CA Montpellier, 2e ch., 1 octobre 2013, n° 12-00730
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Corsi France International Transports (SAS)
Défendeur :
Comptoir Méditerranée de l'Olive Comolive (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
MM. Chassery, Prouzat
Avocats :
SCP Garrigue, Selarl PLMC, Me Pujol
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société Corsi FIT, dont le siège est à Saint-Dizier (52) exerce une activité de transporteur routier et dispose de cinq agences en France, dont une à Sète ; elle a entretenu, depuis le début des années 1980, des relations commerciales avec la société Comolive, société spécialisée dans la distribution et la commercialisation de condiments et ayant son siège à Sète (34), qui lui confiait le transport de marchandises notamment destinées aux enseignes de la grande distribution et à leurs centrales d'achats.
Le dernier transport effectué par la société Corsi FIT pour le compte de la société Comolive l'a été le 26 mai 2010, marquant le terme des relations commerciales.
Invoquant une rupture brutale des relations, la société Corsi FIT a, par acte du 12 octobre 2010, fait assigner la société Comolive devant le Tribunal de commerce de Montpellier en responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et indemnisation de son préjudice, chiffré à la somme de 695 860,12 à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal a débouté la société Corsi FIT de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Comolive la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Corsi FIT a relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.
Par arrêt du 7 mai 2013 auquel il convient de se reporter, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir, relevée d'office, tirée de l'absence d'ouverture de la voie de recours et ordonné la réouverture des débats à l'audience du mardi 2 juillet 2013 à 13 heures 45.
La société Corsi-FIT demande à la cour de déclarer l'appel recevable (conclusions reçues par le RPVA le 27 mai 2013) ; elle expose que selon l'annexe 4-2-1, les juridictions compétentes en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce sont les Tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes, qu'en l'occurrence, l'affaire a été portée devant le Tribunal de commerce de Montpellier par assignation du 12 octobre 2010, postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009 et que le défendeur n'ayant pas soulevé in limine litis l'incompétence de ce tribunal, l'appel du jugement ainsi rendu devait être porté devant la Cour d'appel de Montpellier en fonction des règles classiques issues de la carte judiciaire.
La société Comolive demande au contraire à la cour de déclarer l'appel irrecevable et de condamner la société Corsi-FIT à lui payer la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 6 juin 2013).
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 juin 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il résulte de l'article 122 du Code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir ; l'article 125 du même Code énonce que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elle résultent de l'inobservations des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
En l'occurrence, l'article D. 442-3 du Code de commerce, dans sa rédaction du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, dispose que pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre et que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
L'article 8 du décret du 11 novembre 2009 énonce que "le présent décret entre en vigueur le premier jour du mois suivant sa publication, à l'exception des articles 5 et 6 qui entrent en vigueur à la date de publication du présent décret" et que "la juridiction primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret".
S'il prévoit que les juridictions saisies antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé d'un litige né de l'application de l'article L. 442-6, demeurent donc compétentes pour en connaître, ce texte n'a pas, en revanche, pour effet de maintenir la compétence d'une juridiction qui n'était pas saisie d'un tel litige au moment de l'entrée en vigueur du décret.
Les règles de compétence spéciale instaurées par le décret du 11 novembre 2009 sont applicables aux instances introduites postérieurement à la date de son entrée en vigueur, fixée au 1er décembre 2009 ; ainsi, la Cour d'appel de Paris est exclusivement compétente pour connaître d'un litige né de l'application de l'article L. 442-6 lorsque l'appel est formé postérieurement à cette date, même s'il s'agit de l'appel d'un jugement rendu par un tribunal de commerce ne figurant pas sur le tableau de l'annexe 4-2-1 du livre IV du Code de commerce.
Au cas d'espèce, l'appel du jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 12 décembre 2011, lui-même saisi postérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009, qui statue sur une demande indemnitaire, présentée dans le cadre d'un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, a été formé devant la Cour d'appel de Montpellier par la société Corsi-FIT suivant déclaration du 23 janvier 2012, alors que cette cour ne pouvait en connaître depuis le 1er décembre 2009 ; son appel doit en conséquence être déclaré irrecevable, sans examen au fond.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Corsi-FIT doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Comolive la somme de 1 000 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare l'appel de la société Corsi-FIT, irrecevable, La condamne aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer la société Comolive la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.