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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 octobre 2013, n° 11-21524

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cyril Layani International Trade (SARL)

Défendeur :

Poweo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Michel-Amsellem

Avocats :

Mes Nut, Dahan, Ingold, James

T. com. Paris, 19e ch., du 26 oct. 2011

26 octobre 2011

FAITS ET PROCÉDURE

La société Cyril Layani International Trade (la société CLIT) a conclu avec la société Poweo un contrat par lequel elle était chargée de commercialiser les offres de celle-ci intitulées "Tarif bleu".

Ce contrat est entré en vigueur le 1er décembre 2004 et il a été résilié par la société Poweo, le 31 mars 2006, à compter du 30 septembre 2006.

Soutenant que leur convention devait être requalifiée en contrat d'agent commercial et qu'une indemnité de clientèle lui était due, la société CLIT a, par acte du 17 mai 2010, fait assigner la société Poweo en paiement devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 26 octobre 2011 le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société CLIT de l'ensemble de ses demandes

- condamné la société CLIT à payer à la société Poweo la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouté la société Poweo de ses demandes supplémentaires

Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2011 par la société CLIT contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 mars 2012 par la société CLIT, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire l'appel recevable

- annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

- dire et juger le contrat passé entre la société Poweo et la société CLIT comme étant un contrat d'agence commercial au sens de l'article L. 134-1 et suivants du Code de commerce ;

- dire et juger la transaction passée entre les parties limitée dans son objet aux seules commissions dues par la société Poweo à la société CLIT au titre du reliquat de commissions

- condamner la société Poweo à payer à la société CLIT la somme de 262 249,36 € au titre de l'indemnité de clientèle dure ;

- condamner la société Poweo à payer les intérêts au taux majoré de 1,5 fois le taux légal, à compter de la première mise en demeure ;

- condamner la société Poweo au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La société CLIT soutient que le contrat la liant à la société Poweo est un contrat d'agent commercial et que ce statut d'ordre public doit s'appliquer malgré la qualification qu'auraient pu en donner les parties.

Elle fait valoir sur ce point qu'elle avait en effet un pouvoir de négociation avec les clients de la société Poweo, portant notamment sur la durée d'engagement, la nature de l'énergie souscrite, la qualité et l'origine de l'énergie, les quantités souscrites ou encore la méthode de tarification.

La société CLIT précise par ailleurs qu'elle est indépendante, que son droit de négociation était permanent et qu'elle prenait les commandes au nom et pour le compte de la société Poweo. Selon elle, ces éléments sont de nature à justifier l'application du statut d'agent commercial.

La société appelante demande à la cour de fixer l'indemnité de clientèle à laquelle elle estime avoir droit. Elle précise sur ce point que l'accord transactionnel conclu avec la société Poweo le 11 juin 2007 ne portait pas sur ce droit à indemnité. Elle fait valoir que celle-ci doit être égale à deux années de commissions et que la preuve d'un préjudice n'a pas à être rapportée.

Elle soutient enfin que l'intimée devra être condamnée aux sommes dues au titre des notes de débit, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal.

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 avril 2012 par la société Poweo, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger que le contrat intervenu entre la société Poweo et la société CLIT n'est pas un contrat d'agent commercial ;

- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 26 octobre 2011, en toutes ses dispositions

- débouter la société CLIT de toutes ses demandes ;

- condamner la société CLIT à payer à la société Poweo la somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Poweo soutient que le contrat était intitulé "contrat grossiste" et que selon les termes de celui-ci, la société CLIT ne disposait pas du pouvoir de créer une situation juridique puisqu'elle ne concluait pas de contrat, ni du pouvoir de contribuer à exercer une relation juridique car elle ne pouvait négocier les termes d'un contrat dont les conditions étaient définies par elle seule. Selon elle, les conditions de l'article 134-1 du Code de commerce n'étant pas réunies, la société CLIT ne peut se prévaloir du statut d'agent commercial.

Subsidiairement, elle fait valoir que le calcul du montant annuel de commissions présenté par la société CLIT pour déterminer l'indemnité de clientèle est erroné et repose sur des éléments qui ne sont pas démontrés.

S'agissant des intérêts réclamés, la société Poweo oppose que ceux-ci ne sont pas dus puisque la société CLIT et elles ont transigé sur le montant de toutes les commissions réclamées par celle-ci.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualification du contrat

L'article 5.1 du contrat de partenariat conclu entre les sociétés Poweo et CLIT énonce à l'alinéa premier que "le Partenaire (la société CLIT) s'engage, après avoir qualifié et quantifié les besoins des prospects, à leur remettre les documents commerciaux en vigueur chez Poweo, concernant les offres, accompagnés d'un projet de contrat de fourniture d'électricité ou d'un bulletin de pré-souscription" et, au deuxième alinéa, que "Le Partenaire présentera les offres de Poweo, selon les conditions contractuelles et les tarifs qui lui sont communiqués par Poweo. En conséquence, le Partenaire s'interdit de modifier, de quelque façon que ce soit, le contenu, la présentation, les tarifs ou les modalités des offres qui sont ou qui seront proposées par Poweo".

La société CLIT revendique le statut d'agent commercial tel que prévu par l'article L. 134-1 du Code de commerce et selon lequel "L'agent commercial est un mandataire qui à titre de profession indépendante (...) est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels de commerçants ou d'autres agents commerciaux (...)".

Elle précise à ce sujet que cette disposition instaure un statut d'ordre public, auquel les parties ne peuvent déroger par des dispositions contractuelles ou en qualifiant autrement le contrat. Elle fait valoir que le tribunal de commerce en liant la notion de négociation à celle du pouvoir de négocier les prix a commis une erreur d'interprétation. Elle expose qu'elle négociait avec le client final de nombreux aspects du contrat que ce dernier allait conclure avec la société Poweo, comme, notamment, la durée de l'engagement, ou l'absence d'engagement minimal, la nature de l'énergie souscrite, la qualité et l'origine de l'énergie, les choix effectués entraînant une modification du coût des prestations, les quantités d'énergie souscrite et le choix de la méthode de tarification.

Cependant, tous ces éléments du contrat que la société CLIT présentait aux prospects en fonction de leurs caractéristiques, de leurs besoins et de leurs exigences ne lui confèrent pas un pouvoir de négociation, mais seulement une fonction de présentation des différentes options de l'offre de la société Poweo. Le fait que le résultat des arbitrages du client entre les différentes prestations ait une portée économique, tant pour ce dernier que pour la société Poweo, n'entraîne pas pour autant que la société CLIT ait eu le pouvoir d'accomplir un acte juridique pour celle-ci. Bien au contraire, le contrat précise à l'article 5.4 que la société Poweo "se réserve le droit de refuser de signer tout contrat de service comprenant des conditions non-standard et qui n'auraient pas fait d'une validation préalable et écrite de sa part et/ou n'ayant pas été négociées conformément aux décisions et procédures Poweo communiquées au partenaire".

Par ailleurs, la société CLIT ne démontre pas qu'elle aurait eu le pouvoir de modifier les offres de prix de la société Poweo. Le fait qu'elle ait pu faire bénéficier les clients de promotions est à cet égard inopérant, puisque ces promotions ainsi que les périodes de proposition étaient décidées par la société Poweo. Le fait qu'elle invoque, d'avoir conduit certains prospects à conclure des contrats aux tarifs les plus élevés, même en période de promotions, avantageant ainsi la société Poweo, ne rapporte pas davantage la preuve d'un pouvoir de négociation des prix, puisque cette pratique n'avait pas pour résultat de proposer un tarif qui n'aurait pas été fixé par la société Poweo ou de réduire un tarif qu'elle aurait préalablement fixé. Enfin la présentation qu'elle a faite d'une offre spécifique pour le groupe Gestrim ainsi que pour l'UFCV ne l'a pas conduite à négocier elle-même le tarif qui serait offert à ces deux organismes.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société CLIT n'a pas rapporté la preuve de ce qu'elle aurait accompli dans la réalité des faits les missions et les fonctions d'un agent commercial et c'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté sa demande de requalification du contrat de partenariat en contrat d'agent commercial et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir donné de qualification précise à celui-ci alors que ses caractéristiques ne permettent de le considérer ni comme un contrat de grossiste, ni comme un contrat d'agent commercial. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Dans ces conditions, la société CLIT ne peut prétendre à une indemnité de clientèle prévue en cas de rupture du contrat d'agence commerciale et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Poweo l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés pour sa défense, et la société CLIT sera condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Condamne la société CLIT à verser à la société Poweo la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes plus amples ou contraire des parties ; Condamne la société CLIT aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.