CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 29 octobre 2013, n° 13-09733
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Manginli (SARL)
Défendeur :
Domino's Pizza France (SAS), HVM Pizza (SARL), BW (SARL), Jessico (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Girerd
Conseillers :
Mmes Maunand, Bouvier
Avocats :
Mes Gili, Monta, Saint Esteben, Mladenovic, Vahramian
Par acte du 24 octobre 2012, les SARL Manginli et DND, sociétés franchisées sous l'enseigne Speed Rabbit Pizza dont le siège social se trouve à Annecy ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la SAS Domino's Pizza France (ci-après DPF), la société HVM Pizza, filiale à 100 % de DPF qui gère ses magasins en propre, ainsi que les sociétés BW et Jessico franchisées dans la région d'Annecy sous l'enseigne Domino's Pizza, aux fins de leur faire cesser des pratiques de délais de paiement contraires aux dispositions législatives et/ou contractuelles et de paiement de dommages et intérêts.
Les sociétés défenderesses ayant soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal de commerce de Lille, le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du 25 avril 2013 :
- a déclaré recevable et bien fondée l'exception soulevée,
- s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce d'Annecy,
- a dit que le dossier à défaut de contredit dans le délai prescrit pas l'article 82 du Code de procédure civile sera transmis à cette juridiction désignée,
- dit que les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile seront réglées par la juridiction de renvoi et condamné les sociétés demanderesses aux dépens.
Les sociétés Manginli et DND ont formé contredit à l'encontre de cette décision ;
Par ses écritures développées à l'audience, la société Manginli qui intervient désormais seule, en raison de la radiation de la société DND, demande à la cour de dire que le Tribunal de commerce de Paris est compétent au regard des dispositions des articles 42 du Code de procédure civile et D. 442-3 du Code de commerce, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris, subsidiairement devant le Tribunal de commerce de Nanterre, et de dire que le sort des dépens et des frais irrépétibles sera réglé par la juridiction devant laquelle le litige est renvoyé.
La société Domino's Pizza France, (DPF), les sociétés BW et HVM Pizza, aux termes de leurs écritures respectives soutenues oralement, concluent à la confirmation du jugement du Tribunal de commerce de Paris et au renvoi des sociétés demanderesses au contredit à se pourvoir devant le Tribunal de commerce d'Annecy, au débouté des demandes des sociétés Manginli et DND, et à voir réserver les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Jessico, assignée conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile par acte du 14 juin 2013, a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses et n'a pas comparu.
Sur ce
Considérant qu'il est justifié par la production d'un extrait K bis en date du 18 juin 2013, de la radiation d'office de la société DND qui dès lors n'intervient plus au litige.
Considérant qu'au soutien du contredit formé, la société Manginli fait valoir que l'article 42 du Code de procédure civile l'autorise, en cas de pluralité de défendeurs, à choisir la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux; qu'elle a pris en considération le siège social de la société DPF et celui de la société HVM Pizza qui se trouvent dans le ressort du Tribunal de commerce de Nanterre; qu'elle était libre de faire ce choix plutôt que celui du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi, qu'autorise l'article 46 du Code de procédure civile, et ce, par souci de cohérence, six autres procédures opposant ces réseaux de franchise concurrents devant le Tribunal de commerce de Paris ;
Qu'elle invoque toutefois l'article L. 441-6 alinéa 9 du Code de commerce, fixant la durée des délais de paiement accordés aux franchisés, dont la violation est expressément visée dans l'assignation au titre des agissements déloyaux, qui prévoit en cas de litige relatif à son application la compétence exclusive du Tribunal de Paris en ce qui concerne les tribunaux du ressort de la Cour d'appel de Versailles, ce qui justifie la saisine du Tribunal de commerce de Paris ;
Qu'elle sollicite subsidiairement le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre ;
Considérant que la société Domino's Pizza et ses franchisées, les sociétés SD Développement, GJBL 2 et HB Développement, leur répondent que la procédure ayant été engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, c'est le Tribunal de commerce de Lille qui est compétent à défaut de sièges sociaux des défenderesses à Paris, et en tant que juridiction du lieu du fait dommageable et dans le ressort duquel le dommage a été établi;
Qu'elles ajoutent que les dispositions invoquées de l'article L. 442-6 du Code de commerce justifiant la compétence de juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence ne sont pas applicables en l'espèce, comme n'étant pas visées dans l'assignation qui fixe le débat, qu'il doit donc être fait application des règles prévues aux articles 42 à 48 du Code de procédure civile ;
Qu'à titre subsidiaire, la société Domino's Pizza s'oppose également à la compétence du Tribunal de Nanterre, au regard des spécificités de la demande ;
Considérant que l'article 42 du Code de procédure civile permet au demandeur, en cas de pluralité de défendeurs, de saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ;
Que l'article 46 du même Code permet encore au demandeur de saisir en matière délictuelle, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
Considérant que ces dispositions ouvrent un choix qui appartient au seul demandeur ;
Considérant en l'espèce que la société Manginli justifie la compétence du Tribunal de commerce de Paris en expliquant avoir choisi l'option du Tribunal du domicile de deux des défendeurs, la société Domino's Pizza et la société HVM Pizza et fait application de la compétence dérogatoire de la juridiction parisienne en matière de pratique restrictives de concurrence prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Mais considérant que l'assignation introductive d'instance ne vise en son dispositif que l'article 443-1 du Code de commerce, relatif à la durée autorisée des délais de paiement, et l'article 1382 du Code civil pour fonder des demandes tendant d'une part à faire interdire la pratique de délais de paiement en infraction avec les dispositions législatives et/ou contractuelles, d'autre part à une condamnation à la réparation du préjudice que les sociétés SDBC et Malivic prétendent avoir subi;
Que certes, en page 12 de l'assignation, il est fait référence aux obligations fixées par l'article L. 441-6 du Code de commerce, auquel renvoie expressément l'article L. 442-6 du même Code qui prévoit, en cas de litige relatif à son application, la compétence de juridictions spécialisées en matière de pratiques anticoncurrentielles énumérées à l'article D. 442-3;
Que ce texte n'est toutefois visé que dans les motifs de l'assignation et ne constitue que l'un des moyens soutenus pour mettre en évidence des pratiques prétendument déloyales des défendeurs et non le fondement de leurs demandes, ce qui ne saurait suffire à justifier le recours à la compétence dérogatoire de la juridiction parisienne ;
Considérant que les demanderesses ont indiqué avoir fait le choix d'assigner au lieu du siège social de la société Domino's Pizza plutôt qu'à celui du siège de ses franchisés, que ce choix leur incombe en vertu des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 42 du Code de procédure civile, et se justifie d'ailleurs au regard des termes de l'assignation qui incrimine essentiellement des pratiques de cette société ; que la compétence du Tribunal de commerce de Nanterre, subsidiairement revendiquée, doit s'appliquer ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les frais du contredit seront partagés par moitié entre elles ;
Par ces motifs : Déclare le contredit bien fondé, Renvoie l'affaire au Tribunal de commerce de Nanterre, Dit que cet arrêt sera notifié aux parties par le greffier de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception, et que le délai de pourvoi en cassation courra à compter de cette notification. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Partage les frais par moitié entre les parties.