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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 22 octobre 2013, n° 12-00753

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Diffusion Industrielle du Nord Est (Sté)

Défendeur :

Serac Distribution (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maillard

Conseillers :

Mmes Soin, Dias Da Silva Jarry

Avocats :

Selarl Guyot, De Campos, Selarl Abadie, Gilles, Me Jacquin

TGI Châlons-en-Champagne, du 22 févr. 20…

22 février 2012

Le 31 avril 1989 un contrat d'agent commercial a été signé entre la société Serac Distribution et la société Dine, cette dernière étant chargée de prospecter la clientèle en vue du placement de produits d'insonorisation industrielle, d'études et de matériaux sur plusieurs départements de l'Est de la France.

Le 21 février 2008 la société Serac Distribution a adressé une lettre de rupture de contrat à la société Dine invoquant des objectifs non atteints.

Suivant exploit délivré le 3 décembre 2008 la société Serac Distribution a fait assigner Mme Gilles et la société Dine aux fins de les voir condamner principalement à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et non-respect du contrat du 31 avril 1989.

Mme Gilles est décédée le 26 janvier 2008.

Par jugement rendu le 22 février 2012, le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a :

- dit que la société Dine a manqué à ses obligations contractuelles en violant l'obligation de non concurrence prévue au contrat,

- condamné la société Dine à payer à la société Serac Distribution la somme de 50 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir des contrats avec les clients démarchés par la société Dine au profit de la société Akustike,

- débouté la société Dine de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Dine à payer à la société Serac Distribution la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Dine a relevé appel de ce jugement le 16 mars 2012.

Dans ses conclusions notifiées le 14 juin 2012, elle demande à la cour de :

- réformer la décision en toutes ses dispositions,

- débouter la société Serac Distribution de toutes ses prétentions,

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- condamner la société Serac Distribution à lui payer la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité de résiliation, celle de 5 400 euros à titre d'indemnité de remploi, celle de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté, celle de 180,80 euros de commissions et celle de 7 500 euros en réparation du préjudice subi par la poursuite de l'utilisation de son nom et de son image durant près de 2 années,

- condamner la société Serac Distribution à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Serac Distribution a constitué avocat.

Par ordonnance du 26 septembre 2012 confirmée par arrêt de cette cour en date du 7 mai 2013, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par la société Serac Distribution.

SUR CE, LA COUR,

- Sur la responsabilité contractuelle de la société Dine

Attendu qu'à l'appui de ses prétentions tendant à la réformation de la décision déférée la société Dine fait valoir que le comportement de la société Serac Distribution s'inscrit dans une volonté d'intimidation de ses concurrents et de ses anciens agents commerciaux dont elle souhaite récupérer la clientèle sans indemnisation ;

Qu'elle ajoute que la société Serac Distribution ne démontre nullement qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles et doit être déboutée de toutes ses demandes ;

Attendu que le contrat convenu entre les parties daté du 31 avril 1989 versé aux débats prévoit que la société Dine est chargée de réaliser l'ensemble des démarches nécessaires auprès des entreprises pour que celles-ci contractent avec la société Serac Distribution, la société Dine recevant pour le travail accompli des commissions calculées sur le nombre et la valeur des affaires conclues ;

Que le contrat prévoit en son article IV qu'il est conclu pour une durée indéterminée mais pourra être dénoncé par chacune des parties moyennant un préavis écrit de 3 mois par lettre recommandée avec accusé de réception ; que les parties ont entendu préciser dans cet article que "Dine s'engage à ne pas concurrencer la société Serac Distribution auprès de sa clientèle du même secteur pendant deux ans pour toute fabrication et revente de matériel faisant partie de la gamme de diffusion de la société Serac" ;

Attendu que ce contrat a pris fin le 21 mai 2008 après lettre de rupture datée du 21 février 2008 adressée par la société Serac Distribution à la société Dine, le premier juge rappelant à juste titre que l'obligation de non concurrence qui pesait sur la société Dine devait être respectée jusqu'à cette date ;

Que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte qu'il a jugé que la société appelante avait manqué de façon répétée à son obligation de loyauté et de non concurrence envers la société Serac Distribution en démarchant dès l'année 2006 des clients pour le compte d'une autre société, concurrente directe de la société Serac Distribution ;

Qu'en effet l'existence de relations commerciales entre la société Dine et la société Akustike, avant la rupture du contrat la liant à la société Serac Distribution, sont établies notamment par le grand livre 2008 de la société Akustike obtenu par procès-verbal de constat du 9 septembre 2008 par la société Serac Distribution dans le cadre d'une procédure en concurrence déloyale existant entre elles sur lequel apparaît un règlement au bénéfice de la société Dine d'un montant de 3 507,75 euros au mois d'août 2008 ; que vainement la société Dine remet en cause l'authenticité de ce document puisqu'il a été trouvé dans le disque dur de l'un des ordinateurs de la société Akustike par un huissier de justice désigné pour ce faire par ordonnance sur requête rendue le 8 juillet 2008 par le juge délégué par le Président du Tribunal de grande instance de Créteil ;

Attendu s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi par la société Serac Distribution du fait des manquements de son agent commercial celle-ci a sollicité la somme de 150 000 euros expliquant que cette somme correspond à la perte des marchés détournés par la société Dine ;

Attendu qu'il sera rappelé que la réparation d'un dommage qui doit être intégrale ne peut excéder le montant du préjudice subi ;

Qu'en l'espèce la société Serac Distribution pour justifier sa demande indemnitaire se contente de verser aux débats les devis établis au nom de la société Akustike entre 2006 et 2008 pour un montant de 146 300 euros à la suite de la visite de M. Gilles de la société Dine ;

Que cependant cette société n'a été, tout au plus, que privée d'une simple éventualité favorable, celle de se voir attribuer les marchés consécutifs aux devis adressés par ledit M. Gilles ;

Que de plus la société Serac Distribution ne produit aucun élément comptable permettant de justifier de la perte de chiffre d'affaires et du bénéfice qu'elle aurait pu espérer obtenir si les marchés lui avaient été attribués ne versant d'ailleurs pas la moindre pièce sur le volume d'affaires conclues grâce à l'intervention de la société appelante ; que la cour observe à cet égard qu'en première instance les parties n'ont pas cru bon de déférer à l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 mai 2010 leur enjoignant de verser aux débats un certain nombre de pièces ;

Que par ailleurs la société Serac Distribution ne produit pas non plus aux débats les décisions de justice rendues dans les procédures qu'elle a initié du chef de concurrence déloyale tant contre ses autres agents commerciaux que contre la société Akustike dans le cadre desquelles elle a pu également solliciter l'indemnisation de son préjudice de sorte que la société appelante est bien fondée sur ce point à faire valoir que son adversaire cherche ainsi à obtenir plusieurs fois l'indemnisation du même préjudice allégué ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments le préjudice subi par la société Serac Distribution ne peut qu'être symbolique résultant du manque de loyauté et du non-respect à l'obligation de non concurrence ; qu'il sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 2 000 euros à laquelle sera dès lors condamnée la société Dine, le jugement étant infirmé en ce sens ;

- Sur les demandes reconventionnelles de la société Dine

Attendu que la société Dine fait valoir qu'elle est bien fondée en ses demandes reconventionnelles ; qu'elle est en droit d'obtenir une indemnité de résiliation en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce cette indemnité correspondant selon les usages à 24 mois de commissions ; que l'indemnité de remploi doit être fixée à 27 % du montant de l'indemnité de résiliation ;

Attendu s'agissant des indemnités de fin de contrat que l'article L. 134-13 du Code de commerce dispose que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due en cas de cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; que la société Dine ayant manqué à son obligation de non concurrence et de loyauté qui pesait sur elle, elle a commis une faute grave justifiant qu'elle soit déboutée de ses demandes d'indemnité de résiliation et de la demande d'indemnité de remploi ;

Attendu que la société appelante réclame encore des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté en application de l'article L. 134-4 du Code de commerce expliquant que la société Serac Distribution a manqué à cette obligation en faisant réaliser des opérations par la société Technipole, en traitant directement et sans information préalable des marchés au détriment de son agent et en embauchant au plus tard en 2006 un salarié commercial M. Poutet sur son propre territoire ; que ce texte édicte que "les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat" ;

Attendu qu'ainsi que l'indique à juste titre le premier juge il est certes établi que M. Poutet est chargé d'affaires pour le compte de la société Serac Distribution depuis le 2 janvier 2008 ; que cependant les pièces produites démontrent qu'il exerce une fonction d'agent commercial sur les secteurs Centre et Sud-Ouest et non sur le secteur dévolu à la société Dine qu'est l'Est de la France de sorte qu'il ne lui fait pas directement concurrence ; que par ailleurs la société Dine n'explique pas plus en appel qu'en première instance en quoi le fait pour la société Serac Distribution de faire réaliser certaines opérations par la société Technipole serait constitutif d'une violation de l'obligation de loyauté alors que de son côté et ainsi qu'il ressort des précédents développements elle a elle-même manqué à cette obligation en travaillant pour le compte de la société Akustike qu'en conséquence sa demande de dommages et intérêts est mal fondée et c'est à bon droit que le premier juge l'a rejetée ;

Attendu qu'en ce qui concerne la demande de rappel de commissions, l'article L. 134-6 du Code de commerce dit que l'agent commercial perçoit une commission lorsqu'une affaire est conclue grâce à son intervention ; que faute de rapporter la preuve qui lui incombe de la réalité de cette créance la demande de la société Dine en paiement de la somme de 180,80 euros ne peut prospérer ;

Attendu que la société appelante fait valoir que la société Serac Distribution a, après la rupture du contrat avec elle, continué à utiliser son image, laissant apparaître la société Dine sur son site internet plus d'un an après la fin de leurs relations contractuelles ; qu'elle soutient qu'il ne s'agit nullement d'une omission mais d'un maintien délibéré de son nom à des fins commerciales qui lui cause un préjudice d'un montant de 7 500 euros ;

Que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge l'a déboutée de cette demande faute pour la société Dine de justifier de l'utilisation de son image après que le juge de la mise en état ait ordonné à la société Serac Distribution de procéder au retrait de toute mention la concernant et surtout de l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice subi par elle du fait de l'utilisation de son image postérieurement à la rupture du contrat ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté la société Dine de toutes ses demandes reconventionnelles ;

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu que la société Dine succombe principalement en son recours ; qu'elle sera donc condamnée aux dépens d'appel et ne peut prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant confirmé relativement aux frais de procédure et aux dépens de première instance ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement rendu le 22 février 2012 sauf en ce qu'il a condamné la société Dine à payer à la société Serac Distribution la somme de 50 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir des contrats avec les clients démarchés par la société Dine ; Statuant à nouveau de ce seul chef ; Condamne la société Dine à payer à la société Serac Distribution la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de ses manquements à son obligation de loyauté et de non concurrence ; Déboute la société Dine de toutes ses prétentions ; Condamne la société Dine aux dépens d'appel.