Cass. com., 8 octobre 2013, n° 12-22.958
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Adinvest (SARL)
Défendeur :
Ecofip (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Ricard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2012), que la société Ecofip, spécialisée dans la conception d'opérations de défiscalisation dans les territoires d'Outre-Mer, et la société Adinvest, ayant pour activité de proposer à des investisseurs des opérations de même nature, ont passé des accords verbaux à compter de la fin de l'année 2005 en vue de partager à parts égales les sommes leur revenant sur les fonds apportés par les investisseurs, puis ont formalisé en janvier 2010 un accord écrit modifiant les conditions de fixation de la rémunération de la société Adinvest pour une période allant jusqu'en avril 2012 ; que la société Ecofip ayant mis fin à cette relation commerciale en décembre 2010, la société Adinvest l'a fait assigner au titre d'une rupture brutale et en paiement de factures impayées ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Advinvest fait grief à l'arrêt d'avoir limité à une certaine somme le montant des dommages-intérêts que la société Ecofip a été condamnée à lui payer, alors, selon le moyen : 1°) que la rupture fautive d'un contrat à durée déterminée avant le terme contractuel oblige l'auteur de la rupture à indemniser intégralement le préjudice résultant pour son cocontractant de la perte de marge brute jusqu'au terme du contrat ; qu'en fixant la réparation du préjudice subi par la société Adinvest à la somme forfaitaire de 400 000 euros sans qu'il ressorte des motifs de l'arrêt que ce montant correspond effectivement aux bénéfices dont elle a été privée jusqu'au terme du contrat rompu par la société Ecofip, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble le principe de la réparation intégrale ; 2°) qu'en prenant en compte, pour limiter la réparation du préjudice subi par la société Adinvest, du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé auprès d'autres clients postérieurement à la résiliation fautive du contrat par la société Ecofip, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1149 du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble le principe de la réparation intégrale ; 3°) qu'en prenant en compte, pour évaluer le montant du préjudice subi par la société Adinvest, du caractère prétendument "aléatoire" du chiffre d'affaires réalisé avec la société Ecofip après avoir pourtant constaté que selon le rapport de l'expert-comptable, ce chiffre d'affaires était resté constant de 2008 jusqu'à la rupture du contrat intervenue le 21 décembre 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 1147, 1149 du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble le principe de la réparation intégrale ; 4°) qu'en tout état de cause, en ne justifiant pas en quoi et dans quelle mesure le caractère prétendument "aléatoire" du chiffre d'affaires réalisé auprès de la société Ecofip devait être pris en compte pour évaluer le montant du préjudice résultant de la rupture fautive du contrat avant son terme, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1147, 1149 du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble le principe de la réparation intégrale ; 5°) qu'en constatant d'une part qu' "eu égard à la durée des relations établies pendant cinq ans, à la dépendance économique de la société Adinvest, et en l'absence de préavis raisonnable, la société Adinvest n'a pas été en mesure de prendre toutes dispositions utiles afin de donner une nouvelle orientation à ses activités ou trouver d'autres partenaires commerciaux malgré la libération de la clause d'exclusivité par Ecofip", et en affirmant d'autre part qu' "Adinvest ne démontre pas l'existence d'obstacle à son développement et un préjudice supplémentaire du fait de la dépendance qui a été la sienne durant la période contractuelle", la cour d'appel s'est fondée sur des constatations contradictoires privant ainsi sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que les relations commerciales liant les parties étaient en rapport avec des opérations de défiscalisation dans les territoires d'Outre-Mer et avaient donné lieu à une modification des conditions de fixation de la rémunération à compter de janvier 2010, la rémunération étant désormais fondée sur un calcul variable en proportion des sommes apportées, ce dont il se déduisait une nature aléatoire intrinsèque, et retenu qu'à la suite de la rupture fautive intervenue la société Adinvest avait été privée de 16 mois d'activité soumis à cet aléa, dont l'incidence sur le chiffre d'affaires escompté a été souverainement appréciée, l'arrêt relève que cette dernière a toutefois retrouvé un certain chiffre d'affaires ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a ainsi apprécié l'étendue du préjudice réel subi par la société Adinvest, a pu statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant tenu compte de la durée des relations établies, de la dépendance économique de la société Adinvest, et de l'absence de préavis raisonnable, pour retenir que la société Adinvest n'avait pas été en mesure de prendre toutes dispositions utiles afin de donner une nouvelle orientation à ses activités ou trouver d'autres partenaires commerciaux malgré la libération de la clause d'exclusivité et fixer le montant du préjudice subi à un certain montant, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain, et sans contradiction, qu'elle a considéré qu'il n'était pas démontré de préjudice supplémentaire du fait de la dépendance qui a été la sienne durant la période contractuelle ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Adinvest fait grief à l'arrêt d'avoir seulement condamné la société Ecofip à payer à la société Adinvest la somme de 400 000 euros en réparation de son préjudice et d'avoir rejeté toute autre demande, fin et conclusion, alors, selon le moyen, que le tribunal de commerce a omis dans son dispositif de reprendre la condamnation de la société Ecofip à payer à la société Adinvest une somme de 71 378,87 euros au titre de factures impayées qui résulte de ses motifs ; que la cour d'appel qui dans ses motifs déclare confirmer le jugement sur ce point ne prononce pas cette condamnation dans son dispositif ; que dès lors n'énonçant pas la condamnation de la société Ecofip à payer à la société Adinvest la somme de 71 378,87 euros sous forme de dispositif, la cour d'appel a violé l'article 455, alinéa 3 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt ayant constaté que le jugement déféré avait été rectifié par jugement du 29 juillet 2011 et retenu que la condamnation à paiement de 71 378,87 euros prononcée par le tribunal devait être confirmée, sans préciser dans son dispositif que cette confirmation portait sur le jugement "tel que rectifié", le moyen, qui dénonce une erreur matérielle pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 462 du Code de procédure civile, n'est pas recevable ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.