CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 octobre 2013, n° 12-01879
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Galec (SA)
Défendeur :
Président de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Olivier, Parléani
Par une décision du 20 décembre 2007, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'ADLC), a sanctionné plusieurs pratiques d'entente entre distributeurs et fournisseurs, mises en œuvre dans le secteur de la distribution des jouets. La société coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc (la société Galec), poursuivie dans ce cadre, a été mise hors de cause.
Mais, à la suite de cette décision, le président du Conseil de la concurrence, usant du pouvoir qui lui est conféré par l'article L. 442-6 III du Code de commerce, l'a, par assignation du 14 mai 2008, poursuivie devant le Tribunal de commerce de Créteil, pour avoir mis en œuvre des pratiques restrictives relevant de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, notamment, en imposant aux fournisseurs de lui verser des rémunérations non justifiées par la fourniture d'un service. Deux contrats signés entre la société Galec et ses fournisseurs de jouets étaient visés par ces actions, il s'agissait des contrats intitulés "Politique Nationale d'Enseigne" (PNE) et "Dynamique Commerciale et Promotionnelle" (DCP) conclus de 2001 à 2004.
Le ministre de l'Economie s'est joint à la procédure par une intervention volontaire du 1er juillet 2008.
Le 13 mai 2011, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a, par une décision 2011-126-QPC, apporté des précisions sur la constitutionnalité du pouvoir donné au ministre de l'Economie, de même qu'au président de l'ADLC, par le III de l'article L. 442-6 précité, et il a précisé que cette disposition était conforme à la Constitution sous réserve que les parties au contrat concerné aient été informées de l'introduction de l'action.
À la suite de cette décision, les parties aux contrats visés par les pratiques poursuivies ont été averties de l'instance en cours par lettre du 3 août 2011, signée par Mme Mésange, chef du service pilotage et aide à l'enquête de la DIRECCTE Ile-de-France. Cette lettre a été complétée par une seconde, du 11 octobre 2011, signée par M. Gonzalez, chef du pôle concurrence de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE) d'Ile-de-France.
La société Galec a, in limine litis, invoqué l'irrecevabilité de l'action du président de l'ADLC, ès qualités, et du ministre de l'Economie.
Par un jugement du 17 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- dit recevables les demandes formulées par le président de l'Autorité de la concurrence ainsi que celles formulées par le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et débouté la société Coopérative Groupements d'Achats des Centres Leclerc de l'ensemble de ses fins de non-recevoir,
- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 22 mai 2012 sur le fond, à 14 heures,
- réservé les autres demandes des parties ainsi que les dépens.
Vu l'appel interjeté le 31 janvier 2012 par la société Galec contre ce jugement,
Vu les dernières conclusions en date du 23 mai 2013 par lesquelles la société Galec demande à la cour de :
- recevoir la société Galec en son appel et l'y déclarant bien fondé,
- infirmer le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Créteil le 17 janvier 2012,
Statuant à nouveau,
- constater que la réserve constitutionnelle d'interprétation de l'article L. 442-6 du Code de Commerce, contenue dans la décision 2011-126-QPC s'incorpore au texte législatif, en fait partie intégrante dès la date de sa promulgation, et que son non-respect, même partiel, même mineur, équivaut à un non-respect de la loi, tout en étant aussi une violation des exigences constitutionnelles supérieures,
- constater que la conformité de l'action des autorités françaises à la CESDH suppose un strict respect de la réserve constitutionnelle contenue dans la décision 2011-126-QPC du Conseil Constitutionnel, à laquelle renvoie la CEDH dans son arrêt du 17 janvier 2012,
- dire que tout "auteur" d'action est visé par cette décision 2011-126-QPC,
- dire que tant le président de l'ADLC que le ministre de l'Economie sont "auteurs" d'action au sens de la décision 2011-126-QPC,
- dire irrecevables ab initio, et de façon péremptoire, l'action introduite par le président de l'ADLC et l'intervention du ministre de l'Economie et des Finances,
- dire et juger qu'il est impossible, à la lumière de la décision 2011-126-QPC, que le président de l'ADLC délègue à un simple fonctionnaire hiérarchisé d'une administration de l'Etat, la mission de satisfaire aux exigences constitutionnelles qui pèsent sur ce président qui est, ès qualités, "auteur" de l'action, le déclarer dès lors irrecevable,
- dire et juger que les fonctionnaires signataires des courriers d'information litigieux ne pouvaient recevoir aucun pouvoir pour les adresser, car on est en dehors des prévisions de l'article L. 470-5 du Code de commerce, et dire dès lors irrecevables le président de l'ADLC et le ministre,
- dire et juger encore que faute de produire l'habilitation préalable du signataire des courriers d'information litigieux, datés des 3 août et 11 octobre 2011, le demandeur et l'intervenant sont irrecevables, faute d'information donnée sous la signature d'une personne administrativement et légalement habilitée, et dire qu'il en résulte une nouvelle cause d'irrecevabilité des deux autorités présentes dans la procédure,
- dire et juger également que l'information des fournisseurs conditionne, selon la lettre de la décision 2011-126-QPC le "pouvoir" des autorités visées à l'article L 442-6-III du Code de commerce, et qu'il s'agit du pouvoir d'agir, ce qui suppose, à peine d'irrecevabilité des deux autorités, une information préalable à la saisine du tribunal,
- dire et juger que la date de l'information requise ne peut en aucun cas être abandonnée à la discrétion ou à l'arbitraire d'une des autorités visées à l'article L. 442-6-III du Code de commerce, sauf à priver de tout effet utile l'information constitutionnellement requise, et les déclarer encore irrecevables,
- constater en l'occurrence que cette information incomplète a été donnée 3 ans et demi après l'assignation, pour des faits qui pour certains remontant à 2001 et 2002, et constater encore qu'à la date de l'information (à la supposer suffisante), des faits et des actions étaient atteints par la prescription, des preuves avaient disparu et le délai de conservation des archives comptables déjà en partie dépassé,
- dire qu'il en résulte une nouvelle cause péremptoire d'irrecevabilité,
- dire et juger encore que l'information délivrée par les courriers du 3 août et 11 octobre 2011 est gravement insuffisante, et qu'elle n'explique ou ne suggère aucunement les fondements exacts de l'action, ni les motifs exacts de droit, et qu'elle ne suggère absolument pas les conséquences qui pourraient en résulter dans les patrimoines individuels des fournisseurs ; déclarer pour ces raisons irrecevables l'action et l'intervention, pour non-respect (et tentative de contournement) de la décision 2011-126-QPC,
- dire et juger que cette décision 2011-126-QPC vise à préserver la totale liberté de ces fournisseurs d'intervenir ou non et de choisir d'avoir ou non accès au juge, et constater que la lettre du 11 octobre 2011 tente insidieusement de restreindre ou de contrôler l'exercice de cette liberté en suggérant aux fournisseurs de se rapprocher de l'autorité publique, qu'il en résulte encore une cause d'irrecevabilité des deux autorités présentes dans la procédure.
La société Galec soutient que l'action du président de l'ADLC est irrecevable car l'information des cocontractants de la personne poursuivie sur le fondement de l'article L. 442-6, I, du Code de commerce, de ce qu'une action est engagée par l'une des personnes visées par le III de cette disposition, doit être délivrée par l'auteur de l'action. Ce qui a d'ailleurs été précisé par le Conseil constitutionnel, dans le commentaire de sa décision. Or, celui-ci n'a pas effectué cette démarche. Le Galec précise sur ce point que, contrairement à ce que soutiennent le président de l'ADLC et le ministre de l'Economie, l'auteur de l'information n'est pas indifférent, car de cette information dépend le pouvoir d'agir et que, par conséquent, cette information, est une condition du pouvoir d'agir, qui, si elle n'est pas remplie dès l'origine de l'action, constitue une irrégularité de fond. Selon l'appelante, ses cocontractants auraient dû recevoir une double information, l'une du président de l'ADLC, l'autre du ministre de l'Economie.
La société Galec soutient encore que l'action est irrecevable d'un point de vue administratif, puisque le président de l'ADLC, autorité administrative indépendante, ne peut se faire représenter par une administration hiérarchisée, sans même avoir consenti de délégation formelle et sans que les fonctionnaires signataires des courriers n'aient reçu le moindre pouvoir au sein de leur propre administration. Elle ajoute que l'article L. 470-5 du Code de commerce ne saurait être invoqué dans la problématique de l'espèce puisque les signataires des courriers litigieux ne figurent de toute façon pas parmi les personnes habilitées par cette disposition et que les signataires des courriers n'avaient aucun pouvoir de les adresser.
En tout état de cause, la société Galec fait valoir que l'action est irrecevable puisque, d'une part, l'information fournie aux fournisseurs doit être préalable à la saisine du juge, d'autre part, que les indications contenues dans les lettres adressées étaient insuffisantes pour permettre aux fournisseurs de disposer d'une réelle information.
Vu les dernières conclusions en date du 7 mai 2013 par lesquelles l'ADLC, prise en la personne de son président en exercice, demande à la cour de :
- rejeter les demandes et moyens formulés par la société coopérative à capital variable Galec ;
- confirmer le jugement attaqué ;
- condamner la société Galec au paiement, au profit de l'Etat, de la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ADLC soutient que l'information donnée aux fournisseurs était régulière au regard des exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2011-126-QPC. Cette décision n'impose aucune forme à la délivrance de l'information, puisque son seul objectif est que les fournisseurs ne soient pas laissés dans l'ignorance de l'existence d'une action à laquelle ils pourraient décider d'intervenir. Selon cette autorité, la réserve d'interprétation ne modifie pas la nature de l'action du ministre de l'Economie ou du président de l'ADLC, qui reste soumise aux dispositions du Code de procédure civile et, en aucun cas, l'information des cocontractants ne conditionne la qualité pour agir. Dès lors, peu importe que l'information n'ait pas été communiquée par le président de l'ADLC. En tout état de cause, ladite information a été communiquée par le ministre de l'Economie et des Finances qui est lui aussi demandeur à l'instance.
L'ADLC soutient encore que l'information communiquée a, contrairement à ce que soutient la société Galec, été suffisante. Les lettres communiquées contenaient en effet le nom de l'auteur de l'action, de l'intervenant volontaire, le fondement juridique de l'action, les conséquences pour les fournisseurs, et les références de l'instance. En outre, l'ADLC fait valoir qu'elle n'avait pas à communiquer aux fournisseurs la totalité des actes de procédure, puisque la communication de ces pièces est réservée aux parties.
Vu les dernières conclusions en date du 14 mai 2013, par lesquelles le ministre de l'Economie et des Finances demande à la cour de :
- rejeter les demandes et moyens formulés par la société Galec,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 17 janvier 2012,
- dire recevables les demandes formulées par le président de l'Autorité de la concurrence ainsi que celles formulées par le ministre de l'Economie et des Finances,
- débouté la société Galec de l'ensemble de ses fins de non-recevoir,
- condamner la société Galec au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Le ministre de l'Economie soutient que l'action du président de l'ADLC et son intervention volontaire sont recevables. Il fait valoir à ce sujet que les lettres transmises aux fournisseurs visés dans l'assignation ne sont pas des actes de procédure dont la validité serait subordonnée à l'habilitation des fonctionnaires qui les ont signées. Il ajoute que même si ces lettres étaient des actes de procédure, la société Galec ne démontre pas que l'absence d'habilitation des fonctionnaires signataires lui a causé un grief. Il fait observer qu'en tout état de cause, le Conseil constitutionnel n'a imposé aucun formalisme pour que l'obligation d'information soit respectée.
Selon le ministre de l'Economie, il importe peu que les fournisseurs n'aient pas été informés par le président de l'Autorité de la concurrence, puisqu'ils l'ont été par lui. Il ajoute que la société Galec ne peut prétendre que l'information adressée aux fournisseurs était lacunaire, puisque celle-ci précisait toutes les informations dont les fournisseurs avaient besoin pour décider de l'opportunité d'intervenir au litige.
Enfin, le ministre de l'Economie soutient que l'information donnée aux fournisseurs n'était pas tardive. Il fait valoir que les fins de non-recevoir peuvent être régularisées à tout moment, même en cause d'appel, en application de l'article 126 du Code de procédure civile. La réserve d'interprétation a en effet été posée le 13 mai 2011 par le Conseil constitutionnel, soit 3 années après l'introduction de la procédure. L'information des fournisseurs constituait donc une régularisation au sens de l'article 126 du Code de procédure civile. Il ajoute que la Cour européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt du 17 janvier 2012, a validé le mécanisme de l'action autonome qui lui a été dévolu et qui a été instauré par le III de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-126 QPC, du 13 mai 2013, que les dispositions de l'article L. 442-6, III alinéa 2, du Code de commerce sont conformes aux exigences du principe du contradictoire et du droit au recours garantis par l'article 16 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Le Conseil constitutionnel a retenu à ce sujet qu'"il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle, ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action (...)".
La nécessité d'informer les fournisseurs d'un distributeur poursuivi par l'une des personnes énoncées par le III de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, soit le Ministère public, le ministre de l'Economie ou le président de l'ADLC, conditionne leur droit d'agir et constitue par conséquent une condition de recevabilité de l'action. Le moyen invoquant l'irrecevabilité de l'action du président de l'ADLC et de l'intervention volontaire du ministre de l'Economie constitue donc une fin de non-recevoir. Or, ainsi que le prévoit l'article 126 du Code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il convient donc d'examiner si l'information des fournisseurs prévue par la réserve de constitutionnalité rappelée ci-dessus, doit être délivrée avant même l'introduction de l'action par une des personnes qui en sont titulaires, ou si elle peut être délivrée en cours de procédure.
Il résulte de la motivation de la décision du Conseil constitutionnel prononçant cette réserve que celle-ci est justifiée par le respect du principe de liberté contractuelle, ainsi que par le droit à un recours juridictionnel effectif. Le commentaire de cette décision effectué par le Conseil constitutionnel précise sur ce point qu'il "(...) a estimé que le droit à un recours juridictionnel, de même que la liberté contractuelle (...) puisqu'est en cause une action en nullité contractuelle, impliquait une obligation d'informer l'ensemble des cocontractants de l'engagement de l'action en justice. En d'autres termes, le respect de ces deux exigences constitutionnelles ne se limite pas à la seule faculté d'agir en justice, mais également à l'information des personnes directement intéressées et susceptibles d'intervenir pour défendre leurs intérêts. (....) C'est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a énoncé une réserve d'interprétation garantissant l'information des parties au contrat (...)".
Le commentaire de la décision, diffusé par le Conseil constitutionnel, a précisé encore que "si le débiteur de l'obligation n'est pas mentionné, on peut penser que, conformément à la tradition civiliste de la procédure accusatoire, c'est à l'auteur de l'action qu'incombe le soin de notifier celle-ci à l'intéressé. Il appartiendra au juge de s'assurer du respect de cette exigence". Ce commentaire qui accompagne la publication de la décision, ne précise ni comment, ni quand l'information doit être délivrée aux parties et suggère qu'elle le soit par l'auteur de l'action, mais sans l'affirmer ou l'imposer, laissant ainsi aux juridictions le pouvoir d'apprécier si cette information a été régulièrement et valablement délivrée.
Les termes des motifs de la décision, ainsi que ceux du commentaire, permettent de constater que la nécessité d'informer les cocontractants s'impose en raison de l'immixtion du pouvoir public dans le champ contractuel qui, par principe, n'appartient qu'aux parties et constitue leur loi. L'examen des moyens fondant la question prioritaire de constitutionnalité permet d'ailleurs de constater que la disposition en cause était attaquée en ce qu'elle portait atteinte, d'une part, au droit au recours juridictionnel, qui comporte le droit de décider ou non d'intenter une action en justice, d'autre part, à la liberté contractuelle, qui laisse aux partenaires économiques le droit de décider ce qui est, dans un contrat, conforme, ou non, à leurs intérêts.
Il s'en déduit que l'information des partenaires de la société poursuivie par les personnes visées par les dispositions du III de l'article L. 442-6 a pour but de leur permettre d'intervenir comme partie à la procédure, si elles le souhaitent. Par conséquent, le moment auquel doit être effectuée l'information n'a pas à être préalable à la saisine du tribunal et elle est valablement réalisée si les fournisseurs intéressés à la procédure sont avisés à un moment utile pour eux, c'est-à-dire dans un délai qui leur laisse le temps de décider d'intervenir ou de ne pas le faire et de développer leurs propres moyens et demandes éventuelles.
En conséquence, il est sans effet que l'information adressée aux fournisseurs ne l'ait pas été préalablement à l'assignation délivrée par l'ADLC et postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, si cette cause d'irrecevabilité de l'action de l'ADLC et de celle du ministre de l'Economie a été régularisée avant que le tribunal statue.
Par ailleurs, le constat que l'information a été donnée trois ans et demi après l'assignation, pour des faits qui pour certains remontent à 2001 et 2002, pour lesquels, les parties n'auraient pas pu agir elles même en raison de la prescription, ou de la disparition de certaines preuves, est inopérant. En effet, l'action des personnes visées par le III de l'article L. 442-6 du Code de commerce est autonome des actions qui pourraient être diligentées par les parties elles-mêmes et le fait que les actions en nullité ou en réparation de celles-ci pourraient être prescrites ou seraient rendues difficiles en raison de la disparition d'éléments de preuve ne saurait empêcher le ministre de l'Economie, le Ministère public ou l'ADLC de mener les actions qui leur sont propres.
En l'espèce, l'information a été réalisée par lettre de l'Administration du 3 août 2011, complétée le 11 octobre suivant. Les débats devant le tribunal ont eu lieu le 15 novembre 2011, soit dans un délai d'un mois, ce qui, permettait aux fournisseurs de faire connaître leur intention d'intervenir à l'action et éventuellement de faire renvoyer l'audience de plaidoiries, afin d'avoir le temps de préparer des conclusions en ce sens. Il s'en suit que l'information adressée aux parties aux contrats visés dans l'action a été valablement délivrée en ce qui concerne les délais.
La société Galec conteste la possibilité pour le président de l'ADLC de faire adresser l'information par lettre d'un agent du ministre de l'Economie. Elle soutient à ce sujet qu'il est auteur d'une action, et que le commentaire fait par le Conseil constitutionnel de sa décision n° 2011-126 QPC, du 13 mai 2013, fait reposer sur l'auteur de l'action le devoir d'informer les parties au contrat, qu'en conséquence, il ne pouvait déléguer l'accomplissement de cette obligation et qu'il ne peut encore moins prétendre qu'elle aurait été réalisée par la lettre signée par un agent auquel il n'avait délégué aucun pouvoir. Elle ajoute que les deux lettres des 3 août et 11 octobre 2011 n'ont pas valablement informé les parties aux contrats, dès lors qu'elles ont été signées par des personnes qui ne bénéficiaient d'aucune délégation de pouvoir.
Ainsi qu'il a été précédemment retenu, l'information des partenaires de la société poursuivie par l'une ou l'autre des personnes visées par les dispositions du III de l'article L. 442-6 du Code de commerce a pour but de permettre à ceux-ci d'intervenir comme partie à la procédure, s'ils le souhaitent. Il importe peu, en conséquence, que lorsque l'action est menée par plusieurs personnes, l'information soit délivrée par l'une et l'autre, ou par une seule d'entre elles, dès lors que les parties au contrat visé sont averties de qui sont les auteurs de l'action, de ce qui est demandé par eux et enfin de ce qu'elles peuvent intervenir au litige. Si le commentaire accompagnant la diffusion de la décision précise que "(...) on peut penser que, conformément à la tradition civiliste de la procédure accusatoire, c'est à l'auteur de l'action qu'incombe le soin de notifier celle-ci à l'intéressé. Il appartiendra au juge de s'assurer du respect de cette exigence", cette formulation n'est pas affirmative, mais laisse au juge saisi de cette question l'appréciation du caractère valable et suffisant de l'information du déclenchement de l'action.
Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles R. 470-1-1 du Code de commerce et 3 de l'arrêté du 24 septembre 2010, qu'en cas d'empêchement d'un directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), les chefs des pôles Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de ces directions régionales les suppléent pour représenter et déposer des observations au nom du ministre de l'Economie devant les juridictions saisies sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Investis de ce pouvoir du fait de leur fonction, ces agents qui représentent le ministre de l'Economie sont, dès lors, habilités à adresser aux entreprises parties aux contrats visés par une action menée sur le fondement de l'article L. 442-6, l'information relative à l'engagement de cette action.
En conséquence, la lettre du 11 octobre 2011, par laquelle M. Rodriguez chef du pôle concurrence de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la DIRECCTE), d'Ile-de-France a complété et validé en la faisant sienne la lettre du 3 août précédent, par laquelle Mme Mésange, chef du service pilotage et aide à l'enquête de cette direction régionale, avait informé les parties aux contrats conclus avec la société Galec, de ce que le président de l'ADLC avait introduit une action devant le Tribunal de commerce de Créteil visant à solliciter la nullité des contrats conclus entre ceux-ci et la société Galec, ainsi que la restitution des sommes indûment versées à ce titre, et que le ministre de l'Economie s'était porté intervenant volontaire à cette action, a régulièrement informé les fournisseurs concernés, tant en ce qui concerne l'intervention du ministre de l'Economie que de l'action introduite par le président de l'ADLC. Il convient à ce sujet de relever que par cette lettre, M. Rodriguez ne s'est pas substitué au président de l'ADLC, mais a simplement prévenu les parties en cause de l'action principale à laquelle le ministre s'était joint, leur permettant ainsi d'intervenir à leur tour, si elles le souhaitaient. Dès lors l'information a été valablement délivrée, tant en ce qui concerne l'action principale que l'intervention, sans qu'importe le fait que cet agent de l'Administration ne se trouve pas sous l'autorité hiérarchique du président de l'ADLC et que ce dernier dispose d'une action autonome de celle du ministre, rien n'interdisant qu'ils exercent conjointement les pouvoirs qui leurs sont délégués par l'article L. 442-6, III du Code de commerce.
La société Galec soutient encore que la lettre du 11 octobre 2011, présentée comme le complément de celle du 3 août 2011 n'informe pas suffisamment les parties aux contrats visés et qu'elle aurait dû, d'une part, être accompagnée d'une copie de l'assignation et des conclusions, d'autre part, préciser quelles étaient les prestations considérées comme déséquilibrées. Elle reproche aussi à la lettre susvisée de ne pas avoir expliqué ou suggéré les fondements exacts de l'action, ni les motifs exacts de droit, ni les conséquences qui pourraient en résulter dans les patrimoines individuels des fournisseurs.
Il convient de relever sur ce point que la lettre du 11 octobre 2011, complétant celle du 3 août précédent, précise quels sont les auteurs des actions, quelle est la société poursuivie et quels sont les contrats visés, quels sont les motifs et le fondement de l'action, ainsi que le texte visé. La lettre du 3 août 2011 indique que la nullité des contrats, ainsi que la restitution des sommes indûment perçues sont demandées et les deux courriers précisent que les destinataires peuvent se joindre à l'action, celle du 11 décembre les invitant à consulter le greffe ou les services de la DIRECCTE Ile-de-France pour le faire. L'information ainsi réalisée par ces deux courriers était suffisante pour permettre aux fournisseurs qui l'auraient souhaité de se joindre à l'action mise en œuvre par l'ADLC et à laquelle était intervenu le ministre de l'Economie. Il importe peu à ce sujet que les parties n'aient pas été informées du montant des restitutions demandées par le ministre et l'ADLC. Par ailleurs, la lettre d'information ne pouvait être accompagnée ni de la copie de l'assignation, ni de celles des conclusions jusqu'alors échangées, puisque l'accès à ces pièces est réservé aux parties au procès, statut auquel les fournisseurs ne peuvent avoir accès qu'en se joignant à l'action. Enfin, l'invitation à prendre contact avec les services de l'Administration, pour obtenir de plus amples renseignements ne saurait constituer une ingérence des pouvoirs publics à la décision des parties au contrat d'accéder au juge, cette invitation étant parfaitement conforme à la mission de protection des fournisseurs par le ministre de l'Economie souhaitée et exprimée par le législateur par l'introduction des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Au regard de l'ensemble de ce qui précède, les fournisseurs de la société Galec, concernés par l'action mise en œuvre le 14 mai 2008 par l'Autorité de la concurrence, prise en la personne de son président en exercice, et à laquelle le ministre de l'Economie est intervenu volontairement, le 1er juillet 2008, ont valablement été informés de cette action par les lettres adressées à ceux-ci les 3 août et 11 octobre 2011 et examinées ci-dessus. Il en résulte que l'action et l'intervention volontaire précitées sont recevables et que le jugement doit être confirmé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il est justifié de condamner la société Galec à payer au ministre de l'Economie la somme de 3 000 euros, ainsi qu'une somme du même montant à l'Etat en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Créteil, le 17 janvier 2012 ; Condamne la société Galec à payer les sommes de 3 000 euros au ministre de l'Economie et de 3 000 euros à l'Etat en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraire des parties ; Condamne la société Galec aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.