CA Colmar, 1re ch. civ. A, 30 octobre 2013, n° 12-03546
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Clean Car (SARL)
Défendeur :
Hypromat France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vallens
Conseillers :
Mmes Schneider, Roubertou
Avocats :
Mes Cahn, Litou-Wolff, Lévy
Le 22 mai 1997, la SA Hypromat a conclu un contrat de franchise avec la SARL Clean Car en vue de l'exploitation d'un centre de lavage automobile à Challans (85) et ce pour une durée de 9 ans.
Ce contrat portait concession du droit d'usage de la marque Hypromat et Eléphant bleu et transmission du savoir-faire et du mode d'identification visuelle.
L'article 14 du contrat prévoyait qu'en cas de résiliation du contrat le franchisé perdrait immédiatement les droits concédés et devrait cesser toute utilisation de la marque et déposer les enseignes et tout signe d'appartenance au réseau, sous peine d'indemnités et d'astreinte.
Le contrat arrivé à son terme le 22 mai 2006 n'a pas été renouvelé et par courrier du 26 juillet 2006, la SA Hypromat a rappelé à la SARL Clean Car ses obligations à la cessation du contrat.
La SARL Clean Car a poursuivi l'exploitation du fonds en retirant les éléments emblématiques tels le totem et les éléments publicitaires, mais en conservant les appareillages de couleur bleu et les grilles d'évacuation des eaux usées portant le logo caractéristique de la marque.
Par ordonnance de référé du 28 octobre 2008, le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SARL Clean Car à modifier l'aspect extérieur de la station de lavage en supprimant les marques figuratives et les couleurs blanc et bleu, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de l'ordonnance et à payer à la SA Hypromat une provision de 10 000 euro à valoir sur l'indemnité contractuelle.
Par arrêt du 20 octobre 2009, la cour d'appel a confirmé cette ordonnance pour l'essentiel, l'indemnité provisionnelle étant toutefois réduite à 6 000 euro.
Par acte du 7 décembre 2009, la SA Hypromat a fait assigner la SARL Clean Car devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 50 000 euro à titre d'indemnité contractuelle.
Elle se prévalait essentiellement des constatations faites par Me Gaboreau huissier de justice dans le cadre de son procès-verbal du 16 avril 2008.
La SARL Clean Car répliquait que le procès-verbal de constat ne lui était pas opposable puisqu'il avait été obtenu par une ordonnance sur requête qui ne lui avait pas été signifiée.
Par jugement du 7 mai 2012, le tribunal de grande instance a considéré que si le procès-verbal constat du 16 avril 2008 n'était pas opposable à la SARL Clean Car en revanche celui du 11 juin 2008 effectué depuis la voie publique l'était, qu'il résultait de ce procès-verbal que la SARL Clean Car faisait toujours usage de signes distinctifs de la SA Hypromat, et que la SARL Clean Car avait méconnu ses obligations même s'il s'agissait d'obligations relativement mineures.
Le tribunal a estimé que la pénalité réclamée était excessive et devait être réduite.
Le tribunal a ainsi condamné la SARL Clean Car à payer à la SA Hypromat la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts ainsi qu'un montant de 1 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Clean Car a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
La SARL Clean Car demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter la SA Hypromat de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 7 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que la preuve de manquements à ses obligations postérieures à l'extinction du contrat n'est pas rapportée, que le "constat interne" est dénué de toute valeur probant, que le procès-verbal de constat du 16 avril 2008 lui est inopposable puisque l'ordonnance sur requête l'ayant autorisé ne lui a pas été signifiée, et que le procès-verbal de constat du 11 juin 2008 procédant depuis la voie publique montre avant tout que les logos et slogans spécifiques de la franchise ont été retirés.
Elle considère que dans ces conditions, aucune confusion ne pouvait exister sur le fait qu'elle n'appartenait plus au réseau Eléphant bleu, le seul emploi de la couleur bleue ne pouvant être réservée à l'intimée.
Elle indique que depuis plusieurs années, il n'existe plus le moindre grief puisqu'elle a adopté une signalétique différente et a choisi une nouvelle couleur dominante, le vert.
Elle estime que le préjudice est inexistant expliquant le délai de la SA Hypromat à agir, que la clause pénale est exorbitante ce d'autant que les troubles allégués ont cessé, et qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun trouble commercial qui aurait été généré par ses prétendus manquements.
La SA Hypromat conclut au rejet de l'appel et à l'allocation d'une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur son appel incident, à ce que la cour infirme le jugement au regard du montant de l'indemnité allouée et condamne la SARL Clean Car à lui payer la somme de 50 000 euro à titre d'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009.
Elle réplique que le fait pour la station de conserver les couleurs spécifiques de la franchise ainsi que la marque nominative et figurative constitue une violation de ses obligations contractuelles, une concurrence déloyale à l'égard du réseau, une tromperie envers les consommateurs et une captation de sa notoriété et de son image de marque.
Elle rappelle que conformément à l'article 10 du contrat, elle était en droit de mettre en compte une indemnité de 1 524 euro par jour durant les trois années qu'ont duré ces manquements, lesquels n'ont eu pour objectif que de permettre à l'ancien franchisé de conserver la clientèle attachée au réseau Éléphant Bleu, sa notoriété et son image de marque.
VU LES PIÈCES DE LA PROCÉDURE
Attendu que le contrat de franchise qui avait été conclu entre les parties comporte des obligations à la cessation du contrat, définies par l'article 14 prévoyant la cessation par le franchisé de toute utilisation de la marque, des emblèmes, des posters, affiches, éléments publicitaires, tous matériels ou articles portant la marque, et l'engagement de faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que le blanc et le bleu ;
Attendu que la SA Hypromat fournit trois éléments de preuve pour démontrer la persistance de l'utilisation par la SARL Clean Car de divers signes distinctifs de la marque, à savoir un constat interne établi par un de ses salariés le 12 février 2008, un procès-verbal de constat du 16 avril 2008 autorisé par une ordonnance sur requête, et un second procès-verbal de constat du 11 juin 2008 ;
Que si le procès-verbal de constat de Me Gaboreau huissier de justice a bien été autorisé par ordonnance sur requête, il n'en demeure pas moins que conformément à l'article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile, la copie de la requête et de l'ordonnance aurait dû être "laissée à la personne à laquelle elle est opposée" et ne l'a pas été ;
Que dans ces conditions, les constatations contenues dans ce constat sont inopposables à la SARL Clean Car de sorte que la SA Hypromat ne peut s'en prévaloir ;
Qu'en revanche, les autres moyens de preuve doivent être admis et sont soumis au débat des parties ;
Qu'il ressort du constat interne établi le 12 février 2008 par une salariée de la SA Hypromat que les éléments les plus emblématiques ont été retirés : l'enseigne, les panneaux publicitaires, le drapeau, les panneaux de circulation, l'inscription "Eléphant Bleu" sur la structure, les jetons caractéristiques, et la plaque du commerçant ;
Qu'en revanche, il résulte du procès-verbal de constat du 11 juin 2008, postérieur de deux ans à l'expiration du contrat, qu'à cette date la station de lavage exploitée par la SARL Clean Car était toujours dans les teintes bleu et blanc caractéristiques de la marque, que sur les aspirateurs apparaissait le logo partiellement masqué et le message d'incitation à utiliser la poubelle, et que la forme d'un éléphant étant encore visible sur deux grilles de lavage ;
Que ces éléments qui n'ont été contredits par aucun élément de preuve fourni par la SARL Clean Car témoignent d'un manquement à ses obligations contractuelles ;
Attendu qu'il résulte du dossier photographique produit que la SARL Clean Car a depuis lors remédié à ces manquements et repeint les éléments caractéristiques de la station en adoptant une couleur verte ;
Qu'ainsi le préjudice commercial subi par la SA Hypromat né de la seule méconnaissance des obligations du contrat qui protège sa marque et son réseau de franchisés a été limité dans son intensité et dans sa durée ;
Qu'en considération du délai s'étant écoulé entre l'expiration du contrat et l'introduction de la procédure, de ce que la SARL Clean Car a spontanément retiré les signes les plus emblématiques de la marque et a, après l'ordonnance l'y contraignant, mis fin aux manquements reprochés, il convient de considérer que l'indemnité mise en compte à hauteur de 50 000 euro est manifestement excessive et doit être réduite à 8 000 euro ;
Que cette indemnité ne se cumule pas avec celle allouée à titre de provision en référé qui vise réparer le même préjudice ;
Que le point de départ des intérêts à compter du 7 décembre 2009 date de l'assignation n'est pas discuté ;
Qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce sens ;
Attendu que si la demande de l'appelante est en partie retenue, celle-ci reste néanmoins tenue au paiement d'une indemnité sanctionnant ses manquements contractuels ;
Que dans cette mesure les dépens d'appel doivent être mis à sa charge ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare les appels recevables, Au fond fait droit pour partie à l'appel principal, Rejette l'appel incident, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Clean Car à payer à la SA Hypromat à titre d'indemnité contractuelle la somme de 15 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009, Et statuant à nouveau, Condamne la SARL Clean Car à payer à la SA Hypromat la somme de 8 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Clean Car aux dépens.