée en vigueur des engagements.

9. SUR LA PUBLICITÉ DES ENGAGEMENTS

163. Eurocommerce souhaiterait que les engagements prévoient des mesures de publicité permettant d'expliquer aux commerçants le calcul du montant des CMI.

164. Le CdCF envisage également l'ajout de mesures de publicité aux engagements afin de participer à la bonne information des commerçants.

165. L'ADUMPE appelle aussi de ses voeux de telles mesures, et propose que MasterCard publie sur son site la décision de l'Autorité qui accepterait ses engagements amendés, ainsi que l'envoi d'une lettre d'information aux commerçants qui acceptent les cartes MasterCard. Par ailleurs, l'ADUMPE souhaiterait que MasterCard publie sur son site Internet les CMI qu'elle définit, comme le GIE CB l'a fait en France et comme Visa et MasterCard eux-mêmes l'ont fait s'agissant des CMI sur les transactions transfrontières.

166. Quant à la FCD, elle considère que MasterCard pourrait créer des pages Internet qui donneraient les montants détaillés des CMI. Cela permettrait d'éviter que des évolutions des CMI, comme celle de la fin de 2012 pour MasterCard, puissent rester sans effet sur les commissions commerçant.

10. SUR LES MODALITÉS DE SUIVI DES ENGAGEMENTS

167. Le CdCF invite à compléter les engagements de mesures de suivi et s'interroge sur ce qu'il se passera à l'issue des périodes d'engagements.

168. Eurocommerce propose que soit incluse une clause de rendez-vous dans les engagements. On retrouve cette proposition dans la contribution de la FCD et de l'ADUMPE. Cette dernière souhaiterait que le rendez-vous se fasse en présence de toutes les parties prenantes afin de pouvoir, si nécessaire, prendre des mesures complémentaires aux engagements rendus obligatoires.

169. Eurocommerce, l'ADUMPE et la FCD considèrent que les engagements devraient prévoir un mandataire qui vérifierait le respect des engagements. Tous soulignent que c'est ce qui a été fait dans certaines procédures communautaires impliquant ces systèmes de paiement.

11. SUR LES POSSIBILITÉS DE RÉVISION DES ENGAGEMENTS

170. La FCD souligne que la révision des engagements après leur entrée en vigueur devrait pouvoir se faire dans les deux sens, et non uniquement à l'avantage de MasterCard. Elle plaide ainsi pour une possibilité de révision des engagements si des décisions européennes plus contraignantes sur les CMI étaient adoptées ou si une législation était plus contraignante que les engagements pour ces commissions.

C. LES MODIFICATIONS DES ENGAGEMENTS PROPOSÉES PAR MASTERCARD

171. Au regard des observations formulées et des débats en séance, MasterCard a modifié les engagements proposés. Plusieurs améliorations ont été apportées à cette proposition, dont la version définitive figure en annexe 1 de la présente décision.

172. Les modifications effectuées postérieurement au test de marché sont les suivantes :

- la moyenne des CMI sur les paiements domestiques est ramenée à 0,28 % ;

- les définitions des transactions domestiques et des cartes commerciales (non incluses dans les engagements) sont précisées ;

- les commissions exceptionnelles font l'objet d'engagements de réduction ou de maintien de leurs montants ; dans le cas où MasterCard aurait un projet d'augmentation du niveau de ces commissions, des justifications économiques adéquates devraient être apportées à l'Autorité avant toute mise en œuvre d'un tel projet ;

- la publication de l'ensemble des commissions interbancaires de MasterCard pour les transactions domestiques est ajoutée ;

- la durée des engagements a été portée à 4 ans pour l'ensemble des cartes consommateurs, tant premium que standard ;

- la date d'entrée en vigueur (1er novembre 2013) est précisée ;

- un engagement sur la remise d'un rapport annuel détaillé à l'Autorité sur l'exécution des engagements est ajouté ;

- la clause de révision a été reformulée.

IV. Discussion

173. Selon les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, modifié par l'article 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, l'Autorité de la concurrence peut "accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et 420-5".

A. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

174. Les comportements des entreprises sont soumis aux règles du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prohibant les ententes anticoncurrentielles simultanément aux règles nationales, à la condition que les pratiques incriminées soient de nature à affecter sensiblement le commerce entre les États membres.

175. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne a indiqué que "les ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l'entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité" (point 78).

176. Ces lignes directrices précisent également que "la notion de "commerce" n'est pas "limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l'établissement".

177. Enfin, l'article 101 du TFUE n'exige pas que les accords visés à cette disposition aient affecté sensiblement les échanges intracommunautaires, mais qu'il soit établi que ces accords soient de nature à avoir un tel effet.

178. En l'espèce, ces pratiques couvrent l'ensemble du territoire national, partie substantielle du marché européen. Elles portent à titre principal sur la fixation de CMI appliquées à diverses opérations par cartes de paiement MasterCard émises en France. Ce comportement est aggravé par le fait qu'elles sont mises en œuvre par une société d'envergure internationale dont l'activité économique est susceptible d'avoir une influence sur les courants d'échanges entre États membres.

179. Au surplus, s'agissant de l'activité bancaire relative aux moyens de paiement, il doit être tenu compte de la réglementation européenne et nationale tendant à mettre en place le marché unique bancaire et du nouveau projet de règlement européen sur les commissions d'interchange pour les paiements par carte. Ainsi, progressivement, les différents moyens de paiement sont appelés à avoir une dimension européenne.

180. A cet égard, doit être prise en compte la circonstance que les cartes MasterCard "only" émises en France sont déjà des moyens de paiement transfrontières qui, par définition, peuvent être utilisés par les titulaires de carte non seulement dans le pays où ces cartes de paiement sont émises, mais aussi dans d'autres pays, soit pour effectuer des achats auprès de commerçants soit pour retirer de l'argent.

181. De telles pratiques, si elles étaient avérées, seraient donc de nature à modifier la structure de la concurrence sur le marché français des cartes de paiement.

182. En l'espèce, les pratiques en cause paraissent donc susceptibles d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire. Elles doivent, en conséquence, faire l'objet d'une appréciation au regard non seulement du droit national, mais aussi du droit européen de la concurrence.

B. SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENTS

183. La FCD considère que les commissions exceptionnelles ainsi que la règle d'honorer toutes les cartes n'ont pas été traitées dans l'offre d'engagements initiale de MasterCard, et que cela justifie la reprise de la procédure contentieuse sur ces points.

184. Les propositions révisées de MasterCard ont cependant prévu des engagements sur les commissions exceptionnelles. En outre, s'agissant de la règle d'honorer toutes les cartes, l'Autorité prend acte du fait que la règle actuelle permet l'acceptation séparée des cartes MasterCard et des cartes Maestro et que, par ailleurs, le projet de règlement européen du 24 juillet 2013 sur les commissions d'interchange sur les transactions par carte envisage la modification de cette règle pour l'ensemble des systèmes de paiement opérant en Europe.

C. SUR L'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR MASTERCARD

1. SUR LE CHAMP DES CARTES OU DES OPÉRATIONS DE PAIEMENT COUVERTES

185. Malgré les demandes répétées, en séance, de la saisissante, du commissaire du gouvernement et des services d'instruction d'inclure les cartes commerciales dans le champ des cartes couvertes par les engagements, MasterCard s'y est opposé en considérant qu'une telle inclusion limiterait son attractivité sur ce segment de marché et sa capacité à concurrencer en particulier Amex.

186. Par ailleurs, à la demande de l'Autorité, MasterCard a accepté de préciser, dans les engagements, la définition des opérations domestiques sur lesquelles portent les engagements.

187. Les engagements révisés de MasterCard précisent donc désormais le champ matériel et géographique des cartes concernées mais excluent les cartes commerciales. Aux termes des engagements de MasterCard, ces dernières sont définies comme les cartes "remises par des entreprises (y compris les personnes physiques exerçant une activité indépendante) ou des organismes à leurs personnels pour assurer le règlement des dépenses professionnelles de ces derniers, et identifiées comme [cartes commerciales]".

188. L'Autorité constate que les engagements proposés par MasterCard ne répondent pas aux préoccupations de concurrence identifiées s'agissant des cartes commerciales.

2. SUR LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX CMI SUR LES PAIEMENTS

189. La FCD a dénoncé le principe même des CMI sur les paiements et considéré que MasterCard n'avait pas démontré que les conditions d'une exemption étaient réunies. Elle a ajouté que la supériorité de la carte sur les autres moyens de paiement n'était pas démontrée et qu'il n'était pas plus démontré que les frais facturés aux porteurs de carte ne couvriraient pas, à eux seuls, les coûts des banques émettrices.

190. Il résulte cependant des éléments au dossier que la carte présente certains avantages pour les commerçants. Les paiements par carte sont garantis, alors que les chèques peuvent rester impayés. L'étude Auchan produite par la FCD en annexe de sa contribution au test de marché démontre en outre qu'à panier comparable, le coût de traitement (hors frais bancaire) d'un encaissement par carte est inférieur à celui d'un encaissement en espèces ou en chèque.

191. Par ailleurs, comme l'avait expliqué la décision n° 11-D-11 sur le GIE CB à son paragraphe 308, une CMI sur les paiements, en constituant une recette pour les banques émettrices, ne peut que diminuer la facturation des porteurs et ainsi encourager les consommateurs à détenir et utiliser une carte, moyen de paiement relativement efficace par rapport à ses alternatives les plus communes que sont les espèces et les chèques.

192. S'agissant de la référence à utiliser pour apprécier le niveau des CMI sur les paiements, il convient d'observer que les CMI sur les paiements ne peuvent participer à la promotion du moyen de paiement efficace qu'est la carte que si ces commissions ne rendent pas la carte plus onéreuse pour les commerçants que les autres moyens de paiement. Dans le cas contraire, ces commissions pourraient dissuader les commerçants d'accepter la carte de paiement, ce qui irait à l'encontre du développement de la carte.

193. C'est pour répondre à ces différentes contraintes - encourager les consommateurs à détenir et utiliser une carte de paiement sans dissuader les commerçants d'accepter la carte - que l'Autorité a choisi d'apprécier le montant des CMI proposées en privilégiant la méthode dite du test d'indifférence du commerçant. Cette méthode consiste à comparer, pour les commerçants, les bénéfices transactionnels des commerçants du fait de l'utilisation des cartes plutôt que des espèces, le seul moyen de paiement que les commerçants soient tenus d'accepter, ou des chèques. Elle permet de s'assurer que le coût total d'un encaissement par carte pour les commerçants, y compris les frais bancaires qui prennent en compte la CMI, n'est pas supérieur au coût des alternatives à la carte, ce qui garantit que les commerçants ne sont pas dissuadés d'accepter la carte.

194. La FCD a versé au dossier une étude sur le coût des moyens de paiement pour Auchan. Selon cette étude, qui a effectué en particulier une comparaison à "paniers égaux" (pour un même montant de transaction, correspondant en l'occurrence au montant moyen d'encaissement par carte), le coût d'un encaissement espèces pourrait être estimé à 0,52 % du montant de la transaction tandis que le coût d'un encaissement par carte, hors frais bancaires, serait de 0,333 %. Ces résultats avaient déjà été présentés dans la procédure impliquant le GIE CB, qui avait présenté certaines critiques et conclu que le coût d'un paiement en espèces en pourcentage du montant du paiement serait probablement voisin de 0,61 %. Autrement dit, le niveau d'indifférence pour ce commerçant conduit à des frais bancaires de l'ordre de 0,19 % du montant de la transaction (selon les chiffres d'Auchan) ou de 0,28 % (selon la critique du GIE CB).

195. Bien que ces éléments soient limités à une seule enseigne et ne puissent être considérés comme représentatifs de la situation générale des commerçants, ils sont à rapprocher des niveaux de CMI prévus par le projet de règlement du 24 juillet 2013 (0,20 % pour les paiements par cartes de débit, 0,30 % pour les paiements par cartes de crédit (52)).

196. Au final, le niveau de 0,28 % proposé par MasterCard est proche du niveau accepté par l'Autorité dans sa décision du GIE CB de 0,28 % + TBTB (Taux Bilatéral de Transactions Bloquées, dont la valeur moyenne au dernier trimestre 2012 et au premier trimestre 2013 était de l'ordre de 0,01 %) et conforme aux résultats de l'étude Auchan. Ce niveau est enfin cohérent avec les niveaux de CMI acceptés par la Commission européenne et proposés dans le projet de règlement européen du 24 juillet 2013 compris dans une fourchette de 0,20 - 0,30 %. Par conséquent, ce niveau est considéré comme acceptable.

3. SUR L'ENGAGEMENT PROPOSÉ POUR LA COMMISSION SUR LES RETRAITS DAB

197. L'Autorité accepte l'idée que la commission interbancaire sur les retraits DAB répond à une logique d'indemnisation de service. En effet, lorsqu'une banque sert, par l'intermédiaire d'un de ses DAB, un retrait à un porteur d'une autre banque, elle rend indéniablement un service à la banque du porteur et au porteur lui-même. Dès lors, il est logique que le couple banque/client ayant initié la prestation et en bénéficiant supporte une tarification pour ce service.

198. S'agissant du niveau proposé par MasterCard, il apparaît légèrement inférieur à celui adopté par le GIE CB, qui avait été considéré comme compatible avec le critère du meilleur rapport coût-efficacité. Il en résulte que l'engagement proposé par MasterCard de réduire à 0,55 € le montant de la commission applicable aux retraits DAB est acceptable.

4. SUR LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS POUR LES AUTRES COMMISSIONS

199. MasterCard a précisé postérieurement au test de marché que les autres commissions interbancaires qu'il définissait se limitaient aux retraits par carte aux guichets des banques, aux demandes de documentation et aux captures de carte. Ces commissions sont payées par la banque émettrice à la banque acquéreur.

200. Ces commissions correspondent soit à la rémunération d'un service (retrait par carte au guichet) soit à la rémunération de prestations demandées par la banque émettrice à la banque acquéreur (demandes de documentation) ou induites par le couple porteur/banque émettrice (capture de carte).

201. Pour l'ensemble de ces commissions, les niveaux proposés par MasterCard sont inférieurs à ceux proposés par le GIE CB pour des commissions équivalentes. En outre, MasterCard propose de se rapprocher de l'Autorité si un projet de hausse de ses commissions se fait jour en apportant les justifications économiques adéquates. Si un tel projet est mis en œuvre alors que les justifications apportées sont jugées insuffisantes par l'Autorité, cette dernière pourra ouvrir une procédure en non-respect d'engagements.

202. Compte tenu de ces différents éléments, l'Autorité accepte les engagements de MasterCard sur ces commissions.

5. SUR LA DURÉE DES ENGAGEMENTS

203. MasterCard a proposé de porter la durée de ses engagements à 4 ans pour l'ensemble des cartes consommateurs, standard comme premium. Ainsi, MasterCard a répondu à la préoccupation de plusieurs contributions au test de marché.

204. Cette durée d'engagement est conforme à la durée habituellement acceptée par l'Autorité dans une procédure d'engagements.

6. SUR LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DES ENGAGEMENTS

205. MasterCard a proposé que ses engagements entrent en vigueur au 1er novembre 2013. En réponse à certaines contributions au test de marché, MasterCard a expliqué qu'il avait besoin d'un certain délai pour préparer techniquement la mise en œuvre de ses engagements.

206. L'Autorité a considéré que ce délai, inférieur à deux mois entre la notification de la présente décision et l'entrée en vigueur des engagements, était acceptable.

7. SUR LA PUBLICITÉ DES ENGAGEMENTS

207. MasterCard s'est engagé à publier l'ensemble des commissions interbancaires qu'il fixe pour les opérations domestiques sur son site Internet. Dans le cadre du test de marché, plusieurs contributions ont considéré ces modalités d'informations insuffisantes.

208. L'Autorité considère toutefois que les mesures proposées par MasterCard, qui s'ajoutent à ses propres mesures d'information, et notamment à la publication de la présente décision sur son site Internet, sont suffisantes pour assurer la transparence des engagements proposés, qui visent les seules commissions interbancaires appliquées aux transactions par carte bancaire, et non les commissions appliquées par les banques aux commerçants. Elle relève que les associations de commerçants sont libres de mettre en œuvre des mesures de publicité supplémentaires auprès de leurs adhérents.

8. SUR LES MODALITÉS DE SUIVI DES ENGAGEMENTS

209. Plusieurs contributions au test de marché ont souligné la nécessité d'un mandataire pour suivre la mise en œuvre des engagements et s'assurer de leur exécution.

210. Toutefois, compte tenu de la nature des engagements pris, l'Autorité a considéré que des rapports annuels de MasterCard sur l'exécution de ses engagements étaient suffisants. Ces rapports devront être suffisamment détaillés pour permettre de justifier, en particulier, du respect des taux plafonds pour les CMI sur les paiements. MasterCard a proposé de fournir au plus trois mois après la date anniversaire de l'entrée en vigueur des engagements de tels rapports détaillés. L'Autorité considère que cet engagement est acceptable.

9. SUR LES POSSIBILITÉS DE RÉVISION DES ENGAGEMENTS

211. La FCD a souligné en séance la nécessité que la révision des engagements puisse se faire aussi bien à la demande du saisissant qu'à celle de MasterCard.

212. S'agissant des demandes de révision des engagements, le point 46 du communiqué de procédure sur les engagements rappelle que plusieurs acteurs peuvent demander, sous certaines conditions, la révision des engagements souscrits : le saisissant, le ministre de l'Economie ou toute autre entreprise ayant intérêt à agir (dont, dans le cas présent, MasterCard). Si les engagements de MasterCard évoquent la possibilité pour elle-même de demander la révision des engagements qu'elle a souscrits, cela ne saurait exclure la possibilité que d'autres entités demandent une telle révision. En outre, l'Autorité souligne que le fait de demander une révision ne saurait garantir que cette révision des engagements soit accordée. Lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, l'Autorité apprécie les éléments de droit et de fait qui sont avancés pour motiver la demande de révision afin de se prononcer sur une telle révision. En tout état de cause, il ne saurait y avoir d'automaticité dans la révision des engagements souscrits.

213. Toutefois, en l'espèce, compte tenu du cadre juridique particulier de cette affaire et des contentieux encore en cours, l'Autorité a accepté qu'une révision des engagements puisse être demandée dans le cas où l'Autorité de la concurrence ou la Commission européenne enverrait une notification de griefs ou une évaluation préliminaire concernant les cartes commerciales de MasterCard. Dans un tel cas, l'Autorité analyserait en particulier le champ des opérations concernées par cette procédure ainsi que les éventuels liens entre les différents types de cartes (par exemple via la règle d'honorer toutes les cartes) pour apprécier si les engagements de MasterCard doivent être révisés.

214. En conclusion, l'Autorité considère que les engagements de MasterCard tels qu'améliorés, précisés et formalisés dans leur version finale, répondent aux préoccupations de concurrence identifiées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter ces engagements, de les rendre obligatoires et de clore la procédure s'agissant des pratiques concernant les cartes consommateurs.

DECISION

Article 1er : L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par MasterCard qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : L'affaire enregistrée sous le numéro 12-0077F est close en tant qu'elle concerne les cartes consommateurs de MasterCard.

Notes :

1 Décisions de la Commission européenne : affaires COMP/34.579 MasterCard et COMP/36.518 EuroCommerce.

2 Cote 1572.

3 Source : données Banque de France.

4 http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/autres/cartes_sepa.htm

5 Procès-verbal d'audition du Groupement des Cartes Bancaires, cote 803 (cote 860 VNC).

6 Procès-verbal d'audition du Groupement des Cartes Bancaires, cote 806 (cote 863 VNC).

7 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas, cote 938 (cote 1552 VNC).

8 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas, cote 936 (cote 1550 VNC).

9 Procès-verbal d'audition de MasterCard, cote 383 (cote 784 VNC).

10 http://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/telechar/autres/rapport_cartes_SEPA.pdf

11 Procès-verbal d'audition du Crédit Mutuel-CIC du 29 novembre 2012 : "une priorité est aujourd'hui donnée dans le terminal de paiement pour que les transactions domestiques soient par défaut des transactions CB et en pratique, c'est le client/commerçant et la banque acquéreur qui décident d'envoyer les flux d'encaissement vers CB plutôt que vers MasterCard ou vers Visa"11 (cote 924).

12 Procès-verbal d'audition de la FCD du 28 novembre 2012, cote 1574-1575.

13 Procès-verbal d'audition de MasterCard du 1er octobre 2012, cote 386 (cote 787 VNC).

14 Proposition de règlement du parlement européen et du Conseil relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0550:FIN:FR:PDF).

15 Procès-verbal d'audition de MasterCard du 1er octobre 2012 Cote 383 (cote 1596 VNC).

16 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0550:FIN:FR:PDF.

17 Décisions de la Commission européenne Visa et MasterCard, décisions de certaines autorités de concurrence comme l'autorité italienne.

18 La CIP, ou Commission Interbancaire de Paiement, est la commission payée à chaque opération de paiement par la banque du commerçant à la banque du porteur. Elle est définie par le Groupement des Cartes Bancaires, GIE dont le comité de direction réunit les principales banques actives en France.

19 Cote 897.

20 Procès-verbal d'audition de MasterCard, cote 387 (cote 788 VNC).

21 Cotes 897 à 911.

22 Cote 916.

23 Cotes 899 à 910.

24 Cotes 915 à 920 (1577 à 1782 VNC).

25 Cote 1610.

26 http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-09-143_en.htm?locale=en

27 Procès-verbal d'audition de la FCD, cote 1572.

28 Procès-verbal d'audition de MasterCard du 1er octobre 2012, cote 387 (cote 788 VNC).

29 Procès-verbal d'audition du 29 novembre 2012 du groupe Crédit Mutuel-CIC, cote 924.

30 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas du 3 décembre 2012, cote 936 (cote 1550 VNC).

31 Affaire T-111-08 MasterCard Inc c/ Commission, confirmant la décision MasterCard de la Commission du 19 décembre 2007.

32 Point 255 de l'arrêt précité.

33 Point 258 de l'arrêt.

34 Voir en particulier les affaires COMP/34.579 MasterCard, COMP/29.373 Visa International, COMP/39.398 Visa MIF - qui a rendu obligatoires des engagements de Visa sur ses CMI appliquées aux transactions transfrontières et à certaines transactions domestiques par carte de débit.

35 Arrêt dans l'affaire T-111-08 MasterCard, Inc e.a./ Commission.

36 Cotes 915 (cote 1577 VNC).

37 Cote 917 (cote 1597 VNC).

38 Décision Visa MIF du 8 décembre 2010, § 21 : "une des préoccupations exprimées dans la communication des griefs a trait au fait que les CMI ont pour objet et elles ont également pour effet de restreindre de façon appréciable la concurrence sur les marchés de l'acquisition au détriment des commerçants et, indirectement, de leurs clients. Il est apparu que les CMI gonflaient la base sur laquelle les acquéreurs se fondent pour fixer les commissions de service imposées aux commerçants, en créant un important élément de coût commun à l'ensemble des acquéreurs. L'avis exprimé à titre préliminaire par la Commission est que les CMI de Visa Europe ne sont pas objectivement nécessaires. L'effet restrictif sur les marchés de l'acquisition est encore renforcé (...) par d'autres règles et pratiques du réseau, notamment la règle imposant l'obligation d'accepter toutes les cartes ("Honour All Cards Rule" ou "HACR"), la règle de non-discrimination ("NDR"), la pratique du prix moyen unique ("blending") et l'application, aux acquéreurs transfrontières, de CMI différentes de celles appliquées aux acquéreurs domestiques."

39 Voir la décision de la Commission européenne précitée, MasterCard, partie 7.2.

40 Idem, § 130.

41 Procès-verbal d'audition du Crédit Mutuel-CIC du 29 novembre 2012, Cote 925.

42 MasterCard a notamment introduit un taux d'interchange réduit pour ces paiements, cote 917 (cote 1597 VNC).

43 Procès-verbal d'audition de BNP Paribas du 3 décembre 2012, cote 937 (cote 1598 VNC).

44 Procès-verbal d'audition de S2P du 23 octobre 2012, cote 797.

45 Cotes 915-916 (cotes 1577 et 1578 VNC).

46 J.-C. Rochet et J. Tirole (2008), "Must-take cards and the Tourist Test" http://idei.fr/doc/wp/2008/must_take_cards.pdf

J. Tirole (2011) "Payment card regulation and the use of economic analysis in antitrust" http://idei.fr/doc/by/tirole/tsenotes4.pdf).

47 Décision n° 11-D-11 du 7 juillet 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Cartes Bancaires, § 158.

48 Décision précitée, § 333.

49 Décision de la Commission européenne du 19 décembre 2007, aff. COMP 34.359-36.518-38.580, § 508.

50 Op.cit., § 509.

51 Décision de la Commission européenne du 8 décembre 2010 relative à une procédure d'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/D-1-39.398 - Visa MIF), § 21.

52 Les paiements par cartes à débit différé correspondent pour l'essentiel à des paiements par cartes de crédit selon la terminologie du projet de règlement (cf. article 2 (5) du projet de règlement).

Le 19 septembre 2013

JONES DAY

Saisine N° 12-0077-F

OFFRES D'ENGAGEMENTS DE MASTERCARD

INTRODUCTION

1. La présente offre d'engagements est présentée par MasterCard MasterCard lncorporated, International Incorporated, MasterCard Europe SPRL, et MasterCard France SAS (collectivement dénommées ci-après "MasterCard"), conformément aux articles L. 464-2 et R. 464-2 du Code de commerce et au communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence.

2. Cette offre d'engagements s'applique à la fixation par MasterCard des commissions interbancaires applicables aux transactions effectuées en France à des points de vente (1) et auprès de distributeurs automatiques de billets au moyen de cartes MasterCard/Maestro consommateurs (Standard et Premium) et Cirrus émises en France, c'est-à-dire les transactions domestiques en France (2).Cette offre ne s'applique pas aux cartes commerciales, Par cartes commerciales, MasterCard entend : les cartes de paiement remises par des entreprises (y compris les personnes physiques exerçant une activité indépendante) ou des organismes, à leurs personnels pour assurer le règlement des dépenses professionnelles de ces derniers, et identifiées comme telles.

3. Cette offre d'engagements s'applique également à certaines autres commissions interbancaires qui sont visées ci-après.

4. À titre liminaire, MasterCard souhaite préciser que :

- La présente offre d'engagements est faite sans préjudice de la position de MasterCard dans le cadre de la présente procédure et de l'affaire pendante devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'affaire C-382-12 P, ainsi que de toute autre procédure administrative ou judiciaire actuelle ou future dans laquelle MasterCard est ou viendrait à être impliquée.

- La présente offre d'engagements ne constitue en aucune manière une reconnaissance par MasterCard d'une quelconque violation des règles de concurrence européennes ou françaises, ni de toute autre disposition légale, du fait des commissions interbancaires faisant l'objet de la saisine de l'Autorité.

- La présente offre d'engagements, et en particulier la réduction du niveau de commission multilatérale d'interchange, a été présentée spécifiquement eu égard au champ des cartes concernées qui exclut les cartes commerciales et à l'absence de tout changement de la règle dite d'honorer toutes les cartes.

PROPOSITION D' ENGAGEMENTS

5. MasterCard souscrit les engagements suivants :

(a) Commissions interbancaires applicables aux paiements par carte aux points de vente

6. Les engagements proposés concernent tant les marques actuelles de MasterCard Consumer Standard et Premium en France, que celles que MasterCard introduirait en complément ou en remplacement des marques actuelles. Les cartes Standard portent actuellement les marques de MasterCard Consumer Standard, MasterCard Gold, Maestro, MasterCard Pre-paid et Maestro Pre-paid. Les cartes Consumer Prernium portent actuellement les marques de MasterCard Platinum, MasterCard World, MasterCard World Black Edition et MasterCard World Elite (ou MasterCard World Signia).

7. En ce qui concerne ces cartes mentionnées au paragraphe 6, MasterCard offre des engagements concernant les commissions interbancaires applicables aux opérations de paiements domestiques en France et qui comprennent les services suivants :

- transactions face-à-face, que ce soit avec ou sans contact, en ce compris les

paiements mobiles ;

- transactions à distance, c'est-à-dire les transactions e-commerce, en ligne, par Internet, par correspondance ou par téléphone, en ce compris dans le cadre de MasterPass.

8. Les commissions interbancaires seront réduites à un niveau, en moyenne pondérée (3) annuelle, inférieur ou égal à 0,28 % du montant du paiement. Cette moyenne pondérée sera calculée sur la base de périodes de 12 mois, chacune commençant à courir le jour de la date anniversaire de l'entrée en vigueur des présents engagements telle que définie au paragraphe 16 ci-dessous.

9. En considérant que le niveau des commissions de MasterCard a déjà été réduit en octobre 2012, cette proposition représente une réduction de 32 points de base, soit 53 % par rapport aux commissions interbancaires d'avant octobre 2012 (ou de 27 points de base, soit 49 % de réduction, par rapport aux commissions interbancaires actuelles de MasterCard) (4).

(b) Frais de service relatifs aux distributeurs automatiques de billets (DAB)

10. Les frais de service DAB de MasterCard/Maestro/Cirrus sont actuellement de 0,60 EUR par transaction. MasterCard s'engage à réduire ses frais de service DAB MasterCard/MaestrO/CirrUS à 0,55 EUR par transaction pour les retraits DAB domestiques.

(c) Autres commissions interbancaires liées à des opérations domestiques (tarification des demandes de documentation, commissions de capture, et commissions interbancaires de retrait d'espèces au guichet au moyen d'une carte)

11. La tarification des demandes de documentation rémunère la gestion des demandes de justificatifs d'opérations de paiement, comprenant la recherche du document incluant éventuellement une demande à l'accepteur et l'envoi du document par télécopie à l'émetteur. Le montant actuel de la tarification des demandes de documentation varie de O à 8 EUR en fonction du temps requis par la banque acquéreuse pour répondre à la demande. Pour une demande de justificatif de vente, le montant de la tarification est de 8 EUR pour une réponse dans un délai de 1 à 6 jours, 5 EUR pour une réponse dans un délai de 6 à 10 jours, 3 EUR pour une réponse dans un délai de 11 à 15 jours, 2 EUR pour une réponse dans un délai de 12 à 21 jours, O EUR pour une réponse au delà de 21 jours. Pour une demande de copie de justificatif de vente, le montant de la tarification est de 6 EUR pour une réponse dans un délai de 1 à 6 jours, 3 EUR pour une réponse dans un délai de 6 à 10 à jours, 2 PUR pour une réponse dans un délai de 11 à 15 jours, 1 EUR pour une réponse dans un délai de 12 à 21 jours, O EUR pour une réponse au delà de 21 jours.

12. Les commissions de capture de cartes effectuées aux points de vente ou aux guichets de banques sont payées par la banque émettrice à la banque acquéreuse. En dehors de la possibilité de primes versées au commerçant et/ou guichetier pour la capture de la carte, la banque acquéreuse peut facturer une commission interbancaire de service de 15 EUR pour les frais de traitement de la capture.

13. En ce qui concerne les commissions précitées aux paragraphes 11 et 12, ainsi que les commissions interbancaires de retrait d'espèces au guichet au moyen d'une carte, si un projet de hausse du niveau de ces commissions était envisagé pendant la durée des présents engagements, MasterCard s'engage à se rapprocher de l'Autorité avant toute mise en œuvre en apportant des justifications économiques adéquates.

PUBLICATION DES COMMISSIONS

14. MasterCard s'engage à publier sur son site Internet l'ensemble des commissions interbancaires définies pour les opérations domestiques en France (catégories définies aux points a, b et c supra).

MODALITES DE SUIVI

15. MasterCard s'engage à fournir annuellement à l'Autorité un rapport confidentiel

détaillé attestant du respect des présents engagements au plus tard 3 mois après la fin de la période de référence de 12 mois telle que définie au paragraphe 8.

DUREE ET REVISION DES ENGAGEMENTS

16. Les présents engagements sont souscrits pour une durée de 48 mois, soit 4 ans, à partir de leur entrée en vigueur, laquelle interviendra le l novembre 2013.

17. MasterCard pourra demander la révision ou la suppression des présents engagements dans les cas suivants

- En application du point 46 du communiqué de procédure, si l'un des faits sur lesquels la décision repose subit un changement important ;

- En cas d'envoi par l'Autorité ou la Commission européenne d'une notification de griefs ou d'une évaluation préliminaire relative en tout ou partie aux cartes commerciales de MasterCard.

<Signatures>

Notes

1 Ces transactions comprennent à la fois les transactions face-à-face et les transactions à distance.

2 Les transactions domestiques sont définies comme étant les transactions effectuées par un porteur d'une carte émise en France auprès d'un commerçant situé en France.

3 Par moyenne pondérée, on entend le résultat de la division du montant total des commissions interbancaires payées au cours d'une période donnée par le montant total des transactions qui y sont soumises.

4 A titre de comparaison, CB avait initialement réduit ses commissions interbancaires de 47 à 32 points de base (soit une réduction de 15 points de base, ou 32 %). Scion les informations fournies par l'Autorité au cours de la séance du 11 juillet 2013, les commissions interbancaires actuelles de CB sont de 29 points de base (soit une réduction de 18 points de base, ou 38 %).