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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 octobre 2013, n° 10-19115

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gourmandises d'Esquermoise (SARL), Hembert

Défendeur :

Boulangeries Paul (SAS), Panachat (SASU), Château Blanc (SAS), Holder (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Couturier, Segard, Fisselier, Faizant

T. com. Paris, du 10 sept. 2010

10 septembre 2010

Vu le jugement du 10 septembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit les sociétés Château Blanc, Panachat et Holder recevables en leur intervention volontaire, condamné, sous le régime de l'exécution provisoire, la société Les Gourmandises d'Esquermoise à verser à la société d'exploitation Saint-Preux une somme de 20 269,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008 sur la somme de 19 785,39 euros correspondant aux redevances de franchise, condamné la société d'exploitation Saint-Preux à payer à la société Les Gourmandises d'Esquermoise la somme de 6 184 euros (au titre du dépôt de garantie du contrat de location-gérance) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ordonné la compensation entre les condamnations ci-dessus, condamné la société Les Gourmandises d'Esquermoise à payer, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008, les sommes de 18 242,62 euros à la société Château Blanc et 2 620,48 euros à la société Panachat, et, enfin, condamné solidairement la société Les Gourmandises d'Esquermoise et Monsieur Emmanuel Hembert à payer à la société d'exploitation Saint-Preux la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Les Gourmandises d'Esquermoise le 27 septembre 2010 ;

Vu les conclusions signifiées par la société Les Gourmandises d'Esquermoise et Monsieur Emmanuel Hembert le 2 octobre 2012 afin que le jugement entrepris soit réformé, que la société d'exploitation Saint-Preux soit condamnée à rembourser l'ensemble des redevances perçues au titre du contrat de franchise et du contrat de location gérance, ainsi que le droit d'entrée à hauteur de 18 000 euros, que la société d'exploitation Saint-Preux soit condamnée à payer la somme de 250 000 euros à la société Les Gourmandises d'Esquermoise au titre de son préjudice financier, la somme de 120 000 euros à Monsieur Emmanuel Hembert au titre du gain manqué, la somme de 70 000 euros à Monsieur Emmanuel Hembert au titre du préjudice moral pour les manœuvres discriminatoires et vexatoires qu'il a subies, que la société d'exploitation Saint-Preux soit condamnée à payer à la société Les Gourmandises d'Esquermoise les sommes de 6 184 euros au titre de la caution versée pour la location gérance et 25 000 euros au titre de la reprise des stocks et marchandises, qu'il soit jugé que les intérêts courront sur l'ensemble de ces sommes à compter de la date d'assignation, que la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année échue soit ordonnée, que l'accord de la société Les Gourmandises d'Esquermoise pour le règlement des factures Panachat et Château Blanc à hauteur respectivement de 2 620,48 euros et 18 242,62 euros soit constaté, que le surplus des demandes formulées par la société Holder et la société d'exploitation Saint-Preux soit rejeté et que la société Holder et la société d'exploitation Saint-Preux soient condamnées à leur payer, à chacun, la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées par la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société d'exploitation Saint-Preux, la société Panachat, la société Château Blanc et la société Holder le 6 septembre 2012 afin, à titre principal, que la société Gourmandises d'Esquermoise soit déboutée de ses demandes, et soit condamnée à verser aux sociétés Château Blanc, Panachat et Holder les sommes respectives de 18 242,62 euros, 2 620,48 euros et 559,73 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008, à titre reconventionnel, qu'elle soit condamnée à verser à la société Boulangeries Paul, venant aux droits de la société d'exploitation Saint-Preux, une somme de 20 269,69 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008, au titre des redevances de franchise échues, et une somme de 188 923 euros à titre de réparation du préjudice résultant pour elle de ses manquements contractuels, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à la demande de la société Les Gourmandises d'Esquermoise relativement à la restitution du dépôt de garantie, soit la somme de 6 184 euros, que celle-ci se compense avec les sommes allouées à la société Boulangeries Paul venant aux droits de la société d'exploitation Saint-Preux, et, en tout état de cause, que la société Les Gourmandises d'Esquermoise soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société d'exploitation Saint-Preux (ci-après "société Saint-Preux") appartient à un ensemble qui regroupe des sociétés exerçant des activités dans le domaine de la boulangerie, de la pâtisserie et de la restauration (dont les sociétés Holder, Boulangeries Paul et Pâtisserie E. Ladurée), notamment sous les enseignes Saint-Preux, Paul et Ladurée.

La société Saint-Preux exploite l'enseigne Saint-Preux, notamment par l'intermédiaire de franchisés.

Les points de vente Saint-Preux, commerces de proximité, sont des terminaux de cuisson dans lesquels sont proposés à la vente, du pain, des viennoiseries, des brioches, des pâtisseries et des formules de petite restauration rapide. Ils bénéficient du savoir-faire de Saint-Preux en matière de boulangerie, et pâtisserie.

Le 6 avril 2007, la société Les Gourmandises d'Esquermoise a conclu avec la société Saint-Preux un contrat de location-gérance d'une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation avec un préavis d'un mois, pour l'exploitation du fonds de commerce de boulangerie pâtisserie viennoiserie croissanterie traiteur, détenu par Saint-Preux et situé 110, rue Esquermoise à Lille (59)

Ce contrat prévoit que le droit à l'usage de l'enseigne et du nom commercial Saint-Preux est consenti à la société Les Gourmandises d'Esquermoise dans le cadre d'un contrat de franchise conclu concomitamment au contrat de location-gérance. La société Saint-Preux a ainsi conclu, à la même date, un contrat de franchise avec la société Les Gourmandises d'Esquermoise pour une durée de cinq ans.

Un constat réalisé à la demande de Madame Holder, dirigeante de la société Saint-Preux, par Maître Regula, huissier de justice à Lille, le 25 février 2008, à la suite de "visites-bilan", fait état d'un certain nombre de manquements de la société Les Gourmandises d'Esquermoise en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire.

Par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 29 février 2009, la société Saint-Preux a mis fin au contrat de location-gérance et résilié le contrat de franchise avec effet au 6 avril 2008. Le contrat de location-gérance venant à expiration le 6 avril 2008, la société Saint-Preux a usé de la faculté de non-renouvellement du contrat. L'article 12 du contrat de franchise autorisant par ailleurs la résiliation de ce contrat en cas de cessation du contrat de location-gérance, celle-ci a été notifiée au franchisé sur ce fondement.

C'est dans ces circonstances que par acte du 26 août 2008, la société Les Gourmandises d'Esquermoise et Monsieur Emmanuel Hembert ont assigné la société Saint-Preux devant le tribunal de commerce.

Le tribunal a débouté la société Les Gourmandises d'Esquermoise et Monsieur Emmanuel Hembert de leur demande en nullité du contrat de location-gérance, pour non-respect de l'obligation précontractuelle d'information, des deux contrats de location-gérance et de franchise, pour dol et enfin de leur demande en résiliation du contrat de franchise, pour défaut d'exécution des obligations du franchiseur. Le Tribunal a en revanche admis une partie des demandes reconventionnelles de la société Saint-Preux, relative aux redevances de franchise impayées jusqu'au terme du contrat.

Les fournisseurs, les sociétés Panachat, Château Blanc et Holder, qui réclamaient au franchisé le paiement de factures pour des pains, viennoiseries, pâtisseries et sandwichs ont été reçus en leurs prétentions, à l'exception de la société Holder.

Pendant la procédure d'appel, en octobre 2012, les parties au présent litige ont manifesté leur accord pour recourir à une mesure de médiation. Par un arrêt en date du 7 novembre 2012, la Cour d'appel de Paris a désigné Madame Béatrice Brenneur en qualité de médiatrice dans le cadre de cette affaire. Par la suite, aucun accord n'a pu être trouvé.

Sur la demande en nullité des contrats de location-gérance et de franchise pour manœuvres dolosives

Considérant que la société Les Gourmandises d'Esquermoise et Monsieur Emmanuel Hembert, appelants, soutiennent que la société Saint-Preux aurait manqué à son obligation précontractuelle d'information en ce qu'elle n'aurait fourni aucun élément d'information sur la durée du contrat de location-gérance, alors même que celle-ci interférait directement sur les causes de rupture du contrat de franchise et que cette omission aurait gravement vicié leur consentement ; que les deux appelants avancent que la société Saint-Preux aurait eu un comportement déloyal à leur égard en leur laissant espérer une certaine stabilité du contrat de franchise, pour une période d'exploitation minimum de cinq ans, alors qu'en réalité, à travers le non-renouvellement du contrat de location-gérance, elle pouvait révoquer ad nutum le contrat de franchise au bout d'un an ; que par ces manœuvres dolosives, la société Saint-Preux aurait pu convaincre Monsieur Hembert de signer les contrats, alors même qu'elle anticipait déjà, au moment de la signature des contrats, en 2007, le démantèlement proche de son réseau, mais avait néanmoins besoin de faire "tourner" son fonds de commerce quelques mois encore, afin d'en préserver la valeur ;

Considérant que la société Saint-Preux soutient que l'obligation d'information précontractuelle ne s'applique pas aux contrats de location-gérance et que l'appelante ne démontre pas que son consentement aurait été vicié ; qu'elle allègue aussi qu'elle n'a fait qu'appliquer les clauses des contrats et qu'elle n'anticipait aucune fin de son réseau en 2007 ; qu'au surplus, M. Hembert avait connaissance du montage juridique en cause, appliqué à son associé, M. Christian Benoit, dans le cadre de l'exploitation de sa société, Les Traditions d'Arthur ;

Considérant que si les appelants fait grief à la société Saint-Preux d'avoir méconnu son obligation précontractuelle d'information, en s'abstenant de leur remettre, dans le délai prévu à l'article L. 330-3 du Code de commerce, le contrat de location-gérance avec le document d'information précontractuelle et en s'abstenant, ainsi, de leur indiquer, avant la conclusion des deux contrats, l'existence d'une clause de non-renouvellement du contrat de location-gérance au bout d'un an, entraînant la résiliation immédiate du contrat de franchise, conclu pourtant pour cinq ans, méconnaissances qui seraient constitutives de dol et de réticence dolosive ayant vicié leur consentement, il convient de rappeler, tout d'abord, que l'article L. 330-3 du Code commerce dispose que "toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause", mais, également, que le dol suppose, pour être caractérisé, de rapporter la preuve de l'intention dolosive ayant animé son auteur ; que ce "document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités" ; que "Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, (...)" ; que selon les dispositions de l'article R. 330-1 du Code de commerce, "Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes : L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités" ;

Sur l'application de l'article L. 330-3 au contrat de location-gérance

Considérant que, pour l'application de ce texte, il suffit que les parties soient liées par des stipulations contractuelles prévoyant d'un côté la mise à disposition de l'enseigne, du nom commercial ou de la marque et d'un autre, un engagement d'exclusivité pour l'exercice de l'activité concernée ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat de location-gérance signé entre les sociétés Saint-Preux et Les Gourmandises d'Esquermoise confère au locataire-gérant l'usage de l'enseigne Saint-Preux, le fonds de commerce étant exclusivement dédié à l'exploitation du commerce Saint-Preux et le locataire-gérant s'engageant, par une clause de non-concurrence, à ne pas exploiter un fonds concurrent pendant la durée du contrat et un an à compter de la résiliation (article 7) ;

Considérant qu'ainsi, l'obligation d'information s'imposait avant la signature du contrat de location-gérance conclu dans l'intérêt commun des parties ; que la société Saint-Preux ne justifie pas avoir transmis le projet de location-gérance à la société Les Gourmandises d'Esquermoise avant la signature des deux contrats le 6 avril 2007 ; que celle-ci verse aux débats, sans être formellement contredite par l'intimée, un message électronique du 2 avril 2007 adressé par M. Hembert au groupe Holder faisant état, quatre jours avant la signature, d'une absence de communication du projet : "Je fais suite à mes différents mails et appels téléphoniques et vous indique rester dans l'attente du projet de location-gérance afin d'en prendre connaissance avant la signature" ;

Sur le dol résultant des manquements aux obligations d'information précontractuelle

Considérant que le contrat de location-gérance était consenti pour une durée d'une année à compter du 6 avril 2007, ainsi qu'il était stipulé au préambule du contrat ; que cette clause, intitulée "Durée", prévoyait qu'il "se poursuivra(it) ensuite par tacite reconduction pour une durée indéterminée, sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception, adressée par celle des parties qui souhaiterait y mettre fin, moyennant un préavis d'un mois pour le bailleur et de trois mois pour le locataire-gérant" ; que le contrat de location-gérance est indissociable du contrat de franchise, ces deux contrats ayant été signés le même jour et comportant des obligations inextricablement mêlées ; qu'ainsi, l'article 5-2 du contrat de franchise est relatif au fonds de commerce loué et précise qu'il est exploité sous l'enseigne exclusive de Saint-Preux et affecté exclusivement à l'exploitation du point de vente Saint-Preux ; que les deux contrats prévoient des clauses de résiliation réciproques, l'article 12-1 du contrat de franchise prévoyant que "la résiliation interviendra de plein droit, sans mise en demeure, par simple lettre recommandée avec accusé de réception prise à l'initiative du franchiseur : (...) en cas de cessation pour quelque cause que ce soit du contrat de location gérant portant sur le fonds de commerce objet des présentes" et l'article 8 du contrat de location-gérance stipulant que "la présente location-gérance sera résiliée de plein droit si bon semble au bailleur (...) après notification par lettre recommandée de sa volonté d'user de cette clause dans le délai de 15 jours minimum et à lettre lue pour les alinéas c, d e, f : e) si la société d'exploitation Saint-Preux venait à résilier le contrat de franchise Saint-Preux pour non-respect des charges et conditions de ce dernier" ; que nonobstant l'indivisibilité des deux contrats, le DIP du contrat de franchise, communiqué à la société Les Gourmandises d'Esquermoise, s'il comporte l'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités, ne rappelle que les dispositions de l'article 12 du contrat de franchise, qui énumère, parmi les douze causes de résiliation prévues, "la cessation pour quelque cause que ce soit du contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce" et ne renvoie pas aux conditions de renouvellement du contrat de location-gérance, qui en constituent, pourtant le fondement et permettent au franchiseur de mettre discrétionnairement fin aux deux contrats, au bout d'une année, par le jeu cumulé des clauses ;

Considérant que le franchisé ne pouvait, à la seule lecture de ce DIP, et en l'absence de communication concomitante du projet de location-gérance, donner un consentement éclairé à ces clauses ; que le franchisé ne se serait pas engagé dans un contrat de franchise, dont la durée n'était pas assurée au-delà d'une année ; que cet engagement aurait été dépourvu de toute rationalité économique et juridique ;

Considérant, en effet, que le versement au franchiseur de droits d'entrée de 18 000 euros HT (article 8-1 du contrat de franchise), le paiement de redevances de franchise de 3 % HT du chiffre d'affaires, et de loyers de location-gérance d'un montant minimum de 37 100 euros par an, constituaient un investissement important, non amortissable sur une période d'une seule année ; que le gain escompté la première année était nul ou faible, l'année de lancement d'une activité étant généralement difficile et l'exploitation antérieure du fond s'étant révélé déficitaire, ce que le franchiseur n'avait d'ailleurs pas caché ;

Considérant, au surplus, que s'il avait connu l'aléa pesant sur le renouvellement des contrats, au bout d'une année, le franchisé n'aurait pas consenti à se placer juridiquement en situation de dépendance absolue à l'égard du franchiseur, le contrat prévoyant une exclusivité de vente des produits Saint-Preux, une exclusivité d'approvisionnement auprès des fournisseurs agréés par Saint-Preux et une clause de non-concurrence pendant la durée du contrat et après sa résiliation ; qu'ainsi, aucune possibilité de diversification d'activités ou de reconversion ne pouvait être anticipée ;

Considérant, en outre, que la société Saint-Preux ne peut essayer d'échapper à sa responsabilité en prétendant, sans en rapporter la preuve, que M. Hembert ne pouvait ignorer le montage juridique de la cause, celui-ci ayant été appliqué antérieurement à son associé, M. Benoit ; que la qualité d'associé ne permet pas d'inférer une communication réciproque des obligations antérieures des parties ; que la preuve de la prétendue mauvaise foi de M. Hembert, alléguée par la société Saint-Preux, ne saurait résulter du fait que la société qui s'est portée acquéreur du fonds de commerce, après la résiliation des deux contrats, ait eu M. Hembert comme actionnaire et directeur, sans que cette circonstance ait été connue de Saint-Preux ; qu'en effet, c'est une personnalité juridique distincte de Les Gourmandises d'Esquermoise qui s'est portée acquéreur du fonds, et non la même société, ce que la clause de non-concurrence lui aurait interdit ; qu'aucune fraude ou manœuvre dolosive n'est démontrée à la charge de cette société ou de M. Hembert dans cette transaction ; que, dès lors que le réseau de franchise disparaissait et que Saint-Preux souhaitait vendre ses fonds de commerce, il peut d'autant moins être fait grief à M. Hembert de s'en porter acquéreur par l'intermédiaire d'une nouvelle société, qu'il s'agissait pour lui de l'unique moyen de tenter de survivre et d'exploiter les efforts commerciaux consentis en pure perte dans le cadre de la franchise Saint-Preux ; qu'aucune dommage n'en résulte au demeurant pour la société Saint-Preux, l'enseigne exploitée étant différente ;

Considérant, en définitive, que l'absence de communication du projet de contrat de location-gérance et le défaut d'information précontractuel sur les conditions de son non-renouvellement, constituent des réticences d'informations essentielles qui auraient dû être communiquées au futur franchisé dans le cadre de la conclusion des deux contrats ; que ces réticences ont vicié le consentement de la société Les Gourmandises d'Esquermoise, bien fondée à en demander l'annulation ; que les deux contrats seront donc annulés et le jugement entrepris infirmé sur ce point ;

Sur les restitutions

Considérant qu'il y a lieu, les contrats étant annulés, de remettre les parties dans l'état antérieur à la signature de ceux-ci ; que seront, ainsi, restituées à la société Les Gourmandises d'Esquermoise les sommes versées à la société Saint-Preux au titre des contrats annulés ;

Considérant que les droits d'entrée de 18 000 euros HT versés au titre du contrat de franchise, le dépôt de garantie versé au titre du bail commercial, de 6 184 euros, ainsi que les redevances de franchise et de bail versées par la société Les Gourmandises d'Esquermoise pendant l'année écoulée entre le 6 avril 2007 et le 6 avril 2008 lui seront remboursés ;

Considérant que l'article 8-1 du contrat de franchise mentionne que le franchisé paie un droit d'entrée dans le réseau de 18 000 euros HT, le jour de la signature des présentes ; que la société Saint Preux sera condamnée à verser à la société Les Gourmandises d'Esquermoise la somme de 18 000 euros sollicitée par elle ;

Considérant que le chapitre "dépôt de garantie" de la page 8 du contrat de location-gérance fait état d'un dépôt de garantie de 6 184 euros versé par la société Les Gourmandises d'Esquermoise, au titre de ce contrat ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Saint-Preux à restituer cette somme à la société Les Gourmandises d'Esquermoise ;

Considérant, s'agissant des redevances de franchise, qu'elles devaient s'élever, en vertu de l'article 8-2, à 3 % du chiffre d'affaires HT réalisé par le franchisé dans le point de vente objet du contrat ; que la société Les Gourmandises d'Esquermoise prétend avoir payé la somme de 28 126 euros, au titre de ces redevances ; que cependant, en l'absence de justificatifs des paiements effectués, la cour ne peut que se fonder sur le chiffre d'affaires réalisé par le franchisé durant l'exercice 2007-2008, soit 355 090 euros, d'après son bilan et comptes d'exploitation versés aux débats ; que sur cette base, les redevances HT se sont élevées à 10 650 euros et celles TTC à 12 737 euros ; que la société Saint-Preux prétend, sans être démentie, que les redevances de janvier à mars 2008 n'ont pas été acquittées pour un montant total de 2 716, 08 (factures R02917014, R03917015 et R04917012) ; que la société Saint-Preux sera donc condamnée à verser à la société Les Gourmandises d'Esquermoise les sommes effectivement versées à ce titre, soit la somme de 10 021 euros (12 737 moins 2 716) ;

Considérant, s'agissant des redevances de location-gérance, qu'elles s'élèvent, selon le chapitre "Redevance" de la page 8 du contrat de location-gérance, à 8,5 % HT du chiffre d'affaires hors taxe réalisé dans et par magasin, sans pouvoir être inférieure à 37 100 euros HT ; que la société Les Gourmandises d'Esquermoise prétend avoir payé la somme de 37 000 euros, au titre de ces redevances ; que cependant, en l'absence de justificatifs des paiements effectués, la cour ne peut encore que se fonder sur le chiffre d'affaires réalisé par le franchisé durant l'exercice 2007-2008, soit 355 090 euros ; que sur cette base les redevances HT se sont élevées à 37 100 euros, 8 % de 355 090 euros étant inférieur à ce minimum garanti, et les redevances TTC à 44 371,60 euros ; que la société Saint-Preux prétend, sans être démentie que les redevances de février à avril 2008 n'ont pas été acquittées pour un montant total de 8 382 euros (factures n° R02743015 de 3 698,03 euros ; n° R03743016 de 3 698,03 euros et n° R04743013 de 986 euros, soit 8/30 de 3 698,03 euros, au prorata temporis) ; que la société Saint-Preux sera donc condamnée à verser à la société Les Gourmandises d'Esquermoise la somme de 35 989,60 euros, à ce titre (44 371,60 moins 8 382) ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de condamner la société Paul, venant aux droits de la société Saint-Preux, à payer à la société Les Gourmandises d'Esquermoise la somme totale de 70 194,60 euros au titre des restitutions ;

Sur la reprise des stocks

Considérant qu'en l'absence de tout élément justificatif de l'état du stock, la demande de la société Les Gourmandises d'Esquermoise, tendant à se voir allouée la somme forfaitaire de 25 000 euros, au titre de la reprise des stocks et marchandises, sera rejetée ;

Sur les demandes en réparation du préjudice financier subi par la société Les Gourmandises d'Esquermoise et par M. Hembert

Considérant que la société Les Gourmandises d'Esquermoise et M. Hembert sollicitent des indemnités respectives de 250 000 euros et 120 000 euros pour leur manque à gagner, calculé sur les revenus dont ils auraient été privés sur les quatre années qui restaient à courir sur le contrat de franchise ;

Mais considérant que le préjudice subi par les appelants, du fait du dol subi, ne peut consister en un manque à gagner, faute de tout lien de causalité entre le dol et la perte de revenus sur les quatre années du contrat restant à courir ; qu'en effet, la situation qui aurait prévalu en l'absence du dol concerné est l'absence probable, mais non certaine, de signature des contrats litigieux ; que les seules pertes résultant du dol ne peuvent s'analyser que comme une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses que celles acceptées, et non d'un manque à gagner portant sur les gains attendus des deux contrats ; que la demande de la société Les Gourmandises d'Esquermoise et de M. Hembert est donc irrecevable, faute de démontrer le lien de causalité entre le dol et le manque à gagner allégué et faute d'alléguer et de prouver l'existence d'une perte de chance ainsi que d'en évaluer le montant ;

Sur le préjudice moral de M. Hembert

Considérant que l'existence de ce préjudice n'est étayé d'aucun commencement de preuve de manœuvres ou de vexations dolosives ; que la demande de M. Hembert tendant à l'allocation d'une somme de 70 000 euros pour réparer son préjudice moral sera donc rejetée ;

Sur les demandes de dommages-intérêts

Considérant, dès lors qu'il n'y a pas lieu d'examiner les conditions dans lesquelles la société Saint-Preux a résilié les deux contrats, conditions qui soutiennent la demande subsidiaire de résiliation des contrats de la société Les Gourmandises d'Esquermoise ; que celle-ci se serait, selon l'intimée, rendue coupable de graves manquements en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, ainsi que du non-respect de plusieurs normes et procédures Saint-Preux, et de divers manquements contractuels ; que toutefois, la déloyauté du franchiseur apparaît dans les conditions dans lesquelles il a mis fin aux contrats ; qu'en effet, la lettre recommandée du 29 février 2008 qui fait application du droit au non-renouvellement du contrat de location-gérance, se réfère aux manquements du locataire en matière d'hygiène ; que, cependant, ce grief aurait justifié, conformément à l'article 8 du contrat de location-gérance, une résiliation selon les formes prévues par cet article ; que de la même façon, l'article 12-2 du contrat de franchise permettait au franchiseur de résilier le contrat de franchise en cas de non-respect des règles d'hygiène, un mois et demi après l'envoi d'une mise en demeure de mettre un terme aux manquements constatés, envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception ; que le procédé de résiliation du contrat de franchise utilisé par Saint-Preux constitue un détournement de procédure, qui a privé le franchisé de toutes ses chances de se mettre en conformité avec ses obligations et qui révèle la véritable intention du franchiseur, mettre un terme anticipé aux contrats, pour des raisons étrangères aux motifs invoqués ;

Sur les demandes des sociétés Panachat, Château Blanc et Holder

Considérant que la société Les Gourmandises d'Esquermoise consent à régler les factures des sociétés Panachat et Château Blanc, pour des montants respectifs de 2 620,48 et 18 242,62 euros ; qu'il convient de lui en donner acte ; que s'agissant de la facture de la société Holder, relative à des frais de raccordement Transpac d'un montant de 559,73 euros, il convient d'approuver les premiers juges d'avoir rejeté la demande en paiement de cette société, qui n'a pas eu de relation contractuelle avec l'ancien franchisé ;

Par ces motifs : - Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Les Gourmandises d'Esquermoise à payer aux sociétés Château Blanc et Panachat les sommes respectives de 18 242, 62 euros et 2 620,48 euros et débouté la société Holder de ses demandes ; - Et, statuant à nouveau, - Prononce la nullité des deux contrats de franchise et de location-gérance, - Condamne la société Paul, venant aux droits de la société Saint-Preux, à payer à la société Les Gourmandises d'Esquermoise la somme totale de 70 194,60 euros au titre des restitutions, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et lesdits intérêts capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil, - Déboute les parties du surplus de leurs demandes, - Condamne la société Saint-Preux, aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, - Condamne la société Saint-Preux, à payer à la société Les Gourmandises d'Esquermoise et à M. Hembert la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.