CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 septembre 2013, n° 09-28475
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cosimo Sam (SA)
Défendeur :
Auchan France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Fisselier, Givry, Bernabe, Guin
La société SA Cosimo Sam ("Cosimo") détient, en vertu d'un contrat régularisé le 26 février 1992, les droits de distribution exclusive, en France, sous la marque Eastpak, des articles de bagagerie.
Elle a, à partir du mois de février 2007, créé un réseau de distribution sélective pour assurer la commercialisation de ces produits.
Par courrier en date du 27 mars 2007, la société Cosimo prenait contact avec la centrale d'achat du groupe Auchan, qui commercialisait dans ses supermarchés des produits Eastpak pour l'aviser de la mise en place du réseau de distribution sélective et l'inviter à conclure un contrat lui permettant d'intégrer le réseau.
Un tel contrat n'a pas été régularisé.
Par deux ordonnances de référé en date des 7 novembre 2007 et 20 novembre 2008, le président du Tribunal de commerce de Versailles a débouté la société Cosimo de ses demandes tendant à voir ordonner à la société Auchan France de cesser la commercialisation des produits Eastpak.
Par jugement du 5 novembre 2009, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Cosimo de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société Auchan France de sa demande reconventionnelle, a condamné la société Cosimo à verser à la société Auchan France la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Cosimo a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 25 septembre 2012, la société Cosimo demande à la cour :
- de constater la licéité du réseau de distribution sélective pour la revente d'articles de bagagerie Eastpak mis en place par la société Cosimo en France ;
- de dire et juger la société Auchan France, en commercialisant irrégulièrement des articles de bagagerie Eastpak en France en dehors du réseau de distribution sélective mis en place par Cosimo, s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Cosimo ;
- de faire interdiction à la société Auchan France de présenter, offrir à la vente par quelque moyen que ce soit, stocker et vendre, directement ou indirectement, les articles de bagagerie Eastpak en France, sous astreinte de 50 euros par infraction constatée ;
- de condamner société Auchan France à verser à la société Cosimo la somme de 100 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi ;
- d'ordonner publication de la présente décision dans quatre journaux ou revues au choix de la société Cosimo et aux frais de la société Auchan France ;
- de condamner société Auchan France à payer à la société Cosimo la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'art 699 du Code de procédure civile ;
- de débouter en toute hypothèse la société Auchan France de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par conclusions de procédure du 27 mai 2013, la société Auchan France demande à la cour principalement de rejeter les conclusions signifiées par la société Cosimo le 23 avril ainsi que les pièces communiquées le même jour, subsidiairement de révoquer l'ordonnance de clôture et de renvoyer le calendrier pour que la société Auchan France puisse répondre ;
Par conclusions du 2 novembre 2012, la société Auchan France demande à la cour :
- d'écarter les nouvelles pièces mentionnées par la société Cosimo dans ses conclusions signifiées le 25 septembre 2012, sous les numéros 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42 ;
- de dire et juger irrecevable l'action de la société Cosimo faute de justifier de la licéité de l'accord de distribution et faute de justifier d'un intérêt et d'une qualité à agir ;
- de débouter la société Cosimo de voir constater la licéité du réseau de distribution sélective qu'elle invoque, et dire et juger que la licéité de ce réseau n'est pas établie ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Cosimo de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner la société Cosimo au paiement à la société Auchan France d'une indemnité de 50 000 euros pour procédure abusive ;
- de condamner la société Cosimo au paiement à la société Auchan France d'une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile ;
SUR CE :
Sur le rejet des conclusions et pièces 33 à 42 communiquées par la société Cosimo le jour de la clôture, le 23 avril 2013 :
Considérant que les parties ont été avisées le 7 février 2012 du calendrier de procédure selon lequel la clôture serait prononcée le 22 mai 2012 et les plaidoiries auraient lieu le 22 décembre 2012, que la clôture a été reportée à plusieurs reprises sur demande des parties, le 19 juin, le 25 septembre, puis le 6 novembre 2012 date à laquelle l'affaire a été défixée, qu'un nouveau calendrier de procédure a été porté à leur connaissance par avis du 6 novembre 2012 pour une date de clôture le 23 avril 2013 et plaidoiries le 29 mai 2013 ;
Considérant que les parties ont conclu, l'appelante le 21 avril 2010, le 24 janvier 2012, le 27 septembre 2012 puis le 23 avril 2013, que l'intimée a conclu le 7 décembre 2010, le 19 janvier 2012, le 7 février 2012, le 21 mai 2012, le 5 juin 2012 et le 2 novembre 2012 ;
Considérant que l'intimée invoque la déloyauté du procédé qui consiste pour l'appelante à conclure le jour de la clôture, alors que les parties sont avisées depuis plusieurs mois du calendrier de procédure, que de même, selon elle, est déloyal le procédé qui consiste à communiquer le jour de la clôture des pièces pour lesquelles il a été observé depuis plusieurs mois qu'elles n'étaient pas produites, qu'elle ne peut alors avoir la possibilité de discuter les éléments apportés par l'adversaire ;
Considérant que la communication, le jour de la clôture de 9 pièces dont l'absence avait été observée par la société Auchan France dans ses conclusions du 2 novembre 2012, ne permet pas à celle-ci d'en prendre connaissance, de les analyser utilement ; que ces pièces seront écartées des débats ;
Considérant quant aux conclusions du 23 avril 2013 que la société Auchan France ne justifie pas de la nécessité dans laquelle elle était de répondre aux quelques points dans les écritures pages 12, 16 et 25 de la société Cosimo qui ne rajoutent rien à son argumentation, que les écritures de la société Cosimo ne seront pas rejetées ;
Sur la recevabilité de l'action de Cosimo :
Considérant que la société Auchan France invoque les dispositions de l'article 31 du Code de procédure civile et explique que la société Cosimo ne justifie pas de la licéité de l'accord de distribution exclusive signé avec la société VF Europe BVBA dont elle prétend tenir ses droits pour agir à l'encontre de la société Auchan France ; que selon elle, l'accord de distribution dont Cosimo se prévaut est illicite parce que la société VF Europe BVBA concède à ses distributeurs une "exclusivité territoriale absolue qui les protège de toute importation sur leur territoire", ce qui est contraire aux articles 101 à 109 du TFUE ; que la société Cosimo ne justifie pas, par conséquent, d'une qualité et d'un intérêt légitime ;
Mais considérant toutefois que cette instance n'a pas pour objet de déterminer la validité ou l'absence de validité de la convention intervenue entre Cosimo et VF Europe BVBA ; que certes la société Cosimo n'a pas versé aux débats le contrat de distribution signé avec la société VF Europe BVBA, mais qu'elle a produit une attestation en date du 13 septembre 2007 de Helen L. Winslow Vice-président de Jansport Apparel Corp. et de celle en date du 15 septembre 2009 de Patrick Willems président de VF Europe BVBA dont il résulte qu'elle est le distributeur exclusif des produits Eastpak en France,
Considérant ainsi que la société Cosimo a un intérêt légitime à agir, parfaitement distinct du caractère fondé ou non de ses demandes ;
Considérant que l'action est recevable ;
Sur la licéité du réseau de distribution sélective :
Considérant que la société Cosimo qui rappelle qu'elle entend faire respecter par Auchan "la commercialisation des sacs Eastpak dans des conditions conformes à l'image de ces produits et de la marque" expose avoir mis en place à partir de 2007 un réseau de distribution sélective pour la commercialisation au détail des articles de bagagerie Eastpak conforme aux dispositions du Règlement d'exemption par catégorie relatif aux accords verticaux, conforme aux exigences posées par la Cour de cassation, ainsi qu'il résulte des termes du contrat de distribution sélective type des produits Eastpak ; que réseau de distribution sélective est effectivement mis en œuvre, que les revendeurs agréés conservent la liberté de choix de leur approvisionnement pour autant que la source est licite, que réseau de distribution sélective mis en place par la société Cosimo est parfaitement étanche ;
Considérant que devant la cour, la société Auchan France expose que le bien-fondé de la demande de la société Cosimo repose 1) sur la licéité de son réseau qu'elle entend contester et 2) si ce réseau est licite, sur la faute qu'elle aurait commise, en tant que distributeur indépendant d'un réseau parallèle, lors de son approvisionnement ou encore lors de la mise en vente du produit dans des conditions préjudiciables à l'image du produit vendu par le réseau de distribution sélective ;
- qu'elle remarque que la société Cosimo n'a jamais justifié que la mise en œuvre d'un réseau de distribution sélective était une obligation prévue dans son contrat avec la société VF Europe BVBA et qu'elle est mise à la charge de ses homologues pour d'autres marchés de l'Union européenne, qu'il n'y a pas une distribution au détail homogène sur le territoire de l'Union ; qu'il existe ainsi des détaillants du réseau de distribution officiel et des distributeurs indépendants et que l'existence d'un réseau parallèle de distribution, licite, ne peut traduire ipso facto une concurrence déloyale,
- que la licéité et la mise en œuvre du réseau sélectif par Cosimo sont discutables :
- que la société Cosimo ne justifie pas que sa part de marché est inférieure à 30 % et qu'elle ne peut se prévaloir d'une exemption,
- que la société Cosimo ne justifie pas de la licéité du réseau sélectif, au regard de la nature du produit et ce, afin d'en préserver la qualité et d'en assurer le bon usage ; qu'elle démontre par sa pratique que la distribution sélective du produit n'est pas justifiée : qu'elle s'est réservée la possibilité de vendre non ponctuellement mais largement et régulièrement des produits "ne figurant plus à son catalogue" ou "en fin de vie" par l'intermédiaire de revendeurs non agréés (Delsey, Gandi), ou de revendeurs qui n'ont "rien d'un club privé" (Factory Store, Bag Factory) qu'elle procède à des déstockages de produits qui sont toujours sur son site par l'intermédiaire de ses distributeurs agréés,
- que sur le territoire de l'Union, le réseau n'est pas étanche sur le plan juridique que sur le plan national, le réseau n'est pas étanche alors même que Cosimo se réserve le droit de vendre à des distributeurs non agréés comme Delsey et Gandi,
- que de même, les critères de sélection des revendeurs qui doivent être connus, objectifs, sont ici imprécis et appliqués de manière discriminatoire, que des clauses insérées dans les contrats de distribution signés par Cosimo et les membres du réseau contiennent des clauses qui font obstacle à la libre circulation des marchandises,
1) Considérant tout d'abord que la justification par la société Cosimo de ce qu'il lui était imposé par la société VF Europe BVBA ainsi qu'aux distributeurs se trouvant sur les autres territoires de l'Union de mettre en œuvre un réseau de distribution sélective n'est pas une condition nécessaire à la validité du système de distribution sélective qu'elle a dit avoir mis en place sur le territoire français ; que par ailleurs, la circonstance que les sacs Eastpak soient manifestement distribués dans la zone de l'Union en dehors de tout réseau de distribution sélective et que la France soit le seul pays où un tel réseau existe ne rend pas ipso facto illicite le système de distribution sélective mis en place par Cosimo pour la France,
2) Considérant toutefois que se prévalant de la concurrence déloyale de la société Auchan, la société Cosimo doit justifier que le réseau sélectif mis en place est licite ; qu'elle part du principe que son réseau constitue "une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer le bon usage ", étant précisé que "les critères définis ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire",
Considérant que si la société Cosimo expose que son réseau est conforme au règlement d'exemption communautaire, elle n'apporte à la cour aucun élément de nature à justifier que ce réseau soit suffisamment important pour entraîner l'application du droit communautaire de la concurrence ; que cependant, les règles du droit national relatives aux restrictions verticales s'inspirent de ce règlement, comme guide d'analyse utile ;
Considérant tout d'abord qu'un système de distribution sélective peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'art. 101 du TFUE ou de l'art. L. 420-1 du Code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement :
- que la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage,
- que les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire,
- que les critères définis ne doivent pas au-delà de ce qui est nécessaire,
Considérant ensuite que le règlement n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'art 81 § 3 du traité de Rome à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, auquel est désormais substitué le règlement n° 330-2010 du 20 avril 2010, prévoit une exemption d'application du § 1 de l'art 81 (article 101 du TFUE) aux accords de distribution, dits "accords verticaux" conclus entre les distributeurs et un fournisseur, lorsque, notamment, la part détenue par le fournisseur sur le marché pertinent sur lequel il vend ses biens et services ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que ces accords ne comportent pas de restrictions caractérisées, à savoir, pour l'essentiel, celles qui obligent chaque distributeur à respecter un prix de vente identique, à s'interdire de revendre à un autre distributeur du réseau ou à s'interdire de répondre passivement à des commandes de clients situés hors de sa zone d'exclusivité (article 4 du règlement) ;
Considérant que Cosimo parfaitement taisante sur ce point ne justifie pas que sa part de marché soit inférieure à 30 %, alors qu'elle est invitée à s'expliquer sur ce point, qu'elle ne bénéficie pas de l'exemption automatique prévue par ce règlement ;
Considérant que les produits distribués par Cosimo sont des articles de bagagerie, plus particulièrement le sac à dos "padded" ; que la société Cosimo expose que le réseau mis en place a pour objet de objet de protéger l'image, la notoriété de ces articles qu'elle estime résulter de ses efforts de communication et de ses investissements, qu'elle n'est pas fait état de la nécessaire préservation d'une qualité et d'un bon usage des propriétés de son produit ;
Considérant que l'art. II 1 du contrat précise :
"Le point de vente sera apprécié en tenant compte des éléments suivants :
a) qualité de l'emplacement (localisation, environnement),
b) qualité extérieure et esthétique générale (façade, vitrine, présentation, etc.),
c) qualité de l'aménagement et de la décoration intérieure (organisation générale, surface dédiée, représentativité, propreté, aménagement, rénovations, etc.),
d) cohérence de l'offre pour 15-25 ans et présentation des produits (absence de produits dévalorisants ou parasitaires ou de politique commerciale et communication dévalorisante, produits et marques à forte image pour cette cible, communication et animation adaptée à cette cible, PLV Eastpak, etc.),
e) service à la clientèle (qualité de l'accueil et du conseil à la vente, etc.)", qu'il apparaît que les critères retenus dans le contrat sont peu précis, que comme le relève la société Auchan, le critère "qualité de l'emplacement" est particulièrement flou, qu'il invite à une application sans caractère objectif, que le critère "qualité extérieure et esthétique générale (façade, vitrine, présentation, etc.)" exclurait a priori la distribution du produit par la grande distribution qui ne propose ni façade, ni vitrine, mais qu'il apparaît surtout que Cosimo reproche à Auchan de ne pas avoir voulu adhérer à son réseau de distribution qu'elle a mis en place ; que Cosimo fait référence dans ses écritures à une "grille de notation" qu'elle ne produit pas (elle ne se trouve pas dans la pièce 3) de sorte que son contenu n'est pas connu et qu'en toute hypothèse, il apparaît qu'il s'agit d'un document interne à Cosimo ; qu'au surplus, la société Cosimo ne fait pas respecter les exigences qu'elle demande, que ce soit la qualité de "revendeur agréé", ou encore la surface de vente qui peut ressembler à un véritable dépôt et non à un magasin ; que la société Cosimo a vendu régulièrement, plus d'un an et demi après la mise en place de son réseau des produits en dehors de son réseau et à des points de vente non agréés, comme les sociétés Delsey ou Gandi ; qu'il apparaît que les revendeurs ne sont pas choisis sur la base de critères objectifs de nature qualitative qui sont fixés de manière uniforme, portés à la connaissance de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le réseau constitue une entente prohibée par l'article 420-1 du Code de commerce ;
Considérant de surcroît que le contrat signé avec le distributeur agréé précise en point IV 1) page 3) que ce dernier qui peut vendre à d'autres revendeurs dès lors qu'il a vérifié qu'ils étaient agréés, s'engage à ne vendre les produits qu'à des consommateurs directs et finaux et s'interdit toute vente à des comités d'entreprise ou associations sportives sauf accord écrit et préalable de Cosimo, que cette dernière interdiction qui concerne des agents d'achat pour des utilisateurs finaux que la société Cosimo ne peut exclure de la vente, est illicite, qu'elle constitue en effet une restriction caractérisée retirant le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue au c) de l'art 4 du règlement d'exemption, consistant à "restreindre les ventes actives ou les ventes passives aux utilisateurs finals par des membres d'un système de distribution sélective qui agissent en tant que détaillants sur le marché" ;
Considérant enfin que la société Cosimo ne justifie nullement que son système de distribution sélective contribue au progrès économique et puisse bénéficier de l'exemption prévue par l'art L. 420-4 du Code de commerce ;
Considérant que la commercialisation de produits hors réseau de distribution sélective n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale, ce d'autant plus que le réseau de distribution sélective mis en place n'a pas de caractère licite et qu'en toute hypothèse, Auchan verse aux débats les documents qui permettent de justifier de la licéité de l'intégralité de son approvisionnement auprès de sociétés étrangères ;
Considérant en effet qu'il est loisible à un fabricant tête de réseau, le fabricant des sacs Eastpak, de faire coexister un double réseau comportant des distributeurs agréés et un réseau parallèle ; que cette coexistence n'est pas anticoncurrentielle en soi, lorsqu'elle permet aux consommateurs de bénéficier d'une offre plus abondante et plus diversifiée ; que dans la mesure où la distribution dans les autres Etats membres n'est pas régie par des règles de la distribution sélective, un distributeur français hors réseau de distribution sélective peut librement s'approvisionner auprès de distributeurs étrangers, ceux-ci ne pouvant d'ailleurs se voir interdire une telle fourniture qui équivaudrait à une interdiction de vente passive, autre restriction caractérisée de concurrence ;
Considérant que la société Cosimo ne peut justifier l'action en responsabilité délictuelle engagée par la société contre Auchan ; qu'elle ne peut ainsi soutenir qu'en s'affranchissant délibérément des exigences qualitatives du système de distribution mis en place, en présentant dans un environnement dévalorisant ou à proximité de produits dévalorisants, à supposer d'ailleurs justifié que cet environnement ou ces produits (sacs de charbon, pots de peinture, articles de cuisine, bacs congélateurs contenant des pièces de viande) soient dévalorisants, la société Auchan a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice des membres du réseau ; que sauf à reprocher à Auchan de ne pas avoir voulu adhérer à son réseau, elle ne peut soutenir qu'en ne respectant aucune des contraintes habituelles imposées aux distributeurs agréés (obligation de présenter un assortiment minimum de produits, obligation de présenter des produits de façon permanente tout au long de l'année, obligation d'assurer le service-après-vente) tout en profitant des investissements publicitaires de Cosimo pour la promotion de la marque, en commercialisant uniquement et massivement le produit phare (le sac à dos "Padded") au moment fort des ventes lors de la rentrée des classes, la société Auchan agit parasitairement étant au surplus observé que la notoriété de la marque existait bien avant la constitution du réseau par Cosimo ;
Considérant aussi que la société Cosimo ne peut faire état d'une atteinte à l'image des produits et de la marque en raison des conditions de commercialisation des articles Eastpak dont le caractère dévalorisant n'est pas rapporté, et alors qu'elle n'est pas propriétaire de la marque et n'est pas chargée de la défendre ;
Considérant que pour ces motifs, les prétentions de la société Cosimo doivent être rejetées.
4) Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Auchan France :
Considérant que la société Auchan France expose que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Cosimo est purement formel de sorte que l'action engagée par la société Cosimo est purement et simplement un détournement de procédure ; que cette procédure s'inscrit dans le cadre d'un harcèlement judiciaire et que d'ailleurs, la société Cosimo n'a jamais engagé la moindre action à l'encontre du fournisseur de la société Auchan France ce qui confirme qu'elle est parfaitement consciente de l'absence de toute faute également de la part de cette société ;
Considérant que la société Auchan France ne rapporte pas la preuve d'un quelconque abus de droit commis par la société Cosimo, qu'elle sera déboutée de sa demande.
Par ces motifs : LA COUR, Rejette des débats les pièces n° 33 à 42 communiquées le jour de l'ordonnance de clôture par la société Cosimo, Déboute la sociétés Auchan France de sa demande de rejet des conclusions de la société Cosimo du 23 avril 2013, Confirme le jugement, Déboute la société Auchan France de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive, Condamne la société Cosimo à payer à la société Auchan France la somme de 30 000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Cosimo aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.