Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 septembre 2013, n° 11-20434

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vidéocité (SARL)

Défendeur :

Demarthe, Never Walk Alone (SARL), France Télévisions (SA), Europacorp TV (SAS), Belattar

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Olivier, Stefanaggi, Lallement, Pourrinet, Jaraud, Hardouin, Lefaucheux, Fisselier, Khalvadjian, Bouvery

TGI Paris, 3e ch. 4e sect., du 20 oct. 2…

20 octobre 2011

Le 6 mars 2009, la société Vidéocité (ayant pour nom commercial "Séquence SDP") dont l'activité porte, notamment, sur la production d'émissions télévisées et qui se présente comme ayant conçu et développé par ses moyens propres, en 2008, un projet d'émission de télévision autour de la personnalité d'un jeune animateur de radio, Yassine Belattar, avec l'enregistrement d'un pilote de cette émission, a conclu un contrat de coproduction avec la société France Télévisions (pôle France 4) portant sur vingt émissions de 60 minutes d'une série magazine intitulée "Le Belattar Show" animée par Yassine Belattar.

Le concept était contractuellement défini comme suit : "L'animateur reçoit des personnalités qui font l'actualité du moment dans l'esprit des late shows américains".

Vingt numéros de l'émission ont été diffusés sur la chaîne France 4 entre le 13 février et le 26 juin 2009. L'émission n'a pas été reconduite.

Le 17 juillet 2009, la société Vidéocité a déposé la marque verbale française "Le Belattar show", n° 09 3 664 753.

Informée que la société France Télévisions envisageait de coproduire avec la société Europacorp TV une nouvelle émission de talk-show animée par Yassine Belattar intitulée "On achève bien l'info", par lettres du 15 septembre puis du 27 novembre 2009 auxquelles il a été répondu, la société Vidéocité les mettait en garde contre toute concrétisation ou persistance de cette coproduction attentatoire, selon elle, à ses relations contractuelles avec France Télévisions et révélant un comportement déloyal et parasitaire.

Copie en était adressée à ceux qu'elle considérait comme les principaux intéressés, à savoir : Monsieur Belattar ainsi que Monsieur Vincent Demarthe et la société Never Walk Alone par lui créée agissant comme prestataire de conseil et de direction de production de la société Vidéocité.

Un contrat de coproduction ayant pour objet la diffusion de l'émission "On achève bien l'info" ayant néanmoins été signé le 26 novembre 2009 et l'émission diffusée à compter du 15 octobre 2009, la société Vidéocité a considéré qu'avaient notamment été repris les éléments caractéristiques de son émission avec appropriation de ses investissements financiers et humains, de son savoir-faire et de la valeur économique créée si bien que par acte du 5 mars 2010, elle a assigné la société France Télévisions, la société Europacorp TV, Messieurs Belattar et Demarthe ainsi que la société Never Walk Alone en réparation du préjudice résultant de ces faits considérés comme des agissements parasitaires.

Par jugement rendu le 20 octobre 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et disant n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire, débouté la société Vidéocité de l'ensemble de ses demandes, ordonné le transfert des droits de cette société sur la marque "Le Belattar show" à Monsieur Yassine Belattar, avec inscription à l'INPI, en condamnant la demanderesse à verser :

- à Monsieur Yassine Belattar, la somme indemnitaire de 3 000 euros en réparation du préjudice causé par l'appropriation frauduleuse de son nom patronymique outre celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- aux sociétés Europacorp TV et France Télévisions celle de 5 000 euros au profit de chacune, de ce dernier chef,

- à Monsieur Demarthe, la somme de 4 000 euros au titre de ses frais non répétibles, et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 3 juin 2013, la société à responsabilité limitée Vidéocité (ayant pour nom commercial "Séquence SDP"), appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa, notamment, des articles 1134 et 1382 du Code civil, L. 711-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Europacorp TV de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et :

- en considérant que les cinq intimés ont commis des actes de parasitisme économique à son détriment en produisant et exploitant l'émission incriminée, que "France 4" (sic) a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi en poursuivant la production de cette émission avec un autre producteur, d'ordonner les mesures d'usage d'interdiction, de cessation immédiate et de publication, sous astreinte, par voie de presse et de condamner in solidum les cinq intimés à lui verser la somme indemnitaire de 470 000 euros outre intérêts à compter de sa mise en garde en réparation des préjudices matériels, financiers et d'image professionnelle subis,

- de condamner in solidum les cinq intimés à lui verser la somme de 10 000 euros et encore 10 000 euros au titre de ses frais non répétibles respectivement exposés en première instance puis en appel et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 19 juin 2013, la société anonyme France Télévisions demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter en conséquence la société Vidéocité de l'ensemble de ses prétentions, de la condamner à lui verser la somme complémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ; à titre subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement, de condamner la société Europacorp à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par application de la clause de garantie stipulée à l'article 7 du contrat de coproduction les liant en prononçant les mêmes condamnations au titre des frais non répétibles et des dépens à l'encontre de "la partie défaillante".

Par dernières conclusions signifiées le 18 juin 2013, la société par actions simplifiée Europacorp TV demande à la cour, au visa de l'article 1382 du Code civil, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et, statuant à nouveau, de constater le caractère abusif de la procédure engagée, de condamner, en conséquence, l'appelante à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 13 août 2012, Monsieur Vincent Demarthe et la société à responsabilité limitée Never Walk Alone prient la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du Code civil, de confirmer le jugement, subsidiairement de dire que la société Vidéocité ne justifie d'aucun préjudice ni de la corrélation entre le préjudice qu'elle allègue et le quantum de ses demandes et, en toute hypothèse, de la condamner à verser à chacun d'eux la somme de 10 000 euros au titre de leurs frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.

Monsieur Yassine Belattar a été assigné à la requête de la société Vidéocité par acte du 28 février 2013 avec notification de ses conclusions selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile et n'a pas constitué.

SUR CE,

Sur les agissements parasitaires :

Considérant que la société Vidéocité conteste l'appréciation des faits par le tribunal qui a énoncé qu'aucun agissement n'a été commis permettant de considérer que les défendeurs se sont placés dans son sillage du fait de l'inscription de l'émission "On achève bien l'info" dans la filiation de l'émission

"Le Belattar show" et qu'elle n'établissait aucune faute pouvant caractériser des actes de parasitisme, la valeur économique invoquée n'ayant pas été reprise par les défendeurs et la société France Télévisions n'ayant pas eu de comportement déloyal à son égard ;

Qu'elle fait d'abord valoir qu'est inopérant l'argument des intimés tiré du défaut d'originalité de son émission dès lors qu'elle ne revendique pas la protection conférée par le droit d'auteur mais fonde son action sur la "concurrence parasitaire" qu'elle présente, en reprenant la définition d'un auteur, comme l'utilisation illégitime et intéressée d'une valeur économique d'autrui, fruit d'un savoir-faire et d'un travail intellectuel, lorsque cette valeur n'est pas protégée par un droit spécifique, ajoutant que ce sont les circonstances de la reproduction qui la rendent illégitime ;

Qu'elle soutient tour à tour, à la faveur d'une argumentation nourrie, que la production de l'émission "On achève bien l'info" est le fruit d'un détournement du "Belattar show" qui traduit de la part de "France 4" une déloyauté dans l'exécution du contrat de coproduction les liant, que cette production s'est manifestement substituée au "Belattar show" dans la grille des programmes de France 4 et s'inscrit dans son sillage, qu'elle reprend les éléments caractéristiques du "Belattar show", fruit de ses investissements, qu'elle a été produite en démarchant les principaux collaborateurs du "Belattar show" et que l'absence d'exclusivité consentie par Monsieur Yassine Belattar ne justifie pas les agissements parasitaires ;

Qu'elle estime que chacun des intimés est responsable des faits de parasitisme qu'elle dénonce ; que Messieurs Belattar et Demarthe sont à l'origine de l'émission contestée qu'ils ont présentée à la société Europacorp TV en reprenant les éléments caractéristiques du "Belattar show" ; que Monsieur Belattar a accentué le positionnement de l'émission contestée dans le sillage de l'émission qu'elle avait produite en acceptant de la présenter ; que Monsieur Demarthe, agissant en son nom et en celui de la société Never Walk Alone, et cette dernière ont concouru à cette entreprise de parasitisme en démarchant les personnes ayant collaboré au "Belattar show" ; que la société Europacorp TV a engagé sa responsabilité en décidant de ne pas interrompre la production de l'émission après sa mise en garde du 15 septembre 2009 ; que "France 4" est également responsable des faits de parasitisme incriminés en raison de son double statut de coproductrice et de diffuseur de l'émission contestée, qu'elle doit, de plus, répondre du fait d'avoir décidé de poursuivre la production et la diffusion malgré cette mise en garde et, au surplus, de son comportement déloyal à son égard dans l'exécution du contrat de coproduction ;

Considérant, ceci rappelé, que le fondement délictuel de l'action fait obstacle à l'invocation de manquements dans l'exécution du contrat qui liait la société Vidéocité à la société France Télévisions (dont France 4 est un pôle dépourvu de personnalité morale) ;

Qu'il en résulte qu'elle ne peut valablement se prévaloir du défaut de reconduction de l'émission - vers laquelle, au demeurant, il n'est pas démontré que la société France Télévisions ait manifesté par des actes positifs sa volonté de s'orienter - pas plus que de la méconnaissance de l'article 4.3 de ce contrat lui reconnaissant la propriété d'un "format", étant au surplus relevé, d'une part, qu'à juste titre la société France Télévisions fait valoir que la société Vidéocité se devait de lui proposer une éventuelle suite à l'émission "Le Belattar show" dans les conditions rigoureuses de l'article 4.4 du contrat et qu'elle n'a pas eu à se déterminer sur un projet de suite à un contrat pleinement exécuté, sans avoir vocation à être reconduit, qui ne lui était pas proposé et, d'autre part, que le "format" dont il est question n'a fait l'objet d'aucune définition contractuelle, la cour n'étant appelée à se prononcer que sur des faits de parasitisme en contemplation de deux émissions précises du "Belattar show" et d'"On achève bien l'info" ;

Considérant que la société Vidéocité caractérise d'abord les faits de parasitisme qu'elle incrimine en faisant valoir que l'émission "On achève bien l'info" s'est manifestement substituée au "Belattar show" dans la grille des programmes de France 4, soulignant que leur diffusion suit la même périodicité (chaque vendredi, à compter de novembre 2009), qu'elle occupe la même grille des programmes de la chaîne (en deuxième partie de soirée), qu'en outre, seuls quatre mois comprenant la période particulière de programmation estivale se sont écoulés entre la programmation des deux émissions et que la cible visée par chacune (un public de jeunes adultes) était identique ;

Qu'il peut être liminairement relevé que son argumentation recèle une certaine contradiction puisque si elle affirme, d'emblée (page 16/41), que "le risque de confusion n'a pas à être établi" - ce en quoi elle peut être suivie puisqu'il ne s'agit pas d'un critère nécessaire à l'appréciation du grief de parasitisme mais une possible résultante d'un usage abusif de la liberté du commerce et de l'industrie - elle conclut sa démonstration en affirmant que 'cette continuité crée incontestablement une confusion dans l'esprit du public, accentuée par la reprise des éléments caractéristiques du "Belattar show" (page 18/41) ;

Que sur le fond, il convient de considérer qu'il s'agit dans les deux cas d'émissions s'inspirant des "late shows" américains voués, par définition, à une programmation tardive que la société France Télévisions pouvait logiquement placer à la veille du week-end pour recueillir le plus d'audience possible en cherchant à séduire, par une présentation humoristique de l'actualité réunissant un animateur et des invités qui caractérise ce type d'émission, un public de jeunes adultes ; que la société Vidéocité qui ne justifie pas, par ailleurs, qu'elle ait été en mesure de proposer à la société France Télévisions et aux autres intimés une nouvelle série d'émissions lors de la rentrée audiovisuelle ne peut prétendre à un monopole sur une audience particulière dans la grille de programmes de la chaîne France 4, et, par conséquent, se prévaloir comme elle le fait d'une substitution fautive dans la programmation ;

Considérant que la société Vidéocité porte, ensuite, une appréciation nuancée sur la motivation des premiers juges ; que si elle les approuve pour avoir écarté l'argumentation adverse tenant au défaut d'originalité et retenu que l'émission "Le Belattar show" constituait une valeur économique protégeable par l'action en parasitisme, elle les critique en ce qu'ils n'ont raisonné qu'en termes de contrefaçon, alors qu'il convenait, selon elle, de s'attacher au caractère novateur de cette émission, à la multiplicité des reprises révélant une volonté d'emprunt délibérée ou encore au fait d'avoir repris les éléments caractéristiques de l'émission alors qu'il était possible de concevoir une émission dépourvue de principes structurants qu'est un late show en se démarquant des éléments caractéristiques du "Belattar show" ;

Qu'à juste titre, toutefois, la société France Télévisions observe que l'appelante prête au tribunal une motivation qui n'a pas été la sienne puisque le jugement ne fait état que d'une "valeur économique invoquée" et qu'il est, ici aussi, paradoxal de critiquer, comme le fait l'appelante, la comparaison entre les deux émissions à laquelle s'est livrée le tribunal au motif qu'elle est inopérante tout en lui consacrant plusieurs pages de développements ;

Que tout aussi pertinemment et pour contester l'existence d'une valeur économique propre à la société Vidéocité, la société France Télévisions intimée relève, comme il a été dit ci-avant, l'imprécision des contours du "format" revendiqué, lequel, s'il a pu être présenté comme innovant lors du lancement de l'émission afin d'attirer le téléspectateur, ne constitue qu'un emprunt à une formule d'émissions depuis longtemps connue et appréciée outre-Atlantique consistant en une présentation de l'actualité sur un ton humoristique par un animateur vedette (tels, sur CBS et NBC, David Lettermann depuis 1993, Craig Fergusson depuis 2004 ou Jay Leno depuis 1992), avec des sketches, des interviews d'invités et une performance live pour finir, mais aussi en France ("La grosse émission" de Dominique Farrugia en décembre 2007 reprise par Ariane Massenet en décembre 2008, "On vous aura prévenus" de Jean-Pierre Foucault en décembre 2001, "Lunettes noires pour nuits blanches" suivant "Bains de minuit" de Thierry Ardisson en 1987, (...)) ;

Que n'emportent pas davantage la conviction de la cour les développements précités consacrés à la démonstration de l'emprunt fautif des éléments caractéristiques du "Belattar show" tels que présentés, à savoir :

- le genre de l'émission, un talk-show proposant un décryptage humoristique et impertinent de l'actualité,

- l'identité de l'animateur,

- le générique associant le bleu et le violet,

- la présence de gratte-ciel dans le décor du plateau,

- le découpage de l'arrière-plan évoquant une baie vitrée,

- les deux émissions débutant par un stand up de Yassine Belattar,

- l'animateur ayant une tenue vestimentaire identique marquant la continuité entre les deux émissions,

- le nombre de trois invités par émission se succédant sur le plateau en face à face à Yassine Belattar pour répondre à ses questions,

- le même nombre de rubriques, soit quatre en moyenne,

- la présence d'une séquence de plusieurs minutes dédiée entièrement à l'actualité, c'est à dire hors interview des invités,

- l'alternance de ces interviews avec des sketches humoristiques, au nombre de six environ par émission, ayant des durées comparables,

- l'identité du sketch consistant à proposer aux téléspectateurs de découvrir ce que seraient les pensées de Nicolas Sarkozy (Le vrai message du Président dans "Le Belattar show" et Le miroir dans "On achève bien l'info"), ce sketch constituant une rubrique récurrente phare dans les deux émissions, et l'affirmation selon laquelle est repris l'essentiel de ces caractéristiques, à savoir : l'ambiance complice, la ligne éditoriale mêlant l'actualité des invités et un regard décalé sur l'actualité générale, une structure quasi-identique où les interviews successives sont rythmées par des sketches séparés par des rubriques autonomes, pour l'essentiel identiques, les procédés mis en œuvre dans les sketches préenregistrés et le ton général ;

Qu'en effet, si la construction des deux émissions, la structuration de leurs séquences, la tonalité de chacune stigmatisant, en particulier, le même Président de la République ayant lui-même eu à cœur de médiatiser sa personnalité, la surexposition du présentateur-vedette autour duquel gravitent des personnalités connues du public selon une mise en scène convenue susceptible de justifier la visualisation d'un simple échange de propos relatifs à une actualité volontairement traitée de manière à susciter le rire et ce sur un plateau propre à servir de décor à ce type d'échanges, présentent divers éléments de similitude, force est de considérer, avec les réserves sus-évoquées concernant l'imprécision du format tel que revendiqué, que la seconde émission ne reprend pas servilement les caractéristiques de la première afin de s'y substituer mais que toutes deux puisent dans les caractéristiques intrinsèques des émissions de late show dont la combinaison résulte d'une recette de longue date éprouvée ;

Que, certes, le présentateur-vedette est le même dans ces émission successives ; que, toutefois, il n'est pas démontré que Monsieur Yassine Belattar était tenu par une quelconque obligation vis-à-vis de la société Vidéocité, clause de non concurrence ou engagement clairement manifesté et dénué d'ambiguïté de reconduire sa prestation, qui permettrait de qualifier de fautif un nouvel engagement, ce changement d'émission par un présentateur ne constituant nullement, au demeurant, une pratique inédite dans le domaine des médias ;

Qu'il peut être ajouté que l'appelante se borne à évoquer une identité de 'ligne éditoriale' en réponse à l'argumentation des sociétés intimées aux termes de laquelle l'émission "On achève bien l'info" a une identité propre qui lui permet de se démarquer de l'émission "Le Belattar show" puisque la première se veut une parodie d'un journal télévisé, un "infotainment" (i.e. : mot valise des termes information et du terme anglais signifiant divertissement), ce qui tend à la différencier de l'ambiance café-théâtre de la seconde et à lui conférer une nature propre alors qu'il s'agit pourtant d'une différence importante et qui n'a rien de négligeable ;

Qu'elle laisse sans réponse les affirmations adverses tenant au fait que toutes les caractéristiques revendiquées ne font pas l'objet de reprises (tels le séquençage, le décor, l'ambiance se traduisant par les modalités d'accueil de l'invité, (...)) ou que la présence du violet dans le générique constitue le charte visuelle de la chaîne France 4 que les producteurs sont tenus de respecter ;

Que la société France Télévisions précisant, de plus, qu'elle n'a réalisé aucune économie particulière en coproduisant la seconde émission qui lui a coûté deux fois plus que la première et que la grande faiblesse de l'audimat comptabilisé lors de la diffusion de la série "Le Belattar show" met à mal l'existence d'une notoriété, d'un avantage concurrentiel dont pourrait se prévaloir l'appelante, il s'infère de l'ensemble de ces éléments que cette dernière ne peut valablement se prévaloir de l'usurpation fautive, par les intimées, d'une valeur économique susceptible d'être sanctionnée par l'action en parasitisme ;

Considérant que la société Vidéocité incrimine également la circonstance que l'émission "On achève bien l'info" a été promptement produite grâce au démarchage des principaux collaborateurs du "Belattar show" ; que ceux-ci, objets d'une sélection qu'elle a pris la peine d'effectuer, ont délibérément fait bénéficier la production de l'émission "On achève bien l'info" de l'expérience acquise lors de la production de la première émission ; qu'elle cite à cet effet, outre la personne des intimés, le nom de la programmatrice, de différents auteurs ou comédiens et l'intervention du compositeur du générique en affirmant qu'il appartient aux intimés de démontrer que ceux qu'elle qualifie de transfuges avaient, comme ils le soutiennent, des liens préexistants avec Monsieur Yassine Belattar ;

Qu'elle omet, ce faisant, d'expliciter les liens contractuels qui l'unissaient à ces différentes personnes - pour une bonne part non attraites dans la cause et dont il n'est pas prétendu qu'elles soient à l'origine d'une rupture abusive d'un contrat de travail - et de répliquer à Monsieur Demarthe ainsi qu'à la SARL Never Walk Alone objectant pertinemment que les faits concernent un milieu où l'intermittence fait loi et où chacun est libre de choisir son employeur en fonction des projets par essence saisonniers que le producteur développe ; que l'appelante se démarque aussi quelque peu de sa propre présentation introductive des faits de la cause (page 6, § 10 de ses conclusions) puisqu'elle y indique avoir réuni des personnes ayant déjà collaboré avec Monsieur Belattar ;

Que l'identité de l'ensemble des intervenants aux deux émissions successivement produites, telle que relevée par l'appelante, ne peut être considérée comme attestant du pillage délibéré, par les intimés, d'un investissement dès lors que leur recrutement par la société Vidéocité ne résulte pas d'efforts particuliers qu'elle aurait déployés, à l'origine d'un avantage concurrentiel qu'elle pourrait légitimement revendiquer, mais du hasard des affinités et que la collaboration de ces intervenants à l'émission "On achève bien l'info" ne peut être appréhendée sans tenir compte de ces mêmes affinités et de la nécessité de retrouver un emploi dans ce créneau particulier du monde du spectacle ;

Qu'il résulte, par conséquent, de tout ce qui précède que la société Vidéocité n'est pas fondée en son action en parasitisme et que le jugement qui en dispose ainsi doit être confirmé ;

Sur le dépôt de la marque "Le Belattar show" n° 09 3 664 753 argué de fraude :

Considérant que sans contester la motivation du tribunal qui a conclu à l'existence d'une fraude dans le dépôt de cette marque, le 17 juillet 2009, par la société Vidéocité, cette dernière poursuit son infirmation en ce qu'a été ordonné son transfert et en ce qu'il l'a condamnée à indemniser Monsieur Belattar du fait de l'appropriation frauduleuse de son nom patronymique ;

Qu'elle invoque le fait que le transfert ordonné est impossible puisque la marque n'avait déjà plus d'existence au jour du jugement et voit dans le défaut de constitution de Monsieur Belattar en cause d'appel le signe de son total désintérêt ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il convient de prendre acte de l'initiative de la société Vidéocité en cours de procédure portant sur sa renonciation à la marque, enregistrée auprès de l'INPI le 28 janvier 2011 ;

Qu'en revanche, l'appelante ne peut être suivie en sa demande d'infirmation de la condamnation indemnitaire mise à sa charge, le défaut de constitution de Monsieur Belattar, personnage médiatique qui s'est vu privé de la libre disposition de son patronyme durant plus d'une année, ne pouvant s'analyser en une reconnaissance implicite d'un défaut de préjudice ;

Sur la demande indemnitaire reconventionnellement formée par la société Europacorp TV et les demandes accessoires :

Considérant que si la société intimée réitère sa demande à ce titre en faisant valoir que la société appelante a engagé cette action bien que consciente de la banalité de son émission et de la liberté d'agir de Monsieur Belattar, ceci à seules fins de lui nuire et de se voir accorder des dommages-intérêts, c'est à juste titre que le tribunal a pu considérer que la demanderesse à l'action avait pu se méprendre sur la portée de ses droits et qu'en outre la société intimée ne justifiait pas d'un préjudice autre que celui résultant de l'engagement de frais de justice ;

Qu'en cela, le jugement doit être confirmé ;

Considérant, en revanche, que l'équité commande de condamner l'appelante à verser les sommes complémentaire de 7 000 euros à chacune des sociétés France Télévisions et Europacorp TV, d'une part, et de 3 500 euros à Monsieur Demarthe, d'une part, et à la SARL Never Walk Alone, d'autre part, ceci par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Vidéocité succombante supportera les dépens d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné le transfert de la marque "Le Belattar Show", avec notification subséquente, et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ; Constate que la société à responsabilité limitée Vidéocité a procédé à une déclaration de retrait ou de renonciation enregistrée à l'Institut national de la propriété industrielle le 28 janvier 2011 ; Condamne la SARL Vidéocité à verser, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, les sommes complémentaires de : - 7 000 euros au profit de la société anonyme France Télévisions, - 7 000 euros au profit de la société par actions simplifiée Europacorp TV, - 3 500 euros au profit de la société à responsabilité limitée Never Walk Alone et cette même somme de 3 500 euros au profit de Monsieur Vincent Demarthe, Condamne la SARL Vidéocité aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.