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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 24 octobre 2013, n° 12-04374

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Villaflora (SARL)

Défendeur :

Floria Création (SASU), Floredistri (SCA), Groupe Monceau Fleurs (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farina

Conseillers :

Mmes Bertoux, Prudhomme

Avocats :

Mes Gray, Carpe, Bart, Toussaint-David

T. com. Rouen, du 23 juill. 2012

23 juillet 2012

Le 1er octobre 2006, la SARL Villaflora a conclu, en qualité de franchisée, un contrat de franchise avec la SAS Floria Création, reposant sur un concept de fleur, pour l'exploitation d'un point de vente à l'enseigne Rapid'Flore, pour une durée de 7 ans, soit jusqu'au 30 septembre 2013, avec exclusivité territoriale sur la ville de Vannes.

Le même jour, elle a signé un contrat d'approvisionnement avec la SCA Floredistri.

En septembre 2008, le groupe Rapid'Flore auquel appartiennent les sociétés Floria Création et Floredistri, est repris par la SA Groupe Monceau Fleurs.

Début 2010 un magasin à l'enseigne Happy, franchise de la société Groupe Monceau Fleurs, est ouvert à Vannes.

Arguant de la violation de la clause d'exclusivité par la société Floria Création, la SARL Villaflora a, par acte extrajudiciaire du 1er septembre 2011, fait assigner les sociétés Floria Création et Floredistri devant le Tribunal de commerce de Rouen en résiliation judiciaire d'une part, du contrat de franchise et de l'ensemble des contrats liés à ce contrat principal, aux torts exclusifs de la société Floria Création, d'autre part, du contrat d'approvisionnement, ainsi qu'en annulation de la clause de non-concurrence et de la clause de non-adhésion insérées dans le contrat de franchise, et en condamnation de la SAS Floria Création à lui payer diverses sommes.

Le 27 octobre 2011, la société Groupe Monceau Fleurs est placée en procédure de sauvegarde par le Tribunal de commerce de Paris.

Par acte extrajudiciaire du 10 février 2012, la SARL Villaflora a fait assigner en intervention forcée Me Gorrias, ès qualités de mandataire judiciaire de la SA Groupe Monceau Fleurs, et Me Thevenot, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SA Groupe Monceau Fleurs, et notamment en fixation au passif de la procédure de sauvegarde du Groupe Monceau Fleurs de sa créance de dommages et intérêts.

Par jugement du 23 juillet 2012, le tribunal de commerce a :

- dit irrecevable l'assignation délivrée le 10 février 2012 et les demandes de la société Villaflora à l'encontre de la société Groupe Monceau Fleurs qui n'est pas dans la cause et débouté, en tant que de besoin, la société Villaflora, de toutes ses demandes à son égard,

- constaté le respect par la société Floria Création de la clause d'exclusivité territoriale de la société Villaflora et débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Floria Création et Floredistri,

- débouté les sociétés Floria Création et Floredistri de leur demande de résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement aux torts de la société Villaflora pour rupture de la relation de confiance,

- condamné la société Villaflora à payer aux sociétés Floria Création et Floredistri, à Me Gorrias, ès qualités, et à Me Thevenot, ès qualités, la somme de 1 500 euros chacun, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Villaflora aux dépens.

La SARL Villaflora a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la SAS Floria Création et de la SCA Floredistri.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 21 juin 2013 pour l'appelante, et du 17 juin 2013 pour l'intimée.

La SARL Villaflora conclut à la réformation partielle du jugement, et vu les articles 1134, 1147 du Code civil, demande à la cour de :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise et l'ensemble des contrats liés entre la société Floria Création et la société Villaflora, aux torts exclusifs de la société Floria Création, à charge pour celle-ci de supporter les frais de dépose des éléments distinctifs de la marque Rapid'Flore figurant dans les locaux de la société Villaflora,

- Prononcer également la résiliation du contrat d'approvisionnement passé entre la société Villaflora et la société Floredistri,

- Prononcer la nullité de la clause de non-concurrence et de la clause de non-adhésion insérée dans le contrat de franchise conclu entre la société Villaflora et la société Floria Création,

- Condamner la société Floria Création à verser à la société Villaflora une somme de 300 000 euros au titre de la sanction de la violation de la clause d'exclusivité inclus dans le contrat de franchise et de son manquement son obligation d'assistance,

- Condamner la société Floria Création à verser à la société Villaflora la somme de 307 571,24 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, se décomposant comme suit :

- 150 000 euros correspondant au montant de l'acquisition du fonds de commerce

- 35 152,69 euros correspondant aux investissements réalisés sur le période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010

- 6 500 euros de droit d'entrée versé à la société Floria Création

- 63 682,60 euros correspondant au montant des redevances de franchise pour la période du 1er octobre 2006 au 31 mars 2011

- 19 851,83 euros correspondant aux montants de redevance de publicité pour la période du 1er octobre 2006 au 31 mars 2011

- 32 384,12 euros correspondant à la perte du chiffre d'affaire pour la période d'avril 2009 à mai 2011

Soit une somme totale de 307 571,24 euros, sauf à parfaire,

- Condamner la société Floria Création à racheter le comptoir et les présentoirs de la société Villaflora référencés Rapid'Flore.

La société Villaflora sollicite la confirmation pour le surplus des dispositions du jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les prétentions, des sociétés Floria Création et Floredistri sur la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement aux torts de la société Villaflora pour rupture de la relation de confiance, déclaré la société Floria Création, la société Floredistri, ès qualités mal fondés en l'ensemble de leurs conclusions, fins et prétentions, contraires, débouté la société Floria Création, la société Floredistri, de toutes prétentions et conclusions contraires, la reformation enfin le jugement entrepris sur l'allocation d'une somme de 1 500 euros à la société Floria Création, la société Floredistri au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'un constat de la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement aux torts exclusifs de la société Villaflora, elle demande à la cour de :

- Constater l'absence de préjudice des sociétés Floria Création et Floredistri, en conséquence,

- Débouter les sociétés Floria Création et Floredistri de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande de constater le caractère manifestement excessif des sommes sollicitées.

Elle sollicite enfin la condamnation de la société Floria Création et la société Floredistri au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, entiers dépens de première instance et d'appel en sus.

La SAS Floria Création et la SCA Floredistri concluent, vu les articles 1134 et suivants, 1145, 1147, 1184 et 1371 du Code civil:

Sur les demandes de la société Villaflora :

- À titre principal :

à la confirmation du jugement dont appel en l'ensemble de son dispositif,

- À titre subsidiaire :

à la constatation de l'absence de préjudice prétendument subi par Villaflora, au surplus, à la constatation de l'absence de lien de causalité entre les prétendues fautes de Floria Création et le prétendu préjudice,

- À titre infiniment subsidiaire :

à la constatation que Villaflora sollicite deux fois l'indemnisation du préjudice qu'elle allègue et à la limitation de l'indemnisation de Villaflora à la perte de marge brute du 22 avril 2010 au 31 mai 2011,

au rejet des demandes d'indemnisation de Villaflora ne relevant pas des conséquences d'une résiliation contractuelle,

au rejet de la demande de suppression de l'enseigne et des signes distinctifs Rapid'Flore dans le point de vente de Villaflora aux frais de Villaflora.

Reconventionnellement, les sociétés Floria Création et Floredistri demandent à la cour de :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu entre Floria Création et Villaflora aux torts exclusifs de cette dernière,

- dès lors, prononcer la résiliation du contrat d'approvisionnement conclu entre Floredistri et Villaflora aux torts exclusifs de cette dernière, et en conséquence,

- Enjoindre à Villaflora de respecter l'ensemble des dispositions contractuelles relatives aux conséquences de la résiliation du contrat, ainsi que celles applicables postérieurement à la cessation du contrat, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- Condamner Villaflora à payer à Floria Création :

* le montant des redevances dues jusqu'au terme du contrat de franchise à compter de la date du prononcé de la décision jusqu'au terme du contrat de franchise fixé le 30 septembre 2013, sur la base d'une indemnisation mensuelle de 1 545,15 euros HT ;

* 50 000 euros au titre du préjudice lié à la perte prématurée de l'enseigne à Vannes et de l'atteinte à l'image en résultant pour Floria Création ;

* 25 000 euros au titre du préjudice causé à Floria Création vis-à-vis de son réseau, condamner Villaflora au paiement à Floredistri du montant du manque à gagner à compter de la date du prononcé de la décision jusqu'au terme du contrat d'approvisionnement fixé le 30 septembre 2013, sur la base d'une indemnisation mensuelle de 8 150,62 euros HT ;

- En tout état de cause :

Constater la validité de la clause de non-concurrence et de non-réaffiliation contenue dans le contrat de franchise du 1er octobre 2006,

Condamner la société Villaflora au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au paiement à la société Floria Création et à la société Floredistri de la somme de 15 000 euros au chacune, entiers dépens de première instance et d'appel en sus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2013.

SUR CE

- Sur les demandes de la SARL Villaflora

Au soutien de son appel, et à l'appui de sa demande en résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SAS Floria Création, la SARL Villaflora exposant avoir pour principale activité la vente de fleurs et de plantes vertes et fleuries au détail dans le cadre du réseau à enseigne Rapid'Flore se prévaut tout d'abord de la violation par la SAS Floria Création de la clause d'exclusivité absolue territoriale sur la ville de Vannes figurant au contrat de franchise qu'elle invoquait déjà en première instance (I).

Elle fait valoir, à cet effet, et pour l'essentiel que :

- Le Groupe Monceau Fleurs, qui a repris la SAS Floria Création, permet l'installation de franchise pour ses réseaux de distribution, à savoir Monceau Fleurs, Happy et Rapid'Flore qui sont dirigés par la même personne ; il a une politique tendant à la mutualisation des moyens au niveau des achats, de la logistique, de l'informatique, de la communication et de la formation, ce qui démontre l'existence du lien entre les différentes sociétés du groupe ;

- En permettant l'implantation d'une franchise Happy dans la ville de Vannes, son co-contractant a violé les stipulations contractuelles ;

- Le contrat de franchise a été signé en 2006, à une époque où la société Villaflora ne pouvait pas imaginer que son franchiseur ferait un jour partie du groupe Monceau Fleurs ;

- La volonté et l'intention des parties lors de la conclusion du contrat devant être recherchée, la société Villaflora ne voulait avoir aucune concurrence de la part d'une autre société du même groupe ; il est évident que si lors de la conclusion du contrat de franchise, la société Floria Création avait fait partie du Groupe Monceau Fleurs, la société Villaflora aurait inclus les autres franchises du groupe ; le champ de la clause d'exclusivité territoriale n'est donc pas restreint au magasin Rapid'Flore ;

- Avant l'intégration de son franchiseur au groupe Monceau fleurs la société Floria Création était la seule filiale de la société Hauraunize, société holding du groupe Rapid'Flore, exploitant des magasins de vente au détail de fleurs ; ainsi la société Floria Création n'avait aucune filiale de la société Haurauzine en concurrence directe avec elle ;

Il n'y avait donc pas lieu d'indiquer dans la clause d'exclusivité du contrat de franchise, d'autres filiales de la société Haurauzine, dans la mesure où aucune de ses filiales n'avait le même objet social que la société Floria Création et ne pouvait être source de concurrence ;

- Il en va différemment depuis l'intégration de la société Floria Création au Groupe Monceau Fleurs ; en effet, la société Villaflora s'est trouvée mise en concurrence directe avec plusieurs filiales dudit groupe dont la société Happy Inc, titulaire de la franchise Happy ; à partir de ce moment-là aucun autre magasin appartenant au Groupe Monceau fleurs ne pouvait s'implanter sur Vannes, comme le prévoit la clause d'exclusivité territoriale du contrat de franchise ;

- Les sociétés Happy Inc. et Floria Création ont le même concept et le même objectif ; elles sont tous les deux des commerces de vente en libre-service de fleurs coupées à des prix très bas accessibles au plus grand nombre, les clients étant libres de choisir eux-mêmes sur des bancs situés à l'extérieur du magasin ; que ce type d'offres diffère de celui des fleuristes traditionnels ; au final, la seule différence entre la société Floria Création et la société Happy est le nom de leur enseigne, Rapid'Flore pour l'une et Happy pour l'autre.

Elle ajoute, en résumé, pour contrer les arguments développés par la société Floria Création et la société Floredistri pour tenter de minimiser le rôle de l'implantation du point de vente Happy dans la chute du chiffres d'affaires de la société Villaflora :

- Elle a réussi à faire augmenter le chiffre d'affaires du magasin jusqu'à l'arrivée du magasin Happy qui cible la même clientèle ; il est en concurrence directe car ils sont tous deux points de vente de fleurs libre services implantés à deux kilomètres l'un de l'autre, utilisant les mêmes techniques de vente et pratiquant des tarifs plus que compétitifs, que si la clientèle du magasin Happy est exclusivement composée des clients de la grande surface Carrefour, ce dernier dispose de son propre rayon de vente de plantes et fleurs ;

- La police municipale de Vannes ne lui a jamais interdit de mettre de la marchandise sur le trottoir ;

- La preuve que la baisse du chiffre d'affaires, qui en tout état de cause a commencé en avril 2010, serait due au changement de gérant du magasin n'est pas rapportée, ni à une pratique de prix trop élevés conduisant à une diminution de la clientèle, sur laquelle le franchiseur aurait attiré son attention et dont les conseils n'auraient jamais été suivis par le franchisé.

La SARL Villaflora fait ensuite valoir un manquement de la société Floria Création à son obligation d'assistance (II) à laquelle elle est tenue en application du règlement communautaire d'exception et du code européen de la franchise.

Elle explique pour l'essentiel que :

- Le franchiseur doit soutenir le franchisé par l'apport continu d'assistance commerciale et/ou technique pendant toute la durée du contrat ; il s'agit d'une obligation essentielle indépendamment de toute stipulation contractuelle spécifique ;

- En l'espèce alors qu'elle savait que la situation financière de son franchisé déclinait de plus en plus, et ce bien avant que son franchisé l'ait attrait en justice, la société Floria Création n'a entrepris aucune démarche pour que la situation de son franchisé s'améliore ; elle ne lui a jamais proposé de solutions pour y remédier ; aucun animateur de réseau ne s'est déplacé afin de mettre en place des solutions ; elle a adressé un mail en date du 6 septembre 2012 qui est resté sans réponse ; par mail du 8 octobre 2012, elle a sollicité un rendez-vous avec le nouveau directeur général du Groupe Monceau Fleurs, qui n'a pas reçu la moindre réponse ; elle n'a eu d'autre choix que de licencier son employé en septembre 2012 ; en conséquence le défaut d'assistance de la part de la société Floria Création justifie la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs ; de son côté, elle a toujours respecté ses obligations en réglant les redevances au franchiseur.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts résultant de la violation de la clause d'exclusivité territoriale, la SARL Villaflora soutient pour l'essentiel que s'agissant d'une obligation de ne pas faire, la preuve d'un préjudice est inutile en application de l'article 1145 du Code civil ; qu'en tout état de cause son préjudice est bien réel ; qu'en acceptant d'implanter un magasin Happy à proximité de celui de Rapid'Flore, la société n'a pas respecté les termes de son contrat de franchise et par là même n'a pas pris en considération l'intérêt de sa franchisé ; que depuis l'installation de ce magasin, son chiffre d'affaires est en réelle diminution ; qu'elle a investi énormément pour son magasin, qu'elle a perdu 2 700 clients.

Elle fait enfin valoir que la société Villaflora a exécuté les obligations mises à sa charge, que la clause de non-concurrence et la clause de non-affiliation ne trouvent donc pas à s'appliquer, que la société Floria Création ne peut pas s'en prévaloir puisqu'en l'espèce elle a manqué à ses obligations. Elle se prévaut de surcroît de la nullité de la clause de non-concurrence et de la clause de non-affiliation (III). Elle indique en résumé que :

- Il n'existe aucun savoir-faire identifié, défini dans le contrat de franchise, qui aurait été transmis ; aucune formation présentant un caractère exceptionnel qui la distinguerait d'une autre formation de fleuriste n'a été dispensée ; la société Floria Création dispose des mêmes techniques de marketing communes à tout point de vente de fleurs en libre-service ; par conséquent le franchisé ne peut pas savoir quel savoir-faire il n'a pas le droit de reproduire ;

- Cette clause l'empêche non seulement la poursuite d'une activité commerciale identique à celle de la société Floria Création mais interdit également l'accès à des commerces plus traditionnels de fleurs ;

- Elle dépossède également la société Villaflora de sa clientèle ; celle-ci lui est propre et non commune à celle du franchiseur ; elle est locale puisqu'elle ne dispose que d'un seul magasin ; elle sollicite la nullité de la clause de non-concurrence, dans la mesure où elle n'a pas prévu d'indemnisation au profit de son franchisé ; peu importe si le franchiseur est responsable de la rupture du contrat ;

- La clause de non-concurrence et la clause de non-affiliation ne sont pas proportionnées aux intérêts légitimes de l'entreprise, dans la mesure où il est aisé pour tout novice d'ouvrir un magasin de fleur en libre-service.

Les sociétés Floria Création et Floredistri observent qu'à aucun moment en près de cinq ans, la société Villaflora n'a jamais fait le moindre grief à son franchiseur au titre des différents obligations lui incombant, à savoir le savoir-faire transmis, l'assistance apportée ou les signes distinctifs donnés en licence, qu'elle ne l'a jamais avisé avant l'assignation de difficulté, ni mis en demeure de quoi que ce soit. Elles contestent toute violation de la clause d'exclusivité territoriale dont la société Villaflora en travestit à la fois les termes et la portée.

Elles font valoir essentiellement que :

- La clause d'exclusivité territoriale ne prévoit qu'une exclusivité d'enseigne ; l'ouverture d'un point de vente franchisé Happy n'entre pas dans le champ de la clause d'exclusivité territoriale ; cette exclusivité est limitée aux seuls points de vente créés par la société Floria Création avec son accord à l'enseigne Rapid'Flore ; dans l'hypothèse d'une lecture extensive de cette clause, il n'y a aucune violation puisque la clause ne vise qu'une ouverture d'un point de vente exploité en direct par Floria Création, qu'en l'espèce le point de vente visé par la société Villaflora est un point de vente franchisé par un tiers, qu'au surplus les concepts Rapid'Flore et Happy sont bien distincts.

- A aucun moment, la société Villaflora n'a remis en cause l'assistance apportée par son franchiseur, invoqué pour la première fois en cause d'appel ; son obligation est une simple obligation de moyens ; elle doit être apportée par divers moyens (stages, rendez-vous, visites du franchiseur ou de son représentant dans le point de vente, compte-rendu, réunions, séminaires ou congrès nationaux et locaux des franchisés, commissions de consultation portant sur différentes questions, informations, renseignements conseils, rappels à l'ordre etc..) communiqués par tout moyen (mémos, bulletins de liaison, photographies, placards publicitaires, cahiers, journal et/ou intranet du réseau) régulièrement mais pas en permanence ; elle lui a fourni incontestablement cette assistance, depuis la reprise du point de vente, donc bien antérieurement à l'ouverture du point de vente Happy, et également postérieurement à cette ouverture.

Sur la résiliation du contrat de franchise pour violation de la clause d'exclusivité territoriale

Il convient de relever que toute clause d'exclusivité doit être interprétée restrictivement du fait de l'atteinte qu'elle porte tant au principe de l'exercice de la liberté de commerce et de l'industrie au sein d'un marché concurrentiel, qu'à celui de la liberté de contracter de son débiteur.

L'article 2 du contrat de franchise, intitulé "Territoire et exclusivité" stipule :

"Le Franchisé bénéficiera, pendant toute la durée du présent contrat, d'une exclusivité sur le territoire.

Aussi, sauf accord préalable écrit du Franchisé, le Franchiseur s'engage pendant la durée du contrat sur le territoire, à ne pas permettre l'implantation d'un autre Franchisé Rapid'Flore et à ne pas ouvrir lui-même un magasin sur ce territoire."

Il est établi que par le jeu des opérations de rachat de sociétés par le Groupe Monceau Fleurs, la société Floria Création qui exploite la franchise Rapid'Flore fait partie du même groupe qu'une autre société, la société Happy Inc. qui exploite la franchise Happy, qu'un magasin de la franchise Happy s'est installé à Vannes postérieurement à l'ouverture par la SARL Villaflora d'un magasin Rapid'Flore.

Il est admis que le territoire sur lequel s'exerce l'exclusivité de la SARL Villaflora est celui de la ville de Vannes.

Il ressort des stipulations de l'article 2 du contrat de franchise rédigées en des termes clairs, précis et sans ambiguïté que l'étendue de l'exclusivité territoriale accordée au franchise est limitée à l'engagement de la société Floria Création de ne pas autoriser l'implantation d'un autre franchisé Rapid'Flore et de ne pas ouvrir pour elle-même un magasin dans le même secteur géographique.

Ainsi s'il s'agit d'une exclusivité absolue sur la commune ainsi qu'il résulte de l'annexe 1 du contrat de franchise, elle n'est limitée qu'à l'ouverture d'un magasin sous la franchise Rapid'Flore et pas d'une autre franchise, et à celle d'un magasin succursale de la société Floria Création.

Par ailleurs, l'intention des parties qui doit être recherchée est celle au jour de la conclusion du contrat, et donc en considération de la situation qui existait à cette date, comme l'a justement rappelé la société Floria Création et la société Floredistri.

La seule acquisition de la société Floria Création par le Groupe Monceau Fleurs n'a pas entraîné une mise en concurrence directe de la société Villaflora avec les autres filiales du groupe. En effet si le groupe Monceau Fleurs permet l'implantation de franchise pour ses réseaux de distribution Monceau Fleurs, Happy et Rapid'Flore, dirigés par la même personne, il n'en demeure pas moins que la société Floria Création, personne morale titulaire de la franchise Rapid'Flore, est distincte de la société Happy Inc, franchiseur du réseau Happy. Le fait pour une société d'appartenir à un même groupe dont la politique tend à la mutualisation des achats, de la logistique, de l'informatique, de la communication et de la formation, ce qui explique que la société Villaflora a pu recevoir des messages des dirigeants du groupe Monceau, n'a pas pour conséquence, pour cette société la mutualisation des spécificités de son activité qui lui demeurent propres au bénéfice du groupe et/ou des autres sociétés le composant, telle l'exploitation d'une franchise, d'une marque. La mutualisation des moyens est sans rapport avec la direction de chacune desdites sociétés, comme le souligne à juste titre la société Floria Création. De surcroît la concurrence du réseau Rapid'Flore avec les réseaux Monceau Fleur et Happy existait déjà avant l'intégration de la société Floria Création au Groupe Monceau. L'appartenance au Groupe Monceau Fleurs est donc sans effet sur la clause d'exclusivité territoriale dont le seul débiteur est la société Floria Création.

Les autres sociétés du Groupe ne se trouvent donc pas le champ contractuel, ce d'autant moins qu'à l'époque de la signature du contrat de franchise, la société Floria Création ne faisait pas partie du Groupe Monceau Fleurs, il n'y avait donc pas lieu de couvrir par cette clause d'exclusivité l'installation de magasins sous d'autres enseignes du Groupe Monceau.

Il ne pouvait donc entrer dans l'intention de Floria Création et Villaflora, au moment de la signature du contrat de franchise, de prendre en compte l'éventualité d'une intégration dans l'avenir de la société Floria Création au Groupe Monceau Fleurs.

Dès lors, il ne peut être soutenu, comme le fait la société Villaflora, qu'à partir de l'intégration de la société Floria Création au Groupe Monceau Fleurs ce moment, aucun autre magasin appartenant à ce groupe ne pouvait s'implanter sur la ville de Vannes, quand bien même les sociétés Happy Inc et Floria Création sont tous deux des commerces de vente libres de fleurs, et la clause d'exclusivité territoriale ne peut être étendue à d'autres sociétés qui n'étaient pas parties au contrat.

En tout état de cause, la clause d'exclusivité territoriale ne vise exclusivement que l'ouverture par la société Floria Création d'un point de vente sous l'enseigne Rapid'Flore, de sorte qu'il ne peut s'agit d'une autre enseigne. Force est de constater qu'en l'espèce le point de vente a été ouvert sous une autre enseigne. Aucun autre magasin n'a été ouvert sur la ville de Vannes sous l'enseigne Rapid'Flore, comme l'a justement relevé le tribunal. Il ne peut donc lui être reproché que l'ouverture d'un point de vente franchisé Rapid'Flore à Vannes par un autre franchisé.

De plus, la société Floria Création ne pouvait davantage, dans le cadre du contrat de franchise, interdire l'installation d'autre commerce de fleurs quelle qu'en soit l'enseigne, tiers au contrat de franchise.

Si la clause d'exclusivité devait s'interpréter indépendamment de l'enseigne il ne pourrait s'agir que de l'ouverture d'un magasin par la société Floria Création elle-même ou par une succursale, et pas d'un magasin ouvert par une autre société du même groupe, comme en l'espèce, s'agissant du magasin implanté sous l'enseigne Happy.

Dès lors en l'application de la clause d'exclusivité, seule l'ouverture d'un point de vente à l'enseigne Rapid'Flore peut générer une violation de la clause d'exclusivité territoriale. Force est de constater que l'ouverture d'un point de vente à l'enseigne Happy est sans rapport avec la clause d'exclusivité territoriale dont se prévaut la société Villaflora.

A titre surabondant, concernant la question de l'identité de concept développé par la société Floria Création et la société Happy alléguée par la SARL Villaflora, force est de constater que cette société ne verse aux débats aucun élément objectif qui vient contredire la description des trois concepts développés sous trois enseignes du Groupe Monceau Fleurs "se développant de manière autonome avec l'ambition d'optimiser la complémentarité de l'offre" telle que figurant dans un communiqué de presse des avocats du Groupe lors de l'acquisition de 100 % du groupe Rapid'Flore qui figure au dossier de la société Villaflora, ainsi qu'il suit :

- "Monceau Fleurs, concept urbain au large choix et prix attractifs ;

- Happy, low-cost et contemporain dans les zones urbaines à fort trafic ; ce qui est le cas du magasin Happy de Vannes puisqu'il s'agit d'une petite structure installée dans le centre commercial Carrefour dans l'allée centrale ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat et des photographies y figurant au procès-verbal des 25 et 29 mars 2011 ;

- Rapid'Flore, concept de proximité, à prix discount. Il ressort du contrat de franchise Happy, que la marque Happy développe un concept de vente de fleurs et plantes en libre-service".

Il résulte par ailleurs des pièces produites aux débats par la société Floria Création que la gamme de produits offerts sous l'enseigne Happy, à savoir des bouquets composés d'une à deux variétés de fleurs et présentés dans un "contenant original", cube pliable, nano bouquets, flower bag, se distingue de celle proposée sous l'enseigne Rapid'Flore vendant des fleurs coupées à bas prix présentées en bouquets traditionnels.

Ainsi en dehors du fait que les enseignes Rapid'Flore et Happy portent sur le commerce en libre-service de la fleur coupée à bas prix, la société Villaflora ne rapporte pas la preuve d'une identité dans les concepts développés par les sociétés Floria Création et Happy Inc.

Force est de constater que la société Villaflora ne rapporte pas la preuve d'une violation par la société Floria Création de la clause d'exclusivité territoriale. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande de résiliation aux torts exclusifs de cette société de ce chef.

Sur la résiliation du contrat de franchise pour manquement par la société Floria Création à son obligation d'assistance

L'obligation d'assistance étant une obligation de moyens, il appartient à la SARL Villaflora de rapporter la preuve du manquement de la SAS Floria Création, débitrice de l'obligation.

La baisse du chiffre d'affaires du franchisé, de même que la perte de 2 700 clients sur la période d'avril 2010 à mai 2011, invoquées par la société Villaflora peut constituer la conséquence d'un manquement à ses obligations contractuelles par sa co-contractante mais ne peut à elle seule en rapporter la preuve.

La preuve n'est pas davantage établie par la production d'un article de presse faisant état du mécontentement des franchisés dépendant des réseaux de franchise Monceau Fleurs, Rapid'Flore et Happy, et plus particulièrement de plainte des franchisés de Rapid'Flore d'un manque de soutien (bugs dans l'approvisionnement, visite espacés d'animateurs).

Elle ne peut non plus résulter de l'absence de réponse à son mail du 6 septembre 2012 proposant plusieurs solutions pour résoudre le litige tranché en première instance, objet du présent appel, afin de mettre éventuellement un terme à la procédure d'appel, ni de celui du 8 octobre 2012, s'agissant d'une demande de rendez-vous au sujet du magasin Rapid'Flore de Vannes auprès du Directeur général du Groupe Monceau Fleurs.

Selon l'article 6 du contrat de franchise intitulé "Assistance postérieure à l'ouverture du magasin" celle-ci comprend :

"6-1 L'assistance et la communication de l'ensemble des méthodes et techniques commerciales et de gestion nécessaires au maintien de l'unité du réseau mises au point au jour de jour de la signature du contrat ainsi que toutes améliorations qui y seront apportées,

6-2 L'aide au développement commercial du franchisé :

par la réalisation au plan national d'actions promotionnelles et publicitaires en faveur du développement de la marque Rapid'Flore et de l'ensemble du réseau de franchise,

par la fourniture des normes d'installation du local et de présentation des produits déjà en vigueur, et qui seront régulièrement révisées par le Franchiseur selon l'évolution des souhaits de la clientèle,

par la fourniture régulière d'informations mises à jour concernant des plans d'assortiments et conseils de présentation des produits vendus par le Franchisé,

par l'harmonisation des tarifs de prix conseillés applicables aux produits vendus et aux services effectués par le franchisé,

- en œuvrant pendant toute la durée du contrat en vue de la recherche et de la sélection des meilleurs produits possibles à proposer à la clientèle, et en référençant dans ce but un certain nombre de fournisseurs agréés par le réseau, auprès desquels les franchisés pourront s'approvisionner en produits en bénéficiant des meilleures conditions de prix et d'approvisionnement négociées pour lui par le franchiseur".

Il est établi par la production des fiches de visite qu'un animateur s'est rendu à plusieurs reprises au magasin Rapid'Flore de Vannes :

- En avril 2008, il était alors constaté une permanence de prix trop élevés, la présence de produits avancés en confection. Il était conseillé de revoir l'implantation pour donner plus de clarté ainsi que des axes de travail et objectifs ("revoir les tarifs afin de conserver une attractivité, Refaire des appels prix en bulles tous les jours de la même semaine"). Il était également remarqué que "bien que la gamme [plantes] a été améliorée depuis la dernière visite attention tout de même à les emballer". Il était noté que le magasin continuait à perdre du client. L'attention du franchisé était alors attirée sur les tarifs de prix pratiqués et l'offre : "la solution dans le cadre d'une perte de client n'est pas d'augmenter les tarifs, en effet le CA augmente mais la clientèle baisse car elle ne comprend pas la hausse de tarifs".

- En février 2009, la visite était axée sur la pratique des prix. Des actions à entreprendre étaient préconisées : "élargir la gamme en libre service".

- En 2010, le magasin a reçu la visite de l'animatrice en janvier, septembre et novembre 2010. Des actions à entreprendre ont été définies : mise en place de promos de fins de semaine, d'opérations optionnelles, pratique de prix promotionnels. Un expert métier est de plus passé en mars 2010 qui préconisait aux franchisés de faire des "piqûres de rappel à l'équipe". En septembre 2010, il est noté effectivement une progression stagnante depuis avril 2010 trouvant son explication dans la présente d'un concurrent à l'angle (traditionnel) qui enlève une part du marché.

Il est également justifié de visites en 2011.

Au vu de ces éléments, il ne peut être reproché une absence de visite d'un animateur, et ce plus particulièrement au cours de l'année 2010. Par ailleurs les franchisés ne justifient pas que ces visites n'ont pas répondu à leur attente, dans la mesure où il n'est allégué d'aucune demande de conseils auprès de son franchiseur pour remédier à des difficultés financières dont elle ne se plaint qu'après l'introduction de l'instance.

Si la stagnation du chiffre d'affaires est constatée en avril 2010 lors d'une visite d'un salarié du franchiseur, pour autant au cours de l'année 2010 la société Villaflora ne justifie pas qu'elle se soit plainte auprès de lui de cette situation et qu'aucune proposition de solution n'aurait été fournie.

Il s'ensuit que la société Villaflora ne rapporte pas la preuve d'un manquement de la société Floria Création à son obligation d'assistance.

Par ailleurs, la société Floria Création justifie de la participation à différentes opérations promotionnelles et publicitaires et donc susceptibles de favoriser l'augmentation du chiffre d'affaires du point de vente, notamment à six reprises en 2010, et 2011, 5 reprises en 2012.

Il n'est donc nullement établi par la SARL Villaflora que la SAS Floria Création n'aurait pas apporté de manière continue assistance commerciale et/ou technique à son franchisé.

Il convient dans ces conditions de débouter la SARL Villaflora de sa demande en résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Floria Création pour manquement à son obligation d'assistance et de sa demande subséquente en résiliation de l'avenant au contrat de franchise (vente en ligne) et du contrat d'approvisionnement conclut avec la SCA Floredistri.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ce point.

Sur la validité de la clause de non-concurrence et de non-affiliation

Selon la SARL Villaflora, pour l'essentiel, en matière de franchise, le texte de référence est le règlement européen n °2790-1999 du 22 décembre 1999 relatif aux accords verticaux et pratiques concertées ; les clauses de non-concurrence sont autorisées si elles remplissent une série de conditions cumulatives ; qu'ainsi elles doivent être indispensables à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur ; qu'en cas de non-respect de ce critère, elle doit être annulée par le juge ; que selon l'article 1er du règlement d'exemption, le savoir-faire doit être défini de façon suffisamment complète afin de permettre de vérifier qu'il remplit les conditions de secret et de substantialité ; qu'en l'espèce, aucun savoir-faire n'a été défini ni transmis ; qu'elle ne doit pas comporter de restrictions excessives et donc être strictement proportionnée à la fonction qu'elle remplit ; qu'elle doit être limitée et prévoir une rémunération.

Pour la société Floria Création, et en résumé, le droit communautaire de la concurrence n'est pas applicable en l'espèce ; que la validité de la clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard du droit interne et non au regard du règlement d'exemption du 22 décembre 1999 ; que cette clause est justifiée au regard du savoir-faire transmis à son franchisé ; qu'elle est limitée ; que l'absence de rémunération est sans incidence sur la validité d'une clause de non-concurrence contenue dans un contrat de franchise ; que la société Villaflora est mal fondée à solliciter l'indemnisation d'un quelconque préjudice résultant de la perte de sa clientèle.

Aux termes de l'article 81 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté européenne, sont interdits les accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

Selon une communication de la Commission concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 81 susdit, parue au JO des Communautés européennes le 22 décembre 2001, "les accords entre petites et moyennes entreprises...sont rarement en mesure d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres. Les petites et moyennes entreprises sont actuellement définies ... comme les entreprises ayant moins de 250 salariés et soit un chiffre d'affaires annuel de 40 millions d'euros au maximum soit un bilan annuel de 27 millions d'euros au maximum... Les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre Etats membres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l'article 81 paragraphe 1 du Traité si la part de marché détenue par chacune des parties à l'accord ne dépasse pas 15 % sur chacun des marchés en cause affectés par l'accord, lorsque l'accord est passé entre des entreprises qui ne sont pas des concurrents existants ou potentiels sur aucun de ces marchés (accords entre non concurrents)".

Cependant, un règlement d'exemption aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1 du Traité CE n'établit pas de prescriptions contraignantes ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l'article 81, paragraphe 1 du Traité CE.

Force est de constater avec la SAS Floria Création qu'en l'espèce, il n'est pas établi que la clause de non-concurrence incriminée exerce une influence sur le commerce entre Etats membres. Aucun élément ne permet d'établir qu'elle est susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres et qu'elle a pour objet ou d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, que de même rien ne permet d'établir que le contrat de franchise entre dans le champ d'application du droit communautaire en ce qu'il aurait été conclu entre des entreprises en mesure d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres au regard de leur taille des entreprises contractantes.

Aucune des deux conditions cumulatives d'application du droit communautaire de la concurrence n'étant remplie, la validité de la clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard du droit interne.

Au demeurant, la société Floria création a développé un savoir-faire s'agissant de la commercialisation en vente libre-service de fleurs coupées, qu'il est nécessaire de protéger.

Comme le souligne à juste titre la SAS Floria Création, le contrat de franchise n'est pas tenu de contenir une définition du savoir-faire.

En l'espèce, la définition du savoir-faire est tout d'abord contenue dans le préambule du contrat de franchise qui prévoit qu'"il s'agit d'un savoir-faire mis au point portant sur la commercialisation d'une gamme de produits, à savoir la vente de fleurs, offrant le meilleur service possible à la clientèle en lui permettant d'accéder à une plus large gamme de produits, aux meilleurs prix possibles et en bénéficiant de prestations et d'un accueil originaux".

Il est par ailleurs stipulé à l'article 1 que le franchiseur concède le droit d'exploiter la franchise, c'est-à-dire d'utiliser la marque et ses signes distinctifs, ainsi que son savoir-faire pour l'exploitation exclusive du magasin, la description de la marque la description de la marque Rapid'Flore publiée à l'INPI étant annexée audit contrat.

Il est ensuite mentionné en page 4 du contrat sous le titre "Définition - Cahier des charges" : celui-ci "désigne tous supports établis par le Franchiseur décrivant les produits, les savoir-faire et méthodes, l'aménagement intérieur et extérieur des locaux ainsi que les graphismes, logos et symboles représentatifs à la franchise et plus généralement tous éléments du concept Rapid'Flore".

Puis sous l'article 5 intitulé "Formations initiales" il est prévu que "préalablement à l'ouverture du magasin, le franchiseur dispensera une formation initiale auprès du franchisé et de son personnel lors d'un stage qui sera organisé par le franchiseur (...). Le franchisé s'engage à suivre et à faire suivre régulièrement à son personnel, (...) la formation initiale (...) indispensable à une transmission satisfaisante du savoir-faire. Enfin il est également stipulé à l'article 6 que le franchiseur s'engage à communiquer au franchisé "toutes améliorations qui seront apportées aux méthodes techniques commerciales et gestion transmises, précisant que le savoir-faire demeure la propriété exclusive du franchiseur."

Le savoir-faire développé par la SAS Floria Création se trouve ainsi défini.

La transmission de ce savoir-faire à la SARL Villaflora est par ailleurs établi par la réception non contestée du manuel opérationnel comprenant la transmission du savoir-faire Rapid'Flore, le cahier des charges et des normes (11 pages) (+ 30 pages en annexes) ainsi qu'un guide pratique d'ouverture d'un magasin Rapid'Flore (12 pages).

Le fait que la vente de fleurs en libre-service ne soit pas un concept propre à la SAS Floria Création ou qu'il existe d'autres réseaux exercent des activités similaires n'a pas pour effet de remettre en cause l'existence du savoir-faire du réseau Rapid'Flore.

Il est également justifié de l'existence d'une formation suivie par M. Vilarrasa, créateur avec son épouse, de la société Villaflora, de 149 h "Gestion d'un point de vente de fleurs en libre-service" comprenant non seulement un enseignement tant sur la technique d'exploitation et de gestion propres que sur les pratiques professionnelles apprentissages du nom des fleurs et plantes, confection de bouquets.

Ainsi la société Floria Création dispose d'un savoir-faire dans le cadre de la vente de fleurs coupées en libre-service qu'elle met à la disposition de ses franchisés qu'il est nécessaire de protéger.

Aucun élément ne vient établir qu'il serait aisé pour tout novice d'ouvrir un magasin de fleur en libre-service. En effet, le savoir-faire diffère des techniques de vente traditionnelles utilisées dans un commerce traditionnel de vente de fleurs, non seulement en termes d'aménagement du point de vente, mais également en termes de méthodes de vente, offrant au franchisé un concept global portant sur tous les aspects de l'exploitation d'un point de vente, relations clientèle, qualification du personnel, stockage, organisation, approvisionnement, comme l'a souligné à juste titre la société Floria Création.

La SAS Floria Création rapporte ainsi la preuve du caractère indispensable de la clause à la protection du savoir-faire, contrairement à ce que soutient la SARL Villaflora.

Selon le droit interne la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans le contrat de franchise n'est subordonnée qu'à la condition que cette clause soit limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle soit proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l'objet du contrat.

En l'espèce, la clause de non-concurrence est limitée aux douze mois qui suivent la rupture du contrat quelle qu'en soit la cause, la date ou la partie qui en aura pris l'initiative, le franchisé étant tenu à une obligation de non-concurrence à l'égard du franchiseur et/ou des autres franchisés de l'enseigne Rapid'Flore, s'interdisant également de s'affilier, d'adhérer ou de participer directement ou indirectement à un réseau national ou international concurrent.

Il est ainsi interdit à la société Villaflora l'exploitation d'une activité de vente de fleurs coupées et/ou de plantes en libre-service, l'affiliation, l'adhésion ou la participation à un réseau national ou international de vente du même produit sous les mêmes formes, ce pendant une période d'une année. L'interdiction est limitée à la seule vente en libre-service, pratique commerciale du point de vente Rapid'Flore, ce qui n'empêche nullement l'accès à des commerces plus traditionnels de vente de fleurs.

Cette interdiction est également limitée dans l'espace au territoire de la ville de Vannes.

La clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise est ainsi limitée dans le temps à une année et dans l'espace, au seul territoire de la ville de Vannes. Elle est par ailleurs conforme, voire nécessaire, aux intérêts légitimes de la SAS Floria Création, notamment de protéger son savoir-faire. La limitation d'activité ne concerne que l'activité de vente de fleurs coupées en libre-service, ce qui n'empêche donc pas à l'issue du contrat la vente de fleurs selon des méthodes traditionnelles, et donc d'exercer une activité professionnelle, qu'ainsi elle n'apporte pas une restriction importante à la liberté du débiteur de la clause de non-concurrence. Il s'ensuit qu'elle est proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l'objet du contrat.

Enfin, la société Villaflora rappelle qu'elle ne sollicite pas une indemnisation du préjudice qu'elle subit du fait de l'exercice de la clause de non-concurrence, mais la nullité de la clause de non-concurrence, dans la mesure où la société Floria Création n'a pas prévu d'indemnisation au profit de son franchisé.

Il n'est pas contesté que la société Villaflora, franchisée, dispose d'une clientèle qui lui est propre et autonome.

Toutefois, la validité d'une clause de non-concurrence n'est pas subordonnée à la stipulation d'une contrepartie financière accordée au débiteur de la non-concurrence. Ainsi l'indemnisation du franchisé à l'issue du contrat de franchise face à la perte de la clientèle n'est pas une condition de validité de la clause de non-concurrence.

Dès lors, la nullité de la clause de non-concurrence n'est pas encourue du fait de l'absence de prévision d'une telle indemnisation du franchisé à l'issue du contrat.

La société Villaflora ne développe aucun argument spécifique à la clause de non-réaffiliation au soutien de sa demande de nullité de ladite clause.

Il convient, dans ces conditions, de débouter la société Villaflora de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence et de la clause de non-affiliation ou de non-adhésion insérée dans le contrat de franchise.

- Sur les demandes de la SAS Floria Création et de la SCA Floredistri

Les sociétés Floria Création et Floredistri soutiennent qu'il n'est pas sollicité la résiliation de plein droit résultant de l'application de la clause résolutoire prévue à l'article 20 du contrat de franchise, qu'elles demandent la résiliation judiciaire des contrats de franchise et d'approvisionnement, indépendamment des termes du contrat, en application de l'article 1184 du Code civil pour violation de l'exigence de bonne foi dans l'exécution du contrat de franchise en introduisant une action à l'encontre du franchiseur sur le fondement de motifs dont elle ne pouvait ignorer qu'ils ne résisteraient pas à une analyse juridique élémentaire et des conditions dans lesquelles elle a été introduite. Elle ajoute que la résiliation est nécessitée par la perte de confiance du franchiseur dans sa franchisée, que le contrat de franchise est un contrat dont l'exécution est basée sur la confiance réciproque des parties, que tout comportement d'une des parties au contrat qui mettrait à mal la relation de confiance est intrinsèquement de nature à justifier une résiliation du contrat à ses torts exclusifs, que la SARL Villaflora a bafoué la confiance de Floria Création en l'assignant pour de faux motifs cherchant à sortir de son contrat de franchise avant son terme, que dès lors que la relation de confiance n'existe plus entre les parties, le contrat de franchise ne peut pas se poursuivre et les parties sont en droit de mettre un terme à leurs relations contractuelles

Aux termes de l'article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Sur la violation de l'exigence de bonne foi dans l'exécution du contrat

Aux termes des stipulations contractuelles, la SARL Villaflora était tenue au respect de l'image du réseau, de la marque et des signes distinctifs, au respect des normes du franchiseur. Elle avait également souscrit divers engagements relatifs à l'approvisionnement, le mobilier, l'équipement et l'enseigne, outre des obligations comptables et financières, notamment de payer une redevance au franchiseur, obligation de non-concurrence pendant et après le contrat, obligation de secret et de non utilisation hors contrat.

Le fait pour la SARL Villaflora d'avoir assigné les sociétés Floria Création et Floredistri afin d'obtenir la résiliation du contrat pour violation de la clause d'exclusivité territoriale évoquée pour les besoins de la cause, et l'absence de mise en demeure préalable, ne constituent ni un manquement du franchisé à ses engagements contractuels, ni la violation de l'exigence de bonne foi dans l'exécution du contrat.

La résiliation aux torts exclusifs ne peut donc être prononcée de ce chef.

Sur la résiliation nécessitée par une perte de confiance du franchiseur dans sa franchisée

De même, s'il s'est révélé que les motifs invoqués au soutien de sa demande de résiliation aux torts exclusifs de la SAS Floria Création n'ont pas été retenus, le seul fait d'introduire une action en justice à l'encontre de son co-contractant, même si elle a succombé dans ses demandes, ne peut être considéré comme un manquement à une obligation de loyauté contractuelle.

Si effectivement les relations entre le franchiseur et le franchisé se sont détériorées et qu'un contentieux est né entre elles, rien ne permet d'établir que le contentieux dès lors qu'il est tranché est de nature à engendrer une perte de confiance incompatible avec la poursuite des relations contractuelles, alors qu'aucune violation des obligations contractuelles ne peut être reprochée à la SARL Villaflora qui n'a fait qu'user de son droit d'agir en justice.

Il convient, dans ces conditions, de débouter les SAS Floria Création et la SCA Floredistri de leur demande en résiliation judiciaire du contrat de franchise et du contrat d'approvisionnement aux torts exclusifs de la SARL Villaflora pour rupture de la relation de confiance.

Le jugement entrepris sera par conséquent également confirmé sur ce point.

- sur les autres demandes

La SARL Villaflora succombe en son appel. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à une indemnité de procédure qu'il a justement évaluée, ainsi qu'aux dépens.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Déboute la SARL Villaflora, la SAS Floria Création et la SCA Floredistri de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.