CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 octobre 2013, n° 12-22521
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lovely Planet (SAS)
Défendeur :
Editions Concorde (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Ohana-Zerhat, Belaud-Guillet, Haas, Goutorbe
Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,
Vu le jugement du 7 novembre 2012 rendu par le Tribunal de commerce de Créteil,
Vu l'appel interjeté le 11 décembre 2012 par Lovely Planet,
Vu les dernières conclusions de Lovely Planet appelante en date du 12 septembre 2013,
Vu les dernières conclusions de Editions Concorde intimée et incidemment appelante en date du 5 septembre 2013,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2013,
Sur ce, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La société Lovely Planet créée en 2004 a pour objet le commerce de produits non alimentaires import-export, la vente en gros, demi-gros et détail particulièrement pour les articles de lingerie et accessoires dans le domaine de l'érotisme et le glamour.
Elle soutient avoir confié en mars 2008 à la société I-Gen Healthcare (HGK) le développement et la production du produit Cry Baby Secret Bullet qui est un sex toy télécommandé à distance grâce à une télécommande sans fil.
Elle a commencé la commercialisation de ce produit notamment auprès de la société Olly Boutique fin 2008 sous les noms commerciaux et marques Cry Baby, Secret Bullet et le Declic.
Reprochant à la société Editions Concorde créée en 1979 ayant pour activité le commerce en gros et plus particulièrement la vente de produits érotiques et de sex toys, de commercialiser l'œuf vibrant Kimii qui imiterait à l'identique le modèle Cry Baby Secret Bullet, la société Lovely Planet a fait procéder le 13 septembre 2011 à plusieurs saisies-contrefaçons en vertu d'une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Marseille qui a par la suite ordonné la mainlevée de cette mesure pratiquée dans les locaux de la société Editions Concorde.
Selon acte d'huissier du 5 janvier 2012 la société Lovely Planet a fait assigner la société Editions Concorde sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil en concurrence déloyale et parasitaire.
Suivant jugement dont appel, le tribunal de commerce a essentiellement :
- dit que la société Editions Concorde s'est rendue coupable d'agissements parasitaires et d'actes de concurrence déloyale,
- ordonné le retrait de tous les catalogues, documents commerciaux, sites Internet et autres supports commerciaux du produit "Kimii" présenté au tribunal, et fait interdiction à la défenderesse de proposer à la vente ledit produit, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de 15 jours après la signification du jugement,
- s'est réservé la faculté de liquider l'astreinte,
- dit la société Lovely Planet mal fondée en sa demande de dommages et intérêts,
- débouté la société Lovely Planet de sa demande en matière de publication dans la presse,
- débouté la société Editions Concorde de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Editions Concorde à payer à la société Lovely Planet la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En cause d'appel la SAS Lovely Planet, appelante demande essentiellement dans ses dernières e-écritures du 12 septembre 2013, sur le fondement de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle et des articles dudit code et des articles 1382 et 1383 du Code civil de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Editions Concorde a commis des actes d'agissements parasitaires et de concurrence déloyale, et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, dire que la société Lovely Planet bénéficie de la protection du droit d'auteur sur le modèle Cry Baby Secret Bullet,
- dire que la société Editions Concorde a commis des actes de contrefaçon en commercialisant à partir du mois de janvier 2011 le Kimii,
- porter la mesure d'astreinte prononcée par le tribunal concernant le retrait des documents commerciaux à la somme de 500 euros par jour de retard et à 1 000 euros par jour de retard celle prononcée au titre de l'interdiction de commercialisation du produit litigieux,
- condamner la société intimée à lui payer la somme de 380 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral et celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner la publication de la décision aux frais de la société intimée.
Elle fait valoir à cet effet que :
- dès le mois de juillet 2009 elle a réalisé une grande campagne de presse et de publicité en France pour diffuser le modèle Cry Baby Secret Bullet et développer ses ventes et ce modèle a été rapidement un succès commercial confortant sa notoriété dans le domaine du jeu coquin ludique, de l'érotisme chic et du glamour,
- elle a sorti début 2010 une édition limitée du Cry Baby Secret Bullet "Love to love, by Manara" lui permettant de porter à 640 491 euros son chiffre d'affaires HT,
- elle a fait déposer l'ensemble de ses catalogues de vente des années 2008, 2009 et 2010 sous constat d'huissier afin de justifier de la date de création de ses différents modèles,
- le produit Cry Baby Secret Bullet développé avec la société IGH dans le cadre d'un contrat de 350 000 euros et commercialisé par elle était protégé par :
* le dépôt d'une enveloppe sous scellé,
* l'enregistrement des marques communautaires Secret Bullet le 20 novembre 2008 sous le numéro 007431406,
* l'enregistrement le 20 novembre 2008 de la marque Cry Baby sous le numéro 09-3639956, en classes pour les deux marques 10 et 28,
- le produit Kimii commercialisé par la société Editions Concorde imite le produit Cry Baby Secret Bullet tant en ce qui concerne le produit lui-même que les matériaux utilisés, la charte graphique, la forme de la télécommande, la forme de l'œuf, couleur fushia et noire de l'œuf, sa présentation sous blister et emballage identiques,
- la société Editions Concorde a également commercialisé en fin d'année 2012 une pochette surprise "Sexy Hot Surprise" qui imite la pochette surprise "Sexy Surprise" contenant des accessoires érotiques et glamour qu'elle avait lancée avec succès et dont la marque Sexy Surprise a été enregistrée à l'INPI le 10 juillet 2006 sous le numéro 3440169 par sa maison mère,
- la société Editions Concorde en se plaçant dans son sillage a cherché à s'enrichir et à tirer profit de ses produits phares et/ou originaux qu'elle avait développés manifestant une volonté évidente de lui nuire,
- à la suite de la signification du jugement en date du 14 novembre 2012 la société intimée de mauvaise foi a procédé à la liquidation de ses stocks de Kimii, ce qui l'a conduit à saisir le Tribunal de commerce de Créteil en liquidation d'astreinte, et elle a pu constater en juillet 2013 que de nombreux sites Internet proposaient des produits Kimii à la vente,
- le modèle Kimii commercialisé en France qui reproduit quasi servilement son produit Cry Baby a généré un risque de confusion au sein des professionnels revendeurs qui l'ont questionné à cet effet,
- son modèle revêt un caractère propre, nouveau, et distinct,
- son chiffre d'affaires réalisé en trois ans avec ce produit, et alors même que celui-ci a considérablement baissé en 2011 du fait des agissements de la société Editions Concorde, est de 1 500 000 euros,
- elle commercialise des produits identiques à ceux de l'intimée mais pas de copies de produits développés et distribués par elle,
- sa clientèle a été détournée par les actes de parasitisme de l'intimée car ses ventes du Cry Baby Secret Bullet ont repris à la suite de la baisse des ventes directes du Kimii par la société Editions Concorde,
- elle a subi une perte de son chiffre d'affaires, une perte réelle de marge brute, une perte de chance de croître son chiffre d'affaires en 2011, soit une perte de chance de chiffre d'affaires actualisée à 554 501 euros,
- la vente du Kimii à partir de janvier 2011 l'a contrainte à consentir certaines réductions de prix de son produit alors qu'il s'agit d'un produit phare,
- elle a engagé des frais de publicité en pure perte,
- son image a été atteinte car sa notoriété acquise dans l'érotisme chic et glamour a été affaiblie par la banalisation de son produit occasionnée par la société Editions Concorde dont les produits étaient traditionnellement pornographiques.
- la société Editions Concorde ne donne aucun élément probant sur la quantité de Kimii vendus en France.
La SAS Editions Concorde intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, incidemment demande dans ses dernières e-écritures du 5 septembre 2013 de :
- déclarer l'appelante irrecevable et infondée dans ses demandes formées au titre du droit d'auteur,
- infirmer le jugement,
- statuant à nouveau,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes formulées dans le cadre de son appel principal,
- dire et juger que la société Lovely Planet a usé et abusé de pratiques commerciales déloyales, trompeuses, agressives au sens des articles L. 120-1, L. 121-1 et L. 122-11 du Code de la consommation,
- condamner la société Lovely Planet à lui payer la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux, ordonner à ses frais la publication de la décision,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Lovely Planet en sa demande de dommages et intérêts,
- en tout état de cause, condamner la société appelante à payer une amende civile de 3 000 euros et à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SAS Editions Concorde expose à cette fin que :
- dans le cadre de son activité depuis de nombreuses années et notamment depuis 2006, elle vend des œufs vibrants qui sont des vibromasseurs télécommandés à distance,
- en 2011 elle a fait évoluer cette gamme d'œufs vibrants en y intégrant le modèle dénommé Kimii dérivé des précédents, distribué par la société Dephylo International LTD,
- en juillet 2011 la société Lovely Planet s'est lancée dans une vaste campagne de dénigrement des produits concurrents à son œuf vibrant et a déstabilisé le marché et a intimidé les distributeurs de sex toys en leur adressant des lettres circulaires sous forme de lettre information client dans lesquelles elle faisant la promotion de son produit tout en indiquant de manière erronée que son modèle serait protégé sur le territoire européen et indiquait que les modèles concurrents seraient des contrefaçons de son modèle,
- conformément aux termes du jugement elle a cessé toute commercialisation des produits Kimii et a retiré ce produit de l'ensemble de ses documents commerciaux et sites Internet qu'elle édite, comme en attestent son chef de projet webmaster, son commissaire aux comptes et quatre constats d'huissier,
- la demande formée pour la première fois en appel au titre du droit d'auteur est irrecevable en application de l'article 564 du Code de procédure civile et infondée, l'œuf vibrant de l'appelante n'étant pas au surplus, original,
- la plupart des caractéristiques revendiquées par l'appelante se retrouvent dans le modèle Bullet portant les références 569371 et 569404 commercialisé par les Editions Concorde en 2006 bien avant le produit Cry Baby Secret Bullet : mêmes caractéristiques techniques et modes de commandes identiques, télécommande de design et de taille similaires, couleur bicolore avec un gris métallisé et un noir mat, œuf vibrant en forme d'ogive,
- de plus l'œuf Kimii ne reproduit pas la forme incurvée, le bouton de la télécommande et la disparition de la rainure et du petit pédoncule à la base de l'œuf, et n'est pas une copie servile,
- le seul fait de commercialiser un produit identique à ceux distribués par un concurrent n'est pas fautif,
- des centaines de grossistes européens distribuent des œufs proposés par divers fournisseurs asiatiques, notamment chinois, qui proposent des dizaines de références plus ou moins proches les unes des autres,
- l'œuf Cry Baby n'a rien d'innovant et n'est pas le premier œuf vibrant télécommandé,
- la télécommande de Cry Baby reproduit servilement la télécommande du modèle Body and Soul Remote commercialisé par la société Cal Exotic depuis 2007,
- la couleur fushia et noire dans l'univers du sex toys étant généralisée et commune,
- les différences existantes entre les produits excluent tout risque de confusion entre eux et ce d'autant que le nom du produit Kimii se distingue très nettement, et que les conditionnements diffèrent alors que les deux sociétés sont bien connues du marché pornographique et érotique,
- les attestations versées à ce titre par l'appelante ne sont pas pertinentes, en ce qu'elles ne visent pas le modèle Kimii,
- les autres documents pour établir l'existence d'une confusion apparaissent comme le résultat d'une manipulation (site les Folies de Morgane et constats d'huissier sans diligences techniques) et (origine du site www.sextoyaddict.fr et sur ses liens avec la société Lovely Planet),
- l'appelante n'établit pas la notoriété du produit Cry Baby Secret Bullet, alors que le travail de la société HGK a été le même que celui de son fournisseur la société Dephylo International LTD qui a consisté à copier les principales caractéristiques du modèle Bullet commercialisé par les deux sociétés en y apportant quelques modifications liées à l'évolution des tendances et aux progrès techniques,
- d'ailleurs la société Lovely Planet reconnaît que les modèles Spoody Toys commercialisés par Monsieur Gonzales se distinguent de son produit alors qu'ils sont quasi-identiques ou identiques au modèle Kimii,
- l'appelante ne justifie pas du montant des investissements qu'elle allègue aux titres du développement et de la publicité du produit,
- elle ne justifie pas de la baisse du chiffre d'affaires qu'elle allègue qui peut par ailleurs s'expliquer en dehors de toute influence de la société Editions Concorde, car le produit Cry Baby arrive en fin de vie commerciale, ou par le développement d'autres produits ou par une concurrence accrue sur ce type de produit,
- le prix moyen de vente distributeur pour le Cry Baby est compris entre 17 et 21 euros HT équivalent au prix de vente du Kimii alors que le prix de revente en ligne est de 30 et 50 euros pour le Cry Baby et de 42 à 51 euros pour le Kimii, et le prix de son produit n'est donc pas inférieur à celui de l'appelante,
- l'appelante prétend de façon inexacte qu'elle aurait commercialisé d'autres produits développés par elle, notamment ceux vendus par la société Lelo qui atteste du contraire,
- elle n'avait pas l'exclusivité de la vente des produits Kimii qui sont vendus par des tiers, comme elle en justifie,
- la société Lovely Planet commercialise également des produits pornographiques et ne peut prétendre avoir le monopole de l'érotisme chic et glamour,
- en revanche la société Lovely Planet a commis des actes de concurrence déloyale à son égard en indiquant dès le lancement de son produit en 2008 pour les besoins de sa promotion qu'il est "le premier vibromasseur qui se contrôle à distance avec une commande sans fil" qui sont des affirmations inexactes car ce type de vibromasseur existait bien avant 2008 et a donc sciemment usé de pratiques commerciales trompeuses prohibées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation,
- en lançant en juillet 2011 une campagne de dénigrement de ses concurrents dans ses lettres circulaires comportant des comparaisons mensongères, et en démarchant plusieurs de ses fournisseurs en vue de pouvoir distribuer des produits sur lesquels elle jouit d'une exclusivité, la société Lovely Planet a usé de pratiques commerciales déloyales au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation,
- ces agissements déloyaux lui ont occasionné un trouble commercial, provoqué un gain manqué, une perte de chance, de clientèle et généré un préjudice d'image, évalués à la somme de 150 000 euros,
Sur la demande principale en concurrence déloyale et parasitisme :
C'est à bon droit que le tribunal a indiqué que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Ainsi le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l'absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence.
Pour que la vente d'un produit identique constitue un acte de concurrence déloyale il convient de démontrer que cette reproduction est fautive.
Le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie la valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
En l'espèce, il est établi par les documents communiqués aux débats, notamment ses catalogues de commercialisation déposés chez huissier, l'attestation du représentant légal de la société HGK, le contrat de développement du produit conclu avec cette dernière société que la société Lovely Planet a confié en mars 2008 à la société HGK le développement et la production du produit Cry Baby Secret Bullet et a accompagné la commercialisation de ce produit dès le mois de juillet 2009 d'une grande campagne de presse et de publicité en France.
Devant le succès des ventes de ce produit elle l'a vendu en édition limitée début 2010 sous la dénomination "Love to love, by Manara" ce qui a accentué le développement de ses ventes.
Le sex toy Kimii commercialisé postérieurement en 2011 comme cela ressort de son catalogue de vente 2011, des extraits du site amazon présentant un article Kimii-Concorde, des attestations de clients de la société Lovely Planet (Frédérique Droccaci, Caroline Boitiaux) par la société Editions Concorde reproduit sans aucune nécessité technique : la couleur noir de la base de l'œuf et sa couleur fushia de sa partie supérieure, donc dans la même présentation, sa forme incurvée en ogive, la forme incurvée de la télécommande, la taille de la télécommande, sa couleur bicolore gris métallisé et noir mat de celle-ci, le mode de télécommande, et l'absence de rainure présente dans la presque totalité des autres modèles. Il imite également en le commercialisant dans le même blister à l'intérieur duquel les éléments sont présentés de la même façon.
L'emballage extérieur du produit Kimii reproduit une photographie du sex toy qui rappelle immédiatement celui de la société Lovely Planet.
Ce produit acheté par la société Editions Concorde auprès de la société Dephylo International était revendu sur le marché français avec mention sur l'emballage "Concorde France" avec, pour la plupart des produits vendus en ligne, la référence 570012 qui est celle du catalogue de la société Editions Concorde.
La société Editions Concorde n'établit pas par des documents probants pertinents avoir commercialisé en France, antérieurement à la société Lovely Planet des sex toys de ce type et les autres modèles de sex toys de la concurrence présentés par l'intimé ne revêtent pas l'ensemble de ces caractères tant dans les formes que les couleurs alors qu'il n'est pas établi qu'ils aient été en outre commercialisés en France antérieurement au produit de la société Lovely Planet.
Cette reproduction des éléments caractéristiques du produit de la société Lovely Planet ont généré des confusions dans l'esprit des professionnels revendeurs qui attestent avoir dû demander des précisions pour distinguer les deux produits, contraignant la société Lovely Planet à adresser un courrier commercial à ses clients pour identifier son modèle. Cette confusion a été renforcée lorsque un modèle Kimii a été présenté, comme constaté par huissier de justice établi à Marseille, le 17 janvier 2012 sur le site Internet www.les folies de morganes et deux autres constats d'huissier en date des 6 février et 14 février 2013, ces derniers qui relatent les diligences techniques préalables usuelles effectuées par l'huissier, sur le site de www.sextoysaddict.fr, site dont il est justifié que géré par un tiers il est toujours actif, avec la photographie du Cry Baby Secret Bullet, ces produits Kimii étant présentés sous le même emballage que ceux commercialisés par la société Editions Concorde.
La société Editions Concorde en commercialisant en janvier 2011 comme cela ressort des attestations des clients de la société Lovely Planet et du catalogue 2011 de la société Editions Concorde paru fin 2010, un œuf vibrant Kimii qui imite quasi servilement le modèle Cry Baby Secret Bullet développé et commercialisé avec succès antérieurement par la société Lovely Planet en 2008 sans engager de frais de développement et de marketing, à un prix parfois inférieur, pour tirer profit de son succès commercial, en se plaçant dans son sillage a commis des actes de parasitisme.
L'appelante établit que ses ventes du produit Cry Baby ont augmenté à la suite de la baisse des ventes directes du Kimii le 29 novembre 2012 par la société Editions Concorde, détournant ainsi partie de sa clientèle.
Ces actes contraires aux usages loyaux du commerce qui faussent le jeu normal du marché et causent un trouble commercial s'inscrivent dans la durée dès lors que la société Editions Concorde a également commercialisé en fin d'année 2012 une pochette surprise Sexy Hot Surprise qui imite la pochette surprise de la société Lovely Planet commercialisée par cette dernière sous la marque Sexy Surprise enregistrée le 10 juillet 2006 et a commercialisé en 2011 et 2012 d'autres produits sex toys : vibromasseurs Pretty Baby et Hydro Black qui imitent également les modèles commercialisés par la société Lovely Planet par l'intermédiaire de la société Lelo distributeur officiel en France, et qui a engagé une action judiciaire à son encontre.
C'est donc à tort que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation résultant de ce trouble commercial subi par la société Lovely Planet ;
Sur les demandes formées au titre du droit d'auteur :
Il n'y a pas lieu d'examiner les demandes formées à ce titre de façon subsidiaire présentées au surplus pour la première fois en cause d'appel.
Sur le préjudice :
Il est justifié par les attestations du commissaire aux comptes de la société Lovely Planet d'une baisse du chiffre d'affaires du produit en 2011 et 2012 corrélativement à la commercialisation du produit Kimii : 387 501 euros HT en 2009, 640 491 euros HT en 2010, 502 309 euros HT en 2011 et 121 342 euros HT arrêté au 31 mai 2012, alors que les ventes ont augmenté à compter du début 2013 avec une croissance de plus de 29% au premier semestre et que le chiffre d'affaires global de la société Lovely Planet a progressé de 6% sur la période considérée.
De plus les frais de publicité engagés notamment pour ce produit ont été détournés au profit de l'intimée.
La banalisation de son produit par l'imitation qui en a été faite a porté atteinte à son image acquise par des efforts de communication et a contribué à lui faire perdre son pouvoir attractif.
Toutefois il n'est pas établi que cette baisse de chiffre d'affaires ait pour origine exclusive la concurrence déloyale de l'intimée puisqu'il résulte des termes de sa requête en saisie contrefaçon que d'autres sociétés commercialisaient en juin 2012 des produits contrefaisants similaires.
En regard de l'ensemble de ces éléments, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 150 000 euros le préjudice résultant de ce comportement fautif.
Sur la demande reconventionnelle :
L'attestation de Monsieur Pereira de Diogol sur le prétendu démarchage de la société Lovely Planet pour ne plus distribuer les produits de la société Editons Concorde est contredite par celle de Madame Almirall-Torrel confirmée par une pièce annexe.
La société Editons Concorde soutient également que la société Lovely Planet dans sa campagne marketing indiquant "Secret Bullet est le premier vibromasseur qui se contrôle à distance avec une télécommande sans fil" a sciemment usé de pratiques commerciales trompeuses prohibées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation car d'autres vibromasseurs de ce type existaient sur le marché.
Mais cet argument marketing d'abord adressé à des professionnels avertis s'agissant de vente en gros, qui n'induit pas le consommateur final en erreur sur la qualité substantielle du produit, comme l'exige ce texte, ne peut recevoir application.
Elle ne peut reprocher à la société Lovely Planet de chercher à commercialiser des produits sur lesquels elle ne justifie pas détenir une exclusivité en démarchant les mêmes fournisseurs asiatiques que les siens.
La société intimée ne démontre pas par ailleurs que la présente procédure l'ait retardé dans sa commercialisation du Kimii alors qu'au contraire de nombreux sites proposaient ce produit à la vente qui y figure toujours.
La lettre circulaire adressée en juillet 2011 par la société Lovely Planet à des revendeurs des produits de même type leur rappelant le développement depuis 2008 du sex toy Cry Baby Secret Bullet et la constatation faite par huissier en avril 2011 de produits contrefaisants et les conséquences découlant de la commercialisation de tels produits, sans se référer expressément au produit Kimii ou à la société Editions Concorde, ne peut à elle seule être constitutive d'acte de concurrence déloyale et ce d'autant que la société Editions Concorde soutient toujours n'avoir pas commercialisé à cette époque le produit Kimii.
En regard de l'ensemble de ces éléments il convient, par substitution de motifs, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Editions Concorde de ses demandes formées au titre la concurrence déloyale.
Sur les autres demandes :
Les mesures de retraits des documents commerciaux du produit Kimii sur tous supports et l'interdiction de le proposer à la vente sous astreinte de 100 euros de retard étant suffisantes pour réparer le préjudice et y mettre fin, il y a lieu de les confirmer et de rejeter la demande de publication.
L'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande à ce titre formée par la société intimée.
La demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée par la société intimée qui succombe tant en défense qu'à titre reconventionnel, non fondées doivent être rejetées.
Les dépens resteront à la charge de l'intimée qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, confirme le jugement en ce qu'il a dit que la SAS les Editions Concorde s'est rendue coupable d'agissements parasitaires et de concurrence déloyale envers la société Lovely Planet, a débouté la société Editions Concorde de ses demandes reconventionnelles formées au titre de la concurrence déloyale, et a condamné la société Editions Concorde au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le réforme pour le surplus, En conséquence, condamne la SAS Editions Concorde à payer à la société Lovely Planet la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral, condamne la SAS Editions Concorde à payer à la société Lovely Planet la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette le surplus des demandes de l'appelante, rejette l'ensemble des demandes de l'intimée, condamne la SAS Editions Concorde aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l' article 699 du Code de procédure civile.