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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 29 octobre 2013, n° 13-09815

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Services à Domicile Bruno Couton (SARL), Malivic (SARL)

Défendeur :

Domino's Pizza France (SAS), SD Développement (SARL), GJBL 2 (SARL), HB Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Girerd

Conseillers :

Mmes Maunand, Bouvier

Avocats :

Mes Gili, Monta, Saint Esteben, Montpellier

T. com. Paris, du 25 avr. 2013

25 avril 2013

Par acte du 17 octobre 2012, les sociétés Service à Domicile Bruno Couton (ci-après SDBC) et Malivic, sociétés franchisées sous l'enseigne Speed Rabbit Pizza et dont le siège social se trouve près de Lille, ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la SAS Domino's Pizza France (ci-après DPF) ainsi que trois sociétés franchisées sous cette enseigne dans la région de Lille, les sociétés SD Développement, GJBL 2 et HB Développement aux fins de leur faire cesser des pratiques de délais de paiement contraires aux dispositions législatives et/ou contractuelles et de paiement de dommages et intérêts.

Les sociétés défenderesses ayant soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal de commerce de Lille, le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du 25 avril 2013, a :

- déclaré recevable et bien fondée l'exception soulevée, et s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille, a dit que le dossier à défaut de contredit dans le délai prescrit pas l'article 82 du Code de procédure civile sera transmis à cette juridiction désignée,

- et condamné les sociétés demanderesses aux dépens.

Les sociétés SDBC et Malivic ont formé contredit à l'encontre de cette décision ;

Elles demandent à la cour de dire que le Tribunal de commerce de Paris est compétent au regard des dispositions des articles 42 du Code de procédure civile et D. 442-3 du Code de commerce, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris, subsidiairement devant le Tribunal de commerce de Nanterre, et de dire que le sort des dépens et des frais irrépétibles sera réglé par la juridiction devant laquelle le litige est renvoyé.

La société Domino's Pizza France (DPF) conclut à la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Paris et au renvoi des sociétés demanderesses au contredit à se pourvoir devant le Tribunal de commerce de Lille, au débouté des demandes des sociétés SDBC et Malivic, et à voir réserver les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés SD Développement, GJBL 2 et HB Développement par écritures déposées à l'audience et soutenues oralement ont également conclu à la confirmation du jugement, et au débouté des demanderesses, sollicitant leur condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE:

Considérant qu'au soutien du contredit qu'elles ont formé, les sociétés SDBC et Malivic font valoir que l'article 42 du Code de procédure civile les autorise, en cas de pluralité de défendeurs, à choisir la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux; qu'elles ont pris en considération le siège social de la société DPF, qui est à Nanterre ;

Que toutefois, l'article L. 442-6 alinéa 9 du Code de commerce dont la violation est expressément visée dans l'assignation au titre des agissements déloyaux qu'elle dénonce, renvoyant en cas de litige relatif à son application à la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris pour les juridictions du ressort de la Cour d'appel de Versailles, cette disposition justifie la saisine de la juridiction parisienne ;

Qu'elles étaient libres de faire le choix de se référer à la règle de compétence sur la pluralité de défendeurs plutôt qu'à celle du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi, et que leur choix a été guidé par souci de cohérence, six autres procédures opposant ces réseaux de franchise concurrents devant le Tribunal de commerce de Paris.

Qu'elles sollicitent subsidiairement le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre, lieu du siège social de DPF ;

Considérant que la société Domino's Pizza et ses franchisées, les sociétés SD Développement, GJBL 2 et HB Développement, leur répondent que la procédure ayant été engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, c'est le Tribunal de commerce de Lille qui est compétent comme juridiction du ressort des sièges sociaux des défenderesses, lieu du fait dommageable et dans le ressort duquel le dommage a été établi ;

Qu'elles ajoutent que les dispositions invoquées de l'article L. 442-6 du Code de commerce justifiant la compétence des juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence ne sont pas applicables en l'espèce, comme n'étant pas visées dans les conclusions qui se fondent sur la concurrence déloyale, qu'il doit donc être fait application des règles prévues aux articles 42 à 48 du Code de procédure civile ;

Qu'à titre subsidiaire, la société Domino's Pizza s'oppose également à la compétence du Tribunal de Nanterre, au regard des spécificités de la demande ;

Considérant que l'article 42 du Code de procédure civile permet au demandeur, en cas de pluralité de défendeurs, de saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux; que l'article 46 du même Code permet encore au demandeur de saisir à son choix, en matière délictuelle, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

Considérant que ces dispositions ouvrent un choix qui appartient clairement au seul demandeur ;

Considérant en l'espèce que les demandeurs justifient la compétence du Tribunal de commerce de Paris en expliquant avoir choisi l'option du Tribunal du domicile de deux de l'un des défendeurs, la société Domino's Pizza, et fait application de la compétence dérogatoire de la juridiction parisienne en matière de pratique restrictives de concurrence prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais considérant que l'assignation introductive d'instance ne vise en son dispositif que l'article 443-1 du Code de commerce, relatif à la durée autorisée des délais de paiement, et l'article 1382 du Code civil pour fonder des demandes tendant d'une part à faire interdire la pratique de délais de paiement en infraction avec les dispositions législatives et/ou contractuelles, d'autre part à une condamnation à la réparation du préjudice que les sociétés SDBC et Malivic prétendent avoir subi ;

Que certes, en page 10 de l'assignation, il est fait référence aux obligations fixées par l'article L. 441-6 du Code de commerce, auquel renvoie expressément l'article L. 442-6 du même Code qui prévoit, en cas de litige relatif à son application, la compétence de juridictions spécialisées en matière de pratiques anticoncurrentielles énumérées à l'article D. 442-3 ;

Que ce texte n'est toutefois visé que dans les motifs de l'assignation et ne constitue que l'un des moyens soutenus pour mettre en évidence des pratiques prétendument déloyales des défendeurs et non le fondement de leurs demandes, ce qui ne saurait suffire à justifier le recours à la compétence dérogatoire de la juridiction parisienne ;

Considérant que les demanderesses ont indiqué avoir fait le choix d'assigner au lieu du siège social de la société Domino's Pizza plutôt qu'à celui du siège de ses franchisés, que ce choix leur incombe en vertu des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 42 du Code de procédure civile, et se justifie d'ailleurs au regard des termes de l'assignation qui incrimine essentiellement des pratiques de cette société, que la compétence du Tribunal de commerce de Nanterre, subsidiairement revendiquée, doit s'appliquer ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les frais du contredit seront partagés par moitié entre elles ;

Par ces motifs : Déclare le contredit bien fondé, Renvoie l'affaire au Tribunal de commerce de Nanterre, Dit que cet arrêt sera notifié aux parties par le greffier de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception, et que le délai de pourvoi en cassation courra à compter de cette notification. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Partage les frais par moitié entre les parties.