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Décisions

CJUE, 10e ch., 3 octobre 2013, n° C-322/12

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

État belge

Défendeur :

GIMLE SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rosas

Avocat général :

M. Mengozzi

Juges :

MM. Juhász, Vajda (rapporteur)

Avocats :

Mes Tournicourt, Lettany

CJUE n° C-322/12

3 octobre 2013

LA COUR (dixième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation du principe de l'image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats des sociétés, figurant à l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive 78-660-CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article [44, paragraphe 2, sous g), CE] et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11, ci-après la "quatrième directive").

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant l'État belge à GIMLE SA (ci-après "GIMLE") au sujet du traitement, sur le plan comptable, de l'acquisition de parts sociales ayant été revendues, un mois après leur acquisition, à un prix 3 400 fois supérieur à leur prix d'acquisition.

Le cadre juridique

Le droit de l'Union

3 L'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive dispose:

"3. Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

4. Lorsque l'application de la présente directive ne suffit pas pour donner l'image fidèle visée au paragraphe 3, des informations complémentaires doivent être fournies.

5. Si, dans des cas exceptionnels, l'application d'une disposition de la présente directive se révèle contraire à l'obligation prévue au paragraphe 3, il y a lieu de déroger à la disposition en cause afin qu'une image fidèle au sens du paragraphe 3 soit donnée. Une telle dérogation doit être mentionnée dans l'annexe et dûment motivée, avec indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et les résultats. Les États membres peuvent préciser les cas exceptionnels et fixer le régime dérogatoire correspondant."

4 L'article 31, paragraphe 1, sous c), de cette directive prévoit:

"Les États membres assurent que l'évaluation des postes figurant dans les comptes annuels se fait suivant les principes généraux suivants:

[...]

c) le principe de prudence doit en tout cas être observé et notamment:

aa) seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits;

[...]"

5 L'article 32 de ladite directive énonce:

"L'évaluation des postes figurant dans les comptes annuels se fait selon les dispositions des articles 34 à 42, fondées sur le principe du prix d'acquisition ou du coût de revient."

Le droit belge

6 Selon la juridiction de renvoi, les articles 3, premier alinéa, 4 et 16, premier alinéa, de l'arrêté royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l'"arrêté royal"), constituent la transposition en droit interne de l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive.

7 En vertu de l'article 3, premier alinéa, de l'arrêté royal, les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'entreprise.

8 L'article 4 de l'arrêté royal prévoit que les comptes annuels sont établis en conformité avec les dispositions de cet arrêté et que, si l'application de ces dispositions ne suffit pas pour satisfaire à l'article 3 dudit arrêté, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe aux comptes annuels.

9 Selon l'article 16, premier alinéa, dudit arrêté, dans le cas exceptionnel où l'application des règles d'évaluation prévues au chapitre contenant cet article ne conduirait pas au respect de l'article 3 de cet arrêté, il y a lieu d'y déroger par application dudit article 3.

10 L'article 20 de l'arrêté royal prévoit que sans préjudice de l'application des articles 16, 27, 27 bis et 34 de cet arrêté, les éléments de l'actif sont évalués à leur valeur d'acquisition et sont portés au bilan pour cette même valeur, déduction faite des amortissements et des réductions de valeur y afférents, et que, par valeur d'acquisition, il faut entendre soit le prix d'acquisition défini à l'article 21, soit le coût de revient défini à l'article 22, soit la valeur d'apport définie à l'article 23 dudit arrêté.

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 Les faits, tels qu'ils ressortent de la décision de renvoi, peuvent être résumés comme suit.

12 GIMLE, société anonyme de droit belge, a été constituée le 26 novembre 1998 par M. Sjöwall et Mme Larsson, tous deux de nationalité suédoise et résidents du Royaume-Uni. GIMLE a notamment pour objet social la prise de participations dans toutes sociétés et la gestion de celles-ci.

13 Le 27 novembre 1998, GIMLE a acquis 50 actions de TV-Shop Europe AB, société de droit suédois, dont M. Sjöwall est également le fondateur, pour un montant de 5 000 couronnes suédoises (SEK), soit 100 SEK par action. Le 4 janvier 1999, soit 38 jours après leur acquisition, GIMLE a vendu ces actions à Electronic Retailing AB, société de droit suédois, pour un prix de 17 000 000 SEK, soit 340 000 SEK par action. À la suite de cette vente, GIMLE a enregistré, sur le plan comptable, une plus-value de 74 776 696 francs belges (BEF) (1 853 668 euros), correspondant à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition desdites actions.

14 Toutefois, sur le plan fiscal, ce type de plus-value réalisée à la suite d'une vente d'actions jouissait en Belgique d'une exemption, de sorte que GIMLE n'a pas déclaré cette plus-value comme revenu imposable dans sa déclaration relative à l'impôt des sociétés au titre de l'exercice d'imposition 2000 (revenus de l'année 1999).

15 Par un avis de rectification du 19 novembre 2002, l'administration fiscale a néanmoins estimé que GIMLE avait perçu des revenus imposables à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de l'achat des actions en cause au principal, c'est-à-dire "à la suite de la sortie de l'actif monétaire remplacé par les actions dont la valeur réelle est plus élevée que le prix payé". Ce faisant, cette administration a présumé que la valeur réelle des actions, au moment de leur acquisition le 27 novembre 1998, correspondait non pas à leur prix d'acquisition (100 SEK par action), mais bien à leur prix de revente du 4 janvier 1999 (340 000 SEK par action). En conséquence, ladite administration a soumis la plus-value correspondante de 74 776 696 BEF (1 853 668 euros) à l'impôt sur les revenus.

16 Saisi par GIMLE d'un recours dirigé contre la décision du 18 juillet 2003, par laquelle l'administration fiscale avait rejeté sa réclamation, le tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré ce recours recevable et fondé. Par conséquent, cette juridiction a ordonné le dégrèvement de l'imposition litigieuse et a condamné l'État belge à restituer toutes les sommes indûment perçues par lui, assorties des intérêts moratoires.

17 L'appel interjeté devant la cour d'appel de Bruxelles par l'État belge à l'encontre du jugement rendu en première instance a été rejeté. Cette juridiction n'a pas remis en cause la validité de l'appréciation des faits effectuée par l'État belge, selon laquelle le prix d'acquisition des actions en cause au principal était manifestement inférieur à leur valeur réelle, laquelle correspondait au prix de vente obtenu 38 jours plus tard. Toutefois, ladite juridiction a considéré que cette appréciation était dénuée de pertinence, dès lors que, en vertu des articles 3, premier alinéa, 4 et 16, premier alinéa, de l'arrêté royal, GIMLE avait l'obligation de comptabiliser ces actions non pas à leur valeur réelle, mais à leur coût historique d'acquisition. En particulier, la même juridiction a constaté que l'article 16 de cet arrêté n'impose d'écarter le coût historique d'acquisition au profit de la valeur réelle que dans des cas dits "exceptionnels", et que l'article 4, deuxième alinéa, dudit arrêté permet à une entreprise de donner une image fidèle de son patrimoine en fournissant dans l'annexe aux comptes annuels des "informations complémentaires", sans pour autant déroger à la règle uniforme d'évaluation en fonction du coût historique. En conséquence, la cour d'appel de Bruxelles a confirmé le jugement rendu en première instance en jugeant que c'était à tort que l'État belge avait tenu compte de la plus-value de 74 776 696 BEF pour le calcul de l'impôt dû par GIMLE.

18 L'État belge s'est pourvu en cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles, en faisant valoir que les articles 3, premier alinéa, 4 et 16, premier alinéa, de l'arrêté royal ne prévoient pas seulement la mention d'informations complémentaires dans l'annexe aux comptes annuels, mais imposent de déroger au principe de la comptabilisation des actifs au prix d'acquisition, lorsque, comme dans l'affaire au principal, le prix payé ne correspond manifestement pas à la valeur réelle des biens concernés, donnant par là une image faussée du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'entreprise.

19 Considérant que le pourvoi en cassation de l'État belge requérait une interprétation de l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"L'article 2, paragraphes [3 à 5], de la quatrième directive [...] doit-il être interprété en ce sens qu'il ne prévoit pas seulement la mention d'informations complémentaires dans l'annexe aux comptes annuels, mais impose, lorsque le prix d'acquisition ne correspond manifestement pas à la valeur réelle des biens concernés, donnant par là une image faussée du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'entreprise, de déroger au principe de la comptabilisation d'actifs au prix d'acquisition et de les comptabiliser immédiatement à leur valeur de revente si celle-ci apparaît comme leur valeur réelle?"

Sur la question préjudicielle

Observations soumises à la Cour

20 GIMLE, les gouvernements belge et allemand ainsi que la Commission européenne ont soumis des observations écrites à la Cour. GIMLE, le gouvernement allemand et la Commission estiment qu'il convient de répondre à la question posée par la négative. Seul le gouvernement belge soutient une position inverse.

21 GIMLE et le gouvernement allemand soulignent que la méthode d'évaluation prescrite à l'article 32 de la quatrième directive se fonde sur le coût historique des actifs, représenté par le prix d'acquisition ou le coût de revient de ceux-ci. Ils ajoutent qu'il ne peut être dérogé à cette méthode que dans les cas de figure énoncés de manière limitative à l'article 33 de cette directive.

22 La Commission, faisant référence aux arrêts du 27 juin 1996, Tomberger (C-234-94, Rec. p. I-3133, point 17), et du 14 septembre 1999, DE + ES Bauunternehmung (C-275-97, Rec. p. I-5331, point 26), rappelle que le principe de l'image fidèle, figurant à l'article 2, paragraphe 3, de la quatrième directive, représente l'objectif primordial de cette dernière. Les intéressés ayant soumis des observations à la Cour sont toutefois en désaccord quant à la portée de l'article 2, paragraphe 5, de cette directive, lequel prévoit une obligation de déroger à une disposition de ladite directive si, dans des cas exceptionnels, son application devait se révéler contraire au principe de l'image fidèle.

23 GIMLE, le gouvernement allemand et la Commission font valoir que l'acquisition d'un actif à un prix inférieur à sa valeur réelle ne saurait constituer un "cas exceptionnel", au sens de l'article 2, paragraphe 5, de la quatrième directive, justifiant une dérogation au principe de l'évaluation sur la base du coût historique figurant à l'article 32 de cette directive. À cet égard, GIMLE souligne que le choix du législateur de l'Union en faveur de la méthode fondée sur le coût historique implique que la comptabilité des entreprises présente des valorisations qui ne correspondent que rarement à la valeur réelle des actifs. Le gouvernement allemand ajoute que cette méthode conduit inévitablement à l'apparition de réserves latentes parfois importantes, lorsque le prix d'acquisition est inférieur à la valeur réelle de l'actif, mais que de telles réserves latentes sont conformes au principe de prudence visé à l'article 31, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.

24 Le gouvernement belge estime, au contraire, que la notion de "cas exceptionnel", visée à l'article 2, paragraphe 5, de la quatrième directive, couvre l'hypothèse dans laquelle le prix d'acquisition d'un actif est, comme dans l'affaire au principal, manifestement inférieur à sa valeur réelle, dès lors que l'utilisation du prix d'acquisition donnerait une image faussée de la situation financière de l'entreprise. À cet égard, le gouvernement belge se réfère, par analogie, au point 32 de l'arrêt DE + ES Bauunternehmung, précité, dans lequel la Cour aurait jugé que les "cas exceptionnels", visés à l'article 31, paragraphe 2, de la quatrième directive, sont ceux dans lesquels une évaluation séparée ne donnerait pas une image aussi fidèle que possible de la situation financière réelle de la société concernée.

Appréciation de la Cour

25 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de l'image fidèle énoncé à l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive impose de déroger au principe de l'évaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leur coût de revient, figurant à l'article 32 de ladite directive, au profit d'une évaluation sur la base de leur valeur réelle, lorsque le prix d'acquisition ou le coût de revient desdits actifs est manifestement inférieur à leur valeur réelle.

26 Il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur le traitement, sur le plan comptable, de l'acquisition de parts sociales ayant été revendues, un mois après leur acquisition, à un prix 3 400 fois supérieur à leur prix d'acquisition.

27 Il ressort également de cette décision que l'origine du litige au principal est de nature fiscale, dans la mesure où une comptabilisation des actions à leur valeur réelle au moment de leur acquisition permettrait aux autorités belges d'imposer la société concernée à raison de la plus-value formée par la différence entre la valeur réelle de ces actions et le prix d'acquisition de celles-ci.

28 À cet égard, la Cour a déjà eu l'occasion de préciser que la quatrième directive n'a pas pour objet de fixer les conditions dans lesquelles les comptes annuels des sociétés peuvent ou doivent servir de base pour la détermination, par les autorités fiscales des États membres, de l'assiette et du montant de taxes, telles que l'impôt des sociétés en cause au principal. En revanche, il n'est nullement exclu que les comptes annuels puissent être utilisés comme base de référence par les États membres à des fins fiscales (arrêt du 7 janvier 2003, BIAO, C-306-99, Rec. p. I-1, point 70), et aucune disposition de la quatrième directive n'interdit aux États membres de corriger, sur le plan fiscal, les effets des règles comptables figurant dans cette directive, en vue de déterminer un bénéfice imposable plus proche de la réalité économique.

29 Il convient de rappeler que la quatrième directive vise à assurer la coordination des dispositions nationales concernant la structure et le contenu des comptes annuels ainsi que du rapport de gestion et les modes d'évaluation en vue de la protection des associés et des tiers. À cette fin, selon son troisième considérant, elle ne vise qu'à établir des conditions minimales quant à l'étendue des renseignements financiers à porter à la connaissance du public (arrêt BIAO, précité, point 69).

30 La quatrième directive fonde cette coordination du contenu des comptes annuels sur le principe de l'"image fidèle", dont le respect constitue son objectif primordial (arrêts précités Tomberger, point 17; DE + ES Bauunternehmung, point 26, et BIAO, point 72). Selon ce principe, figurant à l'article 2, paragraphes 3 à 5, de cette directive, les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

31 L'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive, qui énonce le principe de l'image fidèle, se trouve au sein de la section 1 de cette directive, intitulée "Dispositions générales". La section 7 de ladite directive, intitulée "Règles d'évaluation", définit les règles d'évaluation des postes figurant dans les comptes annuels, parmi lesquelles se trouvent les principes généraux énoncés à l'article 31 de la même directive.

32 La Cour a déjà eu l'occasion de préciser que l'application du principe de l'image fidèle doit être guidée, dans la mesure du possible, par les principes généraux figurant à l'article 31 de la quatrième directive, au sein desquels le principe de prudence énoncé à l'article 31, paragraphe 1, sous c), de cette directive revêt une importance particulière (arrêt Tomberger, précité, point 18).

33 En vertu des dispositions de l'article 31, paragraphe 1, sous c), de la quatrième directive, énonçant le principe de prudence, la prise en compte de l'ensemble des éléments - bénéfices réalisés, charges, produits, risques et pertes - qui sont réellement afférents à l'exercice en cause permet d'assurer le respect du principe de l'image fidèle (arrêts précités Tomberger, point 22, et BIAO, point 123). En particulier, ledit paragraphe 1, sous c), aa), dispose que seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits.

34 Le principe de l'image fidèle doit également être compris à la lumière du principe énoncé à l'article 32 de la quatrième directive, en vertu duquel l'évaluation des postes figurant dans les comptes annuels se fonde sur le prix d'acquisition ou sur le coût de revient des actifs.

35 En vertu de cette disposition, l'image fidèle que doivent donner les comptes annuels d'une société se fonde sur une évaluation des actifs non pas sur la base de leur valeur réelle, mais sur celle de leur coût historique.

36 Il est vrai que l'article 2, paragraphe 5, de la quatrième directive prévoit que si, dans des cas exceptionnels, l'application d'une disposition de cette directive se révèle contraire à l'obligation prévue au paragraphe 3 de cet article 2, il y a lieu de déroger à la disposition en cause, afin qu'une image fidèle, au sens dudit paragraphe 3, soit donnée.

37 En vertu de l'article 2, paragraphe 5, de ladite directive, il est dès lors envisageable qu'il y ait lieu de déroger, dans des cas exceptionnels, à l'article 32 de la même directive, qui impose une évaluation des actifs sur la base du prix d'acquisition ou du coût de revient, lorsque l'application de cette méthode conduirait à donner une image faussée du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société.

38 Toutefois, force est de constater que, ainsi que le soulignent GIMLE, le gouvernement allemand et la Commission, la sous-estimation d'actifs dans les comptes des sociétés ne saurait, par elle-même, constituer un "cas exceptionnel", au sens de l'article 2, paragraphe 5, de la quatrième directive.

39 En effet, la possibilité que certains actifs soient sous-estimés dans les comptes des sociétés, dans l'hypothèse où leur valeur d'acquisition est inférieure à leur valeur réelle, n'est que le corollaire nécessaire du choix opéré par le législateur de l'Union, à l'article 32 de la quatrième directive, en faveur d'une méthode d'évaluation fondée non pas sur la valeur réelle des actifs, mais sur le coût historique de ces derniers.

40 En outre, ainsi que le souligne le gouvernement allemand, la sous-estimation de certains actifs, tels que des parts sociales, dans les comptes d'une société, en raison de leur évaluation sur la base du prix d'acquisition ou du coût de revient, est conforme au principe de prudence énoncé à l'article 31, paragraphe 1, sous c), de la quatrième directive. En particulier, l'évaluation de tels actifs à leur valeur réelle ferait apparaître une plus-value dans les comptes de la société, correspondant à la différence entre la valeur réelle et la valeur d'acquisition de ces actifs, en contradiction avec l'article 31, paragraphe 1, sous c), aa), de ladite directive, selon lequel seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits.

41 Par ailleurs, la Commission relève à juste titre que l'État belge n'avait pas, au moment des transactions en cause au principal, adopté de dispositions optionnelles sur le fondement des articles 2, paragraphe 5, ou 33 de la quatrième directive. La Commission souligne également à bon droit qu'une société ayant la certitude de réaliser un bénéfice important en raison d'engagements pris quant à la revente future d'un actif est tenue, en application de l'article 2, paragraphe 4, de cette directive, de fournir des informations complémentaires à ce sujet.

42 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que le principe de l'image fidèle énoncé à l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive ne permet pas de déroger au principe de l'évaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leur coût de revient, figurant à l'article 32 de ladite directive, au profit d'une évaluation sur la base de leur valeur réelle, lorsque le prix d'acquisition ou le coût de revient desdits actifs est manifestement inférieur à leur valeur réelle.

Sur les dépens

43 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit:

Le principe de l'image fidèle énoncé à l'article 2, paragraphes 3 à 5, de la quatrième directive 78-660-CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article [44, paragraphe 2, sous g), CE] et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, ne permet pas de déroger au principe de l'évaluation des actifs sur la base de leur prix d'acquisition ou de leur coût de revient, figurant à l'article 32 de ladite directive, au profit d'une évaluation sur la base de leur valeur réelle, lorsque le prix d'acquisition ou le coût de revient desdits actifs est manifestement inférieur à leur valeur réelle.