Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 octobre 2013, n° 10-19114

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Benoit, Traditions d'Arthur (SARL)

Défendeur :

Boulangeries Paul (SAS), Panachat (SASU), Château Blanc (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Couturier, Segard, Fisselier, Faizant

T. com. Paris, du 10 sept. 2010

10 septembre 2010

Vu le jugement rendu le 10 septembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit que les contrats de franchise et de location-gérance conclus entre les sociétés Saint-Preux et Les Traditions d'Arthur avaient été résiliés aux torts de la société d'Exploitation Saint-Preux le 1er juillet 2008, a, sous le régime de l'exécution provisoire, condamné celle-ci à payer à la société Les Traditions d'Arthur les sommes de 50 000 euros en réparation du préjudice subi pour inexécution de ses obligations contractuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2008, 5 970 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2008 à titre de remboursement du dépôt de garantie et 1 935,29 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2008 au titre de la reprise des stocks, lesdits intérêts étant capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil, déclaré irrecevable la demande de Monsieur Christophe Benoit de se voir payer la somme de 50 000 euros pour manœuvres discriminatoires et vexatoires, condamné la société Les Traditions d'Arthur à payer à la société d'Exploitation Saint-Preux la somme de 5 836,04 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2008, pour des redevances de franchise et location-gérance impayées, et, enfin, s'agissant de factures de fournitures impayées, à la société Panachat la somme de 2 478,82 euros et à la société Château Blanc la somme de 52 677,02 euros, les deux sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2009 ;

Vu l'appel interjeté par la société Les Traditions d'Arthur le 27 septembre 2010 ;

Vu l'appel interjeté le 8 octobre 2012 par M. Benoit ;

Vu l'ordonnance de jonction des deux appels du 13 novembre 2012 ;

Vu les conclusions signifiées par la société Les Traditions d'Arthur et Monsieur Christophe Benoit, le 2 novembre 2012, tendant à ce que le jugement soit confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation des contrats de location-gérance et de franchise à compter du 1er juillet 2008, mais infirmé sur le quantum de dommages-intérêts mis à la charge du franchiseur, que la société d'Exploitation Saint-Preux soit condamnée à lui payer la somme de 180 000 euros en réparation de son préjudice, correspondant à cinq années de marge nette, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2008, capitalisés par année échue, que le jugement soit infirmé en ce qu'il a déclaré Monsieur Christophe Benoit irrecevable en sa demande de réparation de son préjudice personnel et, y ajoutant, que la société d'Exploitation Saint-Preux soit condamnée à payer à celui-ci la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné la société d'Exploitation Saint-Preux à payer à la société Les Traditions d'Arthur la somme de 5 970 euros avec intérêts à compter du 1er juillet 2008 au titre du remboursement de la caution et, y ajoutant, que la société d'Exploitation Saint-Preux soit condamnée à lui payer les sommes de 4 531,48 euros HT avec intérêts à compter du 1er mai 2008 au titre du trop-perçu sur les redevances 2007, de 20 000 euros avec intérêts à compter du 18 novembre 2008, pour la reprise de stock, que la créance de la société Panachat soit fixée à une somme de 2 478,82 euros, que le jugement soit infirmé concernant les demandes de la SAS Château Blanc et que toute demande de paiement de cette dernière soit rejetée en l'état, subsidiairement, que le jugement soit réformé et que la créance de la société Château Blanc à son encontre soit fixée à la somme de 6 570,25 euros, que la capitalisation des intérêts soit ordonnée et que les sociétés d'Exploitation Saint-Preux et Château Blanc soient condamnées au paiement d'une somme de 7 500 euros à chacun des appelants sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Boulangeries Paul venant aux droits de la société d'Exploitation Saint-Preux, et des sociétés Panachat et Château Blanc, le 7 septembre 2012, tendant, à titre principal, à ce que la société Les Traditions d'Arthur soit condamnée à payer à la société Panachat la somme de 2 478,82 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2009, à la société Château Blanc la somme de 86 307,80 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2008 à hauteur de 3 035,71 euros TTC, du 27 août 2008 à hauteur de 3 964,38 euros TTC, du 17 septembre 2008 à hauteur de 9 011,44 euros TTC et du 5 janvier 2009 pour le solde, à titre reconventionnel, que la société Les Traditions d'Arthur soit condamnée à payer à la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société d'Exploitation Saint-Preux, une somme de 10 000 euros à titre de réparation du préjudice de dénigrement, la somme de 42 809,74 euros pour les redevances impayées, assortie des intérêts de retard à compter du 3 décembre 2008 à hauteur de 35 618,29 euros et du 5 janvier 2009 pour le surplus, que la communication par la société Les Traditions d'Arthur à la société Boulangeries Paul de son chiffre d'affaires pour le mois de novembre 2008 soit ordonnée et, en tout état de cause, que la société Les Traditions d'Arthur et Monsieur Christophe Benoit soient condamnés, solidairement, à verser à chacune des sociétés Boulangeries Paul, Panachat et Château Blanc la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société d'Exploitation Saint-Preux, aux droits de laquelle vient la société Boulangeries Paul (ci-après "société Saint-Preux") appartient à un ensemble qui regroupe des sociétés exerçant des activités dans le domaine de la boulangerie, de la pâtisserie et de la restauration (dont les sociétés Holder, Boulangeries Paul et Pâtisserie E. Ladurée), notamment sous les enseignes Saint-Preux, Paul et Ladurée.

La société Saint-Preux exploite l'enseigne Saint-Preux, notamment par l'intermédiaire de franchisés.

Les points de vente Saint-Preux, commerces de proximité, sont des "terminaux de cuisson" dans lesquels sont proposés à la vente du pain, des viennoiseries, des brioches, des pâtisseries et les formules de petite restauration rapide. Ils bénéficient du savoir-faire de la société Saint-Preux dans ce domaine.

Le 28 novembre 2003, la société Les Traditions d'Arthur, créée par M. Benoit, associé majoritaire et gérant, et M. Delangle, a conclu avec la société Saint-Preux (Touquet Pains) un contrat de location-gérance d'une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction, pour l'exploitation du fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie-viennoiserie-restauration-salon de thé, détenu par la société Saint-Preux et situé 123, rue de Metz au Touquet (62).

Ce contrat prévoit que le droit à l'usage de l'enseigne et du nom commercial Saint-Preux est consenti à la société Les Traditions d'Arthur, dans le cadre d'un contrat de franchise conclu concomitamment au contrat de location-gérance.

La société Saint-Preux a ainsi conclu, à la même date, un contrat de franchise avec la société Les Traditions d'Arthur, pour une durée de cinq ans, non renouvelable, les parties devant, dans les six mois précédant l'arrivée du terme, se concerter "afin d'envisager la possibilité de conclusion d'un nouveau contrat de franchise".

Jusqu'à la fin de l'année 2006, les relations commerciales ont suivi un cours normal entre les parties.

Puis, à partir de décembre 2006, une série de messages électroniques et de courriers versés aux débats attestent d'une détérioration importante du climat relationnel. Tout au long des années 2007 et 2008, les deux parties ont échangé des messages reflétant leur insatisfaction réciproque. La société Les Traditions d'Arthur se plaignait de ruptures d'approvisionnement, d'articles facturés et non livrés, d'absence de bons de livraison, de modification dans le mode de passation des commandes et d'une augmentation importante des prix des fournitures en avril 2008. De son côté, la société Saint-Preux a mis, à plusieurs reprises, son franchisé en demeure de respecter le contrat, et a souligné, entre autre, l'insuffisante cuisson du pain, l'absence fréquente du magasin de M. Benoit, son absence de port de l'uniforme et le défaut de paiement des redevances de mai à novembre 2008.

Par acte en date du 26 août 2008, la société Les Traditions d'Arthur a assigné la société Saint-Preux devant le tribunal de commerce pour faire juger que la responsabilité contractuelle de la société Saint-Preux était engagée, compte tenu de ses différents manquements au contrat de franchise, outre d'autres manquements contractuels allégués, comme l'obligation de formation et d'assistance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 octobre 2008, la société Saint-Preux faisait savoir à la société Les Traditions d'Arthur que le contrat de franchise, qui arrivait à échéance le 28 novembre 2008, ne serait pas renouvelé par la société Saint-Preux, non plus que le contrat de location-gérance, "compte tenu de la dégradation de la qualité de notre partenariat, à savoir notamment l'assignation délivrée à notre encontre en date du 26 août 2008 et votre défaillance dans le paiement des échéances envers le groupe".

Par le jugement déféré, les premiers juges ont constaté "les manquements graves de Saint-Preux à ses obligations contractuelles", notamment les ruptures d'approvisionnement et l'augmentation importante des prix des produits livrés, et ont imputé la responsabilité de la résiliation au franchiseur au 1er juillet 2008. Le jugement n'a accordé à l'ancien franchisé qu'une somme de 50 000 euros en indemnisation du préjudice subi en 2007 et 2008, du fait des difficultés d'approvisionnement rencontrées. Il lui a également accordé la restitution du dépôt de garantie de 5 970 euros et la reprise du stock, évaluée à 1 935,29 euros (et non à 20 000 euros comme demandé). Il l'a, en revanche, débouté de sa demande de restitution du trop-perçu par Saint-Preux sur les redevances de franchise de 2007 (4 531,48 euros) et a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral de M. Benoit. S'agissant des demandes reconventionnelles de la société Saint-Preux, le tribunal l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour dénigrement et lui a accordé une somme de 4 879,63 euros (au titre des redevances impayées antérieures au 1er juillet 2008). Il a alloué aux deux fournisseurs, les sociétés Panachat et Château Blanc, les sommes respectives de 2 478,82 euros et 52 677,02 euros (cette somme résultant de la minoration de la somme réclamée par cette dernière, soit 86 307,80 euros, de 10 % et de la déduction d'un acompte de 25 000 euros versé par la société Les Traditions d'Arthur en août 2008).

Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 27 novembre 2012, désigné un médiateur. Par courrier du 21 février 2013, celui-ci a fait part de l'absence d'accord entre les parties et l'affaire a été audiencée.

Sur la résiliation du contrat aux torts de la société Saint-Preux

Considérant que la société Saint-Preux a choisi de ne pas renouveler le contrat de franchise, conclu pour une durée non-renouvelable de cinq années ; que la société Les Traditions d'Arthur reproche au franchiseur sa mauvaise exécution du contrat et sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation aux torts de la société Saint-Preux, soutenant que le franchiseur aurait manqué à ses obligations contractuelles essentielles, en se dispensant de ses obligations de formation "initiale et permanente", de transmission du savoir-faire et d'assistance, qu'il n'aurait installé aucun système informatique dans le magasin, ne lui aurait fait bénéficier d'aucun perfectionnement de ses systèmes, méthodes et techniques, et, enfin, qu'il aurait manqué à ses obligations d'approvisionnement ;

Considérant que la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société Saint-Preux, et les sociétés Panachat et Château Blanc, intimées, rétorquent que la société Saint-Preux a parfaitement exécuté ses obligations au titre du contrat de franchise et que l'appelante a, à de nombreuses reprises, manqué à ses propres obligations contractuelles ;

Sur la formation "initiale et permanente" et la transmission du savoir-faire

Considérant que la société Les Traditions d'Arthur expose que le franchiseur ne lui a dispensé ni la formation initiale de 3 à 6 semaines prévue à l'article 4-1-1 du contrat, une formation de 4 jours ayant seulement été prodiguée, ni la formation permanente et prétend que le franchiseur n'a ni transmis, ni actualisé son savoir-faire, contrairement à ses obligations essentielles, aucun nouveau produit n'ayant été développé et une seule visite-bilan en cinq ans ayant été effectuée dans sa boutique ;

Considérant que si la société Saint-Preux assure avoir formé son franchisé, elle ne peut faire état que d'une formation organisée en juillet 2006, en sus des quatre jours de formation initiale ; que cependant, la formation fait partie de l'obligation essentielle de transmission du savoir-faire ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que le franchiseur s'est acquitté de ses obligations de transmission du savoir-faire, en conformité avec l'article 4-2 du contrat ; que le franchisé reconnaît en effet avoir reçu la bible "produit" et la bible hygiène ; que le franchiseur atteste l'envoi de documents d'actualisation, le lancement d'un nouveau concept Saint-Preux et de nouveaux produits (petits cakes au citron, donuts, différents parfums de glaces, différences références de boissons et de baguettes) ; que des opérations marketings ont été lancées à l'occasion de différentes fêtes ;

Sur l'assistance du franchisé

Considérant que l'appelante se plaint de l'absence d'exécution de l'article 4-5 du contrat de franchise, le franchiseur ayant, selon elle, manqué à son obligation d'assistance ;

Mais considérant que le franchisé a effectué trois visites dans les locaux de la société Saint-Preux, dont la dernière le 29 avril 2007, lui a proposé des opérations promotionnelles, a répondu rapidement par messages électroniques à plusieurs demandes d'assistance technique ; que de nombreux courriers électroniques attestent d'une certaine animation du réseau ; que si l'implication du franchiseur semble faiblir en 2008, cette circonstance ne saurait caractériser, en soi, une violation des obligations du franchiseur ; que la société Les Traditions d'Arthur ne démontre pas l'inexécution fautive de cette obligation par le franchiseur ;

Sur les obligations du franchiseur au titre de l'assistance informatique

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'acquisition et l'installation du matériel de gestion incombaient à cette dernière, en vertu de l'article 4-5-2 du contrat de franchise : "Le Franchiseur communiquera au Franchisé les coordonnées du fournisseur du logiciel adapté au réseau Saint-Preux et du matériel informatique nécessaire afin d'installer le logiciel" ; que le contrat de location-gérance dispose en son point 14 : "Le Locataire gérant s'engage à se porter acquéreur d'un matériel informatique et d'un logiciel adapté (2 caisses), auprès d'un fournisseur agréé par la société d'exploitation Saint-Preux et à faire procéder, à ses frais, à sa mise en fonction dans le fonds de commerce objet des présentes, au plus tard dans les deux mois de son exploitation" ; que le franchisé ne démontre, en définitive, aucune faute du franchiseur dans la fourniture de logiciels qui ne lui incombait pas, en vertu de l'article 5-5-12 du contrat de franchise ;

Sur l'approvisionnement

Considérant que si la société Les Traditions d'Arthur fait état de nombreuses ruptures d'approvisionnement, la société Saint-Preux prétend que ces problèmes ont été peu fréquents et qu'en toute hypothèse, elle a, à chaque reprise, dédommagé son franchisé par l'allocation d'avoirs ;

Considérant qu'en vertu de l'article 6-2-1 du contrat de franchise, les "produits spécifiques", c'est-à-dire les produits "indispensables à la mise en œuvre du concept Saint-Preux", ne peuvent être achetés qu'auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur, sous peine d'une amende de 76,22 euros par article présenté à la vente ou en stock ;

Considérant que la société Les Traditions d'Arthur verse aux débats plusieurs messages dans lesquels les fournisseurs référencés annoncent des ruptures d'approvisionnement ou dans lesquels la société Saint-Preux annule une commande : les 1er novembre 2006, 10, 24 août, 10 octobre, 19 décembre 2007 et du 28 avril au 2 mai 2008 ; que ces ruptures d'approvisionnement, rendues plus cruciales encore par la clause d'approvisionnement exclusif, qui empêchait le franchisé de se tourner vers des fournisseurs alternatifs, ont nécessairement généré un préjudice pour le franchisé, compte tenu de leur répétition, s'agissant du deuxième semestre 2007, puis de l'importance stratégique de la période affectée, s'agissant de l'Enduro et des vacances de Pâques ; que, parallèlement, il résulte du dossier que les commandes n'étaient pas systématiquement assorties des bons de livraison, rendant difficile leur suivi effectif ; que si la société Saint-Preux justifie de versements d'avoirs, elle ne prouve pas l'affectation de ces avoirs, certains d'entre eux étant destinés à compenser des articles endommagés dans les commandes ; qu'en toute hypothèse, vu leur faible montant, ils ne pouvaient dédommager la société Les Traditions d'Arthur des pertes subies ; que si elle fait état d'une organisation interne destinée à éviter d'éventuelles ruptures d'approvisionnement, la pièce qu'elle verse aux débats, datant de fin 2006, donc bien antérieure aux périodes litigieuses, atteste plutôt de la mise en place de procédures de déclarations d'articles manquants ou endommagés ; que si elle soutient enfin que l'article 6-6 du contrat l'exonère de toute responsabilité dans l'"inexécution totale ou partielle d'une commande par un fournisseur", il convient de souligner que les fournisseurs impliqués sont tous du groupe Holder et ne peuvent être considérés comme des fournisseurs tiers, au sens du contrat ;

Considérant que la société Saint-Preux a commis une faute en désorganisant périodiquement l'activité de son franchisé, par l'irrégularité avec laquelle elle a honoré certaines commandes, à des moments stratégiques pour le franchisé ; que cependant ce manquement sera suffisamment réparé par l'allocation de dommages-intérêts, sans qu'il y ait lieu de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur ; que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

Sur les demandes indemnitaires de la société Les Traditions d'Arthur

Sur le préjudice économique

Considérant que la société appelante demande, outre le dédommagement pour ses pertes, des dommages-intérêts pour ses gains manqués, qu'elle évalue à cinq années de marge brute nette d'exploitation, soit 180 000 euros, estimant qu'elle a été indument privée de la faculté de renouveler le contrat de franchise ;

Mais considérant que le franchisé n'avait aucun droit au renouvellement du contrat de franchise, qui arrivait à son terme échu ; que la société Saint-Preux pouvait légitimement ne pas renouveler le contrat, aucune déloyauté n'ayant été établie à sa charge ; que le franchisé ne peut donc se plaindre d'une perte de chance au titre du non-renouvellement de la franchise, prévu au contrat ;

Considérant, en revanche, s'agissant des pertes subies, que compte tenu des perturbations endurées dans son activité, réitérées à plusieurs reprises et du chiffre d'affaires réalisé de 2005 à 2007, ainsi que du temps mobilisé à résoudre ces difficultés, il y a lieu de condamner la société Saint-Preux à payer à la société Les Traditions d'Arthur la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et d'infirmer le jugement déféré ;

Sur le dépôt de garantie

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Saint-Preux à restituer à la société Les Traditions d'Arthur son dépôt de garantie, d'un montant de 5 970 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Sur le trop-perçu de 2007

Considérant que la société Les Traditions d'Arthur ne justifie pas de cette demande ; qu'elle sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;

Sur la reprise du stock

Considérant que les premiers juges ont justement évalué la valeur de reprise du stock à la somme de 1 935,29 euros, conformément au constat d'huissier du 27 novembre 2008, évaluant le stock à cette somme ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Sur la demande de M. Benoit

Considérant que M. Benoit ne démontre avoir subi aucun préjudice personnel, distinct de celui subi par sa société ; que sa demande d'indemnisation sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Saint-Preux

Sur la pratique alléguée de dénigrement

Considérant que la société Saint-Preux prétend que la société appelante a porté atteinte à sa réputation et à son image de marque, en affichant pendant trois semaines un message dénigrant à son encontre ;

Considérant que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ;

Considérant qu'il résulte d'un constat dressé par Maître Duquenoy, huissier de justice à Montreuil-sur-Mer, que le 22 octobre 2008, était apposée, sur la vitrine du franchisé, une affiche contenant l'énoncé suivant : "Chères clientes, chers clients, C'est avec une grande émotion que je vous annonce la décision du groupe Holder (Boulangeries Paul, Saint-Preux, Ladurée, La manufacture du pain) de se débarrasser du petit commerçant franchisé que nous sommes, et ce à compter du 27 novembre au soir, dernier jour de notre exploitation. Je ne peux malheureusement vous en dire plus pour le moment ayant entamé une procédure judiciaire, comme d'autres franchisés Saint-Preux en France, à l'encontre de ce grand groupe international. M. Delangle et moi-même nous vous remercions très chaleureusement de la confiance que vous nous avez témoignée durant ces cinq années de fidélité. Dans l'attente de vous retrouver tout prochainement dans une nouvelle aventure. Très respectueusement. Christophe Benoit SARL Les Traditions d'Arthur Commerçant indépendant franchisé Saint-Preux" ; que malgré la sommation du même jour d'enlever l'affiche, cette affiche est restée placardée pendant trois semaines ;

Considérant que ce message, certes public, mais d'un accès limité, ne met pas en cause la qualité des produits et services de la société Saint-Preux, mais sa façon de mettre un terme à la franchise ; que l'usage du terme "se débarrasser" ne peut en soi constituer un propos dénigrant, dans le contexte concerné et l'annonce d'une procédure judiciaire ne constitue pas en soi un acte de dénigrement, sauf à faire systématiquement dégénérer en abus de droit la publicité donnée à une telle action ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société Saint-Preux pour pratique de dénigrement ;

Sur la demande en paiement des redevances dues de juin à novembre 2008

Considérant que la société Saint-Preux allègue que l'appelante reste lui devoir une somme de 42 809,74 euros en paiement des redevances de franchise et de location-gérance pour les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 2008 et la redevance fixe de location-gérance de novembre 2008 ; qu'elle expose qu'elle ne dispose pas du chiffre d'affaires du magasin pour le mois de novembre 2008 et ne peut donc calculer les redevances de franchise et les redevances proportionnelles de location-gérance afférentes à novembre 2008 ;

Considérant que la société appelante soulève l'exception d'inexécution et soutient qu'aucune redevance ne peut être due sans contrepartie ;

Mais considérant que le paiement de redevances constitue une obligation essentielle du franchisé, qui ne démontre pas par ailleurs l'inexécution, par le franchiseur, de ses propres obligations essentielles de transmission du savoir-faire et d'assistance ; que le manquement du franchiseur à son obligation d'approvisionnement régulier du franchisé ne justifie pas la résiliation à ses torts, car il ne rendait pas impossible le maintien des liens contractuels, mais l'allocation de dommages-intérêts ; que l'exception d'inexécution ne pouvait donc valablement être opposée à la demande de paiement des redevances du franchiseur ; qu'il est constant que la société Les Traditions d'Arthur ne s'est pas acquittée des redevances de franchise et de location-gérance pour les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre 2008 et de la redevance fixe de location-gérance du mois de novembre 2008 ; que les factures adressées au franchisé par lettre recommandée du 5 janvier 2009 correspondent effectivement aux redevances et loyers prévus dans les contrats de franchise et de location gérance, pour un montant total de 42 809,74 euros (redevances de franchise de 3 % du CA ; redevances fixes de location-gérance et proportionnelles de 11,5 % du CA, sous réserve d'un montant minimum de 2 985 euros) ; que la société Les Traditions d'Arthur n'en conteste au demeurant pas le calcul, ni l'assiette ; qu'il y a donc lieu de la condamner au paiement de cette somme, assortie, conformément aux stipulations contractuelles, d'un taux égal à une fois et demi l'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2009 ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a limité le calcul des redevances impayées à celles antérieures au 1er juillet 2008 ;

Considérant, s'agissant du chiffre d'affaires réalisé en novembre 2008, que l'appelante verse aux débats un courrier électronique du 22 octobre 2009, signé de son service comptable et faisant état d'un chiffre d'affaires de 13 368,31 euros HT ; que si la société Saint-Preux conteste la valeur probatoire de ce document et demande à la cour d'ordonner à la société Les Traditions d'Arthur la communication de son chiffre d'affaires de novembre 2008, il convient de souligner qu'il n'y a pas de motifs sérieux de douter de la véracité des mentions de ce document, le chiffre d'affaires déclaré étant cohérent avec les chiffres d'affaires afférents aux autres mois de l'année 2008 ; que la redevance de franchise s'élève donc à 3 % de 13 368,31 euros, soit 401,04 euros HT, soit 480 euros TTC et la redevance proportionnelle de location-gérance à 11,5 % de 13 368,31 soit à 3 570,06 euros TTC, soit le minimum garanti, le montant de 1 537,35 euros étant inférieur à ce plancher ; que la société Les Traditions d'Arthur sera donc condamnée à ce titre au paiement de la somme totale de 4 050 euros, assortie, conformément aux stipulations contractuelles, d'un taux égal à une fois et demi l'intérêt légal à compter du présent arrêt ;

Sur la demande en paiement des factures des sociétés Château Blanc et Panachat, intervenantes volontaires

Considérant que la société Saint-Preux prétend que l'appelante reste devoir la somme de 86 307,80 euros, avec intérêts au taux légal, à la société Château Blanc et la somme de 2 478,82 euros, majorée des intérêts au taux légal, à la société Panachat ; qu'elle verse aux débats les factures correspondantes, accompagnées des bons de livraison et de transport ; qu'elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit la somme due à la société Château Blanc, pour tenir compte des augmentations de prix contestées par la société Les Traditions d'Arthur ;

Considérant que l'appelante reconnaît la demande de la société Panachat comme fondée, mais refuse de s'acquitter des factures de la société Château Blanc, la facturation étant erronée et les sommes réclamées ne tenant pas compte de sa contestation sur l'augmentation des tarifs ainsi que d'un versement de 25 000 euros effectué au mois de septembre 2008 ;

Considérant que la société Saint-Preux verse aux débats les factures litigieuses, accompagnées des bons de livraison et de transport à l'exception des factures d'avril et mai, seulement accompagnées des bons de transport ; que cependant, ces bons de transport sont parfois annotés et mentionnent des remarques, ou réserves, attestant bien d'une livraison effective des produits ; que la société Les Traditions d'Arthur ne démontre, par ailleurs, pas précisément les griefs reprochés à ces livraisons ; que ceux-ci ne sont pas suffisamment circonstanciés et la société franchisée ne démontre pas s'être acquittée des sommes réclamées, ni avoir contesté les factures au moment de leur réception, ne versant aux débats que des contestations ponctuelles, non rattachables à une facture donnée ;

Considérant, enfin, s'agissant de l'augmentation des tarifs d'approvisionnement imposée aux franchisés, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une procédure de contestation ait été élevée, conformément à l'article 6-4 du contrat de franchise ; qu'il peut donc en être déduit l'acceptation tacite de ces tarifs ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a réduit la somme due à la société Château Blanc de 10 % ; qu'il sera également infirmé en ce qu'il a déduit l'acompte de 25 000 euros versé par la société Les Traditions d'Arthur le 22 septembre 2008, cette somme ayant déjà été prise en compte dans le décompte versé aux débats par la société Saint-Preux ;

Considérant, en définitive, qu'il convient de condamner la société Les Traditions d'Arthur à payer à la société Panachat la somme de 2 478,82 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2009, et à la société Château Blanc la somme de 86 307,80 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2008 à hauteur de 3 035,71 euros, du 27 août 2008 à hauteur de 3 964,38 euros, du 17 septembre 2008, à hauteur de 9 011,44 euros et du 5 janvier 2009 pour le solde ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Saint-Preux, prise en la personne de la société Boulangeries Paul, à restituer à la société Les Traditions d'Arthur son dépôt de garantie d'un montant de 5 970 euros, à lui payer la somme de 1 935,29 euros au titre de la reprise du stock, a débouté la société Les Traditions d'Arthur de sa demande de remboursement du trop-perçu de 2007 et M. Benoit de sa demande de dommages-intérêts, en ce qu'il a débouté la société Saint-Preux de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement et condamné la société Les Traditions d'Arthur à payer à la société Panachat la somme de 2 478,82 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2009 ainsi que sur les dépens ; L'infirme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Rejette la demande de résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Saint-Preux, aux droits de laquelle vient la société Boulangeries Paul, Déclare fautives les ruptures d'approvisionnement de la société Saint-Preux, Condamne la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société Saint-Preux, à payer, en dédommagement, à la société Les Traditions d'Arthur la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Condamne la société Les Traditions d'Arthur à payer à la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société Saint-Preux, la somme de 42 809,74 euros, assortie d'un taux égal à une fois et demi l'intérêt légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2009 et la somme de 4 050 euros, assortie d'un taux égal à une fois et demi l'intérêt légal à compter du présent arrêt, en paiement des redevances de franchise et location-gérance ; Dit que les sommes de 5 970 euros et 1 935,29 euros seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Dit que les intérêts courant sur les sommes de 5 970 euros, 1 935,29 euros et 80 000 euros seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société Les Traditions d'Arthur à payer à la société Château Blanc la somme de 86 307,80 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2008 à hauteur de 3 035,71 euros, du 27 août 2008 à hauteur de 3 964,38 euros, du 17 septembre 2008, à hauteur de 9 011,44 euros et du 5 janvier 2009 pour le solde, Condamne la société Les Traditions d'Arthur et M. Benoit, in solidum, aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.