CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 octobre 2013, n° 12-13080
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Association Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains
Défendeur :
Association Alliance
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Baechlin, Levy, Soskin
L'association de droit suisse Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains, créée en 2003 et qui a pour objet, selon ses statuts, "d'organiser chaque année à Genève une manifestation cinématographique et un forum à vocation culturelle et humaniste pour promouvoir les droits humains, informer, débattre et dénoncer toute atteinte à la dignité" est à l'origine du Festival International du Film sur les Droits Humains se tenant à Genève et dont la première édition a eu lieu du 28 mars au 3 avril 2003.
Elle précise que ce festival, désigné dès l'origine sous l'acronyme "FIFDH", se tient sans discontinuer, connaît un franc succès au-delà de la Suisse, notamment sur le territoire français, et que pour protéger les droits qu'elle détient sur ce signe - qui constitue sa véritable dénomination sociale et est compris dans le nom de domaine "fifdh.ch" réservé le 17 décembre 2002 et "fifdh.org" réservé le 2 mars 2008, elle a déposé la marque française "FIFDH", n° 09 3 659 675, le 24 juin 2009 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) pour désigner les produits et services en classes 35 et 41, enregistrement sur la base duquel elle a procédé au dépôt du signe "FIFDH" en Suisse.
Faisant grief à l'association française Alliance Ciné qui a fondé et organise annuellement, depuis une première édition s'est tenue du 28 mai au 10 juin 2003, le Festival International du Film des Droits de l'Homme à Paris :
- d'avoir substitué, à compter de 2007, au nom originaire de ce festival l'acronyme "FIFDH" qu'elle-même utilisait depuis 2003,
- d'avoir modifié progressivement les dates de son festival pour finalement les aligner sur les dates de son propre festival à compter de l'édition 2009,
- d'avoir manqué à l'engagement pris à son égard en 2009 d'adjoindre à l'acronyme "FIFDH" le nom "Paris",
- de n'avoir pas répondu, autrement que par le dénigrement, à ses mises en demeure destinées à éviter tout risque de confusion pour le public et les partenaires et refusé la médiation d'un membre du Human Right Film Network regroupant à travers le monde différents organisateurs sur ce thème,
- d'avoir déposé la marque verbale française "Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris", n° 3 744 300, en classes 35 et 41 le 8 juin 2010, l'association de droit suisse Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains l'a assignée au fond en concurrence déloyale, contrefaçon de marque et dénigrement, selon acte du 14 octobre 2010.
Par jugement rendu le 22 mai 2012, le Tribunal de grande instance de Paris (notamment saisi d'une demande reconventionnelle tendant à voir prononcer la nullité de la marque "FIFDH" pour dépôt frauduleux) a, en substance et disant n'y avoir lieu à exécution provisoire :
- déclaré nul l'enregistrement de la marque verbale française "FIFDH" n° 09 3 659 675 déposée le 24 juin 2009 par l'association suisse requérante, avec transmission à l'INPI une fois la décision devenue définitive,
- déclaré l'association suisse requérante irrecevable en ses demandes au titre de la contrefaçon et en annulation de la marque seconde "Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris" le 8 juin 2010 en la déboutant de ses demandes au titre de la concurrence déloyale, du parasitisme et du dénigrement,
- débouté l'association Alliance Ciné de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et de publication,
- condamné l'association Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains à verser à l'association Alliance Ciné la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 19 juin 2013, l'association de droit suisse Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 711-4, L. 713-2, L. 713-3, L. 714-3, R. 714 du Code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement et :
- à titre liminaire, de considérer que les articles figurant en pièce n° 4 sont datés ou peuvent faire l'objet d'une datation et doivent, dès lors, être considérés comme entrant dans le champ des débats,
- de considérer que la marque "FIFDH" qu'elle a déposée est valable en ce qu'elle a été déposée pour conforter ses droits antérieurs, que par l'usage de ce signe dans sa communication et le dépôt de sa marque "Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris" le 8 juin 2010, l'association Alliance Ciné a commis des actes de contrefaçon de sa propre marque et, subsidiairement, de considérer que le dépôt de cette dernière marque a été effectué en fraude de ses propres droits et porte atteinte à ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale et sur ses noms de domaine,
- en conséquence, de prononcer l'annulation du dépôt de la marque française "Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris", avec transmission à l'INPI, et d'ordonner les mesures d'interdiction d'usage, sous astreinte, et de destruction des supports en condamnant la société Alliance Ciné à lui verser la somme indemnitaire de un euro,
- de considérer, en outre, que l'intimée a commis des actes de concurrence parasitaire à son encontre,
- de lui faire injonction, sous astreinte, de modifier ses dates de manifestation en condamnant la société Alliance Ciné à lui verser la somme indemnitaire de un euro,
- en tout état de cause, de débouter l'association Alliance Ciné de toutes ses demandes en la condamnant à lui verser la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 3 juin 2013, l'association Alliance Ciné demande en substance à la cour :
- sur la contrefaçon de marque et au visa des articles L. 712-6 et L. 712-1 du Code de la propriété intellectuelle, de confirmer le jugement et, subsidiairement, de débouter l'appelante de ses demandes à ce titre,
- sur le parasitisme et la concurrence déloyale, de confirmer le jugement et de prendre acte de ce que l'appelante ne formule plus de demande au titre du dénigrement,
- à titre reconventionnel, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande pour procédure abusive et de condamner l'association appelante à lui verser la somme indemnitaire de 5 000 euros à ce titre, en ordonnant la publication d'un communiqué sous astreinte, avec traduction aux frais de l'appelante et justification des envois,
- en tout état de cause, de confirmer le jugement en ses dispositions au titre des frais non répétibles et des dépens et de condamner l'appelante à lui verser une somme complémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur le sort des pièces n° 4, 6, 7, 12, 44 et 57 :
Considérant que si la société intimée consacre de longs développements liminaires auxdites pièces pour demander à la cour de les rejeter purement et simplement ou de les écarter des débats, sollicitant en outre pour ce qui est de la pièce n° 4, que soit infirmé le jugement en ce qu'il en a admis la valeur probante, force est de relever, d'une part, que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses dernières conclusions, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile, d'autre part, que le dispositif du jugement ne contient aucune disposition sur le sort des pièces de sorte que ce point ne peut donner lieu à infirmation et qu'en troisième lieu, les moyens développés par l'intimée tendent à voir juger que ces pièces sont dénuées de valeur probante ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de les rejeter purement et simplement ou de les écarter des débats mais d'en examiner, s'il y a lieu, la valeur probante en regard des moyens de l'appelante qu'elles sont destinées à étayer dans le cadre de leur présentation ;
Sur la validité de la marque "FIFDH" n° 09 3 659 675 déposée le 24 juin 2009 par l'association de droit suisse Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains en classes 35 et 41 :
Considérant que l'association appelante reproche au tribunal d'avoir considéré qu'elle avait déposé cette marque alors qu'elle savait que l'association Alliance Ciné utilisait cet acronyme pour désigner un festival en France et de l'avoir fait afin de priver sa concurrente d'un signe nécessaire à son activité ;
Qu'elle fait valoir que, détenant des droits antérieurs sur la dénomination "FIFDH" ainsi que sur les noms de domaine "fifdh.ch" et "fifdh.org" et dans la nécessité d'assurer sa promotion en France, son unique but était bien de conforter ses droits ; qu'en outre, en procédant à ce dépôt, elle n'a nullement porté atteinte aux intérêts de l'association Alliance Ciné dès lors qu'il est erroné de prétendre que le signe FIFDH lui était nécessaire pour assurer la promotion de son festival en France ;
Considérant, ceci exposé, qu'il convient de rappeler que la Cour de justice de l'Union européenne, interprétant l'article 51 du règlement sur les marques rédigé dans les mêmes termes que l'article 3 § 2 d) de la directive (CE) n° 89-104 à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, a dit pour droit (CJUE, Chocoladefabriken Lindt - 11 juin 2009) que pour l'application de ce texte communautaire selon lequel une marque doit être déclarée nulle "lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque", il convient de prendre en compte tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et existant au moment du dépôt et notamment trois circonstances tenant, d'abord, à la connaissance qu'avait le déposant de l'usage d'un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque, ensuite, à l'intention d'empêcher ce tiers d'utiliser ce signe et enfin au degré de protection juridique dont bénéficient les signes opposés ;
Que sur la première de ces circonstances, il n'est pas contesté, en l'espèce, qu'en déposant la marque française "FIFDH", le 24 juin 2009, l'association de droit suisse connaissait l'usage que faisait l'association Alliance Ciné de l'acronyme FIFDH ainsi qu'elle le reconnaît elle-même dans ses conclusions en reprochant à l'intimée d'avoir substitué à la désignation initiale "Festival International du Film des Droits de l'Homme à Paris" la dénomination litigieuse à compter de 2007 ;
Que, sur la deuxième de ces circonstances, l'association Alliance Ciné est fondée à prétendre que si elle utilise depuis l'origine et jusqu'à ce jour, comme elle le démontre, le nom "Festival International du Film des Droits de l'Homme" pour ce qu'elle désigne comme sa communication "frontale" (affiche, page de couverture de programme, page d'accueil du site Internet, (...)), l'utilisation de l'acronyme FIFDH lui est nécessaire dans le cadre de sa campagne éditoriale auprès des médias du fait de la trop grande longueur de la désignation complète de la manifestation qu'elle organise et dont il est l'abréviation ;
Qu'en réplique aux moyens de l'appelante qui entend démontrer que la seule finalité du dépôt de marque contesté était de lui permettre de conforter des droits acquis le longue date, en ce compris sur le territoire français - le "Grand Genève" incluant d'ailleurs, précise-t-elle, des départements français - où son festival et sa dénomination sociale sont désignés sous l'acronyme FIFDH par la presse nationale, où elle a conclu des accords de partenariat avec diverses entités (pièces 46, 3, 4, 21, 22, 23, 30 à 38, 43 en particulier) et où sont accessibles son site Internet et des chaînes de télévision destinées à un public francophone (pièces 57, 65, 27 à 29 en particulier), l'association Alliance Ciné fait pertinemment valoir que le dépôt de la marque "FIFDH" n'était pas destiné à couvrir l'exploitation de produits ou services pour lesquels elle était déposée en France, comme permettent de l'affirmer les statuts de l'association de droit suisse, à savoir :
- "article 2 : FIFDH a pour but d'organiser chaque année à Genève une manifestation cinématographique (...),
- article 3 : FIFDH a son siège à Genève, au domicile de son secrétariat permanent. Le for juridique est Genève"
ainsi que les écritures de cette dernière elle-même ou encore le libellé de la page d'accueil de son site Internet (pièces 1 et 6) ;
Qu'il s'en déduit que l'association suisse ne peut prétendre avoir voulu, en enregistrant la marque française litigieuse, conforter des droits sur ce signe et disposer, ce faisant, pour les produits ou services concernés, d'un signe destiné à identifier l'activité économique de son titulaire en France ; que la chronologie de son conflit avec l'association Alliance Ciné qu'elle relate précisément dans ses conclusions et qui a été précédemment évoqué permet, en revanche, de considérer qu'elle a entendu, par ce dépôt, entraver l'exploitation de ce signe en France par une association qui y tient un festival cinématographique et en fait d'ores et déjà usage dans sa communication ;
Que, s'agissant de la troisième de ces circonstances, s'il peut admis qu'en enregistrant, dès 2002, un nom de domaine composé de cet acronyme et en l'utilisant pour élider sa dénomination sociale, ceci dans le corps-même de ses statuts, l'association suisse peut revendiquer, sur le territoire helvétique, la détention de droits antérieurs sur le signe "FIFDH", force est de considérer qu'elle a pu les conforter par le dépôt, en classes 35 et 41, de la marque "FIFDH" en Suisse dont elle fait état (en affirmant toutefois à tort que cet enregistrement a été fait "sur la base de l'enregistrement" à l'INPI le 24 juin 2009 (§ 1.4 de ses conclusions) alors qu'il ressort de l'extrait du registre des marques suisses (pièce 26) que la date du dépôt de cette marque est la même que celle du dépôt français), propre à assurer ses fonctions d'identification, de communication, d'investissement ou de publicité, et dont l'annulation n'est nullement poursuivie par l'association intimée ;
Qu'il suit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la marque verbale française "FIFDH" n° 09 3 659 675 enregistrée en classes 35 et 41 et ordonné la transmission de la décision à l'INPI pour inscription au Registre des marques ;
Sur la contrefaçon de la marque verbal française "FIFDH" n° 09 3 659 675 :
Considérant qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, l'association Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains agit à l'encontre de l'association intimée en contrefaçon de ladite marque par l'usage de ce signe dans sa communication et par le dépôt d'une marque intitulée "Festival International du Film des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris" n° 3 744 300 le 8 juin 2010 ;
Que l'annulation ci-avant prononcée de ladite marque produit un effet rétroactif, de sorte que le signe est censé n'avoir jamais fait l'objet d'un droit exclusif ; que l'action en contrefaçon fondée sur ce droit annulé doit, par conséquent, être déclaré irrecevable, ainsi que justement statué par les premiers juges ;
Sur la demande tendant à voir prononcer l'annulation de la marque française verbale "Festival International des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris", n° 3 744 300 déposée le 8 juin 2010 par l'association Alliance Ciné :
Considérant qu'à titre subsidiaire, l'appelante poursuit l'infirmation du jugement à ce titre en demandant à la cour de considérer que ledit dépôt a été effectué en fraude de ses droits et qu'il porte atteinte aux droits qu'elle détenait antérieurement sur sa dénomination sociale et sur les noms de domaine "fifdh.ch" et "fifdh.org" ;
Qu'arguant du fait que la séquence FIFDH est le seul élément distinctif de la marque dont elle demande l'annulation et du risque de confusion entre les deux signes, elle fait valoir que l'intimée connaissait l'usage antérieur du signe et le dépôt de la marque "FIFDH" lorsqu'elle a déposé sa marque le 8 juin 2010, que cette séquence constituant un élément fort de communication pour elle-même, ce dépôt la prive de la possibilité de l'utiliser sur le territoire français alors qu'elle y est essentiellement connue sous le signe FIFDH, acronyme de sa dénomination sociale et du festival qu'elle organise, et qu'elle est titulaire d'un nom de domaine susceptible de constituer une antériorité ;
Considérant, ceci rappelé, que pour prononcer la nullité d'une marque pour dépôt frauduleux en contemplation des éléments pertinents et circonstances énoncés ci-avant, encore faut-il préalablement établir que le signe argué de nullité soit identique ou similaire au signe ici revendiqué sur le fondement des articles L. 711-4 b) du Code de la propriété intellectuelle servant à désigner des produits identiques ou similaires et qu'il existe, en cas de similitude, un risque de confusion entre les deux signes ;
Que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique du signe qui lui est opposé, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre eux un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;
Qu'au cas particulier, les deux signes permettent de désigner ou de servir à l'exploitation de produits et services identiques ou similaires ;
Que visuellement, les deux signes se distinguent par leur construction, l'acronyme FIFDH particulièrement court se distinguant de la marque déposée ; que la présence de la séquence "FIFDH" au sein de cette dernière ne permet point de considérer, comme l'affirme l'appelante, qu'elle en est l'unique élément distinctif dès lors que, située en son centre, elle tend à se fondre dans l'ensemble et que le fait qu'elle soit présentée entre parenthèse en explicitant les majuscules de la séquence précédente lui confère une position de retrait dans l'ensemble du signe ;
Que leur prononciation diffère et que le positionnement de la séquence FIFDH au sein de la marque enregistrée et non point en attaque n'est pas de nature à en rapprocher l'expression phonétique ;
Que, conceptuellement, si le public pertinent pourra associer l'acronyme FIFDH à la dénomination ou aux noms de domaine de l'association appelante qui en fait usage, pour la promotion et l'exploitation de la manifestation qui se déroule uniquement à Genève sous son égide depuis 2003, il verra dans la marque enregistrée l'évocation du festival ayant pour objet, comme vingt festivals de par le monde, de concentrer des films traitant des Droits de l'Homme mais qui aura la spécificité de se dérouler à Paris ;
Qu'aucun risque de confusion entre les signes opposés ne pouvant se déduire de cette appréciation globale, en dépit de la similarité des produits et services concernés, le préalable nécessaire au débat sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque "Festival International des Droits de l'Homme (FIFDH) de Paris", n° 3 744 300, n'est pas satisfait de sorte que la demande aux fins d'annulation formée à titre subsidiaire par l'appelante doit être rejetée, comme l'a fait le tribunal ;
Sur les "actes de concurrence parasitaire" :
Considérant que l'association appelante approuve le tribunal en ce qu'il a déclaré que les deux associations concernées étaient en situation de concurrence puisqu'elles exercent dans le même domaine et s'adressent aux mêmes partenaires mais déclare ne pas le comprendre en ce qu'il en a déduit que la notion de parasitisme était inapplicable alors que la solution trouve à s'appliquer en présence ou non d'une situation de concurrence ;
Qu'elle reproche à l'association Alliance Ciné qui organisait initialement son festival annuel en juin, d'avoir, d'une manière qui n'est pas anodine, décidé de l'organisation de sa manifestation, comme elle-même, lors de la première quinzaine de mois de mars et entendu indûment tirer profit de la renommée de son propre festival, relayée par la presse internationale et française, qui est le fruit des importants efforts de relations publiques qu'elle déploie ; qu'elle relève, à cet égard, que l'intimée a pris en compte le grief puisque, pour l'édition 2013, le festival de cette dernière a été fixé pour la période du 5 au 12 février 2013 ;
Qu'elle ajoute que ces faits de parasitisme - que l'intimée ne peut nier puisqu'en 2005, l'association Alliance Ciné elle-même s'inquiétait d'une concomitance de dates et souhaitait éviter que "les deux événements se cannibalisent" - sont accentués par le fait que cette dernière reprend systématiquement à son compte la terminologie et les évolutions qu'elle apporte au festival (identité des films projetés, catégorisation des films) ;
Considérant, ceci rappelé, que la valeur économique dans le cas présent revendiquée consiste en l'existence d'un festival présenté comme renommé se tenant au début du mois de mars de chaque année ;
Qu'il apparaît cependant que la "vraie renommée" revendiquée, par hypothèse plus importante que celle du festival parisien qui s'en serait nourri, n'est étayée par aucune pièce ; qu'il ressort, en outre, des données de l'espèce que les deux festivals dont s'agit, destinés à sensibiliser le public sur la défense des droits de l'homme, sont nés à une période concomitante et que les promoteurs du festival suisse, participant d'un mouvement plus général puisqu'une vingtaine de festivals de par le monde poursuivent le même objectif, ne peuvent valablement revendiquer une valeur économique née de leurs seuls efforts humains et financiers ;
Que l'intimée démontre, en outre, que la proximité des dates de ces deux festivals ne résulte pas d'un choix délibéré mais de contraintes liées à la disponibilité de la salle de spectacle (le cinéma Le Latina à Paris), à la tenue d'autres festivals de cinéma sur le territoire national (Créteil, Jean Rouch, Attac) et à la prise en compte du calendrier des vacances scolaires potentiellement de nature à entraîner une perte de public ;
Que l'appelante n'établit d'ailleurs pas que le seul fait de choisir la première quinzaine du mois de mars lui ait permis de s'attacher un public et, par conséquent, de se prévaloir d'un avantage concurrentiel que l'intimée viendrait piller en produisant un festival se tenant à plus de 500 kilomètres de Genève, d'autant que cette dernière rapporte la preuve de la tenue de festivals de films de cinéma consacrés aux droits de l'homme au cours du seul mois de mars en dix lieux européens différents (pièces 9 et 17) ;
Que le comportement fautif incriminé ne peut davantage résulter de l'identité de certains films programmés, l'intimée se prévalant justement du caractère identique de l'objet de leurs deux manifestations impliquant intrinsèquement que des films relatifs aux droits de l'homme leur soient communs, ainsi que de l'usage en ce domaine consistant à présenter le même film dans divers festivals ou compétitions (tels Cannes, Berlin, Césars, Oscars (...)) ;
Que si l'appelante affirme enfin que l'association Alliance Ciné use des mêmes catégories que celles qu'elle utilise ("documentaires de création", "dossiers et grands reportages" et "MasterClass") elle ne prouve pas, à supposer l'existence de telles catégories que rien ne vient démontrer, que cette catégorisation soit le fruit de ses seuls efforts et de son savoir-faire ;
Que le jugement qui l'a déboutée de ce chef de prétention mérite donc confirmation ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'en dépit de la solution donnée au présent litige, aucune faute ne peut être imputée à l'association suisse qui a pu, sans abus, se méprendre sur la portée de ses droits en estant en justice de sorte que la demande reconventionnelle réitérée en appel par l'association Alliance Ciné tendant à obtenir des dommages-intérêts et la large diffusion d'un communiqué aux frais de l'appelante ne saurait prospérer ; que le jugement doit être, sur cet autre point, confirmé ;
Considérant, en revanche, que l'équité commande de condamner l'appelante à verser à l'association intimée la somme complémentaire de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que cette dernière, déboutée de ce dernier chef de demande, supportera les dépens d'appel ;
Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant ; Condamne l'association de droit suisse Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains à verser à l'association Alliance Ciné la somme complémentaire de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.